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496. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

Il ne nie point l’amour paternel, l’amour maternel ; et c’est probablement qu’il reconnaît qu’ils existent et à l’état pur. S’il dit : « si l’on croit que c’est par amour pour elle que l’on aime une femme, on est bien trompé », il ne dit point : « si une mère croit que c’est par amour pour lui qu’elle aime son enfant, elle se trompe ». […] L’un l’aimait comme un père spirituel à qui il devait reconnaissance du don de la vie ; l’autre l’aimait comme un homme à qui il devait de savourer continuellement sa supériorité intellectuelle ; l’un l’aimait avec dévotion, l’autre avec égoïsme ; l’un l’aimait de tout l’amour que l’on a pour l’être d’élection, l’autre de tout l’amour que l’on peut avoir pour soi-même ; et l’un était fier de se dire que, s’il rencontrait Proudhon, il le réfuterait et le confondrait assurément ; et l’autre de se dire que, s’il rencontrait Proudhon, il l’expliquerait à lui-même avec une clarté définitive.

497. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Ouvrez au hasard ce charmant petit livre, à l’encre rouge, et voyez si à toute page vous ne trouvez pas cet amour sensuel de la forme, cette exagération violente du pittoresque, ce mépris du bourgeois qui appartient à Gautier comme le mépris du philistin appartient à Heine, ce mutisme religieux, cette sombre et voluptueuse étreinte des choses finies, cette conception brute et blême de l’amour sans idéal et de la mort sans immortalité, et enfin, pour parachever le tout, l’éternelle assomption des Clorindes du bal Mabille et de la Maison-d’Or, qui meurent, dit le poète (dans Les Vignes du Seigneur) : L’estomac ruiné de champagne Et le cœur abîmé d’amour ! […] La seule différence qu’il y ait entre l’imitateur et le modèle, c’est que Monselet a l’amour de la nature, que Gautier met presque un singulier orgueil à ne point avoir. […] Monsieur de Cupidon — comme dit la vieille petite nudité de ce nom — est, on s’en doute bien, cet Amour que le xviiie  siècle avait conçu et réalisé, dont la monographie est depuis longtemps trop connue pour que nous la recommencions, et qui, revenu après sa mort sous la forme d’un dandy moderne, traverse le monde et retrouve tous les personnages de sa vie antérieure, affublés comme lui de formes nouvelles : Voici monsieur Dubois plaisamment fagoté ! Individualisé de la sorte par la fantaisie de l’auteur, cet Amour passa en zigzag dans le xixe  siècle, et il en oppose les particularités et les mœurs aux mœurs et aux particularités de la société d’autrefois.

498. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Mais quiconque a pratiqué et goûté les vieux maîtres de notre xvie  siècle ne saurait accorder trop d’estime à leur disciple original, à l’aimable et modeste poëte qui a eu de dures années de jeunesse et qui s’en dédommage aujourd’hui dans d’ingénieux loisirs ; qui aime la nature, la campagne, l’amour, l’amitié et toutes les belles et bonnes choses de l’art et de la vie. […] Le nocturne fanal, complice de l’amour, Annonce au gai chasseur qu’on l’attend au retour, Minuit sonnant, près de la grille. […] Si Arvers a beaucoup péché, il lui sera beaucoup pardonné pour ce sonnet-là : Mon âme a son secret, ma vie a son mystère, Un amour éternel en un moment conçu : Le mal est sans espoir, aussi j’ai dû le taire, Et celle qui l’a fait n’en a jamais rien su Hélas ! […] Pour elle, quoique Dieu l’ait faite douce et tendre, Elle suit son chemin, distraite, et sans entendre Ce murmure d’amour élevé sur ses pas. […] J’en suis revenu à ce qui fut longtemps mes amours.

499. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Pour l’amour de la passion de Notre-Seigneur Jésus ! […] pour l’amour de Dieu, sept. […] Aux vantardises de ce dernier, à ses vaines prouesses accomplies le ventre vide, à son amour de la gloire, on opposa l’amour de la cuisine, l’appétit héroïque, le ventre rebondi de son valet. […] Par l’amour que je porte à ma pauvre âme, je vous dis en vérité que j’ai cherché dans toute la ville, et n’ai trouvé personne qui pût vous convenir.

500. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

L’amour est chez lui une petite fièvre, vite calmée. […] L’amour a très peu inspiré Victor Hugo. […] Mais le goût du plaisir, ce n’est pas l’amour. […] Alfred de Musset pense que dans la vie il n’y a que l’amour. […] Don Juan c’est, comme vous le savez, la personnification de l’amour, ou de la poursuite de l’amour.

501. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Il y a des souvenirs d’enfance, la Maison de ma Mère : Et je ne savais rien à dix ans qu’être heureuse ; Rien que jeter au ciel ma voix d’oiseau, mes fleurs ; Rien, durant ma croissance aiguë et douloureuse, Que plonger dans ses bras mon sommeil ou mes pleurs ; Je n’avais rien appris, rien lu que ma prière, Quand mon sein se gonfla de chants mystérieux ; J’écoutais Notre-Dame et j’épelais les cieux, Et la vague harmonie inondait ma paupière : Les mots seuls y manquaient ; mais je croyais qu’un jour On m’entendrait aimer pour me répondre : Amour ! […] Oui, ma fille, plus tard Vous trouverez l’amour et la vie… autre part. » Dans une autre pièce qui a pour titre : Avant toi ! […] Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais. […] Va retrouver l’amour, le même !

502. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Il y avait transcrit le charme secret des souvenirs, toute la poésie cachée de l’automne et la tristesse discrète de l’amour oublié. […] Georges Pioch Parce qu’il participe de la vie par cet amour qui souffre et jouit d’homme à femme, parce qu’il la surpasse en bonté et la domine par le pardon, ce livre (Les Quatre Saisons), qui nous vient avec le printemps, peut-il être admiré et chéri comme le commentaire généreux d’une année ; mieux même : de l’Année… Le goût littéraire y cueille des joies rares : celles qu’un art hautain et délicat procure et que fortifie le rayonnement d’une libre pensée ; celles, aussi, d’une surprise. […] Alors, c’est en lui la révolte de cette spontanéité, que j’ose qualifier de contre-nature et contre-Dieu, qui chante en lui et l’a voué depuis toujours à l’amour, à la bonté. […] Tout cela, et l’intimité d’amour qui l’adoucit et l’éclaire de ses grâces, M. 

503. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

Il souffre de cette plique allemande qu’on appelle l’amour de l’idéal ! L’amour de l’idéal ! […] Avant de mourir, il donne son manuscrit à lire à sa sœur, et ce manuscrit, c’est sa vie, ses amours, son séjour aux Indes, c’est le roman enfin. […] Il est indubitable que de tous les détails de son livre celui sur lequel l’auteur a le plus compté, c’est le grand épisode de l’Inde, — l’amour de Zélislas pour cette jeune indienne orpheline, l’Antigone chrétienne du missionnaire qui l’a convertie.

504. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Il est la plus haute expression de l’amour, et l’amour c’est le rêve, le grand rêve poursuivi de l’humanité. […] Il lui faut de l’amour. […] Il lui faut de l’amour. […] Mais, dans la vie, il n’y a pas que l’amour. […] Le public veut de l’amour et ne veut que de l’amour.

505. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Klingsor, Tristan (1874-1966) »

Henri de Régnier Poésie singulière, à la fois galante et funèbre, attifée et naïve, qui sent la marjolaine et le cyprès, mêlée de froissements de soie et de cliquetis d’ossements, chansons qui voltigent sur des drames latents, chansons parfumées d’amour et de mort, charmant et délicieux livre que ces Squelettes fleuris où M.  […] Au jardin d’amour Il y a des lèvres, Beau page ou pastour… Au jardin d’amour.

506. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Mais l’amour se cache sous la laideur comme sous la beauté : ce n’est pas le regard qui aime, c’est le cœur. […] La famille, l’amour, le travail, l’enfance, la jeunesse, la maturité, la sainte vieillesse, la récolte après la moisson, la mort dans l’espérance, après la vie dans la sueur. […] Il ne manquait à ce drame rural que l’amour : le voilà ! […] Un jeune et héroïque étranger, d’un grand nom, exilé comme elle de sa patrie et errant en Italie, comme elle, après l’ombre de la liberté, avait son amour. Cet amour se dénoua bientôt après par une catastrophe dont elle fut la victime.

507. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Qu’est-ce que l’amour pouvait devenir dans des mains pareilles ? […] Un de ses galants s’écrie : « Est-ce que l’amour sans le prêtre et l’autel n’est pas l’amour ? […] … l’amour d’une prostituée, d’une sorcière ! […] Tattle, resté seul avec elle, lui dit qu’il va lui faire l’amour. « Bien, et de quelle façon me ferez-vous l’amour ? […] Dois-je faire l’amour aussi ?

508. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Y a-t-il autre chose dans le romantisme que la mélancolie de René et l’amour de ce qu’on appellait en 1880 la couleur locale, c’est-à-dire le sens de l’histoire avivé par la passion des belles lignes et des belles couleurs ? […] Rien n’est meilleur que l’amour du néant ; mais rien aussi n’est meilleur que l’amour, et c’est pourquoi le monde dure encore. […] Viennent alors les idylles, Glaucé, Klytie, Kléariste, la Source, etc., songes d’amour enchanté, tout près de la nature, pleins d’images ravissantes, presque sans pensée. […] Ils ne se parlent point, ils n’ont pas commerce d’amour, car elle n’est ni consciente ni juste, et elle ne saurait aimer. […] Savez-vous bien que cela suppose deux sentiments éternels et très humains, portés l’un et l’autre au plus haut degré : le désenchantement de la vie, et, seul remède durable, l’amour du beau, et du beau sans plus : j’entends le beau plastique, celui qui est dans la forme et qui peut se passer de la notion du bien, celui qu’on sent et qu’on reconnaît indépendamment de tout jugement moral, sans avoir de haine ou d’amour pour ce qui en fait la matière, que ce soit la Nature ou les actions des hommes ?

509. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Il fut, lui, un rêveur, un amoureux du loisir, de la campagne et de l’amour ; un amoureux de la vie et qui eût préféré les réalités nobles ou souriantes à leur laborieuse imitation littéraire. […] Parce qu’il ne réussissait pas à la cour, il aima la campagne ; parée que l’amour le fuyait, il aima la famille ; parce qu’il ne pouvait être un brillant capitaine, il fut un poète. […] Elles chantent en termes lyriques Bernard de Ventadour, « le poète ineffable de l’amour ». […] on n’a pas rencontré Jésus, l’âme blonde, l’âme d’amour ; on a rencontré une âme de stoïcisme, de dédain et de silence, un Zénon hégélien, Stéphane Mallarmé. […] Mais ces lèvres ne sont point faites pour les paroles d’orgueil et au passage elles les attendrissent comme des aveux d’amour.

510. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

… Ou, non moins sérieux mais plus impersonnel, croirait-il que la Charcuterie est l’Idéal des temps modernes, et l’aurait-il seulement peinte avec l’amour d’un grand artiste pour une grande chose ? […] Il y a le somptueux amour du vulgaire et du bas qui distingue ces Sans-Culottes du Réalisme, en révolution contre tout ce qui n’est pas vulgaire et bas comme eux, et qui leur ferait peindre avec des orgueils de pinceau singuliers les déjections de l’humanité. […] tout ce qui répugne le fascine… Est-ce une conséquence de son matérialisme que son amour des choses basses, ou son amour des choses basses, qui est effréné, l’a-t-il poussé à son impudent matérialisme ? […] Zola est tombé de la bourgeoisie dans le peuple, non en vue du peuple et par amour du peuple, mais parce qu’il trouvait dans ce milieu du peuple des faubourgs bas et corrompu, humainement et socialement infect, le baquet d’effroyable glaise qu’il a pétrie dans son livre… Certes ! […] Partout ailleurs qu’à ces deux places, — la scène du lavoir qui commence le livre et la scène de la forge : le duel de vanité et d’amour sur l’enclume entre les deux forgerons, — je n’ai plus vu que le système, éperdument du système, l’affectation, le procédé.

511. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Quels paysages, quel amour des paysages ! […] Amour avait pris la docte et tendre Lyonnaise, sans débats, sans défense. […] elles duraient comme notre amour, sans terme, sans bornes ! […] Amour ici signifie étude, et le salut de Béatrice c’est la capacité scientifique. […] L’Amour avait-il épuisé son carquois ?

512. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Bruxelles, Dechenne, 1910. — Contes d’avant l’amour. […] Paris, Dentu, 1894. — L’Ironique Amour (nouvelles). […] Paris, Dentu, 1897. — L’Aumône d’amour (nouvelles). Paris, Borel, 1897. — L’Homme en amour. […] Paris, Ollendorff, 1899. — Le Bon Amour.

513. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

. — Deuxième amour (1884). — Profils perdus (1884) […] — Cruelle énigme (1885). — Nouveaux essais de psychologie contemporaine (1885). — Poésies : Au bord de la mer ; La Vie inquiète, petits poèmes (1885). — André Cornélis (1886). — Un crime d’amour (1886). — Mensonges (1887). — Études et portraits (1888) […] Dans ce livre, le poète nous confesse, avec une intensité douloureuse, les troubles d’un cœur désemparé, au lendemain de la grande déception d’amour à demi racontée dans Édel.

514. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Les œuvres d’Horace, odes, épodes, épîtres, satires, amours, amitié, épanchements du cœur dans la solitude, ce sont les Confessions de J. […] Elles s’attachaient par des liens fugitifs, tantôt d’intérêt, tantôt d’amour, à des hommes de toute condition et de tout âge, aux uns pour leur opulence, aux autres pour leur beauté. […] Telles furent les jeunes étrangères dans la société desquelles Horace chercha à vingt-cinq ans la liberté, la célébrité, l’amour, seuls devoirs et seules vertus d’Épicure. […] Odes, épîtres, satires, épodes, toute sa poésie dans ses premières années n’est que le calendrier anecdotique des amours et des scandales célèbres de Rome. […] L’amour seul n’avait pas lassé ses sens ni son âme.

515. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

L’Allemand musicien — s’il n’est ni Bach ni Beethoven ni Schumann — est un bon ouvrier : de la science, de l’habileté, l’amour du métier, du courage et beaucoup d’honnêteté, beaucoup de soin à la besogne. […] Dans, le désir d’amour est le mobile de toutes sensations ; ce n’est plus l’essai d’une synthèse universelle ; mais, synthèse partielle, c’est maintenant avec une parfaite rigueur déductive. […] Titurel, Gurnemanz, les Graliens : La femme de mon amour repose en la délice de la chasteté ; adorons ! le baiser de la femme de mon amour confond nos âmes : prions ! […] Le duo «  amour sacré de la patrie  » devint un véritable hymne révolutionnaire.

516. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Et qui pour votre amour n’a point de sentiment ? […] S’il a manqué d’amour, manque-t-il de mémoire ? […] Matamore a la prétention d’être irrésistible en amour comme en guerre. […] L’amour n’est qu’un plaisir, l’honneur est un devoir. […] Quelquefois en amour trop de finesse abuse.

517. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Calemard de Lafayette était, il y a une quinzaine d’années, un jeune littérateur de Paris ; il s’occupait de poésie et de critique ; il était du groupe de l’Artiste et en train de se faire un nom, tout en se livrant à ses goûts préférés, lorsque, vers ce temps, des circonstances de famille et de fortune l’enlevèrent à la vie parisienne : il avait le bonheur et l’embarras d’être propriétaire foncier ; il se retira dans ses terres aux environs du Puy, dans la Haute-Loire, et se mit à les exploiter lui-même ; il prit goût à l’agriculture, à l’amélioration du sol et des colons ; l’amour de la poésie l’y suivit, et il combina ces deux amours, celui des champs et celui des vers : il en est résulté le poème dont j’ai à parler et qui a paru il y a quelques mois. […] L’exposition pourtant a de la beauté et de l’étendue : ……………………………………………………………………… Ces bois, ces lacs, ces monts, ces grands horizons bleus, La grotte aux verts tapis sous les rocs anguleux, Le flot qui dit sa plainte aux saules des rivages, Et les torrents grondant sur des pentes sauvages ; Tout ce qui, dans l’espace, a son bruit ou sa voix, Ce qu’on entend gémir et chanter à la fois, Ce qui verse un parfum, ce qui boit la rosée, Ce qui flotte ou se pose en la nuit embrasée, Fleurs, insectes, oiseaux, ensemble gracieux, La luciole en flamme et l’astre errant aux cieux, J’ai dans mon vaste amour compris toutes ces choses, Ô nature ! […] Et d’abord il dit porc et non cochon : Ailleurs, un bon gros porc anglais, face gourmande, Blanc et rose, et charmant pour l’école flamande, De son petit groin, noyé dans son gros cou, Flaire si la pâtée arrive vers son trou ; Tandis que dame truie, amorçant de caresse Ses petits yeux chinois clignotant dans leur graisse, Des plus doux grognements qu’amour ait inventés Rappelle ses gorets épars de tous côtés. […] C. de Lafayette : observation et vérité, jointes à ce qui en est presque inséparable, l’amour de son sujet. […] Mais il est de ces fragments, de ces accidents heureux d’art et d’étude, qui, n’ayant rien à démêler avec les œuvres triomphales, n’en existent pas moins sous le soleil : — un rien, un rêve, une histoire de cœur et d’amour, une vue de nature, une promenade près de la mare où se baignent des canards et qu’illumine un rayon charmant, — et ce que je voyais l’autre jour encore à l’exposition du boulevard des Italiens, une vue de Blanchisserie hollandaise, par Ruisdaël, le Moulin d’Hobbema, ou un simple chemin de campagne regardé et rendu à une certaine heure du soir par un pauvre diable de paysagiste français nommé Michel, qui avait le sentiment et l’amour des choses simples.

518. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre premier. De l’amour de la gloire »

De l’amour de la gloire De toutes les passions dont le cœur humain est susceptible, il n’en est point qui ait un caractère aussi imposant que l’amour de la gloire ; on peut trouver la trace de ses mouvements dans la nature primitive de l’homme, mais ce n’est qu’au milieu de la société que ce sentiment acquiert sa véritable force. […] Après cette sublimité de vertu, qui fait trouver dans sa propre conscience le motif et le but de sa conduite, le plus beau des principes qui puisse mouvoir notre âme est l’amour de la gloire. […] C’est donc au plus haut point de bonheur que l’amour de la gloire puisse donner, qu’il faut s’attacher pour en mieux juger les obstacles et les malheurs. […] D’abord, je crois que l’amour de l’éclat a rendu moins de service aux hommes, que la simple impulsion des vertus obscures ou des recherches persévérantes. […] En m’attachant avec une sorte d’austérité, à l’examen de tout ce qui doit détourner de l’amour de la gloire, j’ai eu besoin d’un grand effort de réflexion, l’enthousiasme me distrayait, tant de noms célèbres s’offraient à ma pensée ; tant d’ombres glorieuses, qui semblaient s’offenser de voir braver leur éclat, pour pénétrer jusques à la source de leur bonheur.

519. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Ainsi, dans l’amour : « lorsque cette connaissance est vraie, c’est-à-dire que les choses qu’elle nous porte à aimer sont véritablement bonnes, l’amour ne saurait être trop grande, et elle ne manque jamais de produire la joie. Je dis que cette amour est extrêmement bonne, pour ce que, joignant à nous de vrais biens, elle nous perfectionne d’autant293 ». Et dans une âme bien faite, l’amour qui n’est que le désir du bien, se portera toujours au plus grand bien connu : et le degré de l’amour sera en relation avec la perfection connue de l’objet ; il sera goût, amitié, dévotion. […] Tout le monde reconnaît ici la psychologie de Corneille : sur ces deux questions capitales, théorie de l’amour, théorie de la volonté, le philosophe souscrit aux affirmations du poète, et ne fait pour ainsi dire que donner la formule de l’héroïsme cornélien. […] Leur fantastique amour se réduit au fond au culte de la perfection, conception intellectuelle et non sentimentale.

520. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Jamais princesse ne fut si touchante… » De retour en France, elle y fut l’objet de tous les empressements imaginables, y compris ceux de Monsieur, qui « continua, jusqu’à son mariage, à lui rendre des devoirs auxquels il ne manquait que de l’amour ; mais le miracle d’enflammer le cœur de ce prince n’était réservé à aucune femme du monde ». […] Tout s’ouvrait à la joie, à la galanterie, aux idées de gloire et d’amour, et aussi à l’esprit qui y avait part : car, à peine Madame fut-elle mariée et se fut-elle détachée de la reine sa mère qui la gardait à ses côtés, « ce fut une nouvelle découverte de lui trouver l’esprit aussi aimable que le reste ». […] Ces amours, cet exil du comte de Guiche, avaient fait bruit, et il en résulta un de ces libelles imprimés en Hollande, auxquels Bussy-Rabutin a le triste honneur d’avoir donné l’exemple par ses Histoires amoureuses. […] Il se prosterna contre terre et fit une prière qui me charma ; il entremêlait des actes de foi, de confiance et d’amour. […] Louis XIV, en se liant avec elle d’une amitié si vraie et qui avait dominé l’amour, semblait avoir voulu s’attacher à régler cet heureux naturel et à lui donner de ses propres qualités : « il la rendit en peu de temps une des personnes du monde les plus achevées ».

521. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Et avec le sentiment de Dieu, l’amour de Dieu s’affaiblissait. […] L’humanisme a naturellement aussi l’amour de la grandeur. […] Et pourquoi cet amour des changements ? […] La science ou l’amour de la science y était un passeport et un sauf-conduit. […] Ce qui est fortuit c’est l’objet de l’ambition, l’objet des désirs, l’objet de l’amour.

522. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

Les amours de Gabrielle et de Bourbon peuvent être supprimées de la Henriade, sans que l’action y perde rien. […] Il excuse la peinture de leurs vives galanteries, en présumant que Cupidon, étant allégoriquement l’amour de Dieu ou le Saint-Esprit, l’auteur ne présente que des voluptés spirituelles. […] Je me soumettais, quand un reste de cet amour qu’on a pour ses propres créations me persuada de ne rien changer avant d’avoir reçu l’avis du poète qui nous a traduit l’Énéide. […] Les lois de l’attraction qui influe sur les marées me fournirent le tableau des mystérieux amours de l’Océan pour la tendre Ménie, déité qui représenta la lune dont les phases varient les agitations des mers. […] Je retrouvai dans les sexes des fleurs, parmi les zoophytes et les madrépores, de nouvelles amours, et jusqu’aux hermaphrodites de la fable.

523. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Glasenapp dit : « Dans la scène d’amour du second acte, les idées du philosophe ont été exprimées à la perfection dans le langage de la poésie et de la musique. » (I, 385) ; M.  […] Ceux qui ont étudié la Métaphysique de l’Amour savent que Schopenhauer ramène toute manifestation de l’amour aux instincts sexuels. […] Celui qui pouvait retrouver cette précieuse relique était assuré de la toute puissance et de l’immortalité. — Lohengrin, au lieu de ces dons, a trouvé le bonheur terrestre et l’amour. […] M. de Egusquiza avait connu Richard Wagner ; il possédait ou put se procurer de nombreux documents photographiques : de retour à Paris il se mit à l’ouvrage, et si jamais travail fut fait avec amour, ce fut certes celui-là. […] On rapproche souvent le duo d’amour du second acte de Tristan à la philosophie de Schopenhauer ainsi que la scène finale du Crépuscule des Dieux.

524. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Entrez à cette fête heureuse des yeux enchantés et des oreilles charmées, vous n’entendrez parler que de l’amour, vous n’avez sous les yeux que des faces amoureuses et tout au moins des galanteries à brûle-pourpoint ! […] Encore une fois, c’est un mensonge, cette morale en pleine bouffonnerie, en pleine licence, en plein exercice de l’amour, de la colère, de la tromperie, de la gourmandise et des plus mauvais instincts du cœur humain. […] Le beau remède, en effet, aux fêtes de l’amour et aux charmantes folies de la jeunesse, que de se mettre à se moquer et à rire. […] Une fois cette intervention acceptée, on ne sait plus où s’arrête cette contagion de l’esprit, de l’amour et du hasard… « Enervis histrio, dum amorem fingit infligit ! […] Elle devrait quelque pitié à l’amour de ce pauvre Arnolphe…, elle se jette à la tête du premier venu qui lui parle.

525. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

Le grand art demeure donc à quiconque obtient des gammes d’amour ou de souffrance, que l’assonance propage, sans dissonance qui agace. […] Car ils prennent garde que toutes choses vivent une vie métaphysique ; qu’il n’y a pas de si médiocre molécule qui ne soit le signe d’une existence abstraite ; que le visible demeure le symbole de l’invisible1 ; que la beauté extérieure dénonce la beauté intime2 ; que comme l’âme humaine est le miroir où reluit le monde, le monde est le miroir où reluit Dieu ; que tout s’exalte et tourbillonne dans un ouragan d’amour ; que tout halète et s’agenouille et prie pour l’offrande universelle au Seigneur. […] Certains ont confondu l’art antique, dressant des symboles de sentiments, rendant concret l’abstrait : ainsi Vénus personnifiant la Volupté ; Éros : l’Amour, Pallas : la Sagesse ; … Mais cet art — que plagient les écrivains romans — était matérialiste.

526. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface de 1833 »

Il n’y a dans Han d’Islande qu’une chose sentie, l’amour du jeune homme ; qu’une chose observée, l’amour de la jeune fille. […] Pour revenir au roman dont on publie ici une nouvelle édition, tel qu’il est, avec son action saccadée et haletante, avec ses personnages tout d’une pièce, avec ses gaucheries sauvages, avec son allure hautaine et maladroite, avec ses candides accès de rêverie, avec ses couleurs de toute sorte juxtaposées sans précaution pour l’œil, avec son style cru, choquant et âpre, sans nuances et sans habiletés, avec les mille excès de tout genre qu’il commet presque à son insu chemin faisant, ce livre représente assez bien l’époque de la vie à laquelle il a été écrit, et l’état particulier de l’âme, de l’imagination et du cœur dans l’adolescence, quand on est amoureux de son premier amour, quand on convertit en obstacles grandioses et poétiques les empêchements bourgeois de la vie, quand on a la tête pleine de fantaisies héroïques qui vous grandissent à vos propres yeux, quand on est déjà un homme par deux ou trois côtés et encore un enfant par vingt autres, quand on a lu Ducray-Duminil à onze ans, Auguste Lafontaine à treize, Shakespeare à seize, échelle étrange et rapide qui vous a fait passer brusquement, dans vos affections littéraires, du niais au sentimental, et du sentimental au sublime.

527. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

La cadette, je suppose, est restée recueillie en elle-même et discrète ; elle s’est rattachée par un retour pieux au foyer domestique, au bourg natal, aux mœurs, au paysage du lieu, aux amours de sa blonde enfance ; elle a gardé son culte simple ; elle peut retrouver au besoin son accent du pays ; elle se rappelle encore tous les noms, et s’enferme souvent pour chanter ses airs anciens et pleurer plus à l’aise à ses souvenirs. […] Cet amour fidèle pour la jeune paysanne bas-bretonne Marie est comme le son fondamental que divisent d’autres sons harmoniques, mais qui reparaît d’espace en espace à certains nœuds. […] Ce sont d’autres souvenirs du pays et de la famille, des noces singulières, des retours de vacances, des adieux et de tendres envois d’un fils à sa mère, de calmes et riants intérieurs de félicité domestique ; ce sont par endroits des confidences obscures et enflammées d’un autre amour que celui de Marie, d’un amour moins innocent, moins indéterminé et qui peut se montrer sans rivalité dans les intervalles du premier rêve, car il n’était pas du tout de même nature ; ce sont enfin les goûts de l’artiste, les choses et les hommes de sa prédilection, le statuaire grec et M. […] Quand les hommes n’ont plus que des songes moroses, Heureux qui sait se prendre au pur amour des choses, Parvient à s’émouvoir et trouve hors de lui, Hors de toute pensée, un baume à son ennui !

528. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

toujours et toujours des amours : mais les bêtes même n’ont qu’un temps pour cela ; elle répondit : C’est que ce sont des bêtes. […] Son amour dura plusieurs années avec une telle exaltation, que personne, dans sa société la plus intime, n’eût osé lui adresser un mot de la plus légère galanterie. […] Madame de La Sablière regarda d’abord cette distraction, cette désertion ; elle examina les mauvaises excuses, les raisons peu sincères, les prétextes, les justifications embarrassées, les conversations peu naturelles, les impatiences de sortir de chez elle, les voyages à Saint-Germain où il jouait, les ennuis, les ne savoir plus que dire ; enfin, quand elle eut bien observé cette éclipse qui se faisait, et le corps étranger qui cachait peu à peu tout cet amour si brillant, elle prit sa résolution, le ne sais ce qu’elle lui a coûté. […] … » Je me suis un peu trop étendu peut-être sur les amours de madame de La Sablière, mais de telles amours, décrites par madame de Sévigné, ne sont pas des longueurs.

529. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

Villon a toujours gardé en lui l’amour de sa mère, cet amour qui nous embaume si mélancoliquement la vie quand notre mère n’est plus, la foi ardente du Moyen Âge au Dieu crucifié, le sentiment de l’honneur de la France, et la fidélité dans l’amour, — même dans l’amour coupable et trahi — l’immortelle fidélité des âmes fortes ! […] Et vraiment, si l’imagination humaine est ainsi faite que, dans les poèmes de lord Byron, par exemple, elle pardonne même au crime en faveur d’un noble sentiment que l’âme a gardé dans sa pureté première, si la fidélité de Conrad le Corsaire est plus belle enchâssée dans cette vie de bandit, comme un diamant qui rayonnerait mieux dans une monture noire, cette fidélité dans l‘amour qu’il avait, lui aussi, profitera au pauvre Villon.

530. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Embrasse-moi et donne-moi la mort, mon amour !  […] Ils étaient tous les deux mécontents de leur sort et avides d’amour. […] Les libraires recommandèrent aux auteurs de parler de la foi et de l’amour. […] Il fut longtemps rebelle à l’amour. […] Il l’aimait d’amour.

531. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

On y reconnaît un amour reposé des champs, non pas tant pour le plaisir de les chanter que pour la douceur et l’habitude d’y vivre. […] À côté et à la suite des stances de Racan, il faut relire les derniers vers de la fable de La Fontaine, Le Songe d’un habitant du Mogol, sur l’amour de la retraite : c’en est comme la continuation dans la même nuance, dans le même langage. J’indiquerai également, comme sorties du même courant et de la même source, comme inspirées par un semblable et pur amour de la campagne, les belles et douces stances de Lamartine dans ses secondes Méditations poétiques : « Ô vallons paternels ! […] Sa poésie pastorale me paraît surtout manquer de naïveté franche, et de cet amour des champs qu’avait Racan. […] Il a la colère contre la ville plutôt qu’il n’en a l’oubli et l’amour des champs.

532. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Rodrigue, après les premiers mots de compliment à son père, essaye de se lamenter sur son amour, sur la perte de son bonheur. […] Le bon roi qui s’en doute, et qu’on a averti de cet amour, imagine, à l’instant, une feinte qui semble même un peu forte pour lui. […] Il est devenu sourd sur l’article de l’honneur : si on veut l’ébranler, il faut qu’on touche une autre corde, une seule, celle même de l’amour. […] Corneille n’a extrait et dû extraire qu’un Cid, modèle d’amour et d’honneur, tel qu’il le fallait pour arracher des larmes au jeune d’Enghien et à cette valeureuse jeunesse. […] Faut-il s’étonner, après cela, que tout ce qui est amour et divin délire ait été peu compris par le docte Corps ?

533. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Puis, tout à côté, jaillit l’apostrophe outrageante et impie aux vieillards, dérision dure qui les traîne devant nous par les cheveux, afin qu’ils nous récitent, un pied dans la tombe, leurs joies de vingt ans, comme s’il n’y avait de sacré au monde que la jeunesse, la beauté et l’amour. […] Le durus Amor, l’Amour, fléau du monde, exécrable folie 68, n’avait jamais été étreint plus au vif, et, pour ainsi dire, plus au sang. […] De quel sang es-tu fait, pour marcher dans la vie Comme un homme de bronze, et pour que l’amitié, L’amour, la confiance et la douce pitié, Viennent toujours glisser sur ton être insensible, Comme des gouttes d’eau sur un marbre poli ? […] Le plus beau passage du volume, ces stances du milieu de Namouna, que nul ne se chantera sans larmes, ce Don Juan vraiment nouveau, réalisé d’après Mozart, qu’est-ce encore, je le demande, sinon l’amas de tous les dons et de tous les fléaux, de tous les vices et de toutes les grâces ; l’éternelle profusion de l’impossible ; terres et palais, naissance et beauté ; trois mille71 noms de femmes dans un seul cœur ; le paradis de l’enfer, l’amour dans le mal et pour le mal, un amour pieux, attendri, infini, comme celui du vieux Blondel pour son pauvre roi ? […] Ce qui n’a pas été remarqué, c’est que cette apostrophe si admirée à l’Amour n’est autre qu’un passage de la Notice de Latouche sur André Chénier ; Latouche y apostrophait déjà en propres termes « ce sentiment qui tient à la douleur par un lien, par tant d’autres à la volupté.

534. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Son mari et elle se croyaient d’abord fort épris l’un de l’autre, mais l’illusion dura peu : elle seule l’aimait, et encore d’un premier amour de pensionnaire. […] Cette fine et rusée matrone s’est aperçue de l’amour de Francueil, et croit deviner celui qu’on lui rend ; elle veut le pénétrer, l’aider, s’y entremettre, se rendre utile, nécessaire, et le tout à son profit. […] Votre haine n’est autre chose que l’amour humilié et révolté : vous ne guérirez de cette funeste maladie qu’en aimant quelque autre objet plus digne de vous. » — « Ah ! […] Francueil d’abord se montre sous un jour flatteur : cet amour entre Mme d’Épinay et lui est bien l’amour à la française, tel qu’il peut exister dans une société polie, raffinée, un amour sans violent orage et sans coup de tonnerre, sans fureur à la Phèdre et à la Lespinasse, mais avec charme, jeunesse et tendresse. Il entre de la bonne grâce, de la finesse et de l’esprit, il entre du goût des beaux-arts et de la musique dans cet amour.

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