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41. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Nos cœurs vers l’horizon s’élancent, Et nos secrets instincts doivent être obéis. […] Elle percevra mieux le bruit de son cœur, mêlé à l’orchestration de toutes les autres palpitations de la nature. […] Voici pourquoi mon cœur est lourd dans ma poitrine Que l’on m’enterre avec tout le poids de mon cœur. […] ce cœur triste, ce cœur fou, Que ne puis-je, comme un caillou, Le saisir, l’arracher d’un coup Et le lancer je ne sais où ! […] Orgues de la nuit, cloches du cœur qui battent aux artères le rythme des souvenirs et des peines : on entend le branle monotone d’une cloche mystérieuse qui sonne dans notre cœur, et au loin dans la forêt.

42. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Aux brûlantes paroles d’Armand, ce cœur engourdi se réchauffe. […] La femme vénale traîne, après elle, un boulet d’or rivé à sa marche ; on ne trafique pas impunément de son cœur. […] Est-ce que Cypris aurait aussi blessé ton cœur ?  […] elle l’aime déjà, de toute la folie de sa tête, de toute l’oisiveté de son cœur. […] La femme qui fouille dans son cœur est celle qui fouillait, l’autre jour, dans son armoire.

43. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Ce souvenir vivifie mon cœur rajeuni et me détourne de la mort ! […] La manière dont elle baisse les yeux s’est incrustée à fond dans mon cœur. […] Tu es un bon, un excellent cœur ; mais je crois que tu n’en as pas beaucoup. […] et sa présence me serre le cœur. […] ne pourrai-je jamais passer tranquillement une heure sur ton sein, serrer mon cœur contre ton cœur et confondre mon âme dans la tienne !

44. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Tristesse au fond du cœur, sourire encore sur les lèvres. […] Nous préférons ses sonnets, parce qu’ils sont plutôt une explosion de son cœur qu’une méditation de son esprit. […] Connaissez-vous une plus belle âme, un cœur plus tendre et qui vous aime davantage ? […] Jamais nom de femme n’eut pour monument un tel cœur, un tel génie et de tels vers ! […] Il y a des célébrités pour l’oreille du vulgaire et des célébrités pour les cœurs d’élite ici-bas ; ces dernières sont moins retentissantes, mais elles sont plus chères, plus sacrées, plus consanguines, si l’on peut parler ainsi, à nos propres cœurs.

45. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Enfin je n’ai trouvé qu’en lui la grâce et la charité constante du cœur. […] » C’était un mouvement passager de haine, et j’ai passé à travers avec un grand serrement de cœur. […] … « Je vous embrasse tous du fond de mon cœur. […] Pour nos cœurs feu, c’est froid. […] Le cœur est inventif.

46. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

« “L’amour, qui s’allume rapidement dans un cœur sensible et tendre, s’alluma dans le cœur de celui-ci pour le corps que j’avais alors, et qui me fut ravi par une mort dont l’horreur irrite encore ma mémoire. […] « “Nous lisions un jour par entraînement comment l’amour étreignit le cœur de Lancelot. […] C’est un coup de pinceau satanique enfoncé à travers le cœur par la griffe des démons. […] Divine réticence de ces cinq cœurs ! […] « Est-ce que tes honteux souvenirs n’ont pas déjà été effacés par l’eau de ton cœur ?

47. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

Et n’y en aurait-il plus — tout serait-il fini dans le cœur humain — qu’il faudrait les publier encore, comme on élève un autel dans la solitude, pour l’honneur de Dieu ! […] Un roman de cœur. […] Paul Viollet fait tout ce qu’il peut pour nous arranger un La Gervaisais qui, de cœur, n’aurait pas été pour la princesse une mésalliance. […] Elle est naïve, rien ne s’interpose entre son cœur et nous : à peine les mots ! […] Elle sentit cette peur sublime qui est l’héroïsme contre soi… Elle arracha son cœur à l’homme qu’elle aimait comme on arrache son cœur à l’être qui l’a pris, en lui en laissant tous les lambeaux déchirés !

48. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

s’ils savaient ce qui se passe dans mon cœur ! […] Le cœur n’apprend que par la souffrance, et je crois, comme Kant, que Dieu ne s’apprend que par le cœur. […] Celui qui connaît son cœur dira toujours : « Oui, oui !  […] si vous connaissiez ma tête et mon cœur ! […] Allons, tant mieux pour ceux qui en ont le cœur.

49. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Mais deux choses n’ont pas changé : la nature et le cœur humain. […] L’invention de l’esprit n’est point féconde, l’invention du cœur donne seule la vie. […] Il n’y a pas une noble tendresse du cœur humain qui n’ait sa note sur le clavier d’Homère ; il ne charme pas, il n’émeut pas seulement, il pétrit le cœur humain de vertus naturelles. […] Il ne faut pas avoir un cœur impitoyable : les dieux eux-mêmes se laissent fléchir ! […] que ne puis-je l’étreindre et dévorer son cœur pour venger le malheur de mon cher fils ! 

50. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

Ces madones me serrent le cœur de mille souvenirs. […] et cela me suffit pour coudre de tout mon cœur… Mais écrire m’est impossible. […] Pour nos cœurs de feu, c’est froid. […] Le cœur est inventif. […] appuyez-vous quelque part ce cœur… pareil au mien, mais plus convaincu encore, plus sûr ?

51. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

C’étaient déjà ou des réflexions fines sur le cœur humain, ou des tours d’expression ingénieux, mais le plus souvent des réflexions. […] Le roi a su cette action, dit Mme de Lambert, et en a parlé plus d’une fois avec estime. » C’est par de tels exemples qu’en entrant dans sa nouvelle famille elle élevait son cœur et qu’elle tâchait ensuite de nourrir celui de ses enfants. […] Les âmes élevées ont pour Dieu des sentiments et un culte à part, qui ne ressemble point à celui du peuple : tout part du cœur et va à Dieu. […] C’est un air qui ne prouve pas la supériorité de l’esprit, mais le dérèglement du cœur. […] Rien ne rend plus heureux que d’avoir l’esprit persuadé et le cœur touché : cela est bon pour tous les temps.

52. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — II »

Depuis lors, certaines croyances, certaines doctrines morales sur la vie, sur les hommes, sur l’âme et sur Dieu, se sont répandues dans le monde et ont pénétré dans tous les cœurs. […] De toutes les poésies de nos jours, aucune n’est, autant que la sienne, selon le cœur des femmes, des jeunes filles, des hommes accessibles aux émotions pieuses et tendres. […] Il nous prend où nous sommes, chemine quelque temps avec les plus simples, et ne s’élève que par les côtés où le cœur surtout peut s’élever. […] ils dormaient hier  Et notre cœur doute encore Que le ver déjà dévore Cette chair de notre chair. […] Vous oublier, c’est s’oublier soi-même : N’êtes-vous pas un débris de nos coeurs ?

53. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Mme de La Tour écrit un jour à Rousseau : « Si mon cœur n’était pas hors de la classe commune, je n’oserais m’avouer jusqu’à quel point je m’occupe de vous. » Ce témoignage qu’elle se rend est juste, et certes elle avait le cœur hautement placé. Mais quand on aime vraiment, d’une passion de cœur et non d’une passion de tête, est-ce qu’on songe à tirer ainsi son cœur de la classe commune et à l’en distinguer ? […] Elle veut saisir cette première impression au vif, et telle qu’elle ne fasse qu’un saut de l’esprit et du cœur sur le papier. […] Mme de La Tour ne savait pas que depuis Mme d’Houdetot, le cœur de Rousseau n’avait plus à rendre de flamme. […] « En la lisant, écrivait Rousseau, le cœur m’a battu, et j’ai reconnu ma chère Marianne. » Mais cette reconnaissance lui passa vite, et déjà son cœur était trop envahi par le soupçon pour accueillir longtemps rien de doux.

54. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Et ma mère disait : « C’est une maladie ; Un mélange de jeux, de pleurs, de mélodie ; C’est le cœur de mon cœur ! […] Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais. […] Tout un roman de cœur traverse ce volume, une passion çà et là voilée, mais bientôt plus forte et ne se contenant pas. […] Témoin des troubles civils de Lyon en 1834, Mme Valmore a pris part à tous ces malheurs avec le dévouement d’un poëte et d’une femme : Je me laisse entraîner où l’on entend des chaînes ; Je juge avec mes pleurs, j’absous avec mes peines ; J’élève mon cœur veuf au Dieu des malheureux ; C’est mon seul droit au ciel, et j’y frappe pour eux Elle frappa à d’autres portes encore ; et son humble voix, enhardie dès qu’il le fallut, rencontra des cœurs dignes de l’entendre quand elle parla d’amnistie. Qu’on lise la pièce qui porte ce titre, et celle encore qu’elle a adressée, après la guerre civile, à Adolphe Nourrit à Lyon, à ce généreux talent dont la voix, née du cœur aussi, répond si bien à la sienne : cela s’élève tout à fait au-dessus des inspirations personnelles de l’élégie.

55. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Je ne me sentais pas la puissante organisation créatrice qui fait les grands poètes : tout mon talent n’était que du cœur. […] Comme on rouvre son cœur oppressé par la veille, À ce vent de jeunesse et d’immortalité ! […] Ces malices du cœur sont ses gaietés, à lui ! Quand tu veux, quel fuseau de bonheur tu dévides, Ô cœur ! […] Il était Homère, et c’est assez ; le cœur et l’imagination, voilà tout ce qu’il faut aux poètes !

56. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

On dit de M. de Fontenelle qu’à la place du cœur il a un second cerveau ; on pourrait croire que la tête du Chevalier contient un second cœur. […] Il semblait, en effet, qu’une inquiétude secrète se fût logée au cœur de la tendre Aïssé, et qu’elle n’osât jouir de son bonheur. […] Mais ce n’était plus ce je ne sais quoi de sa mère, qui captivait au premier instant et gagnait aussitôt les cœurs. […] Pour le cœur je n’y comprends rien : Dans quel lieu s’est-elle adressée ? […] C’est le cœur qui nous conduit : l’instinct d’un cœur droit est mille fois plus sûr que toutes les réflexions d’un bel esprit : c’est du cœur que partent tous les premiers mouvements : c’est au cœur que nous obéissons sans cesse.

57. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

C’était une de ces coquetteries de conversation dont on désire que l’écho aille chatouiller indirectement le cœur d’un homme. […] L’amour et la religion, ces deux idolâtries de leur cœur, avaient en lui leur représentant dans un même homme. […] Villemain, plus éblouissant encore de parole que de plume ; moi-même, favori de son cœur, très assidu et très familier quand j’étais à Paris. […] On y ajoutait pour moi la bonté, le prestige du cœur. […] Tous les regards emportaient une ivresse, aucun cœur ne remportait une espérance.

58. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

C’est par elle que la pensée a du cœur, et c’est par ce cœur immatériel de la pensée que l’émotion de l’âme devient plus vivante en nous et plus communicative hors de nous. […] L’âme, pour bien résumer ici notre pensée, est le génie du cœur. […] Ils ne chanteront ou ils ne parleront du cœur que s’ils ont plus de cœur que le reste des hommes. […] Je reconnais bien là ton orgueil et la malice de ton cœur. […] Quelle justice parle au cœur en pareilles images ?

59. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Ici il cherche le cœur et il y arrive bien plus sûrement. […] Je vais à cette Italie le cœur aussi plein et malade que vous l’aviez quelques années plus tôt. […] À mesure qu’il vieillit et que la vanité sèche, le cœur refleurit en lui par les souvenirs. […] Mais il avait heureusement affaire à un cœur de femme qui ne se lassait pas de supporter ses tristesses. […] Ces billets sont les dernières gouttes d’un cœur trop plein qui se vide sans plus songer à brûler ou à retentir dans un autre cœur à l’unisson.

60. (1893) Alfred de Musset

Dieu sait maintenant ce que deviendront ma tête et mon cœur. […] Il me semble que cela me guérirait et m’élèverait le cœur. […] il augmente tous les jours comme cette horreur de l’isolement, ces élans de mon cœur pour aller rejoindre ce cœur qui m’était ouvert ! […] Respire, respire, cœur navré de joie ! […] Sa maladie de cœur lui avait donné une agitation fatigante.

61. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VIII. La religion chrétienne considérée elle-même comme passion. »

Elle ne se montre à ses amants ici-bas que voilée ; elle s’enveloppe dans les replis de l’univers comme dans un manteau ; car, si un seul de ses regards tombait directement sur le cœur de l’homme, il ne pourrait le soutenir : il se fendrait de délices. […] « Il ne s’arrête jamais aux dons qu’on lui fait ; mais il s’élève de tout son cœur vers celui qui les lui donne. […] « Étendez mon cœur, afin qu’il vous aime davantage, et que j’apprenne, par un goût intérieur et spirituel, combien il est doux de vous aimer, de nager et de se perdre, pour ainsi dire, dans cet océan de votre amour. […] C’est en vain qu’on se met en défense : Ce Dieu touche les cœurs lorsque moins on y pense. […] Ô cœur trop obstiné !

62. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Madame de Verdelin  »

Malherbe dit peu au cœur de la femme : Racan parlerait davantage. […] C’est là une des récompenses du génie et, tout rabattu, la plus douce encore, s’il a un cœur. […] Pour moi, grâces au Ciel, j’ai bien fait toutes mes épreuves ; je sais à quoi m’en tenir sur le cœur des autres et sur le mien. […] Consultez si bien votre cœur que vous fassiez leur avantage, mais sans vous rendre malheureuse ; car vous ne leur devez pas jusque-là. […] J’espérais du moins plus d’humanité du côté de la France ; mais j’avais tort… Repos, repos, chère idole de mon cœur, où te trouverai-je ?

63. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IV. Suite des précédents. — Julie d’Étange. Clémentine. »

c’est toi que j’adore : c’est de toi, je le sens, que je suis l’ouvrage, et j’espère te retrouver au jugement dernier tel que tu parles à mon cœur durant la vie. […] Il faudrait être insensé pour repousser un culte qui fait sortir du cœur des accents si tendres, et qui a, pour ainsi dire, ajouté de nouvelles cordes à l’âme. […] Écoutez parler Clémentine ; ses expressions sont peut-être encore plus naturelles, plus touchantes et plus sublimement naïves que celles de Julie : Je consens, monsieur, du fond de mon cœur (c’est très sérieusement, comme vous voyez), que vous n’ayez que de la haine, du mépris, de l’horreur pour la malheureuse Clémentine ; mais je vous conjure, pour l’intérêt de votre âme immortelle, de vous attacher à la véritable l’Église. […] Dites, monsieur, que vous y consentez ; je vous ai toujours cru le cœur honnête et sensible. […] Comme il promet toujours une récompense pour un sacrifice, on croit ne rien lui céder en lui cédant tout ; comme il offre à chaque pas un objet plus beau à nos désirs, il satisfait à l’inconstance naturelle de nos cœurs : on est toujours avec lui dans le ravissement d’un amour qui commence, et cet amour a cela d’ineffable, que ses mystères sont ceux de l’innocence et de la pureté.

64. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Pour nos cœurs dépouillés il est des roses noires. […] Voulez-vous avoir plus d’accès dans les cœurs et y entrer plus sûrement : poëte, ménagez le cri. […] Quel secret douloureux je porte au fond du cœur. […] Fait pour aimer, mon cœur est trop haut pour séduire ! […] au cœur de l’homme Vous ne pouvez avoir un naturel séjour.

65. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Alexandre Dumas, avec un art aussi consommé que cruel, dissèque, devant le public, un cœur gangrené. […] Tous les organes étant égaux devant le scalpel, il tranche dans le cœur comme dans l’estomac. […] L’amant apprend cette prostitution vengeresse ; le voilà remordu au cœur, plus que jamais fou d’amour. […] Le feu mal éteint couvait dans son cœur : il se rallume au souffle de la colère. […] Son coeur est stérile, ses sens sont glacés. « Ô ma hien-aimée !

66. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Ce souvenir revivait aussi dans le cœur de la jeune veuve ; le malheur fut l’unique intermédiaire de ces deux amants. […] Toutes les choses du monde ont du rapport avec elle dans mon cœur. […] Molière était alors séparé de sa femme, il écrivait son propre cœur. […] Mon sein n’enferme pas un cœur qui soit de pierre. […] Lorsque la crainte et l’espérance sont aux prises, la passion l’emporte toujours ; c’est la marche du cœur humain.

67. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Ces perspectives du cœur sont les beaux rêves de la vie : rêver beau, c’est le bonheur. — Et c’est aussi la vertu, dit le chanoine. — Rêvons donc », dit Léna. […] Mais peut-être qu’elle s’est figuré un autre Médor imaginaire pour se faire illusion à elle-même, et qu’elle pense à moi en me donnant ce surnom dans son cœur ! […] Elle feint de se rendre à ses désirs, mais elle veut, dit-elle, lui faire avant un présent plus précieux pour un guerrier que le cœur de toutes les princesses de la terre. […] Mais quand il n’y a plus, comme à notre âge, ni volcan dans le cœur, ni larmes dans les yeux, pour avoir trop brûlé et trop pleuré peut-être, oh ! […] Et c’est ainsi qu’il faut lire les poètes, à deux, pour qu’un écho du cœur se répercute sur un autre cœur, et pour qu’une impression soit en même temps un souvenir.

68. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Paul Bourget »

C’est un endolori, c’est un agité, c’est un inquiet, qui regarde plus dans son cœur troublé que dans de petites fleurs, roses ou bleues, pour en dessiner et en colorier les pétales. […] Toute l’humanité n’est qu’un seul être immense Dont nous sommes le cœur, comme il en sont les bras, Et nous savons leurs maux, mais ils ne savent pas Le labeur idéal qui toujours recommence. […] — Les deuils se mesurent aux cœurs : Notre raffinement fait seul une souffrance Plus pitoyable, plus aiguë et plus intense Que l’effort incessant des plus durs travailleurs. […] Vous, artiste sincère et rude, avouez-nous Que vous avez soufflé, comme un Dieu, votre flamme Sur vos forts paysans qui vous doivent leur âme ; Et s’ils ont un grand cœur, c’est votre cœur à vous ! […] Il faut toujours, pour faire un grand poète, du passé sur le cœur et sur la pensée…

69. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Deltuf » pp. 203-214

Si cela est, la faute de goût a été punie, car les Aventures parisiennes n’ont pas fait plus de bruit que si elles s’étaient appelées Nuances du cœur, qui était peut-être leur vrai nom. […] Deltuf se rapprocherait beaucoup plus de la manière de Marivaux, dont les grandes aventures sont, comme l’on sait, des battements de cœur, accélérés par une vanité plus ou moins piquante. […] C’est aussi la Confession d’UNE enfant du siècle que cette Confession d’Antoinette, mais d’une enfant à qui le siècle n’a pas fait le mal affreux que ce pauvre de Musset a peint, en regardant son cœur ! Antoinette, elle, n’est qu’une femme du monde qui est restée parfaitement tranquille et heureuse dans l’immaculé manteau d’hermine de son écusson, tout le temps qu’elle a été jeune et belle, mais qui, précisément, le jour où sa beauté décline, sent l’amour monter dans son cœur. […] Deltuf, le pathétique et le comique se combattent, mais il reste toujours la vieille fille idéale à nous donner, l’être fier et pur qui n’a pas trouvé un cœur digne d’elle et qui a accepté la tristesse du célibat sans en prendre les ridicules.

70. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

N’enviez point le plaisir qu’il y a de faire l’aumône, puisqu’on la recevant vous pouvez avoir autant de mérite devant Dieu… Votre cœur est content pendant que votre corps travaille ; la plupart des grands ont le cœur agité pendant qu’ils nous paraissent bien heureux. […] de cette musique enfuie renvoie-moi un seul son, si la vie du cœur est inextinguible ! […] Dans la tranquillité de midi, dans le calme du couchant, à l’heure la plus sombre de la nuit, quand montent les pensées profondes, quand les fantômes du cœur s’élancent du sein des ténèbres dans leur beauté pleine d’effroi, pour lutter avec le sommeil, —  Esprit, alors réponds-moi ! […] L’autre pièce que j’ai à citer est intitulée Le Retour, c’est l’être humain (homme ou femme) qui, après avoir vécu, souffert et failli, revient au lieu natal, dans le manoir domestique, et y retrouve tous les anciens témoins de son innocence et de son bonheur : « Nous reviens-tu avec le cœur de ton enfance, un cœur libre, pur, aimant ?  […] » — Alors mes larmes jaillirent en une pluie soudaine, tandis que je répondais : « Ô vous, ombrages majestueux, je ne rapporte point le cœur de mon enfance dans les libres espaces de vos clairières.

71. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

quelle connaissance profonde du cœur humain ! […] Un mot qui échappe du cœur, peint mieux que les menaces directes les plus violentes. […] On peut voir, par cette analyse, comment doivent se conduire les combats du cœur. […] Ils sont le langage du cœur. […] Où l’on aperçoit l’affectation, on ne reconnaît plus le langage du cœur.

72. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

Ces notes plongent si avant dans le cœur que l’oiseau-poète de l’amour est aussi l’oiseau-poète de l’infini. […] Il se trompait bien : les opinions et les événements ne prescrivent pas contre les devoirs du cœur. […] D’abord ils frappent l’écho des brillants éclats du plaisir : le désordre est dans ses chants ; il saute du grave à l’aigu, du doux au fort ; il fait des poses ; il est lent, il est vif : c’est un cœur que la joie enivre, un cœur qui palpite sous le poids de l’amour. […] Ces vers avaient coulé, non plus de son imagination, mais de son cœur, avec ses larmes. […] je crois te voir dans cet humble symbole, Toi, source de mon cœur !

73. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

La main me tremblait, mon regard se troublait, le cœur me manqua… Je pesai d’un côté la tristesse de voir des yeux indifférents parcourir les fibres palpitantes de mon cœur à nu sous des regards sans indulgence ; de l’autre le déchirement de ce cœur dont l’acte allait détacher un morceau par ma propre main. […] Je mis la main sur mes yeux, et je fis le choix avec mon cœur… Je ne connais rien de plus triste que cette prodigalité de cœur qui est répandue sur toute cette préface, sous prétexte d’y couvrir ce que l’auteur ne fait par là qu’étaler. […] Heureux de formes, heureux de cœur, heureux de caractère, la vie avait écrit bonheur, force et santé sur tout mon être. […] Les notes d’une guitare ne font pas simplement vibrer les fibres de son cœur, elles vont les pincer profondément. […] Ici c’est le cœur qui est trop vert, plus loin c’est le caractère qui est acide.

74. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

La jeune fille le contemplait tenant sur lui d’obliques regards le long du bord de son voile brillant, de plus en plus minée en son cœur. […] Tout mon cœur est en suspens pour cet étranger. […] Son cœur se précipitait à coups pressés d’au dedans de sa poitrine : comme un rayon de soleil, rejaillissant d’une eau qu’on vient de verser dans une chaudière ou dans un baquet, s’agite à travers la maison et va frapper tantôt ici, tantôt là, avec un tournoiement rapide, ainsi le cœur de la jeune fille se débattait dans son sein. […] Mot à mot : laissant là mon cœur de chien. — Homère met la même expression dans la bouche d’Hélène. […] Je voyois que votre cœur venoit sur vos lèvres.

75. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (1re partie) » pp. 337-416

Ceux-là naissent avec leur rhétorique dans leur cœur ; ils allument parce qu’ils sont allumés. […] Ils font des masses et des siècles des échos du battement de leurs cœurs ; ils vivent en tous, et tous vivent en eux. […] La corruption n’a pas de goût ; ce n’est que l’infection de l’esprit, comme le vice est l’infection du cœur. […] Rousseau sur madame de Warens font le désespoir du cœur humain ; on se défie même de ses vertus en voyant comment elles sont changées en vices et exposées au pilori des siècles par celui qui reçut de cette femme la double vie du corps et du cœur. […] Il se le reproche, il jette quelque modique aumône dans cette main qui a tenu autrefois son cœur.

76. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Comme le cœur me battait en abordant les côtes d’Espagne ! […] En ce qui est de cette mère de Charlotte, c’est à la fois un trait de mauvais goût et l’indice d’un cœur médiocrement touché. […] Rappelons-en ici quelque chose ; c’est là le seul moyen de le pénétrer à fond, cœur et génie, et de le bien comprendre. […] » Ainsi il prétend, dans son orgueil, qu’en ne donnant rien il en fait plus que les autres ne font en donnant tout, et que ce rien suffit pour tout éclipser à jamais dans un cœur. […] Le christianisme est venu, qui, là où il n’apporte pas la paix, apporte le trouble et laisse le glaive dans le cœur, y laisse la douleur aiguë.

77. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Aimez qui bonnement et pleinement vous le rende, aimez qui ait à vous offrir tout un cœur, n’eût-il aucun nom célèbre et ne s’appelât-il que le chevalier Des Grieux. […] Elle reste des semaines entières sans nouvelles de son ami ; elle n’apprend plus ses marches et démarches que par les gazettes ; son cœur est froissé : Que de choses à lui reprocher ! et que son cœur est loin du mien ! […] Ces lettres à Saint-Lambert sont évidemment d’un cœur plus jeune que celles que nous avons vues, et où elle s’inquiétait si activement de Voltaire. […] Il l’appelle « mon cher cœur », il la tutoie perpétuellement ; il parle de sa propre mélancolie avec prétention.

78. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Ce jeune homme a gardé son cœur, et il a près de vingt ans, et ce cœur est sensible, aimant ; c’est le cœur d’un poète. […] qui ne le plaindrait, ce jeune et malheureux cœur, si on y lisait ce qu’il souffre ! […] Jusqu’à ce que ce soleil du cœur se lève, tout est ténèbre et par conséquent tout est froid. […] Je suis un peu de ces mauvais cœurs. […] À vous de tout mon cœur.

79. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Appendice. — Un cas de pédanterie. (Se rapporte à l’article Vaugelas, page 394). »

On ne fait pas un portrait sur une tombe, et je n’ai pu qu’esquisser une rapide image ; mais les amis présents ont tous reconnu celui qu’ils avaient aimé pour ses qualités, pour ses vivacités, pour ses défauts mêmes, nés d’un surcroît du cœur. […] Qu’il nous suffise de dire qu’un jour, pour courir là où l’appelaient son devoir et son cœur de citoyen, il força violemment la consigne du lycée et qu’il écarta de la main le proviseur. […] Il y gagna le cœur d’une jeune personne, fille d’un des principaux fonctionnaires de la ville, d’une condition et d’une naissance supérieure à la sienne, et qui, malgré sa famille, lui donna sa main. […] Son cœur saigna, et il commença par faire ce qu’il fit ensuite toute sa vie : il se dévoua. […] Jamais, d’ailleurs, morceau ne fut moins un discours de rhétorique ni d’Académie que celui-là : c’est un témoignage du cœur qui m’est sorti des lèvres.

80. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Je ne puis m’empêcher de m’arrêter au milieu de cet ouvrage, m’étonnant moi-même de la constance avec laquelle j’analyse les affections du cœur, et repousse loin d’elles toute espérance de bonheur durable ; est-ce ma vie que je démens ? […] Je considérerai d’abord dans l’amitié, (non ces liaisons fondées sur divers genres de convenance qu’il faut attribuer à l’ambition et à la vanité,) mais ces attachements purs et vrais, nés du simple choix du cœur dont l’unique cause est le besoin de communiquer ses sentiments et ses pensées, l’espoir d’intéresser, la douce assurance que ses plaisirs et ses peines répondent à un autre cœur. […] Enfin, en mêlant ensemble le sentiment et les affaires, les intérêts du monde et ceux du cœur, on éprouve une sorte de peine qu’on ne veut pas démêler, parce qu’il est plus honorable de l’attribuer au sentiment seul ; mais qui se compose aussi d’une autre sorte de regrets, rendus plus douloureux par leur mélange avec les affections de l’âme. […] Quel homme éprouva jamais tout ce que le cœur d’une femme peut souffrir ? […] Sans doute, l’homme qui s’est vu l’objet de la passion la plus profonde, qui recevait à chaque instant une nouvelle preuve de la tendresse qu’il inspirait, éprouvait des émotions plus enivrantes ; ces plaisirs, non créés par soi, ressemblent aux dons du ciel, ils exaltent la destinée ; mais ce bonheur d’un jour gâte toute la vie, le seul trésor intarissable, c’est son propre cœur.

81. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Il avait commencé son système de séduction par le cœur de la reine, mère de Louis XIV. […] Les deux familles étaient lettrées de profession, religieuses de cœur. […] Molière, incapable de jalousie et capable de toutes les bontés du cœur, le recommanda et l’introduisit à la cour. […] Il ne parla plus de Racine qu’avec peine, en louant toujours son génie, mais en se taisant sur son cœur. […] Jamais la politique ne s’insinua au cœur des rois dans un si divin langage.

82. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Mais elle demeurait muette et l’étonnement avait saisi son cœur 9. […] Il dit, et soudain le cœur et les genoux de Pénélope lui manquent à la fois ; elle reconnaît Ulysse à cette marque certaine. […] Mon cœur frémissait de crainte qu’un étranger ne vînt surprendre ma foi par des paroles trompeuses…… Mais à présent j’ai une preuve manifeste de toi-même, par ce que tu viens de dire de notre couche : aucun autre homme que toi ne l’a visitée : elle n’est connue que de nous deux et d’une seule esclave, Actoris, que mon père me donna lorsque je vins en Ithaque, et qui garde les portes de notre chambre nuptiale. Tu rends la confiance à ce cœur devenu défiant par le chagrin. » Elle dit ; et Ulysse, pressé du besoin de verser des larmes, pleure sur cette chaste et prudente épouse, en la serrant contre son cœur. […] S’il fut jamais un siècle propre à fournir des traducteurs d’Homère, c’était sans doute celui-là, où non seulement l’esprit et le goût, mais encore le cœur, étaient antiques, et où les mœurs de l’âge d’or ne s’altéraient point en passant par l’âme de leurs interprètes.

83. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

La théosophie, c’est-à-dire l’esprit intelligent et intime des religions, s’égara, tarit comme une eau hors de son calice, ou bien se réfugia dans quelques cœurs et s’y vaporisa en mystiques nuées. […] La raison s’y gonfle, le cœur s’y dérange, et ils n’indiquent aucune guérison. […] On a dit que Lamartine s’adressait à l’âme encore plus qu’au cœur : cela est vrai, si par l’âme on entend, en quelque sorte, le cœur plus étendu et universalisé. […] N’ont envahi ton cœur de tant d’odeurs divines.  […] Tes feux intérieurs sont calmés, tu reposes ; Mais ton cœur reste ouvert au vif esprit des choses. 

84. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Mon père, ma mère, mes sœurs ont laissé plus de traces dans mes yeux, dans mes oreilles, dans mon cœur, que le vent qui court n’en laisse dans les genêts de la montagne de Milly. […] J’aurais griffonné le jour, mais je l’aurais vue le soir ; le monde m’aurait dédaigné, mais mon cœur m’aurait applaudi. […] Il y a tel drame dont personne ne voudrait être l’auteur, et qui déchire le cœur bien autrement quel’Enéide. […] « Le cœur, ô Chactas ! […] Connaissez-vous le cœur de l’homme, et pourriez-vous compter les inconstances de son désir ?

85. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Les années du bonheur s’étaient écoulées ; Mme de Montespan, spirituelle, altière, éblouissante, avait pris place et trônait à son tour dans le cœur du maître, et la pauvre La Vallière pâlissait. […] Le cœur de la reine, à ce moment, ne faisait que soupçonner l’infidélité ; quand elle en fut informée plus tard à n’en plus douter, cette certitude lui fit verser beaucoup de larmes. […] Elle-même a consigné les sentiments secrets de son cœur dans une suite de Réflexions sur la miséricorde de Dieu, qu’elle écrivait au sortir d’une grave maladie qu’elle fit en ces années. […] que, par des devoirs indispensables, je reste encore dans le monde, pour y souffrir sur ce même échafaud où je vous ai tant offensé, si vous voulez tirer de mon péché ma punition même, en faisant devenir les bourreaux de mon cœur ceux que j’en avais faits les idoles : « Paratum cor meum, Deus (mon cœur est tout prêt, ô Seigneur !).  […] Plus il avait vu Mme de La Vallière dans le temps de son noviciat, plus il avait été frappé de sa force et de son essor, de son entier renouvellement de cœur.

86. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Les âmes sont de feu mais les cœurs semblent de bronze. […] Il haussa les épaules, rit des lèvres et resta Espagnol de cœur. […] comment les sources du cœur peuvent-elles se tarir si vite ? […] Si la magicienne disparaît, ce cœur se taira pour toujours. […] Le cœur de Goethe !

87. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Il faut faire taire son cœur pour commander ; il faut faire taire son orgueil pour obéir. […] Le cœur y survécut, mais non la grâce. […] La femme, même la femme de génie, veut un piédestal plus rapproché des yeux et des cœurs. […] Et les mouvements d’un cœur sensible, ces mouvements qui devaient vous être inconnus, les aviez-vous appris pour être plus certains de vos cœurs ? […] Et que doivent donc éprouver les cœurs certains de son innocence ?

88. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Mais l’amour se cache sous la laideur comme sous la beauté : ce n’est pas le regard qui aime, c’est le cœur. […] de cœur. […] toute remplie qu’en soit mon âme, je trouve cet état moins pénible que le vide du cœur. […] Pour elle, le problème semble déjà résolu ; elle n’a plus qu’un souffle de vie, ce souffle est dans son cœur. […] Y en a-t-il qui donnent en quelques traits de pinceau une émotion si profonde et si durable au cœur ?

89. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

Malgré ses outrages et ses blasphèmes, son cœur en était digne. […] Ce poète blessé au cœur, et qui crie avec de si vrais sanglots, a des retours de jeunesse et comme des ivresses de printemps. […] laissez-les couler, elles me sont bien chères, Ces larmes que soulève un cœur encor blessé ! […] Tout mon cœur te bénit, bonté consolatrice ! […] Non, par ce pur flambeau dont la splendeur m’éclaire, Ce blasphème vanté ne vient pas de ton cœur.

90. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Il n’était pas assez simple de cœur et de génie pour moi. […] Nous nous aimions pour notre cœur et non pour nos talents. […] Il est dans le cœur. […] C’était l’esprit et le cœur qui coulaient. […] … Comme on sent le cœur différent des deux peuples dans leurs deux voix !

91. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Mlle de Liron, toute campagnarde qu’elle est, a un esprit mûr et cultivé, un caractère ferme et prudent, un cœur qui a passé par les épreuves : elle a souffert et elle a réfléchi. […] Ernest ne sera pas le seul, l’unique ; il aura eu un devancier dans le cœur, et qui sait ? […] Mlle Aïssé, qui mourut, il est vrai, d’une phthisie aux poumons, et non d’un anévrisme au cœur, était devenue bien maigre, comme elle le dit : « Je suis extrêmement maigrie : mon changement ne paraît pas autant quand je suis habillée. […] Cornélia est une belle et jeune comtesse romaine qui s’est éprise d’amour pour Ernest ; Ernest lui a loyalement avoué qu’il ne pouvait lui accorder tout son cœur, et Cornélia n’a pas cessé de l’aimer. […] Le chevalier d’Aydie fut l’écueil sur lequel ce cœur se brisa.

92. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Il y a là une atmosphère de volupté grossière qui relâcherait les cœurs les plus forts. […] Magnin ; chemin faisant, la vue de quelques cadavres lui remit la colère au cœur et aussi l’espoir. […] « Mais son cœur lui échappe et s’attache à une fausse image de l’amour. […] Pauvre cœur qui d’un souffle, hélas ! […] Paix à toi, noble cœur !

93. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

J’aime beaucoup Dieu, ce qui fait que j’aime encore davantage tous les liens qu’il a lui-même attachés à mon cœur de femme. […] … » Nous voilà tout d’abord entrés aussi avant que possible au cœur de cette poignante destinée. […] Enfin je n’ai trouvé qu’en lui la grâce et la charité constante du cœur. […] Toutes les vertus habitent le cœur de notre roi ; il est sensible au dernier point, et son cœur est d’une piété douce. […] Les beaux vers ne sont pas rares, mais on croirait que la plupart ont été dictés plutôt par l’esprit que par le cœur.

94. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’expression de l’amour chez les poètes symbolistes » pp. 57-90

Verlaine la montre conduisant son troupeau de dupes et le sentimental Coppée lui-même l’assimile aux soldats bourreaux qu’elle aime parce qu’ils font aussi couler le sang des cœurs. […] car dans les vers que j’ai chantés, La prière se mêle au cri des voluptés : J’ai baisé tes pieds nus comme une chair de femme, Et posé sur ton cœur ouvert un cœur infâme. […] Il sentira bientôt remonter dans son cœur l’Astre argenté des rêves paisibles, mais il souffre horriblement. […] Le xviiie  siècle, matérialiste, lui rend la clé des champs et la douceur de l’agneau, mais il s’ennuie et la mélancolie entre dans son cœur. […] Les poètes symbolistes, pour n’avoir pas su tresser d’une main tranquille et décidée, l’apothéose du Neutre, peuvent donc supporter d’un cœur léger la réprobation de M. 

95. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Il y joignait un cœur tout jeune, conservé dans sa fraîcheur et sa plénitude, un cœur qui n’avait pas dépensé son trésor, une faculté puissante et un souffle de parole ardente qui cherchait son jour et qui ne le trouvait pas. […] Mais l’élan de son cœur qui cherchait pâture, et, à son insu, l’essor de son talent qui cherchait carrière, firent le reste et abrégèrent le chemin. […] Cette connaissance du siècle et de ses faiblesses lui ménage de faciles alliances avec l’imagination et le cœur de son jeune public. […] En parlant de cet homme excellent, médiocre en tout, excepté par le cœur, qui fut un missionnaire zélé et un assez pauvre évêque, l’orateur a trouvé des accents touchants et des mouvements pathétiques. […] Les détails que l’orateur a donnés sur sa simple enfance, sont imprégnés d’un parfum de vertu domestique qui va au cœur.

96. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre II. L’homme »

Il n’a point le coeur ni les sens profondément frappés. […] Il n’y a pas dans ces moeurs de quoi soutenir un coeur. […] Il pense tout haut, il vit à coeur ouvert devant les contemporains, devant ses lecteurs. […] Ses yeux ont assisté à la comédie du siècle, son coeur n’y a point pris part. […] En ce moment, on n’aperçoit plus sa basse condition, ses moeurs irrégulières ; bien des gens ne changeraient pas son coeur ni sa vie contre le coeur ou la vie du grand roi.

97. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

… Ainsi le cœur n’a de murmures Que brisé sous les pieds du sort ! […] Je les sais par cœur. […] Vous voyez bien que je sais à peine l’orthographe de tout ce que mon cœur de mère vous écrit. » Il est touchant de rencontrer dans cette correspondance, et sous la plume de l’exilé, tout un hymne patriotique et lyrique à la France conçue et embrassée par un cœur de fils et de citoyen. […] si la France venait à être retranchée de la carte, l’univers n’aurait plus ni cœur ni tête ; ce petit recoin pense et agit pour tout le monde. […] Elle a été plus qu’une muse, elle n’a jamais cessé d’être la bonne fée de la poésie, et dans mes nombreux souvenirs de cœur, mon titre le plus doux est d’avoir conservé sa sympathie qui m’a suivi à travers tous mes barreaux.

98. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

Il y a toujours de la supériorité forcée dans les livres que nous écrivons ; car avec quoi écririons-nous nos livres, si ce n’était avec les expériences de notre vie et les sentiments de nos cœurs ? […] Tout cela est horrible et infect, d’un travail pourrissant sur les esprits et sur les âmes, et c’est contre cela que la Critique a le droit d’élever la voix, encore plus que contre les détails plus ou moins inventés d’une liaison qui, comme toutes les liaisons coupables, aboutit, sans nul doute, pour l’un des deux amants, à des crimes de cœur. Dans le roman de madame Sand, le criminel de cœur, l’infâme et le fou, c’est l’amant. […] C’est un de ces grands cœurs philosophiques et chimériques qui ramassent par les chemins du désordre les femmes tombées, mais qui voudraient bien les garder pour eux. […] C’est ainsi que l’enfant vrai peut arracher du cœur de Thérèse, de ce cœur enragé ou plutôt dépravé par des besoins de maternité insatiables, l’amour faux de ce faux enfant d’amant, qu’elle s’obstine, jusqu’au dernier moment du livre, à traiter avec la lâcheté sublime que les mères ont parfois pour leurs fils !

99. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

il y a toujours de la supériorité forcée dans les livres que nous écrivons, car avec quoi écririons-nous nos livres, si ce n’était avec les expériences de notre vie et les sentiments de nos cœurs ? […] Cette Thérèse d’Elle et Lui qui, par le nom, nous rappelle la femme de Rousseau, et, par la vertu, Mme de Warens, que Rousseau a si abjectement déshonorée, fait de sang-froid les plus grandes folies de cœur et par pitié devient la maîtresse de Laurent. […] Dans le roman de Mme Sand, le criminel de cœur, l’infâme et le fou, c’est l’amant. […] C’est un de ces grands cœurs philosophiques et chimériques, qui ramassent par les chemins du désordre les femmes tombées, mais qui voudraient bien les garder pour eux. […] C’est ainsi que l’enfant vrai peut arracher du cœur de Thérèse, de ce cœur enragé ou plutôt dépravé par des besoins de maternité insatiables, l’amour faux de ce faux enfant d’amant, qu’elle s’obstine, jusqu’au dernier moment du livre, à traiter avec la lâcheté sublime que les mères ont parfois pour leurs fils !

100. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

L’Italie est pleine d’hommes de la même trempe de cœur et d’esprit, auxquels il ne manque que la voix. […] Je devais devenir Italien de sensation avant d’avoir été Français de cœur. […] Parce que le livre n’a que des idées, et que l’homme a un cœur. […] Vous voulez sentir, il faut bien vous montrer un cœur. […] Mon cœur était une énigme dont je cherchais la clef !

101. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Ne faites pas cette plaie à mon cœur, ou plutôt aux vôtres ; car vous seriez les premiers blessés, et vous le seriez sans remède. […] D’où vient que cette espérance n’entre plus dans mon cœur ? […] Le cœur s’élance vers l’immortalité, la raison me repousse vers la poussière. […] la jolie porte, faite comme celle de votre cœur pour de vrais amis, et où l’on ne peut entrer deux à la fois ! […] Mon enfant est encore dans mon cœur, et elle y sera toujours.

102. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Est-ce qu’il nous serait échappé, des lèvres, non du cœur, la plus légère offense aux vaincus ? […] … Ô renversement étrange du sens moral dans ces cœurs contre nature ! […] Mais tous ces sarcasmes ne nous font ni changer de pensée, ni changer de cœur ; nous vivrions mille vies que nous les dévouerions encore à vous préserver autant qu’il serait en nous, non pas seulement d’une blessure au cœur, mais d’une piqûre à l’épiderme. […] Le terrible infini qu’on voit à l’horizon N’y refoule-t-il pas le cœur à la maison ? […] As-tu donc oublié comme au fort du péril Ton cœur en éclatant répondait au fusil ?

103. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Eynard, qui raconte très-bien cette petite scène, ajoute que ces mots pleins de raison plongeaient un poignard dans le cœur de Mme de Krüdner : « Hélas ! […] Le cœur des personnes romanesques, de celles qui aiment le raffinement et l’amalgame, est capable de plus d’une attention à la fois. […] La tête commençait, le cœur après entrait en jeu. […] Elle n’avait jamais été une nature bien sensuelle : elle n’avait que l’ambition du cœur et l’orgueil de l’esprit. […] Plus la terre s’enfuit sous nos pas, plus je méprise, plus je hais ce que les hommes ambitionnent, et plus j’ai de pouvoir sur leur cœur. » La voilà telle qu’elle était dès l’origine : régner sur les cœurs, en se déclarant une misérable créature ; voir à sa porte servantes et duchesses, comme elle dit, et empereur ; se croire en toute humilité l’organe divin, l’instrument choisi, à la fois vil et préféré, que lui faut-il de plus ?

104. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Avec Marivaux nous avons le tracas du cœur plutôt que les orages des passions. […] Ses personnages, au lieu de vivre, de marcher et de se développer par leurs actions mêmes, s’arrêtent, se regardent, et se font regarder en nous ouvrant des jours secrets sur la préparation anatomique de leur cœur. […] « Voyez, s’écrie le paysan, que de choses capables de débrouiller mon esprit et mon cœur ! […] Aussi n’y a-t-il rien de plus amusant, de plus aimable, de plus agréablement vif et étourdi que leur tendresse… À peindre l’Amour comme les cœurs constants le traitent, on en ferait un homme. À le peindre suivant l’idée qu’en donnent les cœurs volages, on en ferait un enfant ; et voilà justement comme on l’a compris de tout temps.

105. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Heureusement le jour baissait ; c’était bien sa vois, c’était un peu son regard, tout le reste était une vieille femme, que j’accusais dans mon cœur d’enfermer par magie celle que j’avais vue à Rome. […] Ilm’en était resté dans les yeux et en même temps dans le cœur une première impression très-agréable ; des yeux très-noirs (Bonstetten avait dit seulement bleu foncé, mais Alfieri dut y regarder de plus près) et pleins d’une douce flamme, joints, chose rare ! […] Alfieri, il est vrai, son grand ami, qui régna vingt-cinq ans sur son cœur, ne nous est guère sympathique ; il ne nous aime pas, Français ; que dis-je ? […] Avec moi, la vivante image ou veille ou dort ; tantôt je la baise, ou je la renferme, ou je la reprends ; tantôt je me l’applique au cœur, tantôt aux yeux, comme un homme qui a perdu les sentiers de la raison. […] Qui donc, d’une si barbare manière, m’a séparé de la douce source de ma vie, des beaux yeux noirs qui m’ont conquis le cœur, et qui ont guéri de toute erreur mon esprit ?

106. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Ce sublime est de réflexion : il n’émeut pas le cœur, il étonne. […] Il tient à la grandeur d’âme et de cœur. […] » Cette différence existe donc entre les deux maîtres de la scène, que Racine a bien peint les cœurs, et Corneille les grands cœurs. […] Pareillement, l’esprit ou le cœur ne se passionne jamais mieux que pour une idée ou pour un sentiment unique. […] Du concours de tous les cœurs réunis dans un auditoire, se forme, pour ainsi dire, un seul grand cœur, qui ne croit qu’à la vertu, qui n’applaudit qu’à ses maximes.

107. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Seulement, laisse-moi allaiter mon enfant ; je l’ai pressé sur mon cœur toute la nuit. […] (Elle le serre contre son cœur.) […] as-tu donc déjà désappris à me serrer contre ton cœur ? […] Ton cœur est donc froid et muet ? […] Leur cœur bat-il pour l’écho des montagnes ?

108. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — George Sand. Cosima. »

L’idée de Cosima est très simple et très autorisée : c’est la lutte de la passion et du devoir au sein d’un cœur pur qui va cesser de l’être ; c’est l’antique et éternel sujet du drame depuis Phèdre jusqu’à nous. […] Celui-là a oublié le cœur humain depuis Hélène et Ariane jusqu’à la religieuse portugaise, jusqu’à l’amante du Giaour ; celui-là n’a jamais voyagé jeune en des pays lointains, et n’y a jamais cueilli sur une tige fragile son plus délicieux souvenir. […] Allons, vous, messieurs, qui vous en vantez volontiers, et vous toutes surtout, qui tout bas le savez trop bien au prix de vos larmes, mettez la main sur le cœur, les trois quarts des gentilshommes qui passent et même de ceux qui séjournent ne sont-ils pas ainsi ? […] Il a de la pâleur au front, comme André et Sténio ; mais son cœur est autrement ardent et capable des grands sacrifices. […] demande le chanoine. » Non, répond Cosima ; ce non, si naturel à la fois et si démenti par tout son geste, nous rouvre l’abîme profond de son cœur.

109. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Pour Alfred de Musset, la poésie était le contraire ; sa poésie, c’était lui-même, il s’y était rivé tout entier ; il s’y précipitait à corps perdu ; c’était son âme juvénile, c’était sa chair et son sang qui s’écoulait ; et quand il avait jeté aux autres ces lambeaux, ces membres éblouissants du poète qui semblaient parfois des membres de Phaéton et d’un jeune dieu (se rappeler les magnifiques apostrophes et invocations de Rolla), il gardait son lambeau à lui, son cœur saignant, son cœur brûlant et ennuyé. […] Il toucha du premier coup sur son instrument des cordes de jeunesse, de sensibilité d’esprit, d’ironie de cœur, qui se moquaient hardiment de nous et du monde. […] » Avec quelle fougue a-t-il lancé et entrechoqué l’amour, la jalousie, la soif du plaisir, toutes les impétueuses passions qui montent avec les ondées d’un sang vierge du plus profond d’un jeune cœur ! […] Alors ont éclaté ces sanglots qui ont retenti dans tous les cœurs. […] Il a su faire de beaux vers de très bonne heure ; et, encore adolescent de cœur assez avant dans la vie, il a eu toute l’ardeur de la passion quand il avait tout le talent pour la peindre.

110. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

« Il y a une audace et un abandon dans la confidence des mouvements d’un pareil cœur, bien rares en notre pays et qui annoncent le poète. […] « Mais son cœur lui échappe et s’attache à une fausse image de l’amour. […] que la vie est longue aux longs jours de l’été, Et que le temps y pèse à mon cœur attristé ! […] Tes amis te considèrent : tu fais souvent leur joie, et il semble à ton cœur qu’il ne pourrait exister sans eux. […] Tes feux intérieurs sont calmés, tu reposes ; Mais ton cœur reste ouvert au vif esprit des choses.

111. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

mon cœur ne s’entend plus. […] Son cœur est flétri et il n’a point eu de passions. […] Or, Childe Harold avait le cœur malade. […] Mais pourquoi cette paralysie du cœur ? […] Il en est de même de son cœur.

112. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Le comique qui porte sur les vices du cœur humain est plus frappant, mais plus amer que celui qui retrace de simples ridicules ou de bizarres institutions. […] Vauvenargues a dit que les grandes pensées viennent du cœur . […] Dans les ouvrages des anciens même, combien ne préfère-t-on pas ce qu’on y trouve d’observations sur le cœur humain, à tout l’éclat des fictions les plus brillantes ? […] Il faut qu’au milieu de tous les tableaux de la prospérité même, un appel aux réflexions du cœur vous fasse sentir le penseur dans le poète. […] Mais les romans qui peignent les mœurs et les caractères, vous en apprennent souvent plus sur le cœur humain que l’histoire même.

113. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Il ne faut rien moins que la main d’un ami pour panser les plaies du cœur, et pour vous aider à soulever doucement la pierre de la tombe. […] Travailler, répondent ceux qui n’entendent rien au cœur de l’homme. […] Le bruit commence à cesser au dehors, et le cœur palpite d’avance du plaisir qu’on s’est préparé. […] N’est-ce que par une cruelle pitié que la nature a placé dans le cœur de l’homme l’espérance d’une meilleure vie à côté des misères humaines ? […] Ces deux caractères semblèrent se reconnaître en se rencontrant ; ces deux cœurs s’attachèrent avec la force d’une révélation.

114. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

On comprend qu’il en ait la douce influence sur le cœur. […] Et quand il écrit tant devers divins, qui ont la beauté des plus cruelles amertumes humaines, n’a-t-il pas encore, pour nids, son propre cœur saignant, et la nature radieuse et immortelle, à travers laquelle il va semant les gouttes de sang de ce cœur déchiré ? […] » Nature et cœur, est-ce assez inconnu à Voltaire ? […] » Mais Heine, lui, a dans le génie autant de cœur que de cerveau, si même il n’en a davantage. […] La bile, dans ce réservoir de fiel toujours plein, qui servait de cœur à Voltaire, lui tombait dans le ventre et y versait ses âcretés brûlantes.

115. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Alfred de Musset » pp. 364-375

La note chantante d’Alfred de Musset nous était si connue et si chère dès le premier jour, elle nous était allée si avant au cœur dans sa fraîcheur et sa verte nouveauté, il était tellement, avec plus de jeunesse, de la génération dont nous étions nous-même, génération alors toute poétique, toute vouée à sentir et à exprimer ! […] Il y avait de tristes, de hideuses vérités entrevues, et plus qu’entrevues, des monstres arrachés et traînés au jour du fond de cette caverne du cœur, comme l’appelle Bacon : mais le tout revêtu d’un éclat, d’une puissance sonore incomparable. […] Qu’est-ce en effet que ce Lorenzo « dont la jeunesse a été pure comme l’or ; qui avait le cœur et les mains tranquilles ; qui n’avait qu’à laisser le soleil se lever et se coucher pour voir fleurir autour de lui toutes les espérances humaines, qui était bon, et qui, pour son malheur, a voulu être grand ?  […] Pour Alfred de Musset, la poésie était le contraire ; sa poésie, c’était lui-même, il s’y était rivé tout entier ; il s’y précipitait à corps perdu ; c’était son âme juvénile, c’était sa chair et son sang qui s’écoulait ; et quand il avait jeté aux autres ces lambeaux, ces membres éblouissants du poète qui semblaient parfois des membres de Phaéton et d’un jeune dieu (se rappeler les magnifiques apostrophes et invocations de Rolla), il gardait encore son lambeau à lui, son cœur saignant, son cœur brûlant et ennuyé. […] Pour ce qui est d’Alfred de Musset, il a dû à ces heures d’orage et de douloureuse agonie délaisser échapper en quelques Nuits immortelles des accents qui ont fait vibrer tous les cœurs, et que rien n’abolira.

116. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

« À vous tout de respect et de cœur, cher et illustre confrère, « Sainte-Beuve. » Le Temps était le lieu le mieux indiqué pour parler de Lucrèce, mais M.  […] Il redisait de beaux vers de Lucrèce qu’il savait par cœur : il l’avait commenté bien avant Homère, peut-être avant Virgile ; il s’en était nourri dès l’adolescence181. […] Que son trait, par un autre à l’instant remplacé, Ne laisse aucune empreinte au cœur qu’il a blessé ! […] « Tout le vers : que d’épurer un cœur, etc., est à la fois une faute grossière de style, car il n’y a nulle analogie pour l’image entre filets, épurer et rendu coupable ; et un contresens formel, car il n’entre nullement ici dans la pensée de Lucrèce de dire que l’amour souffle le cœur ; le poète n’entend parler que des douleurs et des tortures que cause la passion. […] « Et M. de Pongerville : Titye est ce mortel que le crime déchire ; Qui, par des goûts honteux sans cesse captivé, Couve d’affreux remords dans son cœur dépravé.

117. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

L’auteur peint l’amour avec des couleurs si fines & si touchantes, qu’il est à craindre que la lecture de ses écrits ne réveille ou n’entretienne cette passion dans les jeunes cœurs. […] Il a l’art de faire passer dans l’esprit de ses lecteurs les sentimens les plus déliés, les fils les plus imperceptibles de la trame du cœur. […] Ses Egaremens du cœur & de l’esprit ne sont peut-être que trop agréables. […] L’auteur a beaucoup de feu & d’esprit ; il connoît le cœur humain ; il sçait développer habilement un caractère. […] Tous les traits de ses tableaux servent à faire connoître les hommes & à développer les replis du cœur humain.

118. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Lacordaire. Conférences de Notre-Dame de Paris » pp. 313-328

Lacordaire, un homme de son ordre, ce Savonarole qui, en secouant son crucifix au-dessus de sa tête, secouait les passions de Florence comme une torche qu’on veut allumer, a laissé à la postérité distraite un volume de sermons politiques dont la lettre est à peu près morte, et un volume de sermons, purement catholiques, qui vivront toujours, comme le cœur de l’homme et la doctrine de vérité qui s’applique à ce cœur immortel : Immortale jecur ! […] Par exemple, les Mystiques chrétiens sont les plus grands moralistes qui aient exprimé du cœur tout ce qu’il contient d’eaux amères et qui l’aient le mieux transpercé du glaive ardent de leurs regards. […] Comme le Dieu dont il est le ministre, il a sondé les cœurs et les reins. […] Il en a eu un autre, qui passera comme les idées politiques par lesquelles on pourrait l’expliquer, mais l’empire qu’il tient de sa connaissance du cœur de l’homme ne passera point ; il restera son vrai mérite et sa vraie gloire. […] Il faut prendre l’homme par quelque endroit de son esprit ou de son cœur, pour l’arracher à la terre et l’élever vers Dieu.

119. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Il y a du cœur malade, du cœur mourant, du cœur qu’on porte en terre et qui bat contre son cercueil. […] … Voilà toute cette vie, absurde pour la pensée, presque sublime pour le cœur. […] La haine n’est point entrée dans mon cœur, mais le mépris n’en peut sortir. […] Par tout le reste, il fut au niveau des douze tribus, et son triste cœur adhérait exactement à tous les cœurs. […] Je me levai, le cœur battant, lui aussi, mais non pas, hélas !

120. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Oui, ma chère, j’ai prié pour vous, d’abord en m’éveillant, et puis à la messe, au memento des vivants, à cet endroit où Dieu permet à notre pensée et à notre cœur de redescendre un instant sur la terre pour s’y charger des besoins de ceux qu’on aime. […] Je vous en prie, écrivez-moi tout de suite ; ôtez-moi ce petit glaçon que votre silence me met sur le cœur. […] Voilà que j’ai perdu tout ce que vous me dites d’aimable ; je ne saurai jamais ce que vous me portiez de la part de son cœur, de ce cœur qui me fait de si jolis envois, qui me dit tant de choses et qui est muet tout à coup. […] Puis la pensée fondamentale reprend son cours, une douce et insinuante prêcherie à l’adresse de ce jeune cœur, qu’elle craint de voir trop volage et trop en oubli de la fin suprême : « N’allez-vous pas trouver bien drôle que je monte souvent en chaire, ma chère amie ? […] La fille de Calvin même en s’enhardissant et en élargissant son cœur, est restée de sa race.

121. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre II. Amour passionné. — Didon. »

C’est encore au christianisme que l’on doit ce sentiment perfectionné ; c’est lui qui, tendant sans cesse à épurer le cœur, est parvenu à jeter de la spiritualité jusque dans le penchant qui en paraissait le moins susceptible. […] Ignorée de l’artisan trop occupé, et du laboureur trop simple, cette passion n’existe que dans ces rangs de la société où l’oisiveté nous laisse surchargés du poids de notre cœur, avec son immense amour-propre et ses éternelles inquiétudes. Il est si vrai que le christianisme jette une éclatante lumière dans l’abîme de nos passions, que ce sont les orateurs de l’Église qui ont peint les désordres du cœur humain avec le plus de force et de vivacité. […] « C’est le caractère de cette passion, dit cet homme éloquent en parlant de l’amour, de remplir le cœur tout entier, etc. : on ne peut plus s’occuper que d’elle ; on en est possédé, enivré : on la retrouve partout ; tout en retrace les funestes images ; tout en réveille les injustes désirs : le monde, la solitude, la présence, l’éloignement, les objets les plus indifférents, les occupations les plus sérieuses, le temple saint lui-même, les autels sacrés, les mystères terribles en rappellent le souvenir32. » « C’est un désordre, s’écrie le même orateur dans la Pécheresse 33, d’aimer pour lui-même ce qui ne peut être ni notre bonheur, ni notre perfection, ni par conséquent notre repos : car aimer, c’est chercher la félicité dans ce qu’on aime ; c’est vouloir trouver dans l’objet aimé tout ce qui manque à notre cœur ; c’est l’appeler au secours de ce vide affreux que nous sentons en nous-mêmes, et nous flatter qu’il sera capable de le remplir ; c’est le regarder comme la ressource de tous nos besoins, le remède de tous nos maux, l’auteur de nos biens34… Mais cet amour des créatures est suivi des plus cruelles incertitudes : on doute toujours si l’on est aimé comme l’on aime ; on est ingénieux à se rendre malheureux, et à former à soi-même des craintes, des soupçons, des jalousies ; plus on est de bonne foi, plus on souffre ; on est le martyr de ses propres défiances : vous le savez, et ce n’est pas à moi à venir vous parler ici le langage de vos passions insensées35. » Cette maladie de l’âme se déclare avec fureur, aussitôt que paraît l’objet qui doit en développer le germe. […] Les sentiments se pressent tellement dans son cœur, qu’elle les produit en désordre, incohérents et séparés, tels qu’ils s’accumulent sur ses lèvres.

122. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre cinquième »

Je n’y vois que cette crainte réfléchie qu’ils ont découverte, non dans les livres d’Aristote, mais dans le cœur humain. […] Crébillon, d’ordinaire si incorrect, et qui semble recevoir ses mots de la rime, les a tirés cette fois de son cœur et de sa raison. […] Il fallait le génie profond et la tendresse de Racine pour faire parler un cœur de mère. […] La surface de ce cœur semble seule troublée. […] Ce que l’esprit humain tient pour vraisemblable, ce que le cœur humain tient pour vrai, voilà l’histoire.

123. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

La gloire du roi, celle de son fils et le bonheur de cette ingrate nation, voilà tout ce que je peux, tout ce que je dois désirer ; car, pour votre amitié, mon cher cœur, j’y compte toujours : elle fait ma consolation… » On voit par cette lettre tout le cœur de la reine avec ses bonnes intentions, et aussi les incertitudes de son esprit. […] Je ne me découragerai sûrement pas plus que vous, mais l’âme a un furieux travail à faire pour supporter les peines du cœur et pour renfermer tout ce que l’on sent. […] Elle a du cœur, elle a du ressort, et si elle était homme, elle voudrait combattre ; si elle était roi, elle ne se laisserait pas ainsi enlever la couronne morceau par morceau sans mot dire. […] Ce n’est pas parce que ma lettre sera lue que je te parle ainsi ; non, mon cœur, c’est que je le pense de bien bonne foi. […] Il faut distinguer, ai-je dit, entre les lettres où la reine se contient un peu et celles où elle peut découvrir le fond de son cœur.

124. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

L’auteur de ces touchants récits aime à exprimer l’impossible et à y briser les cœurs qu’il préfère, les êtres chéris qu’il a formés : le ciel seulement s’ouvre à la fin pour verser quelque rosée qui rafraîchit. […] Dans cette ruine successive des organes, son cœur sembla redoubler jusqu’au bout d’ardeur et de jeunesse. […] » Ils nous ont déchiré le cœur, mais ils ne savaient ce qu’ils faisaient ; ils étaient aveuglés, leurs yeux étaient fermés ; vos propres souffrances sont le gage de leur ignorance. La pitié est dans le cœur de l’homme ; de grands torts viennent toujours d’un grand aveuglement. […] Comment croire qu’on voudrait briser un cœur qui, peut-être pendant des années entières, vous a chéri, adoré, excusé, qui avait fait de vous son idole ?

125. (1860) Cours familier de littérature. X « LVe entretien. L’Arioste (1re partie) » pp. 5-80

Il n’y a ni sourire ni fou rire qui ait le prix d’une de ces gouttes tièdes du cœur. — Oh ! […] Sans le secours de son frère, Ariodant se serait percé le cœur dans son désespoir […] Il avait revêtu d’autres armes, monté un autre coursier, arboré un écu noir en signe du deuil de son cœur. […] Elle lui avait déjà donné et gardé son cœur. […] Si tu prends ainsi ces fantaisies de cœur, je ne te laisserai plus assister à la lecture après la sieste. — Oh !

126. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre III. La Phèdre de Racine. »

L’inceste n’était pas une chose si rare et si monstrueuse chez les anciens, pour exciter de pareilles frayeurs dans le cœur du coupable. […] quel est le cœur où prétendent mes vœux ? […] du crime affreux dont la honte me suit, Jamais mon triste cœur n’a recueilli le fruit. […] Chez eux on trouve, pour ainsi dire, des ébauches de sentiments, mais rarement un sentiment achevé : ici, c’est tout le cœur : C’est Vénus tout entière à sa proie attachée ! […] du crime affreux dont la honte me suit, Jamais mon triste cœur n’a recueilli le fruit.

127. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Cependant, Raymond méconnu ne veut plus rien entendre : les paroles de Philiberte l’ont frappé au cœur ; la blessure est incurable ; il n’aime plus, il n’aimera jamais. […] Ainsi agit Philiberte, et elle n’a pas de peine à faire tomber à ses pieds cet écervelé de chevalier, qui lui offre son cœur, sa main et l’héritage de son oncle par-dessus le marché. […] Un grand cœur cède un trône et le cède avec gloire ; Cet effort de vertu couronne sa mémoire. […] Alors le peintre arrive, pâle de colère, et son cœur éclate en paroles vengeresses ; il démasque le traître, il bafoue le parvenu, il flétrit l’ingrat. […] du génie dans ce cœur pourri !

128. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 17, s’il est à propos de mettre de l’amour dans les tragedies » pp. 124-131

Or l’esprit connoît mal les passions que le coeur n’a pas senties ; tout ce que les autres nous en racontent ne sçauroit nous donner une idée juste et précise des agitations d’un interieur qu’elles tirannisent. En second lieu, il faut que notre coeur ait peu de pente pour les passions que nous n’avons pas encore éprouvées à vingt-cinq ans. Le coeur a bien plûtôt acquis toutes ses forces que l’esprit, et il me paroît presqu’impossible qu’un homme de cet âge n’ait pas encore senti les mouvemens de toutes les passions ausquelles son temperament le condamne. […] non ignara mali miseris succurrere disco. il est encore ordinaire de juger des mouvemens naturels du coeur en general, par les mouvemens de son propre coeur. […] Les transports forcenez d’un ambitieux, au desespoir qu’on lui ait préferé pour remplir un poste éminent et l’objet de ses desirs, celui de ses rivaux qu’il méprisoit davantage, peuvent donc bien interesser vivement ceux qui sçavent par leur propre experience que la passion que le poëte dépeint peut exciter dans le coeur humain ces mouvemens furieux : mais toutes ces agitations, que quelques écrivains nomment la fievre d’ambition, toucheront foiblement les hommes à qui leur tranquillité naturelle a permis de se nourrir l’esprit de reflexions philosophiques, et qui plusieurs fois se sont dit à eux-mêmes que les personnes qui distribuent les emplois se déterminent souvent dans tous les païs et dans tous les tems par des motifs injustes ou frivoles.

129. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Et notre cœur doute encore, Que le ver déjà dévore Cette chair de notre chair ! […] Vous oublier, c’est s’oublier soi-même : N’êtes-vous pas un débris de nos cœurs ? […] Mais garde-nous nos places dans leur cœur. […] Je n’en sais rien ; j’imagine que ce fut précisément le contraste, l’étreinte de la volupté sur le cœur qui le presse trop fort, et qui en exprime trop complètement la puissance de jouir et d’aimer, et qui lui fait sentir que tout va finir promptement, et que la dernière goutte de cette éponge du cœur qui boit et qui rend la vie, est une larme. […] N’en parlons plus ; cela nous ferait trop serrer le cœur.

130. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Cette indifférence fondamentale sur les dieux, sur les vertus stoïques, sur les formes politiques, fait partie de son charme ; il est léger comme un cœur vide de fortes convictions ; il joue autour des fibres les plus molles du cœur, il ne les brise jamais. […] Son livre est l’écho de son cœur et l’écho de son temps. […] Jamais une tendresse de mère pour un enfant malade et partant ne coula plus à demi-voix du cœur sur ses lèvres. […] » On voit que le cœur seul, le cœur inquiet et brisé en deux parts, parle dans cette invocation touchante à la planche fragile qui répond à Horace de son ami. […] Horace, avec le cœur d’un ami et avec le bon goût d’un homme de cour, rappelle ainsi à Mécène un honneur public dans une familiarité privée.

131. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Mon cœur, resserré par les nouvelles de la maîtresse du logis, se fit si petit dans ma poitrine que je me sentis aussi morte que mon ami. […] Car le poids du cœur en fait découler enfin les secrets, ma tante ! […] Mais, excepté le cœur de celle à qui ces reliques rappellent des heures tristes ou douces, qui est-ce qui donnerait un carlin de cela ? […] nos pères, nos mères, nos oncles ne savaient que par cœur leurs prières. […] aurait-on bien le cœur de supplicier un pauvre enfant innocent dont tout le crime a été de défendre nous et sa cousine ? 

132. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

J’avais le cœur serré et les larmes aux yeux. […] Vous auriez été attendrie des bontés qu’il lui a témoignées ; il a fait voir en cette occasion son excellent cœur et l’estime qu’il a pour vous. […] Il a le cœur droit, l’âme noble et désintéressée. […] Votre esprit par ses lumières, votre cœur par sa droiture, ne devaient-ils pas vous garantir des soupçons odieux que vous avez conçus ? […] On est trop heureux d’être oublié de ceux dont on dédaigne les mœurs, dont on croit le cœur incapable de bonté, de reconnaissance et d’amitié.

133. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Ce serait un manuel à l’usage de tous les cœurs d’artiste, surtout des cœurs de femmes tendres et fiers, vaillants à la peine, souffrant sans merci et saignant jusqu’à la fin, sans jamais désespérer. […] Mme Valmore n’avait point rompu avec la tradition ; elle avait varié la romance, attendri et féminisé l’élégie, modulé sur un ton suave le tendre aveu et la plainte d’un cœur qui s’abandonne. […] J’ai refermé mes bras qui ne peuvent t’atteindre, Et frapper à mon cœur, c’est frapper au tombeau. […] N’écris pas ces doux mots que je n’ose plus lire : Il semble que ta voix les répand sur mon cœur ; Que je les vois brûler à travers ton sourire ; Il semble qu’un baiser les empreint sur mon cœur. […] résout la sécheresse du cœur !

134. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Il se vante, d’un ton dégagé, de l’impuissance de son coeur ! […] Le cœur opprimé par l’esprit se soulage et respire enfin. […] Tous les organes sont égaux devant le scalpel : il tranche dans le cœur, comme dans l’estomac. […] Pressée par ses instances, elle lui ouvre son cœur et lui raconte son histoire. […] Les femmes à ce moment pleuraient avec elle et tous les cœurs étaient pris.

135. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Mme de La Fayette a donné de Madame Henriette la plus agréable histoire, et telle que toute femme délicate, et née princesse par le cœur, la peut souhaiter. […] Étant allée avec la reine sa mère faire visite à Londres à son royal frère pendant les premiers temps de cette restauration, elle y enflamma les cœurs et y fit l’essai de ses charmes ; elle avait au plus dix-sept ans. […] Dans le méchant libelle dont Cosnac avait envoyé chercher les ballots en Hollande, il y avait une phrase entre autres, qui n’était pas si mal tournée : « Elle a, disait-on de Madame, un certain air languissant, et quand elle parle à quelqu’un, comme elle est tout aimable, on dirait qu’elle demande le cœur, quelque indifférente chose qu’elle puisse dire. » Cette douceur du regard de Madame avait opéré sur l’âme assez peu sensible de Cosnac, et, sans y mêler ombre de sentiment galant, il s’était laissé prendre le cœur à celle qui le demandait si doucement et si souverainement. […] On eût dit qu’elle s’appropriait les cœurs au lieu de les laisser en commun, et c’est ce qui a aisément donné sujet de croire qu’elle était bien aise de plaire à tout le monde et d’engager toutes sortes de personnes. […] Pour ce je ne sais quoi tant rebattu, donné si souvent en pur don à tant de personnes indignes, ce je ne sais quoi qui descendait d’abord jusqu’au fond des cœurs, les délicats convenaient que chez les autres il était copie, qu’il n’était original qu’en Madame.

136. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXII. La comtesse Guiccioli »

… Quel jour inouï ne vous attendriez-vous pas à voir jaillir de ces deux cœurs sur ces deux poëtes ! […] Mme de Staël, qui, même sans amour, aurait mieux parlé de Byron que Mme Guiccioli, n’arracha jamais entièrement son génie au bas-bleuisme quelle tenait de la race pédante (les Necker, père et mère) à laquelle elle appartenait… Mais le cœur de Mme Guiccioli était moins vaillant que le génie de Mme de Staël… C’était un genre de cœur qui ressemblait à son genre d’esprit. […] Mais avec cela, en fait de bravoure de cœur, on n’est jamais Mlle de l’Espinasse ! […] Elle devait éclairer jusqu’aux racines ce cœur qu’elle a eu dans les mains. […] Il a eu contre lui lady Byron, sa femme, qui lui a brisé le cœur, et jusqu’à la comtesse Guiccioli, sa maîtresse, à qui il avait donné ce cœur brisé et qui le lui a si maladroitement embaumé !

137. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Sainte Térèse » pp. 53-71

Elle prend le corps, le cœur, l’esprit, leur dresse un Thabor sous les pieds et les transfigure. […] Dès l’origine, rien n’annonçait dans ses facultés éphémères qu’elle était plus qu’une jeune fille, — la jeune fille-type, la jeune fille éternelle, la charmante et volage combinaison de poussière rose, qui croule si vite en cendres grises sur nos cœurs ! […] On cherche en vain dans cette aristocratique religieuse agenouillée, sous ce visage, à l’ovale si pur, que l’austère et strict bandeau fait paraître plus pur encore, la mystique dont l’âme, à force d’énergie, détruisit le corps, la paralytique aux os écrasés et aux nerfs tordus, cet amas sublime d’organes dissous sur lesquels flamboyait l’Extase, l’ombre de fille consumée qui vécut deux trous ouverts au cœur, les deux trous par lesquels le glaive du Séraphin avait passé, et si physiquement et si réellement qu’après sa mort, sur le cœur même, on put constater la blessure. […] À certaines places de ce récit merveilleux où le surnaturel a complètement remplacé la nature, on voit surgir du fond de cette Contemplative, éperdue et perdue dans son Dieu, une raison plus forte que toutes ces flammes, qui met la main sur le cœur qui palpite et dit à ce cœur : « N’es-tu pas ta proie à toi-même ? […] Elle a retourné les racines du cœur, en nous étalant le sien.

138. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Talent de teintes spirituelles, tempérament calme, cœur sensible, rempli jusqu’aux bords de son frère, il n’est pas simplement Musset par le nom : il l’est encore par la goutte détiédie du sang d’Alfred qui passe dans son cœur, — pour le faire, il est vrai, moins battre, et qui teint son esprit, quoique ce ne soit pas de la même couleur éclatante. […] Ici, non plus, nulle passion de ce passionné n’est touchée, racontée, creusée au vif, comme si les sentiments du génie n’intéressaient pas tous les cœurs saisis par ce génie ! comme si les passions qui ont tué celui-ci, avant l’heure, ne devaient pas avoir leur histoire, — tragédie du cœur du plus terrible exemple et de la plus profonde moralité ! […] Après avoir fait résonner les fibres saignantes de son cœur, il nous les a dénudées pour nous montrer avec quoi est faite la voix du poète… Historiquement, lord Byron n’a rien laissé à écrire sur son compte à ceux qui viendront après lui. […] … C’est cette vie-là d’Alfred de Musset qui nous manque, et puisqu’il ne l’a pas écrite, puisqu’il ne s’est pas appesanti sur elle, qui nous manquera probablement toujours… S’il l’avait écrite, on l’aurait jugé ; et on ne peut que le deviner, ce tendre cœur qui vivait de son cœur quand on le croyait un mondain frivole, et qui mourut de son cœur quand on le croyait un mondain vicié.

139. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

—  « Voici le cœur —  d’Högni le brave ! […] Sous la brute il y a l’homme libre et aussi l’homme de cœur. […] Comme l’homme et à côté de l’homme, c’est le cœur qui l’attache. […] C’est le cœur tout seul qui parle ici, un grand cœur barbare. […] — Guerriers au cœur hardi,  — qui m’avez choisi — pour votre chef ! 

140. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

On habite avec un cœur plein, un monde vide ; et, sans avoir usé de rien, on est désabusé de tout. L’amertume que cet état de l’âme répand sur la vie est incroyable ; le cœur se retourne et se replie en cent manières, pour employer des forces qu’il sent lui être inutiles. Les anciens ont peu connu cette inquiétude secrète, cette aigreur des passions étouffées qui fermentent toutes ensemble : une grande existence politique, les jeux du Gymnase et du Champ-de-Mars, les affaires du Forum et de la place publique, remplissaient leurs moments, et ne laissaient aucune place aux ennuis du cœur. […] Formée pour nos misères et pour nos besoins, la religion chrétienne nous offre sans cesse le double tableau des chagrins de la terre et des joies célestes ; et, par ce moyen, elle fait dans le cœur une source de maux présents et d’espérances lointaines, d’où découlent d’inépuisables rêveries. […] Dégoûtées par leur siècle, effrayées par leur religion, elles sont restées dans le monde, sans se livrer au monde : alors elles sont devenues la proie de mille chimères ; alors on a vu naître cette coupable mélancolie qui s’engendre au milieu des passions, lorsque ces passions, sans objet, se consument d’elles-mêmes dans un cœur solitaire55.

141. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

On sent que l’amour couve dans ces deux cœurs : on va le voir éclore au deuxième chant. […] tu es le rajeunissement éternel des imaginations, la Jouvence du cœur. […] » « Il a deviné que le cœur de l’enfant n’est plus à elle. […] Vincent insiste tellement que le père part pour aller sonder le cœur du père de Mireille. […] Le cœur de Mireille rugit dans son sein.

142. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Et il en sera ainsi tant qu’une foi commune n’éclairera pas les intelligences et ne remplira pas les cœurs. […] art de l’Humanité, ne devrais-tu pas faire couler dans son cœur quelques gouttes d’enthousiasme ? […] Le mal a donc envahi le cœur humain, comme il a envahi la connaissance humaine. […] J’avais rétréci mon cœur, et concentré toutes mes affections sur quelques êtres chéris. […] Hommes de mon temps, où sont vos fêtes religieuses où le cœur des hommes bat en commun ?

143. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Le grand poëte ne lisait pas lui-même ; il eût craint peut-être en certains moments les éclats de son cœur et l’émotion de sa voix. […] les voilà devant nous, l’une aussi présente, l’autre aussi dévoilé qu’ils peuvent l’être, unis tous les deux sous l’amitié vigilante d’un même cœur. […] car comment abandonner sans désespoir la main que l’on a couverte de baisers, et que l’on voudrait tenir éternellement sur son cœur ?  […] On est, comme le frère d’Amélie, égaré et possédé du démon de son cœur. […] Mais ce poids, pour être d’ordinaire plus obscurément porté, n’en pèse pas moins aujourd’hui sur bien des cœurs.

144. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

La mort néfaste du duc d’Enghien a coûté à des millions de cœurs, en France, des larmes qui n’ont pas demandé de salaire. […] La tête était, au physique comme au moral, immense, le jugement sain, le cœur sec, froid. […] Avoir pleuré ensemble une personne aimée est le lien des cœurs. […] » Ce qui veut dire en bon français : Je n’avais de cœur que pour moi ! […] Pourquoi donc le cœur serait-il sans force contre ces conditions de la vie ?

145. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

. — Un cœur de femme (1890). — La Terre promise (1892). — Cruelle énigme (1893). — Un scrupule (1893). — Cosmopolis (1894). — Un saint (1894) […] — Complications sentimentales (1898). — La Duchesse bleue (1898). — Trois petites filles (1898). — Œuvres complètes : Relique (1899) ; Un cœur de femme (1899). […] Stanislas de Guaita Curieux des diagnostics moraux, très familier des choses du cœur, M.  […] Dans ce livre, le poète nous confesse, avec une intensité douloureuse, les troubles d’un cœur désemparé, au lendemain de la grande déception d’amour à demi racontée dans Édel. […] — jusqu’à la plainte d’une âme où l’intelligence étouffe le cœur, et trouvait le secret d’être poète avec une psychologie un peu neutre, plus craintive qu’angoissée.

146. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Confessions de J.-J. Rousseau. (Bibliothèque Charpentier.) » pp. 78-97

Leur esprit, nous le connaissons de reste et nous en jouissons ; mais où est leur cœur ? […] Il n’a pas cette incroyable dureté (une dureté toute féodale vraiment) et ces inadvertances de cœur en parlant de ses père et mère, par exemple. […] Aussi voyez comme, pour sa Julie et son Saint-Preux, il a su les naturaliser dans le pays de Vaud, au bord de ce lac autour duquel n’avait jamais cessé d’errer son cœur. […] Il avait plu depuis peu ; point de poussière, et des ruisseaux bien courants ; un petit vent frais agitait les feuilles, l’air était pur, l’horizon sans nuages, la sérénité régnait au ciel comme dans nos cœurs. […] Ce moment des Charmettes, où il fut donné à ce cœur neuf encore de s’épanouir pour la première fois, est le plus divin des Confessions, et il ne se retrouvera plus, même quand Rousseau sera retiré à l’Ermitage.

147. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Une âme fière, généreuse, un cœur haut placé se serait dit : « La honte est dans ma maison, mon père n’a pas su sauver les dehors, et porter son malheur avec calme et dignité ; je soutiendrai mon nom mieux que lui. […] Je ne profiterai en rien de sa faute ; je tâcherai d’avoir du mérite, et je forcerai l’estime. » La guerre alors offrait aux gens de qualité une ample carrière, et un homme de cœur pouvait y faire ses preuves aux yeux de tous. […] Je me laissai donc aller à l’amour des grandeurs ; le penser m’en parut doux, j’y rêvais seul quelquefois, et faisais avec mes femmes mille châteaux en Espagne, qui commençaient, sans que je fusse en état de m’en apercevoir, l’esclavage de mon cœur et de mon esprit. […] On voit combien d’Antin prenait au sérieux un regard plus ou moins clément de Louis XIV ; rappelons-nous que Racine ne le prenait pas moins à cœur et qu’il en mourut. […] D’Antin, qui saisissait par l’esprit et même par le cœur bien des lueurs de sagesse et de vérité, avait l’âme muable, facile, ouverte et abandonnée à toutes les choses qui passent, et y reprenant sans cesse.

148. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

, cet homme compliqué avait un cœur dont on ne se doutait pas, — disent les colleurs d’affiches de Michel Lévy et les critiques qui voient des cœurs dans les livres qu’ils ne lisent pas… Oui ! il avait un cœur, saignant dans sa poitrine jusqu’à la dernière heure, et dans lequel une femme adorée piqua ses épingles — quelle pelote !  […] je n’y ai vu ni tant d’esprit, ni tant de cœur. […] Taine, grand juge de ces affaires de cœur. […] Ils s’achetaient mutuellement des bourses, des bijoux, des robes de chambre, et c’est ainsi qu’ils ont passé, ces grands cœurs fidèles, trente ans de leur vie, condamnés, l’un par l’autre, aux travaux forcés de la commission !

149. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Mais ce n’est là qu’une raison de plus pour nous de surprendre la fibre à nu et de pénétrer en ce point le plus reculé du cœur. […] J’accepte le mot sans défaveur, et je dirai à mon tour de Bérénice que c’est moins une tragédie qu’une comédie de cœur, une comédie-roman, contemporaine de Zayde, et qui allait donner le ton à la Princesse de Clèves. […] Bérénice entre en scène comme aurait fait La Vallière, si elle eût osé ; elle entre le cœur tout plein de son amour, empressée de se dérober à la foule des courtisans, ne pensant qu’à l’objet aimé, n’aimant en lui que lui-même. […] Jean-Jacques n’a pas craint de soutenir que Titus serait plus intéressant s’il sacrifiait l’empire à l’amour, et s’il allait vivre avec Bérénice dans quelque coin du monde, après avoir pris congé des Romains : une chaumière et son cœur ! […] La lutte du cœur plutôt que celle des faits, tel est en général le champ de la tragédie française en son beau moment, et voilà pourquoi elle fait surtout l’éloge, à mon sens, du goût de la société qui savait s’y plaire.

150. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Mais coupable de la langue, non du cœur ! […] Cependant l’amour, sous mille formes différentes, trouble encore la paix de son cœur. […] « Pauvreté vile et méprisée, et cependant si chère à mon cœur ! […] « Le chef reconnaît le héros à ses armes : il accourt ; il reconnaît aussi Clorinde, et son cœur est percé de douleur. […] Nous la traduisons comme la dernière parole échappée de son cœur.

151. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

— La main sur le cœur, chers frères d’Europe, sommes-nous tous chrétiens ? […] Car jamais, semble-t-il, la tête n’a aussi puissamment prévalu sur le cœur. […] Et si nous, hommes vivants, nous regagnions la pure force, la beauté et la dignité de cette nature, nous serions, aussi, bons et nobles et chrétiens ; car le chemin qui mène à cette nature n’est pas un recul, mais une marche vers les hauteurs sur des degrés spirituels dans une sphère morale ; et ce n’est pas une marche de la tête mais du cœur ; et la religion secrète qui oblige le cœur à une telle marche spirituelle vers l’idéal, c’est le Christianisme. […] Mais jamais cet amour n’aurait pu trouver son expression vraie et pleine dans l’Art sans la force de la musique ; sans elle l’Art serait devenu moralisateur et froid : car le grand drame de la connaissance de Dieu est exécuté par le cœur humain, et le seul langage du cœur est la musique. […] Au temps de la plus grande misère des cœurs, c’est par le sang Aryen que fut rendu possible le plus haut élan de l’Art vers la représentation parfaite de l’homme idéal.

152. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Mais peut-on dire que ce cœur, qui allait et tic-taquait comme une montre bien réglée, ne se soit jamais senti fou ? […] Je ne partage pas ses petits tremblements devant l’amour ; je ne partage pas ses incroyables et parfois amusantes anxiétés sur l’état du cœur de Madame Geoffrin. […] Je crois, d’honneur, qu’il y avait plus que de l’amitié dans le fond de son cœur, à Madame Geoffrin ! […] Être capable d’amour encore à l’âge terrible et sans beauté où les femmes sentent leur cœur impuissant ou détruit, est au contraire une chose touchante… et superbe ! […] car elle témoigne de l’immortalité du cœur et de la force de la vie, et il n’est pas besoin, comme si c’était une honte, de s’en cacher.

153. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

Elle prend le corps, le cœur, l’esprit, leur dresse un Thabor sous les pieds et les transfigure ! […] Dès l’origine, rien n’annonçait dans ses facultés éphémères qu’elle était plus qu’une jeune fille, — la jeune fille-type, la jeune fille éternelle, la charmante et volage combinaison de poussière rose, qui croule si vite en cendres grises sur nos cœurs ! […] On cherche en vain dans cette aristocratique religieuse agenouillée, sous ce visage, à l’ovale si pur, que l’austère et strict bandeau fait paraître plus pur encore, la Mystique dont l’âme, à force d’énergie, détruisit le corps, la paralytique aux os écrasés et aux nerfs tordus, cet amas sublime d’organes dissous sur lesquels flamboyait l’Extase, l’ombre de fille consumée qui vécut, deux trous ouverts au cœur, les deux trous par lesquels le glaive du Séraphin avait passé, et si physiquement et si réellement, qu’après sa mort, sur le cœur même, on put constater la blessure. […] À certaines places de ce récit merveilleux où le surnaturel a complètement remplacé la nature, on voit surgir du fond de cette Contemplative, éperdue et perdue dans son Dieu, une raison plus forte que toutes ces flammes, qui met la main sur le cœur qui palpite et dit à ce cœur : « N’es-tu pas ta proie à toi-même ? […] Elle a retourné les racines du cœur, en nous étalant le sien.

154. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

J’oserais presque dire qu’un tel livre est involontaire, et qu’il est tombé du cœur plus que du cerveau, comme un fruit mûr. […] Il nous l’a dit dans tous ses détails, tous ses accidents, toutes ses nuances, avec la fidélité de la mémoire du cœur et cette mélancolie des biens perdus qui rend l’aveugle si éloquent lorsqu’il parle de la lumière. […] On y sent l’erreur de l’esprit sous le talent qu’y déploie une imagination charmante et puissante à la fois, et cette erreur qu’on y sent, qu’on y entrevoit, qui s’y glisse partout et y respire, c’est la grande erreur de notre temps, cette erreur tranquille et souriante, aux yeux purs, au front pur, au cœur presque pur ; par-là d’autant plus dangereuse ! […] Dargaud, qui a tant d’infini dans le cœur, et qui nous peint si bien (qu’on me passe le mot !) […] … Pourquoi faut-il qu’un écrivain d’autant de cœur que l’auteur de la Famille ne soit pas de la vraie religion des grands artistes, de cette religion de Byron-le-mauvais, mais perfectionné par la vie, quand il voulut qu’Allegra fût catholique et quand il écrivit sur son tombeau : « C’est moi qui retournerai vers elle, mais elle ne reviendra jamais vers moi. » En poésie, en moralité sensible, en cœur humain, il n’y a plus rien à attendre en dehors du catholicisme, pas plus qu’en politique, en gouvernement, en science sociale.

155. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Francis Wey »

Francis Wey a écrit des livres renseignés et d’une érudition mordante, comme les Remarques sur la langue française, le style et la conviction littéraire ; ou l’Histoire des révolutions du langage en France ; mais ces études, qui l’ont posé comme homme de lettres devant le public d’une manière si carrée et si imposante, ont versé l’ombre de leur gravité sur un genre de littérature abordé par lui une ou deux fois, et que les pédants croient plus léger parce qu’il ne pèse plus le poids des livres, mais le poids du cœur qu’ils n’ont pas. […] L’homme de lettres, aux travaux considérables, a intercepté le conteur ; mais aujourd’hui, ramené par Christian de l’érudition des livres à l’érudition du cœur, plus intéressante et plus amère, Francis Wey, s’il persévère dans la route où il vient de faire un nouveau pas, devra plus tard effacer l’homme de lettres sous le conteur, — le conteur, plus cher que tout dans les vieilles littératures ! […] Jetée dans le grand moule de ces madones qu’a peintes Raphaël, rien de plus agité cependant que cette puissante jeune fille, troublée par son propre cœur au moment même où elle apporte la paix et la force dans l’amour au cœur défaillant de Christian. […] Il faut, disait l’un d’eux, que le cœur se bronze ou se brise. […] Mais Wey, qui est chrétien, échappe par là au bronze des esprits cruels, et si son cœur se brisait jamais, ce serait à la manière des cœurs chrétiens, dont les débris n’ont jamais blessé les autres coeurs qui s’y appuient.

156. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Tout l’or de vos cheveux est resté dans mon cœur. […] C’est un soir de durée au cœur des amoureux ! […] Ils se suivent, muets, comme il convient aux âmes, Et mon cœur se contracte et saigne en les nommant. […] Un impassible cœur sourd aux rumeurs humaines. […] Le hasard, comme chez Démocrite, serait au cœur des choses.

157. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Marie-Antoinette » pp. 171-184

L’adultère public de ces Rois très-chrétiens, dont l’exemple frappait au cœur la famille et la pourrissait, explique plus, selon nous, que toutes les fautes de la politique, les malheurs de cette race brillante et infortunée. […] … Pour qui sait un peu son cœur humain, il n’est pas permis d’en douter : quand l’impératrice disait avec tant d’élan à madame Geoffrin, passant à Vienne et caressant la petite archiduchesse : Emportez-la ! […] Marie-Antoinette, fille des Césars, cœur de César et beauté césarienne, ne devait pas être l’holocauste de l’autel abject des maîtresses, mais elle devait le renverser. […] Avec cette pensée de relever la royauté avilie dans le cœur d’un Roi devenu fidèle, la vie de Marie-Antoinette prend un sens qu’elle ne perdra plus. […] Elle eut bientôt tout le monde contre elle, et les puritains de l’étiquette, comme le vieux Mirabeau, et toutes les Du Barry possibles de la Cour et de la ville, qui durent viser au cœur de Louis XVI, cette cible heureusement répulsive, que, Dieu merci !

158. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XII. Marie-Antoinette, par MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 283-295

sur des cœurs moins forts et moins grands, et que des historiens, comme MM. de Goncourt, par exemple, l’aient sentie d’avance, dès les premières pages de leur livre, mêler son noir aux roses et aux vermillons, parfois fatigants, de leur palette, et donner du profond à ces superficielles couleurs ! […] L’adultère public de ces Rois très-chrétiens, dont l’exemple frappait au cœur la famille et la pourrissait, explique plus, selon nous, que toutes les fautes de la politique, les malheurs de cette race brillante et infortunée. […] … Pour qui sait un peu son cœur humain, il n’est pas permis d’en douter : quand l’impératrice disait avec tant d’élan à Mme Geoffrin, passant à Vienne et caressant la petite archiduchesse, Emportez-la ! […] Marie-Antoinette, fille des Césars, cœur de César et beauté césarienne, ne devait pas être l’holocauste de l’autel abject des maîtresses, mais elle devait le renverser ! […] Avec cette pensée de relever la royauté avilie, dans le cœur d’un Roi, devenu fidèle, la vie de Marie-Antoinette prend un sens qu’elle ne perdra plus !

159. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Je dis ce que mon cœur, ce que mon mal me dit. […] Le foyer était au cœur du poète. […] Un cœur calme et glacé que toute ivresse étonne, Qui ne saurait aimer et ne veut pas souffrir ? […] qu’il ressemble peu dans son repos tranquille, A ce cœur d’autrefois qui s’agitait si fort ! Cœur enivré d’amour, impatient, mobile, Au-devant des douleurs courant avec transport !

160. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Ainsi, ne pouvant changer mon cœur, il faut se conformer à vos maximes, qui sont peut-être d’aimer, en gardant un parfait silence. […] Expliquez, je vous prie, à votre cœur tout l’embarras du mien, et dites-vous souvent que vous êtes, de tous les hommes, le plus tendrement aimé. […] Cependant il me semble que nous devrions balancer votre cœur ; et lorsqu’elle vous fera exposer votre vie, je devrais vous faire prendre les précautions qu’elle permet. […] Je vous embrasse de tout mon cœur et voudrais acheter de la moitié de ma vie le bonheur de cette lettre. Mais il est des moments où elle s’aperçoit de son illusion, et que son cœur fait trop de chemin ; car, après tout, elle le connaît à peine ; elle anticipe sur les temps pour l’aimer ; dix jours de connaissance dans la vie, et puis c’est tout ; le reste n’a été qu’un rêve : Un cœur comme le mien est un meuble bien inutile pour l’agrément de la vie, et bien à charge dans toutes ces circonstances.

161. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Le prêtre, dont le corps, le cœur et l’esprit demeurent ensevelis sous le fardeau de la règle à laquelle il s’est attaché, est donc bien un malade, un être pitoyable, qui appelle tous nos soins. […] le monde en avait soif, dans le malaise où il se débattait. »‌ Après une période de prostration, il s’élance avec toute la fougue de son cœur, à la poursuite de son nouveau rêve. […] Orphelin dès l’âge de six ans, « il s’était enfermé dans son cœur d’enfant97. » La nature avait été la première compagne du garçon « taciturne et frénétique ». […] Sa raison qu’il croyait ensevelie parle au fond de lui-même. « Est-ce vivre en vérité, se disait-il, que de poursuivre, avec un cadenas au cœur, des œillères à la raison, une perfection chimérique ? […] Un être né homme, avec des sens, un sexe, un cœur, un cerveau, une volonté, une conscience.

162. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Le cœur de tout homme qui n’est pas un sot ou un drôle est pour elles. […] On ne pouvait échapper à la contagion de son enthousiasme, de ses espérances, de sa jeunesse de cœur. […] La source de cette immuable jeunesse c’était son cœur. […] C’était son cœur qui lui dictait sa religion, comme il lui avait dicté sa politique. […] « Il faut dans cet enfant fonder l’homme, créer la vie du cœur.

163. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

L’hymne de la nuit, celle du matin et du soir, celle de l’Enfant au réveil, la Cantate pour les enfants d’une maison de charité, la Lampe du temple et quelques autres pièces encore, ont toute la sérénité et la mansuétude d’une âme fidèle, virginale, d’un cœur doux et résigné, qui croit, qui espère et qui adore. […] Il prête d’admirables cantiques à ce petit nombre d’âmes secrètes et incorruptibles qui ont gardé dans toute sa pureté la foi des anciens jours ; mais il n’exprime pas tout ce qu’il y a d’inquiet et de remuant dans les esprits et dans les cœurs de ce siècle, même les plus sincères, même les plus affamés de croyances. […] inextinguible flamme, Qui fond deux cœurs mortels, et n’en fait plus qu’une âme ! […] Sans effort de mon cœur j’efface Ce songe de félicité, Et je dis, la pitié dans l’âme  Amour ! […] pour exhaler le chant de leurs cœurs.

164. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

La jeune hôtesse lui offre en vain sa bourse et son cœur, il a la délicatesse de refuser. […] Satisfaire à la fois l’intelligence des forts et le cœur de tous, n’est-ce pas le but suprême de l’art ? […] Et soudain un froid mortel pénètre le cœur de don Juan sans ébranler son courage. […] Une phrase musicale de Mozart convertit autant de cœurs qu’un sermon, car tout ce qui élève convertit. […] N’ai-je pas vu aussi un rossignol tomber de la branche, après avoir chanté jusqu’à la mort, pour sa compagne, le cœur éclaté de mélodie ?...

165. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Si son cœur t’accueille avec bienveillance, espère alors voir tes amis et retourner dans ton élégante maison et dans ta patrie.” […] mon fils, recueille tes pensées, gouverne sagement ta langue, et garde ta voix au fond de ton cœur. […] Et vous voudriez que je méprisasse ce fil qui retient le naufragé du cœur au rivage ! […] Sa forte voix, où vibrait la franchise de son cœur, les excitait. […]         Pourquoi me donniez-vous un cœur ?

166. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Nul cœur et nul esprit n’était plus façonné pour lui plaire. […] le cœur ne connaît pas les brouillons). […] Le cœur saigne ! […] Vivrai-je assez pour payer aussi mes dettes de cœur ? […] Une maladie de cœur l’emporta.

167. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Elle sentait instinctivement comme lui, elle avait le cœur à l’unisson du sien : « Il faut être ce que la naissance, qui en décide, nous fait en entrant au monde. […] mon cher frère, vous dites que vous m’aimez, et vous me plongez le poignard dans le cœur. […] Je ne sais ce que j’ai écrit ; j’ai le cœur déchiré, et je sens qu’à force d’inquiétude et d’alarmes, mon esprit s’égare. […] mais la moindre chose qui vous regarde me pénètre le cœur et alarme trop vivement ma tendresse. […] Ce ne sont pas des phrases, cela est vrai… Mon cœur et mon âme sont à Baireuth, chez vous, et mon corps chétif végète ici, sur les grands chemins et dans les camps.

168. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Tant que vécut Richelieu, la capacité de Mazarin fut en quelque sorte ensevelie dans le secret du cabinet ; il y était intimement lié avec Chavigny, qui avait le cœur et les entrailles de Richelieu dont il passait tout bas pour le fils. […] Je me désiste dès maintenant de tout mon cœur des avantages que me promet la déclaration, que j’abandonne sans réserve, avec tous mes autres intérêts, à la bonté sans exemple de Sa Majesté. […] À partir de ce jour il fut maître, et aurait pu prendre pour devise : Qui a le cœur, a tout. […] La félicité suprême de ses dernières années montra le fond de son cœur, et ce cœur n’était rien moins que haut et désintéressé. […] » Il s’arrêtait à chaque pas, car il était fort faible et se tenait tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; et, jetant les yeux sur l’objet qui lui frappait la vue, il disait du profond du cœur : « Il faut quitter tout cela ! 

169. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Elles se concertèrent pour obtenir d’Alphonse II, leur frère, qu’il attachât à sa personne le jeune Torquato, gloire future de leur maison, et déjà souci secret de leur cœur. […] L’ambition de ce siècle était littéraire, philosophique, artistique ; la renaissance des lettres avait ennobli le cœur des princes et des peuples. […] Effacer ce portrait pour quelques mécontentements de courtisan, pour une inconstance de cœur ou pour un scrupule de critique, n’était pas seulement une offense au poème, c’était une offense gratuite au cœur de Léonora, innocente des sévérités de son frère. […] Je pense que ces désordres de son esprit viennent de quelques humeurs mélancoliques qui pèsent sur le cœur et sur le cerveau. […] Rousseau, dont l’imagination égare le cœur.

170. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Est-il plus vrai que la Morale du Christianisme flétrisse & endurcisse le cœur ? […] L’onction de son langage a d’abord commencé par amollir les cœurs féroces, & ces êtres auparavant dépourvus d’humanité, ont d’abord commencé par devenir Hommes avant d’être Chrétiens. […] Oser avancer que sa Morale flétrit & endurcit le cœur, n’est-ce pas le comble de l’effronterie & de la contradiction ? […] Il y a toujours de la ressource pour ramener au bien celui qui s'en est écarté, tant que la voix de ses devoirs peut se faire entendre à son cœur, au lieu que le méchant irréligieux est inaccessible au cri de la Justice, comme à celui du remords. N'a-t-on pas vu, dans mille circonstances, des maux occasionnés par la corruption des penchans désavoués ensuite par le regret, & réparés par un sincere retour vers le bien, aussi-tôt que la Religion a repris son empire dans le cœur du Coupable ?

171. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Il lui remontre combien il serait « dangereux pour sa réputation, pénible pour son cœur que le plus cher de ses amis quittât la vie, sans motif ». […] Mais, au moment de signer, son cœur se révolte, sa colère éclate. […] Son père, un fermier des gabelles, veut la marier à M. de Cruas, un gentilhomme de basse mine et de méchant cœur. […] Elle fait l’ouvrage de la conspiration avortée, cette clameur terrible, elle porte le coup, elle vise au cœur, elle frappe, elle tue, on voit la victime. […] Elle rompt son unité, elle transpose son émotion, elle, change son cœur de place, pour ainsi dire.

172. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Ils l’étaient par l’essence même de l’âme et les attaches secrètes du cœur. […] Par le sang de sa mère, la religion coulait dans son cœur, comme la poésie y affluait par le sang de son père, le sang des troubadours et des Guarini d’Italie. […] Nature profondément sympathique, elle ne se cloîtrait en rien, pas même dans l’immense affection fraternelle qui n’eut jamais de rivale parmi les autres affections de son cœur. […] : « Il est plus d’une demeure dans le cœur. […] Si, comme elle l’avait dit, son cœur était le rayon de miel ans petites logettes, son esprit en était l’abeille.

173. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Cœur d’or, mais caractère extrêmement difficile ! […] Mais dans cette scène chaque mot porte et touche le cœur. […] Oui, c’est bien là la clef du cœur de notre nation. […] est un cri parti du fond de nos cœurs. […] Marcel Schwob, Cœur double, avec une préface.

174. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

On s’épand trop aujourd’hui en écrivant comme en vivant ; le cœur ni l’esprit n’y suffisent plus. […] Elle raconte et confesse, en fort bon style didactique, ses propres luttes épineuses sur l’article de la vanité : « Voilà, ma bonne amie, une peinture ingénue des révolutions dont mon cœur fut le théâtre !  […] Quel fut, entre tous, le préféré, le premier mortel qui rencontra, qui traversa, ne fût-ce qu’un instant, l’idéal encore intact d’un si noble cœur ? […] Adieu, le cœur me bat au moindre bruit ; je tremble comme un voleur. » Il ne tient qu’à l’amie en ces moments de se croire plus nécessaire, plus aimée, plus recherchée pour elle-même que jamais. […] La plupart s’imaginent que le plus léger sentiment d’une autre espèce altérerait ou effacerait l’amitié, qui leur semble le pis aller d’un cœur désœuvré.

175. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Mais il y a cette différence que l’acteur, par cette perpétuelle étude de soi au point de vue de son art, altère surtout ses gestes et son accent, tandis que l’artiste peut altérer jusqu’à son sentiment même et fausser son propre cœur. […] Tel sentiment est plus vraiment nous que ce qu’on est habitué à appeler notre personne ; il est le cœur qui anime nos membres, et ce qu’il faut avant tout sauver dans la vie, c’est son propre cœur. […] La vibration du cœur est comme celle de la lumière : elle se communique tout alentour ; produisez en moi l’émotion, cette émotion, passant dans mon regard, puis rayonnant au dehors, se transformera eu beauté pour mes yeux. […] Mais il faut que ce soit là un élan du cœur et du sentiment, non un jeu de l’intelligence. […] Le grand artiste, simple jusqu’en ses profondeurs, est celui qui garde en face du monde une certaine nouveauté de cœur et comme une éternelle fraîcheur de sensation.

176. (1856) Cours familier de littérature. I « Ier entretien » pp. 5-78

La mienne avait la piété d’un ange dans le cœur et l’impressionnabilité d’une femme sur les traits. […] On peut changer d’esprit, on ne doit pas changer de cœur. […] … Quand le cœur se brise, ne fait-il pas éclater la veine ? […] Les années ne me pèsent pas encore, mais elles me comptent ; je porte plus péniblement le poids de mon cœur que celui des années. […] Tout ce qui me reste de vie est concentré dans quelques cœurs et dans un modeste héritage.

177. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le comte de Fersen et la cour de France »

Par toute l’Europe et sur tous les trônes, la Royauté manqua de cœur, quand il s’agissait de montrer celui de Fersen pour Louis XVI et Marie-Antoinette, — et elle manqua aussi de génie ; car elle était plus intéressée que lui à les défendre ! […] Il avait pour elle quelque chose du respect des chevaliers du Moyen Âge pour « Madame la Vierge », et aussi la piété, qui est de tous les temps, d’un cœur généreux pour les malheurs de la femme et de la Reine. […] Le royaliste ne dit pas aux Rois leur vérité, et il a vécu depuis, et il a dû mourir, avec le poids de cette vérité sur le cœur ! […] Le froid de la politique d’une impératrice qui appelait son empire son petit ménage, resserrait le cœur qui aurait pu se dilater. […] Il portera ce chiffre marqué sur son cœur jusque devant Dieu, et devant Dieu même ce sera sa gloire !

178. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Or c’était précisément un historien épique qu’il aurait fallu à Nelson, cet homme épique de grandeur, et cela n’aurait pas suffi : il lui aurait fallu un autre genre d’historien encore, celui-là qui sait regarder profondément au fond des cœurs pour débrouiller les sombres problèmes dont ils sont pleins, car Nelson fut romanesque aussi et même criminellement romanesque. […] Oui, puisque cette histoire, trop anglaise peut-être pour un Français, — car elle nous fait saigner le cœur de tant de gloire contre nous, — tentait une intelligence assez ferme, assez enveloppée du triple airain pour la raconter, il y avait à la faire très grande, cette histoire, qui vous laisse petit, si vous n’êtes pas aussi grand qu’elle. […] Cœur tendre dans un pauvre corps avorté, il pouvait à peine se traîner sur la terre, et il alla à la mer, comme disent les Anglais, et jamais pied plus solide ne la foula, quand il fut dessus. […] rien ne serre plus le cœur de l’historien que cela, rien ne serre plus le cœur qui étudie cette grande âme partagée, que de voir Nelson, frappé d’un dernier coup à Trafalgar, expirant dans sa cabine devenue une boucherie humaine, magnifique de pitié pour ses matelots auxquels il renvoie son chirurgien, magnifique d’amitié pour son camarade de bataille, le capitaine Hardy, qui, entre deux coups de canon, vient lui donner des détails sur sa victoire, magnifique de commandement, car son avant-dernier mot est un mot de commandement : « Faites tomber les ancres !  […] La spontanéité du cœur qu’il avait, cet être délicat, fragile, idéal, religieux, qui tenait si peu de place dans l’espace et qui en tiendra une si grande dans le temps, et qui placidement accomplit, hélas !

179. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Or, c’était précisément un historien épique qu’il aurait fallu à Nelson, cet homme épique de grandeur, et cela n’aurait pas suffi : il lui aurait fallu un autre genre d’historien encore, celui-là qui sait regarder profondément au fond des cœurs pour débrouiller les sombres problèmes dont ils sont pleins ; car Nelson fut romanesque aussi et même criminellement romanesque. […] puisque cette histoire, trop anglaise peut-être pour un Français, — car elle nous fait saigner le cœur de tant de gloire contre nous, — tentait une intelligence assez ferme, assez enveloppée du triple airain pour la raconter, il y avait à la faire très grande, cette histoire, qui vous laisse petit si vous n’êtes pas aussi grand qu’elle. […] Cœur tendre dans un pauvre corps avorté, il pouvait à peine se traîner sur la terre et il alla à la mer, comme disent les Anglais, et jamais pied plus solide ne la foula, quand il fut dessus. […] rien ne serre plus le cœur de l’historien que cela, rien ne serre plus le cœur qui étudie cette grande âme partagée que de voir Nelson, frappé d’un dernier coup, à Trafalgar, expirant dans sa cabine devenue une boucherie humaine, magnifique de pitié pour ses matelots auxquels il renvoie son chirurgien, magnifique d’amitié pour son camarade de bataille, le capitaine Hardy, qui entre deux coups de canon vient lui donner des détails sur sa victoire, magnifique de commandement, car son avant-dernier mot est un mot de commandement : « Faites tomber les ancres !  […] La spontanéité du cœur qu’il avait, cet être délicat, fragile, idéal, religieux, qui tenait si peu de place dans l’espace et qui en tiendra une si grande dans le temps, et qui placidement accomplit, hélas !

180. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

Les cœurs, après plus d’un siècle, retentissent encore du fameux cri, Madame se meurt, Madame est morte. […] Ainsi, lorsqu’il s’écrie, en montrant le cercueil de Madame : La voilà, malgré ce grand cœur, cette princesse si admirée et si chérie ! […] C’est par l’opposition qui se trouve entre ce grand cœur, cette princesse si admirée, et cet accident, inévitable de la mort, qui lui est arrivé comme à la plus misérable des femmes ; c’est parce que ce verbe faire, appliqué à la mort qui défait tout, produit une contradiction dans les mots et un choc dans les pensées, qui ébranlent l’âme ; comme si, pour peindre cet événement malheureux, les termes avaient changé d’acception, et que le langage fût bouleversé comme le cœur. […] C’est qu’il a trouvé dans la religion une solitude ; c’est que son corps était dans le monde, et son esprit au désert ; c’est qu’il avait mis son cœur à l’abri dans les tabernacles sacrés du Seigneur ; c’est comme il a dit lui-même de Marie-Thérèse d’Autriche, « qu’on le voyait courir aux autels pour y goûter avec David un humble repos, et s’enfoncer dans son oratoire, où, malgré le tumulte de la Cour, il trouvait le Carmel d’Élie, le désert de Jean, et la montagne si souvent témoin des gémissements de Jésus. » Les Oraisons funèbres de Bossuet ne sont pas d’un égal mérite, mais toutes sont sublimes par quelque côté. […] » Viennent des réflexions sur l’illusion des amitiés de la terre, qui « s’en vont avec les années et les intérêts », et sur l’obscurité du cœur de l’homme, « qui ne sait jamais ce qu’il voudra, qui souvent ne sait pas bien ce qu’il veut, et qui n’est pas moins caché ni moins trompeur à lui-même qu’aux autres197. » Mais la trompette sonne, et Gustave paraît : « Il paraît à la Pologne surprise et trahie, comme un lion qui tient sa proie dans ses ongles, tout prêt à la mettre en pièces.

181. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

Mais le cœur de l’homme lui-même n’est-il pas un organe rythmé ? […] Chaque vers est un gémissement d’un cœur qui se brise. […] Il semble que deux cœurs battent dans son sein. […] La pitié ne peut émouvoir le cœur par un plus grand avilissement de la jeunesse, de la beauté et de l’innocence. […] La vie s’arrêtera dans mon cœur, si ses bras, dès aujourd’hui, ne se referment pas sur son épouse.

182. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Il se prêta de mauvaise grâce à cette conversion et résista toujours tant qu’il put aux actes de dévotion russe si chers au peuple, Il tenait au luthéranisme dans l’âme ; il tenait à son Holstein, à son petit duché héréditaire plus qu’à ce grand empire qui lui venait comme un don du ciel ; il avait à cœur avant tout la haine du Danois. […] Elle apportait tant de zèle à cette étude du russe qu’elle se levait la nuit sur son séant, et, tandis que tout le monde dormait, elle apprenait par cœur les cahiers que son maître lui laissait. […] J’écoutais ces propos de parentage en rougissant, et le remerciant de sa confiance prématurée ; mais au fond de mon cœur je regardais avec étonnement son imprudence et manque de jugement sur quantité de choses. […] Le cœur ne me prédisait pas grand bonheur : l’ambition seule me soutenait. […] Ce qu’il faut dire, c’est qu’aussitôt élevée à ce rang de grande-duchesse, elle en parut hautement digne et sut se concilier tous les cœurs par sa conduite et son attention aux apparences, par sa tournure, par sa grâce, son air de douceur et de bonté qui recouvrait un grand art de séduction, par sa gaieté qui ne permettait pas de soupçonner tant de prudence.

183. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Notre cœur, pour peu qu’il ait eu un jour dans la vie, fixe ou ramène notre sensibilité à une certaine heure, qui est celle qu’on entend volontiers résonner lorsqu’on rentre en soi et qu’on rêve. […] Y eut-il jamais place, dans ce cœur qui avait été saturé d’agonie dès sa tendre jeunesse, à une pure et véritable joie ? […] Elle parcourut les casernes, elle essaya d’électriser les soldats, elle les piqua d’honneur, rien n’y fit ; elle trouvait les cœurs fermés et repris par leur vieil amour. […] Son cœur pourtant lui en fit trouver quelques-uns. […] Charles Didier), celui-ci se hasarda à lui dire : « Madame, il est impossible que vous n’ayez pas vu dans la chute de Louis-Philippe le doigt de Dieu. » — « Il est dans tout », répondit-elle avec simplicité, avec un tact qui vient de la religion et du cœur.

184. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Sainte-Beuve, qui me laisse lire dans son cœur. […] Sainte-Beuve disait volontiers que Vinet avait un cœur d’or ; mais il n’est pas toujours bon, quand on fait de la critique, d’avoir un cœur d’or. […] Dieu veuille disposer mon cœur et me dicter ce que je dois dire ! […] Effort de l’imagination, qu’on a pris pour un élan du cœur. […] Le cœur, interrogé, n’a rien répondu au cœur ; et l’homme reste là, embarrassé de ses lumières mêmes, car il en a trop ou trop peu pour son repos.

185. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Car tout lui parle ; si l’unique et brillante pensée ne tient plus son cœur, il n’est non plus indifférent à rien. […] Il arrive ainsi qu’on le suit aisément, si haut qu’il aille, et que le moindre cœur tendre monte sans fatigue avec lui.  […] Jocelyn, seul, dans la Grotte des Aigles, rentre dans une situation qu’ont rêvée une fois tous les cœurs sensibles épris de la nature au printemps. […] Au contraire, les belles apostrophes de Lamartine à Fido, loin de paraître singulières à personne, ne feront que rendre la pensée de bien des cœurs[…] qui n’aime à tomber d’un cœur reconnaissant ?

186. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

La première des pièces consacrées à la louange de Louise, dans l’édition de 1555, est une petite épigramme grecque qui peut jeter quelque jour sur cette situation ; à la faveur et un peu à l’abri du grec, les termes qui expriment son infortune particulière de cœur y sont formels. […] Il lui échappe en quelques endroits de ces accents du cœur qu’on ne feint pas et qui pénètrent. […] » Cette naïveté de vœu en rappelle directement un autre bien orageux aussi, bien audacieux, et moins simple dans sa sublimité, celui d’Atala, lorsque, découvrant son cœur à Chactas, elle s’écrie : « Quel dessein n’ai-je point rêvé ! quel songe n’est point sorti de ce cœur si triste ! […] Elle avait environ vingt-neuf ans à la date de cette publication ; elle vécut jusqu’en 1566, et mourut à l’âge où les cœurs passionnés n’ont plus rien à faire en cette vie, ayant vu se coucher à l’horizon les derniers soleils de la jeunesse.

187. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Et je pressai, sans qu’on s’en aperçût, ma zampogne sur mon cœur, car c’est elle qui avait si bien joué l’air dont la vierge était tout à l’heure attendrie. […] Ce n’était pas facile, car, pendant que ma zampogne jouait la fête, mon cœur battait la mort et l’enterrement. […] Leur art chante et leur cœur saigne. […] Ce cri me fendit le cœur, mais il m’inspira aussitôt une idée qui ne me serait jamais venue, à moi toute seule, sans elle. […] rien, monsieur, rien du tout pendant un moment qui me dura autant que mille et mille battements du cœur.

188. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Rien de plus auguste et de plus intéressant que cette étude des premiers mouvements du cœur de l’homme. […] À cette consommation du crime, rien ne s’altère encore dans la nature : les passions seulement font gronder leurs premiers orages dans le cœur du couple malheureux. […] On ne peint bien que son propre cœur, en l’attribuant à un autre ; et la meilleure partie du génie se compose de souvenirs. […] Il se prosterne et élève un cœur et une voix humiliés vers celui qui pardonne. […] Les plaintes d’Andromaque, plus étendues, perdent de leur force ; celles de la mère d’Euryale, plus resserrées, tombent, avec tout leur poids, sur le cœur.

189. (1865) Du sentiment de l’admiration

Je vous y encourage de grand cœur. […] Cette abnégation si favorable à l’intelligence, croyez-vous qu’elle soit stérile pour le cœur ? Tout modeste aveu du peu que nous sommes, toute soumission devant les supériorités éternelles, tout acte de foi sincère agrandit le cœur en même temps que l’esprit se développe. […] Je ne saurais trouver de meilleurs gardiens, de plus sages mentors pour un cœur droit et pur. […] À d’autres le courage ferait défaut ; mais une foi profonde palpite au cœur du pèlerin ; il attache sur la cime aérienne des regards enivrés, et cette vue lointaine le ranime.

190. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Ô ma cousine au cœur faible ! […] —  Après m’avoir connu, —  descendre jusqu’à un cœur plus étroit que le mien ! […] » Quelle fête dans son cœur quand il est aimé ! […] Nous le savons tous par cœur. […] Alors ont éclaté ces sanglots qui ont retenti dans tous les cœurs.

191. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

qui n’a pas même les feuilles blanches nécessaires à l’expansion de son cœur pour elle et pour un enfant de quatorze ans ! […] Elles sont charmantes, ravissantes d’esprit, d’âme, de cœur, et tout cela pour moi ! […] Une nouvelle, un bruit de vent, un oiseau, un rien, me vont au cœur par moments et me feraient écrire des pages. […] Il n’en était pas de même autrefois, mais les goûts changent et le cœur se déprend chaque jour de quelque chose. […] Et quel cœur !

192. (1887) George Sand

« Tous ses besoins étaient dans son cœur, et son cœur s’ennuyait. » Sous une vive impulsion, qui ressemblait à un coup de la grâce, elle se sentit transformée. […] Indiana ne veut pas survivre à son cœur. […] et comme le grand cœur de Lélia est près de faiblir ! […] Son cœur fut la première dupe. […] Chacun se fait une morale selon son cœur.

193. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre premier. Que le Christianisme a changé les rapports des passions en changeant les bases du vice et de la vertu. »

S’il existait une religion qui s’occupât sans cesse de mettre un frein aux passions de l’homme, cette religion augmenterait nécessairement le jeu des passions dans le drame et dans l’Épopée ; elle serait plus favorable à la peinture des sentiments que toute institution religieuse qui, ne connaissant point des délits du cœur, n’agirait sur nous que par des scènes extérieures. […] 30 « Mère, voilà ton fils ; disciple, voilà ta mère. » Le christianisme, qui a révélé notre double nature et montré les contradictions de notre être, qui a fait voir le haut et le bas de notre cœur, qui lui-même est plein de contrastes comme nous, puisqu’il nous présente un Homme-Dieu, un Enfant maître des mondes, le créateur de l’univers sortant du sein d’une créature ; le christianisme, disons-nous, vu sous ce jour des contrastes, est encore, par excellence, la religion de l’amitié. […] Pour que deux hommes soient parfaits amis, ils doivent s’attirer et se repousser sans cesse, par quelque endroit ; il faut qu’ils aient des génies d’une même force, mais d’une différente espèce ; des opinions opposées, des principes semblables ; des haines et des amours diverses, mais au fond la même sensibilité ; des humeurs tranchantes, et pourtant des goûts pareils ; en un mot, de grands contrastes de caractère et de grandes harmonies du cœur. […] Il ne faut pas toujours laisser tomber la sonde dans les abîmes du cœur : les vérités qu’il contient sont du nombre de celles qui demandent le demi-jour et la perspective. […] Cette curiosité conduit peu à peu à douter des choses généreuses ; elle dessèche la sensibilité, et tue pour ainsi dire l’âme : les mystères du cœur sont comme ceux de l’antique Égypte : le profane qui cherchait à les découvrir sans y être initié par la religion, était subitement frappé de mort.

194. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Renan, mais l’imagination sera toujours du côté du cœur. […] On ne fait pas la poésie, on la trouve dans son cœur. […] et tous les orages tombent sur mon pauvre cœur. […] Ouvrir son cœur pour le mettre en étalage sur un comptoir ! […] Le cerveau se nourrit aux dépens du cœur.

195. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Jamais le jeune poète n’oublia ce service : il avait coulé du cœur de Lucien comme une prière, il avait touché le cœur de Béranger comme un sentiment. […] Béranger avait ressenti ces torts dans son cœur par le contrecoup du cœur du peuple. […] La reconnaissance lui ouvrit mon cœur tout entier. […] Antier, qui sera votre main et votre cœur. » « — Eh bien ! […] Garde dans ta mémoire et transmets à celle de tes enfants ce beau mouvement de ton cœur national.

196. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

A peu de temps de là, M. de Nemours fut tué en duel par M. de Beaufort, et (bizarrerie du cœur !) […] Le voici : « C’est un traité des mouvements du cœur de l’homme qu’on peut dire avoir été comme inconnus, avant cette heure, au cœur même qui les produit. […] Lorsqu’au fond l’esprit est droit et le cœur bon, après bien des efforts dans le goût, on revient au simple ; après bien des écarts dans la morale, on revient au virginal amour, au moins pour le contempler. […] Il est des hommes qui mènent un tel deuil dans leur cœur de la perte de la jeunesse, que leur amabilité n’y survit pas. […] De là vient qu’à l’instant où l’on sent qu’on y porte moins, on s’en dégoûte souvent avec un cœur fier, et qu’on résiste si aisément à celui qu’on inspire.

197. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

L’art de mystifier suppose à mon avis, chez ceux qui s’y adonnent, une certaine dureté de cœur, un germe et un commencement de cruauté. […] Elle m’a embrassée dix fois, mais du cœur. […] Elle touche le cœur. […] Victor Hugo, qui m’a reçue à cœur découvert… Il demeure attaché à l’idée de te ramener à Paris. […] De loin, ne se souvenant plus que du grand cœur de sa mère, Ondine osait se livrer davantage, ainsi que nous l’avons vu.

198. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Tous les hommes intelligents et tous les hommes de cœur s’y attachaient. […] On devine déjà que le poème sorti d’une telle main et couvé d’un tel cœur ne saurait être une œuvre vulgaire. […] Pourquoi as-tu préparé ton cœur pour la lutte ? […] Faisons un traité en invoquant Dieu, et repentons-nous dans notre cœur de cette inimitié. […] Mon cœur te communiquera son amour, et je ferai couler de tes yeux des larmes de honte.

199. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Ce fut un succès mondain, religieux, sentimental, tout de cœur et d’imagination, qui n’est comparable pour nous qu’à certains succès que nous avons vus dans notre jeunesse, et par exemple à celui des Méditations poétiques de M. de Lamartine. […] Ce vœu de Henri IV, qu’ont mentionné les biographes, n’a rien qui doive absolument étonner ; la faiblesse de ses mœurs et de sa conduite n’empêchait pas la justesse de son sentiment, ni même les inclinations de son cœur. […] « Il y a, dit-il quelque part, des cœurs aigres, amers, et âpres de leur nature, qui rendent pareillement aigre et amer tout ce qu’ils reçoivent. » Il plaint cette amertume de cœur en autrui, et, quand elle est purement naturelle, il y voit moins une faute qu’une imperfection qu’il faut s’appliquer à vaincre. […] Il était plus dans son élément le jour où il eut à répondre à un abbé de ses amis qui lui avait adressé cette question : « Votre cœur n’aimera-t-il pas le mien toujours et en toutes saisons ?  […] On conçoit, dans le temps, le succès d’un tel livre qui prenait les cœurs par la tendresse, attirait l’esprit par les belles images, et satisfaisait la raison par le fruit moral qu’on en recueillait34.

200. (1875) Premiers lundis. Tome III «  La Diana  »

Voilà, me disais-je en parcourant le recueil local où l’on a réuni les touchants témoignages rendus à M. de Persigny dans ses visites à Saint-Étienne et à Montbrison, et qui sortent tout à fait du ton officiel, voilà une province qui vit, qui échappe au reproche qu’on a souvent adressé à notre centralisation administrative ; d’ailleurs si utile, de n’être qu’un mécanisme, un ensemble de rouages, et de laisser en dehors le cœur et l’âme des populations. […] Le vieux cœur se remet à battre à travers les mailles du réseau moderne et ne cherche pas à le briser. […] La France est une belle patrie ; elle a de ces jours où tous les cœurs n’ont qu’un seul vœu, qu’un cri éclatant ; ce sont des journées héroïques, populaires, militaires, même civiles, où l’on se retrouve, où tout se confond ; dates immortelles, véritables époques dans notre histoire ! […] Évidemment l’avare avait peur qu’on ne le volât en retenant par cœur quelque chose. […] Une idée utile et toute pratique, une chaleureuse et patriotique étincelle, c’est ce que nous nous sommes plu à relever dans un discours, spirituel assurément, mais qui n’aurait pas été remarqué à ce degré s’il n’avait été l’expression de convictions senties, et s’il n’était venu à la suite et en compagnie d’actions nées du cœur.

201. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Quoi qu’il fasse, il ne peut rien, tout lui résiste ; il ne peut plier la matière à son usage, qu’elle ne se plaigne et ne gémisse : il semble attacher ses soupirs et son cœur tumultueux à tous ses ouvrages ! […] Soit préjugé d’éducation, soit habitude d’errer dans les déserts, et de n’apporter que notre cœur à l’étude de la nature, nous avouons qu’il nous fait quelque peine de voir l’esprit d’analyse et de classification dominer dans les sciences aimables, où l’on ne devrait rechercher que la beauté et la bonté de la Divinité. […] Lorsqu’on n’a point de religion, le cœur est insensible, et il n’y plus de beauté : car la beauté n’est point un être existant hors de nous ; c’est dans le cœur de l’homme que sont les grâces de la nature. […] L’Église ne pouvait donc prendre, dans une question qui a partagé la terre, que le parti même qu’elle a pris : retenir ou lâcher les rênes, selon l’esprit des choses et des temps ; opposer la morale à l’abus que l’homme fait des lumières, et tâcher de lui conserver, pour son bonheur, un cœur simple et une humble pensée. […] Les unes appartiennent à l’esprit, les autres au cœur ; or, il se faut donner de garde de cultiver le premier à l’exclusion du second, et de sacrifier la partie qui aime à celle qui raisonne.

202. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Auguste Nicolas »

Il n’en est pas qui doive mieux trouver la grande fibre humaine et loger plus aisément dans le cœur l’idée vraie avec un accent plus irrésistible. […] Ils avaient reconnu, avec le tact des hommes qui savent la place que tient la sensibilité dans les décisions de l’esprit et de la conscience, qu’il naissait à l’Église un bon serviteur de plus, un missionnaire de parole écrite, dont le talent agirait sur les âmes peut-être avec une force plus efficace et plus pratique qu’un talent beaucoup plus élevé, car il serait toujours à la hauteur de cœur, à ce niveau où, qui que nous soyons, forts ou faibles, il faut un jour se rencontrer. Cette faculté de toucher et de pénétrer, qu’on appellerai le don d’intime séduction, si l’idée du mal ne rampait pas au fond de ce mot trop charmant de séduction, créa sur-le-champ, dans l’opinion des connaisseurs en cœur humain, une grande importance à Nicolas. […] Il se frapperait lui-même à toutes les générations, il se suiciderait dans sa race ; car, il ne faut pas s’y méprendre, c’est le poids de toutes les erreurs, déversées les unes dans les autres par une loi d’assimilation terrible, qui a empli cette coupe de sang révolté qui bout maintenant, allumée par toutes les convoitises dans le cœur de l’homme, et dont la vapeur monte à son esprit et s’y condense en socialisme. […] Il y a du Fénelon en lui, moins la chimère et l’Antiquité, par son genre d’éloquence et de bien-dire, Nicolas doit ramener au catholicisme les cœurs tendres troublés par le siècle, les jeunes gens, les poètes et les femmes.

203. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

moi seul je combattrai, je tomberai seul ; et fasse le ciel que pour les cœurs italiens mon sang devienne flamme ! […] Une telle misère lui ronge le cœur que peut-être, en la voyant, tu n’en crois pas tes yeux. […] Les détails précis qu’on pourrait donner sur certains instants de détresse d’un si noble cœur seraient trop pénibles. […] Mais ce ne sont là que des conjectures sur le coin le plus mystérieux de ce noble cœur. […] Parlez-moi de vos études et aimez-moi toujours : adieu de tout cœur ».

204. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Si nous avions à la définir nous dirions : La musique est la littérature des sens et du cœur. […] Le cœur de l’histoire est dans la tradition, mais ce cœur est plus palpitant dans les commerces épistolaires des membres de la famille entre eux. […] Les premières réminiscences des premières amours remontent au cœur du jeune compositeur. […] Notre cœur ne peut rien inventer quoiqu’il puisse tout sentir ; c’est le malheur, l’amour, la piété, la mort qui le rendent harmonieux. […] C’est une de ces pages déchirées du livre du cœur qui doivent être recueillies pour l’immortalité dans le manuel des vertus de famille.

205. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Devenue par son mariage Bretonne de cœur, la mère de M.  […] comme il se sent monter au cœur des mouvements de haine ! […] Musette chante par obéissance, mais le cœur n’y est pas. […] On te le dit, tu le crois, et cela d’un cœur candide. […] Que n’est-ce un garçon de cœur et d’énergie ?

206. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

La raison et le cœur sont divisés. […] Il est divisé en deux parties d’inégale étendue : l’une intitulée Silence au cœur, dans laquelle se révèlent un à un les durs arrêts de la science positive ; l’autre, Appel au cœur, où le poète invoque la conscience humaine, seul tribunal où la justice se promulgue au milieu du silence de la nature. […] La justice est un cri du cœur, dit la Voix. — L’univers n’a pas de cœur, répond le Chercheur : il n’y a que des lois éternelles et le monde est vieux comme elles. […] Le cœur ne se laisse pas immoler jusqu’au bout, son autorité se révèle par le sentiment indestructible de la responsabilité devant le crime. […] Comment ce brusque changement s’est-il fait, qui réconcilie tout le monde, le Chercheur et la Voix, la raison et le cœur, l’amour et la science ?

207. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Le caprice gouverne sa vie, et son cœur ne connaît pas le repentir. […] Qu’est-ce que l’amour sans l’exaltation des sens ou du cœur ? […] C’est le cœur, le cœur seul qui parle, et qui éveille en nous un écho sympathique. […] N’est-ce pas aliéner notre cœur et le cœur qui a vécu en nous ? […] Ce livre est sorti tout entier du cœur de l’homme qui l’a signé.

208. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

Plus forte que nos engins modernes de publicité, cette gloire lui était venue à travers la chaîne électrique de tant de cœurs ! […] j’ai dit : convertis ou consolés, ces cœurs… Je l’ai dit sans aucune défiance. […] Ôtez-lui Jésus-Christ du cœur, voilà que, moralement, il expire ! […] Touchant et idéal côté de cette physionomie, qui n’eut pas que des pleurs, pourtant, mais qui eut aussi le sourire, pour, avec ces deux forces, rapporter à Dieu tous les cœurs ! […] Dieu, qui se joue de tout et qui veut nous montrer combien toute apparence est vaine, n’avait-il pas mis le cœur de son meilleur ami derrière les traits de son ennemi le plus implacable ?

209. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Renoncement réfléchi, volonté de n’être que sévère dans un sujet où le cœur se fond d’admiration et d’attendrissement. […] En touchant à ce sujet de saint Vincent de Paul, il s’est transformé de manière et de ton, et ce sublime sujet l’a enfanté à la vie du talent, et du talent le plus réel, le plus droit, le plus allant au cœur des choses. […] C’est la première fois qu’on nous ait donné l’impression profonde, la notion claire, la mesure exacte de ce génie qu’on dédoublait et qu’on croyait déshonorer peut-être en l’appelant le génie du cœur, mais que voici aussi lumineusement prouvé que celui des génies de tête les plus incontestables, grâce au livre de l’abbé Maynard. […] Pour nous chrétiens, saint Vincent de Paul est bien autre chose qu’un homme d’État, puisque le Saint-Esprit avait pris son cœur pour tabernacle ; mais il ne s’agit pas du Saint-Esprit pour les gens d’esprit qui endoctrinent présentement le monde. […] Le cœur qui palpitait en lui ne lui ôtait pas la fermeté de son génie, de ce génie que Richelieu sentit, à travers les vertus qu’il n’avait pas, frère du sien.

210. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Le poli de ses dehors recouvrait à la fois un caractère ferme et un cœur tendre. […] Mais, à son geste, à son bond impétueux de cœur, M. de murçay avait senti qu’il aimait. […] votre cœur n’a pas eu un cri à ma rencontre ? […] Je veux reconquérir votre cœur ; je l’espère. […] Une après-dînée, la conversation tourna, comme il arrivait souvent, sur les questions de cœur, et on y agita les caractères et la durée de l’amour.

211. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Je me souviens du temps où de pieux maîtres me les faisaient apprendre par cœur, et je craindrais, en y regardant de trop près, de manquer de respect à leur mémoire. […] Il trouva les esprits et les cœurs tout prêts. […] Voilà un cœur qui parle. […] Il apportait avec lui tout le trésor de sa poésie dans un cœur de vingt ans, et dans un esprit fécond autour duquel veillaient le souvenir de sa mère et les ombres vénérées des maîtres immortels. […] C’est à l’école des élégiaques anciens qu’il apprit l’art si difficile d’idéaliser la passion et de ne montrer de son cœur que ce qui peut toucher le nôtre.

212. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

Pascal était un grand esprit et un grand cœur, ce que ne sont pas toujours les grands esprits : et tout ce qu’il a fait dans l’ordre de l’esprit et dans l’ordre du cœur, porte un cachet d’invention et d’originalité qui atteste la force, la profondeur, une poursuite ardente et comme acharnée de la vérité. […] Chrétien sincère et passionné, il conçut une apologie, une défense de la religion par une méthode et par des raisons que nul n’avait encore trouvées, et qui devait porter la défaite au cœur même de l’incrédule. […] Pascal, lui, est de cette race première et glorieuse ; il en a au cœur et au front plus d’un signe : c’est un des plus nobles mortels, mais malade, et il veut guérir. […] La méthode qu’il emploie dans ses Pensées pour combattre l’incrédule, et surtout pour exciter l’indifférent, pour lui mettre au cœur le désir, est pleine d’originalité et d’imprévu : On sait comment il débute. […] La manière émue dont ce grand esprit souffrant et en prière nous parle de ce qu’il y a de plus particulier dans la religion, de Jésus-Christ en personne, est faite pour gagner tous les cœurs, pour leur inspirer je ne sais quoi de profond et leur imprimer à jamais un respect attendri.

213. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Si j’ai du succès, je te l’écris sans perdre une seconde. » Il y met le même cœur, la même ardeur et la même importance qu’il mettra plus tard aux plus grandes choses. […] Je crois que je rajeunirais de dix ans… Je ferais parler de moi, quelque chose dans le cœur me le dit. […] Il ne lui fallait pas moins que ce viatique inattendu pour ravitailler jusqu’à la fin son cœur généreux, mais expirant, et qui était souvent comme aux abois. […] C’est un mauvais moment à passer, je m’en sortirai ; mais j’avais rêvé une grande gloire pour mon pays, et le cœur me saigne en la voyant près de s’échapper. […] Il agissait et vivait à tous les instants, la mort dans le cœur, le calme sur le front.

214. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Ce que Bernis écrivait de Venise à Pâris-Duverney, Lassay l’écrira presque dans les mêmes termes à Bolingbroke : « J’ai toujours pensé qu’une extrême ambition ou une entière liberté peuvent seules remplir le cœur d’un honnête homme : l’état qui est entre deux n’est fait que pour les gens médiocres. » En attendant, la guerre ayant recommencé en 1688, Lassay fit comme les gentilshommes de cœur, et alla servir en Allemagne et en Flandre sur le pied de volontaire. […] Son point de départ est toujours son ancienne passion pour Marianne ; il ne craint point de l’évoquer et d’y revenir : Vous avez rappelé dans mon cœur, dit-il à son nouvel objet, des sentiments dont je ne le croyais plus capable : je retrouve en moi ce même trouble et ces mêmes agitations que j’avais connus autrefois. […] Il se pose trop en homme qui a eu une belle douleur, et qui semble dire : « Faites-la-moi oublier, ce sera pour vous une gloire. » Mais c’est ainsi que sont faits les cœurs humains, et une délicate fidélité, ou même un délicat oubli, un ensevelissement profond et respecté, n’est le propre que de bien peu. […] a dit La Fontaine dans des vers que chacun sait par cœur, et qui suppriment toutes les phrases de prose qu’on peut faire sur le même thème. […] [NdA] Voici quelques-unes des maximes de Lassay qui approchent le plus du mot que rapporte Chamfort ; mais encore sont-elles d’un homme du monde désabusé et sans illusion, plutôt que d’une âme ulcérée et d’un cœur aigri : Il n’y a rien de si beau que l’esprit de l’homme, et rien de si effroyable que son cœur. — L’usage du monde corrompt le cœur et perfectionne l’esprit. — La plupart des connaissances qu’on a sont nos véritables ennemis ; car, pour l’ordinaire, ce ne sont pas les hommes avec qui nous ne vivons point qui nous font du mal.

215. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Ce cœur, c’est le christianisme, accepté à la fois comme science de l’homme et comme règle des mœurs. […] C’était le fond des cœurs ; les habiles le cachaient, les enfants perdus le laissaient voir. […] Voltaire n’a pas connu le cœur de la société moderne. […] Il y a plus de cœur dans les Lettres que dans la Correspondance ; je devrais dire un cœur plus cultivé. La famille seule cultive le cœur.

216. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Les vices honteux avaient précédé en lui les vices féroces ; au fond de ce cœur il y avait une caverne toute préparée. […] Le cœur de Saint-Just ! […] Robespierre de même, au 8 Thermidor, s’écriait à la tribune de la Convention : « J’ai besoin d’épancher mon cœur. » Règle littéraire, n’employons jamais le mot de cœur que là où il vient naturellement et nécessairement, quand nous le voyons ainsi prodigué et étalé par de tels hommes. […] Je ne sache point que quelqu’un, jusqu’ici, se soit mis en peine de chercher dans le fond de son cœur ce qu’il avait de vertu, pour connaître ce qu’il méritait de liberté. […] Arrachez mon cœur et mangez-le ; vous deviendrez ce que vous n’êtes point : grands… Ô Dieu !

217. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Il converse avec lui de cœur à cœur, d’homme à homme. […] Une crise morale en résulte et une torture du cœur. […] Elle venait du soleil de votre cœur. […] Il s’est bandé à ne pas raconter son cœur. […] Battements de cœur !

218. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

Ou plutôt ce monument existe, mais par fragments ; et comme un esprit, unique et substantiel est empreint en tous ces fragments épars, le lecteur attentif, qui lit Diderot comme il convient, avec sympathie, amour et admiration, recompose aisément ce qui est jeté dans un désordre apparent, reconstruit ce qui est inachevé, et finit par embrasser d’un coup d’œil l’œuvre du grand homme, par saisir tous les traits de cette figure forte, bienveillante et hardie, colorée par le sourire, abstraite par le front, aux vastes tempes, au cœur chaud, la plus allemande de toutes nos têtes, et dans laquelle il entre du Goethe, du Kant et du Schiller tout ensemble. […] Ce serait pour nous une trop longue, quoique bien agréable tâche, de rechercher dans ces volumes et d’extraire tout ce qu’ils renferment d’idées et de sentiments par rapport à l’amour, à l’amitié, à la haute morale et à la profonde connaissance du cœur ; au spiritualisme panthéistique, véritable doctrine de notre philosophe ; à l’art, soit comme théorie, soit comme critique, soit enfin comme production et style. […] « Faisons en sorte, mon amie, que notre vie soit sans mensonge ; plus je vous estimerai, plus vous me serez chère ; plus je vous montrerai de vertus, plus vous m’aimerez… J’ai élevé dans mon cœur une statue que je ne voudrais jamais briser ; quelle douleur si je me rendais coupable d’une action qui m’avilît à ses yeux !  […] Ils cherchaient à me décrier la volupté et son ivresse, parce qu’elle est passagère et trompeuse ; et je brûlais de la trouver entre les bras de mon amie, parce qu’elle s’y renouvelle quand il lui plaît, et que son cœur est droit, et que ses caresses sont vraies. […] » Jamais puissances du cœur, jamais facultés aimantes ont-elles eu de plus saisissant langage, de plus irrésistibles accents de tendresse ?

219. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

Le voici : « Vous qui prêtez l’oreille dans ces rimes éparses à l’écho de ces soupirs dont je nourrissais mon cœur dans mon premier juvénile enivrement ! […] Il retrace même les dispositions indifférentes de cœur où l’amour l’avait laissé jusque-là. […] Un sonnet, daté sans doute de Vaucluse, que Pétrarque adresse à cet homme illustre, rappelle les douceurs de la retraite, des champs, des plaisirs de cœur et d’esprit goûtés ensemble dans la vallée de Vaucluse ! […] On songeait à transporter la cour pontificale à Rome ; Pétrarque, Italien de cœur, adressa au pape une magnifique allocution de la ville de Rome au pape pour le conjurer de rapatrier l’Église à la ville éternelle. […] Pétrarque, par une superstition du cœur qui associait la date de son amour à toutes les dates heureuses de sa vie, voulut arriver à Rome le 6 avril.

220. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Mais il s’en faut qu’elles aient été extirpées des cœurs ; elles peuvent se taire, elles n’abdiqueront jamais. […] Une certaine bassesse de cœur avec une fausse élévation d’esprit forme le plus souvent son caractère. […] Cette adoration de la vertu dans ces cœurs médiocres est sincère. […] On dit le cœur humain, et non le caractère humain. […] Moi seul, je sens mon cœur, et je connais les hommes.

221. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Bonnières est allé à Poitiers pour acheter des cordes de luth pour vous ; il sera à ce soir de retour… Mon cœur, souvenez-vous toujours de Petiot. […] Je te baise, mon cœur, un million de fois les mains. […] Bonsoir, mon cœur ; je m’en vais dormir, mon âme plus légère de soin que je n’ai fait depuis vingt jours. […] Certes, mon cœur, j’en suis au grabat. […] Henri essaye encore de la détromper, ou plutôt de lui laisser quelque illusion : « Mon cœur, j’enrage quand je vois que vous doutez de moi, et de dépit je ne tâche point de vous ôter cette opinion.

222. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

Victorieux à demi une première fois, battu à une seconde rencontre, Démétrius avance toujours ; il gagne des cœurs alors même qu’il ne gagne pas de terrain. […] Antiquaire, il n’a rien sacrifié de l’exactitude et de la précision de ses notes de voyageur, pour se laisser aller à des descriptions faciles ; romancier, il a scruté et buriné les sentiments du cœur, et les a indifféremment rendus tels qu’il les a observés dans leur crudité ou dans leur délicatesse primitive. […] Je prends pour points de comparaison chez M. de Musset Emmeline, par exemple, ou encore Frédéric et Bernerette, ces esquisses de cœur et de jeunesse, légères et touchantes. […] Lui, il ne procède point de la sorte ; il s’interdit ces analyses de cœur faites au nom de celui qui raconte ; il n’a jamais de ces petits couplets rêveurs ou mélancoliques. […] Mérimée : je crois voir des cœurs légers et qui voltigent, et pourtant qui aiment.

223. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Le cercle des nobles cœurs est la plus précieuse de mes acquisitions. […] À une seconde et troisième lecture, ils purent toutefois s’apaiser un peu, Lotte surtout, j’imagine, qui, dans le secret de son cœur, sentait qu’au fond elle était l’âme et la divinité d’un beau livre. […] Apprenez seulement ceci : je demeure ici et je puis y jouir de la vie à ma façon et de façon à me rendre utile à un des plus nobles cœurs. […] J’espère que vous en serez satisfait. » — Albert-Kestner, à qui Goethe écrivait cela, prit la nouvelle avec feu, et il revint sur son désir d’obtenir les modifications qu’il avait à cœur. […] Et n’est-ce pas Goethe qui lui écrivait un jour sur la première page d’un poème de Goldsmith dont il lui faisait cadeau : « N’oublie pas celui qui de tout son cœur t’a aimé et a aimé avec toi » ?

224. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Des blessures de cœur et rien de plus. […] adieu les émotions suaves, compagnes de la simplicité de cœur ! […] Schmidt de n’avoir pas pénétré au cœur de son sujet. […] C’est le roman selon leur cœur. […] Mais, au milieu des larmes, votre vue inondait mon cœur de joie.

225. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Pour moi, je ne sais que faire de mon cœur. […] J’entrevois des gens qui me protégent, d’autres qui me nuisent ; c’est un chaos, en un mot, que ma tête et mon cœur. […] de cette lumière que j’ai trouvée tout à coup dans mon cœur, qui semblait luire exprès pour éclairer le tien. […] c’est ce que j’avais dans le cœur quand je t’épousai. […] Une lettre d’elle, à son amie Eugénie, achève de nous ouvrir son cœur.

226. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

Les philosophes ont engendré le doute ; les poètes en ont senti l’amertume fermenter dans leur cœur, et ils chantent le désespoir. […] Hommes de mon temps, où sont vos fêtes où le cœur des hommes bat en commun ? […] Mais contemplez ceux à qui nous la devons, sondez le fond de leur cœur : ne voyez-vous pas que leur front est empreint de tristesse et de désolation ? […] Leurs chants ont beau être délicieux à mon oreille, le fond, le fond éternel de mon cœur est le doute et la tristesse. […] Montrez-nous, poètes, montrez-nous des cœurs aussi fiers, aussi indépendants que celui que Goethe a voulu peindre.

227. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Mirabeau est dès l’abord plus ouvert, disant tout, contant ses idées comme ses amours, cœur chaud et brusque, tête ardente, féconde, incohérente, — un brûlot, comme il dit, un vrai volcan : il jette feu et flammes, parfois de beaux jets, souvent de la fumée, des scories, de la cendre et des cailloux. […] Il faut cependant, pour vivre avec tous ces gens-là, un grand fonds de connaissances qui ne satisfont ni le cœur ni l’esprit, et qui prennent tout le temps de la jeunesse. […] Mes goûts, mon caractère, ma conduite, mes volontés, mes passions, tout était décidé avant moi ; mon cœur, mon esprit et mon tempérament ont été faits ensemble, sans que j’y aie rien pu, et, dans leur assortiment, on aurait pu voir ma pauvre santé, mes faiblesses, mes erreurs, avant qu’elles fussent formées, si l’on avait eu de bons yeux. […] Nous sommes au cœur de la situation. […] Vauvenargues, causant avec Saint-Vincens, était sans doute plus à l’aise pour certaines délicatesses du cœur ; mais, une fois la glace brisée avec Mirabeau, c’est encore avec celui-ci qu’il osera en dire davantage sur toutes les choses de l’esprit et des passions, sur les idées et sur la vie.

228. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Son cœur fait le mort, il n’est qu’endormi. […] Alors la pauvre femme se recueille et se décide à rouvrir la blessure intime qui a flétri sa vie et séché son cœur. […] Il renonce à Cyprienne, des lèvres, sinon du cœur… La vie est si chère ! […] Elle révèle, de gaieté de cœur ce secret de honte qu’elle ne devrait se laisser arracher qu’avec des tenailles. […] Son anomalie consiste à n’avoir ni cœur ni honneur.

229. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française, par M. D. Nisard. Tome iv. » pp. 207-218

Il y a plus de cœur dans les lettres que dans la correspondance ; je devrais dire un cœur plus cultivé. La famille seule cultive le cœur. Le père qui a connu ce que c’est que d’aimer quelqu’un plus que soi-même a senti tout son cœur, et telle est la chaleur de l’amour paternel, que le même homme en aime mieux tout ce qui est à aimer. […] Nisard pour reconnaître ici plus et mieux qu’un auteur, pour sentir l’homme et son cœur tout entier dans cette page. […] André Chénier, quand il chante l’amour, est le disciple des anciens et de son cœur ; Musset est le disciple de son cœur et de Byron.

230. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Il lui perça le cœur bien des fois. […] Il la tuait avec une douceur immense, un respect profond et ce que les indifférents appellent des procédés généraux ; mais rien ne mourut dans ce cœur frappé de tant de coups ! […] À ce cœur qui palpite au fond se rattache tout un long fragment du règne de Richelieu, qui acheva de tourner vers Dieu ce cœur déchiré, en lui arrachant son idole et en la jetant à l’échafaud. […] Renée nous dit quelque part que madame de Montmorency aimait tellement le duc son mari que, le cœur dévoré par la jalousie, elle sentait un involontaire attrait pour les femmes qui le rendaient infidèle, et qu’il lui fallait toute la dignité de l’épouse outragée pour se roidir et résister à la pente qui l’entraînait vers elles. […] Au moment de mourir, Montmorency lui avait écrit : « Mon cher cœur (et c’était bien son cœur, en effet !)

231. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Roger de Beauvoir. Colombes et Couleuvres. »

le livre de M. de Beauvoir est surtout de la poésie de cœur… Chose étrange ! […] j’ai la rosée De vos larmes sur mon cœur !  […] Ma main qui se rouvre a pour vous des graines ; Mon cœur, qui tressaille, a pour vous des chants ; Pour vous j’ai des pleurs, pour vous j’ai des haines ! […] Malheureux par la famille, et malgré les passions et les entraînements de sa vie, ayant gardé dans son cœur brisé, que les autres et lui-même peut-être déchirèrent, ce besoin primitif et inaliénable des saintes affections du foyer, le poète de Colombes et Couleuvres a répété le cri d’angoisse qu’avait jeté déjà lord Byron, et il ne l’a point énervé, en le répétant. […] quand elle s’y couchera le cœur tout entier, nous aurons un Canova de la poésie… Le poète aura fait le beau mariage de la Grâce et de la Profondeur.

232. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre III. De la tendresse filiale, paternelle et conjugale. »

Le même principe, fécond en conséquences, s’applique à ces affections comme à tous les attachements du cœur ; si l’on y livre son âme assez vivement pour éprouver le besoin impérieux de la réciprocité, le repos cesse et le malheur commence. […] Le cœur tend à l’égalité, et quand la reconnaissance se change en véritable tendresse, elle perd son caractère de soumission et de déférence : celui qui aime, ne croit plus rien devoir ; il place au-dessus des bienfaits leur inépuisable source, le sentiment, et si l’on veut toujours maintenir les différences, les supériorités, le cœur se blesse et se retire ; les parents cependant ne savent, ou ne veulent presque jamais adopter ce nouveau système, et la différence d’âge est, peut-être, cause qu’ils ne se rapprochent jamais de vous que par des sacrifices ; or il n’y a que l’égoïsme qui sache s’arranger du bonheur avec ce mot là. […] Il n’est rien qui exige plus de délicatesse de la part des parents, que la méthode qu’il faut suivre pour diriger la vie de leurs enfants sans aliéner leur cœur ; car il n’est pas même possible de sacrifier leur affection à l’espoir de leur être utile, toute influence durable sur la conduite finissant avec le pouvoir du sentiment, le point juste n’est presque jamais atteint dans cette relation. La tendresse des enfants pour leurs parents se compose, pour ainsi dire, de tous les événements de leur vie ; il n’est point d’attachement dans lequel il entre plus de causes étrangères à l’attrait du cœur, il n’en est donc point dont la jouissance soit plus incertaine. […] Personne ne sait à l’avance, combien peut être longue l’histoire de chaque journée, si l’on observe la variété des impressions qu’elle produit, et dans ce qu’on appelle avec raison, le ménage, il se rencontre à chaque instant de certaines difficultés qui peuvent détruire pour jamais ce qu’il y avait d’exalté dans le sentiment ; c’est donc de tous les liens celui où il est le moins probable d’obtenir le bonheur romanesque du cœur, il faut pour maintenir la paix dans cette relation une sorte d’empire sur soi-même, de force, de sacrifice, qui rapproche beaucoup plus cette existence des plaisirs de la vertu, que des jouissances de la passion.

233. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Taillefer, et prier Dieu d’attendrir le cœur de son père ? […] À presque toutes, vous trouveriez un sentiment sublime au cœur. […] Ça me réjouit le cœur. […] Tout est là, ajouta-t-il en se frappant le cœur. […] La démagogie lui soulevait le cœur.

234. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fuster, Charles (1866-1929) »

. — Le Cœur vendéen (1896) […] — Les Pensées d’une mondaine (1897). — L’Année des poètes, 8 volumes (1890-1897). — Des yeux au cœur (1890) […] Fuster, je dirai qu’elle se passe pendant la dernière guerre ; que deux fiancés, Louise et Pierre, recueille et, soignent un blessé, lequel se prend d’amour pour la jeune fille ; mais le malade, rendu à la santé, retourne parmi les siens ; Louise revient peu à peu à celui qui n’a cessé de l’aimer et oublie ce mirage d’un instant qui avait trompé son cœur. […] Passionnel, il a écrit : Les Tendresses, le Cœur, Du fond de l’âme, Louise ; spiritualiste, il a composé : L’Âme pensive, les Enthousiasmes, les Sonnets, — dont quelques-uns sont très beaux, un entre autres intitulé : La Bonne souffrance, que je n’ai point oublié ; — L’Âme des choses, où palpite encore et surtout l’âme des hommes.

235. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Sinon ces deux cœurs agités d’amour auraient eu tort. […] Ils s’inquiétaient en leur cœur du sort de Gunther. […] Le bois de la longue pique lui sortait du cœur. […] Mais non jamais mon cœur ! […] Le cœur d’Etzel en fut réjoui.

236. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Parny poète élégiaque. » pp. 285-300

Pour faire à Gresset sa vraie place, pour réserver le rang qu’elle mérite à une élégie de Parny, est-il donc indispensable d’avoir fait le tour des littératures, d’avoir lu les Niebelungen, et de savoir par cœur des stances mystiques de Calderon ? […] » Beau cri, mais qui dépasse, ce me semble, la portée de l’amour, qui suppose dans le cœur une rage de bonheur antérieure à l’amour, et laquelle aussi lui survivra. […] Tous ceux qui l’ont lue l’ont retenue, et de tous ceux qui la savent par cœur, pas un ne l’oublie. […] Il aime en toute chose qu’on ne garde pas sur le cœur ce qu’on pense. […] Dans ce cœur pur et sans détour Le sentiment allait éclore.

237. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Combien de vraies larmes retombées dans la voix qu’elles éteignent, dans le cœur qu’elles noient ! […] Mon cœur peut battre encor de peine, mais de joie Jamais ! […] On ne trompe pas le malheur ; Les vers sont le timbre de l’âme ; La voix se brise avec le cœur ! […] belle Ame en deuil, depuis ce jour flatteur, Victimes comme toi, sous une autre apparence, Ont souffert dans leur cœur. […] L’imprécation sur Florence, que le poëte traduit et développe en la détournant à notre patrie, a conservé sa mâle beauté et atteste combien les espérances patriotiques de ce noble cœur ont essuyé d’amertumes aussi et de désabusements.

238. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Si ces mouvements résident plusieurs années dans un cœur, ce n’est que comme un feu assoupi sous la cendre ; leur flamme cause un incendie trop grand pour être durable : désir, effroi, pitié, amour, haine même, tout cela, porté aux derniers excès, s’épuise bientôt ; la violence d’une tempête est un présage de sa fin. […] Ce qu’il y a de particulier et de surprenant en cette matière, c’est que la poésie corrige la crainte par la crainte, et la pitié par la pitié ; chose d’autant plus agréable que le cœur humain aime ses sentiments et ses faiblesses. […] Mais tout ce spectacle n’inspire qu’une terreur et qu’une pitié plus capables d’abattre le cœur que de l’affermir. […] Il me semble que la plus grande utilité du théâtre est de rendre la vertu aimable aux hommes, de les accoutumer à s’intéresser pour elle, de donner ce pli à leur cœur, de leur proposer de grands malheurs, de fortifier et d’élever leurs sentiments. Il s’ensuit de là que non seulement il faut des caractères vertueux, mais qu’à la manière élevée et fière de Corneille, ils affermissent le cœur et donnent des leçons de courage.

239. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

nous n’avons jamais oublié ce que vous disiez à nos jeunes cœurs ! […] C’était le dernier être vivant qu’on venait d’arracher d’auprès de moi, et ce nouveau coup avait rouvert toutes les plaies de mon cœur. […] Je sentis mon cœur se serrer. […] l’envie se glissa pour la première fois dans mon cœur : jamais l’image du bonheur ne s’était présentée à moi avec tant de force. […] Cela fend le cœur, et on ne peut parler d’autre chose.

240. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Son soleil, c’était le cœur de l’homme. […] elle est faussée, cette armure divine, à l’endroit du cœur. […] — Corneille, réfugié et monté dans la gloire et qui semblait inaccessible et invulnérable, reçut en plein cœur ce coup d’une pâle amour dédaignée et il n’en put guérir… Il avait cependant en lui de vigoureux dictames. […] Je sais bien qu’il reprit son cœur aux pieds sous lesquels il l’avait mis, mais en le reprenant, il emporta sa blessure, — la blessure dernière qui ne se ferme plus que quand le cercueil se ferme sur nous. […] Père de la tragédie et père aussi de la comédie, il a fait Racine et il a fait Molière, — Molière, que la terrible observation de son esprit et la profondeur de sa plaisanterie ne garantirent pas non plus des égarements de son cœur.

241. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 277-279

Nulle onction, nuls mouvemens, nulle véhémence ; c’est à l’esprit & jamais au cœur qu’il parle. […] De là, le défaut de liaison & de suite dans ses idées, d’assortiment dans l’ensemble, de caractere dans son style, tantôt philosophique, tantôt religieux, & toujours froid ; de là, ces figures étrangeres au sujet & préparées avec effort, ces tours étudiés, ces expressions symétriques qui supposent de l’esprit, mais qui décelent un cœur vide de sentimens, & par conséquent incapable de toucher les autres cœurs & de s’en rendre le maître. […] Il n’a ni le talent d’émouvoir le cœur, ni celui de l’intéresser.

242. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

On sentait l’excellent cœur sous le merveilleux génie. […] Je voudrais rapporter quelque honneur au nom de mon père, quelque consolation au cœur de ma mère. […] Je connais ton cœur, il vaut mieux que ton humeur. […] Il était, de plus, un homme justement aimé et estimé pour son cœur. […] Ce guerrier s’éloigne, la défection déjà dans le cœur.

243. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

On drape le dessous de bonnes vérités qui ressortent toutes riantes et gagnent les cœurs au nom de la Vierge et de ses douces vertus. […] je l’ai là sous les yeux, sous la main, au cœur, partout. […] Il me semble que je vous aime, disait le timide Pierrey ; — mais pas comme Jean, qui s’endormait sur votre cœur. […] Tout cela je l’aime, je m’en savoure l’œil, je m’en pénètre jusqu’au cœur, qui tourne aux larmes. […] Est-ce parce que je disais à lui, et que le cœur fournit abondamment ?

244. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Ainsi qu’il arrive souvent dans les natures très élevées, la tendresse du cœur se transforma chez lui en douceur infinie, en vague poésie, en charme universel. […] Jésus n’a pas de visions ; Dieu ne lui parle pas comme à quelqu’un hors de lui ; Dieu est en lui ; il se sent avec Dieu, et il tire de son cœur ce qu’il dit de son Père. […] Accordant aux puissants de la terre, pour lui représentants de la force, un respect plein d’ironie, il fonde la consolation suprême, le recours au Père que chacun a dans le ciel, le vrai royaume de Dieu que chacun porte en son cœur. […] Dieu ne voyant que le cœur, à quoi bon ces purifications, ces pratiques qui n’atteignent que le corps 250 ? […] J’en suis rassasié ; la graisse de vos béliers me soulève le cœur ; votre encens m’importune ; car vos mains sont pleines de sang.

245. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

voilà, en effet, qui obtiendra grâce dans le cœur de bien des gens, qui ne l’auraient pas faite sans cela pour les deux tiers du livre. […] On n’aurait peut-être pas cru que ce regard d’observateur, qui n’allait qu’aux détails de la vie intime d’entre le lit et le berceau, s’allongerait sur les choses de la vie sociale, et qu’au lieu de sentiments délicats à exprimer de deux à trois cœurs, comme d’un fruit les gouttes d’une essence exquise, il s’occuperait un jour à démêler et à peindre des passions et des caractères. […] Obligé de se garder peintre de mœurs et d’être vrai, l’auteur d’Autour d’une source ne pouvait éviter la pourriture sociale qui nous fait, à tous tant que nous sommes, des taches plus ou moins grandes sur la conscience et sur le cœur. Aussi en a-t-il marqué l’imagination et le cœur de son héroïne, tout en la sauvant de la tache de l’adultère, de cette tache dernière qui fait se rejoindre toutes les autres et n’en fait plus qu’une seule de toutes, — et ceci, disons-le pour ceux qui creusent les choses et ne font pas de la critique à fleur de peau, ceci est réellement d’un Maître dans l’art des nouveautés et des inventions. […] Il est noble de cœur.

246. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

C’est dans ses peintures du Christ que le cœur du grand prédicateur se laisse voir. […] Ce doit être en effet l’idéal des lettres, puisqu’on ne peut s’y élever qu’avec un esprit et un cœur droits. […] Vauvenargues juge pour les lecteurs de sa façon, pour ceux qui jugent par sentiment ; mais ils sont rares ceux qui lisent comme ceux qui écrivent avec le cœur. […] Les gens qui aiment bien Racine l’aiment de cœur, et c’est au cœur qu’on les touche quand on dit du mal de leur poète. […] Mais le cœur ne se partage pas, et Vauvenargues avait donné tout le sien à Fénelon.

247. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

mon cher cœur ! […] un cri de roman, le cri d’un tendre cœur qui saigne !  […] elle voudrait que le mariage fût pour cette nuit ; elle le voudrait de tout son cœur. […] Il est chrétien de cœur et de conscience, de raisonnement et de pratique. […] Ses vérités sont trop vraies ; nous savions d’avance ses préceptes par cœur.

248. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Il avait apporté à La Chênaie une peine secrète de cœur, je ne dis pas une passion, mais un sentiment. […] Un jour, quelques années après, lisant les lettres de Mlle de Lespinasse et y découvrant des flammes à lui inconnues, il s’en émouvait, et il s’étonnait de s’en émouvoir : « En vérité, disait-il, je ne me savais pas une imagination si tendre et qui pût à ce point agiter mon cœur ? Est-ce que je ne connais pas la mesure de mon cœur ? […] Cependant ces joies de la famille, trop senties par un cœur à qui il n’était point donné de les goûter pour son propre compte, l’attendrissaient trop ; il en était venu, il nous le dit, à pleurer pour un rien, « comme il arrive aux petits enfants et aux vieillards ». […] Cette fusion des impressions calmes de la nature avec les rêveries orageuses du cœur, engendra une disposition d’âme que je voudrais retenir longtemps, car elle est des plus désirables pour un rêveur inquiet comme moi.

249. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

L’imagination n’est pas toujours d’accord avec le cœur. […] « Maman, lui disait-elle plus tard, était contente de cette union, de cette affection fraternelle, et te voyait avec charme sur mes genoux, enfant sur enfant, cœur sur cœur, comme à présent. » Ces sentiments ne firent que grandir et se fortifier avec l’âge. […] À la voir aimer ses enfants, on sent qu’il manque cette nature aimante d’être mère ; on croit entendre le murmure du cœur, le gémissement des entrailles ! […] Si elle lit un jour le bon vieux saint de ses amis, saint François de Sales, au chapitre des Amitiés : « C’est bien le mien, remarque-t-elle, le cœur cherche toujours sa pâture. […] Son voyage de Paris fut un grand événement dans sa vie : elle dut, selon son expression, y être fréquemment tentée ; son intelligence si ouverte put y donner plus d’un secret assaut à sa foi ou du moins à son cœur.

250. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Durant quinze nuits de veille et d’insomnie, il raconte toute sa vie de vingt ans, déjà si pleine, son enfance, la distribution des prix où tous ses rivaux sont heureux et environnés de caresses, où, lui, il n’a point de mère à embrasser ; la confidence du proviseur, l’acte de naissance produit, avec son déguisement, l’inscription de rente qui l’accompagne, le tout déchiré et mis en pièces par le jeune homme indigné ; la solitude d’un jeune cœur, le besoin d’aimer, le besoin d’une famille, la plainte de la nature, l’amer abandon de celui dont il a été dit : « Cui non risere parentes. […] La seconde ne lui semble pas digne de quiconque a reçu de la nature une ambition véritable : « Si vous avez ce véritable orgueil indépendant des circonstances, cet élan du mérite ; si vous avez un cœur doué de sensibilité, ne souhaitez jamais cet état intermédiaire qui place entre les grands qu’il faut être attentif à ménager et les pauvres que l’on est impuissant à secourir, entre le ton protecteur qui blesse et la prière qui afflige… » J’ai noté ce passage, parce qu’il est empreint de la marque de Jean-Jacques. […] Je note dans Émile quantités de pensées délicates et pures sur les femmes : « La femme qui vous aime n’est qu’une femme ; celle que nous aimons est un être céleste dont tous les défauts se cachent sous le prisme à travers lequel il vous apparaît. » Ou encore : « Une femme dont on est aimé est une vanité ; une femme que l’on aime est une religion : vous serez tout pour moi, existence, vanité, religion, bonheur, tout. » « Les femmes, qui sont si habiles en dissimulation, feignent plus adroitement que nous un sentiment qu’elles n’éprouvent pas ; mais elles cachent moins bien que les hommes une affection sincère et passionnée, parce qu’elles s’y adonnent davantage. » Sur le bienfait, qui produit des effets si différents selon la terre qui le reçoit, selon les cœurs sur lesquels il tombe : « Toutes les fois que le bienfait ne pénètre et ne touche pas le cœur, il blesse et irrite la vanité. » Sur le désabusement qui vient si tôt, qui devance les saisons, et qui n’est pas même en rapport avec la durée naturelle de la vie : « Il y a un certain âge dans la vie où l’exaltation n’est plus possible ; la sensibilité peut être assez profonde pour assister au spectacle de tant de maux et de tant de douleurs sans être entièrement usée, mais l’exaltation n’a jamais résisté à l’expérience du cœur humain. Il y a dans le cœur des hommes plus de pauvreté qu’il n’y a de misère dans la vie. » La sévérité morale, si naturelle à la première jeunesse que rien n’a corrompue, s’y marque en bien des pensées : « Dès que l’on aime, on a besoin de s’estimer ; la dignité est inhérente à tous les sentiments passionnés et au désir de plaire. » « La sensibilité profonde est aussi rare que la vertu ; … le cœur qui peut se laisser séduire un instant ne s’attache véritablement qu’à ce qu’il respecte. […] si je déchire leur cœur, ce ne sera qu’en leur prodiguant les témoignages d’un attachement et d’un respect…, etc. » Toute cette partie d’Émile est bien d’un jeune écrivain qui a en lui du sang de cette famille chez qui Jean-Jacques trouva un asile et un tombeau.

251. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Mais il est un point que j’ai à cœur moi-même de maintenir, nonobstant les critiques que j’ai été ou que je serai amené à faire à l’occasion des passages réintroduits dans le texte ou des lettres retrouvées : c’est la grâce de la femme chez Mme Roland. […] Elle s’éprit de lui ; elle se monta la tête et s’enflamma le cœur (car bien hardi qui tranche en pareil cas !) […] s’écrie-t-elle ; je les presse sur mon cœur, je les couvre de mes baisers ; je n’espérais plus d’en recevoir 1… J’ai fait inutilement chercher des nouvelles de Mme Ch… ; j’avais écrit une fois à M.  […] ne vais-je pas partout avec mon cœur, et me resserrer dans une prison, n’est-ce pas me livrer à lui sans partage ?  […] Supposez Porcie infidèle de cœur à Brutus, elle ne parlerait pas autrement. — Mais je ne puis tout dire cette fois, et mieux vaut remettre que d’écourter une si riche matière.

252. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Il y avait en ce temps-là, à Smyrne, un homme peu riche aussi, mais bon et inspiré par le cœur, tels que le sont souvent les hommes détachés des choses périssables par l’étude des choses éternelles ; il se nommait Phémius ; il tenait une école de chant. On appelait le chant, alors, tout ce qui parle, tout ce qui exprime, tout ce qui peint à l’imagination, au cœur, aux sens, tout ce qui chante en nous, la grammaire, la lecture, l’écriture, les lettres, l’éloquence, les vers, la musique ; car ce que les anciens entendaient par musique s’appliquait à l’âme autant qu’aux oreilles. […] L’hospitalité et l’amour de Phémius, l’intérêt de l’enfant touchèrent à la fois le cœur de la jeune femme ; elle devint l’épouse du maître d’école et la maîtresse de la maison dont elle avait abordé le seuil en suppliante, quelques années avant. […] Instituteur et père à la fois pour cet enfant, il lui prodiguait tout son cœur et tous les secrets de son art. […] La poésie est un cri : nul ne le jette bien retentissant s’il n’a été frappé au cœur.

253. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Pour guérir les cœurs, il faut bien qu’il connaisse leur mal. […] C’est assez pour amasser dans un cœur une douleur sans nom, dont chaque goutte devient un torrent, et que font éclater tout à coup d’épouvantables aveux, capables de compromettre et de briser des existences chéries. […] Ouvrez quelque part un cœur qui reçoit les confidences du pécheur fatigué de porter tout seul le fardeau de ses fautes : tout à coup il se fait comme un mystérieux échange, je dis plus, une mystérieuse aliénation. […] Il ne peut vouloir être sévère sans qu’aussitôt mille voix crient dans son cœur : « Pitié ! […] N’est-ce pas que je crois reconnaître dans ce signe une sorte de sacrement par lequel votre cœur vient chercher mon cœur ?

254. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Rien n’honore le goût et le cœur de Voltaire comme la promptitude avec laquelle il discerna aussitôt le talent et l’homme qui se présentait à lui pour la première fois. […] Pourquoi la misère ne pourrait-elle sur notre cœur ce que fait la vue d’une plaie sur nos sens ? […] Mais ces plaintes qui s’élèvent de toutes parts et qui lui sortent du cœur à lui-même, il les réduit à leur valeur. […] Mais qui peut soutenir son esprit et son cœur au-dessus de sa condition ? […] Vauvenargues, dans tout ce qu’on lit et qu’on sait de lui, apparaît comme un esprit d’une forte trempe, comme une âme d’une grande élévation et un grand cœur.

255. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Mais il n’est pas besoin d’être saint pour prendre plaisir à ces ressorts secrets du cœur, qu’elle-même nous a assez franchement dévoilés. […] Une femme de cœur et franche du collier n’aurait accepté ni supporté un tel rôle un seul instant. […] Le roi a trois maîtresses, lui disait Mme de Montespan avec fureur, — moi de nom, cette fille (Fontanges) de fait, et vous de cœur. […] Cette conduite, qui lui a été reprochée, prouve une seule chose : elle était de ces femmes qui, dans ces instants de séparation et d’adieu suprême, s’en remettent à leur confesseur encore, plutôt que de prendre conseil de leur cœur. Il n’y eut pas un seul moment d’abandon de cœur dans toute la vie de Mme de Maintenon ; là est le secret de l’espèce de froideur qu’elle inspire.

256. (1911) Études pp. 9-261

Toute la plainte du monde passe en son cœur. […] Comme il est présent en nos cœurs, Dieu doit être présent au cœur de nos cités. […] L’action de grâces descelle la pierre de mon cœur ! […] Elle a une sorte de gaîté qui est l’activité même de son cœur. […] Ils sont simultanés comme les aspects du cœur.

257. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Son cœur palpite : sa voix est tremblante et n’articule que des mots interrompus. […] Elle chantait les actions de Grudar, jeune objet des sentiments secrets de son cœur. […] Le choix de son cœur se fixa sur Connal. […] Il fut l’objet des soupirs secrets de son cœur. […] Mon épée peut trouver mon égal dans le combat ; mais mon cœur est indomptable.

258. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Mais je pleure et ma poitrine se soulève, et mon cœur se brise. […] Nous avons trop suivi les imaginations et les désirs de nos propres cœurs. […] Préserve mon corps, pardonne le péché de mon âme et sanctifie mon cœur. […] L’expression naturelle des mouvements du cœur y est proscrite, et qu’est-ce qu’une littérature sans l’expression naturelle des mouvements du cœur ? […] Sous cette pensée formidable le cœur fléchit.

259. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Elle était d’ailleurs catholique de cœur et d’inclination ; elle aimait les cérémonies, les signes extérieurs et la décoration du culte : « J’aime les curés, les croix, les cloches, les moines, les images, les chapelles et tous les saints. […] Cette mémoire lui gagne mon cœur, et je veux cultiver et raviver cette amitié qui n’était qu’assoupie. […] Mme de Coigny est vieille, et d’une vieillesse qui ne paraît pas trop chagrine ; elle s’est rajeunie par ses filles, par son gendre ; elle a au cœur un enthousiasme ; elle ne croit pas qu’on soit à la fin du monde. […] Mme de Tracy nous en est un exemple, et elle nous montre combien les pensées d’au-delà sont une ressource pour alimenter la vie du cœur. […] Française de cœur, elle avait dans l’esprit et dans le caractère de ces traits passionnément ou agréablement bizarres qui distinguent les filles d’Albion.

260. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

L’infante, par ordre du roi, lui chausse les éperons, et ces éperons piquent au même moment le cœur de Chimène. […] Le Cid est tout ainsi en beaux débuts : Rodrigue, as-tu du cœur ? […] On n’a pas le cœur libre quand on lit le Cid. […] Il se passe un combat et tout un jeu moral dans le cœur de Chimène, un duel d’une autre espèce et qu’elle nous décrit : « Rodrigue dans mon cœur attaque encor mon père. […] Ces deux jeunes et grands cœurs s’aiment, voilà le fin du jeu, et cet amour va montant et croissant toujours.

261. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Tout commençait à sourire à Fénelon : le cœur de madame de Maintenon semblait lui ouvrir celui de la cour. […] Dieu merci, j’ai le cœur en paix. […] Ce n’est là que l’exercice naturel de son cœur. […] Il les reçut avec cette grâce naturelle qui le faisait régner par anticipation sur les cœurs : il régnait, en effet, déjà dans ses pensées. […] Fénelon n’eut pas le temps d’y préparer son cœur ; il apprit presque en même temps la maladie et la mort de son élève.

262. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Oui, m’a-t-elle répondu : moi de nom, cette fille de fait, et vous du cœur. […] Le but n’était pas seulement de posséder la personne, c’était aussi et surtout de posséder le cœur et d’obtenir un tendre retour. […] Il y a un cœur mieux fait sur lequel j’aurais de plus grandes espérances. […] Qu’on l’accuse de s’être faite dévote et d’avoir fait manœuvrer des prêtres pour se faire épouser, elle qui avait acquis le cœur du roi et obtenu sa renonciation aux maîtresses, durant la vie de la reine plus jeune qu’elle ! […] En effet, Louis réunissait sur elle tous les sentiments de son cœur, l’admiration, l’amitié, la confiance et l’amour. » (Genlis, t. 

263. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

C’est à son cœur qu’il s’adresse en lui montrant la vie de Paul jetée en dehors des voies régulières, son avenir entravé par cette liaison sans issue. […] C’en est fait ; le voilà remordu au cœur, et la morsure est empoisonnée. […] Elle lui demande si elle croit être la première qui ait possédé et rempli son cœur. […] Mais ses gémissements de colombe n’attendrissent pas ce cœur calciné. […] Mais la jeune fille le déteste de toute l’énergie vertueuse de son coeur : il ne lui est pas seulement indifférent, il lui est odieux.

264. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Toute esthétique est véritablement, comme semblaient le croire les anciens, une musique, en ce sens qu’elle est une réalisation d’harmonies sensibles entre les individus, un moyen de faire vibrer les cœurs sympathiquement comme vibrent des instruments ou des voix. […] Selon Guyau, le moyen, pour l’art, d’échapper à ce qu’il y a de fugitif dans toute convention, c’est la spontanéité du sentiment individuel qui fournit ses inspirations au génie. « Le grand artiste, simple jusqu’en ses profondeurs, est celui qui garde en face du monde une certaine nouveauté de cœur et comme une éternelle fraîcheur de sensation. […] La science est pour l’intelligence ce que la charité est pour le cœur ; elle est ce qui rend infatigable, ce qui toujours relève et rafraîchit ; elle donne le sentiment que l’existence individuelle et même l’existence sociale n’est pas un piétinement sur place, mais une ascension. […] Tel sentiment est plus vraiment nous que ce qu’on est habitué à appeler notre personne ; il est le cœur qui anime nos membres, et ce qu’il faut avant tout sauver dans la vie, c’est son propre cœur12. » Voilà pourquoi le savant, par exemple, fait tout naturellement « la science humaine avec sa vie ». […] Il semble qu’il y ait en lui, comme chez tout véritable poète, assez d’émotion et de sympathie pour traverser et animer la nature entière ; il n’écoute battre son propre cœur que pour sentir venir jusqu’à lui quelques-unes des vibrations de la vie universelle : il agrandit la nature en lui prêtant le retentissement du cœur humain, et il élargit le cœur humain en y faisant entrer toute la nature.

265. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

« J’ai soulagé mon cœur en vous laissant entrevoir les incertitudes dont j’ai triomphé. […] Et puis, ne sens-tu pas qu’un voyageur, longtemps absent et longtemps seul, retrouve avec une joie d’enfant un langage qui répond aux secrètes émotions de son cœur ? […] Il vient un jour où tous ces liens, on les brise, mais le cœur saigne, et les yeux les plus stoïques se mouillent de larmes. […] Les expressions, que je ne cherchais point, obsédaient ma pensée ; mes notes grossissaient d’une heure à l’autre ; j’apprenais par cœur sans le vouloir. […] Il n’en est pas de même du Journal de la sœur, qu’on imprime en ce moment : c’est de tout cœur que j’en ai revu et arrêté le texte.

266. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Partout où le ciel mit deux cœurs, s’aimer est doux !  […] Je sens mon cœur, et je connais les hommes. […] oui, c’est cela, les Romaines auront épuisé ton cœur ! […] Cette forme-là est bonne qui s’est trouvée la plus sonore aux battements du cœur. […] Le Cœur de Hialmar.

267. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Le Traité du Sublime attribué à Longin nous conserva heureusement la célèbre plainte amoureuse de cette femme au cœur violent. […] Amour a donc pu corrompre ton cœur viril si facilement ? […] de quel feu brûle un cœur jà en cendre ? […] Desportes se plaisait à amasser ; mais il avait trop d’esprit et, peut-être, de cœur pour faire si grand cas de la vie. […] On sent que l’auteur laisse son esprit travailler comme le vin nouveau, après avoir mis son cœur en sûreté.

268. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Creusez en vous-même, étudiez et sondez votre propre duplicité, plongez en tous sens au fond de l’abîme de votre cœur, et vous n’y trouverez pas autre chose que ce que Pascal vous a rendu en des traits si énergiques et si saillants. […] Vinet lui-même, considéré dans son œuvre et dans sa vie, qu’il offrait en quelque sorte l’image d’un Pascal réduit et modéré, d’un Pascal plus aisément circoncis dans ses essors et dans ses désirs, mais dont le centre moral était le même et dont le cœur était comme taillé sur le cœur de l’autre. […] La nouvelle apologétique qu’on pourrait déduire des Pensées de Pascal, telles qu’on les possède actuellement, ne saurait s’adresser en réalité qu’à un petit nombre d’esprits et de cœurs méditatifs ; et elle mériterait moins le nom d’ apologétique que de s’appeler tout simplement une forte étude morale et religieuse faite en présence d’un grand modèle. […] Sa robe n’était pas cette doublure de chêne ou ce triple airain à travers lequel aucun dard ne peut pénétrer jusqu’au cœur. […] Bourdaloue était vif, il était prompt, impatient peut-être ; quelques mots de son biographe, qui paraît l’avoir bien connu, laissent entrevoir qu’il y avait de la fougue dans son tempérament, et que, dans l’art de maîtriser son cœur, il déploya plus de force encore que dans l’art de maîtriser sa pensée.

269. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Feuilles d’automne » (1831) »

Les révolutions, ces glorieux changements d’âge de l’humanité, les révolutions transforment tout, excepté le cœur humain. Le cœur humain est comme la terre ; on peut semer, on peut planter, on peut bâtir ce qu’on veut à sa surface ; mais il n’en continuera pas moins à produire ses verdures, ses fleurs, ses fruits naturels ; mais jamais pioches ni sondes ne le troubleront à de certaines profondeurs ; mais, de même qu’elle sera toujours la terre, il sera toujours le cœur humain ; la base de l’art, comme elle de la nature. Pour que l’art fût détruit, il faudrait donc commencer par détruire le cœur humain. […] C’est l’écho de ces pensées, souvent inexprimables, qu’éveillent confusément dans notre esprit les mille objets de la création qui souffrent ou qui languissent autour de nous, une fleur qui s’en va, une étoile qui tombe, un soleil qui se couche, une église sans toit, une rue pleine d’herbe ; ou l’arrivée imprévue d’un ami de collège presque oublié, quoique toujours aimé dans un repli obscur du cœur ; ou la contemplation de ces hommes à volonté forte qui brisent le destin ou se font briser par lui ; ou le passage d’un de ces êtres faibles qui ignorent l’avenir, tantôt un enfant, tantôt un roi. Ce sont enfin, sur la vanité des projets et des espérances, sur l’amour à vingt ans, sur l’amour à trente ans, sur ce qu’il y a de triste dans le bonheur, sur cette infinité de choses douloureuses dont se composent nos années, ce sont de ces élégies comme le cœur du poëte en laisse sans cesse écouler par toutes les fêlures que lui font les secousses de la vie.

270. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Comte de Gramont »

Inspiration personnelle ou sociale, regret du cœur, perspective de la vie revue en se retournant de l’autre bord de l’horizon, sentiment de l’irréparable, d’abord amer et devenant plus triste à mesure qu’il est plus résigné, oui ! […] Chère toujours à la race sans idées et sans cœur des païens de la fantaisie, cette école, qui a trouvé sa colonne d’Hercule dans le dernier livre (Émaux et Camées) de Gautier, — le seul de ses enfants posthumes dont le vieux Ronsard se sentirait de l’orgueil, — cette école pourrait réclamer Gramont comme un des poètes de sa pléiade, mais, tout esclave qu’il en est par le plus large côté de ses œuvres, il lui échappe cependant, et, en résumé, il vaut mieux qu’elle. […] Ce n’est pas seulement une main habile, c’est un cœur aussi, et un cœur brisé. […] Ce poète d’une race finie et d’une cause perdue, ce Redgauntlet poétique des Stuarts de la France, qui fait vivre sa muse au poste où il eût été digne de mourir, mais où le combat n’est même plus, à côté de beaucoup de sonnets tels que le suivant, — qui ressemble à ces écussons de marbre noir que soutiennent parfois des anges tumulaires aux coins silencieux des mausolées : Ce fut un vaillant cœur, simple, correct, austère ; Un homme des vieux jours, taillé dans le plein bloc, Sincère comme l’or et droit comme un estoc, Dont rien ne détrempa le mâle caractère. […] Enivré qu’il ait été par la Renaissance et cette poésie moderne qui s’efforce depuis plus de vingt ans d’en réverbérer les rayons, le noble auteur des Chants du Passé (nous l’avons déjà dit) revient, vers la fin de son recueil, à cette simplicité mâle que la vérité chrétienne, embrassée définitivement par notre âme, communique non seulement aux œuvres du cœur, mais aux productions de l’esprit.

271. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Cela n’est plus de ces espèces de vins joyeux qu’il a si largement versés et sablés toute sa vie, ce sont les gouttes précieuses d’un Lacryma Christi poétique des plus rares, et qui mérite ce nom mélancolique ; car il verse au cœur moins l’ivresse qu’une divine mélancolie. […] Les femmes qui étaient là, imbéciles de tout excepté de beauté physique, ces femmes qui n’avaient guères plus d’esprit que des pêches et plus de cœur que des ananas, sentaient leurs pulpes traversées. […] Et il en rapporte des histoires comme celle qu’il a intitulée Clorinde : C’était une petite blonde, Née à seize ans et morte à vingt ; et qui s’en est allée de la vie : L’estomac ruiné de Champagne Et le cœur abîmé d’amour. […] Ou ailleurs (dans Seule) : Son cœur, son pauvre cœur jusqu’à la mort fidèle, S’était pris sans espoir d’un amour éclatant ! […] Et nous l’avons été jusque dans le cœur.

272. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Villa pliniana, jamais sans doute des cœurs n’ont ainsi sacrifié sur ton autel !  […] Vous avez donné de l’âme à Genève, où mon cœur frissonne quelquefois. […] Je viens de vous découvrir une amie que je ne vous connaissais pas ; c’est Mme Saladin de Crans, qui a son cœur tout en dedans et presque en arrière de son esprit. […] Mon cœur a besoin de sentiments, et je ne trouve ici que de l’esprit et de la bienveillance.  […] — Savez-vous ce que j’avais en tête, ou plutôt dans mon cœur ?

273. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Jadis le cœur humain tout entier appartenait aux poètes ; aujourd’hui on fait des réserves. […] « Console-toi, lui dit le père de Zemfira ; aimer, c’est pour toi souffrance et tristesse ; aimer, pour un cœur de femme, c’est un divertissement. […] Qui dira au cœur d’une jeune fille : Rien qu’un amour, ne change jamais ? […] Il a hâte, il court à un rendez-vous d’amour, et le désir lui brûle le cœur. — “Allons, mon fier cheval, mon fidèle coursier, vole comme la flèche ! […] D’un glaive il fendit ma poitrine et en arracha mon cœur palpitant, et dans ma poitrine entrouverte il enfonça une braise ardente.

274. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

La dame pouvait être une de ces rouées malfaisantes qui brisent le coeur et l’existence des imprudents tombés dans leurs bras. […] Et il accuse Paris d’avoir arraché les bons instincts et les vertus qu’il a déracinés lui-même de son cœur ! […] Caverlet, homme de cœur et d’honneur, qui s’est pris pour elle d’une passion profonde. […] Lorsqu’il s’agit de questions pareilles, la sagesse est sur les lèvres des vierges et dans le cœur des enfants. […] Sa tête avance sur son coeur, l’idée d’être baronne chatouille sa jeune vanité.

275. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Schiller, le cœur tout vibrant, prend le pas, s’associe au rythme de ses frères d’armes, mais ses principes, loin qu’il les abandonne à la porte de son dépôt, lui fournissent son ravitaillement moral. […] Qui de nous n’a pas eu un instant ce beau chant près de son cœur ? […] Appuyant sa tête contre le cœur de ses frères, et puis écoutant son propre cœur, il a constamment chauffé et perfectionné à ce foyer d’humanité une conception fort belle qu’il s’était faite de la sainteté du travail et de la sainteté du peuple qui travaille. […] Et moi, je consens à tous deux d’un cœur bien réfléchi ».‌ […] Je ferme le livre et j’admire qu’un tel cœur batte dans le socialisme.

276. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Que l’esprit et le cœur annihilent les instincts animaux et les révoltes de la nature ! […] Et cette fusion des impressions calmes et suaves, des bois de Meuse avec un cœur plein de sacrifice nous émeut jusqu’à la douleur. […] Et qu’une telle expérience, éclaboussée de sang, s’associe à la fraîcheur intacte du cœur, c’est ce que le monde n’avait jamais vu ! […] Est-ce beau, cette volonté qui domine ce cœur tendre, aimant la vie ?‌ […] Si enfin vous apprenez que je suis tombé au champ d’honneur, faites sortir de votre cœur, ma chère J… les mots qui consolent.‌

277. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Sortez, ombres, sortez de la nuit éternelle, Voyez le jour pour le troubler ; Que l’affreux désespoir, que la rage cruelle, Prennent soin de vous rassembler : Avancez, malheureux coupables, Soyez aujourd’hui déchaînés, Goûtez l’unique bien des cœurs infortunés, Ne soyez pas seuls misérables. […] Goûtons l’unique bien des cœurs infortunés, Ne soyons pas seuls misérables. […] Le naturel, il est vrai, s’énonce sans effort, quand l’esprit & le cœur, qui le produisent par leur accord, sont profondément pénétrés ; mais il n’exclut ni la noblesse, ni l’élévation, ni le choix des expressions, ni la finesse, ni l’élégance des tours. […] Quinault, dont on a quinze ou seize tant Tragédies que Comédies, & treize Opéra, continua jusqu’à sa mort, avec une régularité scrupuleuse & un courage inoui, les fonctions monotones de sa Charge d’Auditeur des Comptes, comme s’il n’eût jamais connu d’occupation plus intéressante pour son esprit & pour son cœur ; effet admirable & cependant naturel de cet amour du devoir, la base de toute société, l’idole de nos bons aïeux, & que, pour le malheur de notre âge, a éteint dans presque tou les cœurs l’esprit de systême & d’égoïsme, digne fruit des tristes lumieres de la moderne Philosophie.

278. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

La religion et l’amour exercent à la fois leur empire sur son cœur : c’est la nature rebelle, saisie toute vivante par la grâce, et qui se débat vainement dans les embrassements du ciel. […] Cependant, Abeilard, dans cet affreux séjour, Mon cœur s’enivre encor du poison de l’amour. […] Et qu’elle ne croie pas pouvoir détourner secrètement, au profit d’Abeilard, la moindre partie de son cœur : le Dieu de Sinaï est un Dieu jaloux, un Dieu qui veut être aimé de préférence ; il punit jusqu’à l’ombre d’une pensée, jusqu’au songe qui s’adresse à d’autres qu’à lui. […] Après le morceau que nous avons cité, on lit ces vers : Chères sœurs, de mes fers compagnes innocentes Sous ces portiques saints, colombes gémissantes, Vous qui ne connoissez que ces faibles vertus Que la religion donne… et que je n’ai plus ; Vous qui, dans les langueurs d’un esprit monastique, Ignorez de l’amour l’empire tyrannique ; Vous, enfin, qui, n’ayant que Dieu seul pour amant, Aimez par habitude, et non par sentiment, Que vos cœurs sont heureux, puisqu’ils sont insensibles ! […] Si la philosophie est bonne à quelque chose, ce n’est sûrement pas au tableau des troubles du cœur, puisqu’elle est directement inventée pour les apaiser.

279. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

combien les cœurs sont vivants ! […] On a peur de trahir nos soldats, de leur faire du tort et de dénaturer leur figure en insistant sur la part d’angoisse qui peut se trouver dans les cœurs les plus braves. […] quand on est loin de corps, mais non pas de cœur. […] Nos soldats ont le cœur plein de sentiments qui font leur force et qu’ils veulent revivifier auprès de cœurs amis.

280. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Pour tout cœur pur et tout esprit juste, il est évident que la reproduction des Évangiles est la meilleure exposition des vérités de notre foi. […] Inspiré à son tour par le livre de sa foi et par sa cohabitation de cœur et d’esprit avec les hommes de génie qui ont écrit sur ce livre saint des pages si éclatantes et si profondes, l’abbé Brispot a plusieurs fois montré que cette espèce d’intimité, ce grand voisinage, avait porté bonheur à sa pensée. […] Le fond des choses y est si grand qu’on y sent réellement moins qu’ailleurs les différences de génie, et que la pensée y trouve presque, comme le cœur, son égalité devant Dieu. […] Il fait le siège du cœur de l’homme avec tous les arts qui répondent aux nobles instincts de la créature de Dieu. Il entre, par les images, dans le cœur des peuples, qu’il réchauffe et qu’il inspire.

281. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

En effet, je lui rendis les derniers devoirs, en faisant la plus extrême violence à mon cœur. […] Il le laissa passer pour se donner du temps ; Pie VII passa et arriva à Rome porté sur les bras et sur le cœur du peuple. […] Ces sentiments de piété envers le Siège de Pierre, que ma femme et moi sommes si heureux d’inculquer à notre jeune famille, sont invariables dans mon cœur. […] Personne ne sent plus que moi, je l’atteste à Votre Éminence, et ne partage davantage tous les sentiments dont son cœur doit être déchiré. […] Cet embrassement universel du cœur était toute sa politique.

282. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Ce qui avait fait pleurer les Grecs aurait bien pu nous faire mal au cœur. […] Cette admiration pour les anciens Romains ne s’épuisera jamais ; elle a sa source dans le cœur, et dans les sentiments les plus honnêtes du cœur. […] n’est-ce pas le cœur qui admire le vieil Horace, Cornélie, Auguste ? […] Charme suborneur, charme inconcevable et souverain du cœur. […] ô aveuglement des cœurs corrompus !

283. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

j’ai besoin de décharger mon cœur, et tous les cœurs honnêtes, du poids d’une si accablante douleur. […] Je n’ai pas retrouvé le sommeil, et mon cœur est bien rempli de pensées et de douleurs. […] J’ai le cœur bien serré. […] Comme toute la littérature du monde paraît chose frivole à côté d’un sentiment du cœur ! […] Vous trouveriez ici trois cœurs bien à vous.

284. (1772) Éloge de Racine pp. -

Il y a long-temps que ton éloge était dans mon coeur. […] Averti par son propre coeur, il vit qu’il fallait la puiser dans le coeur humain, et dès ce moment il sentit que la tragédie lui appartenait. […] Qui est-ce qui n’est pas délicieusement ému de ces vers si simples qui descendent si avant dans le coeur, et qu’il est impossible de ne pas retenir dès qu’on les a entendus ? […] Mais les combats du coeur et les orages des passions, où Racine les avait-il trouvés ? […] Mais la blessure que vous avez faite au coeur de l’écrivain sensible n’en est pas moins douloureuse ; la trace en est profonde et sanglante.

285. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

Les sources vives dans ce cœur étaient trop pleines et dégorgeaient impétueusement le bien, le mal au moindre choc. […] Je ne ferai point défaut, quoique je ne les croie pas assez forts de nombre et de cœur pour faire grand’chose ; mais en avant ! […] Parle-moi ; —  regarde les démons autour de nous ; ils se sentent un cœur pour moi. —  Je ne les crains pas, je ne sens mon cœur que pour toi seule. —  Parle-moi, quand ce serait avec courroux. […] Il y a une maladie de cœur et d’esprit dans le style de Don Juan, comme dans celui de Swift. […] La réforme des idées finit par réformer le reste, et la lumière de l’esprit produit la sérénité du cœur.

286. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

La gloire la plus éclatante peut-elle apaiser un cœur agité par l’amour ? […] Combien d’autres parlent au cœur dans une langue qui n’a jamais été surpassée ! […] Il lit dans le cœur de Marie-Antoinette et de Barnave, comme le poète dans le cœur des héros créés par sa fantaisie. […] Le cœur naïf et passionné d’Hippolyte nous ramène sans effort en pleine poésie. […] Je veux bien que le cœur de l’homme soit chose mobile ; encore faut-il que les mouvements du cœur s’expliquent par la passion.

287. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IV. La littérature et le milieu psycho-physiologique » pp. 126-137

« Les grandes pensées viennent du cœur », disait déjà Vauvenargues, et il entendait par là qu’il n’est point de génie ni d’héroïsme sans passion. […] Il dit, en effet, dans son Emile : « La nature ne se trompe pas. » Et « la nature » signifie là les penchants naturels au cœur humain. […] Voltaire, de son côté, veut faire des tragédies tragiques, qui arrachent le cœur au lieu de l’effleurer. […] Il y a sous Louis XVI des pièces officielles qui commencent ainsi : « La sensibilité de mon cœur me porte à…, etc. » La Révolution fut le paroxysme, le déchaînement, l’éruption brûlante de la passion accumulée dans les cœurs, comme une lave volcanique, depuis plus d’un demi-siècle. […] Voyez Diderot, En un clin d’œil, il s’anime, s’allume : c’est un volcan qui toujours gronde, fume et bouillonne ; son cœur est dans une perpétuelle fermentation.

288. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

En 1772, Goethe, âgé de vingt-trois ans, habitait Wetzlar, dans les États prussiens, et il y était devenu l’ami d’un jeune homme comme lui, nommé Kestner, secrétaire de l’ambassade hanovrienne, lequel était, sinon fiancé, au moins lié de cœur avec mademoiselle Charlotte Buff, de la famille de M.  […] » Mais, pour cela, il n’attendit pas que ses larmes — s’il en versa — fussent essuyées, et que la Volonté, cette lente conquérante, eût fait la paix, la paix de la mort, sur les ruines de son cœur dévasté. […] Seulement, nous disons qu’entre la peine du cœur et l’œuvre de l’esprit il y a d’ordinaire, pour les âmes véritablement passionnées, le travail du temps, l’apaisement nerveux, le calme revenu dans l’intelligence, tandis que pour Goethe, cette grande victime, comme l’appelle un de ses éloquents admirateurs, M.  […] En écrivant Werther, il avait entièrement vidé son cœur de son ivresse. […] Pourquoi donc veut-on nous donner un Goethe inconnu, martyr de son cœur, portant aux mains la palme sanglante du sacrifice ?

289. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

La personnalité, c’est-à-dire le fond de l’homme, — mieux que les dernières gouttes de son cœur et de sa cervelle : son âme ! […] Il fut vertueux… mais que Dieu nous garde des vertus de cœur qui s’arc-boutent dans les hommes à un esprit faux ! […] d’ailleurs, que son cœur fût bon, s’il était confisqué par le cerveau et que le cerveau fût faussé ou fût perverti ! Les lâches moralistes de ce temps ont trop séparé le cœur de l’esprit, dans leur déchiquetage de la vie ; ils ont cru racheter l’un par l’autre. […] Dans tous les cas, les galantins, les madrigalistes, les valets de cœur de ces dames crieront pour elles, et sans danger pour personne, car le terrible éléphant n’est plus !

290. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Hugo de plaider aujourd’hui pour des croyances mortes depuis longtemps dans son cœur. […] Vainement il essayait d’interroger son cœur, son cœur refusait de répondre, et sa bouche, prodigue de paroles, imposait silence à sa pensée engourdie. […] Son imagination ne parle pas moins haut que son cœur. […] L’amour ne se prescrit pas, et le cœur le plus généreux peut très bien ne pas se rendre à cet argument. […] Le mari a deviné le secret de Fernand, il a compris que la passion est usée dans son cœur.

291. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Il est bien vrai qu’un lien d’étroite affinité est déjà formé pour une grande partie de la famille humaine ; l’Écosse et l’Amérique, toutes reculées qu’elles sont, reçoivent les pulsations du cœur ; et le cœur, c’est la France. […] L’univers pèse sur son cœur et l’accable. […] Mais le doute sur tous points reste au fond du cœur. […] Ils sont restés avec le doute, qui n’avait jamais entièrement abandonné leur cœur. […] Leurs chants ont beau être délicieux à mon oreille, le fond, le fond éternel de mon cœur est le doute et la tristesse.

292. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

L’inactivité surchauffait son tempérament ardent, « il lui semblait que la vie redoublait au fond de son cœur, qu’il aurait la puissance de créer des mondes ». […] Tout s’effondrait autour de lui et dans lui : les misères de la vie enfiellaient son cœur et abattaient sa vertu. […] Le combat entre la religion et l’amour s’engage dans le cœur de la tendre Atala. […] Mais sa nature gauloise se rebella, et, ainsi que la Rosine de Beaumarchais, elle ouvrit au séducteur son cœur à deux battants, elle se laissa vaincre sans résistance. […] En torturant d’un pareil remords le cœur d’Atala, vaincue par la religion, Chateaubriand obéissait à l’opinion qui imputait à péché toute résistance à l’amour.

293. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

je sens tout mon cœur incliner vers cet enfant, comme s’il était mon propre fils. […] Reprends courage, ô mon cœur ! […] Chasse, chasse cette cruelle pensée bien loin de ton cœur ! […] Qu’il est difficile de connaître le cœur de l’homme ! […] Le cœur trop plein qui s’épanche en paroles reçoit du soulagement.

294. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 311-314

Après qu’Enée a déclaré à Didon le dessein où il est de quitter Carthage, cette Reine s’écrie : Non, cruel, tu n’es point le fils d’une Déesse ; Tu suças, en naissant, le lait d’une tigresse ; Et le Caucase affreux, t’engendrant en courroux, Te fit l’ame & le cœur plus durs que ses cailloux, &c. […] Ne te souvient-il plus, perfide, de ce jour Que, pâle & tout tremblant, tu parus à ma Cour ; Qu’encor tout effrayé des horreurs du naufrage, Ma pitié mit ta flotte à l’abri de l’orage ; Et que, me demandant secours en ton malheur, Avecque ce secours je te donnai mon cœur ? […] Des feux de mon bûcher, j’irai jusqu’en l’abîme Allumer dans ton cœur les remords de ton crime ; Et mon ombre par-tout te suivant pas à pas, Te montrera par-tout ton crime & ton trépas ; Et jusque dans l’Enfer faisant vivre ma haine, Mon ame, chez les Morts, jouira de ta peine, Ceux qui connoissent les vers Latins, verront qu’il seroit difficile de les rendre plus fidélement. […] Chez les Rois mes voisins, mon cœur humble & confus, Ira-t-il s’exposer aux hasards d’un refus ?

295. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Léonard »

En son poëme des Saisons, au chant de l’Été, Léonard disait : Quels beaux jours j’ai goûtés sur vos rives lointaines, Lieux chéris que mon cœur ne saurait oublier ! […] Un grand événement de cœur remplit sa jeunesse et semble avoir décidé de toute sa destinée. […] Et demande aux Dieux que ton cœur Ne perde jamais ce qu’il aime. […] et comme pour mieux vérifier sa maxime, l’agitation de son cœur le reprit. […] Lorsque tant d’autres assistent et survivent à l’affaiblissement de leur sensibilité, à la déchéance de leur cœur, il resta en proie au sien, et son nom s’ajoute, dans le martyrologe des poëtes, à la liste de ces infortunes fréquentes, mais non pas vulgaires.

296. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

On retrouve, dans plusieurs beaux endroits de nos sermons, l’ame, le génie, le feu, cette force de raisonnement, cette éloquence véhémente & rapide, victorieuse des esprits & des cœurs, qui caractérise ces grands hommes. […] Aucun n’a négligé de convaincre l’esprit, d’échauffer le cœur, & de triompher des passions. […] Ce grand homme, admirateur passionné de la vraie éloquence forte, animée, don si rare de la nature & le plus puissant ressort du cœur humain, fut indigné du systême nouveau : il écrivit promptement pour réfuter d’aussi singulières idées. […] quelle connoissance du cœur humain ! […] Lorsqu’on demandoit à Massillon où il avoit pu trouver des peintures du monde aussi saillantes, aussi finies & aussi ressemblantes : dans le cœur humain, répondoit-il ; pour peu qu’on le sonde, on y découvrira le germe de toutes les passions.

297. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Ampère »

L’imagination, l’art ingénieux et compliqué, la ruse des moyens, l’ardeur même de cœur, y passent et l’augmentent. […] Tant que tu les posséderas et qu’ils te posséderont, embrassez-vous en mémoire de moi : je vous laisse à tous mon cœur. […] il faut avoir ton âme pour écrire des choses qui vont si bien au cœur, sans le vouloir, à ce qu’il semble. […] Un brasier est dans votre cœur, le néant s’est logé dans le mien. […] C’est ainsi qu’il est resté et qu’il vit dans notre mémoire, dans notre cœur.

298. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Tenez, mon cœur s’émeut à toutes ces tendresses Cela regaillardit tout à fait mes vieux jours. […] Jamais paroles plus charmantes ne sont sorties d’un cœur paternel. […] Elle a le ton de la femme du monde, avec une candeur qui témoigne qu’elle en a trouvé le secret dans un cœur honnête et dans un esprit droit. […] Le plus grand nombre est indirect : ce sont des confidences du cœur humain dont ses devanciers n’ont entendu que la moitié, et qu’il complète. […] Quiconque y apporte du sens et un cœur est compétent.

299. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Ce qu’on étudie avec cette persévérance et cette suite, ce ne sont ni les mœurs d’une époque ni l’homme d’un jour, c’est le cœur humain. […] Cette honnête fin de Gil Blas est une vérité du cœur humain. […]  » C’est plus et autre chose qu’ultro, et si cela déborde, c’est du cœur. […] On ne met de son cœur que dans un livre où l’on parle la langue de sa mère. […] C’est une de ces vérités dont l’esprit ne peut pas être instruit sans que le cœur soit touché.

300. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Tous chantaient exclusivement l’amour, cette éternelle inspiration du cœur. […] Je croyais m’être approché autant qu’il était en moi du foyer de la vérité ; je n’en entrevoyais pas seulement la lueur, qui m’éblouissait, j’en sentais la chaleur, qui me descendait de l’esprit au cœur, du cœur aux sens ; j’étais ivre d’intelligence, s’il est permis d’associer ces deux mots. […] Ozanam croyait, comme nous, que la vérité était à plus grande dose dans le cœur que dans l’esprit. […] Chacune de ces respirations et de ces aspirations vous prenait le cœur et vous donnait le sien. […] Au seuil de la carrière, le cœur un moment lui manqua ; mais trois femmes bénies veillaient sur lui dans la cour du ciel.

301. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Le duc de Chevreuse, comme la comtesse de Grammont, était un ancien élève de Port-Royal ; mais, à la différence de la comtesse, il n’en avait rien gardé dans le cœur. […] Il fallait que le duc de Bourgogne eût été bien maté et dompté dans sa nature première pour ne pas regimber contre de tels avis, qui entraient plus avant que l’épiderme et qui piquaient jusqu’au cœur. […] Je suis persuadé, Monseigneur, que toute la pente de voire cœur est pour ce parti. […] Pendant toute l’année 1710 et au commencement de 1711, quand il touche cette corde délicate, Fénelon fait sans cesse résonner le même son : soutenir, redresser, élargir le cœur du jeune prince ; il lui voudrait et il demande pour lui au ciel un cœur large comme la mer. […] En inculquant cette maxime au duc de Bourgogne et en la lui gravant au cœur, il ne croyait d’ailleurs pas faire acte de réforme positive, et encore moins de philosophie ou de démocratie, comme nous dirions ; il ne faisait que remonter à la religion de saint Louis.

302. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Frédéric voulait la grandeur de la Prusse, et il savait à quel prix seulement et par quelles luttes il la pouvait conquérir et fonder, cette grandeur nouvelle, au cœur de l’Empire et à la face de l’Europe. […] Je n’accuse point votre cœur, mais votre inhabileté et votre peu de jugement pour prendre le meilleur parti. […] Frédéric revient et insiste sur cette disposition fondamentale du cœur de son frère, en des termes qui ne laissent rien à désirer pour l’explication morale : Vous savez avec quel soin j’ai recherché votre amitié ; que je n’ai épargné ni caresses, ni ce qui se peut appeler des avances, pour gagner votre cœur. […] Les événements purent changer le langage et modifier l’expression extérieure du prince Henri, mais on peut dire que cette glace première qui enveloppait son cœur du côté de son royal frère ne fondit jamais. […] Adieu, mon cœur ; je vous embrasse.

303. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Nous entrons dans le cœur de Mme Bovary. […] La qualité qu’elle a de trop, c’est d’être une nature non pas seulement romanesque, mais qui a des besoins de cœur, d’intelligence et d’ambition, qui aspire vers une existence plus élevée, plus choisie, plus ornée que celle qui lui est échue. […] En soi : — elle a un défaut grave, elle n’a pas beaucoup de cœur ; l’imagination de bonne heure a tout pris et absorbé. […] Léon fera du chemin dans le cœur de Mme Bovary, mais pas si tôt ni si avant, mais pas encore. […] L’épisode du pied-bot, c’est-à-dire d’une sotte opération entreprise et manquée par son mari, achève d’enterrer celui-ci dans son cœur comme dans son estime.

304. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette »

De là des biographies émues, animées d’une partialité posthume qui ne déplaît pas et qui tient à la jeunesse sans cesse renaissante des cœurs. […] Avec sa sœur Marie-Christine elle entre dans plus de détails ; elle parle plus à cœur ouvert et ose avouer ses craintes qu’avec un peu de superstition il ne tiendrait qu’à nous de prendre pour des pressentiments : « Ma chère Christine, la seule à qui j’ose parler à cœur ouvert, je suis arrivée à Augsbourg aussi navrée que la dernière fois que je vous ai écrit. […] Je lui baise les mains avec respect, en la priant de me continuer ses bontés. » On ne saurait avoir meilleur cœur ni meilleur naturel. […] Le cœur bienfaisant des jeunes époux en est tout contristé jusqu’à rester quelque temps inconsolable. […] Ici le cœur s’en mêle ; il y a image ; l’expression s’est colorée au souffle de l’âme.

305. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

C’est dans la vie réelle, à travers les passions et les épreuves, que ce cœur de femme, sans autre maître que la voix secrète et la douleur, a dès l’abord modulé ses sanglots. […] Les poésies de Mme Desbordes-Valmore, qui, nées ainsi du cœur, n’ont aucun souci d’art ni d’imitation convenue, réfléchissent pourtant, surtout à leur source, la teinte particulière de l’époque où elles ont commencé, et rappellent un certain ensemble d’inspirations environnantes. […] Mais comme élégies passionnées, comme éclats de cœur et élancements d’amante, les premiers volumes de Mme Valmore ne nous laissent que l’embarras de choisir et de citer. […] … Ainsi le cœur n’a de murmures Que brisé sous les pieds du sort ! […] Elle n’y a pas manqué jusqu’ici ; et si, contre l’usage, ses paroles harmonieuses n’ont pas été guérissantes pour elle, elles n’ont pas du moins été inutiles à d’autres ; elles ont aidé dans l’ombre bien des cœurs de femmes à pleurer.

306. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Chaque corde de cet instrument monté par le Créateur éprouve une vibration et rend un son proportionné à l’émotion que la nature sensible de l’homme imprime à son cœur ou à son esprit par la commotion plus ou moins forte qu’il reçoit des choses extérieures ou intérieures. […] L’épi est utile, mais l’alouette vit, le grillon rappelle, la brise représente, le cœur sympathise, la mémoire se déplie, l’image surgit, l’émotion naît, avec l’émotion naît la poésie dans l’âme. […] Ce n’était plus le vent, la cloche, le pipeau, Ce n’était nulle voix d’enfant, d’homme ou de femme ; C’était vous, c’était vous, ô mon ange gardien, C’était vous dont le cœur déjà parlait au mien. Quand plus tard mon fiancé venait de me quitter, Après des soirs d’amour au pied du sycomore, Quand son dernier baiser retentissait encore Au cœur qui sous la main venait de palpiter, La même voix tintait longtemps dans mes oreilles, Et sortant de mon cœur m’entretenait tout bas. […] Ce n’est plus cette voix du matin de mes jours, Ni l’amoureuse voix de celui que je pleure ; Mais c’est vous, oui, c’est vous, ô mon ange gardien, Vous dont le cœur me reste et pleure avec le mien !

307. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Rêves et réalités, par Mme M. B. (Blanchecotte), ouvrière et poète. » pp. 327-332

Laisse rire toujours ta voix simple et touchante, Sauf à pleurer plus tard comme pleure le cœur. […] vous ne saurez plus rien : Je n’irai plus jeter à la vague, à l’étoile, Les secrets de mon cœur que vous sûtes trop bien. […] afin qu’on ne regarde pas Si je me sens troublée auprès d’un front limpide, Et sombre auprès de cœurs qui se parlent tout bas. […] Je n’irai plus jeter à la vague, à l’étoile, Les secrets de mon cœur que vous sûtes trop bien. » — Ainsi chantait un jour, loin des rives natales. […] Si vous rongez un cœur qui déjà brûle en soi, N’ajoutez pas au mal, respectez mes paupières :     Ô larmes, laissez-moi !

308. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Il connut cette passion qui développe le cœur, et qui tire l’homme de lui-même par la séduction du plus grand amour de soi. […] Ce sérieux de la passion, cette violence, ces combats qui agitèrent le cœur de Louis XIV, le théâtre d’alors en est l’image fidèle. […] Le cœur et l’esprit s’y étaient assez développés pour offrir à l’observateur ces traits généraux auxquels l’humanité se reconnaît dans tous les temps. […] Témoin les beaux vers du Discours au Roi, beaux surtout parce qu’ils « se sentent de la hauteur du cœur » d’où ils sont sortis. […] Moins peintre que Bossuet, moins logicien que Bourdaloue, Massillon parlait plus au cœur, ou plutôt à la raison par la sensibilité.

309. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre III. Des Ruines en général. — Qu’il y en a de deux espèces. »

Elles fournissent au cœur de majestueux souvenirs, et aux arts des compositions touchantes. […] Nous en sortîmes le cœur flétri, et nous nous enfonçâmes dans le faubourg voisin, sans savoir où nous allions. […] Nous nous précipitâmes sur la terre, au milieu d’eux ; nos larmes coulaient ; nous dîmes, dans le secret de notre cœur : Pardonne, ô Seigneur, si nous avons murmuré en voyant la désolation de ton temple ; pardonne à notre raison ébranlée ! L’homme n’est lui-même qu’un édifice tombé, qu’un débris du péché et de la mort ; son amour tiède, sa foi chancelante, sa charité bornée, ses sentiments incomplets, ses pensées insuffisantes, son cœur brisé, tout chez lui n’est que ruines209.

310. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Il y a toujours sans doute beaucoup de tendresse et de douce intimité dans les lettres du philosophe à sa maîtresse ; mais la passion éclatante, épurée, et par moments sublime, a disparu dans une causerie plus molle, plus patiente, plus désintéressée ; les nouvelles, les anecdotes, les conversations sur toutes choses, s’y trouvent comme auparavant ; une analyse ingénieuse et profonde du cœur y saisit toujours et y amuse ; mais la verve de l’esprit supplée fréquemment à la flamme attiédie de la passion ; un gracieux commérage, si l’on peut parler ainsi, occupe et remplit les heures de l’absence ; on s’aime, on se le dit encore, on ne sera jamais las de se le dire ; mais par malheur les cinquante ans sont là qui avertissent désagréablement le lecteur et le désenchantent sur le compte des amants ; les amants eux-mêmes ne peuvent oublier ces fâcheux cinquante ans qui leur font l’absence moins douloureuse, la fidélité moins méritoire, et qui introduisent forcément dans l’expression de leurs sentiments les plus délicats, je ne sais quelle préoccupation sensuelle qui les ramène à la terre et les arrache aux divines extases de l’âme où s’égare et plane en toute confiance la prodigue jeunesse. […] Diderot, qui avait déjà aimé plus d’une fois et avec passion, mais qui avait fini par trouver à sa femme trop peu d’esprit, et à madame de Puisieux trop peu d’honneur, recueillit toute son âme, toute sa chaleur égarée de cœur et de vertu, toutes ses facultés surabondantes de sensibilité et de génie, pour les consacrer à tout jamais au seul être qu’il en jugeât digne. […] Ce qui m’a le plus frappé dans ce second volume, comme différence avec le premier, c’est la spirituelle et subtile analyse, la poursuite infinie et déliée de certaines nuances de passions, de certains replis du cœur ; le récit délicat, l’explication malicieuse et vraie de plusieurs singularités de sentiments. Diderot, dans quelques-uns de ces endroits, se reproche de marcher sur les brisées de Marivaux ou de Crébillon fils ; mais il a bien autrement de profondeur, de réalité et de goût ; Crébillon fils toutefois, dans ses ouvrages, plus estimables qu’on ne le croit communément, a tracé plus d’une analyse de cœur ingénieuse et civilisée qui soutiendrait assez bien le parallèle avec quelques passages de Diderot. […] Je lui dis que c’était une des plus puissantes affections de l’homme. « Un cœur paternel, repris-je ; non, il n’y a que ceux qui ont été pères qui sachent ce que c’est ; c’est un secret heureusement ignoré même des enfants. » Puis continuant, j’ajoutai : « Les premières années que je passai à Paris avaient été fort peu réglées ; ma conduite suffisait de reste pour irriter mon père, sans qu’il fût besoin de la lui exagérer.

311. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

Livrons-nous sans réserve aux élans vagabonds De ce feu créateur, qu’en ses gouffres profonds D’un cœur impétueux nourrit l’indépendance. […] Ils n’avaient point reçu l’influence divine ; Ils parlaient comme on parle ; et leur style bien net Peignait le cœur humain, comme Dieu l’avait fait. […] Des sentimens du cœur ne sois plus l’interprète ; La sensibilité n’est plus que dans la tête. […] Nos comiques du jour veulent toucher le cœur. […] S’il n’agit sur les cœurs, il agit sur les nerfs.

312. (1864) Le roman contemporain

Qui donc aurait eu l’esprit assez frivole et le cœur assez sec pour lire à cette époque un roman ? […] Le siège de ce mal n’est pas dans le cœur, il est dans l’imagination. […] C’est un noble cœur, mais c’est une âme blessée qui écrit pour les âmes blessées. […] Il a deviné un des premiers que cette pointe de raillerie avec laquelle ce Français d’Allemagne blesse le cœur de ses lecteurs a déchiré d’abord le cœur du poète. […] Fanny, un livre où il n’y a pas un mot pour l’âme, pas un mot qui parle du cœur et qui aille au cœur, pas un mot qui réveille les sentiments généreux et élevés de notre nature, où l’air libre et vivifiant du ciel ne circule pas et où l’on sent son cœur s’affadir dans l’atmosphère tiède et malsaine des alcôves !

313. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Les arquebusiers basques nous tuent beaucoup de monde, et visent au cœur les chefs de l’armée. […] L’amour de cœur est un besoin réel, incontestable. […] Il croit pour savoir ; il étudie avec le cœur, comme les femmes ; il se livre comme elles pour obtenir. […] il aurait mis à cela plus d’adresse et de naïveté : le métier se serait passé du cœur. […] Lélia signifie l’incrédulité du cœur, née de l’amour trompé.

314. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

L’une vient du cœur, et c’est l’Idéal. […] leur eau empoisonnée dans bien d’autres cœurs. […] Ils n’ont pas la curiosité des situations nouvelles du cœur. […] Son mépris de la nature féminine est la confession mystérieuse de son cœur. […] La première, l’irréelle, absorbe toutes les forces de son cœur.

315. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Un moment, selon certains récits, le cœur lui défaillit ; un nuage lui cacha la face de son Père ; il eut une agonie de désespoir, plus cuisante mille fois que tous les tourments. […] La vraie cause de la mort était la position contre nature du corps, laquelle entraînait un trouble affreux dans la circulation, de terribles maux de tête et de cœur, et enfin la rigidité des membres. […] Tout porte à croire que la rupture instantanée d’un vaisseau au cœur amena pour lui, au bout de trois heures, une mort subite. […] Comment, libres dans leur choix, se fussent-ils exposés de gaîté de cœur à une si grave difficulté ? […] Dans les Actes (I, 14), Marie, mère de Jésus, est mise aussi en compagnie des femmes galiléennes ; ailleurs (Évang., II, 35), Luc lui prédit qu’un glaive de douleur lui percera le cœur.

316. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

Tant qu’il y aura des cœurs, et des cœurs religieux, on relira ce livre de Mme Augustus Craven, car tous les cœurs ne sont pas aptes à sentir et à goûter ce livre-là. […] Mais entre cela et le talent et surtout le génie, il y a l’épaisseur de la différence qui existe entre le cœur et le cerveau. […] Son succès, — ce succès inouï, quoique explicable, puisqu’il tenait aux sentiments les plus généraux et les plus habituels à la moyenne des hommes, — son succès lui avait mis le cœur au ventre, — et elle a beaucoup de cœur, Craven, — et le ventre, — je ne dis pas la tête, — s’est mis à pondre et à couver, avec une déplorable fécondité ! […] Mme Augustus Craven, qui n’a plus dans tous ces livres, écrits à froid, la palpitation de cœur qui lui tient lieu de tout dans le Récit d’une sœur, est, dans la langue, d’une indigence d’imagination véritablement lamentable.

317. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

ce sont presque les étapes de son cœur et de sa pensée. […] , La Feuille volée, Les Éclairs, Les Roses de Saadi, La Jeune Fille et le Ramier, qui finit par cette strophe interjective et profonde : Laissez pleuvoir, ô cœurs solitaires et doux ! […] honorez sa misère Et soutenez-la du cœur et de la main ! […] Les ramiers s’en vont où l’été les emmène, L’eau court après l’eau qui fuit sans s’égarer, Le chêne grandit sous les bras du grand chêne, L’homme revient seul où son cœur le ramène, Où les vieux tombeaux l’attirent pour pleurer. […] Tout n’y est-il pas des meilleures qualités de cette femme, adorable par moments, qui n’est pas un poète, mais une femme qui, pour le coup, a passé bien près de la poésie, en nous passant si près du cœur ?

318. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Il eut deux cœurs entre lesquels il mit son cœur, et ils vécurent tellement unis qu’un toit plus modeste encore que leur toit, qui était modeste, aurait pu les cacher. […] Il les aimait et elles l’admiraient, et lui, le poète trompé peut-être dans ses aspirations de renommée, buvait l’admiration dans la coupe de ces deux cœurs, qui en étanchaient, mieux que le monde, la soif infinie. […] Amédée Pommier contint son cœur, et par piété pour la mémoire de sa femme, il s’attendit… il attendit qu’il fût capable d’écrire simplement cette vie à trois dont ils avaient vécu, et, simplement, il l’a écrite. […] Le poète, c’est vrai, est ici moins que l’homme, moins que l’historien, plus puissant que le poète, qui a forcé le poète à regarder dans son cœur et à nous en faire l’écorché. […] La croix qu’il avait dans le cœur, il l’a mise ici, mais j’aurais voulu qu’il en mît une autre, — celle-là qui descend du ciel et qui peut nous y faire monter.

319. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Jules Sandeau est un romancier d’un talent, d’une fécondité et même d’une moralité relatives ; mais, en France, il est plus utile, au point de vue des facilités et des aises de la gloire (quand la gloire ne doit être que ce viager charmant qui s’éteint avec nous, mais sur lequel on a vécu), de posséder des facultés mitoyennes que des facultés d’extrémité et d’intensité qui dérangent le train des cerveaux et font battre trop vivement les cœurs. […] Les plus nobles de tous les sentiments qui aient jamais agité le cœur des hommes. […] Il y a un caricaturiste qui nous étreint le cœur et qui nous plante aux lèvres un rire plus triste que les larmes : c’est ce grand profanateur de Cervantès. […] Toutes les données dramatiques, tous les types humains (et le cercle en est vite parcouru ; ce n’est pas l’esprit de l’homme qui est infini, mais son cœur !) […] L’enfant, durement chassée par l’implacable, va disparaître… Elle est presque à la porte, quand le cœur fond à Renée de Penarvan, qui se jette à l’enfant comme une lionne : et le charme de l’orgueil est rompu !

320. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

C’est Brahma qui parle : Le soleil est ma chair, le soleil est mon cœur,          Le cœur du ciel, mon cœur saignant qui vous fait vivre.         […] les doux abîmes du chant      Où nos deux cœurs roulent ensemble ! […] le sentiment de la vanité de toutes choses, quel opium pour l’orgueil, l’ambition, l’amour, la jalousie, pour toutes les vipères qui grouillent dans notre cœur quand nous n’y prenons pas garde !

321. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Les poésies de Mme Desbordes-Valmore sont remplies de ces grands noms ; le dernier surtout y est prodigué à un point qui frappe tout le monde et appliqué comme aucune femme ne s’en était encore avisée ; c’est que le ciel seul lui fournit des images proportionnées à une passion qui n’est qu’une perpétuelle apothéose : Dieu, c’est toi pour mon cœur ; j’ai vu Dieu, je t’ai vu ! […] Jules Michelet Mon cœur est plein d’elle. […] Alors elle a laissé échapper tous les sanglots, toutes les larmes de son cœur déchiré, et pâle, austère, silencieuse, elle se repose un instant d’avoir loyalement exhalé vers les cieux tant de cris immortels, tant de plaintes désespérées ! […] Là, nulle trace de réminiscence, nulle trace des influences d’alentour ; forme et fond, tout y est bien elle et rien qu’elle, le cœur à nu, l’âme palpitante sous le coup de foudre de la passion… l’élégie était le vrai domaine lyrique de Mme Valmore, le champ d’inspirations où son expansif et doux génie se donnait carrière. […] que ma gloire est loin de sa candide aurore,  Quand, sur le luth nouveau, le cœur novice encore Cherchait l’être naïf de son tourment secret !

322. (1898) Essai sur Goethe

Oui, je viens demander à votre noble sœur son cœur et sa main. […] Il meurt en disant aux siens : « Fermez vos cœurs avec plus de soin que vos portes. […] Mon cœur est pur de crimes, et mes mains de sang innocent. […] Peut-être eût-il pu supplanter, dans le cœur de Charlotte, l’imprévoyant diplomate. […] Elle respire dans son aimable sommeil, et son haleine m’enflamme jusqu’au fond du cœur.

323. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

Tout désir trouvait son cœur défaillant et distrait. […] Il y conçoit un rêve de jouissance infinie pour le cœur. […] C’est de goûter le cœur. […] Et leur cœur, où ils veulent tout faire tenir, est un chaos. […] Je l’appelle l’amant de cœur.

324. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

. — Le Cœur solitaire (1898). — L’Éros funèbre (1900). — Le Semeur de cendres (1901). […] André Theuriet Avec le Cœur solitaire nous nous élevons sur de plus hauts sommets et nous goûtons le charme d’une facture plus savante… Seulement, ici, il nous faut dire adieu à la joie de vivre… M.  […] Charles Guérin, dans ses premiers livres, ne faisait guère pressentir le poète très sûr que nous a révélé le Cœur solitaire. […] Beaucoup des morceaux contenus dans le Cœur solitaire débutent sur ce ton.

325. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Ailleurs, une cocotte, causant avec son amant de cœur, s’écrie : « Oh ! […] Or, sachez que ce cœur a des « yeux pleins de larmes » et que sa « main tremble ». Souvent nous le retrouvons, ce cœur, « être bizarre et pétri de contrastes ». […] Elle a quelques cris venus du cœur ou de la chair, et qui nous font tressaillir. […] frappe-toi le cœur : c’est là qu’est le génie.

326. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Il n’apporte à son Dieu que les restes d’une vie flétrie et d’un cœur désabusé. […] Sainte-Beuve à leur tête, gens de cœur et d’esprit ; mais ils échoueront. […] la tête levée et le cœur haut, sursùm corda ! […] Après tout, un brevet de secrétaire n’est pas une cuirasse de triple airain autour d’un jeune cœur. […] Son cœur prit feu.

327. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Le rôle est beau, étrange, hasardeux ; il est fait pour enlever un jeune et noble cœur. […] Avec un cœur droit comme son esprit, il se jugea toujours comme les circonstances. […] Des sentiments si peu patriotiques sont bien loin de mon cœur. » Mais il ne lui suffit pas que ces sentiments soient loin de son cœur ; il ne saurait souffrir qu’on les lui pût attribuer. […] voilà le crime qui a profondément ulcéré mon cœur ! […] Elle avait quatorze ans et moi seize lorsque son cœur s’amalgama à tout ce qui pouvait m’intéresser.

328. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

L’habitude de vivre dans la famille lui en donnait le cœur et l’esprit. […] Il lisait souvent mes vers et il récitait par cœur mes Harmonies à sa belle-sœur. […] Ses déclamations charment l’esprit, mais ne touchent pas longtemps le cœur ; le cœur sent vite qu’il est dupé par un sophiste de sentiment. […] Son sentiment est dans votre cœur, ainsi que ses ouvrages sont sous vos yeux. […] Ainsi ses richesses mêmes achevèrent sa perte ; et comme elles avaient endurci le cœur de celle qui les possédait, elles dénaturèrent de même le cœur de ceux qui les désiraient.

329. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Le cœur d’un vieillard palpite sur toi. […] ce héros était cher à leur cœur. […] peut-être j’entendrai sa voix, peut-être alors un sentiment de joie renaîtra dans mon cœur. […] Pourquoi ton cœur brûlant s’est-il refroidi ? […] Nos cœurs étaient serrés, et nos larmes coulaient pour Colma.

330. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

La jalousie n’avait jamais approché de ce cœur. […] Je lui restai toujours attaché de cœur jusqu’à sa mort. […] Le cœur reconnaissant s’y partage entre les sentiments innés et les sentiments acquis. […] Les morsures du charbon sacré ne se cicatrisent pas dans le cœur des poètes. […] Les nerfs en souffrent, mais le cœur en saigne, et les gouttes de sang qui en découlent sont les délices des cœurs sensibles.

331. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

il n’avait pas de cœur !  […] Et ce cœur, que lui refuse M.  […] Tel fut le mal de ce cœur altier et la torture de toute sa vie. […] Le cerveau, personne n’en doutait ; mais le cœur, on le savait moins, et on le déniait à cet homme qui avait, en réalité, trop de génie pour n’avoir pas aussi du cœur. […] Michelet veut dire qu’elle était restée bourgeoise d’esprit et de cœur — ce qui est faux !

332. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Mais ce qu’il y a de certain, c’est que ces hommes ont au cœur ou au cerveau, peu importe ! […] il devint ivrogne par misère de cœur, comme Sheridan, le pauvre Brinsley ! […] Chimiste qui essaie vainement de croire que l’oxygène est dieu, le Cosmos ne lui pèse pas seul sur le cœur, mais sa propre identité même. […] Pour lui donner force à l’être pourtant, Dieu, après le Génie, qui est aussi une lumière pour le cœur, lui avait donné des affections domestiques. […] La torture du cœur l’emporta, cette fois, sur la torture de la faim.

333. (1856) Cours familier de littérature. I « Ve entretien. [Le poème et drame de Sacountala] » pp. 321-398

Je ne crus bien moi-même à la réalité des motifs de mon enthousiasme qu’en le voyant répercuté dans le cœur d’un homme de science. […] disposer seule de mon cœur, écoute, ô roi, les conditions qu’une fille timide ose apporter à son mariage avec toi. […] Ne palpite pas ainsi, ô mon cœur ! […] Réjouis-toi, ô mon cœur ! […] « Va, céleste enfant, en quelque lieu que tu portes tes pas loin de moi, toujours tu resteras attachée à mon cœur.

334. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Souvenez-vous que je vous ai envoyé mon cœur sur une bague, et maintenant je vous apporte le vrai cœur et le corps avec, pour plus sûrement nouer ce nœud d’amitié entre nous ! […] Cette reine, grande par le génie, mesquine par le cœur, cruelle par la politique et encore plus par ses jalousies féminines, était la digne fille d’Henri VIII, dont chaque passion s’assouvissait dans le sang. […] On voit aussi par les termes de cette lettre qu’elle était un moyen détourné, ingénieusement trouvé par la haine d’une rivale prisonnière, pour faire à son ennemie tous les outrages qui pouvaient être le plus sensibles au cœur d’une reine et d’une femme. […] Elle les distribua de la main et du cœur. […] Le comte de Kent lui dit rudement : « Il faudrait avoir Christ dans son cœur. — Et comment, reprit vivement la reine, l’aurais-je dans la main si je ne l’avais pas dans le cœur ? 

335. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

que j’oubliais la prison, l’échafaud, le supplice et tout au monde, et que je bénissais à part moi ce malheur qui lui arrachait cette confession forcée de son cœur qu’il n’aurait peut-être jamais ouvert en liberté et au soleil. […] Ce fut si fort et si long, monsieur, que le bargello me dit le lendemain : — Tu as donc bien peu de cœur, Antonio (c’est ainsi qu’il m’appelait), tu as donc bien peu de cœur de jouer des airs si gais aux oreilles de ces pauvres gens des loges qui pleurent leurs larmes devant Dieu, et surtout aux oreilles de l’homicide qui compte ses dernières heures sur la paille de son cachot ! […] Non, j’avais mon plan dans mon cœur et il ne m’en coûtait rien de me sacrifier pour mon amant, puisque j’étais sûre qu’il viendrait me rejoindre dans le paradis. […] parce que ses yeux aveugles ne donnaient plus de larmes ; mais son cœur n’en était que plus noyé ! […] la ruine et la prison pour un bon mouvement de leur cœur !

336. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

C’est la confession de la misère de cœur, d’esprit et de vie, de cet homme fulgurant autrefois de l’esprit qui l’a consumé, de ce caricaturiste qui fait contre lui-même sa dernière caricature ! […] C’est un enleveur de cœurs en littérature, et je suis persuadé qu’avec son livre de Jack il va les enlever encore, mais ce ne sera pas sans leur faire mal. […] La gaîté, la bonne foi dans l’impression, l’enfance du cœur, y éteignent l’ironie. […] … Quel haut-le-cœur pour qui a du cœur ! […] Nous le savons par cœur, et par cœur est le mot, car c’est un talent qui prend le cœur avec un charme plus qu’il ne saisit l’esprit avec une toute-puissance.

337. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Qu’on la presse de questions, qu’on la pousse sur les moyens, sur le but, sur la tradition légitime et le symbole, la voilà qui s’arrête ; son abondance de cœur lui fait défaut, et elle se retourne, en l’interrogeant, vers M. […] M. de Krüdner, ambassadeur pour la Russie en diverses cours de l’Europe, y introduisit successivement la personne qui nous occupe, et qui partout ravissait, enchaînait les cœurs sur ses pas. […] Un des endroits le mieux touchés est celui où Valérie en gondole, légèrement effrayée, et qui vient de mettre familièrement sur son cœur la main de Gustave, au moindre effroi sérieux, se précipite sur le sein du Comte : « Oh ! […] Et nous-même, rêveur, ne disons-nous pas tous les jours : « Qu’aurait-ce été en 1830, s’il y avait eu au gouvernail un grand cœur !  […] Je n’en vois jamais un sans avoir le cœur serré. » Mais c’est surtout quand elle parlait aux pauvres de ces misères qui égalent les leurs, que l’effet de sa parole était souverain.

338. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

La nature est le Quintilien des bons esprits ; faisons comme elle, et nous serons sûrs de frapper l’œil, de satisfaire l’esprit et de toucher le cœur. […] La vie aussi est un style ; c’est le cœur des livres : tant que ce cœur bat, le livre n’est pas mort, et il continue à faire battre le cœur de ceux qui le lisent des mêmes sentiments qui animent l’auteur en l’écrivant. […] ” Sa fille aussi avait le cœur d’un roi. […] On sentait la femme sous la reine, la tendresse du cœur sous la majesté du port. […] L’accusation d’avoir flatté Robespierre est la calomnie qui a le plus contristé mon cœur.

339. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Je ne me contentai pas de le lire, je l’appris par cœur, seulement en le lisant. […] quand voyray cestuy pour qui mon cœur souspire, Aux miens costez, jouir de son réveil ? […] On juge du bonheur que son retour rapporta au cœur de Clotilde. […] Et quand mon esprit n’y croirait pas complétement, mon cœur y croirait toujours. […] Elles ont et elles garderont dans ma bibliothèque le rang qu’un souvenir garde dans ma mémoire et qu’une impression pathétique a dans mon cœur.

340. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Au fond, il y a autre chose que nous verrons ; mais cela est caché et ne se révèle qu’à ceux qui n’ont pas le cœur simple. […] Aussi, le seul sentiment nouveau qu’il ait apporté dans la littérature, c’est, avec la curiosité, le doute de l’esprit se tournant en souffrance pour le cœur. […] et que les brahmanes rêvent, et que la vision s’évanouisse dans leurs yeux fixes, le sentiment dans leur cœur et la pensée dans leur cerveau ! […] Leconte de Lisle nous le dit dans la Mort de Sigurd, l’Épée d’Angantyr, le Cœur d’Hialmar, etc. […] Il la décrit comme un enchantement des yeux par où le cœur n’est point sollicité.

341. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

L’écrivain qui nous l’a peinte restera apprécié dans le calme, comme étant arrivé à la profondeur la plus inouïe de la passion par le simple naturel d’un récit, et pour avoir fait de sa plume, en cette circonstance, un emploi cher à certains cœurs dans tous les temps. […] Je laisse à juger quels devoient être, depuis l’âge de vingt à vingt-cinq ans, le cœur et les sentiments d’un homme qui a composé le Cléveland trente-cinq ou trente-six. […] Le sacrifice une fois consommé, la conscience lucide lui revint : « Je reconnus, dit-il, que ce cœur si vif étoit encore brûlant sous la cendre. […] » Malgré les démonstrations du doyen, les passions de tous ces jolis couples allaient toujours et se compliquaient follement ; l’aimable Rose, dans sa logique de cœur, ne soutenait pas moins à son frère Patrice qu’en dépit du sort qui le séparait de son amante, ils étaient, lui et elle, dignes d’envie, et que des peines causées par la fidélité et la tendresse méritaient le nom du plus charmant bonheur. […] Énumérant les amis distingués que s’était faits l’excellent Mussard : « A leur tête, dit-il, je mets l’abbé Prévost, homme très-aimable et très-simple, dont le cœur vivifiait ses écrits dignes de l’immortalité, et qui n’avait rien dans la société du coloris qu’il donnait à ses ouvrages. » Il est permis de croire que l’abbé Prévost avait eu autrefois ce coloris de conversation, mais qu’il l’avait un peu perdu en vieillissant.

342. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Toute loi humaine se résout dans l’amour ; c’est au rythme de l’amour que bat le cœur de l’homme, le cœur immense de tous les hommes, que s’épand la vie totale de nous tous. Liaison étroite au sein des mondes de vie où nous sommes plongés, liaison intime des cœurs humains, joie et justice, telle est sa profession de foi panthéiste. […] Je crois que vous ne serez grands, que vous ne serez puissants qu’en donnant l’amour de votre cœur à cette double foule vivante qui retentit en vous et que vous-même vous enrichissez. […] Celui qui a l’expérience doit prévenir celui qui n’en a p*as ; ceci est le cœur même de l’homme. […] Et peu à peu les hommes vivront, peu à peu l’humanité sentira battre en elle un cœur plus large.‌

343. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Je ne veux pas dire non plus que l’homme ne doive jamais obéir qu’à la raison seule, et étouffer en lui, comme des instincts inférieurs, le cœur, l’enthousiasme, la sensibilité. En beaucoup de circonstances, il vaudra mieux écouter le cri du cœur et du sentiment que d’attendre les lumières lentes et douteuses de la démonstration rationnelle. Celui qui demanderait à sa raison s’il doit aimer son père, ses enfants, sa patrie, glacerait par là même les meilleurs et les plus naturels sentiments du cœur humain ; il ne serait plus qu’un automate pensant. […] Pour tout dire, s’il fallait absolument choisir entre la raison et le cœur, c’est encore le cœur que je choisirais, et je dirais avec l’Écriture : « Là où est votre cœur, là est votre trésor. » Mais il n’est pas nécessaire de choisir entre la raison et le cœur : l’une n’exclut point l’autre ; au contraire elle le guide, l’éclairé et le juge. […] Donner au cœur le droit de juger entre le vrai et le faux, le bien et le mal, c’est dire que le cœur est le juge du cœur, ce qui implique une sorte de pétition de principe.

344. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Nisard le sait bien, du reste ; il sait si bien que le cœur fait défaut à la main ou la main au cœur, dans l’exécution des hautes œuvres de toute critique, qu’il n’est critique que le moins qu’il peut et qu’il en esquive l’occasion avec de singulières souplesses. […] Dans ses écrits les plus littéraires, ce n’est pas la grammaire, ce n’est pas même les formes de la composition qui tiennent le plus de place, c’est le cœur, le vieux cœur humain inépuisable ! […] Il a compté sur le plus ignoble sentiment qui soit dans le cœur de l’homme, et qui n’est pas l’envie du génie, de la puissance, de la richesse, mais qui est l’envie de la beauté. […] Trelawney sera mort, attendra-t-il aussi longtemps un biographe intime qui dévoile à son tour cette misère de cœur que l’on appelle l’ingratitude, et qui aura peut-être existé ? […] Sous son rire à lui on sent les déchirements du cœur de Pascal.

345. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

On voudrait savoir, deviner ; c’est un curieux qui en éveille d’autres ; moraliste fin, piquant, satirique, on le cherche lui-même derrière ses descriptions ; exquis et délicat dans ses maximes, on voudrait saisir l’occasion où elles sont nées, et connaître la part de son cœur qui est entrée dans son expérience. […] « Son cœur était à découvert et, pour ainsi dire, transparent », a écrit de lui le docte Huet qui, dans les dernières années, le voyait tous les jours, et qui eut la douleur de lui survivre. […] Soit inspiration ou transport de zèle, élevé au-dessus de moi, je m’étais promis, Seigneur, ou plutôt je m’étais assuré de vous, que vous ne laisseriez pas ce grand homme, avec un cœur aussi droit que celui que je lui connaissais, dans la voie de la perdition et de la corruption du monde. […] Ce prince, qui m’avait écouté, a depuis écouté votre voix secrète, et, parce qu’il avait un cœur droit, il a suivi l’attrait de votre grâce… On voit bien que ceux qui dénient l’onction à Bourdaloue n’ont pas entendu de sa bouche ces passages, et ils les ont lus négligemment. […] C’est ainsi qu’à certains endroits, chez Bourdaloue, le réseau de la dialectique se détend, s’interrompt tout à coup, et laisse apercevoir le cœur de celui qui parle ; c’est ainsi que son ciel un peu triste et surbaissé s’entrouvre, et laisse passer le rayon.

346. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Vous voyez, elle a sauvé un pauvre chansonnier, fort mauvais sujet au dire de nos dévots de place… Moi, j’avais le déisme dans le cœur, et j’ai vécu. […] Déjà, moi qui vois clair, je vois diminuer le nombre des élus du cœur, et je prévois les jours de solitude absolue ; mais qu’y faire ? Je ne me ferai pas homme du monde pour cela ; il y aurait duperie de ma part avec un cœur resté jeune. […] Berger, s’arraisonna, prit son courage à deux mains, s’arracha le trait du cœur et pansa sa plaie en silence. […] — Vous sentez, mon cher ami, que c’est une phrase à faire, dont je vous indique ici la substance, et que ce n’est pas d’un cœur bien contrit que je formule cet acte de pénitence.

347. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Pas un mot ne sera dit entre eux de ces circonstances en quelque sorte étrangères ; les difficultés ne naîtront pas du dehors ni d’aucun événement contraire, et c’est en cela que le roman est d’une grande délicatesse : elles sortiront uniquement du cœur et de l’esprit des personnages, et viendront de la femme en particulier. […] » Michel, l’artiste poète, est amoureux, heureux ou toujours prêt à l’être, bonnement, simplement, selon la nature ; il a le ciel dans le cœur ; mais, au moment où il croit tenir l’entière félicité, elle lui échappe ; on le désole par mille subtilités, par mille craintes. […] J’ai le crime de lèse-majesté dans le cœur depuis votre baiser. […] ne vous souvenez-vous pas avec quelque joie au cœur de ce doux moment qui a commencé nos rapports, de cette soudaine et délicieuse intelligence… Mais les femmes ne veulent croire qu’à l’amour parlé ; il faut leur chanter les désirs, il faut prêcher quand le cœur bat. […] Ainsi, derrière un ironique, il y a eu un croyant, un cœur confiant du moins, aimant, affectueux, et ce Michel, pour l’appeler d’un nom, cet amoureux d’autrefois, cet homme délicat et humain n’est jamais mort chez Gavarni : il a eu jusqu’à la fin des retours marqués dans son talent.

348. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Que leur fait d’appeler, de baptiser du nom de Lisette une espèce de sainte, une bonne vieille qui, au coin d’un feu paisible, relit et rumine du matin au soir la Bible et qui, en fait de chansons, ne sait par cœur que les Psaumes de Marot ? […] Elle prend plus à cœur les beautés de l’exil ; dans cette grande et libre nature qui l’environne, elle se sent à tout moment en plein Éden, elle s’y livre en toute jouissance à des ébats turbulents, innocents ; et quand l’idée du pèlerinage lui revient — un peu tard, — si elle est franche, elle conviendra qu’elle l’avait oublié. […] Aussi, Eugénie de Guérin et elle, quand elles sont tristes, elles n’ont pas la tristesse elle-même semblable : l’une, tout heureuse qu’elle est, a la tristesse plus rude, poignante, froissante, violente, qui se proclame sur les toits, — qui crie « comme une aigle », — une tristesse ardente, de cœur et d’âme, je le veux, mais aussi de tête, tout d’un coup relevée de joies puissantes et vigoureuses : l’autre, plus atteinte au cœur, a la tristesse plus vraie, plus douce et résignée, continue, non intermittente, calme, profonde et intérieure ; elle est plus une colombe blessée. […] dit la religieuse avec un faible sourire, celle-ci veut s’échapper. » Nous en irons-nous comme cela sans un mot du cœur ? […] Et si son frère (dans les pages magnifiques du Centaure) porte mieux au front le sceau du génie, la flamme, combien Eugénie lui est supérieure par la vraie grandeur : l’oubli de soi, constant, sans recherche, le don du cœur à un autre cœur !

349. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Nous voilà tout de bon revenus aux champs ; George Sand, homme politique, est une fable qui n’a jamais existé : nous possédons plus que jamais dans Mme Sand le peintre du cœur, le romancier et la bergère. […] L’autre, le gentil Sylvinet, reste enfant, plus faible, plus susceptible, âme toute sensible et maladive, toute douloureuse : il y a là des nuances d’analyse et une anatomie du cœur humain où l’auteur a excellé. […] Tous ces jeunes cœurs, les naturels autant que les poétiques, ceux des filles comme ceux des garçons, sont connus, maniés, montrés à jour par Mme Sand, comme si elle les avait faits. […] Rien ne gâte, selon moi, l’impression saine de cette pièce touchante, et, si l’imagination n’est pas tout à fait flattée sur un point, le cœur du moins n’y est pas offensé. […] Ce qui était le plus près de nous, au cœur même de notre France.

350. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Pour sentir le prix de ce vœu de Jordan, il faut savoir de quelle importance est à ses yeux sa chère bibliothèque, la seule rivale qu’ait le roi dans son cœur. […] Si l’on voulait prendre à cœur toutes les infortunes des particuliers, la vie humaine entière ne serait qu’un tissu d’afflictions. […] Tu me rends mélancolique, car je t’aime de tout mon cœur. […] Il n’est sorte de présents, de faveurs, de coquetteries aimables, que Frédéric n’invente pour complaire à ce vieux militaire brisé de blessures, pour prolonger ses jours et lui réjouir le cœur. […] Milord Maréchal était à la fois un caractère original, un cœur d’or et un esprit fin ; il avait le fonds d’esprit écossais, quelque chose de ce tour que Franklin a également porté dans le conte moral et dans l’apologue.

351. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Toujours maître de l’oreille et du cœur de ceux qui l’écoutent, il ne leur permet pas d’envier ni tant d’élévation, ni tant de facilité, de délicatesse, de politesse ; on est assez heureux de l’entendre, de sentir ce qu’il dit, et comme il le dit… C’était avec son esprit, avec son âme, avec son goût, que Fénelon fut orateur comme il fut tout ce qu’il voulut être, et on ne désirait rien déplus en l’écoutant. […] Je le prie de tout mon cœur, madame, de vous ôter non seulement vos défauts, mais encore ce goût de grandeur dans les vertus, et de vous rapetisser par grâce. […] Le bon ami est au-dedans du cœur. […] Son expression prend feu et reluit à chaque pas : J’ai fait un sermon ce matin tout de flammes… — Voyez-vous, je ris déjà dans le cœur sur l’attente de votre arrivée. — Ô Dieu ! […] Mme de Grammont était allée à des eaux avec le comte de Grammont qui s’y trouvait bien et qui, dit-on, y rajeunissait : Versailles, écrit à ce propos Fénelon, ne rajeunit pas de même ; il y faut un visage riant, mais le cœur ne rit guère.

352. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Mais moralement il retrouve ses avantages ; il s’efforce à tout moment de rendre son commentaire utile en l’appliquant à notre temps, à nous-mêmes, aux vices de la société et à la maladie de nos cœurs : « Bossuet est surtout l’homme de l’âge où nous sommes », pense-t-il ; et il en donne les raisons, qui sont plutôt de sa part d’honorables désirs que des faits manifestes et concluants pour tous. […] Il se distingua de bonne heure par une capacité surprenante de mémoire et d’entendement ; il savait par cœur Virgile, comme un peu plus tard il sut Homère : « On comprend moins, a dit M. de Lamartine, commentil s’engoua pour toute sa vie du poète latin Horace, esprit exquis, mais raffiné, qui n’a pour corde à sa lyre que les fibres les plus molles du cœur ; voluptueux indifférent, etc. » M. de Lamartine, qui a si bien senti les grands côtés de la parole et du talent de Bossuet, a étudié un peu trop légèrement sa vie, et il s’est posé ici une difficulté qui n’existe pas ; il n’est fait mention nulle part, en effet, de cette prédilection inexplicable de Bossuet pour Horace, le moins divin de tous les poètes. […] C’est Fénelon (et non Bossuet) qui lisait et goûtait entre tous Horace, qui le savait par cœur, qui le citait sans cesse, qui, dans sa correspondance des dernières années avec M.  […] J’y vois un signe de jeunesse encore : il a quelque cruauté non pas dans le cœur, mais dans le talent42. […] Non : c’est assez de vous dire que les regards qui leur plaisent ne sont pas des regards indifférents, ce sont de ces regards ardents et avides, qui boivent à longs traits sur leurs visages tout le poison qu’elles ont préparé pour les cœurs, ce sont ces regards qu’elles aiment.

353. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Il avait tenté une conciliation, impossible, je le veux, mais la plus élevée, la plus faite pour complaire à de nobles cœurs, à des imaginations généreuses et religieuses. […] Guérin est arrivé à La Chênaie en hiver, au cœur de la saison morte, et quand tout est dépouillé, quand les forêts sont couleur de rouille, sous ce ciel de Bretagne toujours nuageux « et si bas qu’il semble vouloir vous écraser » ; mais vienne le printemps, le ciel se hausse, les bois reprennent vie, et tout redevient riant. […] Nous voilà reportés comme au cœur de l’hiver, après quelques sourires du printemps. […] Quand on erre, on sent qu’on suit la vraie condition de l’humanité ; c’est là, je crois, le secret du charme » ; il essaye, à ce moment de sa vie, de concilier le christianisme et le culte de la nature ; il cherche, s’il se peut, un rapport mystique entre l’adoration de cette nature qui vient se concentrer dans le cœur de l’homme et s’y sacrifier comme sur un autel, et l’immolation eucharistique dans ce même cœur. […] Quoique voué de cœur à la Bretagne qu’il appelle la bonne contrée, l’enfant du Midi se réveille parfois en Guérin ; Mignon se ressouvient du ciel bleu et du pays où les oliviers fleurissent.

354. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie Stuart, par M. Mignet. (2 vol. in-8º. — Paulin, 1851.) » pp. 409-426

Ce grand et frêle jeune homme, tour à tour timide et vain, au cœur « mol comme cire », n’avait rien de ce qui impose à une femme et de ce qui la subjugue. […] Marie Stuart avait à cœur d’abord de se venger des seigneurs qui avaient prêté main-forte à Darnley, plutôt que de ce faible époux lui-même. […] Mais déjà une nouvelle passion est éclose dans le cœur ouvert de Marie Stuart ; celui qu’elle choisit cette fois n’a ni la faiblesse de Darnley, ni les grâces de salon d’un Riccio : c’est le comte de Bothwell, âgé de trente ans, laid, mais à l’aspect martial, brave, hardi, violent et capable de tout oser. […] Mais la passion la rendait cette fois insensible à la pitié, et lui faisait (c’est elle qui l’avoue) le cœur dur comme diamant. […] Ce n’est ni avec le texte d’un greffier, ni même avec la raison d’un homme d’État, qu’on la juge, c’est avec le cœur d’un chevalier, ou, pour mieux dire, d’un homme.

355. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens II) Henry Fouquier »

La raison, en présidant aux ébats du cœur et des sens, les garde de tout mal et leur permet de varier leurs aimables expériences. […] Une pervenche intacte fleurit au cœur éternellement jeune de ce Parisien cuirassé d’expérience, durci au feu de la vie de Paris. […] Ne lui refusons pas non plus les douces sensations qui viennent du cœur et qui excusent et consolent les abandons des femmes. […] N’est-ce pas le cœur qui parle chez lui, quand il trouve Elvire touchante dans les larmes ? Mais que serait-il sans les palpitations délicieuses de son cœur, sinon un fou érotique, à livrer aux médecins ?

356. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Il fixe alors cette vaste étendue du Ciel, cette immense Nature, qui, fiere dans toutes ses productions n’a point fait d’esclaves, elle n’a point bâti de murs, elle n’a point forgé de chaînes ; cet oiseau qui sur une aîle hardie, franchit l’espace, cet animal des bois qui erre sans guide au gré de son instinct, l’ouragan qui passe, tout parle éloquemment à son cœur, & il apperçoit au milieu de l’Univers la liberté, & il s’écrie : c’est à toi que j’adresse mes vœux, ame des nobles travaux, mere des vertus & des talens ; toi qui formes les ames vigoureuses, les esprits élevés & lumineux ; toi qui ne faisant point d’opprimé, ne fais point d’oppresseur ; toi dont la main sacrée grave dans le cœur de l’homme le caractère primitif de la Justice ; c’est à toi que je voue mes jours, conduis mes pas & ma langue ; je le sens, tu éleveras ma pensée, tu la rendras digne de l’Univers. […] Mais s’il use de cette sage liberté qui donne tant de ressort à l’ame, & sans laquelle on ne produit rien de grand, il méconnoît cette indépendance superbe qui se met au-dessus des Loix, & veut briser les liens qui unissent les hommes ; la licence qui égare l’esprit est l’idole des scélérats, elle est l’opposé de la liberté ; peut-elle avoir des attraits pour un cœur raisonnable ? […] que l’homme s’abuse sur les objets de la volupté, qu’il se trompe dans le choix de ses plaisirs, qu’il s’égare dans le tortueux dédale des desirs de son cœur. […] Mais me dira-t-on, par quel privilége seroit-il exempt des sentimens chers & terribles qui portent la tempête dans le cœur du Philosophe qui recherche l’origine de ces mêmes passions. […] Ce sera lui qui étendra les idées des autres hommes, qui sous la forme du sentiment, développera les pensées qui reposoient au fond de leurs cœurs, & qui placera sur leurs lévres cette expression juste & facile dont il leur aura donné l’exemple.

357. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bossuet, et Fénélon. » pp. 265-289

Ils se firent de ces ouvertures de cœur, de ces épanchemens que les seuls dévots connoissent. […] Cette ambition d’avoir des disciples, la plus forte peut-être de toutes celles du cœur humain, commune aux grands dévots, aux grands philosophes & aux grands scélérats, s’empara de nos deux mystiques. […] Des femmes foibles, des religieux jeunes & plus foibles encore, sentirent bientôt leur cœur brûler de l’amour pur. […] mon cœur est collé au cœur de Jonathas. […] Cette docilité, unique dans un homme de génie, lui gagna tous les cœurs.

358. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VI. Les localisations cérébrales »

Ce n’est cependant pas dans le cœur qu’est le siège de l’affection. Si donc nous nous trompons en localisant dans le cœur les affections qui n’y sont pas, nous pouvons nous tromper en localisant la pensée dans la partie antérieure du cerveau45. […] Claude Bernard a essayé de réhabiliter le cœur. Il a montré qu’il n’y a pas une seule des émotions ou affections qui ne retentisse dans le cœur, et que les plus fugitives, les plus délicates impressions du cerveau se traduisent en altérations des battements du cœur. […] Bernard sur la physiologie du cœur dans ses Leçons sur les propriétés des tissus vivants.

359. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

Sans examiner ici philosophiquement la destinée des femmes dans l’ordre social, ce qui est certain, en général, c’est que leurs vertus domestiques obtiennent seules des hommes toute la tendresse de cœur dont ils sont capables. […] Heureux et les plus heureux des mortels ceux que la bienfaisante destinée a réunis, et qui confondent dans un même sort leurs cœurs, leurs fortunes et leurs existences. Ce n’est pas le dur lien des lois humaines, ce lien si souvent étranger au choix du cœur, qui forme le nœud de leur vie, c’est l’harmonie elle-même, accordant toutes leurs passions dans le sentiment de l’amour. […] chacun des deux n’embrasse-t-il pas, dans l’objet qu’il aime, tout ce que l’imagination peut se créer, tout ce qu’un cœur abandonne à l’espérance pourrait souhaiter ? […] parlez de vos joies, vous qu’une larme soudaine surprend souvent quand vous regardez autour de vous, et que rien ne frappe vos regards que des tableaux de félicité ; toutes les affections variées de la nature se pressent sur votre cœur.

360. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

. — Ô bouche, si tu pouvais parler, ô cœur, si tu étais en vie ! […] L’hiatus n’est jamais évité ; très souvent des liaisons inattendues le suppriment : Mon bon ami de cœur S’en va-t-aller en guerre… Le rejet est inconnu : la répétition le remplace, soit formée d’un mot, soit d’un vers entier : Beau pommier, beau pommier Aussi chargé de fleurs. Que mon cœur l’est d’amour… Ces vers ne sont strictement rimés que par hasard : Vous avez pâle mine, Je vois à vos jolis yeux bleus Que l’amour vous domine, L’assonance remplace la rime. […] Des expressions qui semblent de terribles lieux communs reviennent avec insistance ; il faut les comprendre : Dans la bouche des filles, mon cœur volage, mon cœur en gage, mon avantage, etc., sont toujours un euphémisme pour un mot trop clair et devenu trop brutal, que le vieux français traitait avec moins de réserve. […] — Sonnez, sonnez trompettes, Violonnez doucement, Voilà, ma mie est morte, J’en ai le cœur dolent.

361. (1902) L’humanisme. Figaro

Jamais, chez eux, un aveu personnel, un cri, un battement de cœur. […] Accumulez les symboles tant que vous voudrez, pourvu que derrière on sent battre un cœur d’homme et penser une tête harmonieuse. […] On peut détruire les religions, on ne détruit pas le cœur de l’homme ; et il n’y a pas de philosophie qui tienne contre la force des choses. […] Au contraire, il est touché jusqu’au fond du cœur par les contradictions d’idées et de sentiments qui tourmentent l’humanité. […] Certes, il a trop d’impartialité dans l’esprit et dans le cœur pour ne point rendre justice aux croyances dont il s’est librement détaché.

362. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Là, seul comme le matin, plus seul encore, car aucun chevrier n’oserait se hasarder dans des lieux pareils à ces heures que toutes les superstitions font redoutables, perdu dans l’obscurité, il se laissait aller à cette tristesse profonde qui vient au cœur quand on se trouve, à la tombée du soir, placé sur quelque sommet désert, entre les étoiles de Dieu qui s’allument splendidement au-dessus de notre tête et les pauvres étoiles de l’homme qui s’allument aussi, elles, derrière la vitre misérable des cabanes, dans l’ombre, sous nos pieds. […] Ces grands chevaliers avaient trois armures : la première était faite de courage, c’était leur cœur ; la deuxième d’acier, c’était leur vêtement ; la troisième de granit, c’était leur forteresse. […] Comme dans toute œuvre, si sombre qu’elle soit, il faut un rayon de lumière, c’est-à-dire un rayon d’amour, il pensa encore que ce n’était point assez de crayonner le contraste des pères et des enfants, la lutte des burgraves et de l’empereur, la rencontre de la fatalité et de la Providence ; qu’il fallait peindre aussi et surtout deux cœurs qui s’aiment ; et qu’un couple chaste et dévoué, pur et touchant, placé au centre de l’œuvre, et rayonnant à travers le drame entier, devrait être l’âme de toute cette action. […] Sous ces griffes d’acier, sous ces pieds de pierre, faites broyer le cœur humain. […] Faire constamment effort vers le grand, donner aux esprits le vrai, aux âmes le beau, aux cœurs l’amour ; ne jamais offrir aux multitudes un spectacle qui ne soit une idée : voilà ce que le poëte doit au peuple.

363. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

Ernest Hello, c’est de ne rien faire comme personne, non par originalité littéraire ou calcul d’art, mais par une originalité bien autrement grandiose et profonde, l’embrasement d’une foi religieuse qui, dans un temps où l’enthousiasme est tué dans tous les esprits et dans tous les cœurs, est la plus étonnante, — la plus stupéfiante originalité ! […] Il n’a ni la tristesse du comique Molière, qui fait rire les cœurs désespérés comme le sien ; ni l’ironie froide de La Rochefoucauld contre l’égoïsme humain, la seule chose à laquelle il croie et veuille nous faire croire ; ni la misanthropie féroce de Chamfort, dont la bouche saigne des morsures qu’elle fait. […] Dans l’absorption religieuse où il a vécu, il ne s’est pas, comme eux, déchiré aux dures réalités de ce monde et il n’a pas, comme eux, l’âpre ressentiment qui donne à leur talent et à leurs œuvres cette saveur amère que recherche et qui tonifie la faiblesse de nos cœurs froissés… L’auteur de ces Plateaux de la balance est bien plus le moraliste de l’esprit que le moraliste du cœur. […] Il sait qu’en tombant dans la sphère de l’action et de la volonté, les erreurs de l’esprit deviennent toujours immanquablement les vices du cœur, et ce sont ces erreurs de l’esprit sur lesquelles il porte aujourd’hui le coup de hache de son regard. […] — pouvait soudainement renoncer à ce mysticisme qui est la vie de son cœur et de sa pensée et fouler aux pieds le flambeau à la lueur divine dont la clarté n’éclaire que lui, vous verriez le sourire s’arrêter sur les lèvres impertinentes des sceptiques, l’éclat de rire bête ravalé par la bouche ouverte des incrédules et des blasphémateurs !

364. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Nous ressemblions à ces oncles-là ; mais nos faiblesses de cœur, à nous, étaient pour nos coquins de pères ! […] Seulement, la frivolité française ne change pas la nature de son crime pour l’abominable siècle qui a corrompu le cœur d’un roi avant de couper le cou à un autre. […] Le sans-cœur Richelieu n’est qu’un petit garçon à côté de cette femme sans cœur. […] Pauvre bacchante, elle, que cette Mailly, chez qui, un jour, l’amour monta des sens profanés jusqu’au cœur ! […] plus grande encore pour de malheureux cœurs tombés comme nous, les fils d’Ève !

365. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

Boufflers, le chansonnier, l’auteur de la Reine de Golconde, de la Jeune fille et du Cheval, du Traité du cœur, Boufflers le léger, devint ambitieux et planta là sa pauvre comtesse amoureuse pour s’en aller au Sénégal gouverner des noirs (que même il administra fort bien le temps qu’il y fut), la laissant dans un Sénégal bien plus brûlant que le sien et non moins difficile à gouverner… le Sénégal de son cœur. […] Bien plus, elle l’aima à travers ses enfants qu’elle aimait, et qui ne furent point pour lui des bourreaux comme ils le sont presque toujours des cœurs assez insensés pour aimer des mères. […] Frivole et libertin, le xviiie  siècle peut avoir, malgré son libertinage et sa frivolité, quelques amours violents et vrais, — comme ceux de Mademoiselle de Lespinasse, par exemple, — mais l’effrayante et inexplicable fidélité qui apparaît comme la fatalité du cœur, n’était pas possible avec les âmes de cette époque corrompue. […] Cette touche adorable sur les esprits et sur les cœurs, le naturel, Madame de Sabran l’avait. […] Madame de Sabran vit tellement dans son amour qu’elle ne voit rien que son pauvre cœur, dans lequel toujours elle regarde.

366. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Édouard Gourdon et Antoine Gandon » pp. 79-94

Les romans qu’il recherche, en effet, sont aussi gros que lui et doivent être bourrés de ces événements matériels assez faciles à inventer, — qui sont dans la vie comme ils pourraient bien n’y pas être, — mais qui plaisent à cette curiosité badaude qui n’a rien de commun, du reste, avec l’ardente ou délicate curiosité de l’imagination et du cœur. […] Seulement, après les chefs-d’œuvre, il faut compter pour les seconds ces livres spirituels dont le cœur humain fait le fond, qui s’appellent René ou Werther, Ourika, Édouard, Frère Ange ou Adolphe, et qui furent écrits avec cette goutte d’encre dont parle Joubert, qui peut bien mettre du temps à tomber, mais qui, en tombant, devient une goutte de lumière. […] Serait-ce plutôt l’événement de la grossesse de Louise et de la mort de son enfant, involontairement tué par suite de l’obstination qu’elle met, étant enceinte, à aller avouer son changement de cœur à son premier amant ? […] Une nuée, quand il fallait l’éclair qui descend dans l’ombre du cœur et en illumine le mystère ! […] Jean Gigon, qui n’avait jamais eu la prière pour s’élever de la vie, avait eu quelquefois l’ivresse du vin pour y échapper, et en mourant il avait recommandé qu’on l’enterrât la tête sur une bouteille de ce vin qui lui avait réjoui parfois son grand cœur isolé.

367. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIV. Rapports de Jésus avec les païens et les samaritains. »

Conséquent à ces principes, il dédaignait tout ce qui n’était pas la religion du cœur. […] Le baptême n’a pour lui qu’une importance secondaire 639 ; et quant à la prière, il ne règle rien, sinon qu’elle se fasse du cœur. […] Souvent il citait le passage d’Isaïe : « Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est loin de moi 641. » Le sabbat était le point capital sur lequel s’élevait l’édifice des scrupules et des subtilités pharisaïques. […] Ce n’est pas ce que l’homme mange qui le souille, mais ce qui sort de son cœur. » Les pharisiens, propagateurs de ces momeries, étaient le point de mire de tous ses coups. […] Je crois que les païens de Galilée se trouvaient surtout aux frontières, à Kadès, par exemple, mais que le cœur même du pays, la ville de Tibériade exceptée, était tout juif.

368. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Le Conte de l’Isle. Poëmes antiques. »

Quand on n’a pas d’idées à soi et qu’on a le cœur vide, des hommes faits pour rester d’honnêtes lettrés toute leur vie ramassent dans la poussière de toutes les civilisations des détritus d’idées sur lesquelles le monde entier a passé, et ils se bâtissent avec cela, qui des poésies, qui des systèmes d’histoire, en se croyant très candidement des inventeurs. […] Or, comme ces glorifications du Néant et de l’Être ne peuvent jamais être très variées, et qu’on ne voit pas grand’chose, quand on n’est pas fakir, dans ces deux pierres noires, il se trouve que pour nous, restés occidentaux, aux sensations nettes, à l’esprit positif et au cœur chrétien, il est (qu’il nous permette de lui dire ce mot qui n’est pas indien) souverainement ennuyeux. […] L’auteur y parlait de la divinité du néant : Le cœur trempé sept fois dans le néant divin ! […] Le sentiment qui a inspiré tant de poésies à tant de poètes et qu’on retrouve à travers tout dans le cœur des hommes, l’amour, l’âme du lyrisme humain, il ne le connaît pas, il ne l’a jamais éprouvé. […] C’est déjà beaucoup de se remuer encore comme il se remue dans cette machine pneumatique du cœur et de l’esprit, dans cette absence complète de tout sentiment vrai, individuel et profond.

369. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XIX. »

Comme l’évêque de Ptolémaïs, sous l’impression du spectacle de la nature mis en rapport avec le cœur de l’homme, il marquait par des hymnes les principales heures et les divisions du temps. […] « Ainsi notre propre nuit, l’obscurité de nos cœurs complices de la fraude, bientôt mise à découvert, pâlira devant le règne de Dieu. […] « Le repos salutaire circule dans les veines, et calme par la fraîcheur du sommeil le cœur dégagé de soucis ; mais l’intelligence s’échappe d’un rapide essor, et sous des images diverses elle voit les choses cachées. […] combien elle ôte à l’imagination et au cœur ! […] tu restes encore ici : nos cœurs te possèdent.

370. (1875) Premiers lundis. Tome III « Le roi Jérôme »

Il faudrait savoir et se donner et se doubler en quelque sorte, élever son cœur en même temps qu’anéantir sa volonté propre, comprendre d’un seul coup d’œil toutes les destinées futures qui intervertissent l’ordre antérieur et s’y résigner en grandissant. […] Je l’ai jeté, exprès dans un commandement isolé et en chef, car je ne crois pas au proverbe que pour savoir commander il faut savoir obéir. » La campagne de Prusse donna au prince Jérôme une occasion de prouver la bonté naturelle de son cœur. […] Il dota son royaume des institutions françaises, et gouverna avec une bienveillance, une modération qui lui concilièrent les cœurs. […] Le prince Jérôme, par droiture de cœur, y réussit. […] Il fait son devoir dans les terribles journées des Quatre-Bras et de Waterloo ; blessé, il continue de lutter ; il se bat simplement, vaillamment, dans ce bois accidenté d’Hougoumont dont chaque arbre est pris et repris avec tant d’acharnement pendant tout le jour ; le soir, il rejoint l’héroïque et désespéré Capitaine dans le carré de la vieille garde, où l’âme guerrière de la France s’est comme réfugiée ; et il entend cette parole qui, en un tout autre moment, eût réjoui son cœur : « Mon frère, je vous ai connu trop tard. » On n’a pas à suivre le prince Jérôme dans les longues années de la proscription et de l’exil.

371. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 41, de la simple récitation et de la déclamation » pp. 406-416

Les romains, qui joignoient souvent d’autres plaisirs au plaisir de la table, faisoient lire quelquefois durant le repas Homere, Virgile et les poëtes excellens, quoique la plûpart des convives dussent sçavoir par coeur une partie des vers dont on leur faisoit entendre la lecture. […] Pour la bien exprimer, il faut que le coeur en ressente du moins quelque legere atteinte. Je conçois donc que le génie qui forme les excellens déclamateurs, consiste dans une sensibilité de coeur, qui les fait entrer machinalement, mais avec affection, dans les sentimens de leur personnage. […] Quintilien qui avoit cru que sa profession d’enseigner l’art d’être éloquent, le mît dans l’obligation d’étudier les mouvemens du coeur humain, du moins autant que les regles de la grammaire, dit que l’orateur qui touche le plus, c’est celui qui se touche lui-même davantage. […] Comme les femmes ont une sensibilité plus soudaine, et qui est plus à la disposition de leur volonté, que la sensibilité des hommes, comme elles ont, pour parler ainsi, plus de souplesse dans le coeur que les hommes, elles réussissent mieux que les hommes à faire ce que Quintilien exige de tous ceux qui veulent se mêler de déclamer.

372. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Le cœur et l’intelligence restaient vides. […] Il y perdrait la joie du cœur et la paix de l’âme. […] Son cœur n’est plus déterministe. […] Telles sont les sévérités d’un cœur vierge. […] Le cœur le comprend en lui-même.

373. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Certes, la misère tenait toujours Glatigny, mais il avait la joie au cœur. […] Méchant cœur, l’amour est long, la nuit est brève !  […] Qu’est-ce que cela fait, des murs nus, quand le cœur est plein ? […] Cœur exilé, Par les roses ensorcelé ! […] La gangrène Pont tu m’as saturé le cœur.

374. (1888) Poètes et romanciers

Il a la même ambition, le même cœur. […] Ils donnent aux cœurs la pâture, ils émiettent aux âmes Dieu. […] Qu’on juge où en étaient les cœurs timides. […] La raison et le cœur sont divisés. […] Tout son cœur est à lui.

375. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Je voulais atteindre avant la nuit le petit village de Sviatoïé, situé au cœur de la forêt. […] mon cœur, à quoi bon des regrets ? […] Tiens, ne veux-tu pas approfondir le cœur de la petite Schourotschka ! […] Sa pensée s’arrêta sur elle, et son cœur reprit un peu de calme : « Pure jeune fille !  […] Tout son cœur se glaça ; il comprit le sens de ces larmes.

376. (1876) Romanciers contemporains

Dans son cœur, et cela a suffi. […] Mais il a laissé son cœur en Provence. […] Mais il ne l’aurait pas imaginé, car c’était un sceptique, et il fallait beaucoup de cœur pour peindre ces gens de cœur. […] Rien d’humain ne bat dans ce cœur qui ne se console qu’en Dieu. […] Mme Bentzon a toujours écrit avec son cœur.

377. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Le temps semble s’arrêter, et la vie, au lieu de s’écouler, dilate notre cœur. […] Peu à peu je m’aventure au cœur de la haute futaie. […] Le poète actuel, avec toute son âme, pénètre au-delà des phénomènes, jusqu’au cœur du réel, sans le secours d’une dialectique. […] Vous vous apitoyez enfin, car vous m’avez compris totalement, par la pensée et par le cœur. […] Pour sentir battre le pouls des êtres et des choses ils se sont faits « un cœur innombrable ».

378. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Berthou, Erwan (1861-1933) »

Berthou, Erwan (1861-1933) [Bibliographie] Cœur breton (1894). — La Lande fleurie (1895) […] Charles Le Goffic Cœur breton, vers tout pénétrés de douceur, habités par le rêve, et que les gaucheries de la forme rapprochent encore de la pure et vraie poésie populaire. [Préface au Coeur breton (1893).]

379. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Qu’on ne l’accuse point de malignité : il est si naturel à un esprit droit & juste, à un cœur ferme & généreux, d’éprouver les mouvemens du dépit, à la vue des usurpations ; le zele pour la gloire des Lettres & les intérêts de l’équité est si prompt à s’enflammer contre des injustices absurdes & multipliées, que l’esprit vient comme de lui-même au secours de la raison outragée ; & du mélange de sa vivacité unie à la sensibilité du cœur, naissent ces traits vigoureux qui impriment tantôt le ridicule, tantôt l’opprobre sur les travers ou sur les vices. […] Tout le monde sait par cœur l’éloge qu’il y fait du vrai ; tout le monde est intéressé à en adopter les idées & à en pratiquer les leçons. […] Finissons cet article, en déclarant encore à tous les Aristarques du nouveau Monde Littéraire, que, malgré leurs efforts, leurs Dissertations, leurs Sentences, leurs Satires, Despréaux n’en sera pas moins celui de tous nos Poëtes dont on a retenu & dont on citera toujours le plus de vers ; celui qui, le premier, a déployé les richesses de notre Langue, & qui l’a portée, par ses Ouvrages, au degré d’estime où elle est parvenue depuis ; celui qui a fait le plus régner le bon goût, & a le plus fortement attaqué le mauvais ; celui qui a su le mieux réunir l’exactitude de la méthode & la vivacité de l’imagination ; le sel de la bonne plaisanterie, & le respect dû à la Religion & aux mœurs ; l’art de lancer le ridicule, & celui de louer avec délicatesse ; le talent d’imiter, en paroissant original ; la distinction unique d’être tout à la fois Législateur & Modele ; &, pour tout dire enfin, il ajoutera à tous ces genres de gloire, ce qui donne le plus de droit aux hommages de la vertu, les qualités du cœur. […] Ce ne fut donc pas la malignité du cœur, la haine ou la vengeance qui enfanta ses Satires ; ce fut une équité inflexible, jointe à la vigueur du génie & au zele pour la gloire des Beaux-Arts. […] Le Philosophe marié est d’un autre genre de mérite : il prouve combien Destouches avoit de ressource dans l’imagination : conduire pendant cinq actes, sans langueur & sans inutilité, un sujet qui paroît capable de fournir tout au plus deux ou trois scènes, ne sauroit être l’Ouvrage que d’un esprit qui connoissoit les secrets du cœur & savoir tout ramener à l’action théatrale.

380. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Dante a dit, avec sa science de la vie et de sa misère, que le souvenir du bonheur passé était plus triste que celui du malheur lui-même, et il en est quelquefois ainsi du soleil Qui n’a pas éprouvé qu’il est des jours où il nous tombe d’autant plus lourdement sur le cœur, qu’il est plus pur et plus splendide ? L’Asie, où la femme errante a cru oublier tant de choses et, sinon comme elles, oublier la patrie, du moins en bercer et en assoupir l’idée douloureuse, l’Asie, avec ses éblouissements, sa nature radieuse et ses merveilles, n’est-elle pas à toute page de ce livre ce soleil qui navre le cœur de son impitoyable beauté, et les rayons, que les descriptions en rallument en vous, n’en apportent-ils pas contagieusement la tristesse ? […] Elle l’est plus que jamais devant les horreurs de la corruption musulmane, dont le hideux spectacle lui fait serrer plus étroitement sur son cœur sa croix d’Italienne et son image de saint Charles Borromée. […] L’humanité, depuis qu’elle existe, a toujours roulé entre trois systèmes et l’esprit humain n’en conçoit pas un quatrième : la polyandrie, le plus mauvais de tous, car il crée l’amazonat sous toutes les formes, le massacre des enfants et la pulvérisation sociale ; la polygamie, qui ruinerait l’État, si le sabre de Mahomet n’y mettait ordre, et enfin la monogamie, ce diamant divin d’une eau si pure, qui est l’exclusion de tous les inconvénients, qui agrandit la tête, épure le cœur et équilibre toutes les facultés. […] Et si vous mettez par-dessus tout cela ce que j’ai dit au commencement de ce chapitre, la mélancolie de la fin des choses qui teint tout de son or mourant, vous avez quelque chose de sui generis qui pourrait être bien plus intellectuel sans doute, et ce serait dommage, mais qui est cordial, car ce soleil d’Asie, tamisé par un cœur triste, cette Asie enveloppée dans le crêpe d’une âme, qui, comme l’a fait sa voyageuse, s’enveloppe aussi pour s’en aller, nous entre au plus profond du cœur.

381. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution d’Angleterre »

Je l’ai dit déjà à propos d’un autre livre : l’Histoire plonge jusqu’au cœur dans la biographie. […] comme dans les relations de notre cœur avec lui-même. Car il se fait aussi de l’Histoire dans le secret de notre cœur, et nous avons toute une société de sentiments, rude à gouverner, dans nos poitrines ! […] On verra par là ce qu’on a gagné à laisser vieillir le principe des révolutions dans le cœur des peuples, et combien, sur ces degrés descendus, de génération en génération, vers l’abîme de tous les pouvoirs menacés, l’orgueil des nations a ramassé de fange et de corruptions dont le poids l’entraîne un peu plus vite et doit le faire sombrer un peu plus profond ! […] Dieu était au fond des cœurs anglais, au plus épais de leurs péchés et de leurs crimes.

382. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

« Ou mon cœur est un fou, ou j’ai la plus grande raison quand je dis que les remords de Cinna viennent trop tard. » Son cœur n’était pas fou, mais il était envieux. […] A quel point une fausse politique ne peut-elle pas dégrader le cœur ! […] Ces mœurs élèvent l’imagination, sans corrompre le cœur. […] Une bonne comédie, ne fût-elle que d’intrigue, n’a pas besoin de cet intérêt qui attendrit, de ce sentiment qui touche le cœur : les roués en amour tendent des pièges au cœur des femmes sensibles ; les roués en littérature, les dramaturges, les romanciers, attaquent le cœur des spectateurs et des lecteurs ; ils cherchent à faire pleurer, dans l’impuissance où ils sont de faire rire : l’esprit n’est pas aisé à surprendre, le cœur est naturellement bête : peu de gens ont de l’esprit, tout le monde a un cœur. […] Quels monstres faut-il donc pour remuer ces cœurs endurcis par la sagesse ?

383. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Treize années employées à une profession, même quand on ne s’y adonne pas de tout cœur, cela ne peut être indifférent dans la vie d’un homme comme lui, ni dans la vie d’aucun homme. […] Ainsi, pour le dire tout d’abord et sans crainte d’anticiper sur ce qu’on sait déjà, ce n’avait pas été un grand magistrat pas plus que ce ne fut un grand négociateur que Montaigne, pas plus que ce ne fut un grand citoyen et maire de sa ville ; il ne prenait pas assez les choses du dehors à cœur pour y primer et exceller ; il ne prenait à cœur que les choses de l’homme en général, et celles de Michel de Montaigne en particulier. […] Le Château-Trompette qui bridait la ville était aux mains du baron de Vaillac, qu’on savait dévoué de cœur et d’âme à la Ligue ; des prédicateurs violents et fanatiques excitaient le peuple. […] Honnête homme, oui ; mais grand cœur, non. […] Il suffisait, en ces meilleurs moments, de l’appeler un noble cœur, et qui avait des sentiments délicats.

384. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

qui me rendra celle du cœur ou, à son défaut, celle même de l’esprit ? […] Il en est de l’absence comme de la mémoire : on sait que lorsqu’on veut apprendre une leçon, il n’est rien de tel que de la lire et de la relire une ou deux fois le soir, au lit, avant de s’endormir ; le lendemain, au réveil, il se trouve qu’on la sait presque par cœur. […] Des oiseaux chantaient avec un accent qui me remuait jusqu’au fond du cœur. […] il suffira d’une année et que Dominique ait atteint ses dix-sept ans, que Madeleine en ait dix-huit, pour que le rayon arrive, à elle d’abord et à sa beauté dans sa fleur première, à lui ensuite et à son cœur qu’un soudain regard vient éclairer. […] Mais je prends peut-être bien à cœur cette conclusion.

385. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Les éloges se mêlent aux réprimandes, car on sent qu’elles sortent d’un cœur tendre et qui n’a en vue que le bonheur des siens : « Je suis toujours sûre du succès, si vous entreprenez une chose, le bon Dieu vous ayant douée d’une figure et de tant d’agréments, joint avec cela votre bonté, que les cœurs sont à vous si vous entreprenez et agissez ; mais je ne puis vous cocher pourtant ma sensibilité : il me revient de toutes parts et trop souvent que vous avez beaucoup diminué de vos attentions et politesses à dire à chacun quelque chose d’agréable et de convenable, de faire des distinctions entre les personnes. […] Je l’avoue, cette réflexion me perce le cœur. […] Marie-Thérèse voudrait à la fois que la jeune reine eût de la discrétion et de l’influence, qu’elle ne s’ingérât point dans les affaires, mais qu’elle y entrât doucement et s’accoutumât à les bien entendre : « Je vous recommande toujours la lecture, unique moyen pour nous autres, et pour former nos idées et cœurs. […] C’est le monde ; cela arrive à nous tous, plus tard ou plus tôt ; mais il faut donc se tenir dans une assiette telle que cela ne puisse arriver par notre faute. (30 novembre 1774.) » Parole sage et vraie pour tous ceux qui sont acteurs, à quelque degré, sur ce vaste théâtre où chacun joue son rôle, grand ou petit, et doit avoir à cœur de le jouer de son mieux ! […] Ces sortes d’anecdotes percent mon cœur, surtout pour l’avenir. (2 septembre 1776.) » Cet article des bracelets n’était pas faux.

386. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Le cœur est plus conséquent que l’esprit. […] Le cœur va au but bien plus sûrement que l’esprit. […] Pour vivre d’une vie nouvelle, il faut qu’un principe nouveau ait été déposé dans le cœur. […] Et ce qui épouvante, ne change ni ne rapproche le cœur. […] Que d’éclairs jetés dans les ombres du cœur humain !

387. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Il est étrange de songer que ce cerveau, en qui la réalité avait reflété des images si nettes, qui avait su interpréter, ramasser, coordonner ces images avec une vigueur et dans des directions si décidées, et nous les renvoyer, plus riches de sens, à l’aide de signes si fortement ourdis, n’ait plus, à partir d’un certain moment, reçu du monde extérieur que des impressions confuses, incohérentes, éparses, aussi rudimentaires et aussi peu liées que celles des animaux, et pleines, en outre, d’épouvante et de douleur, à cause des vagues ressouvenirs d’une vie plus complète ; et que l’auteur de Boule-de-Suif, de Pierre et Jean, de Notre Coeur, soit entré, vivant, dans l’éternelle nuit. […] Pierre, dans Pierre et Jean et le héros de Fort comme la mort, et celui de Notre Coeur, durant ses promenades dans la forêt de Fontainebleau, nous montrent à quel point le travail d’une idée fixe, altérant sans cesse, pour celui qui en est possédé, les rapports habituels des choses, le peut rapprocher de la folie. […] Et, à mesure que son coeur s’amollit et que s’y ouvre la divine fontaine des larmes, il apprend aussi la pudeur. […] Fort comme la mort dit un amour « fort comme la mort » en effet, et raconte à la fois le plus noble des drames intérieurs et l’immense tristesse de vieillir  Notre Coeur flétrit la femme qui ne sait pas aimer ; et si l’amoureux demande des consolations à l’amour simpliste, tel qu’il était conçu dans les Sœurs Rondoli, il est clair qu’il n’y trouvera plus jamais le repos. […] Maupassant, presque toujours, se borne à noter les signes extérieurs  actes, gestes ou discours  des sentiments de ses personnages, et use peu de l’analyse directe, qui a ses périls, qui quelquefois invente sa matière, et l’embrouille pour avoir le mérite et le plaisir de la débrouiller… Mais enfin vous entrevoyez peut-être combien est curieuse l’évolution d’un écrivain qui, ayant commencé par la Maison Tellier, finit par Notre Coeur.

388. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Le cœur trouve ici à se satisfaire autant que la raison. […] Le philosophe fait taire les mouvements de son cœur ; le poète les exalte. […] Le cœur enamouré du poète est mort. […] De quelles chaudes pulsations son cœur ne dut-il pas être agité ! […] Un poème s’adresse d’abord au cœur, est l’expression figurée d’une émotion.

389. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Il n’y aurait, au reste, rien que de très simple et de très naturel à cela : Massillon jeune, beau, doué de sensibilité et de tendresse, ayant du Racine en lui par le génie et par le cœur, put avoir en ces vives années quelques égarements, quelques chutes ou rechutes, s’en repentir aussitôt, et c’est à ces premiers orages peut-être et à son effort pour en triompher qu’il faut attribuer sa retraite à l’abbaye pénitente de Sept-Fons. Quand on lui demandait plus tard où il avait pris cette connaissance approfondie du monde et des diverses passions, il avait le droit de répondre : « Dans mon propre cœur. » Pendant qu’il professait la théologie à Vienne, il fut ordonné prêtre en 1692 ; il s’y essayait dans la chaire ; il y prononça l’Oraison funèbre de Henri de Villars, archevêque du diocèse ; il alla prononcer à Lyon celle de l’archevêque M. de Villeroi, mort en 1693. […] Prendre un texte de l’Écriture et nous l’interpréter moralement selon nos besoins actuels, le déplier et retendre dans tous les sens en nous le traduisant dans un langage qui soit nôtre et qui réponde à tous les points de nos habitudes et de nos cœurs, faire ainsi des tableaux sensibles qui, sans être des portraits, ne soient point des lieux communs vagues, et atteindre à la finesse sans sortir de la généralité et de la noblesse des termes, c’est là en quoi Massillon excelle. […] Massillon plaira à celui qui a une certaine corde sensible dans le cœur, et qui préfère Racine à tous les poètes ; à celui qui a dans l’oreille un vague instinct d’harmonie et de douceur qui lui fait aimer jusqu’à la surabondance de certaines paroles. […] Un homme de la Cour allait à l’Opéra, et voyant son carrosse arrêté par la file de ceux qui allaient à l’église où Massillon devait prêcher, il se dit qu’un spectacle en valait bien un autre, et il entra dans l’église : il n’en sortit que touché au cœur.

390. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

C’est par ce noble procédé que Marianne montrait vraiment un cœur de princesse, au moment où on lui refusait de le devenir. […] Peu d’âmes sont assez fermes, peu de cœurs assez profondément tendres pour savoir conserver une grande douleur. […] Cette considération, qui le fuyait et qu’il ne rattrapera point, était précisément ce qui lui tenait le plus à cœur : vers la fin, il la regagna petit à petit et en détail moyennant les longues années qu’il vécut, mais jamais à temps ni avec éclat, et sur le pied qu’il aurait souhaité. […] aurait-il sauvé ses défauts, et son caractère eût-il été fixé par son cœur ? Il le croyait du moins, et récapitulant sa vie dans sa vieillesse, revoyant ses affections passées dans leur vrai jour, et ne comptant que celles qui méritaient de survivre, il disait : « La source de tous mes malheurs et ce qui ne se peut réparer, est d’avoir perdu une femme que j’avais choisie selon mon cœur, et pour qui j’avais tout quitté.

391. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

À travers cela, Marguerite, dans sa fleur alors épanouie de vingt-quatre ans, allait gagnant les cœurs, séduisant les gouverneurs de citadelles et ménageant d’utiles perfidies. […] La plupart des femmes mêlées aux intrigues de la politique y apportent et y confondent leurs intrigues de cœur et de sens. […] Quand elle parle de Bussy d’Amboise, elle contient mal son admiration pour ce brave cavalier, et l’on croit sentir, à l’abondance de la louange, que son cœur déborde ; mais voilà tout. […] possédez la chose aimée. » C’était pour échapper au moins en idée à ce prompt désenchantement, à ce triste et rapide réveil, qu’elle prodiguait ainsi les expressions figurées, mythologiques, impossibles : elle cherchait à se faire un voile ; le cœur n’y était pour rien. […] Si la conduite des deux royaux époux laisse tout à désirer à l’égard l’un de l’autre et à l’égard aussi du public, reconnaissons que leur correspondance est celle d’honnêtes gens, de gens de bonne compagnie, et dont le cœur vaut mieux que les mœurs.

392. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Nisard semble avoir trop à cœur d’effacer et d’amortir le rôle du réformateur dans Montesquieu. […] « L’Évangile parle à mon cœur », disait-il. […] Leur cœur sera avec le Christ, lors même que leur esprit est avec Descartes ou avec Kant. […] était-ce son cœur ? […] Ce siècle ne dit rien à son cœur, il ne parle qu’à son esprit.

393. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Une pareille énergie a un sens, une direction, et comme cette énergie se renouvelle sans cesse, elle tient au cœur même de nos cœurs. […] Le monde est aux cœurs révoltés. […] point dans nos cœurs. […] Les formules précises sont la mort du cœur. […] Or, c’est une volée de flèches vers le cœur.

394. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Et ne dites point, je vous prie, que c’est avec la force que lui, catholique, fit alliance à ce moment ; ou bien ajoutez que ce fut avec la force vive et le cœur même du pays. […] Veuillot une dernière querelle, sur un des thèmes précisément qui lui tiennent le plus à cœur. […] Veuillot pour de très-beaux vers encore, et cette fois des vers de cœur et de sensibilité qui se trouvent jetés comme au hasard entre des pages de prose. […] qui sous un ciel de fête, Quand l’orgue chantait moins que mon cœur triomphant, Du pied de vos autels emmenai cette enfant, Le bouquet d’oranger au sein et sur la tête ? […] Est-ce à moi qu’on a dit, en me pressant la main : « Pour t’aimer j’ai deux cœurs ; je porte en moi deux âmes ! 

395. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Marie, qui parut en 1831, à travers la tourmente politique, annonça aux rares lecteurs attentifs ces qualités de cœur et d’art ménagées dans toute leur grâce. […] C’est que dans l’intervalle l’auteur comprenant quel parti il y avait poétiquement à tirer de cette contrée bretonne où un simple retour de cœur l’avait porté au début, s’y était enfoncé avec une sorte d’amour sauvage et d’ivresse impétueuse. […] Voilà de ces redoublements de nature autant que d’art, et qui remplissent à la fois la fantaisie et le cœur. […] Certain libraire intrus sous sa presse maudite A repétri pour vous et travaillé mon grain ; Mon cœur de barde s’en irrite ; Moi-même dans le four j’aime à mettre mon pain. […] De grand cœur, ami, je vous le donne ; Mais gardez, en l’offrant, d’y jeter votre sel ; Assez pour la table bretonne Mêlent au pur froment un levain criminel.

396. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

La plainte, le désir infini, l’espoir, en cette vie humaine toujours gênée, avaient besoin de se raconter au cœur, de s’articuler plus nettement que par de purs sons qui trop vite échappent. […] Elle était née déjà dans plus d’un cœur, dans plus d’un talent qui la cultivait de ce côté en silence. […] Des désirs muselés appartiennent un peu trop à cette langue qui force les choses et les noms, qui dit un cœur fêlé au lieu d’un cœur brisé. […] Après cela vient le gros de l’armée, et plus de groupe ; la foule des rimeurs, parmi lesquels, certes, bien des cœurs sincères, quelques caporaux, et de bons soldats. […] Moi aussi, j’aimerais de grand cœur à croire à un dix-septième siècle futur plutôt qu’à un Du Bartas ; mais il n’est pas en nous que cela finisse de telle ou telle manière.

397. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

On n’en sortait pas même une première fois sans avoir été touché à un endroit singulier de l’esprit et du cœur, qui faisait qu’on était flatté et surtout reconnaissant. […] Elle tenait presque à vous blesser d’abord le cœur, pour se donner ensuite le plaisir et le miracle de vous guérir. […] Son cœur en était resté là, à ce tout premier printemps où le verger est couvert de fleurs blanches et n’a pas de feuilles encore. […] Pas un talent, pas une vertu, pas une distinction qu’elle n’aimât à connaître, à convier, à obliger, à mettre en lumière, à mettre surtout en rapport et en harmonie autour d’elle, à marquer au cœur d’un petit signe qui était sien. […] Quant à la jeunesse, à la beauté de son cœur, s’il a été donné à tous de l’apprécier, c’est à ceux qui en ont joui de plus près qu’il appartient surtout d’en parler un jour.

398. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

On regrette qu’un observateur aussi impartial et aussi supérieur n’ait pas tracé un pareil portrait de la reine aux divers moments de son existence, jusqu’à l’heure où elle devient une grande victime, et où ses hautes qualités de cœur éclatent assez pour frapper et intéresser tout ce qui est humain. […] Aimable, gaie et innocemment railleuse, elle avait avant tout « une grande bonté de cœur et un désir persévérant d’obliger les personnes qui s’adressaient à elle ». […] Il est des personnes dont la préoccupation consiste à nier absolument toute légèreté et toute faiblesse de cœur de Marie-Antoinette (supposé qu’il s’en rencontre quelqu’une à cette époque de sa vie). […] L’adversité lui rendit des vertus ; l’élévation du cœur et la dignité du caractère se dessinèrent avec d’autant plus d’éclat qu’elles n’étaient point portées par un esprit tout à fait à la hauteur des circonstances. […] Tout homme qui aura dans le cœur quelque chose de la générosité d’un Barnave, éprouvera la même impression et, s’il faut le dire, la même conversion que lui, en approchant de cette noble figure si outragée.

399. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Marsillac saisit décidément le gouvernail de son cœur. […] Ainsi s’étaient conservés, même aux saisons du plus prodigue délire, des trésors secrets de cœur chez Mme de Longueville. […] Il les faut lire sans superbe et d’un cœur simple : il n’y a, dans ces morceaux en eux-mêmes, rien d’agréable ni de flatteur. […] Elle en sortait de temps en temps, et revenait faire des séjours aux Carmélites, où elle voyait successivement passer comme un convoi des grandeurs du siècle, Mme de La Vallière y prendre le voile, et peu après arriver le cœur de Turenne, — ce cœur, qu’hélas ! […] Son corps fut enterré en ce couvent même, ses entrailles à Saint-Jacques-du-Haut-Pas ; son cœur alla à Port-Royal.

400. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

Il est correct comme un chiffre, dont il a le cœur. […] — ne produit pas l’épouvantement dans les cœurs, et c’était sur cet épouvantement qu’on était en droit de compter. […] c’est pour les cœurs profonds, les cœurs jaloux et les cœurs fiers, que la comédienne est dangereuse, puisque son art est de ne plus être une âme humaine comme la nôtre, mais un protéisme d’apparences qui passent et qu’elle rappelle à son gré avec la puissance évocatrice d’une magicienne, qui charme et qu’on ne charme pas !! De ce monstre qu’on divinise il peut tout à coup ne rester pas plus que de la nuée éblouissante d’Ixion, quand on la presse sur son cœur ! […] L’amour ne se coupe pas toujours, au pied, d’un seul coup de hache, et il faut le scier parfois bien longtemps pour le faire tomber dans les cœurs épris.

401. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

La soif qui brûlait leur cœur, la furieuse passion qui les prosternait aux genoux du maître, l’âpre aiguillon du désir invincible qui les précipitait dans les extrêmes terreurs et jusqu’au fond des plus basses complaisances, était la vanité insatiable et l’acharnement du rang. […] Mon cœur, dilaté à l’excès, n’avait plus d’espace pour s’étendre. […] Cette impétueuse passion est la grande force des artistes ; du premier coup, ils ébranlent ; le cœur conquis, la raison et toutes les facultés sont esclaves. […] Il y gagne la force ; car il y prend le droit d’aller jusqu’au bout de sa sensation, d’égaler les mouvements de son style aux mouvements de son cœur, de ne ménager rien, de risquer tout. […] Quiconque a la moindre habitude du style y sent non seulement un cœur brisé, une âme suffoquée sous l’inondation d’un désespoir sans issue, mais le roidissement des muscles crispés et l’agonie de la machine physique qui, sans s’affaisser, meurt debout : « La douleur de sa perte pénétra jusque dans ses plus intimes moelles.

402. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Le volume qu’il publie contient ses propres impressions et les cantiques de son cœur dans la solitude d’un veuvage que remplit un souvenir aimé. […] Enfant, tes jeux sont doux à mon cœur paternel, Mon chant intérieur monte vers l’Éternel     Quand j’entends tes pas dans les salles, A cette heure où le jour s’éteint mystérieux ; Lorsque le vieux château, décrépit glorieux,     Nous cache ses tours colossales. Le seul bruit de tes pas ravive dans mon cœur Des souvenirs tout pleins d’une exquise douceur     De repos et de rêverie. […] Le chemin ombragé, c’est toi, mon bel enfant, Toi plus doux à mon cœur que le soupir du vent,     Ou le bruit des mers refluées.

403. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

C’est d’un sépulcre en effet que naquit en nous ce premier culte de mon imagination et de mon cœur pour le chantre de à Jérusalem délivrée. […] … Je déplore par-dessus tout la promptitude de cette mort, qui n’a été précédée que d’une maladie de trente-six heures, suite, comme je le conjecture, ou du poison ou d’un brisement de cœur. […] La gloire n’était plus seulement pour lui dans une vaine et froide renommée, mais dans l’applaudissement d’une femme adorée qui donnait un cœur à cette gloire. […] La Fontaine est un charmant enfant, que j’aime de tout mon cœur ; mais laissez-moi en extase devant messer Ludovico, qui d’ailleurs a fait des épîtres comparables à celles d’Horace. […] Les six premiers chants de la Jérusalem délivrée ne furent qu’une aspiration mélodieuse et continue du cœur du poète au cœur et à l’enthousiasme de Léonora.

404. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Gustave Flaubert » pp. 61-75

Mais Madame Bovary est un roman de mœurs, et de mœurs actuelles, et, bien que le sentiment s’y montre horriblement abaissé sous les corruptions qui envahissent une âme faible et qui finissent par la putréfier, c’est du cœur d’une femme qu’il y est question, et l’imagination s’attend à autre chose qu’à une main de chirurgien, impassible et hardie, qui rappelle celle de Dupuytren, fouillant le cœur de son Polonais, quand il lui eut rejeté la tablette de la poitrine sur la figure, dans la plus étonnante de ses opérations… M.  […] Pour notre compte, nous ne connaissons pas de composition littéraire d’un talent plus vrai et qui soit en même temps plus dénuée d’enthousiasme, plus vide de cœur ; d’un sang-froid plus cruel. […] Ce n’est pas un roman, comme nous en faisons toujours dans la première partie de notre vie, car le roman étant le plus souvent de l’observation personnelle appliquée aux choses de sentiment, nous voulons tous avoir plus ou moins l’expérience des choses du cœur. […] Avant cette scène, nous avions les prodromes du roman, mais il faut le dater réelle ment de ce bal, où l’œil commence de corrompre l’âme et où le monde extérieur entre dans le cœur de madame Bovary pour n’en plus sortir. […] Elle ressent pour lui un peu de ce mépris sous lequel elle a enterré Bovary dans son cœur, mais ce mépris qui profane l’amour ne l’éteint pas.

405. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Pas d’esprit, pas de rêve, pas de cœur. […] L’auteur de Notre cœur est allé vers elle. […] ne voyez-vous pas, répliqua-t-elle, qu’il ravit et emporte tous les cœurs ?  […] Son cœur battait lorsqu’il parlait de l’armée. […] On le voit à sa chaleur de cœur et à la fraîcheur toute neuve de ses sensations.

406. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Le pauvre cœur de François Remy, comme il est aimant, irrésolu, meurtri ! […] Chez lui, tant de trésors échappent à la critique et ne relèvent que du cœur ! […] Paris, Mercure de France, 1901. — Le Cœur des pauvres. […] Épuisé. — Mon cœur pleure d’autrefois. […] Le Cœur de François Remy, p. 126 et 127.

407. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Figure bornée et touchante, pauvre d’esprit, grande de cœur. […] On est certain que le colonel n’épousera jamais cette femme sans cœur et sans âme ; sa rivalité cesse avec son amour. […] Cette fois Francine n’y tient plus ; son cœur éclate, et en se brisant, il laisse échapper son secret. […] Celui-là, du moins, en est atteint jusqu’au cœur et jusqu’à la moelle ; mais il le garde pour lui, et ne le communique à personne. […] ce coeur, en horreur à lui-même, à l’amour, Serait-il digne encor d’Hédelmone et du jour ?

408. (1890) Dramaturges et romanciers

Dans ses boutades brusques et inattendues, dans ses colères intempestives, on sent palpiter un cœur. […] Ce sont de véritables confessions du cœur révélées par un jeune confesseur au cœur tendre, tout ému des aimables péchés qu’il a reçus en confidence, et indulgent en proportion des douces émotions qu’il a épronvées. […] Tout le drame est exécuté d’une main ferme, virilement, sans que le cœur ait tremblé. […] Chacune des paroles du bien-aimé est une blessure pour sa conscience et son cœur. […] Feuillet a éprouvé comme un besoin de quitter un sujet qui peut-être pesait à son cœur.

409. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Dieu me garde de faire ainsi la part au cœur ! […] Elle m’a toujours porté dans son cœur, comme elle m’a porté dans son sein. […] Si je sens une longue épine se tourner dans mon cœur avec tous ses piquants, je me tairai, et j’espère que mes douleurs secrètes me seront comptées dans un monde où tout est justice et vérité. […] Monvel dans le vieil Abufar, Talma dans le jeune et brûlant Farhan, Mlle des Garcins dans le rôle de la mélancolique Saléma, enlevaient les cœurs. […] Ducis, le bon et le grandiose, a gardé plus d’amis qu’on ne croit en bien des coins et dans bien des cœurs.

410. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Cousin, le psychologue, n’en a pas éclairé le fond, comme l’eût fait un grand moraliste, doué de ce genre de regard qui s’enfonce dans les cœurs. […] Après avoir écouté à la porte de l’alcôve, on écoute à la porte du cœur ! […] Elles recouvrirent par une politesse qui ne venait ni de la bonté de leur cœur, ni du charme de leur esprit, une corruption très profonde et très réfléchie, car leurs grands airs ne nous imposent pas, à ces Brinvilliers scélérates et frivoles qui, comme Mme de Chevreuse, passèrent leur vie, la bouche en cœur, à préméditer des conspirations et des assassinats ! […] C’était la beauté classique de l’époque : œil de velours bleu, cheveux blonds, incarnat aux joues et bouche en cœur ! […] Son cœur était plus espagnol que français.

411. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Valentine (1832) »

Sa propre histoire contée (si tant est que ce fût sa propre histoire), l’auteur d’Indiana en savait d’autres, il en pouvait recommencer et dire à l’infini ; avec la clef des cœurs humains, il avait la création et le jeu des figures. […] Bénédict, spirituel, instruit, ironique et né ennuyé comme les jeunes gens de ces dernières générations, a rapporté, à vingt-deux ans, sous le toit rural, un cœur ambitieux, mécontent, un besoin vague de passion et d’action, le dégoût de tout travail positif, des talents d’ailleurs, des idées, surtout des désirs, un sentiment très-vif et très-amer de son infériorité de condition et des ridicules de ses bons parents ; il n’épargne pas, dans son dédain, sa jolie et fraîche cousine Athénaïs qui n’aspire qu’à lui plaire. […] Après l’intérieur de la ferme et le bal champêtre qu’un critique très-spirituel, dans la Revue des deux Mondes, a comparés à quelque tableau malicieux et tendre de Wilkie, on a, au retour, cette nature si fleurie et si odorante, sur laquelle la nuit jette ses ombres grandioses et que la lune éclaire avec beauté ; on a, dans ces solitudes suaves, un chant mélodieux de jeune homme qui arrive tout d’abord au cœur d’une amazone égarée comme Herminie. […] Dans ces doux lieux, le long de ces jours si simplement remplis, on partage l’ivresse et le gonflement de cœur du jeune homme entouré et aimé de trois femmes (car la pauvre Louise l’aime aussi), de trois femmes dont une seule suffirait à un moindre orgueil. […] Valentine promet plus qu’Indiana, parce qu’Indiana, avec plus de profondeur, je crois, et d’originalité, pouvait sembler à la rigueur un de ces romans personnels et confidentiels comme on n’en a qu’un à faire avant de mourir, tandis que Valentine est véritablement l’œuvre d’un romancier peintre du cœur et de la vie, fécond en personnages, et qui n’a qu’à vouloir cheminer un peu patiemment pour arriver jusqu’au bout.

412. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

devant aucun de ces visages rongés déjà, effacés par deux siècles, pas même devant celui de cette Aurore qui eut l’honneur de jeter la peur d’aimer dans le cœur de glace polaire de Charles XII, et qui plus tard descendit sa fierté jusqu’à devenir l’une des maîtresses d’Auguste de Pologne, le taureau saxon ! […] Mais la femme qui tua Kœnigsmark n’était pas une reine, une reine comme Christine, dont le cerveau avait dévoré le cœur et que l’orgueil rendit implacable. C’était une simple femme au cerveau de femme, au cœur de femme, aux passions de femme, mais, après tout, un de ces êtres rares dans toute histoire, et qu’à l’époque où elle vécut on aurait jugée impossible. […] Les grandes passions ne viennent jamais que tard dans les cœurs qui sont faits pour elles. […] Avec cette invasion d’activité des grandes passions qui voudraient l’ubiquité de Dieu pour tout faire dans l’accomplissement d’un crime de cœur, elle dénonça l’amour de Kœnigsmark au duc régnant, extorqua l’ordre de le tuer, si on le trouvait chez la duchesse, écrivit de sa main faussaire un rendez-vous auquel ce malheureux se prit.

413. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

MM. de Goncourt n’ont pas le cœur d’être des historiens d’un siècle qu’ils adorent… ils n’en sont que les éblouissants chroniqueurs. […] — signifie sagesse, n’a plus de sagesse à l’extrémité d’une vie folle que de vivre en bonne intelligence avec les femmes que ses anciens amants ont épousées ; n’ayant plus même l’énergie ou la délicatesse d’une jalousie qui reste quelquefois aux femmes les plus perdues ; pourrie de cœur dans un corps pourri, — ce qui n’étonne guères dans une courtisane, — mais pourrie jusque dans son esprit même, cet esprit par lequel elle avait bien plus régné que par son corps et que MM. de Goncourt voudraient nous faire croire immortel ! […] C’est qu’elle a son cœur sur ses lèvres. » Les livres, les mémoires, — les espions du temps, —    nous disent tous qu’elle avait l’haleine infecte, l’haleine de ses mœurs. […] Elle est morte ruinée d’esprit comme de cœur et de corps. […] Ils vivaient la tête, le cœur et la main, dans ce siècle… Ils soupaient tous les soirs avec les Revenants de ce siècle qu’ils faisaient revivre sous leur plume, Cagliostros plus magiciens que Cagliostro !

414. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Charles Baudelaire. Les Fleurs du mal. »

Sa Muse est allée les chercher dans son propre cœur entr’ouvert, et elle les a tirés à la lumière d’une main aussi impitoyablement acharnée que celle du Romain qui tirait hors de lui ses entrailles. […] Sans doute, étant ce que nous sommes, nous portons tous (et même les plus forts) quelque lambeau saignant de notre cœur dans nos œuvres, et le poète des Fleurs du mal est soumis à cette loi comme chacun de nous. […] donnez-moi la force et le courage De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût ! […] Figurez-vous cette langue, plus plastique encore que poétique, maniée et taillée comme le bronze et la pierre, et où la phrase a des enroulements et des cannelures ; figurez-vous quelque chose du gothique fleuri ou de l’architecture moresque appliqué à cette simple construction qui a un sujet, un régime et un verbe ; puis, dans ces enroulements et ces cannelures d’une phrase qui prend les formes les plus variées comme les prendrait un cristal, supposez tous les piments, tous les alcools, tous les poisons, minéraux, végétaux, animaux ; et ceux-là les plus riches et les plus abondants, si on pouvait les voir, qui se tirent du cœur de l’homme, et vous avez la poésie de M.  […] Mais qu’il ait desséché sa veine poétique (ce que nous ne pensons pas) parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une épongé pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, survidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, — car il a des mots suprêmes sur le mal de la vie, — ou de parler un autre langage.

415. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre xi‌ »

Ces saints de la France appartiennent à toutes les croyances, et la vieille église du village, mère des générations, cœur des cœurs, les accueille tous avec une égale tendresse, car, dit-elle aux incroyants, vous êtes mes fils endormis. […] La guerre vient de nous apprendre que nos cœurs parfois contractés, irrités, possédaient chacun la faculté d’aimer, de comprendre, d’aider les cœurs et les esprits qu’ils croyaient adversaires. […] Après l’Évangile, le curé parla, et quand il eut terminé, il vint par un mouvement du cœur au banc du capitaine, l’inviter à prendre la parole. […]   Ce livre est né de la confiance que me témoignent des inconnus, me communiquant chaque jour ce qu’ils admirent, ce qui les émeut et qu’ils croient bon à mettre sous les yeux du public et dans le cœur de la France.

416. (1861) Questions d’art et de morale pp. 1-449

Le simple acquiescement du cœur à la règle est un pas fait dans le perfectionnement. […] Sainte croyance qui nous fait chercher de grands cœurs où nous voyons de grands esprits ! […] La poésie vise à toucher le cœur. Or l’imagination est plus voisine du cœur que le pur entendement. […] En général les cœurs portés à l’ironie sont tout le contraire des cœurs héroïques ; les esprits vraiment fiers, nobles, énergiques ne pratiquent pas la moquerie ; l’ironie est une arme de la servitude.

417. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

On se flatte d’atteindre plus au cœur de l’homme en fouillant ses moindres papiers. […] Lutte du cœur et de l’intelligence ! Son cœur parlait plus haut et faisait taire l’autre. La fin du xvie  siècle lui avait légué ce scepticisme qui circulait alors partout, lui avait mis ce ver au cœur ; il en a triomphé, tout en en mourant. […] La foi parfaite, c’est Dieu sensible au cœur !

418. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Le petit Racine en vint rapidement à lire tous les auteurs grecs dans le texte ; il en faisait des extraits, les annotait de sa main, les apprenait par cœur. […] Néanmoins je ne demeurai pas, et elle me répondit d’un air fort doux et fort obligeant ; et, pour vous dire la vérité, il faut que je l’aie prise dans quelque mauvais jour, car elle passe pour fort belle dans la ville, et je connois beaucoup de jeunes gens qui soupirent pour elle du fond de leur cœur. […] La naïveté d’impressions et l’enfance de cœur qui éclatent dans son récit marquent le point de départ d’où il s’avança graduellement, à force d’expérience et d’étude, jusqu’aux dernières profondeurs de la même passion dans Phèdre. […] Il est à regretter qu’il n’ait pas poussé plus loin cette espèce de composition religieuse, et que, dans les huit dernières années qui suivirent Athalie, il n’ait pas fini par jeter avec originalité quelques-uns des sentiments personnels, tendres, passionnés, fervents, que recelait son cœur. […] Des critiques sans portée ont abusé du droit de le citer pour modèle, et l’ont trop souvent proposé à l’imitation par ses qualités les plus inférieures ; mais, pour qui sait le comprendre, il a suffisamment, dans son œuvre et dans sa vie, de quoi se faire à jamais admirer comme grand poëte et chérir comme ami de cœur.

419. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Ce sont des hommes-filles, vraies courtisanes de mœurs, de corps et de cœur. […] ne déchire pas mon cœur pour avoir nommé mon Christ ! […] Qu’elle souffre du cœur, ces douleurs-là sont pires que celles de la chair. […] Au fond du cœur, elle se juge mariée avec celui à qui elle a engagé son âme ; c’est le mariage du cœur qui, à ses yeux, est le seul véritable ; l’autre n’est qu’un adultère déguisé. […] Mistress Frankford, si honnête de cœur, accepte Wendoll à la première proposition.

420. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Je n’ai jamais outragé de gaieté de cœur. […] régnons. » Les nobles cœurs ! […] Son cœur consumé d’amour. Son cœur dévoré d’amour. […] Le cœur pur.

421. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Le recueil commence ainsi, par un soupir et par un regret : Virginité du cœur, hélas ! […] On me dira, je le sais bien, que Musset, au milieu de ses négligences et de ses laisser aller de parti pris, a des cris du cœur qu’il a portés à la fin jusqu’au déchirant et au sublime. […] On sait Musset par cœur, et c’est à qui renchérira en louanges ; je ne m’en plains pas. […] Devenue libre et maîtresse d’elle-même par la mort d’un vieux parent, elle veut en avoir le cœur net ; elle tente l’aventure, prend un déguisement viril et se lance tête baissée à travers la vie. […] Son cœur, tout coi et tranquille en apparence, mûrissait, ou plutôt, selon son expression énergique, pourrissait « comme la nèfle sous la paille. » Blasé avant d’avoir commencé, roué avant d’avoir fait, un pas, tel est d’Albert.

422. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Pour trancher la difficulté, l’esprit seul ne suffit pas toujours ; le plus simple est que le cœur s’en mêle. […] L’esprit français se retrouve sous son léger accent de Savoie et s’en pénètre agréablement : « L’accent du pays où l’on est né, a dit La Rochefoucauld, demeure dans l’esprit et dans le cœur, comme dans le langage. » La pensée semble parfois plus savoureuse sous cet accent, comme le pain des montagnes sous son goût de sel ou de noix. […] Sa destinée avec son cœur acheva de s’y fixer, lorsqu’il eut épousé une personne douée selon l’âme et portant au front le grand type de beauté slave ; il avait trouvé le bonheur. […] As-tu reçu de la nature Un cœur sensible à l’amitié ? […] ton aspect de ma douleur Suspend et calme la puissance ; Tu me ramènes l’espérance Prète à s’éteindre dans mon cœur.

423. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Son âme héroïque semblait se taire alors et laisser son cœur de femme s’affaisser et se briser en tombant de l’enthousiasme sur la réalité. […] Avec l’élan et le sang-froid d’une amitié qui pousse le cœur vers le cœur, il approcha son visage de celui de Danton pour l’embrasser. […] Il avait les vices bas, mais les passions généreuses ; en un mot, il avait un cœur. Ce cœur, vers la fin, revenait au bien par la sensibilité, par la pitié et par l’amour. […] Un remords secret mordait tous les cœurs.

424. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Claude alors l’a arrachée de son cœur ; ses souffrances ont été horribles. […] Viens perfectionner la batterie du fusil qui a tué la femme de ton cœur, l’idole de tes sens. […] Il y a de la bonté sous sa grossièreté ; il y a un coeur sous son corsage rebondi, et ce coeur lui saute, à chaque instant, dans la main. […] Son brave cœur s’émeut et s’indigne ; elle n’a plus que du dégoût pour le coquin qui l’avait charmée. […] Toutes les fibres du cœur y sont touchées sans rudesse, et rendent des sons d’une pureté délicieuse.

425. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Cette fée, si longtemps lutine, se trouve être, assure-t-on, l’un des plus dévoués des cœurs de femme. […] Goethe me reçut sur son cœur : « Pauvre enfant ! […] Je me jetai à son cou, et lui m’attira sur ses genoux et me serra contre son cœur. […] Il y eut là chez lui un faible qui tenait un peu au cœur. […] Il est évident que Beethoven fut touché au cœur par cette jeune personne qui savait si bien l’écouter et lui répondre avec ses beaux regards expressifs.

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