A beaucoup d’entre nous il manque la foi ; il nous manque à tous la science de la religion. […] La force manquait à Massillon pour les âpres méditations où Bourdaloue et surtout Bossuet avaient trouvé leur logique. […] Je n’en veux donner qu’une seule : il lui manque l’autorité. […] C’est surtout pour la partie descriptive de sa morale, que le temps a manqué à Vauvenargues. […] Quelques-uns rencontraient souvent la vérité, mais on les admirait plus souvent pour l’avoir manquée.
Pour peu que les évêques et leurs journaux consentissent à se taire, ils ne manqueraient pas d’avocats pour plaider leur cause et même leur droit. […] On se demande même involontairement, quand on le lit, quand on l’a entendu à ses cours d’autrefois, ce qui lui manque pour être plus, pour atteindre à ce qu’on nomme proprement génie. Nous avons entendu des gens qui soutenaient que ce qui lui manquait pour cela, ce n’était pas la particule ignée, car il l’avait, mais que c’était plutôt la base terreuse, le je ne sais quoi qui sert de lest et qui retient.
Sainte-Beuve sur Daunou nous a appris à bien fixer nos idées sur un savant et un écrivain dont on avait beaucoup parlé dans ces derniers temps, depuis sa mort ; il en avait été fait tant d’éloges qu’on se demandait naturellement ce qui avait manqué à un homme qui avait été aussi profond érudit et aussi habile écrivain pour arriver à plus de célébrité et à plus de résultats notoires. Nous voyons aujourd’hui, d’après le portrait, que ce qui a manqué à Daunou, c’est l’invention. […] Il y a quelques mois, une église manquait à Vergt en Dordogne, ou plutôt la cloche de cette église, car on avait pourvu au reste par souscription : il n’y avait plus que le clocher à bâtir.
Dans la nature, les caractères généraux ne sont pas détachés les uns des autres ; quel que soit celui que nous ayons noté, nous ne manquons jamais de le trouver lié à quelque autre. […] Ce sont celles qui peuvent manquer sans que le caractère manque ; car, à son endroit, leur absence équivaut à leur présence ; leur présence est donc sans influence sur lui ; ainsi elles ne sont point nos inconnues ; on doit donc les éliminer. — Or telles sont les différences de deux cas qui tous les deux présentent le caractère, car les particularités par lesquelles le premier cas diffère du second manquent dans le second, et les particularités par lesquelles le second diffère du premier manquent dans le premier : ces particularités peuvent donc manquer sans que le caractère manque ; partant, à son endroit, leur présence équivaut à leur absence ; leur présence est donc sans influence sur lui ; on doit donc les éliminer ; en d’autres termes, on doit éliminer les différences. […] Elle adopte comme moyen l’élimination des particularités qui peuvent manquer sans que le caractère manque. […] Elle adopte comme moyen l’élimination des particularités qui peuvent subsister, quoique le caractère manque. […] Nous la démêlions, en éliminant les particularités qui peuvent manquer sans que le caractère connu manque, ou les particularités qui peuvent subsister quoique le caractère connu manque.
Il nous suffit d’examiner l’histoire et la nature de la science expérimentale pour reconnaître que, si dans ce trésor il y a eu ou il y a encore des vides, ce n’est jamais parce que la raison explicative a manqué ou manque dans les choses, c’est toujours parce qu’elle a manqué ou manque dans notre esprit. […] C’est pourquoi, tant que ces préalables nous manqueront, nous ne pourrons savoir la raison explicative. […] Il manquera donc son intermédiaire, comme nous manquons le nôtre, par un défaut de méthode, auquel on peut remédier chez lui, auquel on ne peut pas remédier chez nous. […] Étant donné un phénomène quelconque, ils lui supposent d’avance et toujours des conditions qui sont sa raison d’être et dont la réunion suffit pour le provoquer, en sorte qu’il ne peut manquer dans aucun des cas où elles sont réunies. […] Ne pourrait-on pas admettre de même que l’existence réelle n’est qu’un cas de l’existence possible, cas particulier et singulier, où les éléments de l’existence possible présentent certaines conditions qui manquent dans les autres cas ?
Nous ne l’avons jamais vu remplacé ; c’était une de ces grâces dont on ne peut se passer, une de ces inutilités nécessaires au cœur et qui manquent au bonheur comme elles manquent au temps. […] Une philosophie manque donc à ce poète pour être un homme fait de la littérature. La troisième condition, un caractère, ne lui a pas moins manqué. […] Mais enfin pour être vrai il faut reconnaître que l’absence de ces trois conditions qui font seules la grande poésie : l’amour, la foi, le caractère, lui manquent comme elles manquèrent à un homme du dix-septième siècle avec lequel il a une lointaine ressemblance, la Fontaine. […] Royer-Collard s’écriait que ce qui manquait à la jeunesse de son temps, c’était le respect des supériorités : ne pourrait-on pas vous dire à vous que ce qui vous manque aujourd’hui, c’est le respect de vous-mêmes ?
Prenons du moins ce tableau comme il est, pareil aux tableaux des plus anciens maîtres en peinture : il y manque le dessin ; il y manque la couleur, la perspective ; il y manque tout ce que vous voudrez : — il n’y manque pas l’expression, d’autant plus sensible qu’elle y est toute seule et plus naïve. […] » Voilà de belles et sincères images, bien guerrières, bien féodales : il n’a manqué qu’un poète pour les recueillir et les enchâsser dans un ferme tissu. Et les traits moraux non plus ne manquent pas. […] Le duel d’Olivier et de Roland dans l’île du Rhône est un autre admirable épisode, qu’il faut détacher d’un poème (Girard de Viane) où manque l’art comme dans presque tous les poèmes de ce temps. […] Ce qui manquait à Marot et à sa gentille école, c’estla force, la vigueur, la couleur, l’élévation, la grande imagination.
Sa réputation eût fort gagné à une telle œuvre, et s’y fût assise dès l’abord ; car ce qui manque surtout à Bonstetten dans cette longue vie intellectuelle répandue sur tant de surfaces diverses, c’est un ensemble, c’est un centre ; il n’a pas de quartier général où l’on se rallie. […] C’est dans ce milieu qu’il vivait, sentant bien ce qui manquait parfois à son âme expansive, mais jouissant avec reconnaissance de tant de précieux dédommagements. […] Les gens qui en manquent admirent votre savoir ; peu voient l’esprit et le bon esprit qu’il y a, et presque personne ne veut rendre justice au style français, parce que presque tous ont le sentiment que ce style est étranger à Genève, où l’on manque de goût et, à peu d’exceptions près, du talent d’écrire, que vous avez éminemment. — Le talent de bien écrire vient de l’âme ; ses formes se prennent dans la société. […] Il nous manque un mot pour exprimer l’amitié d’homme à femme, de Klustine à Bonstetten : Et tu serais la volupté Si l’homme avait son innocence99. […] La promenade ne manquait jamais son effet.
Bayle, qui profita si bien des avantages de l’éloignement et de la liberté qu’on a à l’étranger, sentait aussi les inconvénients qui sont tous dans le manque de précision et d’information sûre. […] J’ai vu des gens reprocher au style de Bayle d’être lourd, traînant, et de manquer aussi de politesse ; on le disait dès le temps de La Bruyère. […] Mais les savants à hébreu sont peu communicatifs. » Marais a raison, et il n’a manqué à Bayle, à « ce charmant auteur », comme il l’appelle, que la coupe française pour ainsi dire. Il en est de lui comme d’un homme qui a le fonds et la source de la délicatesse, qui paraît rustique ou négligé au premier abord, mais à qui, pour être à la mode, il ne manque qu’un tailleur de Paris et six mois de monde. […] Un orateur qui manquerait à cette loi de convenance en serait à l’instant averti et puni par son auditoire.
Qu’on se figure ce qui manquerait à la société moderne si, par l’effet de quelque cataclysme, il ne lui restait que l’Encyclopédie. […] Pour l’homme à qui manquerait tout à coup l’enseignement du passé, le plus pressant serait de retrouver sa raison et son cœur, et c’est là tout d’abord ce qu’il retrouverait dans le livre de génie. […] On ne trouve guère, en les lisant, qu’à faire des restrictions de goût, de raison ou de morale, ou bien à regretter ce qui leur manque. […] On ne songe pas un moment qu’il manque à cette création poétique les vers de Virgile, et le pinceau de Fénelon n’est pas plus suave, en étant plus timide. […] C’était une manière d’en critiquer le manque de divisions.
Si je pouvais rendre cet état permanent, que manquerait-il à mon bonheur ? […] Ce n’est qu’un stoïcien manqué, ou un chrétien tardif. […] Maine de Biran est un ancien garde du corps de Louis XVI, qui a du Greuze en lui, un principe de mollesse au milieu de l’élévation, absence de vigueur, de netteté, d’originalité, de ressort… Ai-je assez dit tout ce qui lui manque ? […] Il m’est impossible de faire autrement ; mon malheur et mon trouble, mon inutilité, tout vient de n’être pas commandé, de n’être soutenu par rien : je manque d’idée fixe et de but. […] La seule conclusion que nous tirons, nous, lecteur vulgaire, de ce rare sentiment de satisfaction que nous le voyons éprouver quand il a fini et bien fini, c’est que ce qui lui a manqué, ç’a été la satisfaction plus fréquente de produire, et le plaisir sérieux, mérité, qui accompagne un labeur plus ou moins facile, mais répété, habituel et fécond.
On sait ce que Saint-Simon a dit de ses père et aïeul, et quels portraits séduisants ou vigoureux : il en a tracés : il a manqué à celui-ci un peintre. […] Le style manque à ce peintre de high life, comme disent nos voisins. […] Que lui manque-t-il donc à cette Idole, à cette « divine comtesse », comme l’appelait ironiquement Mme du Deffand ? Il lui manque un titre, un état régulier, un nom ; mais ce nom de moins, et qu’elle avait ambitionné, était pour elle une blessure secrète, une épine au cœur. […] Mais cette consolation et cette illusion lui manquèrent à dater de 1764, lorsque la mort imprévue de son mari vint tout à coup la délier.
Mais, au milieu de tout ce qu’a prévu et deviné Montesquieu, il y a une chose qui lui a manqué pour être tout à fait lui-même, et pour achever l’éducation de son génie : il lui a manqué d’avoir vu une révolution. […] Les hommes, selon lui, ne font le bien que quand ils ne peuvent faire autrement : « Mais, dès qu’ils ont le choix et la liberté de commettre le mal avec impunité, ils ne manquent jamais de porter partout la confusion et le désordre. » Machiavel est très persuadé que les hommes ont beau avoir l’air de changer pendant des jurées de régime, qu’au fond ils ne changent pas, et que, certaines occasions se reproduisant, on les retrouve absolument les mêmes. […] Là encore il a manqué à Montesquieu de vivre hors de son cabinet et de voir l’histoire se faire devant lui. […] Et parlant du grand ouvrage que Montesquieu préparait depuis vingt ans, M. d’Argenson ajoutait : J’en connais déjà quelques morceaux qui, soutenus par la réputation de l’auteur, ne peuvent que l’augmenter ; mais je crains bien que l’ensemble n’y manque, et qu’il n’y ait plus de chapitres agréables à lire, plus d’idées ingénieuses et séduisantes, que de véritables et utiles instructions sur la façon dont on devrait rédiger les lois et les entendre… Je lui connais tout l’esprit possible ; il a acquis les connaissances les plus vastes, tant dans ses voyages que dans ses retraites à la campagne ; mais je prédis encore une fois qu’il ne nous donnera pas le livre qui nous manque, quoique l’on doive trouver dans celui qu’il prépare beaucoup d’idées profondes, de pensées neuves, d’images frappantes, de saillies d’esprit et de génie, et une multitude de faits curieux, dont l’application suppose encore plus de goût que d’étude. […] C’est bien en ce sens qu’il a eu raison de parler de la majesté de son sujet et d’ajouter : « Je ne crois pas avoir totalement manqué de génie.
Elle a bien discuté, bien nié, bien versé des mépris sur son chemin ; mais elle a manqué le meilleur coup qu’elle pût porter, l’observation vraie et cruelle, d’autant plus, cruelle qu’elle est vraie : c’est que tous les Papes, sans exception, tous les hommes, même les plus éminents, qui ont représenté l’Église et par qui l’Église a vécu, ont été moins grands que leur situation, et ont manqué d’une intelligence à la hauteur de leurs devoirs ; c’est que nul d’entre eux ne s’est servi, dans l’intérêt de l’institution catholique, de circonstances uniques dans l’histoire et qui semblaient aller d’elles-mêmes au-devant d’une main qui les prît au passage et qui sût les plier à ses desseins. […] De tous, il fut donc celui qui manqua le plus à sa fortune : il y manqua par ses qualités mêmes. […] Mais, comme tous les hommes qui occupèrent le Saint-Siège, il ne sut pas se soustraire à la grande faute traditionnelle : à trop d’indulgence pour le prêtre, sentiment qui manquait de profondeur politique. […] Donner le pas sur les choses importantes à celles qui le sont beaucoup moins, ne pas discerner le fort et le faible entre les moyens d’arriver au but incontestable, qu’est donc cela, sinon manquer de génie politique, être impropre à se tirer avec supériorité des difficultés de gouvernement ? […] Le perçant, le vif, le fier y manquent ; nulle grande manière dans la peinture des caractères et dans le récit des événements.
Rousseau manqua à cette mission, dont il n’était pas digne. […] Les jugements et les lectures de Rousseau répondaient à une aussi forte poétique ; c’est de finesse surtout qu’il manque. Il aime et admire Regnier, mais il le range après Malherbe, et trouve qu’il ne lui a manqué que le bonheur de naître sous le règne de Louis le Grand. […] Ses allégories sont jugées tout d’une voix : baroques, métaphysiques, sophistiquées, sèches, inextricables, nul défaut n’y manque. […] Le pire, c’est que l’auteur manque d’idées et qu’il se traîne pour en ramasser de toutes parts.
Enfin, comme chez les romantiques, il y avait chez Zola le manque de finesse et l’horreur de la vérité. […] Zola était ce qu’il devait devenir, « déjà il manquait d’esprit ». Il en manqua toujours à un degré prodigieux et d’une manière excellente ; car à qui manque d’esprit les Français et même tous les Européens sont toujours très disposés à attribuer du génie. Toujours est-il qu’il en manqua. […] En cette conception nouvelle, il procéda, comme précédemment, par affirmations énergiques, tranchantes et répétées, sans instituer une théorie qu’il eût été très incapable de concevoir et sans passer par des raisonnements qu’il eût été bien incapable d’enchaîner, ni par des observations historiques dont tout élément lui manquait.
Et puis les raisons, dès qu’on se prêtait à les entendre, ne manquaient pas. […] L’abbé de Saint-Pierre ne manqua ni à l’une ni à l’autre de ces manifestations. […] Ne lui demandez ni élévation ni profondeur ; ce n’est pas un Sieyès, ce n’est pas un Hegel que l’abbé de Saint-Pierre ; ce n’est pas un de ces penseurs difficiles à qui l’expression manque. […] Les lettres sont précisément ce qui lui a manqué ; il lui a manqué d’être un sage véritablement aimable.
Comme le zèle des abonnés vous manque plutôt que celui des rédacteurs, que les principales parties des connaissances humaines sont dignement représentées dans votre recueil, et que la poésie en est à peu près exclue pour des raisons de prudence qu’il est inutile de détailler, vous avez cru flatter mes goûts en me proposant une place dans la critique littéraire. […] Dessinons donc les traits de cet être fantastique, où personne ne se reconnaissant, on ne saurait m’accuser de manquer à personne. […] Nous sommes assez maladroits dans nos attaques ; à voir l’acharnement dont nous poursuivons le bon sens, on pourrait, si l’on ne nous connaissait pas, croire que nous en manquons. […] Si le Dieu nous manque, nous aurons beau fouetter, la machine n’avancera pas. […] Les uns et les autres ne prennent d’abord la critique que comme un pis-aller et se promettent bien de lui manquer de parole à la première occasion ; mais ici commence l’enchantement.
L’historien y manque, mais ce n’est pas tout. Il y manque l’histoire ! […] Copistes qui par vanité ont la prétention d’être originaux, ils achètent nos tableaux, nos acteurs, nos modes, nos livres, notre langue, ils reproduisent notre corruption, et, pour ne pas manquer toutes les nuances de la copie, ils en font souvent une caricature. […] Et voilà l’excuse que Beaumont-Vassy pourrait faire valoir en faveur du livre manqué qu’il nous donne. […] Dans les deux cas, c’est de la personnalité exaltée, et la personnalité, nous l’avons dit, manque aux Russes.
Vous me feriez presque penser que le génie vous manque. […] En général la multitude des acteurs nuit à l’effet de la scène, cette abondance est vraiment stérile ; on n’y a recours que pour suppléer à une idée forte qui manque. […] Certes cela ne manque pas de ce que vous savez. […] L’homme qui se repose se soulage d’un malaise, on le voit sur son visage, dans l’affaissement, l’abandon de ses membres, et ces caractères manquent à ce berger.
Il consiste à reprendre d’une main tout doucettement ce qu’il a donné de l’autre avec un grand geste, et ce qui suit va le faire comprendre : Agrégé à la Faculté des lettres, sorti de l’Université pour entrer à l’Académie dont il a voulu le prix qu’il n’a pas manqué, ayant par conséquent des terreurs respectueuses fort naturelles pour le progrès, et non moins naturellement des affections intellectuelles pour l’Église, M. […] Avec son style naturellement sans couleur, ce style blanc et doux que l’abstraction a blanchi encore, il n’a fait aucun mal aux yeux des hommes à conserves qui avaient à le juger, et ils ont tous apprécié infiniment cette flanelle… Certainement, pour manquer le prix, il fallait s’y prendre de toute autre manière. […] Jourdain n’avait pas l’ambition de manquer le prix avec éclat. […] Jourdain aperçoit très bien dans tout le cours de son ouvrage, mais dont il se détourne pour ne pas contrarier l’Académie et… manquer son prix !
La faute n’en est pas à l’esprit du voyageur, qui ne manque ni de regard ni de lorgnette ; mais à sa manière de voyager et de regarder. […] Évidemment, l’esprit qui se joue avec cette aisance dans les difficultés d’un résumé où les événements et les hommes s’entassent, ne manque ni de force ni de souplesse. […] À ses yeux, c’est un de ces points où toute la vie d’une nation reflue, quand l’activité nationale, fatiguée de chercher en vain la sève qui lui manque, s’efforce de se répandre au dehors et d’atteindre des puissances nouvelles. […] Pour notre compte, nous ne savions pas que la France eût besoin de chercher, en ce moment, une sève qui lui manque, et que toute notre vie d’État dût refluer dans le port de Marseille, parce qu’il est un des plus brillants entrepôts de commerce que nous ayons sur la Méditerranée.
On voit combien ce nom et le souvenir d’une ancienne grandeur en imposaient encore : « L’orateur, dit-il, craint de faire entendre devant les héritiers de l’éloquence romaine, ce langage inculte et sauvage d’au-delà des Alpes, et son œil effrayé croit voir dans le sénat les Cicéron, les Hortensius et les Caton assis auprès de leur postérité pour l’entendre. » Il y a trop d’occasions où il faut prendre la modestie au mot, et convenir de bonne foi avec elle qu’elle a raison ; mais ici il y aurait de l’injustice : l’orateur vaut mieux qu’il ne dit ; s’il n’a point cet agrément que donnent le goût et la pureté du style, il a souvent de l’imagination et de la force, espèce de mérite qui, ce semble, aurait dû être moins rare dans un temps où le choc des peuples, les intérêts de l’empire et le mouvement de l’univers, qui s’agitait pour prendre une face nouvelle, offraient un grand spectacle et paraissaient devoir donner du ressort à l’éloquence : la sienne, en général, ne manque ni de précision, ni de rapidité. […] Cet ouvrage est parvenu jusqu’à nous, et il a, en grande partie, les défauts de ce temps-là ; mais l’évêque qui osa reprocher au maître du monde le meurtre de Thessalonique, et commanda à son empereur d’expier devant les hommes et devant Dieu un crime que des courtisans féroces avaient conseillé et que des courtisans lâches n’avaient pas manqué d’applaudir, mérite bien grâce pour les défauts de goût, et pour quelques phrases peut-être ou faibles ou barbares. […] Enfin, pour qu’il ne manquât rien à sa gloire, les arts lui élevèrent des statues, des obélisques, et une colonne semblable à celle de Marc-Aurèle et de Trajan. […] Gratien, qui eut de la faiblesse et du zèle, qui posséda peut-être le courage militaire, mais à qui le courage d’esprit et les talents manquèrent, que les écrivains d’un parti ont comparé aux meilleurs princes, que ceux du parti contraire ont comparé à Néron ; Gratien, dont le plus grand mérite peut-être est d’avoir, élevé Théodose à l’empire, et qui, après un règne de huit ans, mourut à vingt-quatre, vaincu à Paris et assassiné à Lyon, eut aussi ses panégyristes.
Il dit, et soudain le cœur et les genoux de Pénélope lui manquent à la fois ; elle reconnaît Ulysse à cette marque certaine. […] Il n’aurait pas manqué de semer son récit de réflexions philosophiques, de vers frappants, de mots heureux. […] Elle paraphrase des vers tels que ceux-ci : Ὢς φάτο ; τῆς δ’ αὐτοῦ λύτο γούνατα καὶ φίλον ἦτορ, À ces mots la reine tomba presque évanouie ; les genoux et le cœur lui manquent à la fois ; elle ne doute plus que ce ne soit son cher Ulysse.
Votre livre est-il manqué ? […] N’ajoutez pas de chapitres à un livre manqué. […] Vous ne lui rendrez pas le souffle qui lui manque.
Ce cadre venant à lui manquer, il s’est dilaté outre mesure, sans plus de limites, et à la manière des gaz élastiques dont il se rapproche par l’éthéré de sa poésie152. […] Ce qui manque dans les œuvres, le point d’appui et d’arrêt, où donc la critique le trouverait-elle ? […] De notre temps, les débuts ont été vifs et beaux ; mais c’est encore le monument qui manque. […] On en est aux regrets ; il faut se résigner, nous le croyons ; l’Horace et le Virgile, le Racine et le Despréaux, ces suprêmes et légitimes dictateurs qui couronnent et consolident une grande époque littéraire, manqueront à une époque brillante, mais diffuse, mais anarchique poétiquement et démocratique de prétentions et de concessions sur ce point comme partout ailleurs.
Il remplace par ces trois torts une qualité littéraire qui manque à tous ses écrits, la maturité qui donne la réflexion… Si le bruit et le mouvement n’y manquent pas, la vérité, l’harmonie, la raison y manquent presque toujours. […] Parigot, une tragédie manquée dans Charles VII chez ses grands vassaux, qui me paraît être, malgré les vers, un des meilleurs drames historiques de Dumas).
Feu notre ami Greuze n’eût pas manqué de prendre l’instant précédent, celui où un père, une mère, envoient leur fille à son époux. […] Il ne manque là qu’une vieille. […] Au gué, qui fait le pendant, le ciel est joli, et les figures très-finies ; mais il s’en manque un peu qu’au maréchal elles aient cet esprit-là. à la botte rajustée la couleur est douce, mais n’est-elle pas un peu grise ? […] Ce tact lui manque et j’en suis fâché.
Notre attention a été fixée un instant sur un phénomène bien singulier de nos langues actuelles, qui manquent, avons-nous dit, du sentiment de la continuité d’existence ; et cependant il est impossible qu’un tel sentiment ait jamais été banni des conceptions de la pensée. […] Il arrivait donc pour cela, par exemple, que, dans le verbe, la pensée manquait d’expression, et était obligée de ne s’appuyer que sur elle-même. […] En un mot, la pensée, ainsi que le sentiment musical, manquait d’une expression franche, nette, énergique, dont la force fût en elle-même. […] Mais, quoi qu’il en soit, j’ai besoin de le redire, et je voudrais faire passer dans mes lecteurs la conviction intime où je suis que Dieu ayant fait l’homme pour vivre en société, la providence de Dieu ne cessera point de veiller sur les sociétés humaines ; quoi qu’il en soit, répéterons-nous, s’il est vrai que jusqu’à présent Dieu se soit servi de la parole pour diriger les destinées du genre humain, si la parole enfin a été jusqu’à présent une révélation toujours subsistante au sein de la société, et que ce moyen ait cessé de lui paraître utile ou nécessaire, il saura bien en faire sortir un autre de la force même des choses, en supposant que celui-là manquât d’une manière absolue, ce que je suis loin d’admettre, ainsi qu’on a pu le voir, ou en supposant qu’il soit devenu insuffisant, ce qu’on sera beaucoup plus porté à croire.
Elle mérita plus que personne, parmi les remueuses de plumes de son temps, ce nom de bas-bleu dont l’Angleterre, la première, a chaussé ses femmes-auteurs, et que la France, qui aime l’uniforme, n’a pas manqué d’adopter pour les siennes. […] le bas-bleu qu’elle était le manqua, ce sujet de femme ! […] Elle se ressouvint qu’elle était l’auteur du Moqueur amoureux, — un joli sujet qu’elle a manqué aussi, — et son livre fut une moquerie. […] Mais, quand on ne tient sous son pinceau que des ridicules, il faut les faire vivre le plus possible pour qu’on les voie bien ; il faut leur donner la couleur et le relief, et le mouvement et l’intensité de la vie ; et c’est là ce qui manque le plus aux ridicules de Mme Sophie Gay !
Certes, quand on descend d’une pareille chaîne d’esprits et qu’on va d’Aristote à… Sieyès, à travers le christianisme qui de toutes les manières fut une révélation, on se demande ce qui aurait manqué à l’humanité, devenue chrétienne, quand elle n’aurait pas eu, pour tracasser ses annales, tous ces gaillards-là ! […] Et même quand les grands noms, — et vous, venez de voir si on peut les compter, — quand les noms dignes de leur bruit auraient manqué aussi comme les autres, croit-on que c’eût été un si grand tort de vérité, fait à la terre ? […] Elle l’a parlé quand elle a manqué de tempérament ou de bravoure. […] Malheureusement, c’est le christianisme, purement et sévèrement entendu, qui manque à M. de Beauverger.
Bourdaloue et Bossuet, ressuscités parmi nous, seraient donc tenus de jeter sur le temps, — sur le détail des questions du temps, — ce regard pénétrant qui n’a jamais manqué au prêtre, si surnaturellement pratique. […] Ils auraient compris enfin que, si le chrétien manque de précision dans ses initiatives, Proudhon est dans son droit et qu’il déborde comme un flot. […] Ventura avait pour la Critique l’intérêt d’un esprit de l’ordre le plus élevé qui, jusque-là, s’était illustré dans de très puissantes polémiques, mais que l’événement et le choix de l’Empereur mettaient en demeure de se montrer fécond et net dans sa fécondité et de dire enfin le mot suprême que, sur toutes les questions, le christianisme, s’il rencontre un homme de génie, n’a jamais manqué de prononcer ! […] Ce n’est pas cependant le courage qui lui a manqué.
» Il se demande pourquoi ces livres traduits de l’anglais ont tant d’attrait pour lui ; il s’aperçoit bien de ce qui y manque pour l’ordre, pour la méthode, et combien « à décliner les choses par les règles » les écrivains français paraissent supérieurs ; il sent le besoin de s’expliquer cette action si réelle sur les esprits sérieux : C’est qu’ils raisonnent avec grande force, dit-il, et qu’il n’y a jamais de lieux communs comme dans nos auteurs, même comme dans ceux des nôtres qui raisonnent le plus à l’anglaise. […] Cela ne le rend pourtant pas injuste pour nous Français, ni aveugle sur les défauts de nos voisins, et il met des correctifs énergiques à ce grand sens qu’il leur reconnaît : Ce sont des sauvages philosophes et avares ; leur profondeur en philosophie est même une passion ; mais la douceur et la politesse qui leur manquent, et que les Français ont naturellement, les rendent inférieurs à nous pour faire passer les bons principes jusques à l’action. […] Cette analyse pourtant va lui enlever le seul brillant aspect sous lequel de loin on se le figure : il ne gardera pas intacts les honneurs mêmes de Fontenoy ; mais laissons-le faire : À peine ai-je pensé peu de moments en ma vie à ma gloire particulière ; je n’ai cependant jamais manqué de sentir combien elle réclame dans le coeur et dans les sens. […] Là aussi il a été malencontreux et gauche comme il en avait trop pris l’habitude ; occupé de son gros bagage, il a manqué le coche, comme on dit. […] On lui faisait la description d’un de ses officiers qui n’avait pas le sens, qui était brutal, stupide, etc. : « Enfin, dit le roi, c’est un brave homme, c’est tout dire. » Il ne manquait à Louis XV que d’avoir dit ce mot-là pour achever de le peindre.
Il a manqué à Gœthe d’être venu à Paris et d’y avoir passé six mois. […] Qu’y manque-t-il ? […] La difficulté est bien plutôt de s’isoler, de se défendre du trop d’information qui, de droite ou de gauche, n’est qu’une distraction perpétuelle ; mais, à Weimar, Gœthe avait dû songer de bonne heure à la meilleure manière d’entretenir et de renouveler régulièrement l’activité, le mouvement dont il sentait le besoin, — la seule chose qui lui ait un peu manqué. […] Je lui répondis que j’en avais bien écrit quelques-unes, mais que je manquais du calme nécessaire. […] Le monde est si grand et si riche, la vie si variée, que jamais les sujets pour des poésies ne manqueront.
L’empereur eut beau lui expliquer qu’il y avait été contraint par le manque d’argent, de capitaines et de soldats, ainsi que par l’indisposition de sa personne : il répondit toujours qu’il n’aurait jamais voulu fuir. […] Le char aux roues inégales était mal attelé et manquait de cocher. […] Ilparle avec difficulté et lenteur, et ses paroles manquent de suite. […] On ne manquait pas d’agiter pour ce triste héritier bien des projets de mariage ; son alliance était recherchée et au concours. […] La lettre autographe du roi au pape, qu’on croyait perdue, qui faisait lacune dans les Archives du Vatican, dont la minute manque également dans les papiers de Simancas, mais dont M.
Chapelier, qui, à l’exemple de Barnave, ne demandait pas mieux que d’entrer dans cette voie de transaction et qui en avait pris même l’engagement secret à la veille de l’ouverture des débats pour la révision de l’acte constitutionnel, fut le premier à y manquer quand on fut à la tribune ; il y manqua, parce qu’on n’est pas libre de rétrograder quand on marche en colonne, parce que la force des choses en ces moments domine les volontés particulières ; parce qu’il y a courant et torrent irrésistible au dedans des assemblées comme au dehors ; parce que les mêmes hommes ne peuvent pas jouer deux rôles opposés à quelques mois d’intervalle devant les mêmes hommes, devant les mêmes murailles ; parce que l’esprit même y consentant, la langue tourne et s’ refuse ; parce que les murs, à défaut des fronts, ont une pudeur ; parce qu’enfin les uns se lassant, d’autres tout frais et tout ardents succèdent, qui ne permettent pas ces petits compromis particuliers avant le complet déroulement des principes et l’entier épuisement des conséquences. […] Ce capitaine de grenadiers a manqué à Versailles, comme aux Tuileries, comme à Varennes : il aurait fallu qu’il fût de garde en permanence. […] Madame Élisabeth, qui avait plus d’esprit de fermeté que son frère, participait à ce triste défaut ; et, chose encore plus singulière, la reine, qui ne manquait ni d’esprit ni de décision, était sur ce point-là à l’unisson avec le roi et sa belle-sœur. […] » — « Certainement, je le servirai de tout mon cœur ; il me connaît, il sait que je suis incapable de lui manquer de parole. […] Je ne crois pas que la meilleure manière de servir la mémoire de Malouet soit d’exagérer ses mérites ni d’amplifier son influence, et encore moins de chercher auprès de lui une occasion banale de déclamer contre la Révolution ; mais il manquerait quelque chose à la connaissance de ces temps orageux, si on ne l’écoutait et si l’on ne tenait grand compte de son témoignage.
La révolte manqua, comme on eût pu s’y attendre. […] Elle n’était pas moins heureuse divinement, quand elle l’avait vu une demi-heure de soirée au milieu d’une compagnie qui empêchait toute confidence, et ce bonheur dû au seul regard et à la présence de la personne chérie la possédait tout entière sans qu’elle crût manquer de rien. […] C’était l’aspect habituel de son amour : il n’y manquait rien, mais une certaine ardeur désirable ne le couronnait pas. […] Il comprit qu’il avait manqué ; il se confessa coupable de n’avoir pas saisi à l’instant cette même impression. […] si je n’avais insisté presque contre la convenance tout à l’heure, je manquais, après des mois, la première occasion de vous parler ?
il n’y manque même pas un pape. […] Il manqua de gravité, de décence, de respect d’autrui et de soi-même : qui donc en ce siècle avait souci d’embellir son être intérieur ? […] Il y voulait plus de justice, parce que son esprit était choqué d’un manque de justice comme d’un manque de logique. […] Ce style manque d’éloquence, de poésie, de pittoresque. […] De là son manque de gravité dans la critique religieuse.
Non ; car, de la même vue dont il regarde ces avantages, il aperçoit ceux qui leur manquent. […] Dans le même temps que La Bruyère, par sa manière d’administrer la morale, nous met le plus à l’aise avec nous-mêmes, par sa méthode, ou plutôt par ce manque étudié de méthode, il se rend maître de notre attention. […] Cependant un critique délicat, Suard105, le loue de qualités qui auraient manqué à ceux-ci. […] Tels passages ressemblent à certains tableaux qu’on cite dans l’histoire de l’art ; il manque à ces tableaux, parfaits dans les détails, un objet principal dont tous les accessoires tirent leur prix. […] Les critiques contemporains n’avaient pas manqué de reconnaître, la prévention aidant, par où péchaient les Caractères.
Bref, il ne manquait rien au comte de La Marck de ce qui constituait alors un homme du plus grand monde, vivant sur le pied le plus agréable et dans une flatteuse considération. […] En un mot, il n’avait ni les formes ni le langage de la société dans laquelle il se trouvait ; et quoique, par sa naissance, il allât de pair avec ceux qui le recevaient, on voyait néanmoins tout de suite à ses manières qu’il manquait de l’aisance que donne l’habitude du grand monde. […] Ces résistances que Mirabeau rencontrait de toutes parts pour un emploi salutaire et régulier de toute sa force le faisaient souffrir ; il ressentait profondément ce manque d’autorité morale au sein de sa renommée et de son génie : « Ah ! […] il ne manque qu’une seule chose à ces conseils, pour que l’admiration soit heureuse et tout à fait à l’aise en les recueillant de la bouche de l’homme d’État et de l’homme de génie : c’est d’avoir été donnés gratuitement. […] Les développements seront faciles, les occasions fréquentes, la prestesse et l’habileté ne manqueront pas dans le conseil secret ; des chefs même, on en trouvera.
Voltaire le manquait rarement. […] Aucune possibilité ne lui manque. […] Ces deux innocences auxquelles l’amour a manqué de parole ne peuvent être consolées. […] Ce qui lui manque, c’est le manque. […] C’est ce trouble qui manque à Goethe, loué à tort pour son impassibilité, qui est infériorité.
et, quoiqu’il soit assez éclairé et même assez juste pour vouloir toujours être impartial, son impartialité manque de hardiesse et n’ose pas descendre dans ces profondeurs. Le livre que nous attendions est donc manqué et nous continuerons de l’attendre. […] Mais il se noie dans son abondance ; mais son élégance manque de tournure, et le trait chez lui, — quand la pensée est le mieux tendue, — est toujours plus ingénieux que pénétrant. […] Ce flambeau manque à M. […] … Et s’il n’y en a pas, cependant, le but de la critique est manqué, manqué misérablement et sans excuse.
I L’un des meilleurs profits de la Critique, c’est de pouvoir replacer un homme et un livre dans l’atmosphère d’attention et de sympathie qui n’auraient jamais dû leur manquer. […] Amédée Pommier, l’auteur des Crâneries, des Assassins, du Livre de sang, des Océanides, un des grands poètes à outrance de ce temps, ne pouvait manquer d’attirer le regard quand il publiait un nouvel ouvrage, et un ouvrage intitulé L’Enfer ! […] Est-ce le génie qui lui a manqué ? […] Non, rien de tout cela n’a manqué au nouveau poète de l’Enfer. […] Mais alors que lui a-t-il manqué ?
Ce qui manque dans ce drame, c’est tout motif intérieur, moral. […] La presse n’avait pas manqué d’expliquer l’« histoire ». […] Mais ce n’est pas le désir qui manque. […] » Or, ce qui manque jusqu’ici, c’est ce « vouloir ». […] Ce qui manqua, ce fut, je crois, l. notion du sacré.
L’agrément qui manque à M. […] L’auteur écrit certainement de génie ; il a de la force & de la chaleur ; il n’a pu manquer de plaire aux spéculatifs. […] En général, sa narration manque de chaleur, son style, de couleur & de force. […] Son style est sage & naturel, & ne manque pas d’une certaine chaleur. […] Il n’a pas manqué d’y insérer tout ce qu’il y a de vrai & d’intéressant dans l’histoire du Japon, par Kœmpfer.
Pour reprendre ma comparaison, ce qui manque à tous ces cadres, c’est un fond solide et continu auquel ils viennent s’attacher. […] Je voudrais qu’en disant nos belles qualités comme peuple, à des hommes qui en sont déjà assez pénétrés, on ajoutât, en le prouvant quelquefois par des exemples, que nous avons aussi quelques défauts ; qu’en France ce qu’on a le plus, c’est l’essor et l’élan, que ce qui manque, c’est la consistance et le caractère ; que cela a manqué à la noblesse autrefois et pourrait bien manquer au peuple aujourd’hui, et qu’il faut se prémunir de ce côté et se tenir sur ses gardes. […] Paul-Louis Courier manque son effet, parce qu’il est trop artificiel ; Voltaire manque en partie le sien, parce, qu’il est trop simple.
Elle n’a pas manqué jusqu’ici à son programme. […] Nous avons soupé ; elle n’a manqué à rien et est d’une politesse charmante à toutes choses ; mais, à moi et à mon fils, elle n’a manqué à rien et s’est conduite comme vous pourriez faire. […] Si j’y manque une seule fois, je serai ravie que le roi me le défende, et d’éprouver ce qu’une telle impression peut faire contre moi sur son esprit. […] monsieur, vous ne m’aimez plus, il y a longtemps ; mais cela est injuste ; je ne vous ai jamais manqué. » La duchesse de Bourgogne mourante eût-elle pu dire de même au duc de Bourgogne, si celui-ci s’était avisé d’être soupçonneux autant qu’il était confiant ? […] Il y a je ne sais quelle force cachée, a dit Lucrèce (ce que d’autres avec Bossuet nommeront Providence), qui semble se plaire à briser les choses humaines, à faire manquer d’un coup l’appareil établi de la puissance, et à déjouer la pièce, juste au moment où elle promettait de mieux aller.
Cet homme ayant manqué à l’heure opportune, le cours des événements et des opinions s’était dirigé autrement et au hasard ; au point où le prit Casimir Périer, il fit la seule chose forte et hardie qui était possible alors : il mit un bras de fer dans la roue du char lancé à l’aventure, et l’arrêta. […] Le rayon poétique lui a toujours manqué. […] L’essai d’importation du gouvernement anglais en France est pour lui, à cette date, une expérience manquée, et il se tourne en idée vers la forme de république américaine : « Les États-Unis, dit-il, n’ont eu depuis cinquante ans que des pouvoirs responsables ; ils n’en ont pas eu de coupables. […] Pour couper court, je dirai qu’il y eut, selon moi, un moment décisif que Carrel manqua, et où il aurait dû comprendre que la partie, telle qu’il l’avait engagée et qu’il l’aurait voulu prolonger, était sans issue. […] J’ai dit qu’il manqua l’occasion ; il n’interpréta point en ce sens public une démonstration générale si honorable pour lui ; il craignit de paraître déclamatoire, en datant hautement de ce point de départ nouveau dans sa reprise de plume au journal.
10, ne & manque, lis. & ne manque.
Si résolus que nous soyons à ne nous plus nourrir de « vaines fumées », le manque de cette pâture légère nous demeure sensible. […] Le « concert européen » — formé seulement des grosses puissances intéressées, et qui ne comprend ni la Suisse, ni la Belgique, ni la Hollande, ni le Danemark, ni la Suède et la Norvège — s’est mis à poursuivre un accord presque impossible et toujours fuyant : faux tribunal d’Amphictyons, où manquent à la fois les petits peuples libres — et le Pape. […] La communion d’un peuple dans un sentiment orgueilleux et joyeux n’est pas, croyez-le bien, d’un petit secours aux vertus privées ; et cette communion nous manque.
Il semble, et ce n’est pas le seul des ouvrages de Lamennais qui fasse éprouver cette impression, il semble qu’il y ait eu dans cette vigoureuse intelligence quelque vice organique, une lacune secrète, je ne sais quel manque de netteté dans les conceptions et de rigueur dans la dialectique. […] Il nous semble qu’il y a là un manque de goût littéraire, et que ce manque de goût tient au vice fondamental du talent de Lamennais, la tendance à l’emphase et à la déclamation. […] On pouvait croire qu’il manquait tout à fait de tendresse et d’onction ; mais, par un ou deux chapitres de ces Paroles même d’un croyant qu’on vient de voir si sévèrement jugées, il a commencé de prouver qu’il n’était pas tout à fait dépourvu de cette fibre-là. On pouvait croire qu’avec toute son éloquence d’invective, il manquait de finesse ; mais il a prouvé par deux ou trois passages des Affaires de Rome qu’il en était capable à l’occasion.
Parce qu’il manquait à la galerie de M. […] Or notez que le sens critique est tout justement ce qui lui manque le plus. […] Il ne manque pas, dit-on, parmi nous, de gens habiles ! […] Car ce roman à demi manqué n’en est pas moins, comme la plupart des romans de George Eliot, et tout manqué qu’il soit, d’une lecture plus attachante à mesure qu’on le pratique davantage. […] au moment de me mettre à ce travail, je trouve que les livres écrits sur les femmes par les hommes manquent… manquent de la collaboration féminine ».
Mais je m’aperçois que je manque outrageusement à la première règle que mes excellents maîtres m’avaient donnée, qui est de ne jamais parler de soi. […] Il m’eût semblé qu’il y avait de ma part un manque de bienséance à changer sur ce point mes habitudes austères. […] Ainsi, tout bien examiné, je n’ai manqué presque en rien à mes promesses de cléricature. […] Un certain manque apparent de franchise dans le commerce de la vie m’est pardonné par mes amis, qui mettent cela sur le compte de mon éducation cléricale. […] Il me serait impossible de manquer d’égards envers un chien, de le traiter rudement et avec un air d’autorité.
Mais nulle part ne devra manquer l’unité suprême. […] Regardons seulement quelques-unes de ces œuvres fameuses, où l’on a cru qu’elle manquait : nous l’y trouverons, et là précisément où il fallait qu’elle fût. […] Aussi n’a-t-il pas manqué d’imposer à ses œuvres une réelle unité, en dépit de leur aspect capricieux et désordonné. […] Partout où manque ce mouvement, la langueur, la froideur, l’ennui surgissent.
Après tout, le renseignement ne manque pas aux biographies qu’il publie, et on y trouve cet intérêt de l’Histoire que rien ne peut empêcher, — même celui qui l’écrit. […] Le philosophe retrouvé dans l’historien, en Rémusat, comme le navet dans le pamphlétaire, le philosophe a fait chuter le biographe dans ces généralités, vagues et déclamatoires, sur lesquelles messieurs les philosophes ne manquent jamais de patiner quand, par hasard ou par choix, ils font de l’histoire. […] Excepté Horace Walpole peut être, ce persifleur de salon, qui est de proportion avec la largeur du lorgnon carré à travers lequel il le guigne, Rémusat a manqué ses portraits historiques. […] Rémusat a manqué deux fois son livre.
Même dans cette fameuse et coupable Mademoiselle de Maupin, ce sujet flétrissant, que l’auteur n’a peut-être abordé dans sa jeunesse que par amour de la difficulté vaincue, l’indécence, froide et maniérée sous le relief et le luxe des mots, manque de la vraie chaleur de la vie, et le danger d’un pareil livre vient bien moins de ce qu’on le lit que de ce qu’on le prend pour le lire. […] Théophile Gautier a manqué la vie ! […] Ainsi, comme je l’ai dit déjà, l’absence d’une originalité vivante et le manque absolu de forte invention, voilà les deux décourageantes sensations que vous donne, dès ses premières pages, ce roman du Capitaine Fracasse, et qu’il vous continue par la suite ! […] Ses amis, qui savent très-bien, eux, sans vouloir l’avouer, bien entendu, tout ce qui manque à M.
Cet homme a la rage de choisir de grands sujets, des sujets qui demandent de l’invention, des caractères, du dessin, de la noblesse, toutes qualités qui lui manquent. […] Votre Abraham est un vieux paillard qui a le souris indécent, le nez recourbé, la physionomie grimacière et rechignée d’un faune ; il ne lui manque que les oreilles pointues et les petites cornes.
Il est impossible de rencontrer deux natures plus semblables ; chez tous deux, le satin, la paille, la hache seront toujours rendus scrupuleusement avec une minutie hollandaise ; il ne manquera à l’œuvre, pour être parfaite, que des éclairs dans les yeux et du souffle dans les bouches. […] Aussi ses admirateurs eux-mêmes conviennent-ils que ses compositions manquent d’émotion et d’élan. […] J’ai trouvé que l’École des vieillards ne manquait ni de vérité ni de force, et que la confession de Louis XI à François de Paule était une scène singulièrement dramatique ; et j’ai goûté, dans les Poésies posthumes, le rythme berceur et le charme gris des Limbes… Je n’avais pas lu Une famille au temps de Luther, mais j’en avais d’avance une assez bonne opinion, et je comptais que la représentation serait pour le moins intéressante.
On ne reproche point à l’homme d’avoir manqué de génie ; on reproche à tous d’avoir manqué de force et de vertu. […] Celui qui manque de génie n’a point de moment.
Il sentait mieux que nul autre ce qui manquait au duc de Bourgogne ; et il ne le gourmande guère que des défauts qui lui sont venus de son éducation. […] A quoi servent, en effet, ces regrets de certaines qualités qui nous manquent, sinon à nous faire méconnaître nos propres privilèges ? […] La vérité manque souvent à ces caractères formés de traits qui appartiennent à des civilisations différentes. […] Si nous ne sommes point touchés, comme Bossuet, du manque de convenance canonique du Télémaque, il n’est guère possible de n’y pas sentir par moments une sorte de manque de convenance littéraire. […] L’âge du jeune prince et son peu de savoir l’empêchant de voir ce manque de vérité locale, l’effet de la morale sur son cœur n’était point affaibli par des scrupules d’érudition ou de goût.
Celui qui est intitulé Zamor & Almanzine, ou l’Inutilité de l’esprit & du bon sens, prouve tout au plus que l’Auteur manque de ces deux qualités, dont la premiere est pourtant indispensable quand on veut amuser & instruire, & dont la seconde doit empêcher d’écrire quand on ne sait être agréable ni instructif. Prétendre égayer un Lecteur, en faisant dire par un Sultan à son premier Ministre : Taisez-vous, Visir, vous raisonnez comme un Abbé ; & en faisant répondre au Visir : Votre Hautesse me fait trop d’honneur ; peindre une Reine, en lui donnant des yeux qui ne finissoient pas, des yeux chargés de tendresse, des éternels bras dont elle ne savoit que faire; ajouter à cela des gentillesses que la plume d’une femme ne devroit jamais laisser échapper ; c’est manquer tout à la fois au costume, à la Langue, & à la décence.
Où manque cet accord, il n’y a, au lieu de gloire, qu’une réputation à débattre entre érudits. […] J’ai dit tout à l’heure ce qui vous manque de l’orateur politique. […] En candidat bien appris, il ne manqua pas de me dire qu’il les avait lu tous. […] On ne se console pas d’avoir manqué l’occasion de voter avec la majorité pour le plus méritant. […] P***, mais elle manque d’à-propos.
Cette modération a presque toujours manqué dans la dispute sur les anciens en général, et en particulier sur Homere. […] Notre langue, pourroit-il dire, n’est pas si hardie ; mais ce sont autant de beautés qui nous manquent. […] Manque-t-elle de clarté dans les ouvrages dogmatiques et dans les histoires ? Manque-t-elle de sublime dans les panégyriques, ou de sel dans les satires ? […] Nous ne manquons ni de termes hazardés, ni d’expressions audacieuses, et il n’y a encore que trop d’écrivains qui le font bien voir.
Une lumière manque à son livre pour l’éclairer, une sorte de fable pour en déterminer le sens. […] A-t-elle manqué à Félicien David, à Daubigny, à Jean-François Millet, à Victor de Laprade ? […] Je ne prétends pas, — ce qu’on ne manquerait pas de me faire dire si je ne revenais sur mon assertion, — que la poésie doive devenir un art purement plastique. […] Quel profit Voltaire, eût-il eu tout le génie poétique qui lui manquait, pouvait-il attendre de sa Henriade alors que les mémoires sur la Ligue étaient déjà dans toutes les mains ? […] À force d’avoir toujours en vue les jeunes demoiselles, on finit par manquer de respect aux hommes et à soi-même.
Grâce à cet ordre inusité, les vivres abondent dans le camp d’Amiens, les munitions ne manquent jamais ; Rosny y a fait organiser un hôpital pour les malades et les blessés, et l’on y est si bien que les gens de qualité eux-mêmes s’y font traiter plutôt que de venir à Paris. […] » répondait aux raisons d’incompatibilité que soulevait le roi : S’il m’était permis et bienséant de répliquer, je dirais que tant s’en faut que ces deux charges soient incompatibles, que, selon mon avis, elles devraient être toujours ensemble, et que jamais l’artillerie ne sera mise en son lustre et n’en tirerez l’utilité qu’elle doit produire, qu’elle ne soit exercée par un superintendant des finances, qui entende le métier de l’un et de l’autre et ne manque pas de courage. […] Henri IV, à ce mot, l’arrête et lui dit une vérité : Ce n’est pas là où il vous tient, car je sais que vous ne manquez pas de bonne opinion de vous-même, pour aspirer encore plus haut. […] Il semble aussi que, pour cette partie capitale de sa carrière, les confidences directes de Sully leur manquent souvent, qu’elles deviennent moins fréquentes, moins explicites. […] Henri IV mort, Sully manque de chef ; personnage considérable, homme d’État puissant, mais, somme toute, secondaire, il s’est plu lui-même à reconnaître que, dans tout ce qu’il a exécuté et imaginé de bien, il y avait du fait de Henri IV autant et plus que du sien propre ; cet aveu l’honore, mais il a du vrai.
Mme de Sévigné, le jour de Noël 1671, écrivait : Je m’en vais en Bourdaloue ; on dit qu’il s’est mis à dépeindre les gens, et que l’autre jour il fit trois points de la retraite de Tréville ; il n’y manquait que le nom, mais il n’en était pas besoin : avec tout cela on dit qu’il passe toutes les merveilles passées, et que personne n’a prêché jusqu’ici. […] Le troisième point ne s’appliquait plus que de loin à Tréville : cependant, comme celui-ci était connu pour avoir l’esprit caustique, ironique et d’un fin railleur, il s’y trouvait encore des choses que l’auditoire, une fois dans cette direction d’un portrait commencé, ne pouvait manquer de détourner à son intention ; par exemple, lorsque le prédicateur conseillait à tout converti qui se pique d’une réforme sévère, d’être patient et charitable, au risque de paraître moins agréable et moins spirituel dans les entretiens. — On a maintenant le commentaire du passage de Mme de Sévigné, et l’on voit comment Tréville fut dépeint et prêché par Bourdaloue en trois points. […] En parlant ainsi, on omet et l’on oublie cette longue et continuelle réfutation qu’en fit Bourdaloue dans sa prédication publique ; il n’y manque bien souvent que les noms propres ; mais, les contemporains étant très au fait de ces questions et les agitant en sens divers avec beaucoup de vivacité, les noms se mettaient d’eux-mêmes. […] Toutefois, comme le nom manque ; comme, au milieu de l’abondance, de la solidité et même de l’agrément relatif des preuves, il y manque de plus l’éclair et le coup de foudre cher aux Français, ce côté militant de l’éloquence de Bourdaloue lui a peu survécu et ne s’est point dessiné de loin, tandis que Pascal, visière baissée, mais brillant du glaive, dans ses immortels pamphlets, est resté avec les honneurs de la victoire. […] Le théologien et futur évêque anglican Burnet, qui était venu en France peu de temps auparavant (1683), et qui y avait vu les hommes les plus distingués en doctrine et en piété (sans oublier M. de Tréville qui venait de reparaître dans le monde), n’avait pas manqué de chercher Bourdaloue : Je fus mené par un évêque, dit-il, aux Jésuites de la rue Saint-Antoine ; j’y vis le père Bourdaloue, estimé le plus grand prédicateur de son temps et l’ornement de son ordre.
Les lettres de Saint-Lambert sont lestes, dégagées, cavalières, et non exemptes d’un certain jargon poli : elles manquent tout à fait de tendresse. […] » — « Toujours. » — « Que lui manque-t-il donc pour être un poète ? » — « Ce qui lui manque, c’est une âme qui se tourmente, un esprit violent, une imagination forte et bouillante, une lyre qui ait plus de cordes ; la sienne n’en a pas assez… Oh ! […] Saint-Lambert manquait des sources vraies d’où s’alimente le genre de poésie naturelle qu’il cultivait. […] Ce noble et bon vieillard a écrit dans ses dernières années d’admirables lettres où respire la poésie de la solitude, de la campagne, de la famille regrettée et perdue, de l’amitié toujours accueillie, et de la patrie céleste de plus en plus prochaine et souhaitée ; mais le même homme, qui a sous sa plume en prose des paroles douces et fortes comme le miel des déserts, ne trouve plus dans ses vers de la même date que des couleurs mêlées, inégales, et où le talent se relâche trop dans la bonhomie : ici, c’est l’art et l’originalité de forme qui a manqué.
L’esprit manque au cœur. […] Cependant elle ne manque pas d’esprit ; mais la nature lui a refusé la suite dans l’esprit. […] Un seul trait, dans ce rude crayon, me paraît tout à fait juste et caractéristique : la reine ne manque pas d’esprit, mais elle manque de suite dans l’esprit. […] Le lendemain il adressa la parole à Mme de Luynes (dame d’honneur), et après lui avoir demandé pardon du scandale, il lui fit des excuses des peines qu’elle avait eues et dont il avait été cause. — Le roi était si occupé de cette idée, qu’il envoya le lendemain, dès quatre heures et demie du matin, réveiller Mme de Villars (dame d’atours), en qui il sait que la reine a beaucoup de confiance, pour lui demander si la reine lui avait pardonné. » Il ne manquait à ces excellents sentiments que de se soutenir, et la reine, dans sa piété confiante, dut espérer qu’il en serait ainsi. […] Si j’avais la moindre prétention d’être complet dans des indications si rapides, je n’aurais pas manqué de parler d’autres portraits encore de la reine, et notamment de celui qui se voit à Versailles et qui est l’œuvre célèbre de Nattier.
Écoutons Tacite, c’est ainsi qu’il commence son premier livre : XI « J’entreprends une œuvre riche en vicissitudes, atroce en batailles, déchirée en séditions, sinistre même dans la paix : « Quatre empereurs tranchés successivement par le glaive, trois guerres civiles, plusieurs guerres extérieures, quelques autres tout à la fois civiles et étrangères ; « Nos armes, prospères en Orient, malheureuses en Occident ; l’Illyrie troublée, les Gaules mobiles, la Grande-Bretagne conquise et perdue presque au même moment ; les races suèves et sarmates se ruant contre nous ; les Daces illustrés par des défaites et par des victoires alternatives ; l’Italie elle-même affligée de calamités nouvelles ou renouvelées des calamités déjà éprouvées par elle dans la série des siècles précédents ; des villes englouties ou secouées par les tremblements de terre sur les confins de la fertile Campanie ; Rome dévastée par les flammes ; nos plus anciens temples consumés ; le Capitole lui-même incendié par la main de ses concitoyens ; nos saintes cérémonies profanées ; des adultères souillant nos plus grandes familles ; les îles de la mer pleines d’exilés ; ses écueils ensanglantés de meurtres ; des atrocités plus sanguinaires encore dans le sein de nos villes ; noblesse, dignités, acceptées ou refusées, imputées à crime ; le supplice devenu le prix inévitable de toute vertu ; l’émulation entre les délateurs, non-seulement pour le prix, mais pour l’horreur de leurs forfaits ; ceux-ci revêtus comme dépouilles des consulats et des sacerdoces, ceux-là de l’administration et de la puissance de l’État dans les provinces, afin qu’elles supportassent tout de leur violence et de leur rapacité ; les esclaves corrompus contre leurs maîtres, les affranchis contre leurs patrons, et ceux à qui il manquait des ennemis pour les perdre, perdus par la trahison de leurs amis. » XII « Toutefois le siècle n’est pas assez tari de toute vertu pour ne pas fournir encore de grands exemples : « Des mères accompagnant leurs fils poursuivis, dans leur fuite ; des femmes s’exilant volontairement avec leurs maris ; des proches courageux ; des gendres dévoués ; la fidélité des serviteurs résistant même aux tortures ; des hommes illustres bravant les dernières extrémités de l’infortune ; l’indigence elle-même héroïquement supportée ; des sorties volontaires de la vie comparables aux morts les plus louées de nos ancêtres. […] Galba, pour prévenir le seul reproche qu’on fait à son règne, celui de manquer d’un successeur, se hâte d’adopter un jeune Romain de haute noblesse et de grande espérance, Pison. […] Galba le prend par la main en présence du sénat et du peuple : « Auguste chercha un successeur dans sa famille, lui dit-il ; moi, je le prends dans la république, non que je manque de parents ou de compagnons d’armes, mais pour prouver que je n’ai point brigué l’empire par ambition. […] C’est Néron qui vous a manqué, ce n’est pas vous qui avez manqué à Néron ! […] « Vous n’avez manqué à la subordination que dans mon intérêt ; mais, dans ces incursions, dans ces ténèbres, dans cette confusion de toutes choses, les occasions contre moi-même peuvent être offertes à mes ennemis.
Geoffroy manquait essentiellement de distinction, mais il ne manquait ni d’esprit, ni d’un certain sel. […] Ce soi-disant vieil amateur, qui faisait cette levée de boucliers à deux pas du dictateur, n’était autre que Dussault, qui, cette fois, ne manqua ni de vigueur ni de piquant. […] Il est un peu de ceux dont parle Vauvenargues (dans le portrait de « Lacon ou le petit homme »), de ces connaisseurs qui mettent dans une même classe Bossuet et Fléchier, qui trouvent que Pascal a bien du talent, et que Nicole n’en manque pas. […] Esprit exact, sincère et scrupuleux, possédant l’art d’une ironie fine, il manquait du sentiment élevé de la poésie. […] Placé entre une convenance et une vérité, il eût craint également de manquer à l’une ou à l’autre.
Un autre défaut de cette édition, et un défaut grave, c’est de manquer de cartes stratégiques et de plans des lieux, ce qui rend la lecture de ces campagnes fastidieuse et stérile pour la plupart des lecteurs. […] Avec des sentiments de justice relative et même d’humanité, Frédéric manquait absolument d’idéal, comme tout son siècle : il ne croyait pas à quelque chose qui valût mieux que lui. […] C’est en ce point surtout que périclite et manque l’établissement de Frédéric : il put être un grand organisateur, il ne fut pas un législateur. […] Si cette grande entreprise avait manqué, le roi aurait passé pour un prince inconsidéré, qui avait entrepris au-delà de ses forces : le succès le fit regarder comme habile autant qu’heureux. […] Il a manqué à ce roi consommé de monter un degré de plus sur la hauteur pour recevoir au front le rayon qui dore et aussi celui qui éblouit.
La comédie de L’École du Monde est assez agréable à la lecture ; elle n’a rien qui choque ; on ne laisse pas de s’intéresser à Émilie ; les autres caractères y sont assez bien esquissés ; on n’y manque pas aux usages ; il y a dans le dialogue de la correction, une certaine élégance, quelques traits spirituels. […] Le mouvement dramatique, comique, voilà ce qui lui a surtout manqué. […] Cet hiver de retraite d’Émilie, pendant la maladie du général, était une trop belle occasion pour que Dampré la manquât.
Non seulement toutes les époques ne sont pas marquées des mêmes caractères, mais il y en a dont le caractère propre est d’en manquer. […] J’ai fait un choix parmi les écrivains, et je n’ai retenu, pour en parler, que ceux dont il m’a paru que l’on pouvait vraiment dire qu’il manquerait quelque chose à la « suite » de notre littérature, s’ils y manquaient.
D’un autre côté, si ce feu qui provient d’un sang chaud et rempli d’esprits manque en un cerveau bien disposé, ses productions seront régulieres, mais elles seront froides. […] L’haleine manque à ceux qui ne sont pas nez poëtes dès qu’il faut s’élever sur le Parnasse. […] Supposant même que le hazard l’ait fait naître à une telle distance de ces emplois, qu’il lui soit possible de la franchir dans le cours d’une vie humaine ; il manque souvent des talens qui peuvent les lui faire obtenir.
Sa critique des Entretiens d’Ariste & d’Eugene annonce un esprit plein de finesse, de goût, & sur-tout de politesse : cet Ouvrage sera toujours un exemple à proposer aux Ecrivains de notre temps, qui manquent souvent de ces trois qualités, auxquelles ils substituent la jalousie, la mauvaise foi, & la grossiéreté. […] L’Académie ne put s’empêcher de témoigner à M. de Noyon sa surprise de le voir manquer à un usage, jusqu’alors regardé comme indispensable.
Roy ait été si médiocre dans ses autres Poésies, où il manque de chaleur, de justesse, de correction ; sa versification est communément froide, prosaïque, dure. Un caractere sec, bilieux & malin, tel qu'il s'annonce dans ses Epigrammes, devoit le plus souvent manquer de douceur, de graces, & d'aménité.
Je me représentai, moi, pauvre diable, ayant manqué dans tous mes projets, plus ennuyé, plus malheureux, plus fatigué que jamais de ma triste vie. […] Gaullieur, cette série curieuse à laquelle il ne manque pas un anneau. […] Mme de Charrière a des opéras, des feuilles, des Calistes à faire, et un pauvre diable, à deux cents lieues d’elle, ne peut manquer d’être oublié. […] ces qualités sont précisément ce qui manquait à la relation de Benjamin Constant et de Mme de Charrière. […] On peut dire que jusque-là l’air et le stimulant lui manquaient.
Les vers de Mme Desbordes-Valmore, les plaintes et les cris exhalés en ses précédents recueils, ont assez montré que telle était sa nature et que la destinée n’avait pas manqué non plus à cette douloureuse vocation. […] La terre manque-t-elle à vos pas égarés ? […] Elle manque à ma peine, elle aiderait mes jours. […] Elle manque à ma peine, elle aiderait mes jours ; Dans leurs cent mille voix je ne l’ai pas trouvée.
Deplace, avec toute la délicatesse dont il est capable, un coupon dans le prix qui lui est dû : « Si j’y voyais le moindre danger, certainement, monsieur, je ne m’aviserais pas de manquer à un mérite aussi distingué que le vôtre, et à un caractère dont je fais tant de cas, en vous faisant une proposition déplacée ; mais, je vous le répète, vous êtes au pied de la lettre co-propriétaire de l’ouvrage, et en cette qualité vous devez être co-partageant du prix…. » M. […] Aujourd’hui c’est M. de Maistre qui vient y joindre à l’improviste son autorité d’écrivain auquel, certes, la verve n’a pas manqué. […] Deplace est longtemps malade ou convalescent, je relirai moi-même ce ce livre, et je ne manquerai pas de faire disparaître tout ce qui pourrait choquer. […] De nos jours, les esprits aristocratiques n’ont pas manqué, qui ont cherché à exclure de leur sphère d’intelligence ceux qui n’étaient pas censés capables d’y atteindre : de Maistre, par nature et de race, était ainsi ; les doctrinaires, les esprits distingués qu’on a qualifiés de ce nom, ont pris également sur ce ton les choses, et par nature aussi, ou par système et mot d’ordre d’école, ils n’ont pas moins voulu marquer la limite distincte entre eux et le commun des entendements.
Se regarder vivre est bon ; mais, après qu’on s’est regardé, fixer sur le papier ce qu’on a vu, s’expliquer, se commenter (à moins d’y mettre l’adorable bonne grâce et le détachement de Montaigne) ; se mirer longuement chaque soir, commencer ce travail à dix-huit ans et le continuer toute sa vie… cela suppose une manie de constatation, si je puis dire, un manque de paresse, d’abandon et d’insouciance, un goût de la vie, une énergie de volonté et d’orgueil, qui me dépassent infiniment. […] Si, à certains moments, il est triste et découragé jusqu’à songer au suicide (du moins il le dit), c’est par accident et pour des motifs précis : un manque d’argent, un espoir déçu ; mais ce n’est point par l’effet d’une mélancolie générale ; d’une lassitude de lymphatique ou d’une imagination de névropathe. […] « Si, après cela, vous m’accusez d’être fils dénaturé, vous ne raisonnez pas, votre opinion n’est qu’un vain bruit et périra avec vous. » Et il y revient encore avec un acharnement maladif : « Ou vous niez la vertu, ou mon père a été un vilain scélérat à mon égard ; quelque faiblesse que j’aie encore pour cet homme, voilà la vérité, et je suis prêt à, vous le prouver par écrit à la première réquisition. » Or, il paraît bien que ce père était un homme assez rude et désagréable ; mais, si vous songez que ce tyran, n’ayant lui-même que dix mille francs de rente, faisait à son fils, alors âgé de vingt-deux ans, une pension de deux mille quatre cents francs qui en vaudraient plus de cinq mille aujourd’hui ; que Stendhal avait, en outre, une rente de mille francs qui lui venait de sa mère et que, si l’argent lui avait manqué pour se soigner, c’est qu’il en dépensait beaucoup pour ses habits et pour le théâtre, vous verrez peut-être autre chose que de l’indépendance d’esprit dans cette furieuse impiété filiale. […] C’est timidité ; c’est aussi manque d’argent (l’argent donnant en ces affaires une grande assurance) ; c’est surtout qu’il s’applique trop, combine trop, se regarde trop faire.
Ce n’est pourtant pas l’amour ou la préoccupation du xviiie siècle qui nous a manqué pour l’écrire. […] Naguère, on y tendait comme à l’Idéal, car l’Idéal, c’est pour les peuples ce qui leur manque et le contraire de ce qu’ils ont. […] Alors on sent profondément ce que sont les Mémoires, même les plus passionnés, même les plus suspects, pour la complète intelligence de la réalité historique, et on conçoit nettement tout ce qui manquerait si on ne les avait pas. […] Les jugements qu’on y trouve, ces jugements qui doivent couronner tous les faits quand l’historien sait penser sur ce qu’il raconte, manquent généralement du grand caractère qui, toujours dans la vérité, et quelquefois, hélas !
À ses yeux, qui ne manquent pas de superbe, les histoires de Thiers, Lamartine et Louis Blanc ne sont que des histoires partielles de la Révolution, et par conséquent, malgré le plus ou moins de talent dont elles brillent, des relations incohérentes, titubantes et contradictoires. […] Le mal vient de plus loin ; il tient à quelque chose de plus profond qu’un manque de justesse et d’architecture : il tient à la conception historique de Castille, aux racines mêmes de l’homme et du livre, et c’est ce qu’il nous faut d’abord signaler. […] Son style manque de la rigueur incisive et glacée qui serait de conséquence ici, et de conséquence obligée pour un homme, comme il l’est, friand d’unité. […] Nature artiste, qui s’invente politique et croit l’être, et, pour ne pas manquer son coup, donne du plus haut qu’il peut à toutes les choses l’absolution du résultat.
Son livre est un début heureux, auquel ne manque même pas ce qui assaisonne si bien les débuts, — un peu de surprise. […] pas manqué d’appeler les choses par ce qu’il croit leurs noms, et ces noms sont terribles. […] Il y a une étoile du berger qu’il ne faut pas plus manquer en politique qu’en amour ! […] Sixte n’est guère connu que comme un justicier, une espèce de Richelieu sous la tiare, plus grand pourtant que ce Richelieu que je m’obstine à trouver grand, quoiqu’il manque de charme, — oui !
Elle qui manque aux vieillards, durera-t-elle autant que les vieillards à qui elle manque ? […] Seulement, ce qui manque à tout cela, c’est l’unité limitée et saillante des points de vue, c’est la tenue d’opinion, c’est, enfin, la domination de ce sujet d’histoire dans lequel il faut, comme les pionniers de l’Amérique dans les broussailles monstres de leurs forêts, se servir vaillamment de la hache pour faire place nette autour de soi ! […] Je ne lui reproche qu’avec l’indulgence qu’on doit aux esprits qui manquent de tonique et qui en auraient grand besoin, ce qu’il dit (p. 62, même vol.) de l’esprit antimilitaire des Américains, lesquels, n’ayant pas d’armées permanentes, sont le plus formidable des peuples quand il s’agit de se défendre.
L’auteur a manqué à la promesse de sa jeunesse et au rêve de sa vie. […] Cette faute, c’est que tous ces médaillons multipliés outre mesure, tous ces profils fuyants de moines, qui ne fuient pas assez, manquent de variété, et je prie qu’on soit attentif à la raison que j’en vais donner. Ils manquent de variété, parce que ces moines, qui furent des Saints, se ressemblent de la ressemblance absolue de leur perfection. […] Dans des notes combinées sans doute pour resserrer des liens déjà chers, M. de Montalembert n’a pas manqué de nous présenter tout le personnel du Correspondant, vivants et morts, et sa scrupuleuse exactitude à nommer tout le monde et à n’oublier personne du cénacle dont il est l’oracle est telle, qu’on finit par ne plus savoir si Les Moines d’Occident, cette suite de petites histoires, transcrites et traduites d’histoires plus longues et mieux racontées, sont, tels que les voilà, une besogne faite par un seul homme ou par sa petite société.
II C’est cette reconnaissance que je constate seulement ici, qui n’a pas manqué à M. […] On l’a loué, et je le loue aussi, d’avoir passé sa vie dans la noble préoccupation du travail, dans le chaste recueillement de l’étude, et de n’avoir jamais demandé qu’à la littérature cette tasse de lait qui manque à tant de soifs, et qui, pour lui, Dieu merci ! […] La Maison de Penarvan n’est pas seulement un livre manqué sur un sujet qui pouvait devenir charmant, s’il eût été touché par une main habile ; mais, le croira-t-on ? […] Tout cela manque d’ampleur, de mouvement, de fortes et abondantes entrailles.
Les théoriciens ne manquent pas, pour recommander cette dernière utopie. […] Ce secours qui n’a point manqué aux jours de la décadence, ce flambeau de l’imagination et du cœur qui ne s’est pas éteint dans le passage de l’ancien monde au nouveau, devrait-il donc pâlir et disparaître dans les jours futurs du monde ? […] Au milieu de ce grand peuple accru des dépouilles de l’ancien monde et des inventions puissantes de chaque jour, parmi ces ouvriers de la onzième heure qui achèvent si vite leur tâche et reçoivent un plein salaire, dans cette nation rude et savante, nouvellement née et pleine d’expérience, enorgueillie de sa force comme de la magnifique nature subjuguée par ses arts, la poésie de l’âme, nourrie par la religion, la patrie, la famille, ne peut manquer un jour d’avoir son Orient et son Midi. […] Cette puissance de création littéraire enfin, qui manque encore à l’Amérique, sera-t-elle longtemps attardée et comme étouffée sous le poids du progrès actif de tous et du mouvement de chaque jour, par un effet presque analogue à cette loi de la discipline et du grand nombre, qui, dans la masse des immenses armées modernes et leurs efforts savamment simultanés sous les feux qu’elles bravent, laisse moins entrevoir la part de l’héroïsme et de l’inspiration individuelle ?
Des manques. […] Notamment ces deux fois qu’il avait manqué, ou qu’il allait manquer dans la même veine. […] Mais il nous en manque. […] Ce manque d’invention du mal, de la cruauté ; ce manque total d’imagination. […] Quand le vers manque, tout manque.
Ces événements, d’ailleurs, ne pouvaient manquer d’être intéressants. […] Que manquait-il à son cyrénaïsme ? […] Nous devons d’abord les faire passer par notre tempérament personnel, qui ne peut manquer de les modifier au passage. […] Mais elle ne peut manquer non plus de prendre, dans chaque pays, des caractères différents. […] L’anarchiste Melena, le voyant debout sur le balcon du palais, lève son revolver, le vise, et manque son coup.
Au contraire, ce n’est point par l’originalité que manque l’Introduction générale de M. […] Et pour qu’il s’y introduise, en effet, et s’y joigne, il suffira qu’il ait reçu de la vie l’éducation qui lui manque. […] Les forces ont pu lui manquer. […] il n’y manque pas un iota. […] et vous n’en trouverez pas un qui manque à l’amour de des Grieux.
Le temps a manqué, et de la foule des admirateurs (cela n’a rien d’étonnant), il n’est pas sorti du premier coup un bon juge. […] Ces portraits et caractères composés si savamment, mais composés et concertés, auraient pris plus de naturel et de vie ; les originaux vrais auraient apparu, se seraient développés avec ampleur, abandon, et je ne sais quel charme qui leur manque ; je le suppose toujours à l’abri du trop de facilité et du laisser-aller. […] Il y a même des endroits où le canal semble manquer, où la ligne est indécise, mais la source reprend aussitôt. […] Je pleure, et la misère insulte à mes combats… Cherchez l’or, dit la jeune épouse ; Sous les travaux mon front penché Ressemble un myrte desséché, Qui livre sa couronne à la chèvre jalouse, Ou que les vents du nord, l’hiver, ont arraché· Cherchez l’or, dit la blanche aïeule ; La bise est mortelle au vieillard ; Quand vient la neige ou le brouillard, L’âtre est vide, et le blé souvent manque à la meule Allez ! […] Le jury a fait tous ses efforts pour être juste et pour ne manquer à aucun devoir.
J’ai souvent désiré depuis pouvoir suppléer à ce manque de renseignements positifs. […] « Je sais bien toutefois que, si je n’ai pu faire mieux dans les circonstances où je me suis trouvé, j’ai manqué de l’art d’en faire naître de plus fécondes. […] « Des chèvres, des canards, des poules et des paons forment à peu près tout le peuple de nos serviteurs : ou plutôt ils exigent des soins ; et des soins assidus, mais exempts d’inquiétude, s’accordent très-bien avec le paisible mouvement de nos journées. « Pour moi, je ne manque point d’occupations importantes ; tantôt je dirige l’eau dans le potager, tantôt j’écarte la neige qui embarrasserait les sentiers. […] « Mes écrits paraîtront sombres, et l’on ne manquera pas d’y voir un effet du malheur qui m’a poursuivi. […] Cet acquittement, qui ne manqua pas de solennité, fut une satisfaction donnée à l’opinion publique.
Werther a produit plus de mauvais imitateurs qu’aucun autre chef-d’œuvre de littérature : et le manque de naturel est plus révoltant dans les écrits où l’auteur veut mettre de l’exaltation, que dans tous les autres. […] Les Allemands manquent quelquefois de goût dans les écrits qui appartiennent à leur imagination naturelle ; ils en manquent plus souvent encore par imitation. […] On a souvent reproché aux écrivains allemands de manquer de grâce et de gaieté. […] Ils s’entendent mieux que nous à l’amélioration du sort des hommes ; ils perfectionnent les lumières, ils préparent la conviction ; et nous, c’est par la violence que nous avons tout essayé, tout entrepris, tout manqué.
On dirait que les termes lui manquent quelquefois : « Mais si je raconte les choses en détail, je n’en finirai jamais ; il faudrait vous écrire un volume… Je ferai ? […] En revanche, rien ne manque de ce qui peut faire comprendre la douleur profonde. […] Ce qui surabonde en vous, monsieur, me manque : je n’ai point d’entreprise. […] Rien de pareil ne saurait se présenter de notre temps : la vie publique manque d’objet… » M. […] Son rôle ne put jamais se dessiner assez au large, pour ainsi dire ; l’homme manqua toujours d’espace autour de lui et d’essor.
Ce n’est certes pas de nos jours que Voltaire aurait droit de dire : « La France fourmille d’historiens et manque d’écrivains72. » Car, si la France n’a jamais été plus fertile en historiens dignes de ce nom par la science et par la pensée, plusieurs se trouvent être à la fois des écrivains éminents. […] Quant aux époques antérieures, où la plupart de ces pièces manquent, on en est réduit à des conjectures. […] Il est surtout une époque bien mémorable de son règne, celle qui précède la paix de Nimègue (1672-1678), dans laquelle Louis XIV ne partage avec personne le mérite d’avoir conduit sa politique extérieure : il avait perdu son habile conseiller M.de Lionne, en 1671 ; M.de Pomponne, qui lui succédait, homme aimable, plume excellente, le charme des sociétés de mesdames de Sévigné et de Coulanges, n’était pas en tout, à beaucoup près, un remplaçant de M.de Lionne, ni du même ordre politique ; il manquait de fertilité et d’invention. […] La matière trop souvent en manquera ; et, là même où elle se rencontrerait, le rédacteur ingénieux et méthodique, l’ordonnateur habile et supérieur, tel que M.Mignet, manquera encore plus souvent. […] mais en réalité nous ne nous arrangerions pas mieux, si nous y étions condamnés, de l’ordinaire du style écrit de ce temps-là que de l’ordinaire du régime politique de ce grand règne. — Cela est très-vrai. » (Longueur rebutante de phrases et enchevêtrement continuel, amphibologie de sens, manque de précision, de netteté, etc., etc.)
Il manque trop souvent de mesure et de justesse. […] À ces sociétés si bien civilisées que manque-t-il ? […] Il est fâcheux que Stendhal ne s’en soit pas avisé ; mais il lui manquait pour cela bien des choses. […] Comment ne pas voir alors que le but est manqué, que l’enquête est viciée, que l’image est faussée ? […] Grelé n’y manque pas.
Le Tourneur n’était, lui, ni un écrivain comme Diderot, ni un linguiste, ni un poète, mais il avait lu Shakespeare ; il le connaissait ; et il y avait en lui je ne sais quel instinct qui ne manquait ni de grandeur ni de force. […] les détails manquent, reprend en gémissant François Hugo, le Jérémie des feuilletons qui n’ont pas été faits : « L’Histoire, qui conte tant de choses inutiles, — (quelle portière !!) […] On se demande bien ce qu’il ferait de tous ces détails qui lui manquent, s’ils ne lui manquaient pas ; mais il n’en est pas moins triste à faire… crever de rire tous ceux qui ont le sentiment de la disproportion des choses avec le ton qu’on doit avoir, en parlant d’elles. […] du respect pour Shakespeare, ce n’est pas cela qui a jamais manqué à François Hugo. […] Rien ne manque à cette tête, devenue sérieuse, de Henri, pas même, par instants, la mélancolie du repentir et la grandiose beauté de la pensée religieuse.
On voit qu’après les poëtes et les prophètes, l’imitation plus prosaïque de Jean-Jacques Rousseau ne manquait point non plus. […] Il manqua en ce point de vraie génie. […] Il manquait aussi de cette vigueur de talent qui enfante le vers comme la musique innée enfante la mélodie, la langue qui chante. […] La vraie grandeur, celle de la vérité, manque à ce philosophe. […] Le sérieux, et par conséquent le religieux, manque à son génie.
Mais pour cela, outre la souplesse du génie, il faut de la patience : vertu qui manque plus que le génie aux François, & qui manque sur-tout aux Traducteurs ; car tout Ecrivain ne fait effort qu’à proportion de la gloire qu’il se promet de son Ouvrage ; & comme les Traducteurs savent que le préjugé du Public n’attache qu’une gloire médiocre à leur travail, aussi sont-ils sujets à ne faire que des efforts médiocres pour y réussir. » Après avoir condamné la maniere de traduire de Tourreil, on doit rendre justice aux deux Préfaces excellentes qu’il a mises à la tête de sa Traduction.
Ce qui manque évidemment à Bernis dans toute cette carrière purement politique, c’est le caractère et la trempe d’un homme d’État supérieur ; n’en ayant ni le fond ni l’apparence, il ne sut point conquérir sur ses alentours cet ascendant qui ne s’accorde jamais à ceux à qui on peut le refuser. […] Le point précis que Bernis avait cru pouvoir saisir pour rentrer dans la voie des négociations pacifiques, avant de plus grands revers qu’il prévoyait, était donc vers janvier et février 1758 ; il avait cru trouver je ne sais quel instant unique « que la sagesse lui montrait du bout du doigt », et qui fut manqué, il commençait cette année 1758 avec les plus noires prévisions, trop tôt justifiées : Nous allons jouer le plus gros jeu du monde. […] c’est là sans doute ce qui manque. […] Ses nerfs s’affectent ; en butte à l’attaque universelle de l’opinion qui, à cette heure, est toute déclarée en faveur du roi de Prusse, sans moyens directs de remédier aux maux et aux désastres de chaque jour, obligé de pourvoir aux subsides des alliés, sensible à l’idée de manquer à ses engagements si l’argent lui fait défaut (et l’argent très souvent est en retard), il pousse des cris de détresse et n’hésite pas à entrer en désaccord avec Mme de Pompadour. […] Je l’aiderai de tous mes moyens, et j’aurai la tête plus libre dès que je cesserai de manquer à ma parole.
La lecture du théâtre de Shakespeare, qu’on traduisait alors, donna au président l’idée d’un Nouveau Théâtre français, et de pièces historiques où se retraceraient en dialogues animés les principaux événements de nos annales : c’était une idée, et le président n’en manquait pas. […] Mais, dans son François II, l’exécution manque, et l’on se dit avec Mme Du Deffand écrivant à Horace Walpole : « Vous avez dû recevoir le François II du président. […] Moyennant toutes ces conditions, et « un peu de cette hardiesse et de cette liberté anglaise qui nous manque », Voltaire promettait au François II de valoir mieux que toutes les pièces de Shakespeare : c’était là une pure gaieté. […] On ne saurait dire ce qui manque à sa prose : elle est pure, harmonieuse, exacte, mais elle n’invite point à continuer… Marié et veuf d’assez bonne heure, le président ne se remaria point ; il donne à sa femme, Mlle de Montargis, des regrets qui peignent assez bien le mélange de ses sentiments : « Et d’ailleurs, dit-il, où aurais-je jamais retrouvé une femme telle que celle que je venais de perdre ? […] On avait établi une chambre royale pendant cet exil ; mais cette chambre royale, peu soutenue par le gouvernement même, manqua son effet, et la considération, et par conséquent la prétention du Parlement, s’augmenta du discrédit même de la chambre qu’on avait voulu lui substituer.
Quel dommage que le goût manque totalement là où est le zèle ! […] Aimant avant tout le naturel, adorant Molière et La Fontaine, faisant d’eux ses dieux et ne se considérant que comme leur écolier dans son genre, il manqua de bonne heure à Collé l’ambition du talent. […] Collé, après sa comédie de Henri IV, aurait pu être de l’Académie ; le duc de Nivernais et Duclos le tâtèrent là-dessus ; il aurait pu, s’il l’avait voulu, en 1763, passer sur le corps à l’abbé de Voisenon, « ce mauvais prêtre sémillant » ; mais Collé, comme Béranger, ne se croyait pas digne ou du moins capable de l’Académie : « Pour en être digne, disait-il, il faut avoir un fonds de littérature qui me manque. […] Collé, avec un talent des plus agréables doublé d’un bon sens solide, manquait d’étendue et d’élévation d’esprit. […] C’était, l’esprit de Collé qui, avec sa justesse, manquait d’une certaine élévation, plutôt que son cœur.
Ce n’est pas ce qui me manque. . […] Mme Dufrenoy était un vrai poète par l’âme, par la passion, par le sentiment du rythme et de l’harmonie ; elle avait de la composition, du dessin jusque dans l’élégie : par malheur, l’éclat du style a manqué à ses inspirations et à sa flamme. […] Coulmann des sentiments assez tendres et qui se trouvèrent blessés, à la fin, d’un manque de confiance ou d’un partage de tendresse. […] C’est manque de caractère chez eux. […] Ce n’est que comparé à lui-même qu’on sent tout ce qui lui manque. » Je pourrais extraire encore bien des passages de ces Souvenirs de M.
. ; il y manque deux morceaux très neufs sur Molière, insérés depuis dans la Revue des deux mondes (juillet 1847 et janvier 1848). […] Ce roman, d’ailleurs, est froid ; le soi-disant Gascon manque tout à fait de verve gasconne ; c’est partout l’auteur qui parle, on le sent, et non son cadet. […] Bazin, dans cet ouvrage, n’est que fin, élégant, railleur, mais non exempt de prétention, et il manque de variété. […] Il possédait les bonnes éditions, et ne manquait pas d’y surprendre les bévues que n’avaient pas su éviter les meilleurs éditeurs : il en régalait de rares et doctes amis à la rencontre. […] Je ne sais si l’on ne méprise de tout son cœur la popularité que quand on manque au fond de ce qu’il faut pour l’obtenir ; mais, quoique M.
La pièce reste précieuse, d’ailleurs, par les nombreuses particularités qu’elle renferme et auxquelles il ne manque que d’avoir été employées dans un esprit un peu plus doux et plus fraternel2. […] Michaud n’y manqua pas. […] Plus tard, quand il se décida à ouvrir le feu contre M. de Villèle, en qui il n’appréciait pas assez le côté d’homme d’affaires, et qui le choquait par son manque d’attention et de soins pour l’esprit, il disait en souriant à quelques-uns de ses nouveaux alliés : « Nous autres, nous tirons par les fenêtres de la sacristie. » — Je ne donne pas cette guerre de Fronde pour de la haute et très prudente politique ; mais je la montre telle qu’elle était. […] Il lui était pénible d’écrire ; le souffle et les muscles lui manquaient, et son peu de force physique, il le mettait en entier dans son histoire. […] [NdA] On ne manqua pas de le faire, dès le début de la seconde Restauration, dans un article très calculé et très perfide du Journal général de France, numéro du 19 août 1815.
Toutefois le judicieux, le fin et l’aimable guide ne nous tient plus par la main jusqu’au bout, et cela manque. […] Il manque à cette nature saine, droite, habile, frugale et laborieuse de Franklin un idéal, une fleur d’enthousiasme, d’amour, de tendresse, de sacrifice, tout ce qui est la chimère et aussi le charme et l’honneur des poétiques natures. […] Ç’a été de voir que, dans le temps où il était décidément esprit fort, il a manqué à la fidélité d’un dépôt, et que deux ou trois autres libres penseurs de sa connaissance se sont permis des torts d’argent ou de droiture à son égard : « Je commençai à soupçonner, dit-il, que cette doctrine, bien qu’elle pût être vraie, n’était pas très profitable. » Il revient donc à la religion elle-même par l’utilité. […] Le dévouement d’un chevalier d’Assas, la passion d’un chevalier Des Grieux, la poésie de Parisina ou d’Ariel, tout cela se tient dans la pensée, et il nous semble, au moins dans la jeunesse, que c’est manquer d’ailes et d’essor que de ne point passer à volonté d’un de ces mondes à l’autre. […] C’était un homme qui ne manquait jamais une occasion de donner une leçon utile, et là-dessus il me dit : « Vous êtes jeune, et vous avez le monde devant vous ; baissez-vous pour le traverser, et vous vous épargnerez plus d’un bon choc. » Cet avis, ainsi inculqué, m’a été fréquemment utile, et j’y pense souvent quand je vois l’orgueil mortifié et les mésaventures qui arrivent aux gens pour vouloir porter la tête trop haute.
Ses hypothèses manquent bientôt du corps même d’une hypothèse. […] N’insulte-t-on pas tout ce qui contrarie et résiste, quand on est violent et orgueilleux, et les savants ont-ils l’habitude de manquer de violence ou d’orgueil ? […] Renan n’en manque pas, la pensée d’un homme incline fatalement ou de choix vers les thèses les plus niaises et maintenant les plus compromises. […] Et nous disons systématique, en pesant sur le mot, car le manque de clarté dans M. […] Renan, de voir du talent là où manquent la netteté, les preuves, l’enchaînement et la conclusion !
Ici les développements ne manquent pas, mais ils se pressent confusément, et les images entassées par le poète n’ont pas toute la valeur qu’elles pourraient avoir, parce qu’elles manquent d’air pour se déployer librement. […] Hugo, car chacun de ces sentiments, exprimé avec sincérité, ne manquerait pas d’émouvoir. […] Il est maître de la langue, il dit tout ce qu’il veut ; que lui manque-t-il ? […] Il est évident que le temps n’a manqué ni à la conception, ni à l’exécution de ce récit. […] C’est ce qui arrive nécessairement toutes les fois que le style manque d’unité.
Troplong, dans un premier chapitre publié il y a déjà quelques mois (31 août 1855), avait très-bien marqué ce qui manque aux historiens latins, même aux plus distingués, pour nous expliquer à fond leur société et pour nous donner la clef de ses progrès ou de son abaissement. […] « Mais, convenons-en, sans manquer de respect à Tacite, la philosophie de l’histoire a eu souvent de bien meilleures inspirations que celle-ci, et il ne faut pas faire des prodiges d’esprit pour apercevoir que, si les hommes n’aimaient pas le pouvoir, ils ne se disputeraient pas pour le pouvoir. […] Un auteur qui croit que tout est mal à partir des XII Tables ne prouve rien autre chose, sinon qu’avec des dispositions misanthropiques, un homme de génie, grand peintre et moraliste intègre, peut manquer du tact si nécessaire à l’histoire pour discerner, au milieu des maux de ce monde, la somme toujours croissante des biens par lesquels la Providence vient les compenser. » Si cela est vrai de Tacite, de combien d’autres ne le dira-t-on pas ? […] Et à quelle époque serait-il plus opportun de le faire qu’à celle où la notion et l’idée du souverain se personnifie d’elle-même, et où la nation, grâce à une impulsion incomparable, acquiert et retrouve la seule chose qui lui avait manqué depuis quarante ans, la grandeur ?
D’où vient qu’un discours sensé où les expressions ont leur sens exact et précis, où il semble qu’il ne manque rien d’essentiel, manque son effet, et soit faible, froid, ennuyeux ? La cause est précisément que les mots, bornés à leur objet propre, ne sollicitent pas l’esprit à penser au-delà de leur sens, ne lui ouvrent point de vue sur des choses inexprimées ; la phrase n’a ni dessous ni profondeurs ; mettant toute sa richesse en dehors et comme en étalage, ne tenant rien en réserve, elle est toisée, prisée d’un coup d’œil : il y manque ces groupes d’images et d’idées, qui, surgissant derrière les mots, saisissent l’esprit et transforment la lecture distraite des yeux en une avide curiosité de toute l’âme. […] Sully-Prudhomme écrit : Les villages sont pleins de ces petites filles Roses avec des yeux rafraîchissants à voir, Qui jasent en courant sous le toit du lavoir ; Leur enfance joyeuse enrichit leurs guenilles, il exclut, par le choix et la combinaison des mots, toutes les images désagréables ou répugnantes que la misère et les guenilles peuvent suggérer : s’il en surgissait une seule, tout le morceau en serait gâté et manquerait son effet.
L’incessante fermentation de cette population immense et hétérogène, barons hantant la cour du roi, bourgeois dévots et caustiques, écoliers batailleurs et disputeurs, prompts de la langue et de la main, et tout ce qui s’y remuait d’idées et de passions dans le conflit des esprits et des intérêts, étaient éminemment propres à susciter une poésie sinon très haute, du moins très vivante : le poète, cette fois, ne manqua pas. […] Et en général, quelque sujet qu’il touche, lieu commun de morale, hypocrisie ou vice des moines, exhortation à la croisade, on ne saurait manquer d’admirer l’ampleur, le mouvement, la vigueur de sa poésie. […] Et Charité froidit, et Foi se perd et manque. […] Pour dire son triste mariage, le manque d’argent, le froid, la faim, les amis « que le vent emporte, et il ventait devant ma porte », il a des mots pénétrants, de mélancoliques ironies qui vont au cœur.
… Pourquoi Mme de Staël qui, comme Chateaubriand et Balzac, a bien droit à une publication d’ensemble de ses œuvres, est-elle, avec Bonald et Joubert, sur le point de manquer sur la place ? […] Elle l’a sacrée non pas seulement reine de beauté — les hommes suffisaient pour ce sacre-là — mais elle l’a sacrée, comme une « ingénuité céleste », et elle était, elle, en ingénuité, plus que l’égale de son amie, car l’ingénuité du génie (le plus grand ingénu que je sache) s’ajoutait à l’ingénuité de son âme… Femme d’esprit par-dessus le génie, qui manque d’esprit quelquefois, Mme de Staël, qui pouvait dialoguer avec Rivarol, n’a peut-être pas eu dans toute sa vie la cruauté d’une épigramme à se reprocher. […] mais en métaphysique et dans la critique littéraire, elle manque de principes arrêtés, du haut desquels on regarde les choses ; elle ne sait juger définitivement ni les œuvres, ni les systèmes. […] Elle n’a pas, à défaut du discernement qui lui manque, ce que j’appelle la caresse des œuvres que Mme de Staël rend plus belles, en les caressant.
il n’a pas manqué d’hommes de génie et de talent pour la soutenir. […] Quoi qu’il en soit, après Fénelon, contre lequel le cœur lui a manqué un peu, Lerminier retrouve toute l’indépendance de sa pensée ; et, suivant l’erreur qui tombe, d’esprit en esprit, toujours plus bas et toujours plus large, de Fénelon en Montesquieu, de Montesquieu en Mably, de Mably en Barthélemy, de Barthélemy en Saint-Just et en Robespierre, et de ces derniers en toute cette plèbe de démocrates timbrés encore de République, il dresse admirablement le compte de cette longue lignée d’adorateurs de la Grèce, qui l’aiment, il est vrai, à la manière grecque, avec un bandeau sur les yeux, et qui ont cru, soit dans leurs livres, soit dans leurs essais d’organisation politique, qu’on pouvait détremper et pétrir les cendres des civilisations consumées pour en faire le ciment des institutions des peuples vivants ! […] L’art de gouverner, la politique, manque à la Grèce. […] Par un reste des respects de sa jeunesse, il dit quelque part que Montesquieu avait la passion de l’impartialité, quoique Montesquieu, en fait d’impartialité, n’eût rien de plus qu’un manque absolu de principes et le parti pris de justifier toutes les erreurs du genre humain, enchâssées dans toutes les législations.
Le roi René, auquel n’ont manqué non plus ni la calomnie ni la caricature, n’a point l’importance majeure et absolue de l’homme qui a fait la monarchie française commencée par le doux saint Louis et achevée par le terrible Richelieu. […] Après avoir perdu la Sicile et manqué l’Aragon, il se rabattit sur ses duchés et il y montra toujours le roi sous le duc. […] Mais s’il ne manque ni de droiture ni de renseignement, Lecoy de la Marche, il manque d’émotion, et c’est de l’émotion qu’il fallait pour écrire l’histoire du roi René, — et venger ce preux dont on a presque fait un pleutre !
Une telle théorie de haute impudence manquait au Montfaucon intellectuel du xixe siècle, où tant de théories pourrissent. Dorénavant, elle n’y manquera plus, et elle ajoutera la supériorité de son infection aux autres miasmes de ce charnier. […] Il est de bonne foi comme un peintre qui verrait et peindrait les objets à la renverse, et qui soutiendrait qu’ils sont d’aplomb et à leur place ; car c’est ainsi que, dans tout le cours de son livre, il ne manque pas de procéder. […] D’autres diraient pour se corrompre ; mais ce dernier mot manque de sens moral en Amérique. » Or, dans ces maisons où l’on ne s’ennuie pas, et que Bellegarrigue appelle des maisons d’éducation précisément parce que l’éducation — l’instruction du cœur — y est nulle, on traite le cerveau des jeunes filles comme un cerveau d’homme.
Évidemment nous ne pouvions manquer à cette obligation de notre pensée. […] Certes, quand les choses en sont là dans les esprits, on a le droit de conclure, ce semble, sans manquer de respect au xixe siècle, que son originalité n’est pas sortie du limon qu’elle doit empreindre de son cachet, et qu’il n’est encore jusqu’ici qu’une variante prolongée du xviiie siècle. […] On doit même insister sur ce point, quand il s’agit d’un ouvrage que les partis ne manqueront pas de se renvoyer comme un projectile. […] Nicolardot, et nul n’a mieux conclu, en la voyant, du Voltaire administrateur rapace, dans sa colonie de Ferney, au ministre économe et supérieur dans un grand État, qu’il aurait pu être, si les circonstances, dont nous sommes tous les fils, ne lui eussent manqué.
La grimace manquait à ces idées. Elle n’y manquera plus ! […] Ils ne connaissent pas ce manque de corde, la simplicité de ce cri racinien : « Mais je n’en ai pas ! […] En l’absence de la corde qui lui manque pour l’âme de son chat, qu’il ajoute à sa lyre la corde de la tendresse !
Rationalistes, panthéistes, éclectiques, voltairiens, toutes les variétés de philosophes qui se tiennent entre eux comme des crustacés, sont intéressés à vanter un livre, quel qu’il soit, dont les idées ne vont à rien moins qu’à la destruction intégrale de nos dogmes et à la ruine de l’Église romaine : aussi nul d’entre eux n’y a-t-il manqué. […] La forme de son exposition se recommande aux esprits modérés par je ne sais quelle fausse bonhomie, et jusqu’à son talent d’écrivain, trop empâté pour être mordant, — trop mollusque pour être serpent, — rien n’avertit, et tout l’assure, quand il se dit chrétien, comme la plupart des hérétiques, du reste, qui n’ont jamais manqué de se dire chrétiens pour mieux atteindre le christianisme en plein cœur ! […] … Ce manque de précision qui, en métaphysique, se noue si vite en erreur ou s’étale si pompeusement en bêtise, on le signalerait à toutes pages dans le livre de Terre et Ciel, si on ne craignait pas de fatiguer le lecteur par des citations trop abstraites ! […] Ses longues dissertations dialoguées, que ne brise jamais le moindre mot spirituel, manquent profondément de vie, d’animation, de passion enthousiaste ou convaincue, et elles nous versent dans les veines je ne sais quelle torpeur mortelle.
— Il peut paraître bizarre et il n’est qu’exact de dire que, dans le moment, l’indifférence même des croyances et le manque de convictions morales tournent plutôt au profit du clergé. […] Le clergé n’y manque pas ; il a des sociétés actives, des ramifications jusque dans la plus jeune France. […] Le préambule de Cousin a eu d’ailleurs peu de succès, il manque de sérieux, et on y sent trop la fanfare.
La rencontre a manqué, un peu de ma faute. […] aucun de ces moments intéressants et décisifs n’est manqué soit dans le recueil de M. d’Hunolstein, soit dans celui de M. de Conches72. […] Mais il manquait encore la vérification matérielle, la confrontation.
Il faut prévoir les objections et les critiques que font naître toujours des publications comme celle-ci : on ne manquera pas de trouver que nous en avons « trop mis », que nous ne nous sommes pas assez souvenu de l’esprit général de cet Avertissement, auquel nous avons pris en commençant une note justificative. […] Sainte-Beuve y raconte succinctement, mais avec précision, ses relations avec la nouvelle rédaction du Globe, jusqu’au moment où le journal devint saint-simonien « Je ne le quittai point pour cela, dit-il, et j’y mis encore quelques articles. » Mais, à partir de l’année 1831, il est tellement impossible de s’y reconnaître, à cause du manque de signatures, que nous avons cru prudent de nous abstenir tout à fait, à défaut d’indications suffisantes sur les véritables auteurs d’articles qui ne laissaient pas d’être très-tentants sur Mérimée, Balzac, Eugène Sue, Charles Nodier, M. […] Mérimée aussi y « donna quelque chose d’abord, mais ne continua pas sa collaboration. » Malheureusement les indications sont de celles qui manquent le plus, pour ce dernier.
Les vrais, les dignes chefs du mouvement littéraire n’ont pas encore poussé le cri d’alarme, et il est permis de croire que la terre ne va pas tout à l’heure manquer sous nos pieds. […] il s’est exprimé sur tous points avec convenance et franchise ; il n’a manqué ni à ses convictions politiques ni à sa haute position littéraire, et, dès le premier jour, il a pris dans l’Académie, avec une noble aisance, la place que son génie lui assure partout. […] L’onction, la foi manquaient à ses paroles, quand il essayait de caractériser ces poésies aimables, peu s’en faut qu’il n’ait dit légères.
Je n’hésite pas à avancer que Racine a été romantique ; il a donné, aux marquis de la cour de Louis XIV, une peinture des passions, tempérée par l’extrême dignité qui alors était de mode, et qui faisait qu’un duc de 1670, même dans les épanchements les plus tendres de l’amour paternel, ne manquait jamais d’appeler son fils Monsieur. […] avec dédain, et que l’on prise tant aujourd’hui dans Ivanhoë et dans Rob-Roy, eussent paru manquer de dignité aux yeux des fiers marquis de Louis XIV. […] On siffle l’Avare de Molière (7 février 1823), parce qu’un fils manque de respect à son père.
Il y manque la vie. […] Vous manquez d’expérience, vous êtes maladroit, votre style est banal, vous ne savez pas, vous voulez savoir. […] Ceux qui nous jugent sans nous avoir lu ne manquent jamais de nous faire ce reproche : « Les œuvres de M.
Dans cette Oraison funebre, l’Orateur a su concilier les devoirs du Panégyriste avec ceux du Ministre de l’Evangile : il célebre les vertus du Monarque, sans manquer à la vérité ; il déplore ses malheurs, sans manquer à sa mémoire.
Hirza, ou les Illinois, se soutient encore sur le Théatre ; mais Socrate n'a fait qu'y paroître, parce qu'il manque des qualités essentielles à une Tragédie. […] Les petites Poésies de M. de Sauvigny n'ont pas les mêmes droits à l'indulgence ; elles manquent de naturel, & sentent trop le travail : à cela près, ses Lettres philosophiques & ses Odes anacréontiques offrent de l'esprit, de la finesse, & quelquefois de la sensibilité.
Le signe tout matériel qui trahit l’absence de vraie inspiration, c’est le manque d’haleine, l’essoufflement des poètes : on ne fait plus guère que des poèmes en quelques lignes. […] On le voit, ce n’est pas la matière qui manque : elle est vaste, et les grands sujets apparaissent de toutes parts. […] Nous aurons à rechercher les qualités par où elle pouvait réussir et aussi ce qui lui a manqué pour réussir complètement. […] Il y a dans tout le poème une adresse de facture presque excessive ; mais la variété manque, la liberté d’allures, la souplesse et l’ondulation des mouvements, tout ce qui fait la grâce. […] On exige de nous trop d’efforts, non pour comprendre l’idée, qui est suffisamment claire, mais pour pénétrer dans l’expression trop ramassée en elle-même, trop condensée, où l’air et l’espace manquent.
Il manqua toujours aux Necker et à leur descendance de bien connaître les Français. […] Malheureusement rien ne manque plus que la poésie au livre de Mme de Staël. […] Mais il manque de sécurité. […] Le passage est manqué, mais l’idée subsiste. […] Si tout est dépeuplé autour de la première, c’est qu’un seul être lui manque.
Les adieux d’Hector et d’Andromaque, Priam dans la tente d’Achille, Didon à Carthage, Énée chez Évandre, ou renvoyant le corps du jeune Pallas, Tancrède et Herminie, Adam et Ève, sont de véritables tragédies, où il ne manque que la division des scènes et le nom des interlocuteurs. […] L’Épopée a donc des parties qui manquent au drame ; elle demande donc un talent plus universel ; elle est donc une œuvre plus complète que la tragédie.
Fait par elle et créé pour elle, cet enfant ingrat et terrible manque perpétuellement à sa mère, — à cette mère dont il tient sa renommée, et dont, s’il eût voulu, il aurait pu tenir sa gloire ! […] Être juste, être grave, être digne, sont réellement des qualités d’homme, et qui ne les a point manque évidemment de virilité. […] Assurément, avant la sienne, les histoires sur la Révolution ne nous manquaient pas. […] Une seule manquait, une seule qui n’aurait pas manqué au xixe siècle, mais qui effrayait les hypocrisies philosophiques de celui-ci. […] Michelet n’y a pas manqué, par ce côté-là, du moins, il n’a pas vieilli.
Robert Fleury est toujours et sera longtemps un artiste éminent, distingué, chercheur, à qui il ne manque qu’un millimètre ou qu’un milligramme de n’importe quoi pour être un beau génie. […] Cela est d’une meilleure facture que le portrait précédent, mais manque de délicatesse. […] Boulanger. — Réfléchir devant ce tableau combien une peinture excessivement savante et brillante de couleur peut rester froide quand elle manque d’un tempérament particulier. […] Il manque de caractère, il manque de son sujet. […] Cela ne manque pas de style, ou plutôt d’une certaine prétention au style.
. — Je n’oserais dire de Balzac, si instruit, si docte même, qu’il n’a pas eu la connaissance d’Homère, mais je dirai sans crainte que l’habitude d’Homère lui a manqué. — Pascal, au génie sévère et à l’imagination sombre, le connaît peu ; il en parle comme de l’auteur d’un beau roman, il ne voit en lui que le père des mensonges. […] Par malheur, aucun de nos grands prosateurs d’alors, ni Montesquieu, ni Voltaire, ni Buffon, ni Jean-Jacques, n’ont lu directement Homère : il n’est entré pour rien dans la composition ni dans la trempe de leur talent ; on s’en aperçoit à leur cachet. — Ce n’est pas la bonne volonté pour Homère qui a manqué à Diderot, et, sans guère le lire, il a dû plus d’une fois en causer de près et par bouffées avec son ami l’Allemand Grimm, l’ancien élève d’Ernesti. — Celui qui l’a lu (j’entends toujours lu à la source), dans tout ce monde du xviiie siècle, ce n’est ni d’Alembert, ni Duclos, ni Marmontel, ni même le critique La Harpe, dont ce serait pourtant le devoir et le métier ; ce n’est pas même Fontanes, d’un goût si pur, mais paresseux. […] Lors même que, dans le sujet et la fable de Francus, il y aurait eu matière à une composition nationale, il manquait donc la famille des Jules et un Auguste demandant à Virgile L’Énéide au lendemain de son triomphe et de la célébration des jeux de Troie, et comme un magnifique couronnement de la paix du monde. Enfin, il manquait surtout un Virgile, c’est-à-dire ce génie à la fois imitateur, inventif et composite, qui, venu à l’heure de la maturité d’une langue et de la domination universelle d’un peuple, fond et combine toutes choses, souvenirs, traditions et espérances, avec un art intérieur accompli, dans un sentiment présent et élevé. […] Mais d’ailleurs il ne réussit pas, et il manque tout à fait de grâce et d’élégance.
Il insistait vivement, et en homme pénétré, sur le courage d’esprit qui manque presque toujours là où il est le plus nécessaire, dans cette saison extrême de la vie, « qui n’a plus de prix que celui que nous savons lui donner. — Mais ce courage de l’esprit, où le trouver, vous tous qui n’avez jamais exercé votre âme par la lutte, je dirai presque la gymnastique de la pensée ? […] Steinlen vient de lui consacrer, et parcourons les principales phases de cette longue carrière, toute semée d’épisodes, et à laquelle il n’a manqué qu’un monument. […] Bonstetten était appelé par sa naissance à ce rôle politique, et il le manqua. Il le manqua (indépendamment même des grands événements qui vinrent à la traverse) par l’éducation qu’il reçut et qu’il se donna, par son esprit novateur, ses lumières trop libérales, par ses goûts et ses vues de philosophie, de littérature et de poésie qui le promenaient en tous sens, et qui faisaient de lui un patricien bernois par trop infidèle à l’esprit du vieux sénat cantonal. […] Je ne sais si Bonstetten avait deviné juste et si le secret de la mélancolie de Gray était dans ce manque d’amour ; je le chercherais plutôt dans la stérilité d’un talent poétique si distingué, si rare, mais si avare.
Quelque chose manque, sans qu’on puisse encore dire clairement ce que c’est ; l’âme s’inquiète, et peu à peu, avec l’aide des écrivains et des artistes, elle va démêler la cause de son malaise et l’objet de son secret désir. […] Si l’on manquait en quoi que ce fût à ce code universel de l’usage, on était « une espèce ». […] Il faut donc être toujours aimable, et, à ce manège, la sensibilité qui se disperse en mille petits canaux ne peut plus faire un grand courant. « On avait cent amis, et sur cent amis, il y en a chaque jour deux ou trois qui ont un chagrin vif : mais on ne pouvait longtemps s’attendrir sur leur compte, car alors on eût manqué d’égards envers les quatre-vingt-dix-sept autres300 » ; on soupirait un instant avec quelques-uns des quatre-vingt-dix-sept, et puis c’était tout. […] Plus une aristocratie se polit, plus elle se désarme, et, quand il ne lui manque plus aucun attrait pour plaire, il ne lui reste plus aucune force pour lutter Et cependant, dans ce monde, on est tenu de lutter si l’on veut vivre. […] Le fonds et la ressource manquent à ce caractère ; à force de s’affiner, il s’est étiolé, et la nature, appauvrie par la culture, est incapable des transformations par lesquelles on se renouvelle et on se survit L’éducation toute-puissante a réprimé, adouci, exténué l’instinct lui-même.
Au temps de la Fronde, lors du fameux débat entre le cardinal de Retz et le prince de Condé, quand les gens du cardinal et ceux du prince manquèrent d’en venir aux mains dans la grand’salle du Palais de justice, on accusa la Rochefoucauld d’avoir voulu assassiner Retz. […] Il lui manquait, pour lutter avec ce sombre et puissant spéculatif, la profondeur, qu’on ne remplace point par l’étendue ; il lui manquait le temps de s’arrêter à des objets d’un débat qui doit durer autant que l’homme. […] Peut-être ne manque-t-il qu’un mot, un amendement, relatif soit au temps, soit aux personnes, pour faire de cette pensée une vérité incontestable. […] Quand son ouvrage parut, on ne manqua pas de l’accuser de trop de sévérité.
En un mot, dans Anacharsis le courant n’est jamais rapide, mais il suffit pour porter le lecteur qui n’est pas trop impatient, et à qui une élégante douceur, munie d’exactitude, fait pardonner le manque de nerf et d’originalité. […] Assis en ce lieu sublime et d’où il embrasse tout l’horizon, il ne se met point à discourir sur la formation du monde ; ce sont de ces sujets à garder pour le sommet de l’Etna ; mais il médite sur les ruines mêmes de la Grèce ; il se demande quelles sont les causes qui ont précipité la chute de Sparte et d’Athènes, et ces considérations d’une haute et sommaire histoire, pleines de vigueur et environnées de lumière, nous montrent à la fois ce qui manque dans les deux sens à l’estimable ouvrage de l’abbé Barthélemy. […] Au xvie siècle, au lendemain de la Renaissance et, dans l’ivresse qui la suivit, nos poètes français imitèrent les Grecs sans sobriété et sans goût ; ils manquèrent les grandes parties par l’excès de leur imitation même ; ils ne réussirent à bien rendre que les petits auteurs, les odes gracieuses, anacréontiques, quelques idylles tombées du trésor de l’Anthologie. […] Bientôt les académies, sa patrie véritable, lui manquèrent ; elles furent abolies. […] Il manque d’essor, de chaleur et de flamme.
Le combustible surtout ne manque pas, mais il attend qu’on l’emploie. […] Il manque de sang-froid, de tenue et de toutes les qualités mondaines, mais il a de la véhémence et de la naïveté ; il manque de grâce et de fraîcheur, sans pour cela manquer de jeunesse ni d’élan. […] Barrière manque du contrepoids des facultés réfléchies. […] Néanmoins ils ne manquent ni de finesse d’analyse ni d’exactitude. […] Les causes de malentendu abonderont, et le temps manquera toujours pour les dissiper.
Il ne manque pas de le confondre avec l’obstination. […] Ce qui leur manque, c’est la puissance rationnelle et le sens de l’idéal. […] et comme tout cela est manqué ! […] Osons le dire, ce livre est manqué comme composition et dans l’ensemble. […] À quel devoir ai-je manqué ?
Par une série d’impardonnables étourderies de la part de la nation et par suite d’une regrettable faiblesse de la dynastie nouvelle, cette consécration manqua. […] Tout se perdait dans une mollesse générale, dans un manque complet d’attention et de précision. […] De nos jours, sa modestie, sa gaucherie, son manque de talent comme orateur et comme écrivain l’eussent arrêté dès les premiers pas. […] Nous manquons d’éléments Pour y répondre avec précision. […] Il est clair que ce programme manquerait de base le jour où l’esprit démocratique pénétrerait l’armée elle-même.
Dans tous les cas, la chose ne manquera pas d’agrément. […] Celui qui l’adopte ne manque jamais de rester dans les idées générales. […] Il manque surtout de direction. […] Je manquai de dignité. […] Léon Dierx, jamais, n’a manqué à ses lois.
Amaury tourne bride, ayant manqué la bataille comme il a manqué l’amour. Cet homme a tout manqué ! […] Le siècle a manqué sous ses pas, la France est tombée de ses mains puissantes ; et pourquoi ? […] Je sais tout ce qui lui manque de vertus désintéressées, de croyances ardentes, de passions fortes, de génie naïf, de mœurs primitives ; je sais tout ce qui lui manque pour être un grand siècle. […] Mais l’espace me manque.
Marivaux ne manquera pas, pour son compte, de mettre ces chairs qu’il regrette, et d’insinuer dans ses analyses un peu de nu. […] Par ces mots bien ou mal placés, Marivaux ne veut pas toutefois faire entendre qu’un fonds commun d’esprit manquât dans ces siècles réputés barbares : loin de là, il estime que l’humanité, par cela seul qu’elle dure et se continue, a un fonds d’esprit de plus en plus accumulé et amassé : c’est là une suite lente peut-être, mais infaillible de la durée du monde, et indépendante même de l’invention soit de l’écriture, soit de l’imprimerie, quoique celles-ci y aident beaucoup : « L’humanité en général reçoit toujours plus d’idées qu’il ne lui en échappe, et ses malheurs même lui en donnent souvent plus qu’ils ne lui en enlèvent. » Les idées, d’un autre côté, qui se dissipent ou qui s’éteignent, ne sont pas, remarque-t-il, comme si elles n’avaient jamais été ; « elles ne disparaissent pas en pure perte ; l’impression en reste dans l’humanité, qui en vaut mieux seulement de les avoir eues, et qui leur doit une infinité d’autres idées qu’elle n’aurait pas eues sans elles ». […] L’ouvrage parut en onze parties, et, comme nous dirions, en onze livraisons (1731-1741) ; il y manque une conclusion ; la douzième partie qu’on y a jointe n’est pas de Marivaux. […] Cette double scène de toilette quittée et reprise est une scène de comédie toute faite, avec le jeu devant le miroir ; il n’y manque que l’actrice : car tout personnage de Marivaux semble toujours être en vue d’un acteur ou d’une actrice qui le doit compléter et qu’on dirait qu’il attend. […] Il est un de ces écrivains auxquels il suffirait souvent de retrancher pour ajouter à ce qui leur manque.
Un de mes amis16 me faisait remarquer l’autre jour que si M. le chancelier (d'Aguesseau), qui a soixante-neuf ans, venait à manquer, on devait naturellement me choisir, car personne du ministère n’est à portée de cela : M. […] Cependant il faut convenir que la faculté y manque, aussi bien que l’étude et l’acquis. […] Il avait des plans de reconstitution politique à l’étranger, notamment pour l’Italie ; il prétendait y former « une république ou association éternelle des puissances italiques, comme il y en avait une germanique, une batave, une helvétique, la plus grande affaire qui se fût traitée en Europe depuis longtemps. » Tout cela manqua. […] Il me fait bien comprendre par tout ceci, d’une part le succès du Méchant, cette comédie de Gresset, aujourd’hui si peu sentie et qui vint si à propos alors (1747) pour traduire aux yeux de tous le vice régnant, la méchanceté par vanité 21, et aussi cet autre succès, bien autrement fécond et durable, de Jean-Jacques Rousseau venant apporter au siècle précisément ce dont il manquait le plus, un flot de vrai sentiment. […] Il faut donc se battre les flancs pour leur trouver des qualités, les louer pour ce qu’ils ont, se taire sur ce qui leur manque : tels seront les flatteurs de probité et qui mèneront au bien par ce radoucissement, qui pareront la vertu des attraits de la volupté.
On sent à quelques éclairs lumineux combien il n’a manqué à cette exquise intelligence qu’un peu de recueillement et d’étude pour tout entendre des arts, de la littérature proprement dite, de tout ce qui constitue une culture accomplie. […] Le bien-être que je goûte ici depuis trois semaines, et où pourtant vous me manquez bien, en est tout consolé. […] Je crois qu’excepté lui, aucun des noms célèbres du temps ne manque à sa couronne poétique. […] Je ne sais pas une âme en rapport avec ce talent dédaigneux et charmant, et il faudrait que ce fût un homme, — C… par exemple, s’il était resté simplement poli avec moi, — car si c’est une femme, lui, M. de Lamartine et d’autres ne manquent pas de dire : « Encore une amoureuse ! […] Jars me manque bien !
Une autre fois il se trouve enfermé avec elle, par un accident imprévu, dans une vieille tour en ruines et manque de se casser le cou pour ne point la compromettre. […] Certains épisodes ne manquent pas non plus de saveur. […] Si Gandrax se tue, si M. de Camors manque à l’honneur, il nous dit que c’est qu’ils ne croient pas en Dieu : nous voyons clairement, d’après le récit même de M. […] Feuillet affirme que, si Louis de Camors manque à l’honneur (c’est-à-dire au seul devoir qu’il reconnaisse), d’abord en trompant un homme qui doit lui être sacré, puis en épousant Mlle de Tècle sans quitter Mme de Campvallon, c’est que l’honneur n’est rien, est emporté par la passion comme une paille, quand il ne repose pas sur la morale, et sur la morale religieuse. […] Même, chose inattendue, bien loin que sa chute soit la conséquence de son incrédulité et de l’exécution de son programme athée, on peut dire qu’il ne s’est mis dans le cas de manquer à l’honneur que parce qu’il a manqué d’abord au reste de son programme.
Cette première série du Décadent manquait donc d’esprit de suite et d’intérêt, en dépit, çà et là, de quelques collaborations précieuses. […] Lorsqu’à la veille de paraître, la copie manquait, nous devions y suppléer, mais, pour faire illusion, nous étions obligés de multiplier les pseudonymes. […] Tailhade avait eu aussi à se plaindre de je ne sais quels manques d’égards et il exhalait sa rancune en cinglantes épigrammes : Ce noble délire, Dieu ! […] « Considérant avec regret le manque d’unité du mouvement décadent qui commençait alors à se dessiner, il résolut de fonder un organe qui rassemblerait “ces forces éparses en un faisceau unique”. […] Pierre Loti « manque d’originalité ».
À toutes les objections de Cosnac, Louis XIV répondit : « Monsieur, je crois que vous êtes bien homme pour eux (c’est-à-dire l’homme qu’il leur faut), et on ne manquera pas de vous donner de l’appui, en faisant bien, comme je l’espère. » Dans toute cette dernière partie de sa carrière, Cosnac devient donc un personnage considérable, un des instruments actifs et perfectionnés de la politique de Louis XIV dans l’administration ecclésiastique de son royaume. […] En rentrant de cette revue et obligé par fatigue de se mettre au lit, « ce prince était tellement plein de cette armée qu’il ne nous parla, dit Cosnac, que du plaisir qu’il y avait de commander des troupes auxquelles rien ne manquait, et qui pouvaient vous attirer de la gloire à bon marché ». […] Ce mauvais procédé me touchant de dépit, je résolus de les faire monter sur le théâtre à Pézenas, et de leur donner mille écus de mon argent, plutôt que de leur manquer de parole. […] Si Sarasin, au lieu d’être amoureux de la Du Parc, l’était aussi bien devenu d’une des comédiennes de la troupe de Cormier, tout était manqué. […] Remarquez qu’en homme habile et qui n’oublie rien, Cosnac, qui savait déjà ce que c’est qu’un journal, ne manque pas, durant toute la campagne, « d’envoyer à Renaudot (rédacteur de la Gazette) des mémoires exacts et avantageusement tournés des choses que Monsieur avait faites ; et Renaudot, sans y rien changer, les plaça toutes dans les Gazettes. » Malgré tous ces moyens employés pour lui élever le cœur, Monsieur restait ce que l’avaient fait la nature et la première éducation.
On n’alla pas jusqu’à nier, de ressentiment, son talent, sa capacité, son érudition, mais tout cela manquait — disait-on et même croyait-on — de couleur, de vie, de charme, oh ! […] — ne manquait d’aucune des ciselures recherchées par les amateurs d’ornements, car le manifeste en question est aussi étincelant de style qu’il est sensé de vue ; la littérature facile, ne pouvant nier la qualité des étrivières, nia celle de l’instrument avec lequel on les lui avait appliquées. […] cet accent manque à M. […] Pour ma part, je ne croirai jamais que des hommes comme les Trelawney et les Surcouf manquent entièrement d’individualité quand ils ont quelque chose à dire qui leur pèse sur le cœur ou sur la pensée. Ils peuvent manquer de phrase et même d’orthographe, mais ils ne manqueront pas d’expression.
tous les poëtes de manquer de génie ? […] Et La Rochefoucauld manque de génie ? […] Les moyens de mourir ne manquent qu’à celui qui manque de courage. […] … » Il importe beaucoup : s’il manque à l’État, c’est un mauvais citoyen ; si l’État lui manque, l’État est insensé. […] nous manquent-elles ?
Le nom de M. de Tocqueville devait acquérir aussitôt, sous cette parole d’oraison funèbre, ce qui justement lui avait un peu manqué, le lustre et l’éclat. […] Ces manques de justesse dans un panégyriste nous font souffrir plus qu’il ne faudrait, nous autres critiques littéraires qui y regardons de plus près. […] Molé avait déjà dit autrefois à M. de Tocqueville entrant dans la vie publique, il a paru croire que l’expérience seule avait manqué à ce dernier, pour le rendre plus équitable et plus indulgent envers le pouvoir, et que M. de Tocqueville, après en avoir tâté lui-même, après en avoir senti le poids, aurait été moins rigide pour ceux qu’un abîme ne séparait pas de lui.
Au milieu d’une société étrangère par ses goûts et ses besoins à ces sortes de théories, une vive sympathie dut bientôt réunir et liguer ensemble les jeunes réformateurs : aussi ne manquèrent-ils pas de s’agréger étroitement, et de se constituer envers et contre tous missionnaires et chevaliers de la doctrine commune. […] Quant à l’école de la Muse française, elle manquait de semblables moyens de séduction. […] Le style, qui frappe et enlève le grand nombre des lecteurs, lui a surtout manqué ; et, chez elle, la pensée, souvent belle et vraie, n’a presque jamais pu se dégager de ses voiles.
Une suite d’articles sur « les poètes morts jeunes » ne manque ni de verve ni de salacité. […] J’aurais manqué, en m’exprimant ainsi, au respect que j’ai pour les sincères croyants. […] « Vous voyez, monsieur, que, si j’avais l’espace les réponses ne me manqueraient pas, et peut-être ce qu’il y a de tranchant en apparence et en réalité s’adoucirait un peu.
— c’est le marbre qui a manqué. Manquera-t-il toujours ? […] La sévérité indignée, qui fait l’histoire pathétique et lui donne son plus beau caractère, y manque aussi, et je la regrette ; mais, si la grande moralité n’est point là encore, du moins l’immoralité n’y est plus !
Je puis dire que cette dernière publicité, cette consécration du succès lui a manqué. […] Il a manqué un je ne sais quoi à la défense ; on n’y a point senti cette inquiétude, cette vigilance de tous les instants, cet ardent amour qui décèle les vrais pères. […] La prison avec son étroit espace, son manque d’air et d’exercice, même lorsqu’une administration indulgente y apporte des facilités, même quand une maison de santé est accordée comme je l’ai vu autrefois pour l’estimable et respectable abbé de Gazalès, une prison, pour peu qu’elle se prolonge, est pour un homme jeune, actif, puissant (je le prends dans les meilleures conditions), une atteinte aux sources de la santé et de la vie, une atteinte quelquefois au tempérament. […] Je demande si elle a jamais manqué de rendre justice à aucun de ceux des hommes constitués en autorité qui, sous ce régime préventif qui va cesser, ont usé envers elle de bons procédés, de douceur, d’urbanité et d’indulgence, et qui ont corrigé l’arbitraire, ne fût-ce que par le sourire. […] Mais, somme toute, comme j’entends dire que le bien l’emporte sur le mal, qu’il y a du mieux, qu’il y est déposé du moins un premier germe ; comme d’ailleurs certains adversaires en disent tant de mal qu’il faut bien qu’elle ait du bon ; comme enfin c’est une loi, et que toute loi vaut mieux qu’un pouvoir discrétionnaire prolongé, je me ferai un devoir d’en voter l’acceptation, non pas sans regret pour l’occasion en partie manquée dans le présent, et avec un vœu formel pour l’avenir.
J’y reconnais la gaieté satirique de nos pères : rien n’y manque, ni le trait qui déchire, ni le jeu de mots qui assaisonne le sens, ni la pointe pour les goûts un peu grossiers. […] On sent, du reste, les fâcheux effets de cette curiosité et de ce doute : le manque d’autorité, l’importance excessive donnée à l’individu, la pensée dégénérant en un jeu d’esprit. […] C’est par là que s’explique son manque d’autorité sur le lecteur. […] Il n’y manque même pas le précepte d’employer les termes des professions réputées nobles. […] C’est du reste, un trait ajouté dans l’édition de 1594, On s’explique qu’il ait manqué dans les premières copies qui coururent en 1593, avant la mort de ce de Rieux.
Tout fait espérer que le retard apporté à cette élection aura été favorable au poète dans l’esprit de plusieurs académiciens, auxquels il ne manquait que de laisser tomber d’anciennes préventions et de le mieux connaître. […] Je concevrais plutôt encore une indignation réelle, sincère, ardente, souvent injuste, une vraie Némésis ; mais ces guêpes, si acérées qu’elles soient d’esprit, pourtant sans passion aucune, ces guêpes-là ne peuvent aller longtemps sans se manquer à elles-mêmes.
De telle sorte que, quand un prédicateur manque parfois d’éloquence, — et j’en connais plus de ceux-là que des autres, — c’est lui qui manque à sa matière, mais non pas la matière qui lui fait défaut. […] Pellissier la saisît, et qu’il écrivit, qu’il esquissât du moins un chapitre de notre histoire littéraire qui nous manque. […] Là où manque ce sentiment, ce n’est pas lui seulement qui manque, c’est, avec lui, je ne veux pas dire la matière même de la poésie, — qui est plus étendue que la nature, — mais au moins ce qu’il y a dans la poésie de plus poétique, de plus convenable et de plus adéquat à sa définition. […] Et dirai-je qu’ils manquent de sympathie, parce qu’ils manquent d’intelligence ? Non ; mais à tout le moins parce qu’ils manquent d’expérience, de largeur d’esprit, et du vrai sens de cette vie qu’ils imitent.
Alors je te secourais sans manquer à l’honneur. […] L’envie, sous peine de manquer à sa nature, ne va jamais tête haute. […] Les données nous manquent pour résoudre cette question. […] Guizot n’eût pas manqué de la rendre intéressante. […] que lui manque-t-il ?
De n’avoir pas joué un premier rôle politique, il crut sa vie manquée. […] Paul Adam n’y a pas manqué. […] Mais il manque la tension oratoire, élément d’ailleurs capital chez lui. […] Chéops manquait probablement d’humilité. […] Ici encore, la liberté manque.
Cette impression que Mme de Girardin (alors Mlle Delphine Gay) fit sur moi la première fois qu’elle m’apparut, après en avoir beaucoup entendu parler, fut si vive, que le lieu, le jour, le site, la personne, sont restés comme un tableau dans ma mémoire, et que je pourrais dicter aujourd’hui encore à un peintre, le ciel, le paysage, les traits, les couleurs, le regard, sans qu’il manquât un éclair dans les yeux, une inflexion aux lèvres, une rougeur ou une pâleur aux joues, une ondulation aux cheveux, un nuage au ciel, une feuille même au paysage. […] Elle ne voulait qu’un cœur ; elle savait se proportionner aux plus humbles conditions de la vie commune, pourvu que l’amour, cette poésie du cœur, ne manquât pas à sa destinée. […] Ce parti ne pouvait pas choisir une personne plus accomplie pour l’un ou l’autre de ces rôles : Diane de Poitiers n’était pas plus belle, madame de Maintenon pas plus supérieure ; mais la jeune fille à qui on destinait leur rôle avait l’innocence qui manquait à l’une, la franchise qui manquait à l’autre. […] La malade était étendue à demi sur un canapé placé en plein air sur le seuil de la porte-fenêtre, entre la chambre basse et la petite cour, afin que la fraîcheur de l’atmosphère et le bruit de l’eau l’aidassent à respirer plus largement l’air qui manquait à sa poitrine. […] XXXVI Dans une lettre jointe à son testament, et qui m’est communiquée par sa sœur, il y a une prière et un reproche sorti du tombeau, auquel j’aurais été plus sensible si je l’avais mérité. « Priez, dit-elle à son exécuteur testamentaire, M. de Lamartine d’achever mon poème de la Madeleine, auquel il manque des chants, et qui est celui de mes ouvrages poétiques auquel j’attache le plus de ma mémoire.
Il ne nous manqua aucune note. […] Jamais il ne faiblit ou ne s’affaisse ; nul détail ne manque ni n’est en trop. […] Ce roman surprenant ne manque pas seulement d’intrigue au sens usuel du mot, il manque aussi de dialogue. […] La note gaie, parfois légère, qui ne manque pas dans la vie et qui manque dans les romans de Zola, le clavier de Daudet la possède. […] Le chef du Naturalisme manque de naturel et de simplicité.
Au milieu d’un remarquable soin d’écrire et de peindre, une certaine précision de ligne et une certaine gloire de couleur lui manquent. […] Fortoul n’a pas manqué de le faire ; mais ici encore il luttait avec de présents et poétiques souvenirs, il rencontrait M. de Lamartine sur son lac consacré. […] Cette fois, il est sombre, amaigri ; il souffre de son génie déjà, et de ses fautes ; il déplore son innocence perdue, il déplore surtout son inaction forcée et son manque de carrière. […] Que manque-t-il à ce premier volume de M.
Seul un grand artiste, un grand peintre, aussi difficile à rencontrer que les modèles comme Gaston de Raousset-Boulbon sont rares, pourrait peut-être, à la condition d’un chef-d’œuvre, empêcher de périr la mémoire de cet aventurier à qui tout a manqué, excepté lui-même, pour être le lord Clive de son pays ! […] Jeté par ses folies de jeune homme et les passions d’une époque qui avait aussi ses folies sur le pavé de Paris, ce bitume d’enfer qui fond les fortunes, les caractères et les courages, Gaston de Raousset, même quand il fut le plus ce qu’on appelle un franc jeune homme, ivre de ce pauvre luxe dont il eut bientôt vu la fin, éprouva toujours ces virils tressaillements intérieurs qu’éprouvent les natures héroïques quand elles sentent que l’action leur manque, l’action pour laquelle elles sont faites ! […] Cette idée, qui est celle de tous ceux qui ont aspiré à la plus grande gloire qu’il y ait parmi les hommes, depuis Fernand Cortès jusqu’à Raousset, depuis Christophe Colomb jusqu’à Lapérouse, — car découvrir des mondes, c’est toujours les prendre à quelqu’un, — cette idée que Raousset manqua, mais qui lui eût donné taille d’histoire s’il l’avait réussie, ne lui vint point comme ces bouffées d’ambition qui passent dans la tête des aventuriers et y portent parfois l’éclair… Le comte Gaston est un singulier mélange de justesse d’esprit et d’audace, d’imagination et de bon sens, de positivisme et de grandiose. […] … On ne cite de tels vers que parce qu’ils s’appellent La Sorcière, — parce que cet homme qui a manqué un empire se promettait une royauté, — parce qu’il n’a pas revu son château et que nous savons à présent où ses os blanchissent… Macbeth pur, tué avant la couronne, et qui n’a sur les mains que son propre sang !
Mitraud sur la Nature des sociétés humaines, comme il dit, et ce livre dont tout pour nous, jusqu’au titre, manque de rigueur et de vérité nous a jeté dans des perplexités étranges. […] En effet, si, philosophiquement, le fond des choses manque au livre des Sociétés humaines, si la théorie n’y bâtit même pas la première arche du pont sur lequel elle doit passer, il y a néanmoins, dans cette œuvre d’expectative, des opinions qui font prendre patience aux plus pressés et qui préviennent sur ce qui doit suivre. […] M. l’abbé Mitraud, avec ses tendances générales et son manque provisoire de théorie carrée et résolue, nous fait l’effet d’une espèce d’abbé de Saint-Pierre, mais renouvelé, rajeuni, rajusté par les formes et le langage de la discussion au dix-neuvième siècle. […] Ce qui lui manque, c’est donc le plus important, c’est l’intuition, l’observation, le principe net et subjuguant qui empêche de se méprendre sur la pensée d’un livre et d’un homme, et à la lueur duquel les amis se reconnaissent, — et les ennemis aussi, malgré la ruse de guerre de leurs perfides applaudissements !
Instruit de ces détails, tu es monté sur le trône ; c’est pourquoi, comme si ce vaste empire n’était qu’une famille, tu vois d’un coup d’œil quels sont tes revenus, quelles sont tes dépenses, ce qui manque, ce qui reste ; les opérations qui sont faciles, celles qui ne le sont pas. […] Valens, qui ne manqua jamais une occasion d’être cruel, sous prétexte d’être juste, l’avait fait traîner dans les prisons, où il souffrit tous les tourments que notre justice barbare ne compte pour rien, parce que ces tourments ne sont point la mort. Dans le même temps Procope se révolta ; bientôt maître de Constantinople et de presque tout l’Orient, il offrit au philosophe dans les fers, sa liberté, ses biens et des honneurs, s’il voulait se déclarer pour lui : le philosophe refusa ; Thémiste ne manque pas de faire valoir à l’empereur ces refus généreux ; il le compare à Socrate : « Condamné, dépouillé de ses biens, accablé sous les chaînes, on ne l’a pas même entendu se plaindre ; que dis-je ! […] Alors toutes les cabales, toutes ces petites haines, tous ces enthousiasmes d’un jour, toutes ces décisions si graves de gens importants, ou qui croient l’être, ces luttes des sociétés qui se combattent, ces chocs des petites réputations contre les grandes, ces fureurs, tantôt si atroces et tantôt si puériles, appuyées quelquefois par le crédit qui se cache, et toujours par la malignité orgueilleuse, qui ne manque jamais d’applaudir à l’audace qui humilie le talent, tout cela disparaît.
En effet il manque à l’être, et semble pétri de contradictions. […] Il manque donc à représenter de grands ensembles. […] Bourget a manqué à la fois d’être l’un comme l’autre. […] On sait que nous n’en manquons pas. En France, d’ailleurs, pays de moralistes par excellence, en manqua-t-on jamais ?
Les Poëtes tragiques de nos jours, qui ne manquent certainement pas de se préférer à M. de Morand, sont bien éloignés de posséder un semblable talent. […] Son dessein est régulier, ses caracteres sont vrais, ses ornemens sont dispensés à propos, sa versification est douce & facile, mais elle manque de vigueur & de coloris.
Pourtant, il ne manquait ni de style, ni de finesse. […] Et tout cela peut manquer de noblesse. […] Mais Sainte-Beuve ne manquait pas de changer le ton et de railler. […] Il semble avoir manqué sa tentative par faiblesse. […] Voilà pourquoi ses ouvrages manquent complètement de moralité.
On ne pouvait manquer d’appliquer la doctrine biologique de la sélection au plaisir et à la douleur. […] Si l’excès de mouvement musculaire, comme le manque, produit de la douleur, c’est qu’en ne proportionnant pas notre réaction à la force de nos organes, nous les usons. […] Des organes de ce genre ne se peuvent expliquer par aucune forme de sélection, non plus que par les actions héréditaires de l’habitude ou du manque d’usage. […] Donc, ici encore, le plaisir est lié à un surplus et non à la simple suppression d’un manque. […] Dès lors, non seulement le plaisir n’a pas besoin d’un manque préalable pour exister, mais, lors même qu’il succède à un manque réel, comme dans beaucoup de plaisirs des sens, il n’en est pas moins par soi indépendant de cette négation, essentiellement positif.
Margueritte allant voir, ces jours-ci, un ami de son père, au Sénat, a été mis en rapport avec Anatole France, qui lui a dit : « Oui, oui, c’est entendu, Flaubert est parfait, et je n’ai pas manqué de le proclamer… Mais au fond, sachez-le bien, il lui a manqué de faire des articles sur commande… Ça lui aurait donné une souplesse qui lui manque. » Et peut-être le critique du Temps a-t-il raison. […] Et toute la soirée chez Y…, chez X… et les autres, ce sont des paroles réfrigérantes : « Mounet est exécrable, Sisos manque de puissance, la petite Cerny est tout artificielle. » Puis, c’est la pièce, qui toute charmante, toute spirituelle qu’elle a été trouvée par le public, est critiquée avec une sévérité taquine et singulièrement malveillante. […] Dimanche de Pâques, 10 avril Au fond c’est dur de n’avoir pas une oreille, un cœur de femme intelligente, pour y déposer ses souffrances d’orgueil et de vanité littéraire… Tout manque, tout casse, tout croule. […] C’est la première fois que je manque, pendant cette semaine des Morts, à la visite sur la tombe de mon frère. […] — Mais je n’ai pas voulu dire autre chose, que dans mon rêve, il y avait des trous, des lacunes comme dans le livre de Pétrone, où il manque des morceaux du texte.
Pour moi, c’était là un genre de secours qui me manquait quand je lisais Buffon. […] Le front élevé n’a surtout rien de bombé, de proéminent ni d’olympien, comme nos statuaires ne manquent pas de le faire à toutes les têtes encyclopédiques. […] Il n’y manque, pour la compléter, que ce que Buffon n’avait pas assez, il y manque le rayon, l’humble désir qui appelle la bénédiction d’en haut sur l’humaine sueur et qui fait demander le pain quotidien13. […] Les idées de Buffon sur la dégénération des animaux et sur les limites que les climats, les montagnes et les mers assignent à chaque espèce, peuvent encore être considérées comme de véritables découvertes qui se confirment chaque jour, et qui ont donné aux recherches des voyageurs une base fixe dont elles manquaient absolument.
Avoir peur en 1605, peur que les plaies de la patrie ne se rouvrissent et que, Henri IV manquant, tout ne manquât avec lui, c’était, au gré de Malherbe, donner marque de jugement. […] Il nous est donc permis de nous flatter que notre ouvrage explique les termes, développe les beautés, découvre les délicatesses que vous doit une langue qui se perfectionne autant de fois que vous la parlez ou qu’elle parle de vous. » Louis XIV méritait en partie ce compliment, en tant que parlant avec justesse et propriété la plus parfaite des langues ; on dit qu’il contait à ravir ; mais cette noble et régulière politesse manquait de saillie, de relief, d’images, d’imprévu, de ce qui fait la grâce et la popularité de la langue de Henri IV. […] manqueriez-vous de courage ou de constance ? […] » Ici, en écrivant à la vierge-reine, on peut croire qu’il s’était mis en frais d’images : à M. de Batz, son bon serviteur, il écrira tout naïvement (2 novembre 1587) : « Monsieur de Balz, je suis bien marri que vous ne soyez encore rétabli de votre blessure de Coutras, laquelle me fait véritablement plaie au cœur, et aussi de ne vous avoir pas trouvé à Nérac, d’où je pars demain, bien fâché que ce ne soit avec vous, et bien me manquera mon faucheur par le chemin où je vas… » Cette blessure de M. de Batz, qui fait plaie au cœur de Henri, rappelle, selon la remarque de M. […] Je m’assure que vous ne serez des derniers à vous mettre de la partie ; il n’y manquera pas d’honneur à acquérir, et je sais votre façon de besogner en telle affaire.
Et quand cela eût été, ajoute Richelieu, ce n’aurait été manquer ni à la dignité ni à la prudence de nous servir de nos ennemis contre nos ennemis. […] Un autre lieutenant, Landé, était pour qu’on en restât là, vu la lassitude des troupes et le manque de pain ; ce parti fut accueilli par Rohan. […] Cette honte était telle qu’elle ne pouvait être réparée, et, quelque excuse qu’il pût donner à sa faute, et le plus favorable nom qu’elle pût recevoir de ceux mêmes qui seraient plus ses amis, était celui de manque de cœur. […] Certes, les prétextes contre lui n’auraient pas manqué. […] [NdA] Ils ont été publiés pour la première fois en 1758 par M. de Zur-Lauben, capitaine au régiment des Gardes suisses, et associé correspondant de l’Académie des inscriptions, qui ne manque pas de les attribuer au duc de Rohan.
Pour que rien ne manquât au contraste et à l’antagonisme, il y avait quelques élèves catholiques fervents qui sont entrés depuis à l’Oratoire ; c’était donc une lutte de chaque jour, une dispute acharnée, le pêle-mêle politique, esthétique, philosophique, le plus violent. […] Il comprit bientôt qu’on ne saurait être un vrai philosophe psychologue sans savoir d’une part la langue des mathématiques, cette logique la plus déliée, la plus pénétrante de toutes, et de l’autre l’histoire naturelle, cette base commune de la vie ; une double source de connaissances qui a manqué à tous les demi-savants, si distingués d’ailleurs, de l’école éclectique. […] Cette habitude insensible des comparaisons, des combinaisons conciliantes, des accroissements par rencontre et par relation de société, leur a manqué ; les nuances, les correctifs ne sont pas entrés dans leur première manière : ils sont tranchés et crus. […] Il faut admirer ce que nous avons et ce qui nous manque ; il faut faire autrement que nos ancêtres et louer ce que nos ancêtres ont fait. » Et après quelques exemples saillants empruntés à l’art du Moyen-Age et à celui de la Renaissance, si originaux chacun dans son genre et si caractérisés, passant à l’art tout littéraire et spirituel du xviie siècle, il continue en ces termes : « Ouvrez maintenant un volume de Racine ou cette Princesse de Clèves, et vous y verrez la noblesse, la mesure, la délicatesse charmante, la simplicité et la perfection du style qu’une littérature naissante pouvait seule avoir, et que la vie de salon, les mœurs de Cour et les sentiments aristocratiques pouvaient seuls donner. […] mais il y manque quelque chose.
Un moment, tout avait failli manquer. […] Un sot se contenterait de tout cela ; mais malheureusement j’ai pensé assez solidement pour sentir que des louanges sont peu de chose, et que le rôle d’un poète à la Cour traîne toujours avec lui un peu de ridicule, et qu’il n’est pas permis d’être en ce pays-ci sans aucun établissement. » Cet établissement si désiré, même lorsqu’il se flatta de ravoir obtenu vingt ans plus tard, manqua toujours par quelque endroit. […] Que lui a-t-il manqué ? […] Elle n’avait que l’âme douce, elle n’avait point un grand cœur ; elle avait des vertus, elle ne manquait même pas d’un certain agrément : mais cela n’allait pas jusqu’au charme ; elle en était loin, et l’empire qui ne suit pas toujours la royauté ne lui vint jamais. […] Mme de Mailly était dame du palais de la reine ; un jour qu’elle lui demandait sous quelque prétexte la permission d’aller à une maison de plaisance où était le roi, la reine lui dit pour toute réponse : « Vous êtes la maîtresse. » Cette bonne reine, on le voit, ne manquait pas du tout d’esprit.
Marie-Antoinette ne parle en tout ceci que d’après Marie-Thérèse, sans élever ni admettre aucune objection, et l’on peut dire que, cette fois, c’est en obéissant trop docilement à son illustre mère qu’elle manque à faire son métier de reine : « Après avoir causé avec Mercy sur le mauvais état des affaires, j’ai fait venir MM. de Maurepas et de Vergennes ; je leur ai parlé un peu fortement, et je crois leur avoir fait impression, surtout au dernier. […] On sait que Marie-Thérèse, plus émue que personne (et elle en avait le droit), prit sur elle alors d’ouvrir une négociation particulière avec le roi de Prusse (juillet 1778) ; la négociation manqua : Joseph II fut très irrité quand il sut la tentative de sa mère. […] Elle n’est pas très-sincère ensuite, lorsqu’elle se félicite presque que sa négociation avec Frédéric ait manqué ; elle fait contre mauvaise fortune bon cœur. […] Satisfaite, en définitive, de l’assistance diplomatique de la France, Marie-Thérèse termine cet épisode de la Correspondance par un vœu tout maternel sur le resserrement de l’alliance (1er juillet 1779) : « J’aime mieux paraître importune que de manquer à vous recommander d’être bien sur vos gardes. […] De tels souverains, même lorsque le destin leur a en partie manqué, ont bien mérité des hommes, et le respect leur est dû.
D’abord, par exemple, on étudiait peu ou du moins on entendait mal le théâtre grec ; on l’admirait pour des qualités qu’il n’avait pas ; puis, quand, y jetant un coup d’œil rapide, on s’est aperçu que ces qualités qu’on estimait indispensables manquaient souvent, on l’a traité assez à la légère : témoin Voltaire et La Harpe. […] Si jusqu’à l’âge de quarante ans il en parut moins prodigue que plus tard, c’est que les occasions lui manquaient en province, et que sa paresse avait besoin d’être surmontée par une douce violence. […] Ceux du xvie siècle avaient bien eu déjà quelque avant-goût de rêverie ; mais elle manquait chez eux d’inspiration individuelle, et ressemblait trop à un lieu-commun uniforme, d’après Pétrarque et Bembe. […] La Fontaine manque un peu de souffle et de suite dans ses compositions ; il a, chemin faisant, des distractions fréquentes qui font fuir son style et dévier sa pensée ; ses vers délicieux, en découlant comme un ruisseau, sommeillent parfois, ou s’égarent et ne se tiennent plus ; mais cela même constitue une manière, et il en est de cette manière comme de toutes celles des hommes de génie : ce qui autre part serait indifférent ou mauvais, y devient un trait de caractère ou une grâce piquante. […] Puis, quand on avait épuisé les désordres, les erreurs, et qu’on revenait à la vérité suprême, on trouvait un asile tout préparé, un confessionnal, un oratoire, un cilice qui matait la chair ; et l’on n’était pas, comme de nos jours, poursuivi encore, jusqu’au sein d’une foi vaguement renaissante, par des doutes effrayants, d’éternelles obscurités et un abîme sans cesse ouvert : — je me trompe ; il y eut un homme alors qui éprouva tout cela, et il manqua en devenir fou : cet homme, c’était Pascal.
M. de Talleyrand, homme de cabinet et nullement de place publique ou de tribune, manquait du grand souffle qui soulève ou qui abat les tempêtes populaires. […] Le trône était prêt, le monarque seul manquait pour y monter. […] Mais, si le traité de Fontainebleau manquait d’honnêteté, du moins ne manquait-il pas d’honneur et de vue. […] Où penchait sa volonté il fallait que penchât le monde : le monde ou lui ne pouvaient manquer d’être bientôt brisés. […] le grand diplomate, quoique muet et inanimé, n’y manquait pas.
Il ne peut y avoir que deux sortes d’esprits, qui se suffisent à eux-mêmes en se jugeant ; l’extrême génie qui n’existe point, et l’extrême sottise qui n’existe que trop : l’impuissance où se trouve celle-ci de connaître ce qui lui manque, supplée à ce qui lui manque en effet ; d’où il résulte que dans la distribution du bonheur les sots n’ont pas été les plus mal partagés. […] Un étranger a fait un livre intitulé, de la charlatanerie des savants ; ce titre promet beaucoup ; si par malheur l’ouvrage n’était pas bon, ce ne seraient point les mémoires qui auraient manqué à l’auteur, ce serait l’auteur qui aurait manqué aux mémoires ; mais s’il n’a pas voyagé en France, il a privé son livre d’un excellent chapitre2. […] Aussi le commerce intime des grands avec les gens de lettres ne finit que trop souvent par quelque rupture éclatante ; rupture qui vient presque toujours de l’oubli des égards réciproques auxquels on a manqué de part ou d’autre, peut-être même des deux côtés. […] On a beaucoup écrit et avec raison contre les ingrats, mais on a laissé les bienfaiteurs en repos, et c’est un chapitre qui manque à l’histoire des tyrans5. […] Ils paraissent persuadés qu’eux seuls méritent d’être riches ; et dans le temps même où ils se plaignent de leur indigence au milieu d’un bien très honnête, parlez-leur d’un homme de lettres qui possède à peine le nécessaire, ils ne manquent pas de le trouver fort à son aise.
Les incidens qu’ils renferment prouverent qu’en effet leurs Auteurs ne manquaient pas d’imagination ; mais le nombre seul des volumes annonça qu’ils manquaient de jugement. […] C’était un Peintre auquel il ne manquait que la couleur. […] On a dit que ses vers manquaient de vie & de chaleur. […] Un Drame trop compliqué manque son objet. […] Il manque d’énergie & de chaleur.
Outre le mérite de l’exactitude, elle auroit eu l’intérêt du style, qui manque à presque toutes les Histoires particulieres de nos Provinces. […] Après avoir présenté le tableau touchant des vertus & des bienfaits sans nombre du Duc de Lorraine, qui lui mériterent le surnom de Grand, l’Orateur Historien finit par observer qu’il ne manque à la gloire de ce grand Prince qu’une statue.
En ceci, le poète nous semble manquer de cette habileté manuelle de composition qui a manqué à Virgile dans l’Énéide et qui n’a manqué jamais ni au Tasse ni à l’Arioste.
La première scène de Bajazet, chef-d’œuvre en fait d’exposition, étoit, selon lui, totalement manquée. […] Dès que la cabale opposée l’eut pénétré, les amis de Pradon lui conseillèrent de le prévenir en traitant le même sujet, & de ne pas manquer une si belle occasion de triomphe. […] L’abbé Tallemant sur-tout s’empresse de venir les lui lire à sa toilette, & d’en faire l’éloge ; elle les trouve admirables, & ne manque pas d’en prendre une copie pour les montrer à tous ceux qu’elle verroit.
Par une punition réservée peut-être à l’orgueil de ce siècle, si infatué de sa raison, il s’est trouvé que jusqu’ici c’est la raison de l’historien qui aie plus manqué au Moyen Âge, et que les poètes, ces enfants, comme disent les philosophes, l’ont infiniment mieux compris que les historiens. […] Un mensonge superficiel et inanimé que n’a pu vivifier et réchauffer cette prétention à la couleur locale qui est une des ambitions du xixe siècle, et que l’écrivain a manquée comme tout le reste, précisément dans le sujet d’histoire qui semblait l’admettre le plus ! […] Les ducs de Normandie peuvent n’intéresser que quelques Normands comme celui qui écrit ces lignes, lequel voudrait que sa province eût enfin l’histoire qui lui manque et dont les matériaux n’attendent que la main qui doit les soulever.
Pascal, bien autrement triste que Molière, Pascal, le janséniste rechigné, l’inquiet, l’épouvanté, le hagard Pascal, qui certainement n’a pas ri une seule fois dans sa vie tourmentée, a donné, en ses Provinciales, un exemple d’impayable comique que Molière aurait pu admirer… Les esprits les plus gais qu’on ait vus, au contraire, ont parfois manqué de comique. […] Il aurait perdu son parfum… IV Telle est la plaisanterie de Rochefort… On conviendra que si elle manque de chaleur et trop souvent de variété, elle ne manque point de puissance.
Bohèmes, malgré tout, cependant, ces derniers, malgré leur attitude de Staters et d’olympiens, leur importance, leur influence, leur situation dans tous les mondes, officiels ou non officiels, leurs chaires quand ils sont professeurs, leurs bibliothèques quand ils sont bibliothécaires, leurs palmes d’académiciens quand ils sont de l’Académie : — le signe essentiel, caractéristique, du bohème, n’étant pas de n’avoir point d’habit, mais de n’avoir point de principes, de manquer de l’asile sacré d’une morale fixe autour de la tête et du cœur, de vagabonder dans ses écrits à tout vent de doctrine, et, comme déjà nous l’avons dit, de vivre, enfant de la balle politique ou littéraire venu ou trouvé sous le chou de la circonstance, sans feu ni lieu intellectuel, — c’est-à-dire sans une religion ou sans une philosophie. […] Mais une telle femme manquerait de fierté ou manquerait de laquais, si elle ne faisait pas jeter hors de chez elle les hommes qui foulent aux pieds toutes les convenances de la pensée et de la vie !
Si les Autrichiens s’étaient un peu moins pressés, et si les Russes s’étaient un peu plus hâtés, tout manquait. […] Mais il a toutes les nuits des espèces d’attaques nerveuses et de somnambulisme qui font tout manquer. […] en politique Guizot est bête. » Cela veut dire que comme homme d’État, comme ministre, Guizot manque d’idées, et c’est juste. […] Que manque-t-il à Thiers, à ce lierre incomparable que nous quittons ? […] Elle manquait aussi de ce que j’appelle la moralité d’artiste et qu’avait à un si haut degré Talma.
Que le lieu change donc, & que le tems s’écoule, plutôt que la vérité manque. […] Destouches, dans ses nombreuses Comédies, avec ses étres métaphysiques, a manqué tous ses portraits. […] Pourquoi donc le courage manque-t-il à celui qui a le front de braver la tyrannie ? […] La Pièce ne peut manquer d’être fort étrangère au sujet : qu’importe ? […] Il la suit toujours & ne manque jamais de la saisir.
C’est de notre part une insouciance d’autant plus fâcheuse, qu’elle ressemble fort à un manque de courage. […] Mais comment exiger d’eux la modération qui paraît manquer à leur juge ? […] Un chorégraphe dirait que sa phrase manque de ballon ; un de ses admirateurs s’est écrié : c’est un Bossuet poussif. […] Ai-je manqué de clarté, ou bien M. […] Ma solitude ne manque pas d’avoir son côté embarrassant.
Par malheur, dans le roman, tel que l’a écrit l’auteur, la place manque aux développements. […] Familière dès longtemps avec ces types qu’elle perfectionne en secret et qu’elle aime, la femme distinguée qui a écrit ce livre n’a pas songé qu’il y avait lieu à une composition, et, dans un grand nombre de cas, elle a raconté ce qui les touche de plus important et de plus intime, en peu de mots, avec une sorte de brève négligence, comme on fait à la fin d’une lettre, lorsque le jour baisse ou que le papier manque.
Au reste, ne manquez pas d’aller remercier M. […] N’importe, je me passerai de celui qui me manque, et je ferai de mon mieux. […] Eh bien, direz-vous, avec tout cela que manque-t-il donc à votre bonheur ? Ce qu’il y manque ? […] Je l’ai fait travailler pour moi toutes les fois qu’il manquait d’ouvrage.
Mais voici la session venue ; l’opportunité et la place vont me manquer. […] Que manque-t-il à M. […] Leur défaut, c’est quelquefois de l’épuisement, du manque d’haleine ; jamais du mauvais goût. […] Non, pourvu qu’il y ait dans le roman de fantaisie un talent sérieux et profond ; non, parce que là où la disposition manque pour faire l’ancien roman, le sens manque aussi pour le goûter. […] Le vieux roi manque un peu de naïveté ; il dit au lecteur : « Je suis Louis XI » ; il n’attend pas qu’on s’en aperçoive.
C’est le quartier-général, en effet, la discipline seule qui de bonne heure a manqué à ces recrues généreuses et faciles, à ces ardentes levées de bande qui eurent leur coup de collier chacune, mais qui, trop vite, la plupart, ont plié. […] Il n’y manque pas l’exemple de Chatterton, qu’il raconte et étale avec vigueur. […] La conduite de Gaston et des autres manque tout à fait d’une certaine faculté de justesse et de raisonnement qui n’est jamais tellement absente dans la vie. […] Ce qui a manqué à ces personnages infortunés de Nodier, si souvent reproduits par lui, ç’a été de se résumer à temps en un type unique, distinct, et qui prit rang à son tour, du droit de l’art, entre ces hautes figures de Werther, de René et de Manfred, illustre postérité d’Hamlet. […] Elle était bien jolie ; et de pensers touchants, D’un espoir vague et doux chaque jour embellie, L’amour lui manquait seul pour être plus jolie !
De longs monologues, des chœurs, une vaine application de toutes les règles de ce grand art ; rien n’y manque de tout ce qui peut s’emprunter. […] Au reste, avant de regretter ce qui a manqué à Corneille, donnons-nous le plaisir d’admirer tout ce qu’il a créé. […] En même temps qu’il donnait, sous la forme de règles, le secret des beautés de son théâtre, en critiquant ses propres défauts il donnait le secret des beautés qui lui ont manqué. […] Quand la situation lui manque, il semble que tout lui manque à la fois. […] Voilà pourquoi l’on peut remarquer utilement pour l’art les imperfections de Corneille, sans manquer à sa gloire.
Il ne lui manque qu’un million ou deux pour être parfait. […] Vous le voyez, ce qui manque à cette comédie, c’est la fermeté de l’idée, la logique de l’action, le parti pris de sa morale. […] Si le fonds de l’observation lui manque, elle en saisit, çà et là, des nuances et des échappées. […] Tout cela est très vrai, très sérieux, très inévitable, mais toute conclusion exige des prémisses, et ces prémisses manquent au raisonnement de la comédie. […] La clarté manque au châtiment comme à la faute ; elle manque aux motifs mêmes qui rejettent violemment Olympe vers son passé.
C’est qu’en effet il ne lui a manqué d’abord qu’une femme aimée, pour entrer en pleine possession de la vie et pour s’apprivoiser parmi les hommes. […] La suite manque, mais l’idée de la pièce avait d’abord été crayonnée en prose. […] Son idée fixe, sa crainte était le manque de direction ; il cherchait les chefs du mouvement, des noms signalés, et il n’en trouvait pas. […] Sa poésie par là est étroite, chétive, étouffée : on n’y voit pas un miroir large et pur de la nature dans sa grandeur, la force et la plénitude de sa vie : ses tableaux manquent d’air et de lointains fuyants. […] On est coupable en France, quelque intérêt qu’on allègue, si l’on manque, faute d’élan, certains moments de grandeur et de gloire qui ne se retrouvent plus.
La France ressemble à une vaste écurie où les chevaux de race auraient double et triple ration pour être oisifs ou ne faire que demi-service, tandis que les chevaux de trait font le plein service avec une demi-ration qui leur manque souvent. […] De même la place de secrétaire général des Suisses valant 30 000 livres de rente et donnée à l’abbé Barthélemy ; de même la place de secrétaire général des dragons, valant 20 000 livres par an, occupée tour à tour par Gentil Bernard et par Laujon, deux petits poètes de poche Il serait plus simple de donner l’argent sans la place ; en effet on n’y manque pas ; quand on lit jour par jour les Mémoires, il semble que le Trésor soit une proie. […] Deux choses sont pernicieuses à l’homme, le manque d’occupation et le manque de frein ; ni l’oisiveté, ni la toute-puissance ne sont conformes à sa nature, et le prince absolu qui peut tout faire, comme l’aristocratie désœuvrée qui n’a rien à faire, finit par devenir inutile et malfaisant. — Insensiblement, en accaparant tous les pouvoirs, le roi s’est chargé de toutes les fonctions ; tâche immense et qui surpasse le forces humaines. […] La France est à eux comme tel domaine est à son seigneur, et un seigneur ne manque pas à l’honneur parce qu’il est prodigue et négligent. […] C’est une armée où les sentiments qui font les chefs et les sentiments qui font les subordonnés ont disparu ; les grades sont marqués sur les habits et ne le sont plus dans les consciences ; il lui manque ce qui fait une armée solide, l’ascendant légitime des officiers, la confiance justifiée des soldats, l’échange journalier des dévouements mutuels, la persuasion que chacun est utile à tous et que les chefs sont les plus utiles de tous.
Rhéteur et bel esprit à force de mémoire, mais au fond trop dépourvu de ressources et de vigueur pour avoir été un sophiste, ce Gorgias manqué de notre temps passera dans l’histoire comme cette foule de beaux esprits dont les noms fatiguent, le regard sans l’intéresser. […] Tenté par le sujet de Pindare, auquel il a rattaché la question de la poésie lyrique chez tous les peuples, Villemain, qui a manqué cette svelte chose qu’on appelle un essai en littérature, l’aura-t-il manquée glorieusement parce qu’il a fait davantage, parce que, de renseignement, de doctrine et d’aperçu, il nous aura donné un livre à fond, un traité complet sur Pindare et la poésie lyrique ? […] Il a de l’humeur contre les traductions, naïvement calomniatrices, de Pindare au xviie siècle, et il a raison d’en avoir, car elles manquent de la couleur grecque, de l’accent indigène, qui sont tout Pindare. […] Le général Foy, leur contemporain, aurait pu rappeler les orateurs anglais davantage, mais il manque aussi au livre honteusement surprenant de Villemain… Certes, s’il y a quelque chose qui puisse étonner après l’oubli incompréhensible qu’il a fait de Mirabeau, c’est l’oubli qu’il y ajoute du général Foy, l’honneur de la tribune française sous la Restauration, le plus vivant et le plus palpitant des orateurs que leur cœur a tués, car cet impassible au canon est mort des émotions de la tribune. […] Et ce n’est pas, dans son livre d’aujourd’hui, la seule chose qu’on puisse lui reprocher que ces distractions ou ces défauts de mémoire, impardonnables et déshonorants pour un historien ; il y a de plus ici le défaut d’appréciation, le manque de vue absolu, qui va jusqu’à la cécité.
Il a débuté par des bégaiements dont je me suis un peu moqué (La Confession de Claude), mais la voix, qui manquait de justesse et de force, lui est venue. […] Mais l’indécence scientifique nous manquait, et c’est M. […] Cette fille, qui s’appelle Désirée, est née fille de basse-cour… Type de femme qui ne manque pas de vérité, mais de vérité inférieure et de cette chaleur animale, la préoccupation éternelle de M. […] Eh bien, tout cela manque de grandeur, d’intrépidité, d’aplomb même ! […] Ici, l’artiste en fange a manqué son coup… par trop de fange !
Le génie a manqué à M. […] Quand le génie manque, quelquefois la douleur travaille, mais elle ne peut pas le remplacer ! […] Mais, dans tous les cas, et quelle qu’ait été sa pensée, il a manqué de profondeur. […] Rien ne lui a manqué, rien, si ce n’est la proportion avec le véritable mérite et du livre et de l’écrivain. […] C’est comme une justice, et, à coup sûr, c’est une douceur que de voir le talent manquer à ceux qui manquent aux lois morales !
Le nouveau Périclès venait de manquer, jeune encore, à la nouvelle Athènes. […] Michel-Ange décora plus tard ces sépulcres où manqua celui de Laurent. « Ce grand homme, s’écria le roi de Naples en apprenant sa fin, a vécu assez pour sa gloire, pas assez pour le bonheur de l’Italie. […] « Ordinairement, quand on est un peu en retard pour répondre aux lettres de ses amis, on donne pour excuse de grandes occupations : quant à moi, si j’ai un peu trop tardé à vous écrire, je ne veux pas tant mettre ma faute sur le compte de mes occupations, quoiqu’elles ne m’aient pas manqué, que sur le chagrin bien amer de la perte de cet homme sous le patronage duquel j’étais naguère si heureux de me trouver, avec tous ceux qui font profession de littérature ou avec tous les gens de lettres. Maintenant que nous n’avons plus celui qui fut le premier auteur d’un travail d’érudit, mon ardeur à écrire s’éteint, et je n’ai presque plus ce grand bonheur que me donnait l’étude des anciens ; cependant, si vous avez un si vif désir de connaître mon malheur, et comment s’est montré ce grand homme dans les derniers actes de sa vie, bien que je sois empêché par mes larmes, et que mon esprit recule même devant un souvenir qui doit renouveler ma douleur, je cède cependant à vos si vives et si honnêtes instances ; et je ne veux pas manquer à l’amitié qui nous unit. […] Il donna des consolations à Pierre, l’un de ses fils, car ses autres frères n’étaient pas là ; il l’exhorta à supporter avec égalité d’âme la violence de la nécessité ; il lui dit que la protection du ciel, qui n’avait jamais fait défaut au père dans la bonne et la mauvaise fortune, ne manquerait pas à son fils ; qu’il s’évertuât seulement à être un homme de bien et un bon esprit ; que les choses mûries par la réflexion produisaient, dans la pratique, des fruits excellents.
XXII Je demande pardon au lecteur pour mille aperçus partiellement exagérés qu’il ne manquera pas de découvrir dans ce qui précède et je le supplie de juger ce livre, non par une page isolée, mais par l’esprit général. […] Or ce que j’ai voulu inculquer avant tout en ce livre, c’est la foi à la raison, la foi à la nature humaine. « Je voudrais qu’il servît à combattre l’espèce d’affaissement moral qui est la maladie de la génération nouvelle ; qu’il pût ramener dans le droit chemin de la vie quelqu’une de ces âmes énervées qui se plaignent de manquer de foi, qui ne savent où se prendre et vont cherchant partout, sans le rencontrer nulle part, un objet de culte et de dévouement. […] Il est agréable de faire passer aux yeux des hommes ce manque d’intelligence qui nous empêche de saisir la vérité pour une pénétration merveilleuse d’esprit, qui nous révèle des motifs de doute inconnus et inaccessibles au reste des hommes 193 » En se posant au-delà de tout dogme, on peut à bon marché jouer l’homme avancé, qui a dépassé son siècle, et les sots, qui ne craignent rien tant que de paraître dupes, renchérissent sur ce ton facile. […] Voilà un homme qui ne peut manquer de faire fortune, mieux que nous autres lourdauds qui avons la sottise de prendre les choses au sérieux… Il est temps que tous les partis qui ont à cœur la vérité renoncent à ce moyen si peu scientifique. […] Le bon esprit étroit est en France très dangereux, par le soupçon qu’il fait naître et qu’on ne manque pas d’étendre à tout ce qui est dogmatique et moral.
Il s’est peint à nous avec sincérité dans ses Mémoires : et, en général, si l’on peut lui reprocher la vanité, on ne lui reprochera pas de manquer d’une certaine franchise et même d’une ingénuité d’aveux qui ne saurait se contraindre à la dissimulation. […] Bussy paraît croire qu’il manqua de se concilier l’amitié du grand capitaine, faute d’un compliment qui eût été de convenance le premier jour, et il fait son mea culpa là-dessus. […] Mais le prince de Conti n’était qu’un généralissime manqué : les vrais généraux et les hommes d’État ne purent jamais passer à Bussy ce tour d’esprit si contraire à l’ordre et au commandement, et qui déjouait le respect dans les choses sérieuses. […] Ce scandaleux guet-apens, qui rappelait toutes les violences des époques féodales, et où Bussy avait joué, de plus, le rôle de dupe, lui fit manquer la bataille de Lens qui se livra dans cet intervalle. […] La correspondance que Bussy entretint pendant son long exil avec un nombre assez considérable d’amis, hommes et femmes, restés pour lui attentionnés et fidèles, a du prix pour l’histoire du temps, et il ne lui manque, pour être tout à fait intéressante, que de trouver un éditeur, un Walckenaer ou un Monmerqué qui en répare le texte, y restitue, s’il est possible, bien des noms propres marqués par de simples et impatientantes étoiles, et qui donne des éclaircissements sur les personnages.
Le tableau des partis et des cabales du temps, que l’auteur a voulu peindre, manque aussi de cette suite et de cette modération dans le développement qui peuvent seules donner idée d’un vrai tableau de mœurs. […] Il y a profusion, à la fin, de balles et de coups de tromblon qui tuent l’infidèle ainsi que son valet de chambre : « ils étaient percés de plus de vingt balles chacun », tant on avait peur de manquer le maître. […] De son côté, M. de Balzac trouvait qu’il manquait quelque chose au style de Beyle, et nous le trouvons aussi. […] Il sentait bien, malgré la théorie qu’il s’était faite, que quelque chose lui manquait. […] C’est le manque absolu de ce courage qui cloue dans la médiocrité tous nos pauvres poètes.
Aisé et pénétrant, les deux qualités qui manquaient le plus à M. de Noyon ! […] Cela, on le voit, n’est pas tout à fait juste, et il ne manque rien à ce discours pour être en parfait contraste avec le genre de l’évêque. […] S’il avait rêvé plus, si ses grands talents précoces lui avaient inspiré des désirs naturels d’élévation, et avaient fait tirer autour de lui, comme nous l’entrevoyons, d’ambitieux augures, tout manqua, et sa carrière fut en quelque sorte brisée par une première légèreté. […] répondit-il en souriant, j’espère que Votre Majesté m’y logera une autre fois, car pour celle-ci, je ne suis qu’aux faubourgs. » On voit que ce n’était pas précisément d’esprit ni de trait que manquait M. de Noyon ; mais son trait d’esprit partait encore de sa vanité, de sa plénitude. […] Il n’est point épiscopal par rapport à moi, car il manque au respect qu’il me doit par la soumission établie dans l’ordre de la juridiction ecclésiastique.
Destinée selon toute apparence à monter sur un trône, celui d’Angleterre, elle ne le désirait que médiocrement et se consola de le manquer. […] Il ne manque uniquement que votre chère personne pour couronner l’œuvre… » À défaut de la princesse, l’œuvre ne lui parut couronnée que lorsque, dix ans après, il eut Voltaire. […] Ces diverses nouvelles que Frédéric écrit à sa sœur ne sont que des accidents de leur correspondance : le fond est plutôt de leurs sentiments, de leurs pensées, de questions morales ou métaphysiques que la sœur propose au frère et que celui-ci s’applique à résoudre, par exemple : « De la différence qu’il y a entre la constance en estime et la constance en amour. » Elle a du loisir à Bareith, et ce ne sont que les sujets et les vis-à-vis qui lui manquent pour y fonder à sa manière un petit hôtel de Brancas ou de Rambouillet. Les opéras, les chanteurs et cantatrices, qui sont un de ses plaisirs, ne lui suffisent pas : elle a besoin de conversation ; il y a des vides et des silences autour d’elle : « Nos entretiens me semblent comme la musique chinoise, ou il y a de longues pauses qui finissent par des tons discordants. » Cette conversation qui lui manque de près, elle la cherche au loin, et elle trouve heureusement dans son frère un correspondant qui a du temps pour tout. […] Il y a d’autres âmes qui paraissent tellement au niveau des misères de la vie humaine, qu’il semble que l’étoffe manquerait si l’on voulait faire d’elles autre chose que ce qu’il faut pour la vie actuelle ; et ces âmes paraissent au premier coup d’œil démentir la doctrine de l’immortalité.
Le premier rendez-vous, accordé à cette condition, eut-il lieu en effet, ou manqua-t-il, comme cela peut-être serait mieux ? […] Elle n’est pas non plus sans une teinte marquée de religion ; elle observe les dimanches et ne manque pas les sermons du carême. […] lui disait Michel en ces moments, je hais pourtant la vulgarité plus que vous peut-être ; mais je la vois ailleurs et là où vous ne la voyez pas… Tout est relatif ; ce qui vous manque à vous, Marie, c’est de la vulgarité. » Il y a d’autres moments où Michel est plus dans le possible avec elle, où il entre mieux dans-ce qui peut atteindre un cœur de femme et le toucher. […] L’amour est une démangeaison de manquer de respect à chaque instant. […] » Malheureuse Marie, belle, spirituelle, aimée, qui a eu trop d’esprit seulement, qui a trop craint la vulgarité, qui n’a pas compris que l’imagination ne consiste pas à rêver l’impossible, et que son plus sublime effort est de trouver « la poésie de la réalité » ; âme malade des préjugés de l’éducation et du faux idéal qui flottait dans l’air à cette époque ; une de ces femmes qui, avec toutes leurs délicatesses, ont des sécheresses soudaines qui froissent les cœurs délicats, et à laquelle enfin, pour tout reproche, Michel, en se séparant, a pu dire : « Marie, vous manquez de simplicité !
Au lieu de cela, il répondit au maréchal avec des paroles d’honnête condoléance pour son échec qualifié simplement de victoire manquée, avec des félicitations pour la valeur des jeunes seigneurs et des officiers, et par des regrets au sujet des morts ; puis il ajoutait : « Je ne suis pas moins fâché que vous de ce que vous me dites de ma Maison, et surtout de celle à cheval ; trop de complaisance doit en être la seule cause ; tenons-nous-le pour dit pour l’avenir. […] Le maréchal de Noailles, dans un sentiment non de rivalité, mais d’intérêt public, croit devoir signaler au roi cette retraite précipitée, inexplicable, faite sans en avoir reçu l’ordre, comme la plus grande preuve du manque de concert et du peu de subordination qui compromet tout et tend à tout perdre. […] Ce n’était pas l’information ni le jugement qui manquaient à ce roi : c’était la décision et le ressort. […] Le maréchal de Noailles, en cette crise troublante, ne fait rien qui vaille en Alsace, et s’il est vrai que Louis XV ait dit au comte d’Argenson : « Écrivez de ma part au maréchal de Noailles que, pendant qu’on portait Louis XIII au tombeau, le prince de Condé gagna une bataille » ; si ce mot, qui a tout l’air de ceux qu’on fait après coup et qu’on prête aux rois, n’est pas de l’invention de Voltaire, le maréchal répondit mal à l’appel ; il ne répondit certainement pas à l’intention ; il a manqué là le moment rapide, le moment illustre ; il n’est pas Turenne, et dès cet instant le prestige de son grand crédit s’évanouit. […] Cette dernière affaire notamment, cette belle occasion manquée en Alsace et la fâcheuse impression qu’on en reçut à Paris, sont bien senties et rendues. — Un contrôle d’un tout autre ordre et qui se rapporte à l’histoire la plus sévère, à la science même, nous est fourni par la Relation de la Guerre de Succession, que le général Jomini a ajoutée à celle de la Guerre de Sept ans, dans la 4e édition de son Traité des grandes Opérations militaires.
On sentit vivement ce manque au commencement de notre siècle ; « Existe-t-il, demandait A. […] » Et il passait en revue tous ces prétendus historiens de France, depuis les Chroniques et Annales de Nicole Gilles, secrétaire de Louis XI, du Haillan, Dupleix, Mézeray, Daniel, Velly, Anquetil, etc. : il montrait combien l’ignorance des sources, le manque de science et de critique, l’inintelligence de la vie du passé, le goût romanesque, la rhétorique, l’esprit philosophique, avaient partout déformé l’histoire : combien froides et fausses étaient toutes ces annales, où avortaient vite quelques bonnes intentions d’exactitude. […] Par un certain manque de poésie et de beauté, la forme est inférieure à la matière comme à l’intention de l’auteur. […] Il ne fallait pas non plus s’arrêter aux surfaces, au décor de l’histoire : un imagier, comme M. de Barante, qui ne s’attache qu’à reproduire l’éclat extérieur de la narration des vieux chroniqueurs et qui étale aux yeux comme une suite magnifique de tapisseries à sujets historiques, manque au devoir essentiel de l’historien. […] On a publié depuis sa mort quelques carnets de notes de voyage, où les belles descriptions, les fortes émotions ne manquent pas : on sait ce que Michelet peut en ce genre.
Mais sa vérité ne me satisfait pas : elle est trop exclusivement élégante et fine, manque trop de force et de profondeur. […] Inconsciemment encore, il se défend lui-même et dénigre ce qui lui manque quand il critique la force qui est souvent stabilité. […] Je n’aurai pas la naïveté de vous avertir que l’ampleur balzacienne manque un peu à M. […] Une nuit, en pleine rue, il adresse à ses compagnons étonnés des vocatifs qui ne manquent pas d’énergie : « Ô viles brutes que vous êtes ! […] … » Après d’autres injures qui ont sans doute quelque chose de rituel aux yeux du nouvel évangéliste, le nouveau Christ, en arrive à parler comme Hermione, ce qui, en effet, pour un Christ, ne manque pas de nouveauté.
On flotte en idée entre Velléda et Jeanne d’Arc ; car Jeanne ici, remarquez-le bien, n’est autre qu’une Jeanne d’Arc au repos et à qui l’occasion seule a manqué pour éclater. […] Avec un talent du premier ordre et tel qu’on n’en trouverait pas de supérieur en notre littérature dès l’origine, elle semble craindre que ce talent, dans son activité et dans sa puissance, ne manque de sujet, ne manque de pâture. […] Quand l’expression manque, le petit Pierre arrive, et il est l’expression vivante. […] Ce qu’il a manqué une fois, il le ressaisit une autre.
Ce qui lui manquait surtout, c’était le goût, si l’on entend par goût le choix net et parfait, le dégagement des éléments du beau. […] mais l’homme complet nous manque aussi et se fait sensiblement désirer. Un des témoins les plus spirituels de nos jours le reconnaissait et le proclamait il y a quelques années déjà : « Notre temps, a dit M. de Rémusat, manque de grands hommes6. » Comment se conduisit Montaigne dans ses fonctions de premier magistrat d’une grande cité ? […] Et il continue de les montrer travaillant jusqu’à l’extrémité, même dans leur douleur, même dans leurs maladies, jusqu’au moment où la force leur manque : « Celui-là qui fouit mon jardin, il a ce matin enterré son père ou son fils… ils ne s’alitent que pour mourir. » Tout ce chapitre est beau, touchant, approprié, se sentant à la fois d’une noble élévation stoïque, et de cette nature débonnaire et populaire de laquelle Montaigne se disait à bon droit issu et formé. […] En y suppléant par de l’audace et de l’invention comme fait Montaigne, en créant, en imaginant l’expression et la locution qui manque, on paraîtrait aussitôt recherché.
Toute sa personne avait de la roideure, de l’audace, un air de décision et de certitude auquel il manqua toujours quelque chose pour être de l’autorité entière et véritable. […] C’est ce vol précisément et ce coup d’aile qui manquait à La Harpe : Il mène son Pégase « au petit pas », disait Le Brun ; il « rampe avec art dans ses timides vers ». […] Je dis cela de tous les ouvrages de La Harpe en vers, soit qu’ils s’intitulent Warwick ou Mélanie, soit même qu’ils aient, comme dans Philoctète, une intention de goût plus sévère, mais à laquelle la vraie simplicité savante a manqué ; soit que l’auteur se joue d’un air plus léger, et qui vise au gracieux, dans des poèmes tels que Tangu et Félime, genre de poésie dans lequel Voltaire est à la fois, chez nous, le seul maître et le seul supportable ; car on ne peut lire que lui. […] Voltaire avait adressé une Épître à Horace dont tout le monde sait les derniers vers délicieux ; La Harpe fit la Réponse d’Horace ; mais, en faisant parler l’aimable Romain, il se souvient trop de Linguet, de Maupertuis, de Fréron, de tous ces importuns du jour : il n’a que des idées de métier et de tracasserie littéraire, et le rayon qu’avait eu Voltaire en finissant lui a manqué. […] Dès ce temps-là, il n’était pas très rare de trouver de libres et hardis causeurs qui, parlant de La Harpe à propos de son Éloge de Racine, disaient : « L’Éloge de M. de La Harpe manque d’idées et de vues… Un coup d’œil neuf et profond porté sur la tragédie et sur l’art dramatique, voilà part où il fallait honorer la cendre du grand Racine14. » De telles vues, de telles questions, qui allaient jusqu’à Sophocle et à Shakespeare, pouvaient être particulières alors à quelques esprits ; elles eussent excédé la portée d’un auditoire à cette date et encore durant les trente ou trente-cinq années suivantes.
La velléité de publier peut quelquefois leur venir, mais l’occasion manque, la modestie l’emporte, l’habitude de se contenir prend le dessus. […] Quelques-uns de ces tableaux, tels que La Foire aux bœufs et la scène des Lutteurs, suffiraient pour assigner à cette production un rang des plus distingués, bien que l’absence d’action et aussi le manque d’un certain charme empêchent, selon moi, le poème d’atteindre tout son objet ; et l’objet de tout poème de ce genre est de faire aimer ce qu’on chante. […] M. de Laprade possède au plus haut degré ce qui manque trop à des poètes de ce temps, distingués, mais courts ; il a l’abondance, l’harmonie, le fleuve de l’expression ; il est en vers comme un Ballanche plus clair et sans bégayement, comme un Jouffroy qui aurait reçu le verbe de poésie. […] Lacaussade, auteur d’une très bonne traduction d’Ossian et d’un recueil de poésies qu’il est en train de surpasser, a su se faire une sorte de domaine à part : il est de l’île Bourbon, de l’une de ces îles des Tropiques, patrie à demi orientale qu’a manquée Parny dans ses chants et que nous a divinement rendue Bernardin de Saint-Pierre. […] Ce qui manque, c’est une inspiration vive, passionnée, appropriée, qui mette les poètes en communication directe avec le public, et qui force celui-ci à s’intéresser à leur art.
C’est le dernier reflet d’une chevalerie qui n’est plus… Même en cette année de grâce ou de disgrâce, il y a un certain langage qu’on est convenu de tenir aux femmes, alors qu’elles ne méritent plus qu’on l’emploie, et l’homme qui renoncerait à s’en servir pour des raisons, fussent-elles excellentes, non seulement manquerait de savoir-vivre, mais aussi de générosité. […] En les trouvant si parfaitement déguisées et si hommes, on peut leur manquer, — et ce sont ceux qui ne les manquent pas ! […] … Les femmes seules ne peuvent y atteindre que par le petit bout, — le bout des Mémoires, des commérages, des anecdotes, des choses, personnelles, charmantes souvent sous leurs plumes ; mais pour l’histoire en elle-même, la grande Histoire, interdite même aux poëtes, aux imaginations de trop de flamme, aux génies inventifs, tant elle exige un regard calme et clair pour discerner les choses, et une main juste et ferme pour n’en pas manquer les proportions ! […] Il est de femme, par le manque d’aperçu, de profondeur, d’originalité, de vigueur enflammée ; qualités viriles que les femmes n’ont pas, parce qu’elles en ont d’autres, la grâce, l’élégance, la finesse, le coloris doux, la tendresse, l’inattendu, la sensation vive que.
Cela pourrait-il être une raison, parce que l’auteur des Jugements nouveaux nous a exprimé, à la tête de son livre, une franche sympathie d’idées et de sentiments littéraires, pour que la critique, qu’il a la bonté d’estimer, lui manque tout à coup, et qu’il soit privé de sa part d’examen sous le prétexte, de peu de courage, que notre éloge serait suspect de reconnaissance et notre blâme d’ingratitude ? […] Or, sans métaphysique, on manque éternellement du point fixe qu’il faut établir, en esthétique comme en morale, car le beau doit avoir la certitude du devoir, et on retombe aux petites misères de la sensation individuelle qui sont toujours de petites misères, quelle que soit la grandeur de l’homme qui donne sa sensation pour règle et qui la jette dans la balance, comme Brennus son épée, pour l’entraîner du côté de la vérité ! […] C’est la perle qui manque à l’écrin. […] Esprit brillant quoique cherché, homme de style, de mot et de trait, Xavier Aubryet manque absolument d’invention et de clarté dans la conception et surtout dans l’organisation de ses nouvelles. […] car ce sont les défauts des esprits élevés, qui dédaignent les idées et les formes communes et qui, pour les éviter, se jettent un peu trop loin et manquent la simplicité… Trop de zèle !
Coup de filet manqué d’une spéculation qui ne rapportera pas ce qu’on avait espéré à ceux qui l’ont faite, ces Lettres à Panizzi, si terriblement dommageables à la mémoire de Mérimée, se retourneront, après sa mort, contre le bonheur de toute sa vie, à cet homme heureux qui ne s’appela pas Prosper pour rien. […] Gustave Planche, esprit exclusivement critique, qui ne pouvait être jamais un roi littéraire, tant sa tête manquait d’imagination par laquelle seule on est roi en littérature ! […] Ce n’est pas seulement parce qu’il a fait dans Colomba une Lydie qui est une misérable imitation manquée et pâle de la Mathilde de Rouge et Noir, non ! […] » Ailleurs, il dit encore, avec la même vieille ironie empruntée à Voltaire : « Si le Pape venait à manquer, croyez-vous qu’on en ferait un autre ? […] C’est l’épuisement le plus complet et le plus honteux de cet homme qui ne manquait pas de cambrure, et qui, à force de tenue et de correction, fit l’effet longtemps d’un talent formidable.
La Motte, vieillard précoce, et frileux comme les vieillards (« aprici senes »), était de l’avis du grand Frédéric, qui disait : « J’ai manqué ma vocation, j’aurais dû naître espalier. » Ses infirmités, qui augmentèrent dans les dernières années, étaient déjà bien sensibles quand l’abbé de Pons le connut. […] Ce qui manquait à La Motte pour s’élever jusque-là, manquait à plus forte raison à l’abbé de Pons lui-même ; mais l’abbé avait aussi en lui beaucoup des qualités et des distinctions de La Motte.
Tout l’accable : assidu au travail, il a manqué ce jour-là ; il a dépensé plusieurs louis, une grosse somme. […] En la même année, afin que cette dent d’or ne manquât pas d’historiens, Rullandus en écrivit encore l’histoire. […] Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu’il fût vrai que la dent était d’or.
Il n’y manque qu’une chose : l’ordre, et faute de ce mérite, presque négatif, semble-t-il, tout ce qu’ils ont d’excellent et de rare manque son effet et périt en pure perte. Je ne sais pas si la confusion et la mauvaise distribution n’ont pas fait tomber plus d’ouvrages que la pauvreté d’invention, le manque d’esprit, le mauvais style, et tous les défauts ensemble qu’on peut imaginer.
D’un autre côté, le manque total de goût pour les arts et pour ce qui contribue à l’élégance de la vie matérielle, donne à la maison de celui qui ne manque de rien un aspect de dénûment. […] L’omission de ce récit dans Marc, et les deux passages parallèles, Matth, XIII, 54, et Marc, VI, 1, où Nazareth figure comme « la patrie » de Jésus, prouvent qu’une telle légende manquait dans le texte primitif qui a fourni le canevas narratif des évangiles actuels de Matthieu et de Marc.
Il ne manque pas une carte à ce château de cartes d’une gloire qui croula silencieusement un jour, — comme un château de cartes abattu sans que personne ait soufflé ! […] Il en manqua autant que de cerveau. […] Seulement il fait quelquefois des phrases comme celle-ci, qui ne sont pas de tout le monde : « La France fit de son échine adulatrice le premier degré de cette unité de foi où le monarque voyait pour lui l’échelle du ciel. » Quand on veut être insolent pour Louis XIV, il ne faut pas être grotesque, ou l’on manque l’insolence… Le sens d’historien, qui est très vif chez de Lescure, le fait entrer en plein dans l’histoire, et sur La Grange-Chancel il en a partagé les émotions.
Ils étaient les chefs d’une société dite des Frères bleus, qui voulurent reprendre la conspiration de Malet et porter à l’Empereur Napoléon et à l’Empire le coup que ce général avait manqué. […] La situation ne manque pas d’originalité. […] Comment ne pas se rappeler tout cet univers qui tourne dans Walter Scott autour de cette conspiration entreprise dans l’intérêt du prince Édouard, et les centaines de personnages s’agitant dans les magnifiques épisodes de cette conspiration manquée, tous sublimes dans leur incroyable variété, les uns ressortant de l’Histoire, les autres ressortant de la vie !
Ce genre de comédie manque entièrement aujourd’hui, chacun se contente d’être plein de ridicules soi-même et de se moquer de ceux du voisin ; mais la grande exécution publique est comme supprimée. […] Bien des gens disent et répètent que le temps de la comédie est passé, qu’elle est devenue impossible par toutes sortes de raisons, et les théories ingénieuses sur cette lacune désormais inévitable ne manquent pas.
Outre qu’il est désobligeant et le plus souvent injuste de rabaisser les travaux de ceux qui nous ont frayé la route, l’exposé seul de ce que j’entends réclamer des historiens à venir suffira pour montrer ce qui manque, selon moi, aux historiens présents ou passés. […] Certes, il ne manque pas de livres très estimables qui sont consacrés à un homme, à une époque2, à une série d’écrivains ou au développement d’un genre littéraire.
L'envie de dominer les Esprits de son temps, de devenir le Législateur du Parnasse, prétention absurde qui ne manque pas d'exemples actuels, le jeta dans le galimatias ; mais les bornes du bon goût sont fixées, & ce ne sont pas des idées particulieres qui décideront les suffrages présens & à venir. […] De là, cette Pléiade, dont il se fit l'Astre dominant, genre de folie si ordinaire aux Distributeurs des rangs, qu'ils ne manquent jamais de se donner le premier.
Et il s’accuse de manquer de bonhomie. […] France n’y a point manqué. […] Le ménage vient à manquer d’argent. […] Au théâtre de Palladio, Tito avait manqué son entrée : sur l’échafaud de la piazza dei Signori, Tito vient de manquer sa sortie. […] Quelquefois, l’auteur a manqué de très subtile habileté.
Mais, si parfaitement rendus que soient les espions auxquels nous avons à faire ici, ils ne tiennent pas lieu de tout ce qui manque au livre. […] Comment se fait-il donc que notre poésie s’en éloigne si fort et que même la meilleure manque souvent de limpidité. […] Fortunio est le type de l’homme heureux ; rien ne lui manque. […] On voit qu’il n’y manque même pas la pointe. […] Mais ce n’est pas une raison suffisante encore pour le manque de tenue.
Elle l’est également devenue, et presque en même temps, grâce à elles, par un air de décence et de politesse qui lui manquait encore. […] et par hasard, s’ils avaient manqué de gratitude, les Molière, les Boileau, les Racine en seraient-ils plus grands ? […] Vous avez contre vous maintenant l’écrivain, le véritable écrivain, le grand écrivain, qui avait manqué jusqu’alors au cartésianisme ! […] Cela ne manque en vérité que de composition, de profondeur et d’harmonie, qui sont de grandes choses, — mais non pas en tout temps ni partout nécessaires, puisque le manque même allait en contribuer à la fortune européenne de notre littérature. […] Tallemant des Réaux, I, 287, 290, 284], B. — Que les qualités qui font le poète sont en lui médiocres ou nulles, mais qu’il a possédé celles d’un excellent versificateur. — On ne manque pas plus que lui d’enthousiasme ; — le mot du cavalier Marin. — Absence en lui d’imagination. — La mythologie, vivante encore chez Ronsard, n’est plus qu’une « machine » chez Malherbe ; — et les « figures » n’y sont plus des peintures de son émotion, mais de simples « ornements » du discours. — Son manque de sensibilité. — C’est de sensibilité, si c’est de chaleur, que le mouvement manque dans ses Odes, et encore plus de variété. — Son manque enfin de naturel. — Mais il a en revanche le sens du développement logique ; — celui de l’harmonie oratoire ; — le goût de la chose bien faite. — Ses théories sur l’importance et sur la richesse de la rime ; — sa sévérité de grammairien [Cf.
Un emploi assez noble manque à vos facultés ! […] Mais la pensée y manque de précision et de vigueur. […] Mais elle nous traite plus durement pour avoir manqué de prudence que pour avoir manqué de vertu. […] quel manque de précision dans les détails ! […] Friedrich manque donc l’ensemble de son œuvre.
Avec du talent, ils manquent véritablement d’esprit, c’est-à-dire de quelque chose d’opportun, de mobile, d’approprié : ce qu’avait tant leur maître, lequel, heureusement pour lui, n’a connu aucun de ces néophytes exorbitants. […] Ce n’est pas de vérité que manque cet exposé, mais de mesure, mais de prudence, mais d’acheminement à ce qu’il veut obtenir.
Autrement, en y allant d’un premier et d’un seul coup de baguette, si le mort n’obéit pas et ne se dresse pas à votre voix, si le nom par lequel on prétendait l’évoquer n’est pas le plus juste et le plus frappant, l’opération est manquée ; on voulait être un Christ, on n’est qu’un Simon le magicien ou un Apollonius de Tyane ; on frise le Cagliostro. […] Serait-ce que ceux à qui la vraie jeunesse a manqué en sa saison sont plus sujets que d’autres à ces après-coup et à ces revenez-y de jeunesse ?
Dans ses Odes héroïques, il manque, de l’aveu de tout le monde, de cette élévation de pensées, de cette chaleur d’expression, de cette vivacité d’images, de cette énergie de tours, qui sont l’ame de la Poésie lyrique. […] Mais on doit lui tenir compte de la richesse de l’invention, de la variété des sujets, & de la solidité de la morale, genre de mérite qui manque à plusieurs Fabulistes de nos jours.
D’Aucour, en plaidant, manqua de mémoire. […] Si l’on veut de l’esprit, de l’élégance, de l’agrément, on en trouvera beaucoup dans cette apologie : mais elle manque de justesse & de raisonnement.
Cochut ne manque point de talent, et même d’esprit, d’un esprit qui est au talent comme la mousse est au vin, qui le rend plus piquant et qui le couronne. […] Ce qui fut la grâce française manque à notre chute.
Il n’y a qu’à recueillir ces traits épars ; on verra reparaître tout un monde, esquissé à la volée, mais sans que rien y manque. […] Et ce n’est pas ici la matière qui manque. […] Ces quolibets manquent d’urbanité. […] Vous ne manquez que de chaleur. […] Bon appétit surtout : renards n’en manquent point.
Il manque de frivolité. Et il manque d’esprit. […] Il ne manque pas d’y retourner chaque année. […] Faguet ne manque pas d’idées générales. […] Ce qu’il reproche aux ministres du Christ, c’est d’avoir manqué de confiance, ce qui est une manière de manquer de foi.
Mais un article du Quarlerly Review, reproduit par la Revue britannique avec une certaine emphase et des réserves qui sont un peu là pour la forme (car elle-même a souvent exprimé pour son compte des opinions analogues), intente contre toute notre littérature actuelle un procès criminel dans de tels termes, qu’il est impossible aux gens d’humble sens et de goût, dont notre pays n’a pas jusqu’ici manqué, de taire l’impression qu’ils reçoivent de semblables diatribes importées de l’étranger, lorsque toutes les distinctions à faire, toutes les proportions à noter entre les talents et les œuvres, sont bouleversées et confondues dans un flot d’injures que l’encre du traducteur épaissit encore. […] Goethe, si sagace et si ouvert à toutes les impressions qu’il ait été, jugeait un peu de travers et d’une façon très subtile notre jeune littérature contemporaine ; il y avait manque de proportion dans ses jugements ; ce qu’il pensait et disait là-dessus au temps du Globe, pouvait être précieux pour le faire connaître, lui, mais non pour nous faire connaître, nous. […] En parlant des romans du siècle passé, l’auteur oublie trop que, sur le pied dont il le prend, il n’aurait pas manqué alors, s’il avait vécu, de confondre ce qu’il veut bien séparer aujourd’hui.
Les anciens prenaient souvent leur point d’appui dans les erreurs, souvent dans des idées factices ; mais enfin ils se sacrifiaient eux-mêmes à ce qu’ils reconnaissaient pour la vertu ; et ce qui nous manque aujourd’hui, c’est un levier pour soulever l’égoïsme : toutes les forces morales de chaque homme se trouvent concentrées dans l’intérêt personnel. […] Ils ne pouvaient donc aller loin dans aucun genre ; il leur manquait ce qu’on ne doit qu’aux sciences exactes, la méthode, c’est-à-dire, l’art de résumer. […] L’antiquité sied bien aux beautés simples ; néanmoins nous trouverions les discours des philosophes grecs sur les affections de l’âme trop monotones, s’ils étaient écrits de nos jours : il leur manque une grande puissance pour faire naître l’émotion ; c’est la mélancolie et la sensibilité.
Denesse & les autres écrits du même auteur, sont les productions d’un philosophe & d’un homme de bien, dont l’esprit étoit solide & orné ; mais qui a peu de style, & qui manque de nerf dans l’esprit. […] Il faut en excepter ceux de Fontenelle où les choses fines & recherchées ne manquent point, mais où l’on désireroit quelquefois plus de justesse & plus de goût ; & ceux de l’illustre Fénélon, faits à la hâte, à mesure que le Duc de Bourgogne en avoit besoin, & où les sujets sont par conséquent peu approfondis ; les Nouveaux Dialogues des morts, par M. […] Nos Moralistes sont extrêmement multipliés, soit que les ouvrages de ce genre soient faciles à faire, soit qu’on n’écrive jamais plus sur la morale que lorsque tout le monde commence à manquer de mœurs.
Grand sujet de curiosité pour les utopistes de tous les genres, — et, dans ce temps-là, le catholicisme n’en manquait pas, — une révolution à Rome, une révolution qui allait, croyait-elle, jeter la barque de saint Pierre dans les aventures, fit lever et rallia, comme le coup de trompette du Josaphat des vivants, tous les fous superbes de l’univers, tous les bohèmes de la fortune, de l’esprit et de la beauté pour les rasseoir, il est vrai, un peu rudement, quand la machine chargée par Lamennais, Gioberti et tant d’autres, éclata, mais montrant, à travers ses débris, Rossi poignardé, le Pape en fuite et Mazzini régnant dans Rome assiégée. […] En effet, il a tous les défauts d’un livre manqué. […] Depuis lady Montaigu, toutes les Européennes qui sont allées en Orient n’ont pas manqué de nous parler beaucoup des harems, et de Belgiojoso comme les autres.
Encore une fois, tel fut alors le mérite de l’Académie, et nous voulons le reconnaître, car il y a un autre mérite que nous lui aurions souhaité et qui lui manqua… Après cet éclair de bon sens, rare à l’époque où il brilla, et qui lui fit mettre au concours une question historique dont elle discernait très bien la portée, elle retomba bientôt sous la paralysie des préjugés ambiants et l’empire de cette philosophie dont elle repoussait les dernières conséquences, il est vrai, mais dont elle acceptait les premières, comme si la roue de l’inflexible logique, une fois en branle, s’arrêtait ! […] L’idée leur manque, et cette absence leur est chère, et alors c’est l’absence d’idées qu’elles couronnent. […] C’est un livre de médiocrité sérieuse, voilà tout, une espèce d’almanach du Bonhomme Richard, qui paraîtra de l’économie politique, domestique ou morale, à tous les esprits qui s’imaginent que, dès que l’élévation manque dans les choses de la pensée et du caractère, il y a immédiatement du bon sens.
Mais deux choses manquent à Fléchier. […] Mais, en revanche, quel dommage qu’il l’ait manqué ! Car il l’a manqué. […] Mais il ne manque pourtant jamais à saisir l’occasion de les placer. […] J’ai dit qu’il manquerait quelque chose à notre littérature dramatique si le répertoire de Marivaux nous manquait.
C’est la partie éloquente qui manque à votre ouvrage. […] Le lien manque. […] Qu’a-t-il donc manqué à cet homme ? […] Le manque de tact est, pour ainsi dire, la faculté maîtresse d’Hugo. […] Il y a là une délicatesse qui lui manquait.
Quand on lui propose de la liqueur, il se met en colère, mais ne manque pas de la boire. […] Il n’y manque pas. […] Sauf la vérité, rien n’y manque. […] Somme toute, brutalité, manque de goût, longueurs, perspicacité, passion, il y a quelque chose en cet homme qui ne s’accorde pas avec l’élégance classique. […] Van Ostade et Téniers aiment ces idylles triviales et bouffonnes, et chez Gay, comme chez eux, la drôlerie crue et sensuelle ne manque pas.
Ce général égale et souvent surpasse son maître ; il ne lui manque que le commandement suprême, qui attribue la gloire à celui pour qui meurent ou triomphent ses lieutenants. […] La diplomatie manquait complétement à sa nature. […] Thiers n’a manqué ici à aucun des rigoureux devoirs du moraliste. […] Or qu’est-ce qu’une histoire où l’écrivain manque ? […] puisque vous ne sentez pas qu’il lui manque quelque chose, c’est qu’il ne lui manque rien, en effet, pour reproduire en vous l’histoire ; c’est qu’à force de vérité il a trouvé le moyen de se passer du style.
Ce n’est pas la force de production qui lui manque ; c’est la force de la gestation. […] Seule, la pratique lui manquait. […] Quand je le manque, je retourne en grondant à mon antre. » Paul Féval n’aura pas besoin de retourner au sien. Son premier bond, il ne l’a pas manqué. […] C’est la balle d’argent du diable dans Robin des Bois mise au service de Dieu pour la première fois, et qui ne manquera pas son coup.
Et tout cela manque de liberté, parce que tout cela manque d’un degré de cette « inconscience » dont M. […] Même, à ce prix, nous voyons qu’on lui passe, comme à Fielding, de manquer de goût, comme à Balzac, de manquer de style, comme à Tolstoï, de manquer d’art ou de composition. […] Marcel Prévost ne manque ni de talent, ni surtout d’adresse : à quoi, si j’ajoutais qu’il ne manque pas d’ambition, ce ne serait pas pour le lui reprocher. […] Ce que je dis seulement, c’est que l’observation manque ici de la preuve de sa vérité ; c’est qu’ainsi restreinte à un monde spécial, elle manque également de largeur ; c’est enfin qu’elle ne manque pas moins de franchise. […] Il n’y a rien encore qui semble manquer davantage à nos jeunes auteurs.
Daru, son immense facilité et sa capacité laborieuse exercée de bonne heure, toujours appliquée et sans trêve, cette vie de littérature solide et agréable, d’administration infatigable et intègre, d’exactitude et de devoir en tout genre, et dans laquelle il ne manquait jamais à rien ; mais, ajoute quelqu’un qui l’a connu, il ne se plaisait pas également à tout, et c’est ce qui fait son mérite. […] Ce qui manque le plus à cette Épître, c’est le mouvement et la variété, ce sont les contrastes ; puisque le poète introduit ce Brutus qui ne s’en doute pas, il pouvait lui prêter des idées, des images et des tableaux frappants qui eussent tranché avec les idées morales et élevées du prisonnier. […] En indiquant ce qui manque à la bonne et spirituelle Épître de M. […] C’est dans cette guerre pénible de Suisse où l’on manquait de tout, où il fallait faire venir les grains de France, c’est-à-dire de la distance de quatre-vingts lieues, par des chemins difficiles ; où l’argent aussi venait de France, mais rarement et en petite quantité ; où le personnel des commissaires des guerres était insuffisant d’abord, et où les choix n’étaient pas toujours tels qu’il l’aurait voulu ; c’est au milieu de ces difficultés de tout genre que Daru s’aguerrit au rôle d’intendant en chef et de pourvoyeur des grandes armées ; sa réputation de capacité et de rigidité date de là. […] Lorsqu’à cette époque d’union, de confraternité sincère, dans ces intervalles de Marengo et du camp de Boulogne, Andrieux qui savait bien le latin, Picard qui ne le savait guère, mais qui aimait à en placer quelques mots96, Campenon, Roger, Alexandre Duval, tous ces académiciens présents ou futurs se réunissaient avec Daru le dimanche à déjeuner, lorsqu’on récitait quelque ode d’Horace, redevenue comme d’à-propos et de circonstance, l’ode Ad sodales ou quelque autre (le sentiment de tous s’y joignant), il ne manquait rien, presque rien, à la traduction de Daru pour faire passer l’esprit de l’original dans tous les cœurs.
Viens lui parler de devoir, de convenance, lui dire combien la vérité morale est aimable, combien le sens moral infaillible… Ne t’épargne pas sur ce sujet… Déploie toutes tes facultés de déclamation et d’emphase à la louange de la vertu… Pousse ta prose éloquente jusqu’à surpasser l’éclat de la poésie… Il y manque toujours une toute petite parole à voix basse, que Celui-là seul peut prononcer de qui le verbe atteint d’un coup son plein effet, et qui dit aux choses qui ne sont pas d’être, et elles sont à l’instant. Il me semble qu’en cet endroit Cowper a pensé à la profession de fei du vicaire savoyard et qu’il en touche l’endroit faible et défectueux, qui est aussi celui de tous les éloquents continuateurs de Rousseau : il y manque la toute petite parole qui change les cœurs. […] C’est cette union qui manque essentiellement chez Rousseau, et par toutes sortes de raisons qui font peine à ses admirateurs : ce peintre aux larges et puissantes couleurs vit et habite dans un intérieur souillé. […] Une fois il a découvert dans ses courses autour d’Olney, sur une colline assez escarpée, une toute petite cabane cachée dans un bouquet d’arbres, et il l’a appelée le nid du paysan ; il rêve de s’y établir, d’y vivre en ermite, y jouissant de son imagination de poète et d’une paix sans mélange ; mais il ne tarde point à s’apercevoir que le site est incommode, qu’on y manque de tout, qu’il est dur d’être seul : tout bien considéré, il préférera son cabinet d’été et sa serre avec son simple et gracieux confort, et il dira à la hutte sauvage et pittoresque : « Continue d’être un agréable point de vue à mes yeux ; sois mon but de promenade toujours, mais mon habitation, jamais ! […] [NdA] En lisant ces vers À Marie, qui tournent sensiblement à la litanie pieuse, on ne peut s’empêcher de penser à cette autre Marie par excellence, la Vierge, celle dont il est dit dans la Divine Cornédie de Dante, par la bouche de Béatrix : « Il est au ciel une noble dame qui se plaint si fort de ces obstacles contre lesquels je t’envoie, qu’elle fléchit là-haut le jugement rigoureux. » C’est la confiance en cette Marie toute clémente et si puissante auprès de son fils qui a manqué à Cowper.
L’un d’eux (M. de Malleville) fut le premier à y manquer ; il parla un peu indiscrètement des conférences et de ce qu’on y agitait entre soi à Faret, auteur de L’Honnête homme, et qui y porta son livre, alors nouvellement imprimé. […] Et comme il savait que pour l’amuser il fallait des contes un peu bouffons ou des nouvelles littéraires, il ne manqua pas de l’entretenir de la petite assemblée ; il lui en donna si bonne idée que Richelieu conçut à l’instant le dessein de l’adopter, de la constituer en corps et de s’en servir pour la décoration littéraire du règne. […] Les lettres patentes de 1635, et le projet qui avait précédé, exprimaient en termes très nets le but des études et l’objet des travaux de l’Académie ; l’espoir « que notre langue, plus parfaite déjà que pas une des autres vivantes, pourrait bien enfin succéder à la latine, comme la latine à la grecque, si on prenait plus de soin qu’on n’avait fait jusques ici de l’élocution, qui n’était pas à la vérité toute l’éloquence, mais qui en faisait une fort bonne et fort considérable partie » ; que, pour cet effet, il fallait en établir des règles certaines ; premièrement établir un usage certain des mots, régler les termes et les phrases par un ample Dictionnaire et une Grammaire exacte qui lui donneraient une partie des ornements qui lui manquaient, et qu’ensuite elle pourrait acquérir le reste par une Rhétorique et une Poétique que l’on composerait pour servir de règle à ceux qui voudraient écrire en vers et en prose : que, de cette sorte, on rendrait le langage français non seulement élégant, mais capable de traiter tous les arts et toutes les sciences, à commencer par le plus noble des arts, qui est l’éloquence, etc., etc. […] M. le cardinal de Rohan, retenu par la goutte, eut la bonté de me faire témoigner par un gentilhomme, que, sans cette incommodité, il n’aurait pas manqué de se trouver à l’assemblée pour me donner sa voix. […] On a quelquefois donné la série des académiciens par fauteuil : à chaque élection nouvelle d’un membre, on ne manque guère de dire qu’il occupe le fauteuil qu’ont successivement occupé tels ou tels illustres, en remontant jusqu’à l’origine.
Je ne songe au monde qu’à m’en bien acquitter, pour mériter avec quelque justice cette manque de votre estime. » Catinat se rendit aussitôt à Turin pour se renseigner et se concerter avec la Cour. […] Vous n’aurez pas même de quoi les nourrir ; les provisions vous manquent ; vous devrez néanmoins nourrir plus de douze mille bouches. […] Il est vrai que le bras de Dieu, qui vous a soutenus dans les guerres passées, n’est pas encore raccourci ; mais si vous faites réflexion qu’un puissant roi s’est joint aux forces de votre prince, que les provisions, les officiers et l’union vous manquent, et que même vos obstinations vous feront abandonner de tous les princes et des États protestants…, vous ne pouvez pas espérer que la Providence divine, qui n’agit pas miraculeusement comme autrefois parmi les Israélites, veuille faire de vos ennemis ce qu’elle fit de Sennacherib ; et la parole de Dieu vous apprend que de se jeter dans les dangers sans prévoir humainement aucun moyen d’en sortir, c’est tenter Dieu qui laisse périr ceux qui aiment témérairement le danger… » On peut se figurer l’effet que dut produire la lecture d’une telle épître sur un auditoire mêlé de personnes timides, de vieillards, de femmes et d’enfants. […] Ce rapport est des plus simples, et le vainqueur y paraît surtout occupé de rendre justice à tous ; après qu’il a nommé tout le monde, il craint encore d’avoir oublié quelqu’un : « Je puis manquer dans cette Relation, disait-il, à rendre les bons offices que plusieurs particuliers, et même des troupes, méritent dans cette occasion où tout le monde s’est bien employé ; je dois à leur bonne volonté et à leur secours la gloire qui peut retomber sur moi de ce combat. » Il faut lire d’autres relations que la sienne pour apprendre que Catinat, voyant que la lutte s’opiniâtrait, se mit à la tête de troupes fraîches tirées de la brigade Du Plessis-Bellière, les mena à la charge, et décida la victoire. […] Je ne suis pas très-content de Bayle sur l’article des Vaudois ; il a parlé d’eux en plus d’un endroit, et dans son Avis aux Réfugiés, et dans sa Réponse aux questions d’un Provincial ; au milieu des raisonnements qu’il fait et des choses justes qu’il ne peut manquer de dire, on y désirerait un mouvement d’humanité et un cri d’indignation qui n’y est pas.
Sa première carrière dramatique de vingt années ne put manquer toutefois de laisser en elle des impressions profondes, ineffaçables : en y aiguisant sa sensibilité, en y exerçant sur tant de sujets sa vive intelligence, elle y avait acquis une faculté douloureuse qui tenait à cette délicatesse même ; elle en avait gardé comme un pli d’humilité. […] Elle était l’intime amie de cette grande et royale cantatrice, Mme Branchu65, qui régnait au temps du premier Empire et qui trouvait que tout avait été en décadence à l’Opéra depuis le jour où le préfet du palais n’était plus là pour lui donner poliment la main et l’introduire, comme le comte de Rémusat ne manquait jamais de le faire, lorsqu’elle allait jouer par ordre au château de Saint-Cloud. […] de Sophie Arnould, un auteur manqué qui n’avait jamais eu que des moitiés ou des quarts de succès, un candidat-lauréat perpétuel à l’Académie, mais qui, à travers ses ridicules, n’était point dépourvu de connaissances, ni d’esprit, ni même d’un certain goût, s’était pris d’affection pour la jeune actrice, et il tenait à lui donner des conseils. […] Elle ne manquait pas d’esprit, ne médisait jamais, ne cherchait point à nuire à ses camarades ; enfin elle avait un cœur excellent et facile ; — jalouse pourtant… Voilà, bien cher monsieur Sainte-Beuve, tout ce que mon père peut retrouver dans ses souvenirs. […] Sa lanterne magique est d’ailleurs des plus variées ; il n’y manquait rien.
Je ne l’ai point voulu chercher parmi les hommes, parce qu’il manque toujours à leur commerce je ne sais quelle douceur qu’on rencontre en celui des femmes ; et j’ai cru moins impossible de trouver dans une femme la plus forte et la plus saine raison des hommes, que dans un homme les charmes et les agréments naturels aux femmes. […] Il y en avait toujours dans ses récits : « ce qu’on appelle des contes dans la bouche des autres était dans la sienne des scènes parfaites », auxquelles, pour la ressemblance des caractères et pour le tour, il ne manquait rien. […] On sent mieux qu’eux encore tout ce qui leur manque dans un ordre d’espérances élevées. […] Saint-Évremond ne croit en rien à l’avenir, et toutes ses espérances, comme tous ses bonheurs, se terminent pour lui au moment prochain ou présent : « Je n’ai pas en vue la réputation, dit-il… je regarde une chose plus essentielle, c’est la vie, dont huit jours valent mieux que huit siècles de gloire après la mort… Il n’y a personne qui fasse plus de cas de la jeunesse que moi… Vivez ; la vie est bonne quand elle est sans douleur. » Lui, qui a si bien pénétré le génie des Romains, voilà pourtant ce qui lui a manqué peut-être pour être leur peintre durable et définitif ; il a laissé cet honneur à Montesquieu. Au milieu de tout ce qu’il avait dans le bon sens et dans le jugement de si bien fait pour les comprendre, Saint-Évremond manquait de cet amour de la louange et des grandes choses, de cet esprit d’élévation qui inspirait en tout le peuple-roi et qui animait les épicuriens même de la belle époque, tels que César, lesquels pouvaient penser comme il leur plaisait, mais qui, dans l’action, démentaient si hautement leur doctrine.
Tout cela manqua, mais aurait pu réussir. […] Et n’oublions jamais ceci : Retz, après tout, n’a point triomphé, il a manqué l’objet de sa poursuite, qui était de chasser Mazarin et de le remplacer auprès de la reine Anne d’Autriche. […] Maintes fois, il le reconnaît lui-même, il manquait de bon sens dans les déterminations, et il est des circonstances où il se reproche de n’en avoir pas eu un grain ; il était sujet à des éblouissements, à des coups d’imagination dont savent se préserver les hommes de qui la pensée doit guider et gouverner les empires. […] Même depuis Saint-Simon, rien n’a pâli dans cette galerie de Retz, et on admire seulement la différence de manière, quelque chose de plus court, de plus clair, de plus délié en coloris, mais qui ne pénètre pas moins dans le vif des âmes ; M. le Prince à qui « la nature avait fait l’esprit aussi grand que le cœur », mais à qui la fortune n’a pas permis de montrer l’un comme l’autre dans toute son étendue et qui n’a pu remplir son mérite ; M. de Turenne à qui il n’a manqué de qualités « que celles dont il ne s’est pas avisé », et à qui il ne faut jamais en refuser une, « car qui le sait ? […] D’autres fois il étend agréablement ses images ; ainsi, opposant son crédit bien enraciné à la faveur d’un jour du duc d’Elbeuf : « Le crédit parmi les peuples, cultivé et nourri de longue main, dit-il, ne manque jamais à étouffer, pour peu qu’il ait de temps pour germer, ces fleurs minces et naissantes de la bienveillance publique, que le pur hasard fait quelquefois pousser. » Indiquant les moyens qu’il avait de bonne heure employés pour fonder ce crédit, il parle de ses grandes aumônes, et des libéralités « très souvent sourdes, dont l’écho n’en était quelquefois que plus résonnant ».
Un autre jour, l’entreprise sur le coadjuteur ayant manqué, Gourville, qui se trouvait désœuvré à Damvillers, eut l’idée d’enlever quelque autre personnage moins considérable, mais qui pourrait être d’un bon rapport. […] Mais l’affaire manque, et Gourville parvient au camp de M. de Turenne sans coup férir. […] Si je manque de cavalerie, la campagne qui vient, je vous prierai de me l’envoyer encore ; car, sur ma parole, la présence de Gourville remplace tout ce dont on manque. […] Il manquait sans doute à Gourville un sentiment de moralité élevée et de vertu native.
Ayant à parler d’une tragédie de Philoctète par Châteaubrun (mars 1755), il y relève tous les défauts, et surtout la fausseté, le manque absolu du génie. […] Les qualités qui manquent à Voltaire pour être un historien véritable, il les sent également : En général, il faut un génie profond et grave pour l’histoire. […] Sans prétendre à en pénétrer les causes, il lui semble qu’une expérience constante l’a suffisamment démontré : Quand ce siècle est passé, les génies manquent ; mais, comme le goût des arts subsiste dans la nation, les hommes veulent faire à force d’esprit ce que leurs maîtres ont fait à force de génie, et, l’esprit même devenu plus général, tout le monde y prétend bientôt ; de là le bon esprit devient rare, et la pointe, le faux bel esprit et la prétention prennent sa place. En France, il salue donc comme incomparable le siècle de Louis XIV ; et, au xviiie siècle, il ne trouve qu’une classe d’hommes supérieurs et d’une espèce particulière, la seule qui manquât au grand siècle : « Je les appellerai volontiers philosophes de génie : tels sont M. de Montesquieu, M. de Buffon, etc. » Voltaire est le seul des littérateurs purs et des poètes qui soutienne le vrai goût par ses grâces., son imagination et sa fertilité naturelle : mais, selon Grimm il ne fait que soutenir ce qui fléchissait déjà. […] Il avait manqué, comme il le disait quelquefois, « le moment de se faire enterrer ». — Je n’ai pas craint de laisser voir, sans pourtant y trop appuyer, la doctrine morale de Grimm dans toute sa tristesse et son aridité, sans un désir et sans un rayon ; elle n’a rien qui puisse séduire.
Vieux, dans sa retraite, ayant eu l’occasion d’être présenté, à Genève, au Premier consul qui partait pour la campagne de Marengo, et de s’entretenir avec lui, il en rapporta surtout l’impression de cette force de volonté, de ce qui lui manquait à lui-même, et il écrivit cette note : Ce qui distingue éminemment le Premier consul, c’est la fermeté et la décision de son caractère ; c’est une superbe volonté qui saisit tout, règle tout, et qui s’étend ou s’arrête à propos. […] Je conviens qu’il lui manque cependant une des qualités qui rendent le plus agréable, une certaine facilité qui donne, pour ainsi dire, de l’esprit à ceux avec qui l’on cause ; il n’aide point à développer ce que l’on pense, et l’on est plus bête avec lui qu’on ne l’est tout seul, ou avec d’autres. […] Je pourrais relever bien d’autres singularités de pensée et d’expression dans ce discours ; je me hâte d’ajouter que, malgré tout, il réussit fort tant à l’Académie que devant le public ; les juges les plus difficiles, en s’accordant à reconnaître « que la langue semblait manquer à tout moment à l’auteur », le lui passèrent en faveur de ce qu’on appelait l’énergie ou la nouveauté de ses pensées. […] Necker, en s’attaquant à Turgot « comme n’ayant que le désir et le soupçon de la grandeur sans en avoir la force », semblait se désigner assez distinctement en plus d’un endroit à titre de ministre bien préférable : « S’il y avait constamment à la tête de l’administration, disait-il, un homme dont le génie étendu parcourût toutes les circonstances ; dont l’esprit moelleux et flexible sût y conformer ses desseins et ses volontés ; qui, doué d’une âme ardente et d’une raison tranquille, etc. » Si l’on ne pense pas à soi en parlant ainsi et en décrivant si complaisamment celui qu’on appelle, il y a au moins manque de tact, puisqu’on fait croire à tout le monde qu’on y a pensé. […] Malgré cette restriction qui ne vint qu’après coup, la théorie générale subsiste, et il y a décidément un proverbe qui manque : Heureux comme un sot.
J’en suis fâché, Monsieur Doyen, mais la partie la plus intéressante de votre composition, cette mère éplorée, ces suivantes qui l’entourent, ce père qui tient son enfant, tout cela est manqué net. […] La tête de la mère qui implore pour son fils, bien coëffée, cheveux bien ajustés, est désagréable de physionomie, sa couleur n’a point assez de consistance, il n’y a point d’os sous cette peau, elle manque d’action, de mouvement, d’expression, elle a trop peu de douleur, en dépit de la larme que vous lui faites verser. […] De là l’intelligence du clair-obscur manquée, rien qui s’éloigne, se rapproche, s’unisse, se sépare, s’avance, se recule, se lie, se fuie ; plus d’harmonie, plus de netteté, plus d’effet, plus de magie. […] Le tableau de Doyen est même très-vigoureusement colorié, mais il manque d’harmonie, et quoiqu’il soit chaud de toute part, on ne saurait le regarder longtemps sans être peiné, mais c’est principalement au groupe des six figures placées sur le massif que cette peine se fait sentir, c’est un grand papillotage insupportable. […] Donnez à Vien la verve de Doyen qui lui manque ; donnez à Doyen le faire de Vien qu’il n’a pas, et vous aurez deux grands artistes.
Déchirée plus que constituée en empires, en royautés, en féodalités ecclésiastiques, en principautés, en municipalités ou en républiques souveraines, cette terre manque essentiellement d’unité ; elle est constamment en diètes ou en délibérations avec elle-même. […] Ce n’est pas le génie cependant qui manque aux Allemands, fortes têtes de la famille européenne, c’est l’emploi de leur génie ; ils jouent avec leur imagination comme des enfants avec leurs jouets. […] Il ne lui manquait que ce personnage ironique, la pire forme du diable, riant du bien et jouissant du mal, Méphistophélès. Mais nous nous trompons, ce personnage même ne lui manquait plus, car un poète anglais, Marlowe, l’avait déjà inventé dans un premier drame de Faust sous le nom de Méphistophélis. […] J’entends bien le message que vous m’apportez, mais la foi me manque pour y croire !
Leur action reste fort limitée, et leur écho ne saurait être qu’éphémère : d’ailleurs, leur manque de mesure diminue singulièrement leur portée. […] Je conçois très bien qu’on l’incrimine parce qu’il a manqué de direction politique, et que tout découle de là. […] Nous manquons d’une société digne d’entendre un nouveau Molière. […] Mais les sottes gens ne manquent à aucune époque, et les plus déshéritées ont encore des manières d’hommes de génie. […] La vérité, c’est que nous manquons encore du recul suffisant pour nous retrouver dans ce prétendu chaos.
En revanche, il a l’accent qui manque à Montesquieu. […] Est-ce, comme on l’a dit, parce que la vérité historique n’était pas possible à une époque où la liberté manquait à l’historien ? […] Pour lui, l’âme subsiste indépendamment de la sensation ; la pensée intérieure se manifeste toujours, même dans l’homme auquel manquent la vue, l’ouïe et le toucher. […] Il est très vrai qu’après l’avoir lu, les gens de bien ont plus de plaisir à rester honnêtes, mais aux malhonnêtes gens il ne fait pas assez honte de ce qui leur manque. […] qu’il faut répondre, à toutes ; ne manquez pas une occasion d’éclairer, d’aider, d’encourager un jeune esprit.
Le style en est plus pur, plus châtié ; mais la composition tout entière manque d’ordonnance et de logique. […] Ce qui manqué à ces romans, c’est la forme, c’est-à-dire l’enveloppe conservatrice. […] la passion ne lui manque pas. […] Bien qu’elle manque d’énergie et de vivacité, elle ne se résigne jamais à une complète modestie. […] Il est incontestable qu’un artiste du premier ordre n’est pas longtemps à deviner ce qui lui manque.
Cette triple condition a malheureusement manqué à madame de Girardin : son mari n’est pas assez nul, pas assez invisible et pas assez absent. […] Nous le répétons, cet ensemble ne manque ni d’intérêt, ni d’émotion, ni de vérité ; mais il n’y a pas là de comédie. […] Ponsard, et qui ne manquerait ni d’actualité ni de vérité. […] Aussi quel courroux lorsque des hérétiques ont osé prétendre que madame de Longueville manquait d’embonpoint ! […] L’espace me manque pour suivre M.
Il leur a manqué de n’être pas les anciens. […] Qui ne sentirait qu’il manque quelque chose d’essentiel dans le pays de Boileau et de Bossuet, si une histoire ainsi conçue de notre littérature eût continué à y manquer ? […] L’art d’écrire lui manque, non le style. […] Saint-Simon n’y a point manqué. […] Le style et l’art de la composition lui ont manqué.
. — Entre ces deux extrêmes il y avait une lacune ; il manquait la divine Psyché, ce que nous appelons : l’ame ; je veux dire cette aspiration de l’être spirituel à la pureté, à la bonté, à la perfection qui, seule, peut ennoblir la nature inférieure, l’attirer peu à peu vers les hauteurs de la spiritualité et de l’intelligence divine. […] Ce que nous lui reprochons, c’est l’absolue solution de continuité entre ses deux modes d’existence et le manque de dessous quelconque pour appuyer le personnage, qui n’a ni existence légendaire ni existence historique. […] Comparée aux œuvres précédentes, la conception poétique de Parsifal manque d’énergie, de consistance et de clarté. […] Ce fragile Saint-GraaI, toujours menacé de destruction ; cette théologie matérielle du sang où manque le sentiment de la haute spiritualité ; ce rédempteur paralysé par la faute de ses représentants terrestres nous laisse sous une impression morbide mal dissimulée par la pompe du spectacle. […] Enfin, partant d’un ensemble indéfini, de la symphonie vague parce qu’il lui manque la précision du mot, de la parole poétique vague encore parce qu’il lui manque la signification de l’accent, Wagner a défini l’une par l’autre les deux sortes de l’émission vocale.
Quand ces secours lui manquent, on s’en apperçoit aisément. […] L’onction en fait le principal caractère ; l’élégance n’y manque pas, mais ce n’est pas la principale qualité qui y domine. […] Il y a plusieurs morceaux qui manquent de précision, de pureté, d’élégance & de facilité. […] Nous ne saurions auquel de nos Orateurs françois le comparer ; il est plus neuf, plus varié & plus riche que la plûpart ; mais il lui manque peut-être d’autres qualités plus essentielles. […] Le style en est plus simple que dans les Oraisons funèbres ; mais cette simplicité doit être jointe à beaucoup d’esprit & ne pas manquer de chaleur.
Mais je croirais manquer aux vues de la Providence sur moi, si je ne portais pas avec courage ma destinée. […] Je ne sais en vérité ce que je deviendrais si cette unique occupation me manquait. […] La vie lui a manqué pour élaborer et mettre en œuvre ces matériaux tout neufs qu’il était en train de fondre. […] Il ne lui avait manqué, avec le loisir, qu’un peu plus d’habitude des choses purement littéraires, et il y venait.
» Rien ne manque, on le voit, à la plénitude du sens, à la progression et à l’achèvement de l’idée. […] Cela l’eût conduit, en effet, à des discussions épineuses et peut-être brûlantes, à des évaluations de salaires, à la recherche d’une répartition plus égale dans les bénéfices sociaux ; il n’a pas serré la question de ce côté-là, du côté arithmétique et toujours redoutable, par où un Proudhon n’aurait certes pas manqué de la prendre et, en propres termes, de l’empoigner. […] Obéissant à son rôle qui est celui d’un inspirateur, d’un provocateur à bonne fin plutôt que d’un praticien, il lui a semblé que ce qui manquait le plus à l’époque présente, c’était un centre, un groupe, une association s’entendant pour la bonne direction du progrès social. […] Le janséniste girondin Lanjuinais, devenu comte de l’Empire, ne manquait pas de se faire appeler M. le Comte par ses gens et ne souffrait pas un oubli.
Cela formait le côté romantique des Roches, si j’ose l’appeler ainsi ; mais en face, mais à travers, les classiques, et des plus jeunes, des plus alertes, ne manquaient pas. […] Quoique, certes, la fraîcheur et la grâce n’y manquent pas, ce volume a peu les caractères d’un début. […] La grâce, encore une fois, ne manque pas ; mais, au besoin, c’est plus volontiers la force qui devient sensible. […] L’originalité, à mon sens, serait qu’il fût épique ou dramatique, c’est-à-dire qu’il portât la main là où on a manqué, là où les grandes moissons se conquièrent.
On désigne cette poésie du nom de poésie légère, ne pouvant l’appeler lyrique ; il y manque en général la passion, l’émotion, la profondeur ; et il y manque l’art. […] Tout cela manque à Chaulieu. Tout cela manquait à ses contemporains : de là ces accents qu’on trouve parfois chez eux, si amers sous la grâce souriante des formes.
Ceux-là mêmes contribuent à la faillite de la critique par leurs abus et leur manque de tact. […] * * * La juste irritation soulevée par les abus, la pédanterie, le manque de tact de bien des critiques contemporains ne doit pas faire oublier que l’esprit humain comporte la faculté critique, et que par conséquent ce genre littéraire a droit à être représenté. […] Les producteurs manquent de recul pour juger ce qu’ils font et l’effet que leur volonté produira sur l’époque. […] Si, lors du mouvement symboliste, à peine terminé depuis trois ans après avoir occupé douze années, lors de cette confuse aspiration de la jeunesse française vers une réunion de tous les arts sous l’influence de Wagner et de l’internationalisme, un critique de haut sens moral s’était levé pour arrêter les polémiques inutiles et substituer la logique aux dédains des critiques et aux saillies des nouveaux venus, il aurait précisé l’un des plus curieux mouvements intellectuels du siècle, et peut-être développé deux ou trois conséquences fécondes de cette crise pleine d’intentions et de promesses ; il y avait là un rôle considérable et bienfaisant à remplir, le rôle de Heine dans le second romantisme allemand, après Schlegel et Tieck, le rôle de Baudelaire, de Gautier et de Nerval, en 1840, le rôle de Taine dans les débuts du rationalisme, le rôle de William Morris dans les tentatives de socialisation d’art qui suivirent le préraphaélisme, le rôle professoral de César Franck dans l’école symphonique après Wagner ; ce rôle, personne ne se présenta pour le tenir, et si le symbolisme a avorté, s’est restreint à un dilettantisme de chapelle alors qu’il était parti pour une bien plus grande tentative, c’est à cause des obstinées plaisanteries des critiques superficiels, à cause du manque d’intelligence logique dans l’école, autant et plus qu’à cause des défauts eux-mêmes des symbolistes.
Ce que Retz voudrait pour agir sur l’esprit de la compagnie, pour l’exciter suffisamment sans l’opprimer, ce serait d’avoir, non à Paris, mais hors de Paris, une armée, une véritable armée au service de la Fronde ; il s’écrierait volontiers comme l’abbé Sieyès : « Il me faut une épée. » Un moment il espéra avoir trouvé celle de M. de Turenne ; on pouvait plus mal choisir ; mais elle lui manqua. […] En plus d’un cas, Retz se voit compromis et manque de se décréditer parmi le peuple et parmi les exaltés du Parlement en s’opposant à des mesures absurdes ou à des actes de rapine et de vandalisme, tels que la vente de la bibliothèque du cardinal Mazarin. […] Il sentait qu’on ne faisait pas fond en lui, qu’on ne le prenait que par une nécessité d’occasion ; il eût été homme à ressentir un procédé tout généreux de la reine et même de Mazarin, et un de ses plus vifs griefs contre ce dernier était qu’avec beaucoup d’esprit, il manquait absolument de générosité et d’âme, et que, supposant les autres à son image, il ne croyait jamais qu’on pût lui donner un conseil à bonne intention. […] En effet, quand le pape mourait, le cardinal de Retz ne manquait pas d’aller au conclave pour y servir avec application les intérêts de Louis XIV, et, à son passage en Provence, il pouvait voir Mme de Grignan.
Parlant, il y a quelque temps, d’Horace Walpole dans la Revue des deux mondes, et jugeant le roman et la tragédie que s’avisait de composer à un certain jour cet esprit distingué, M. de Rémusat y reconnaît bien quelques mérites d’idée et d’intention, mais il n’y trouve pas le vrai cachet original, et il ajoute avec je ne sais quel retour sur lui-même : « Le mot du prédicateur : Faites ce que je vous dis, ne faites pas ce que je fais, est l’éternelle devise des esprits critiques qui se sont mêlés d’inventer. » Si M. de Rémusat a, en effet, pensé à lui-même et à ses essais de drames en écrivant ce jugement, il a été trop sévère ; je suis persuadé que, pour être artiste, c’est-à-dire producteur d’ouvrages d’imagination, pleins d’intérêt, il ne lui a manqué que d’être un peu moins nourri dès son enfance dans le luxe fin de l’esprit, et d’être aiguillonné par la nécessité, cette mère des talents. […] Voltaire, le grand moqueur, dans sa jolie pièce des Systèmes, où il parodie toutes les écoles de philosophie et les amène à comparaître devant le Trône suprême, ne manque pas de mettre ce fameux argument dans la bouche de Descartes, s’adressant à Dieu : Voici mon argument, qui me semble invincible : Pour être, c’est assez que vous soyez possible. […] Sa conscience était inquiète, son esprit un peu timoré ; il n’aurait voulu pour aucun prix manquer au devoir de son ministère. […] Ainsi, au moment d’aller rejoindre Dieu selon sa ferme croyance, et de posséder le pur esprit à sa source, Anselme regrettait de manquer une dernière découverte intellectuelle, et de ne pas résoudre par lui-même un dernier problème sur les choses de l’esprit.
Il se déclare, sans balancer, pour la méthode des divisions recherchées ; usage que méprisèrent les Grecs & les Romains ; que les Anglois, ennemis de toute contrainte, n’ont pas manqué de secouer ; & dont, en dernier lieu, s’est éloigné parmi nous un prélat, capable, par sa grande réputation & par son exemple, de réformer nos idées à cet égard, & de hâter les changemens desirés dans l’éloquence chrétienne. […] D’où vient (& c’est le grand projet de M. de Montcrif pour rendre la prédication utile), ne suppléent-ils pas au talent qui leur manque, en se bornant à réciter les beaux sermons que nous avons dans notre langue ? […] L’onction lui manque : on voit que sa vaste érudition avoit desséché son génie. […] La mémoire manqua au premier ; la crainte saisit les deux autres, & leur fit éprouver le même sort, au point d’être longtemps à se remettre.
Cependant un traducteur, pour ressembler à l’auteur dont nous parlons, se contentera d’être concis ; mais il sera concis sans être vif, et dès lors la partie la plus précieuse de la ressemblance est manquée. […] « Les Français, disait-il, manquent de goût ; il n’y a que le goût ancien qui puisse former parmi nous des auteurs et des connaisseurs ; et de bonnes traductions donneraient ce goût précieux à ceux qui ne seraient pas en état de lire les originaux. » Si nous manquons de goût, j’ignore où il s’est réfugié ; ce n’est pas au moins faute de modèles dans notre propre langue, qui ne cèdent en rien aux anciens. […] En vain lui reprochera-t-on que sa traduction manque d’une justesse rigoureuse, si on ne lui fait voir qu’il pouvait conserver cette justesse sans rien perdre du côté de l’agrément ; en vain prétendra-t-on qu’il n’a pas rendu toute l’idée de son auteur, si on ne lui prouve qu’il le pouvait sans rendre la copie faible et languissante ; en vain accusera-t-on sa traduction d’être trop hardie, si on n’y en substitue une autre plus naturelle et aussi énergique.
Après lui, toutefois, Pallas a les premiers honneurs. » Ce qui manque au poëte de crédulité naïve et religieuse, il le remplace par une raison plus haute, par cette noble et précise image, sinon du Dieu unique, au moins du Dieu suprême. […] a Le siècle de nos pères, pire que nos aïeux, nous a produits plus méchants encore, pour donner une descendance plus vicieuse que nous188. » Quelle que fût la bonne intention d’Horace pour la gloire d’Auguste, peut-on, dans le tour original même de cette ode, ne pas apercevoir ce qui manquait à cette gloire ? […] Une saine culture fortifie les âmes ; quand les mœurs manquent, les mieux nés se déshonorent par des fautes. » Ce ne sont pas cependant les odes politiques et religieuses d’Horace qui pour nous signalent le poëte que le monde lettré lira toujours. […] Mais il ne reste rien que d’exquis pour le goût et la vivacité des couleurs : il n’y manquerait pas même l’enthousiasme, le mens divinior, ce qu’Horace demandait au poëte, et ce qu’il a trouvé pour lui-même, parfois sans y prétendre.
Mais les traditions les plus accréditées à ce sujet manquent et de vraisemblance et de preuves. […] Il ne manquait à ce mouvement national qu’un homme de génie, capable de le recevoir et d’élever à son tour le public vers les hautes régions de l’art. […] Les scènes où les amis de Timon s’excusent, sous divers prétextes, de venir à son secours, ne manquent ni de vérité ni d’effet. […] Mais il veut l’accomplir avec certitude ; il veut être assuré que le coup sera légitime et qu’il ne le manquera pas. […] De nouveaux plaisirs ne devaient pas manquer à Shakespeare dans sa retraite.
La critique, le goût et le style lui manquent tout à fait : rien que cela. […] La plupart des écrivains les plus lus, les plus connus du public, ceux que les lecteurs qu’ils ont si souvent charmés ou amusés nommeraient d’emblée et tout naturellement aux honneurs littéraires, manquent par malheur dans leur vie de cette considération et de cette consistance qui font qu’on soit à sa place partout.
Charles ne commence à se dessiner et à se faire homme que du moment qu’il aime ; encore la monotonie et la généralité de ses transports accusent toujours ce qui lui manque de qualités positives et d’habitude de la vie. […] Dans le livre il en est tout autrement ; de telles pages, et il n’en manque pas, rachètent certainement bien des défauts, et elles trahissent un talent avec lequel on peut être sévère.
Les esprits jeunes ne savent guère opérer sur des abstractions : elles manquent de corps et échappent à la prise de l’imagination. […] Mais il y a là un terrible écueil : l’allégorie induit l’écrivain inexpérimenté à manquer éternellement la justesse et la précision.
Nous tâcherons de l’apprécier avec l’impartialité qui lui manque. […] Et pour qu’à leur tour les Effrontés et le Fils de Giboyer aient obtenu au répertoire leur place définitive, que leur manque-t-il autre chose que ce recul du temps, toujours plus ou moins nécessaire aux comédies de mœurs, qu’il remet au point dans la perspective du passé ?
C’est pour cette raison que César, aussi bon juge en fait de talens, qu’il étoit bon connoisseur en hommes, reprochoit à Térence de manquer de ce qui s’appeloit vis comica, c’est-à-dire, de cette vivacité de plaisanterie, de cette vigueur de ridicule, de ce ton pittoresque qui fait l’essence de la Comédie. […] Ce seroit avilir le Cothurne, ce seroit manquer à la fois l’objet de la Tragédie & de la Comédie ; ce seroit une espece bâtarde, un monstre né de l’impuissance de faire une Comédie & une Tragédie véritable. » Quoique M. de Voltaire ne fasse pas loi dans le genre comique, par le peu de succès de toutes ses Comédies, il grossit donc la foule de tous nos bons Littérateurs qui se sont élevés contre ces esprits médiocres, qui s’efforcent de rembrunir la Scène, ne pouvant l’égayer.
Comme le poëte est en droit d’exiger de nous que nous trouvions possible tout ce qui paroissoit possible dans les tems où il met sa scene, et où il transporte en quelque façon ses lecteurs : nous ne pouvons point, par exemple, l’accuser de manquer à la vrai-semblance, en supposant que Diane enleve Iphigenie au moment qu’on alloit la sacrifier, pour la transporter dans la Tauride. […] Ces derniers ne manquent pas certainement de merveilleux.
Il ne manque ni de perçant dans l’observation, ni de nerf dans le style. […] Avec la religion, avec le goût, lui manque la vie.
Les exemples à citer de ce genre de fortune ne manqueraient pas dans le passé, et l’avenir, il faut l’espérer, en réserve quelques-uns encore. […] Il manque très-peu à cette nouvelle pour être digne de se glisser entre telle agréable production de Mme Riccoboni et telle autre de Mme de Souza : il y manque un certain duvet de jeunesse, même d’ancienne jeunesse, c’est-à-dire tout simplement peut-être d’être sortie à temps du tiroir, d’avoir su éclore en sa saison et d’avoir essuyé un air de soleil. […] Vous, ma sœur (c’est une lettre d’Alphonse), dont l’humeur est parfois tant soit peu railleuse à l’égard de nous autres courtisans, vous n’auriez pas manqué de vous amuser de l’embarras où nous a jetés cette déclaration. […] Il suffit de savoir résister à l’entraînement qui l’accompagne, car il y a bien aussi quelque sorte d’ivresse dans les plaisirs de l’esprit. » — La machination tramée par le ministre, et qui manque de briser l’existence des personnages qui lui restent le plus chers, ne fait que retarder de peu sa chute. […] En somme, si les Lettres espagnoles ont manqué d’autre chose encore que de la publicité pour être un beau roman, c’en était une très-belle étude.
Charles d’Orléans après Deschamps, Chartier après Gerson, Menot avec Maillard, poètes, orateurs, prédicateurs, nul n’y a manqué. […] Il en est, enfin, par le manque de goût, surtout parce qu’il ne sent pas le besoin du goût : il en aurait, s’il voulait ; mais il laisse aller sa verve, comme sa vie. […] Il ne manque pas une occasion de lui opposerbrutalement sa maxime favorite : où est le profil, là est l’honneur 133. […] Le manque de foi excessif, habituel, notoire, est une sottise et une faiblesse : on ne trouve plus qui veuille traiter avec vous. […] Commynes a trop d’esprit pour n’avoir pas observé que ce n’est pas toujours l’esprit qui fait le succès, ni le manque d’esprit le malheur.
Ils ne manquaient pourtant ni d’esprit ni de goût, et leur admiration de disciples tendres et fidèles donne à leurs pièces le caractère de pieux hommages à la gloire du maître. […] L’extraordinaire ne manque pas dans sa vie. […] D’un poète si singulier, il ne pouvait manquer de sortir du nouveau. […] Il n’y manque pas non plus de ces coups de théâtre que Voltaire veut dans la tragédie. […] Ce n’est pas le génie tragique qui a manqué à Voltaire ; c’en est, si je puis parler ainsi, la gravité.
Quant à l’Épopée, la Henriade de Voltaire est venue faire prendre à la France sa place épique bien loin derrière toutes les autres nations : car ce sont précisément la conception et le ton épiques qui manquent à cette épopée, même dans les passages les plus justement cités par les rhétoriques de collège. […] L’espace nous manque pour une pareille dissertation, et d’ailleurs ces questions et beaucoup d’autres aussi importantes sont traitées de main de maître par M. […] Au surplus, la comparaison du siècle vivant avec les siècles qui l’ont précédé manque toujours de justesse et de justice. […] Toute l’Europe savante et poétique est sous la domination de Shakespeare traduit dans toutes les langues ; il ne lui manque plus que vingt toises carrées, à Paris, au coin de la rue Saint-Honoré et de celle de Richelieu ; elles ne peuvent plus lui manquer longtemps. […] Comment ne sent-on pas que le rhythme continue sous ce désordre apparent et qu’il n’y manque rien que la monotonie !
Flaubert n’a pas manqué à son école. […] On peut raconter, analyser d’autres livres où les vautreries ne manquent pas, mais dans L’Éducation sentimentale, cette suite de tableaux à la file, tout pareils à une lanterne magique, il n’y a rien à raconter. […] Les bouffons ont toujours beau jeu avec ce qui est sublime, parce que « du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas », disait l’Empereur Napoléon, et que les bouffons ne manquent jamais de faire faire au sublime ce pas-là. […] Dans le vide de ce qui lui manquait, il versa, pour le remplir, des impressions qu’il alla demander aux voyages. […] … Mais lui, Flaubert, après Henri Monnier, Balzac et Préault, qui ne l’ont pas tuée, et tous les ateliers de peinture de Paris, qui ne la tueront pas, Flaubert n’avait pas assez de talent pour cette exécution dernière des bourgeois… et il a manqué misérablement son coup à fond, — son coup définitif et suprême !
Le Moyen Âge travaillait autant que nous, le Moyen Âge a produit des esprits aussi actifs, aussi pénétrants que les nôtres ; le Moyen Âge a eu des philosophes, des savants, des poètes ; mais il n’a pas eu de philologues 72 ; de là ce manque de critique qui le constitue à l’état d’enfance intellectuelle. […] Que manqua-t-il donc à ces laborieux travailleurs qui consacrèrent tant de veilles à la grande étude ? Il leur manqua ce qu’eut la Renaissance : la philologie. […] Ce qui manque au Moyen Âge, ce n’est ni la production originale, ni la curiosité du passé, ni la persévérance du travail. […] Les moyens de comparaison manquaient aux anciens ; partout où ils ont eu sous la main des matériaux suffisants, comme dans la question homérique, ils nous ont laissé peu à faire, excepté pour la haute critique à laquelle la comparaison des littératures est indispensable.
Flaubert, souvent brutale, incorrecte, ne manque ni de franchise ni de netteté, et parfois même, à travers ses descriptions trop crues, une image subite révèle le sentiment de la poésie. […] Cette conception logique, cette vigueur de trait, qualités si rares parmi les coryphées de la littérature courante, ne pouvaient manquer de produire quelque impression ; des juges assez peu sensibles d’ordinaire à certaines qualités de la forme ont été éblouis de cette rencontre en plein roman réaliste, et un hégélien fort sceptique sur les vérités les plus claires a déclaré sans hésiter que Madame Bovary était une œuvre classique. […] Si l’auteur manquait de mémoires, au moins aurait-il dû nous apprendre qu’il en manquait… » Pourquoi faut-il, hélas ! […] Il y avait pourtant un moyen de relever ces peintures africaines et de leur donner l’intérêt qui leur manque : c’était d’opposer à la barbarie orientale cette civilisation gréco-latine qui devait accueillir plus tard si naturellement la lumière de l’Évangile, et qui déjà en ces siècles sombres était le salut du genre humain. […] Son style est ferme, coloré, plein de ressources ; il manque pourtant de souplesse.
Il y a des livres commodes où nous tous, gens de lettres, sommes rangés depuis longtemps par ordre alphabétique, avec les titres et les dates de nos productions, avec la date de notre naissance ; il n’y manque plus que celle de notre mort. […] Son style s’en ressentit toujours ; ce style, semé de bien des traits heureux, manquait foncièrement par la trame. […] Mais ce qui manque à toutes ces pièces, c’est l’invention d’abord, puis le dessin, la composition, même cette toute petite et bien courte composition qui est celle d’une idylle ou d’une élégie. […] Il a des vers isolés charmants, des alliances de mots heureuses, poétiques, élégantes ; il a les éléments de tout, « mais le tissu manque sous ses fleurs brodées ». […] Il lui manquait dans le talent le ramis felicibus arbos de Virgile, cette facilité du talent qui en est la félicité.
Si Watteau, nous a-t-il dit encore, est le plus admirable des créateurs, dans son ordre d’idées et de faits, l’historien aspirera à devenir un Watteau à sa manière. » Et cela n’a pas manqué ! […] Capefigue a oublié ce que les Royalistes, tels que les a faits la maison de Bourbon, ne manquent jamais d’oublier non plus dans leurs appréciations raccourcies, — l’importance des mœurs dans la politique des gouvernements et dans la destinée des peuples ! […] Son livre, plus modeste que son héroïne, son livre indécis, manque déplorablement de ce relief paradoxal qui convenait à ce grand nom de Du Barry, — grand dans le mépris, et qui probablement y restera. […] Et cela n’a pas manqué. […] Capefigue, sur cette réhabilitation historique osée et manquée à la fois, — en même temps poltronne et audacieuse, car l’auteur a peur de son audace ou plutôt de l’effet de son audace sur le public scandalisé.
Ce livre, c’est L’Ensorcelée, dans lequel le héros s’envoie un coup de tromblon chargé de dix-huit balles par la figure, et, s’il manque son cerveau, il ne manque pas sa figure, que le coup emporte, tandis que le suicidé de Monsieur de Camors se tue roide, et n’est pas le héros du roman. […] Il se marie à la fille d’une femme qu’il a aimée et qu’il n’a pas eue, ce Lovelace manqué, ce Lovelace borné par Grandisson ! Après avoir été infidèle à sa femme pour cette fameuse Charlotte de Campvallon, — que les ingénus qui jugent les femmes à l’audace avec laquelle elles relèvent leurs jupes ne manqueront pas de prendre pour un caractère, — il redevient platement amoureux de sa femme, à lui, uniquement parce qu’elle l’a quitté et que c’est l’éternel jeu de ces enfants : « Tu ne veux plus, mais moi précisément je veux, parce que toi tu ne veux plus. » Enfin, dernier coup porté à cet invincible ! […] Je n’ai jamais manqué de parler de lui quand il a publié quelque chose, et j’aurais, je l’avoue, aimé à me taire sur son nouveau livre, parce que ce livre n’ajoute pas aux qualités de son auteur et à l’estime que je fais de lui. […] Ce n’est pas le talent qui lui manque, ni l’observation, ni l’imagination, ni même le style, mais c’est la force, le mordant, et la profondeur dans tout cela.
On nomme les choses et les êtres par dos vocables artistement choisis, et l’art ne manque jamais d’accorder les plus rudes créatures au bon ton de la société. […] Elle manque de vie intrinsèque. […] Je veux dire, en un mot, que le naturalisme a manqué jusqu’ici de largeur et d’universalité dans sa vision du monde. […] Je crains de paraître paradoxal en affirmant qu’à mon avis, Zola manque de réalisme ; ou plutôt que son réalisme n’atteint pas au sens plein et véritable de ce mot. […] Saint-Georges de Bouhélier, Zola ait « ressenti l’émotion de Pan » ; et c’est justement là ce qui manque à son œuvre de n’avoir point été traversée par cette émotion.
Et, en effet, un écrivain doué de l’instinct politique qui manque à Weiss, et n’ayant, pas plus que lui les passions aveuglantes du sectaire, aurait frappé au cœur même de la question historique qui domine tout son livre, et eût essayé de la résoudre au lieu de la prendre des mains de tout le monde toute résolue, et résolue comme tout le monde résout les questions ! […] L’instinct lui a manqué, non la science. […] Aussi, nous le disons en finissant, et c’est par là que nous voulons terminer, quoique nous appréciions très bien ce qu’il y eut de cruel et de vraiment digne de regret dans nos pertes, à cette époque de notre histoire, une si fastidieuse exactitude finit par manquer entièrement l’effet qu’un récit moins traîné dans le terre-à-terre des détails devait produire, même sur les esprits les moins enclins à s’attrister.
Ils l’ont fait partir pour cette destination par l’omnibus Lévy au lieu de l’omnibus Didier, qui est le corbillard officiellement académique, mais ils n’auront pas voulu manquer à l’étiquette de l’Académie, puisque le malheureux n’en était pas… Qu’importe ! […] De Louis-Philippe à la République de 1848 les lettres manquent ; au coup d’État de Napoléon III et à sa chute, les lettres manquent encore.
Il manque de tout rien, — que cela ! Il manque de plan, d’organisme, de vie, de passion de caractère, de couleur franche, de traits hardis. Il manque même de haine philosophique, quoique de Rémusat doive avoir, tapies quelque part, les haines de sa philosophie, et quoique le scepticisme du temps et la glace de son tempérament aient bien diminué cette rage contre l’Église qu’ont tous, au fond du cœur, les philosophes, et que Cousin, lâche, mais indiscret, révélait en la couvrant de ce mot, dit justement à propos d’Abélard : « Il avait déposé dans les esprits de son temps le doute salutaire et provisoire, qui préparait l’esprit à des solutions meilleures que celles de la foi. » Charles de Rémusat n’a jamais eu de ces imprudentes et impudentes paroles d’un homme dont l’espérance trahit l’hypocrisie, mais à quelque coin, dans cet esprit moyen, dans cette âme de sagesse bourgeoise, il y a toujours, prête à se glisser au dehors, l’hostilité contre toutes les grandes choses que nous croyons… Comme Abélard, le héros de toute sa vie, comme Bacon, qu’il a aussi commenté, de Rémusat s’est toujours plus ou moins vanté d’être un écrivain de libre examen et de libre pensée, un philosophe contre la théologie, un adversaire de l’autorité sur tous les terrains, en religion comme en politique, — et comme l’Église est l’autorité constituée de Dieu sur la terre et qu’elle a le privilège divin « que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre Elle », de Rémusat, qui est une de ces portes-là, — non pas une porte cochère, aux cuivres insolemment luisants et aux gonds tournant à grand bruit, mais une petite porte, discrète et presque cachée à l’angle et sous les lierres prudents de son mur, — de Rémusat entend bien prévaloir contre l’Église et lui prouver que son privilège divin n’est qu’une prétention !
Mgr Salvado aurait pu ajouter aux paroles si sensées et si courageuses du docteur, ce passage des Monthly Records, plus courageux et plus explicite encore : « S’il est un fait incontestable, — disent les Monthly Records, — qui nous humilie et qui nous afflige, c’est que là où nous, anglicans, nous agissons timidement, dans nos possessions australiennes, l’Église de Rome est activement à l’œuvre avec un zèle et une sagesse que nous ferions bien d’imiter… Ses évêques sont partout où il y a des âmes à conquérir et à changer… Une maîtresse pensée (master mind) anime et dirige leurs travaux… Quand un seul membre de notre clergé poursuit solitairement une tâche accablante, sans être assisté des conseils de ses supérieurs, l’Église de Rome ne cesse d’apparaître avec tous ses moyens d’action au grand complet… » Certainement, jamais le sentiment de ce qui manque à sa patrie n’a inspiré à un anglais plus de noble jalousie et de justice, et il n’y aurait qu’à admirer, si, en sa qualité d’anglican, l’écrivain auquel on applaudit ne provoquait pas le sourire en nous parlant des moyens d’action au grand complet de cette Église romaine dont il faut bien compliquer le génie pour en comprendre la puissance, quand on ne croit plus à sa divine autorité ! […] Voilà surtout ce qui nous a frappé dans ce livre que la curiosité ne manquera pas d’ouvrir, mais que la réflexion fermera pour y penser et le rouvrir encore. […] Un livre probe, savant et complet dans sa concision sévère, manquait absolument sur la nouvelle partie du monde découverte, il n’y a pas un siècle, par les navigateurs anglais.
Esprit emphatique (dans le bon sens du mot), il tend, et c’est son mérite, au grandiose, même quand il le manque ; et quand il le manque, ce n’est pas qu’il ait tiré trop bas, mais c’est qu’il a tiré trop haut ! […] cette architecture a toujours manqué à Victor Hugo, cet architecte pourtant, de préoccupation et de connaissances, à qui nous devons le roman architectural de Notre-Dame-de-Paris.
Ces facultés, en effet, ont le double caractère qui atteste la médiocrité foncière d’un esprit destiné à périr ; elles manquent de sincérité, et elles ont produit des choses trop vite populaires. […] Il y était peut-être en trop grande tenue pour l’heure (c’était le matin), mais cela marquait cette bonne volonté des apprentis en toute chose, qui, pour ne pas manquer la nuance, foncent la couleur. […] Deux jours avant sa mort, il était obligé d’essuyer encore les aubades qui devaient cruellement offenser ses nerfs de grand seigneur manqué et de voluptueux, et la mort seule put le débarrasser de cette éclatante misère, des importunités de ce bruit qu’il avait tant aimé et auquel il avait sacrifié toute sa vie.
Eugène Sue, qui avait des reins, Eugène Sue, ce portefaix littéraire, a manqué les Mémoires d’une institutrice, encore un titre plein de choses, un type et un sujet heureux ! […] Mais n’ajouter rien à ce que nous savons et nous refaire, en l’abaissant et en l’encanaillant chaque fois davantage, La Dame aux Camélias ou Le Demi-Monde, ou le quart de monde, et s’enfoncer dans des milieux encore plus immondes et qui ne sont plus des mondes du tout, je dis que ce n’est pas là seulement amour de l’immoralité, mais, en matière d’observation, manque de regard et radicale impuissance ! […] Certainement je vois bien deux raisons à ce bruit d’un livre manqué, comme ces Mémoires d’une femme de chambre : d’abord le pamphlet qui s’y est embusqué, et ensuite le genre même du roman qu’on a voulu écrire.
Le biographe d’Edgar Poe ne le dit pas et peut-être ne s’en soucie guère ; mais le silence de sa notice sur l’éducation morale, nécessaire même au génie pour qu’il soit vraiment le génie, genre d’éducation qui manqua sans doute à Edgar Poe ; et d’un autre côté, le peu de place que tiennent le cœur humain et ses sentiments dans l’ensemble des œuvres de ce singulier poëte et de ce singulier conteur, renseignent suffisamment, — n’est-il pas vrai ? […] Tout cela, — des contes d’ogre pour des enfants qui se croient des hommes, — n’a qu’une prise d’un moment sur l’imagination du lecteur, et manque, comme impression d’art, de profondeur et de vraie beauté. […] Eh bien, cette dernière affection d’une mère, qui ne lui manqua jamais et qui lui survécut, ne l’arrêta point dans la consommation de ce long suicide par l’alcool qu’il accomplit sur sa personne.
On veut condamner le duc de La Valette au même supplice ; et comme les crimes manquaient, on lui en fait un de s’être mis par la fuite à couvert des vengeances du ministre. […] Il manquait un bourreau, le chancelier l’achète et le paie de son argent. […] Ce n’est pas qu’on prétende attaquer ici les qualités que peut avoir ce ministre ; on convient qu’il eut du courage, un grand caractère, cette fermeté d’âme qui en impose aux faibles, et des vues politiques sur les intérêts de l’Europe ; mais il me semble qu’il eut bien plus de caractère que de génie : il lui manqua surtout celui qui est utile aux peuples, et qui, dans un ministre, est le premier, s’il n’est le seul.
Ce n’était pas l’envie qui me manquait, mais les poings. […] Quelques amis manquaient cependant : les uns étaient morts, les autres en exil ! […] Il avait même une sorte de prévention contre ceux dont les extrémités manquaient de finesse. […] Cependant nous sentions qu’il y avait en lui une sorte de force comique qui manquait aux autres. […] Il manquait à Jules de Goncourt, apprécié, fêté, loué par les maîtres de l’esprit… eh !
Ils manquent d’un recul dans les siècles, de la patine du temps. […] manqué de dire que c’est un drame insuffisamment scénique. […] Les forces, les années, les loisirs manquent. […] Qu’est-ce qui a manqué à Mérimée pour être un Poëte ? […] De quoi il a manqué ?
Sauf un ou deux cas d’exception, — Pascal, Bossuet, — on reconnaît et l’on peut toujours nommer quelque ancien derrière un moderne il eût semblé autrement que la caution, la marque de garantie lui manquait. […] Elle perdrait tout à une tentative d’évasion manquée ; que gagnerait-elle à une fuite heureuse ? « Rien ne m’arrêterait, dit-elle, si j’avais à les braver seule (les dangers) pour aller te rejoindre ; mais exposer nos amis et sortir des fers dont la persécution des méchants m’honore, pour en reprendre d’autres que personne ne voit et qui ne peuvent me manquer, cela ne presse nullement. […] Il eût suffi, en cet endroit, d’un goût littéraire plus sévère et plus vrai pour empêcher Mme Roland de se laisser aller à une phrase, à une simple inadvertance déclamatoire, qui ressemble à un manque de tact moral. […] Certes, tu n’es pas fait pour manquer d’aucune, ni de rien de ce qui appartient à une âme forte et supérieure : ne te laisse donc pas entraîner par l’excès même du courage vers le but où mènerait aussi le désespoir. » D’après tous ces passages, on voit que s’il y a quelque emphase, elle est rachetée aussitôt par bien des mérites, par des délicatesses infinies dépensées, et que la Romaine en Mme Roland n’a pas absolument la roideur du bas-relief ; elle est touchante, elle est Française encore, elle est femme, et c’est par l’ensemble de ces qualités réunies que les quatre Lettres retrouvées restent, toutes critiques faites, une acquisition hors de prix pour la littérature.
De nos jours, les grands hommes dans les lettres, quand bien même, par leurs mémoires ou leurs confessions poétiques, ils seraient moins empressés d’aller au-devant des révélations personnelles, pourraient encore mourir, fort certains de ne point manquer après eux de démonstrateurs, d’analystes et de biographes. […] Quand les faits sont clair-semés ou manquent, ce qui arrive quelquefois, il ne s’efforce point d’y suppléer par les suppositions circonspectes et les inductions légitimes d’une critique sagement conjecturale ; mais il passe outre, et s’empresse d’arriver à des faits nouveaux : de là chez lui des intervalles et des lacunes que l’esprit du lecteur est involontairement provoqué à combler. […] Entre son génie et son bon sens, il n’y avait rien ou à peu près, et ce bon sens, qui ne manquait ni de subtilité ni de dialectique, devait faire mille efforts, surtout s’il y était provoqué, pour se guinder jusqu’à ce génie, pour l’embrasser, le comprendre et le régenter. […] Le bon Corneille y manqua de mesure et de convenance ; il insista lourdement là où il devait glisser ; lui, pareil au fond à ses héros, entier par l’âme, mais brisé par le sort, il se baissa trop cette fois pour saluer, et frappa la terre de son noble front. […] Il appelle grossièrement solécisme ce qu’il devrait qualifier d’idiotisme, et qui manque si complètement à la langue étroite, symétrique, écourtée, et à la française, du xviiie siècle.
Il avait l’esprit très philosophique, et peu de connaissances ou de curiosité philosophiques ; il n’avait en morale qu’une science commune et superficielle, et ni théoriquement ni pratiquement il n’avait de grandes lumières sur la vie de l’âme humaine : il fait exception dans le xviie siècle par son manque de sens psychologique. […] Il fait le procès à toutes les œuvres où manquent et la vérité et l’art. […] à quoi bon démontrer qu’il n’avait pas manqué à la majesté du roi, ou qu’il n’était pas athée, ou qu’il n’avait pas été bâtonné ? […] Séduit outre mesure par les anciens, il a loué dans l’églogue précisément le manque de réalité : cédant trop complaisamment au goût mondain, il a préféré la « mignardise » de Térence au robuste naturel de Molière. […] Ce « naturalisme », c’était précisément ce qui manquait aux victimes des Satires, dont l’ordinaire défaut était de déformer la nature ou de l’exclure.
Le père de Rivarol, homme instruit, dit-on, et qui même aurait eu le goût d’écrire, manquait de fortune ; il eut seize enfants, dont Rivarol était l’aîné. […] Quand Rivarol eut quitté la France, en 1791, il disait avec plus de gaieté que d’invraisemblance : « Si la Révolution s’était faite sous Louis XIV, Colin eût fait guillotiner Boileau, et Pradon n’eût pas manqué Racine. […] « Il n’y a rien dans le monde qui n’ait son moment décisif, a dit le cardinal de Retz, et le chef-d’œuvre de la bonne conduite est de connaître et de prendre ce moment. » Rivarol fait voir que, s’il exista jamais, ce moment fut manqué dès l’abord dans la Révolution française. […] Que si Locke et Condillac « manquaient également tous deux du secret de l’expression, de cet heureux pouvoir des mots qui sillonne si profondément l’attention des hommes en ébranlant leur imagination, leur saura-t-on gré de cette impuissance ? » Et il conclut en disant : « Les belles images ne blessent que l’envie. » Il n’a manqué à plus d’une de ces pages de Rivarol, pour frapper davantage, que de naître quelques années plus tôt, en présence de juges moins dispersés et sous le soleil même de la patrie.
Ces fleurettes avaient choqué le sévère et assez judicieux Gibert, qui trouvait plutôt en Cicéron du large et du majestueux : « En quoi il n’a pas pris garde, observait-il de Rollin, qu’il a fait comme celui qui disait que M. de Turenne était un joli homme. » Ce Gibert, dans sa critique du Traité des études, n’est point à mépriser ; esprit didactique et dogmatique, austère et sec, il montre assez bien en quoi Rollin manque de rigueur d’analyse et déroge aux antiques modèles. […] D’Aguesseau, résumant cette impression si juste, lui écrivait après l’avoir lu : « J’envie presque à ceux qui étudient à présent, un bonheur qui nous a manqué, je veux dire l’avantage d’être conduit dans les belles-lettres par un guide dont le goût est si sûr, si délié (délié est un peu fort), si propre à faire sentir le vrai et le beau dans tous les ouvrages anciens et modernes. » Voltaire lui-même, qui fut sévère et une fois surtout injuste pour Rollin, l’a proclamé « le premier de son corps qui ait écrit en français avec pureté et noblesse. » Il l’a loué dans Le Temple du goût en des termes qui sont le jugement même, et il est allé jusqu’à appeler le Traité des études « un livre à jamais utile », ce qui est même trop dire, puisque ces sortes de livres n’ont qu’un temps, et que les générations qui en profitent les usent. […] Il ne manquera rien à mon bonheur, si mon jardin et ma solitude contribuent à me faire songer plus que jamais aux choses du ciel : « Quae sursum sunt sapite, non quae super terram » (Mettez votre esprit à ce qui est de là-haut, non à ce qui est sur la terre). […] ils croissaient presque à l’insu des pères, au milieu des discordes civiles, et ils sont absous par les malheurs publics, car tout leur a manqué : l’instruction, les remontrances, les bons exemples et ces douceurs de la maison paternelle, qui disposent l’enfant aux sentiments vertueux et lui mettent sur les lèvres un sourire qui ne s’efface plus. […] Ils ont franchi brusquement toutes les époques du premier âge, et se sont assis parmi les anciens, qu’ils ont étonnés par une maturité précoce, mais sans y trouver ce qui avait manqué à leur jeunesse.
La vie de Bernardin de Saint-Pierre se partage donc très distinctement en deux parties : dans la première, il court le monde à l’aventure, il va de mécompte en mécompte ; jeune, beau, plein de séduction au premier abord et généralement bien accueilli, il manque tout, parce qu’en réalité il ne s’applique sérieusement à aucune carrière, et que, dans ce qu’il entreprend, il a toujours son arrière-pensée secrète de colonisateur à demi mythologique, sa chimère d’être Orphée ou Amphion. […] Hennin à cette lettre, réponse que les éditeurs ont eu le tort de supprimer, on voit cet homme de sens combattre la détermination de Bernardin, et lui représenter qu’il n’y a rien d’humiliant dans l’offre qui lui est faite ; que le premier pas est l’essentiel, et que le reste ne peut manquer de suivre : « Considérez, monsieur, que dans un pays où les sujets manquent, vous auriez été le premier employé. […] Son édifice deviendrait aisément immense si le temps, les matériaux et la tranquillité d’esprit ne lui manquaient pas : « C’est ainsi que je file ma soie, dit-il ; j’en verrai la fin avec celle de mes forces. » Cette vie, bien que mélancolique, lui plairait assez si elle pouvait durer. […] Je pourrais citer d’autres délicieux petits tableaux tout à côté, notamment celui qui commence par ces mots : « Si jamais je travaille pour mon bonheur, je veux faire un jardin comme les Chinois… » Malgré ces touches heureuses, il manquait pourtant au Voyage de l’île de France, et à son exactitude complète, cette vie intime et magique que Bernardin, en y revenant, saura mêler plus tard à ces mêmes peintures, quand il les reverra de loin, non plus dans l’ennui de l’exil, mais avec la tendresse du regret et avec la vivacité de l’absence.
Au point de vue de la composition littéraire, cette convocation générale des peuples, où ne manquent ni le Lapon, ni le Samoyède, ni le Tongouze, désignés chacun par des épithètes qui veulent être homériques, est bizarre et sans goût : on plaide et l’on dispute devant je ne sais quel autel de l’union et de la paix ; il y a le groupe des amis de la vérité qui a son orateur, et un certain groupe des hommes simples et sauvages qui parle tout à la fois : c’est ce dernier groupe qui a les honneurs de la conclusion, et qui coupe court à la dispute universelle, en disant de ne croire qu’à ce qu’on voit et à ce qu’on sent par sensation directe. […] Quant aux religions, sans aller plus avant, il n’a pas moins manqué à la vérité sociale. […] Dans le cours d’histoire qu’il professa aux Écoles normales après la Terreur (1795), s’élevant avec raison contre l’abus qu’on a fait des études grecques et romaines, il va pourtant jusqu’à l’excès quand il dit : Oui, plus j’ai étudié l’Antiquité et ses gouvernements si vantés, plus j’ai conçu que celui des Mamelouks d’Égypte et du dey d’Alger ne différaient point essentiellement de ceux de Sparte et de Rome, et qu’il ne manque à ces Grecs et à ces Romains tant prônés que le nom de Huns et de Vandales pour nous en retracer tous les caractères. […] Dans ces études que je poursuis sur les écrivains du règne de Louis XVI (Barthélemy, Necker, Volney), j’aboutis souvent au nom de Chateaubriand, et je le fais avec intention : c’est, en effet, pour avoir repris plus tard avec bonheur ce que d’autres avaient pressenti et en partie manqué, c’est pour avoir trouvé et fondu sous ses pinceaux ce que des devanciers qui semblent quelquefois ses adversaires avaient cherché avec peine, que Chateaubriand a eu ce prompt succès. […] Mais laissons-le poursuivre et nous raconter avec plus d’abandon que nous ne lui en avons jamais vu, qu’il n’est plus comme autrefois l’homme exact, esclave de ses projets une fois arrêtés : Ceci me rappelle encore un singulier Hollandais, jadis ambassadeur au Japon, et que j’ai connu à Paris, Titsing ; il me disait en février : « Je partirai le 6 septembre prochain, à sept heures du matin, pour aller voir ma sœur à Amsterdam ; j’arriverai le 12, à quatre heures. » Si cela manquait de demi-heure, il était malheureux.
Ce manque de culture générale sera le principal défaut des jeunes écoles. […] Nous manquons d’une foi neuve et profonde, d’une tendance qui entraîne et divise les écrivains. […] On a dit à tort que nous manquions de critiques, non, nous manquons davantage d’œuvres vivantes. […] 1º L’ignorance encyclopédique des jeunes écrivains, leur manque de culture générale.
Cela n’a jamais manqué. […] Quelques-unes même de ces physionomies sont de véritables apparitions, et rien ne manque aux affreux fantômes évoqués et reconstruits. […] Avocat de métier, avocat de conviction, avocat d’âme, mettant sa main corrompue dans l’or et le sang, de quelque trésor ou de quelque veine qu’ils coulassent, cet ambitieux manqué qui croulait par la ceinture, comme tous les ambitieux esclaves des plaisirs matériels, n’a jamais eu au cœur ou à la tête le bronze qu’on lui croit. […] Du reste, ce qui manque principalement à tous ces chefs de la Révolution française, à des degrés différents, il est vrai, mais ce qui manque profondément à tous, c’est le meilleur de la personnalité humaine : c’est le génie, c’est la foi, c’est le caractère.
L’histoire explique assez ce qui manquait à cette œuvre, inaugurée par la suppression arbitraire d’un État libre, et par la création factice de démocraties nominales, puis promptement réduite à ce pouvoir absolu qui exploite les bras d’un peuple, mais ne le ranime pas. […] N’avons-nous à contempler dans les arts que la masse et le nombre des ouvrages, achevés à la hâte comme si le temps devait toujours manquer aux fondateurs ? […] « Jamais, s’écrie-t-il, je n’ai senti comme aujourd’hui mon abandon, ma solitude, mon lamentable manque d’amour. » Un art plus heureux du poëte, c’est de ne point s’arrêter aux seules grandeurs de la matière, tout étonnantes qu’elles soient, mais de remonter à la pensée divine. […] » À ces demandes le poëte répond comme un inspiré : « Le Seigneur a étendu sa main toute-puissante ; il a revêtu de nuées ta lumière ; il a donné sa voix à tes flots déchaînés, et paré de son arc ton front terrible. » Après ces grandeurs de la nature, après le soleil de Cuba, les forêts de la Virginie, ce qui possède l’âme d’Heredia, ce qui la fortifie et l’élève, c’est l’amour de la liberté, mais aussi de la justice, de la modération, de tout ce qui manquait aux révolutions du Mexique, tour à tour célébrées et maudites par le poëte. Il revint toutefois sur cette brûlante arène, car la patrie lui manquait encore plus que la liberté.
Les auteurs n’ayant aucun motif pour rien ménager, rien voiler, rien sous-entendre, la grâce et la finesse devaient nécessairement manquer à leur gaieté. […] Si votre mémoire ne se retrace pas le sujet des allusions, votre esprit ne vous suffit pas pour comprendre la gaieté de ces écrits ; et s’il faut réfléchir à une plaisanterie pour en découvrir le sens, tout son effet est manqué.
Du rapport des idées et des mots « Jamais les mots ne manquent aux idées, a dit Joubert : ce sont les idées qui manquent aux mots.
Même où manquent la raison et la conscience, les vagues appréhensions et les confuses agitations des sentiments trouvent des termes pour s’exprimer. […] Il laisse aux faibles leur faiblesse, mais il ne manque jamais aux forts, et, quand on sait le prendre, il peut tout.
Le vieux ne se sent pas le courage — et pourquoi ne le dirait-il pas — le talent d’écrire, lui tout seul, les deux études qui manquent au livre. […] Nous trouvons, jeté sur un morceau de papier, avec le désordre d’une note : Il me manque le premier volume de ma vie d’enfant… J’ai presque tout le reste en portefeuille… J’aimerais qu’on écrivît sans esprit.
Mais cette description manque de vérité. […] Flore revint avec sa corbeille, et les éternels Zéphyrs ne manquèrent pas de l’accompagner ; mais ils ne retrouvèrent dans les bois ni les naïades, ni les faunes ; et s’ils n’eussent rencontré les fées et les géants des Maures, ils couraient risque de se perdre dans cette immense solitude de la nature chrétienne.
Ce champ est vaste ; il n’a pas manqué de cultivateurs. […] Ces essais, tels qu’ils sont, doivent être regardés comme un repertoire utile ; mais tels qu’ils pourroient être, ils formeroient un livre excellent qui manque à notre littérature.
Ne manque pas d’arriver le premier ; presse-toi. […] Il ne lui a manqué que de naître cent ans plus tôt. […] Je crois que Dryden, avec tous ses prosternements, a plutôt manqué d’esprit que d’honneur. […] Excepté le terrible Hobbes, ils manquent tous de la grande invention. […] C’est pourquoi la matière manque à l’art d’écrire.
Il manque d’enthousiasme. […] Et il lui répond : « C’est une œuvre manquée. […] Rien ne lui manquait à présent. […] Flaubert a pu trouver qu’il manquait de volonté : il en manquait tout de même moins que Frédéric. […] Et l’argent lui manque, et Frédéric est riche.
Par son âge, elle appartenait tout à fait à la jeune cour ; et même avec moins de solidité dans l’esprit, elle n’aurait pas manqué d’en posséder encore les plus justes élégances. […] Le perfide Vardes et le fier M. de Guiche sont bien des figures qui siéraient d’emblée à la cour de Henri II ; et, à cette cour de Madame, il ne manquait pas même de chevalier de Lorraine. […] Depuis lors, il n’a pas manqué de personnes qui ont voulu maintenir à Segrais l’honneur de la paternité ou du moins une grande part. […] S’il lui avait fallu parler devant cinq ou six personnes un peu solennellement, la force lui aurait manqué, et la harangue qui était d’usage pour l’Académie française l’en détourna. […] Dans la teneur de la vie, elle était surtout sensée ; elle avait le jugement au-dessus de son esprit, lui disait-on, et cette louange la flattait plus que le reste : ici, la poésie, la sensibilité intérieure reprennent le dessus, quoique la raison ne manque jamais.
. — Par exemple, ce matin, je suis allé dans telle rue et dans telle maison ; en ce moment, si je rappelle cette promenade, quantité de détails manquent ; beaucoup des sensations que j’ai eues ne renaissent plus. […] Je puis ainsi remonter très loin et très vite, en sautant de cime en cime, atteindre en un instant à dix, vingt années de distance. — Joignez à cela le calendrier, les chiffres, tous les moyens que nous avons et qui manquent aux enfants, aux sauvages, pour mesurer cette distance. […] Voilà le fait brut ; pour se l’expliquer, il suffit de se reporter aux opérations de la mémoire. — Il y a deux sensations qui n’ont jamais manqué de se succéder en nous : d’un côté, celle d’une obscurité de plusieurs heures ; de l’autre côté, celle d’un globe lumineux surgissant au bord oriental du ciel. […] Nous ne faisons pas une action sans compter au préalable sur un effet, et cet effet ne manque presque jamais de se produire. […] Animal ou homme, l’être intelligent ne pourvoit à ses besoins, ne conserve sa vie, n’améliore sa condition que par l’accord exact de sa prévision présente et de l’avenir prochain ou même lointain. — Si parfois cette harmonie manque, c’est quand il s’agit d’objets ou de circonstances sur lesquels l’observation antérieure n’a pas fourni assez d’indices.
On ne peut reprendre dans ce récit de quelques mois de paix que deux ou trois jugements qui manquent de justesse parce qu’ils manquent d’impartialité. […] L’histoire, autrement, manque de vérité, et le drame manque de vraisemblance. […] À l’une comme à l’autre de ces prétendues faiblesses, il faut des signes extérieurs : il faut un culte au sentiment religieux ; il faut des distinctions visibles au noble sentiment de la gloire.” » Ici la vérité ne manque pas au tableau, mais la réflexion manque à l’historien. […] Non que le droit manquât à ceux qui voulaient avec un soldat faire un roi ou un empereur : la nation pouvait incontestablement transporter à qui elle voulait, et à un soldat sublime plus qu’à tout autre, le sceptre de Charlemagne et de Louis XIV. […] Les tentatives toutes avortées pour réunir les escadres françaises, espagnoles, hollandaises, dans la Manche, afin de protéger le passage de ses bateaux plats d’un bord à l’autre ; des revues impériales de l’armée de terre et des flottilles passées sur les hauteurs et dans les eaux de Boulogne ; des distributions solennelles de décorations à l’armée, des négociations avec le pape pour amener ce pontife à Paris et pour obtenir de sa faiblesse le couronnement du nouveau Charlemagne ; le spectacle de la réaction religieuse qui précipite les vieillards, les femmes, les enfants, les populations des campagnes au pied du vicaire vénéré du Christ ; la cérémonie du sacre renouvelée des antiques monarchies et des antiques sacerdoces ; toute cette audacieuse amende honorable du pouvoir, des soldats, et du peuple de la Révolution au passé, tout ce changement de décoration à vue sur le théâtre du monde enfin, sont admirablement reproduits par l’historien ; la réflexion seule manque au peintre, ici comme partout.
est le manque d’entrailles. […] C’est aussi le manque d’entrailles qui nous frappe dans les deux Nouvelles que nous avons sous les yeux. […] de ceux qui se laissent effrayer par les hardiesses de la bizarrerie, mais la bizarrerie d’Edgar Poe manque justement de cette sincérité qui fait de l’originalité une chose divine. […] Eh bien, cette dernière affection d’une mère qui ne lui manqua jamais et qui lui survécut, ne l’arrêta point dans la consommation de ce long suicide par l’alcool qu’il accomplit sur sa personne. […] Les Barnum, ces confectionneurs de renommée dans son pays, lui manquèrent.
Et son seul crime, si c’en est un, serait d’avoir manqué de génie. […] Ce qu’il prenait à Cervantès ou à Plutarque, Hardy l’a comme eux accommodé à la scène ; et il a d’ailleurs manqué de génie, il a manqué de style, il a manqué d’art au point qu’on n’en manque pas davantage, mais précisément, au sens où l’on entend habituellement le mot, ce qu’il a été, c’est un inventeur. […] Rigal est de ceux dont on peut dire qu’il nous manquait. […] Quoi qu’il y puisse manquer — et y manque beaucoup de choses, que ce n’est pas le lieu d’énumérer ici, — un grand pas n’en est pas moins accompli. […] ou pourquoi Louis XIV n’aurait-il pas manqué de perspicacité ?
., pour auteurs d’esprit et de talent ; il nous a tracé la description de cette société et de cette monarchie finissante dans des pages qui sont très fines, d’une vraie nuance, et où les aperçus élevés et les perspectives lointaines ne manquent pas. […] Il a manqué à la réputation de M. de Meilhan quelques années de plus de durée pour être fixée et enregistrée dans l’opinion, et pour que l’auteur fût classé à son tour dans la série des moralistes, à la suite des hommes célèbres dont il a si bien déterminé le caractère et distingué les mérites aux premières pages de ses Considérations sur l’esprit et les mœurs (1787). […] La surface en est fort étendue : il y a des idées positives et d’un homme d’administration, il y a des vues d’homme politique et de philosophe : ce qui paraît manquer, c’est le lien exact et la cohésion de toutes ces parties. […] Quelque vicieux que soit l’emploi des talents d’un fat, ils n’en existent pas moins : mais les modèles manquent dans ce genre comme dans beaucoup d’autres.
Dans les ouvrages, si vantés alors, de ce professeur d’un nouveau genre, au milieu des qualités spécieuses il y avait un manque de sincérité auquel elle ne pouvait se faire. […] Je sais bien que justement c’est un reproche, et un reproche fondé à faire à cette aimable société, que ce manque d’aplomb moral qui laissait un vague dangereux à la vertu ; mais n’était-ce pas là l’esprit général du siècle, et n’est-ce pas là la source de tous les maux qui ont ensanglanté notre pays après l’avoir bouleversé ? […] Après tout, ne soyons point exclusifs et négatifs en aucun genre ; ne prenons jamais le dégoût pour le goût, l’exemption pour la qualité ; et, de quelque prix qu’il soit à qui l’a su connaître, périsse l’atticisme lui-même si on ne peut absolument le conserver que par le manque de vie, par une stagnation qui mène insensiblement et bientôt à la sécheresse ! […] Elle portait dans sa vieillesse un petit bonnet à bec, et était montée sur des mules avec des talons très hauts. — C’est sous cette figure, qui ne manque pas du moins de caractère, qu’on peut se représenter de loin la personne respectable, aujourd’hui remise dans son vrai jour, au moment où elle disparaît l’une des dernières au bout d’une des allées du xviiie siècle.
Ici c’est le souffle, c’est le courant qui manque. […] La collection est complète ; cette fois encore, il n’y manque que la construction. […] Cette érudition était étendue et profonde, comme son beau lac, mais un peu stagnante ; il y manquait au milieu le Rhône. […] Moi, j’ose penser qu’un tel homme, doué de cette réunion d’avantages, serait tellement heureux que l’on ne peut se faire l’idée d’une situation plus agréable, même en paradis ; il n’y manquerait que la durée pour avoir ainsi le ciel sur la terre.
L’espace et l’air lui manquent. […] C’est un terrible rédacteur de bulletins ; il lui manquait cela pour le compléter. […] Aussi, avec bien plus de talent et de portée que beaucoup de ses confrères en journalisme, manque-t-il et manquera-t-il toujours d’autorité.
Il a, sur nos écrivains du grand siècle, et sur Boileau notamment, considéré comme auteur de satires, des opinions qui ne laisseraient pas de surprendre si on les citait, et qui ne me paraissent pas manquer de vérité dans leur entière indépendance. […] Ici, les rapports vont à l’homme, à l’homme en tant qu’il est sociable et qu’il se garantit du ridicule, et, généralement parlant, ils ne manquent pas de justesse, ni l’ouvrage de dignité. […] La plupart des hommes croiraient ne savoir pas vivre s’ils les entretenaient naturellement et d’autre chose que d’elles-mêmes ; il leur paraît que de ne pas dire à une femme, du moins de temps en temps, qu’elle est belle et qu’elle a de l’esprit, ce serait lui faire entendre que la beauté et l’esprit lui manquent. […] L’histoire littéraire vit de détails, et ce n’est pas nous qui reprocherons à l’auteur de les prodiguer, surtout dans une histoire littéraire du genre de celle-ci, et qui était à créer : ma critique porterait seulement sur un certain manque de proportion.
L’acier manquait, on n’en pouvait tirer du dehors, l’art de le faire était ignoré ; on demanda aux savants de le créer, ils y parvinrent ; et cette partie de la défense publique devint indépendante de l’étranger… La poudre était ce qui pressait le plus : le soldat allait en manquer. […] ce savant éclairé, de plus de sagesse et d’étendue que de vigueur, manque aussi d’invention dans le style et de nouveauté dans le discours ; là non plus il n’est pas créateur ; il n’a pas le génie ni même le talent de l’expression ; il n’en a que la clarté, la netteté et l’élégance connue et prévue. […] Biot, comme peut-être d’autres le diront de toute son œuvre scientifique elle-même : il s’étendait trop sur des surfaces indéfinies ; il n’eut pas de sommet capital ni de cime au loin visible ; il manquait de centre et de foyer.
Un Néron, un Domitien pouvait en sortir aussi bien qu’un Titus, si l’on manquait l’œuvre et si l’on se trompait de moule. Par les férocités, le manque d’équilibre et le déchaînement des passions brutales jointes aux vivacités et aux caprices de l’imagination, il y avait l’étoffe d’un monstre. […] Quand il manque de prétexte pour attaquer les autres, il se tourne contre lui-même : il se blâme, il ne se trouve bon à rien, il se décourage ; il trouve fort mauvais qu’on veuille le consoler. […] Je veux, dit-il, qu’il dorme : le sommeil rafraîchira son sang, apaisera sa bile, lui donnera la santé et la force dont il aura besoin pour imiter les travaux d’Hercule, lui inspirera je ne sais quelle douceur tendre qui pourrait seule lui manquer.
l’Académie est un salon ; pour qu’il reste le premier de tous, à de certains jours, il faut qu’il n’y manque aucune des formes et des distinctions possibles du langage. […] M. de Sainte-Aulaire, en homme d’esprit et de ressource, ne manqua pas de le lui dire : « Pouvaient-elles mieux s’acquitter (les Lettres) de ce qu’elles devaient elles-mêmes à cette femme incomparable, dont le nom, qui s’est perdu dans votre maison, fut encore moins fameux par les grands hommes qui l’ont porté…, que par les deux chefs-d’œuvre immortels ? […] Molé, au début de son discours, a parlé avec modestie, avec émotion, des jours de son enfance et des enseignements littéraires réguliers qui, a-t-il dit, lui ont manqué. « Vous, les maîtres de l’art d’écrire et de la parole, la chaîne des temps n’a pas été interrompue pour vous ; avant d’exceller vous-mêmes, vous avez appris. […] Ce tact, cette justesse délicate qu’il n’a cessé de garder sur des scènes plus passionnées, ne pouvait lui manquer au sein de l’Académie, où il est permis d’en faire preuve à loisir.
Delavigne avait coutume de réparer, ou du moins de deguiser habilement, par l’exécution de détail, ce qui lui manquait dans l’ensemble des plans. […] Vous manquez de vaisseaux ! […] Delavigne n’a pas toujours évité les inconvénients du vers libre, les longues périodes qui se traînent en phrases incidentes sur des rimes redoublées, ni les combinaisons à effet, dans lesquelles l’intention manque son but. […] Dans la première et entière liberté après juillet 1830, on aurait pu avoir quelque œuvre de verve, un éclair rapide, mais l’homme a manqué.
Telle force existe quand telle liaison existe ; elle manque quand cette liaison manque. […] — En second lieu, comme l’événement ne naît que par elle, il manque, si elle manque ; elle est sa cause.
Il ne montre pas ce qui lui manque ; il ne l’oppose pas à celle des siècles qui précèdent ou qui suivent ; il la met sur le trône, prosterne devant elle le dix-huitième siècle, et pour toute définition nous dit : « Adorez. » Et cependant tout ne mérite pas d’y être adoré. […] Ce n’est pas, comme vous pouvez juger, que je veuille ôter à votre générosité tous les avantages qu’elle mérite : car je sais fort bien que, si vous en aviez besoin, elle vous ferait surmonter toutes ces choses pour ne manquer jamais à aucun devoir ; mais je vous avoue que je ne suis guère plus persuadée de l’amitié que vous avez pour vos amis, que je ne la suis de votre hardiesse. […] À tout le moins, nous avons une idée qui leur manquait, celle de la patrie. […] L’embonpoint et ses avantages ne lui manquaient pas.
L’idiome, l’accent indigène, fait partie trop essentielle de la poésie pour qu’il soit permis de la juger quand ce secours nous manque. […] Cette forme admirable de l’imagination, l’enthousiasme mêlé au récit, la brièveté tout à la fois dans le sublime et dans le pathétique, la poésie passant comme un météore sur un lieu, sur un nom qu’elle illustre à jamais, cette ambition ne pouvait manquer dans les rares et studieux efforts du poëte anglais. […] Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression. Ce chant fini, il se précipite du sommet de la montagne, et disparaît englouti par la rivière qui coule à ses pieds. » « Dans la réalité, dit le critique, ce plan était plus beau ; mais le poëte n’a pu le remplir, parce que les exemples d’élévation et de liberté dont il aurait eu besoin lui manquaient.
Il ne manque ni de gaieté d’esprit ni de vivacité dans le tour. […] Que manqua-t-il à cet écrivain, dont le talent a été surfait par ses amis et ses nécrologues, sans cesser d’être réel cependant, que lui manqua-t-il pour avoir une autre carrière et une autre mort ? […] Dumas un air où l’oxygène manque. […] L’originalité manque à ce roman d’une manière absolue. […] Je dirai même qu’à force d’avoir de l’honneur, il finit par en manquer.
Il pouvoit même se flatter d’écrire aussi bien en prose que ce président en vers : aussi ne manqua-t-il pas de protester hautement, dans une de ses feuilles, contre tout ce que celui-ci avoit dit dans sa préface & ailleurs. […] Il cita le morceau où ce jésuite dit : « Une traduction en vers ne sçauroit manquer de sacrifier souvent l’essentiel à l’accessoire, & d’altérer les pensées & les expressions de l’auteur, pour conserver les graces de la versification. » Mais, d’un autre côté, le président Bouhier pouvoit se réclamer du jésuite Tarteron, qui, après avoir donné la traduction des Satyres, des Épîtres & de l’Art poëtique d’Horace, avoit été vingt ans sans oser entreprendre celle des Odes, dans la persuasion qu’elles ne pouvoient être bien rendues qu’en vers. […] Une autre raison pour laquelle on manque de bons traducteurs, c’est l’injustice qu’on a de ne pas attacher de la gloire à leur occupation.
La justesse de l’esprit, déjà si rare par elle-même, ne suffit pas dans cette analyse ; ce n’est pas même encore assez d’une âme délicate et sensible ; il faut de plus, s’il est permis de s’expliquer de la sorte, ne manquer d’aucun des sens qui composent le goût. […] On connaît le célèbre qu’il mourût du vieil Horace, et on a blâmé avec raison le vers suivant : cependant une métaphysique commune ne manquerait pas de sophismes pour le justifier. […] Abuser de l’esprit philosophique, c’est en manquer.
Combat de Titan dans lequel les autres hommes n’ont plus rien à voir, car ici toutes les législations défaillent, tous les législateurs manquent d’éloquence et d’autorité, et il n’y a que devant Dieu que puisse capituler un homme qui a prononcé ce grand mot, qui a fait lever du fond des abîmes de son âme cette immense raison : mon honneur ! […] Depuis que les abeilles de saint Benoît avaient commencé la ruche française, l’épiscopat n’avait jamais manqué de précédents ni de traditions. […] Menacés par ces Normands qui faisaient pleurer le fondateur de leur race, les fils de Charlemagne s’appuyèrent sur la féodalité qui ne leur manqua pas, qui bâtit (probablement avec ses vassaux !)
Ni Danton, ni Robespierre, ni Marat, ni celui qui devait se mettre en travers du boulet qui l’eût coupé en deux si la mort — venue à temps — ne lui eût épargné cette leçon cruelle, ni Mirabeau, ce Pitt manqué de la Monarchie française qui a ressuscité sans lui, ni aucun de ceux qui se sont taillé un bout de renommée dans la colossale famosité de la Révolution, ne furent des personnalités libres, puissantes par elles-mêmes, possédant ce qui investit les vrais chefs, les vraies têtes de gouvernement, c’est-à-dire : l’autorité incontestée d’un commandement, plus forte que les passions, qui frémissent de subir le commandement mais qui le subissent ! […] … « Madame de Condorcet — dit Michelet — avait la mélancolie d’un jeune cœur auquel quelque chose a manqué… L’enfant, le seul enfant qu’elle eut, naquit neuf mois après la prise de la Bastille… Ce fut elle qui donna à Condorcet le sublime conseil de… terminer l’Esquisse des progrès de l’esprit humain. » Tels sont les seuls et singuliers mérites de Sophie Condorcet que Michelet a pu trier dans toute sa vie, et c’est sur ce triple mérite que l’hagiographe exécute l’assomption de cette glorieuse sainte. […] Michelet n’y a pas manqué ; par ce côté-là, du moins, il n’a pas vieilli.
La gravité donc, la gravité régnait sur toute la ligne… Il y avait bien, il est vrai, une Histoire parlementaire de Buchez et Roux, dans laquelle on soutenait que la Révolution française était, à coups de guillotine, une application drue et supérieure des principes du Christianisme, et ceci ne manquait pas de gaieté au point de vue de l’absurde. […] Et, naturellement, qui fait tant de cas de la vie ne pouvait pas la manquer ! Et il ne l’a pas manquée non plus, pas plus dans ce volume-ci que dans tous les autres.
Qu’est-ce qu’une bulle de savon à laquelle manquerait la lumière ? […] II En effet, que trouvons-nous dans cette publication, dont le but certainement sera manqué. […] Impatientant bien plus qu’imposant, son talent, comme sa personne, n’était pas seulement antipathique à ses adversaires ; il manquait de sympathie, même parmi ses partisans et ses amis.
Ces quatre biographies, qui ne peuvent pas être justes, avec les opinions de l’auteur, ne manquent ni d’intérêt ni même de piquant, non dans le fond des choses et des jugements, qui sont, excepté sur l’un d’eux (Béranger), de la plus profonde pauvreté, mais dans la manière dont elles sont touchées. […] Seulement, profonde dans son intensité, cette haine a manqué de profondeur dans ses attaques. […] L’espace me manque pour citer, mais, pour en donner une idée, je me contenterai de la définition de l’ancien régime par Pelletan : « Ce fut — dit-il — le meurtre organisé d’une nation. » Dans une discussion, à qui dirait cela on n’aurait plus, pour toute réponse, qu’à tourner les talons ; mais dans un article ?
On ne peut qu’applaudir à cette tentative ; mais ce que nous aurions désiré et ce qui nous manque encore, c’eût été la mesure prise d’Hoffmann — exactement et sans faiblesse — par un esprit entendu à ce genre de Critique qui va de l’homme à l’œuvre et de l’œuvre à l’homme. […] Le fantastique, qui n’est pas uniquement la sphère de la fantaisie et qu’on n’a jamais nettement défini, Hoffmann l’aborda sous la pression de Goethe, mais il l’aborda comme un être faible dont la tête tournait dans l’émotion, et qui n’avait ni la foi profonde au monde surnaturel que n’aurait pas manqué d’avoir un véritable homme de génie, ni la combinaison froide et comédienne qui produit la terreur, quitte à la déshonorer dans notre âme en montrant par quels moyens on peut la produire. […] Malgré ce vaillant effort de la biographie contre la critique, il n’en demeure pas moins certain que les qualités élémentaires en littérature et les plus indispensables à tout homme qui écrit — fantaisiste ou non — manquaient à Hoffmann, et c’est de là, sans aucun doute, que vient le mépris exprimé si nettement par Walter Scott sur l’inventeur des Contes fantastiques, à l’époque où ce dernier jouissait de sa plus grande popularité.
La Philosophie manque d’interprètes. […] Doublet et Taine, ce qui lui a manqué jusqu’à cette heure : — la vie et la fécondité ? […] Taine, c’est le manque absolu de sérieux et le scepticisme de ton qui invalide la critique que l’on fait ; c’est surtout une perversité de doctrines pire que celle des philosophies dont il se moque en les exposant.
Et cette poésie, d’une originalité incomparable, à laquelle il ne manque que le rythme pour être, dans tous les sens du mot, le plus beau poème qui soit jamais sorti d’un cerveau humain, ternit et effaça d’un trait, à force de lumière et d’idéale beauté, ces inventions de Swedenborg, d’une ingéniosité bizarre, mais qui par le relief, la couleur, le détail, — tout ce qui constitue la poésie, — n’étaient guères, en somme, que les souvenirs déteints de la littérature biblique ou chrétienne. […] La quittance retrouvée de madame de Marteville, l’entrevue avec la reine Ulrique à Stockholm et avec le prince de Prusse dans l’autre monde, toutes ces merveilles, si elles ne manquent pas d’absurdité, manquent de merveilleux.
À toutes les vies qu’on publiait alors, ce qui manquait, c’était précisément la vie ! […] Il a montré, par une foule de passages qu’il aurait pu multiplier, que les cordes tendres, mélodieuses, divinement brisées, ne manquaient pas plus à Bossuet que la fierté des cris, et il nous explique qu’il les eut et qu’il aima à les faire résonner ! […] L’auteur, un normand qui a les qualités de sa race, un normand à front carré : « le signe de la sagesse », a dit saint Bonaventure, qui a devancé Lavater ; l’auteur des Études n’a aucune des ambitions qui n’auraient pas manqué d’égarer un esprit moins gouverné, moins réfléchi et moins mûr.
ce n’est pas simplement manque de franche hardiesse et besoin de saints qui lui ont fait, sans cérémonie, voler les nôtres pour les mettre dans la mauvaise compagnie des siens, ç’a été aussi l’aveuglement de l’erreur et la confusion de toutes les idées. […] IV Le quadrille est donc manqué, dès les premiers pas, et, l’aurait-on prévu jamais ? manqué par Calvin ; car la vie privée de saint Louis se trouve dans Joinville, et Guizot, qui n’avait pas de raisons pour ne pas la copier, l’a copiée.
Je trouvai, un jour de désespoir où la littérature manquait à la Critique comme la marée à Vatel, son recueil de poésies, Le Roitelet, sur le fumier qui engraisse les champs de Dentu, et je fus le coq de cette perle. […] Je ne crois point, pour ma part, — moi, l’adversaire de toute académie quand il s’agit d’art ou de littérature, et qui me moque de ces sociétés, affectations organisées, coteries bonnes pour tous les Vadius et les Trissotins de la terre, — je ne crois point que Jules de Gères eût besoin d’un si pauvre stimulant pour revenir à la poésie, pour réveiller la Muse qui dormait au fond de son âme comme la Nuit de Michel-Ange… Quand toutes les sociétés de sonnettistes (s’il y en a plusieurs) auraient manqué à la France, qui ne s’en doute pas, il fût retourné à la poésie, qui est son destin, de par cette imagination que la vie peut blesser, comme les dieux sont blessés dans les batailles d’Homère, mais ne meurent pas de la perte de leur sang immortel… Jules de Gères est, de nature, très au-dessus des petites sociétés littéraires dont il peut avoir la condescendance, mais il n’a aucunement besoin d’elles pour se retrouver un poète, — c’est-à-dire un solitaire, un isolé, une tour seule (il me comprendra, le poète de la Tour seule !). […] Or, bientôt l’étai protecteur, Taré par la chenille lente, L’invisible appui, le tuteur, L’arbre, allait manquer à la plante !
… De tels détails, s’il y en avait, nous manqueraient sans doute. […] « Je ne sais pas ce qui manque aux femmes, — disait le vieux Corneille, dont la bonhomie sublime fut parfois gauloisement railleuse ; — mais pour faire des vers, il leur manque quelque chose… » et rien de plus vrai !
Victor Hugo ne l’a point, ce rire, qu’il veut avoir, pourtant, comme il veut avoir tout, mais qui lui manque comme la naïveté, cette indigence de son génie. […] » Pommier manqua de ces quatre amis. […] Si Amédée Pommier, au lieu d’être un artiste en lettres, avait été un intriguant de lettres qui aurait réussi, Sainte-Beuve, ce laquais du succès, qui, disait son ami Béranger, est toujours monté derrière les voitures, n’aurait pas manqué cette ascension derrière le cabriolet de Pommier· Malheureusement, Pommier n’en avait pas, et Sainte-Beuve resta par terre et se tut.
Bataille, qui manque ici à son tempérament pour n’écouter que la voix d’un esprit faussé par les livres et les idées modernes, fait la galeuse de son roman. […] Seulement, pour le risquer, il faut avoir dans des proportions exorbitantes ce qui manque à M. […] Ce personnage manque de nouveauté, et la situation seule dans laquelle il est placé diffère de la situation de Mme Bovary dans M.
Il est très-brillant, mais il manque de gravité et de vrai christianisme. […] En somme, il manque de la première des qualités du prédicateur et du prêtre, d’autorité. — Oh !
L’amour de la patrie est ici l’âme même et comme la respiration de l’œuvre… Ce qui manque dans la Fille de Roland, ce ne sont pas précisément les beaux vers (tous ceux qui devaient jaillir des situations, M. de Bornier les a trouvés) ; ce qui manque, ce sont les nappes largement épandues et tour à tour les retentissantes cataractes d’alexandrins des Burgraves ; c’est l’abondance jamais épuisée et l’éclat souverain des images, le lyrisme et le pittoresque énorme, et comme la gesticulation d’armures ; c’est la longueur de l’haleine épique, le jaillissement continu du verbe et, pour ainsi parler, l’incapacité d’être essoufflé ; c’est ce qui fait enfin que, quoi qu’on en puisse dire et quoi que j’en aie dit moi-même, Victor Hugo est dieu.
L’inspiration a manqué où manquait la conscience.
Les deux songes sont pris également à la source des différentes religions des deux poètes : Virgile est plus triste, Racine plus terrible : le dernier eût manqué son but, et aurait mal connu le génie sombre des dogmes hébreux, si, à l’exemple du premier, il eût amené le rêve d’Athalie dans une heure pacifique : comme il va tenir beaucoup, il promet beaucoup par ce vers : C’étoit pendant l’horreur d’une profonde nuit. […] Quel Hector paraît au premier moment devant Énée, quel il se montre à la fin : mais la pompe, mais l’éclat emprunté de Jésabel, Pour réparer des ans l’irréparable outrage, suivi tout à coup, non d’une forme entière, mais ………………… De lambeaux affreux Que des chiens dévorants se disputoient entre eux, est une sorte de changement d’état, de péripétie, qui donne au songe de Racine une beauté qui manque à celui de Virgile.
car les satiriques ne manquent pas à la littérature française, mais aucun de ceux-là qui l’ont illustrée n’ont le caractère de force douce, comme l’est la vraie force, qui distingue la poésie satirique de ce chrétien qui trempe son fouet dans l’huile de la charité avant de frapper, et qui n’en frappe que plus fort après. Pour une raison ou pour une autre : nature d’esprit, blessure au cœur, manque de bonté dans la vertu, tous les satiriques ont été cruels plus ou moins, soit dans leur rire, soit dans leur colère, soit dans leurs larmes ; or, pour la première fois, en voici un qui ne l’est pas, et dans les coups duquel on sent la pitié… Oui !
Autre promesse encore, à laquelle ont manqué les orientalistes à leur tour ! […] On m’a reproché, sur tous les tons aussi, que je manquais de style ou de grammaire même ; et, à ce propos, comme voilà vingt ans qu’on me le dit, je ne suis pas si têtu que de ne pas commencer à le croire. […] J’avais également prévu et prévenu l’objection qu’en effet on n’a pas manqué de tirer de mon incompétence de « physicien » ou de « chimiste ». […] On ne manqua pas de dire que c’était avec justice qu’on voyait nager dans son propre sang un prince qui avait si cruellement répandu celui de ses sujets. […] — qu’on ne saurait avoir d’autres idées que les siennes sans être suspect de manquer de franchise.
D’Aubigné est un fanatique, un esprit étroit, à l’horizon borné ; mais ce qui lui manque en largeur, il le regagne en hauteur. […] Malherbe lui reprochait de manquer de force : mais dans sa faiblesse laborieuse et châtiée, il a de forts, de triomphants réveils ; on a de lui des pièces qui valent le meilleur Malherbe. […] Tout cela était fort bien : mais il fallait du génie pour traduire ces idées, et c’est ce qui manqua. […] Dans le roman, il paraît bien que Sorel a été un bourgeois de sens ferme, à qui par malheur le talent a manqué pour faire une grande œuvre. […] L’essence du burlesque, c’est le manque de convenance : faire parler les dieux et les héros comme on parle aux faubourgs, aux halles, et mettre tout le détail de la forme en désaccord constant avec la nature du sujet.
Quand on se manque, on se manque à deux. La faute de l’homme fait manquer Dieu même. […] Quand l’homme manque Dieu, Dieu manque l’homme. […] C’est témoigner d’un grand manque de culture. […] Dans un compartimentage raide il peut y avoir impunément des manques, des creux, des faux plis.
Ils manquaient de critique en s’imaginant que le catholicisme des théologiens a été la religion même de Jésus et des apôtres ; mais ils n’inventaient pas pour les gens du monde un christianisme revu et adapté à leurs idées. […] La théologie y est tout, et, si la direction des études y manque de force, c’est que l’ensemble du catholicisme, surtout du catholicisme français, porte très peu aux grands travaux. […] Il manquait à la première règle de la compagnie qui est d’abdiquer tout ce qui peut s’appeler talent, originalité, pour se plier à la discipline d’une commune médiocrité. […] Parce que j’étais jeune, inconséquent, et que la critique me manquait. […] Ce que ce pauvre garçon a de mieux à faire, c’est d’abjurer son inconduite, et il n’a garde d’y manquer presque à chaque tome.
Celle de l’amour avoit été manquée par Rotrou : Corneille l’employa heureusement dans le Cid ; mais c’est aussi presque la seule pièce dans laquelle il parle au cœur. […] Si l’amour, disent ces censeurs austères, est le ressort le plus vif des actions théâtrales, les Grecs eussent-ils manqué d’en faire usage ? […] Or, si le genre attendrissant a lieu, l’objet du véritable comique sera manqué. […] Il traite ce genre d’espèce bâtarde, de monstre né de l’impuissance de réussir dans le comique ainsi que dans le tragique, & propre à faire manquer l’objet de tous les deux. […] Diderot a manqué.
Au reste, le temps manque pour réfléchir. […] (Quant à Bayle qui manquait totalement de goût, à Rollin, scolaire qui manquait d’originalité, ils n’ont rien à voir dans le domaine de la critique littéraire.) […] Les Gargantuas susceptibles de manger cinq pèlerins dans leur salade doivent manquer de subtilité gastronomique. […] Il peut rendre un arrêt d’incompétence fondé sur le manque de compétence légale de son tribunal, non un arrêt d’incompétence fondé sur son manque de compétence intellectuelle. […] Et une anthologie des parodies ne manquerait pas de saveur.
Nous trouvions qu’il manquait de curiosité ; nous trouvons qu’il manque de sympathie. […] As-tu manqué ta proie ? […] Cette suite des idées nous manque. […] L’aristocratie, sous Louis XIV, n’a pas manqué de vices ; mais elle n’a manqué ni d’élégance, ni de grâces, ni même de vertus. […] — Les courages manquent, et les hommes commencent à manquer.
Le premier trait du caractère espagnol, c’est le manque de sens pratique. […] Un seul don leur a manqué : la capacité de comprendre et la volonté de subir les conditions vulgaires et insurmontables de la vie humaine. […] Dans une imagination qui se repaît de pareils objets, les hautes parties manquent. […] Le soleil nous manque, et le marbre est trop cher : notre pierre n’a pas d’éclat ; l’enduit dont on la couvre est un placage de café. […] Tout le corps intermédiaire manque, conducteurs, piqueurs, sergents d’escouade.
Ce qu’il lui manque, nous le dirons avec la même franchise et du premier mot, c’est la philosophie, c’est la conscience, c’est la grande politique, c’est le génie de la morale publique dominant le génie de l’ambition, de la conquête et de la fortune. […] L’individu est tout, la race n’est rien ; la mémoire lui manque ; elle ne sait ni d’où elle vient ni où elle va ; elle n’a pas d’hier, et, n’ayant point d’hier, elle ne sait pas si elle aura un demain. […] Au feu près, qui ne manque pas à son âme, mais qui manque un peu à son style, c’est l’historien des batailles. […] Il n’y manque, pour fanatiser l’œil du peuple, que ce général équestre franchissant au galop de son cheval aux jarrets tendus la cime des Alpes, comme dans le portrait de Bonaparte par David. […] Thiers est l’historien des événements ; il les prépare, il les éclaire, il les groupe, il les accomplit avec un art sans égal ; mais les événements sous sa main ressemblent un peu trop à des abstractions ; l’homme y manque, et l’homme cependant est l’âme de l’événement.
Le théatre a son optique, & le tableau est manqué dès que le spectateur s’apperçoit qu’on a outré la nature. […] Ce mêlange bisarre ne pouvoit manquer de réussir dans sa nouveauté. […] Il n’a, dit-il, manqué à Térence que d’être moins froid : quelle pureté ! […] Il n’a manqué à Moliere que d’eviter le jargon, & d’écrire purement : quel feu ! […] C’est ainsi qu’Ovide a manqué la nature, en voulant l’imiter d’après lui-même.
Il ne lui manquait que la lyre primitive faite d’une écaille de tortue et de cornes de bœuf. […] L’inspiration doit trouver sous ses mains un clavier parfaitement juste, auquel ne manque aucune corde. […] Mais nous n’avons pas à faire ici l’analyse de Melænis, l’espace nous manque pour cela. […] On a beaucoup plaint la France de manquer de poëme épique. […] Elle manque à La Chute de Séjan, qui n’était pas indigne d’être jouée par elle.
Pourquoi ces morceaux manquent-ils d’élégance ? […] Des vers peuvent avoir de la force, & manquer de toutes les autres beautés. […] Il est si probable que ces esprits animaux sont du feu, que les vieillards manquent de mouvement, de force, à mesure qu’ils manquent de chaleur. […] Mais celui qui est froid parce qu’il manque d’ame, n’a pas de quoi se corriger. […] De plus, le vers pentametre latin venant après un hexametre, produisoit une variété qui nous manque.
Il lui manque d’être homme du monde. […] C’est ce qui manque. […] Dans la démocratie manque l’intelligence des intérêts généraux : dans l’aristocratie manque le souci des intérêts généraux. […] Il lui manquerait une âme. C’est bien un peu ce qui manquait à notre homme.
je vois qu’il ne lui manque rien. » (Lettre LXII.) […] Agrippine fut garantie par le dais solide de son lit : le mécanisme inférieur manque son effet. […] Ses mensonges maladroits, à force d’être exagérés, manquèrent leur effet, même sur la crédulité. […] On pense bien que les courtisans ne manquèrent pas à leur devoir. […] Il suffit de ce qui nous reste, pour regretter ce qui nous manque.
Bœrne atteint-il plus juste quand il dit de Bug-Jargal et de Han d’Islande : « C’est tout magnifique, plein d’une chaleur d’été ; mais l’on désire quelquefois l’ombre et la fraîcheur, et elles manquent. […] Rien n’est plus dangereux que de l’esprit sans caractère, que le génie auquel manque la matière.
Dupin, orateur brusque, caustique, original, jeté là sous l’habit vert-pomme au milieu des compliments obligés, tenu de s’astreindre à certaines formules de discours et à certaines idées héréditaires de fauteuil en fauteuil, comment s’en tirerait-il sans manquer à lui-même ni à son éloquence ? […] Je me disais tout cela en regardant ce front bosselé qui, certes, manque beaucoup moins d’énergie que de vraie noblesse et de grandeur ; cet œil inégal et mobile sous un sourcil disgracieux ; cette dent vive, en saillie, prompte à la morsure ; et je me demandais comment ce masque vivant d’orateur allait s’employer dans la harangue académique d’usage, quand M. de Jouy a déclaré la séance ouverte, et M.
Mais enfin La Harpe a manqué, avec talent, ce qu’il voulait faire, et il fallait réussir. […] La Critique doit donc traverser le livre pour arriver à l’homme ou l’homme pour arriver au livre, et clouer toujours l’un sur l’autre… ou bien c’est… qu’elle manquerait de clous !
De l’Argonne, Roger Cahen, jeune israélite, libre penseur, écrit : « Le manque de sommeil auquel je suis dès à présent habitué, la mauvaise nourriture qui gâte mon estomac dont j’étais si fier, tout cela n’a rien de dur en comparaison du manque de conversation.
. — Manque de philosophie supérieure et de gaieté comique. — Son imagination et sa fantaisie. — L’Entrepôt de nouvelles et la Fête de Cynthia […] Vers la fin de sa vie, l’argent lui manqua ; il était libéral, imprévoyant, et ses poches avaient été toujours trouées, comme sa main toujours ouverte ; quoiqu’il eût écrit immensément, il était obligé d’écrire encore afin de vivre. […] Chez lui la route ne manque jamais comme dans Shakspeare. […] On lit la formule de convocation, et le conseil note les noms de ceux qui manquent à l’appel ; puis il fait son rapport et annonce que César « confère à l’homme qu’il aime, au très-honoré Séjan » la dignité et la puissance tribunitienne. […] Si quelquefois, comme dans l’Alchimiste, il a réussi par la perfection de l’intrigue et la vigueur de la satire, il a échoué le plus souvent par la pesanteur de son travail et le manque d’agrément comique.