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1123. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Bussy-Rabutin, historien trop véridique de son siècle, nous a transmis les noms des principales héroïnes de la galanterie qui commençait à fatiguer la cour par ses excès, et qui amena un nouveau genre de dissolution.

1124. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XI »

Le cas de son héros est extraordinaire ; c’est un quine gagné à la loterie hasardeuse où s’agite le sort des déshérités ; et l’on ne pose pas une question sur le billet d’un gros lot.

1125. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Les Confidences, par M. de Lamartine. (1 vol. in-8º.) » pp. 20-34

Celle-ci est la véritable héroïne des Confidences.

1126. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires touchant la vie et les écrits de Mme de Sévigné, par M. le baron Walckenaer. (4 vol.) » pp. 49-62

Ce mariage manqua par l’habileté de cette jeune fille, qui, à peine sortie de l’enfance, savait des manèges et des ruses qui eussent fait honneur à une héroïne de la Fronde.

1127. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — I. La Poësie en elle-même. » pp. 234-256

Elle a célébré les héros, les conquérans : les fondateurs des empires, les législateurs des nations.

1128. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Il y a lieu de croire que, bien qu’un seul acteur parût et récitât, il supposait une action réelle, et qu’il venait, dans les intervalles du chœur, en rendre compte aux spectateurs, soit par voie de narration, soit en jouant le rôle d’un héros, puis d’un autre, et ensuite d’un troisième.

1129. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Dites-moi, ne pensez-vous pas que c’est là l’origine de tous ces éloges des mortels, empruntés des attributs des dieux, et de toutes ces épithètes indivisiblement attachées aux héros et aux dieux ?

1130. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

II Elle l’a appelé l’Orpheline 55, — et elle aurait pu l’appeler d’un autre nom, et même de plusieurs autres noms ; car toutes les femmes qui apparaissent et qui vivent dans son roman valent en intérêt celle qui est l’héroïne du livre indiquée par son titre.

1131. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

Enfin, nommé consul par Julien, comme Pline par Trajan, il prononça aussi un panégyrique pour remercier son bienfaiteur et son prince ; mais il y a bien plus de distance entre les deux orateurs qu’entre les deux héros.

1132. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Il fut tour à tour un chef attaqué par la foule et un banni protestant contre la dictature ; et, dans ces vicissitudes qui remplirent sa vie, il mêla l’invective à la guerre, la poésie aux armes, les plaisirs aux entreprises hardies, et devint à la fois le héros et le poëte d’une longue guerre civile.

1133. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Rigal a d’ailleurs d’autres mérites encore, quand ce ne serait, comme on l’a vu, que de modifier assez profondément le jugement qu’on porte d’ordinaire sur Alexandre Hardy, et dont Nisard, dans son Histoire de la littérature française, peut passer pour l’interprète le plus autorisé, « Il y eut à la fin du xvie  siècle, dit Nisard, une espèce d’insurrection contre la tragédie savante, dont le chef et le héros fut Alexandre Hardy. […] Idéalistes ou réalistes, Sorel et d’Urfé, Gomberville et Scarron, La Calprenède et Furetière, qu’ils inventent ou qu’ils imitent, qu’ils aillent emprunter leurs sujets à l’histoire, ou qu’ils les tirent de la chronique de leur quartier, que les héros de leurs récits s’appellent Cyrus ou M.  […] Mais il n’y en a pas de plus chevaleresques non plus, s’il n’y en a pas où les coups les plus inattendus de la fortune aient toujours trouvé le héros mieux préparé contre eux, plus confiant en lui-même, dans la force de son bras, dans la vertu de ses armes, dans la grandeur de son courage, dans la justice de sa cause ; plus dévoué, de profession, comme le bon chevalier de la Manche, aux victimes des trahisons du sort ; — ni d’ailleurs, parmi tout cela, plus galant, plus sentimental, et plus amoureux. […] Encore ses héros, comme ceux du drame espagnol, poussent volontiers la religion du point d’honneur jusqu’à la superstition, puisqu’ils la poussent jusqu’au crime.

1134. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Un innocent qui périt doit mille fois plus exciter la douleur amère de l’humanité, que des armées de héros qui savent qu’ils vont à la mort et qui y vont librement pour une cause juste à leurs yeux et qui leur est chère. […] La lutte des héros, au premier coup d’œil, n’est pas moins mélancolique que celle des peuples ; il est douloureux de voir aux prises les hommes qui font la gloire de l’humanité : on a peine à se décider entre d’aussi nobles adversaires : les héros malheureux excitent même en nous un intérêt plus profond que les peuples ; car l’individualité ajoute à la sympathie. […] Mais hâtons-nous de dire que l’obstiné et aveugle ennemi de Philippe est admirablement mort96, comme en général savent mourir les héros du passé. […] La lutte des héros, à la guerre et en politique, n’est donc pas si pénible à la réflexion qu’au premier aspect. […] Enfin, dans le troisième âge, l’homme sort du héros comme le héros est sorti du dieu, et la société civile arrive à sa forme indépendante.

1135. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Le bon Guéret écrivait avec une juste sévérité : « Nous déclarons que nous ne reconnaîtrons pas pour héros de roman les maris trop malheureux ni les femmes trop coupables. » À la bonne heure ! […] C’est le scrutin de Liszt. » — Oui, les héroïnes de M. Coppée font juste le contraire de ce que font les héroïnes de Rodogune. […] Fuyez, héros de Grèce et d’Ausonie ! […] Henri Lion, lors de sa soutenance en Sorbonne, disait de son héros : « Voltaire est né pour le théâtre, il a vécu pour le théâtre, et c’est du théâtre qu’il est mort ».

1136. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Ô le plus vaillant des Grecs, fils de Tydée, que n’ai-je pu tomber aussi dans les plaines d’ilion et verser mon sang de ta main, là où gît le terrible Hector, frappé par Achille, là où est gisant le grand Sarpédon, où le Simoïs entraîne et roule dans son onde tant de boucliers et de casques et de corps de héros !  […] En effet, nous ne croirons pas avoir un médiocre prix à disputer, si nous pouvons nous figurer que nous allons sérieusement rendre compte de nos écrits devant un si célèbre tribunal, et sur un théâtre où nous avons de tels héros pour juges et pour témoins. » Chapitre III — Du pastiche. […] Ses deux héros choisissent un texte classique et voici comment ils le développent : Texte pris dans la première des « Lettres Portugaises » « Considère, mon amour, jusqu’à quel excès tu as manqué de prévoyance. […] Marmontel a donc raison de dire que « ce n’est point, dans Homère, amplifier l’idée de la force de ses héros, que d’exagérer le poids de leurs armes ; ce n’est point amplifier l’idée de la beauté d’Hélène, que de faire changer, à sa vue, l’indignation des vieillards troyens en une tendre admiration. […] Ainsi Adamas blessé palpita, mais peu de temps, car le héros Mèrionès arracha la lance de la plaie, et les ténèbres se répandirent sur les yeux du Troyen.

1137. (1896) Écrivains étrangers. Première série

De sorte que j’ai dû me borner à faire deviner à mon héros, dans une sorte de demi-conscience, que c’était Ligeia qui était devant lui. […] Mais dès qu’ils ont abordé le monde qui semblait leur être le plus familier, ils ont involontairement substitué leurs sentiments personnels à ceux de leurs héros. […] Shorthouse s’est toujours préoccupé davantage du caractère même de son héros, et que les événements qui ont eu pour lui le plus d’intérêt sont ceux qui se passaient dans l’âme de John Inglesant. […] Pater a su y adapter avec une vraisemblance parfaite l’âme de son héros. […] Couperus a conçu l’importance politique de son jeune héros.

1138. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Troisième partie. Dictionnaire » pp. 243-306

. — Laurent Tailhade : La Genèse d’un Héros, Écho de Paris, nov. 1896. — Charles Maurras : St-Georges de B. […] Revue Blanche, 1900. — Les Douze labeurs Héroïques·, ill. de Bussière, Feroud, 1902. — Des Héros et des Dieux, poésies, E. […] , 1901, in-18. — Héros d’Afrique, Eugène Fasquelle, 1903, in-18. — Éva Tumarches et ses amis, id.

1139. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

L’éloquence de Démosthene ne convient pas à Thucidide ; une harangue directe qu’on met dans la bouche d’un héros qui ne la prononça jamais, n’est guere qu’un beau défaut. […] Un héros dans une tragédie dit qu’il a essuyé une tempête, qu’il a vû périr son ami dans cet orage. […] ne conviendroit pas à un personnage héroïque, parce qu’il a pour objet une chose trop petite pour un héros. […] Presque toutes les fêtes romaines, syriennes, greques, égyptiennes, étoient fondées sur de pareils contes, ainsi que les temples & les statues des anciens héros. […] Ensuite venoient les dieux minorum gentium, les dieux indigetes, les héros, comme Bacchus, Hercule, Esculape ; les dieux infernaux, Pluton, Proserpine ; ceux de la mer, comme Thétis, Amphitrite, les Néréïdes, Glaucus ; puis les Driades, les Naïades, les dieux des jardins, ceux des bergers.

1140. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

L’Athénien qui se rendait de sa maison à l’assemblée du peuple rencontrait partout sur son passage les figures des divinités protectrices de la cité, celles des magistrats et des héros révérés pour leur courage et pour leurs vertus civiques et patriotiques ; il s’avançait au milieu de la majesté de ces souvenirs comme sous les portiques d’un temple ; et la Vénération, comme une muse de la religion et de la patrie, se levait à son approche du pied des statues, et l’accompagnait à travers la ville jusqu’au lieu consacré par la solennité des délibérations populaires. […] Devant nous grandissait et se détachait du tertre gris où il est placé, le temple de Thésée, isolé, découvert de toutes parts, debout tout entier sur son piédestal de rochers ; ce temple, après le Parthénon, le plus beau selon la science que la Grèce ait élevé à ses dieux ou à ses héros.

1141. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Il était l’Alexandre le Grand de la science, le plus grand héros de génie de ce siècle, dans la recherche des phénomènes de la nature et des signes sensibles de l’âme. […] Le héros de cette nouvelle romantique est le même Antar, de la tribu d’Abs, fils du favori Scheddad et d’une esclave noire, dont les vers sont au nombre des poèmes couronnés, suspendus dans la Kaaba (Moallakât).

1142. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Macbeth, jeune et pur encore, est le héros de cette ambition. […] Le récit de leurs exploits est homérique et héroïque, comme ces combats primitifs des héros du Nord ; il enthousiasme le roi Duncan de reconnaissance et d’admiration pour Macbeth.

1143. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Pascal me rappelle involontairement les héros de Corneille. Lui aussi a sacrifié la nature au devoir ; lui aussi est l’homme tel qu’il devrait être, le héros dont le grand Corneille a tracé l’idéal.

1144. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

Elle faisait comme le moraliste raisonnable qui demande aux hommes d’être, non des héros, mais des gens de bien. […] Il a su du moins garder son caractère à l’héroïne de Vaucouleurs ; et il faut en louer, dans Chapelain, l’homme et le Français.

1145. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

— Dans Lohengrin, inspiration merveilleuse, le monde divin apparaît, l’ange se révèle dans le héros. […] Le résumé ne se peut faire de ces fragments, que ne réunit pas le lien d’une même date ou d’un même plan : nous préférons citer les plus importants : D’abord, quelques réflexions sur l’Art : « Byron, voulant écrire un poëme épique, se prend lui-même pour héros : c’est l’image exacte de notre production artistique, tout égoïste, sans Compassion. » (p. 54).

1146. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Ses héros sont moins occupés à parler qu’à débiter des lieux communs empoulés, & à faire de longues apostrophes aux dieux, parce qu’ils ne savent pas parler aux hommes. […] M. de Crebillon & de Voltaire qui font une classe à part, nous en avons eu quelques-uns très-supérieurs aux Poëtes contemporains des deux héros de la scène françoise.

1147. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Que n’a-t-il eu ce coin de magnanimité qui nous permettrait d’ajouter, comme on est bien souvent tenté de le faire : Le Gascon Montluc, en propos et en action, c’est un héros de Corneille, venu un peu plus tôt !

1148. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Ce qui est certain, c’est qu’ayant affaire à un adversaire digne de le comprendre, sans aucune stipulation directe il se vit traité par lui sur le pied qu’il avait souhaité ; le dimanche matin, 22 avril (1555), il fut reçu au sortir de la ville par le marquis de Marignan et par toute cette armée, non comme un vaincu, mais comme un héros et le plus noble des compagnons : Les trois mestres de camp des Espagnols me vinrent saluer, et tous leurs capilaines.

1149. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Cela bien entendu, elle veut le vrai dans l’éducation dès le bas âge : « Point de contes aux enfants, point en faire accroire ; leur donner les choses pour ce qu’elles sont. » — « Ne leur faire jamais d’histoires dont il faille les désabuser quand elles ont de la raison, mais leur donner le vrai comme vrai, le faux comme faux. » — « Il faut parler à une fille de sept ans aussi raisonnablement qu’à une de vingt ans. » — « Il faut entrer dans les divertissements des enfants, mais il ne faut jamais s’accommoder à eux par un langage enfantin, ni par des manières puériles ; on doit, au contraire, les élever à soi en leur parlant toujours raisonnablement ; en un mot, on ne peut être ni trop ni trop tôt raisonnable. » — « Il n’y a que les moyens raisonnables qui réussissent. » — Elle le redit en cent façons : « Il ne leur faut donner que ce qui leur sera toujours bon, religion, raison, vérité. » Dans un siècle où sa jeunesse pauvre et souriante avait vu se jouer tant de folies, tant de passions et d’aventures, suivies d’éclatants désastres et de repentirs ; où les romans des Scudéry avaient occupé tous les loisirs et raffiné les sentiments, où les héros chevaleresques de Corneille avaient monté bien des têtes ; où les plus ravissantes beautés avaient fait leur idéal des guerres civiles, et où les plus sages rêvaient un parfait amour ; dans cet âge des Longueville, des La Vallière et des La Fayette (celle-ci, la plus raisonnable de toutes, créant sa Princesse de Clèves), Mme de Maintenon avait constamment résisté à ces embellissements de la vérité et à ces enchantements de la vie ; elle avait gardé son cœur net, sa raison saine, ou elle l’avait aussitôt purgée des influences passagères : il ne s’était point logé dans cette tête excellente un coin de roman. « Il faut leur apprendre à aimer raisonnablement, disait-elle de ses filles adoptives, comme on leur apprend autre chose. » Et de plus, cette ancienne amie de Ninon savait le mal et la corruption facile de la nature ; elle avait vu de bien près, dans un temps, ce qu’elle n’avait point partagé ; ou si elle avait été effleurée un moment, peu nous importe, elle n’en était restée que mieux avertie et plus sévère.

1150. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

Le Vauvenargues ferme et digne, tel qu’il se présentait à ses autres amis, même au milieu de ses plus affreuses gênes et de ses souffrances de tout genre, le Vauvenargues héros et stoïcien comme l’appelle Voltaire, celui que nous avaient légué la tradition et l’amitié enthousiaste, ne paraît point ici.

1151. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

Par Mme de La Tournelle, la politique va s’introduire décidément dans l’alcôve ; il y a un dessein arrêté : elle prétend faire de son royal amant un monarque véritable et, s’il se peut, un héros.

1152. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

Ô vous tous, amis de l’idéal, je ne me ferai pas de querelle avec vous ; j’accorde qu’il y a un idéal ; mais, admettez aussi qu’il y en a un vrai et un faux ; et si jamais vous rencontrez un idéal, ou soi-disant tel, froid, monotone, triste, incolore sous air de noblesse, vaporeux, compassé, insipide, non pas brillant et varié comme le marbre, mais blanc comme le plâtre, non pas puissant et chaud comme aux jours de la florissante Grèce, quand le sang à flots de pourpre enflait les veines des demi-dieux et des héros, quand les gouttes d’un sang ambrosien coulaient dans les veines même des déesses, mais pâle, exsangue, mortifié comme en carême, s’interdisant les sources fécondes, vivant d’abstractions pures, rhumatisant de la tête aux pieds, imprégné, imbibé d’ennui, oh !

1153. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Et le héros grec Diomède, parlant d’Énée dans Virgile, et voulant donner de lui une haute idée : « Croyez-en, dit-il, celui qui s’est mesuré avec lui ! 

1154. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Leur conclusion au sujet de l’héroïne d’Orléans, de cette généreuse Pucelle, qui a mis en défaut jusqu’ici toute espèce de fantaisie ou de fiction, et que la vérité seule peut désormais louer, est aussi fort sage.

1155. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

J’ai sous les yeux de jolies vignettes sorties du facile et spirituel crayon de Tony Johannot ; c’est le côté comique et gai, uniquement, qui est rendu, mais la dignité du héros, ce sentiment de respect sympathique qu’il inspire jusque dans sa folie, cette imagination hautaine qui n’était que hors de propos, qui eût trouvé sans doute son emploi héroïque en d’autres âges, et, comme on l’a très-bien nommée, « cette grandesse de son esprit et cette chevalerie de son cœur », qu’il sut conserver à travers ses plus malencontreuses aventures et qu’il rapporta intactes jusque sur son lit de mort, cela manque tout à fait dans cette suite agréable où l’on n’a l’idée que d’une triste et piteuse figure, et c’est au contraire ce que M. 

1156. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

Le plus populaire des ministres était le prince Joseph Poniatowski, la fleur des héros, qui joignait au titre de commandant en chef de l’armée le portefeuille de la guerre : « Son éloge, nous dit M. 

1157. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Toutes ces précautions prises, voici la lettre entière, qui me semble déjà contenir en soi le relâchement et la décadence de celui qui n’aura été héros qu’un instant : M. le comte de Clermont à M. d’Élèvemont.

1158. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Par les contours du vers aussi bien que par les images y incluses, (malgré quelques passages un peu faibles de rythme ou de syntaxe), certaines pièces s’érigent comme d’un seul bloc indestructible ; je veux nommer les Sites surtout, et les Sonnets ; mais il en est ailleurs, dans les Épisodes par exemple : À la source des seins impérieux et beaux J’ai bu le lait divin dont m’a nourri ma Mère Pour que, plus tard, le glaive étrange et solitaire Ne connût point la honte aux rouilles des fourreaux ; Dans l’éblouissement de métal des barreaux D’un casque grillé d’or, orné d’une chimère, J’eus une vision vermeille de la terre Où les cailloux roulaient sous les pas des Héros ; Et fidèle à la gloire antique et présagée, J’ai marché vers le but ardu d’un apogée Pour que, divinisé par le culte futur Des temps, Signe céleste, au firmament, j’élève, Parmi les astres clairs qui constellent l’azur, Une Étoile à la pointe altière de mon glaive.

1159. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

Les Juifs le dirent à Pilate avec une franchise simple et vraie : « Nous avons une Loi, et selon cette Loi il doit mourir ; car il s’est fait Fils de Dieu 1152. » La loi était détestable ; mais c’était la loi de la férocité antique, et le héros qui s’offrait pour l’abroger devait avant tout la subir.

1160. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Ce héros veut nous affranchir non seulement « de tous les maîtres qui ne se moquent pas d’eux-mêmes », mais encore de notre propre passé, de toute continuité personnelle, de la crainte naïve et tyrannique de nous contredire.

1161. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Pensées de Pascal. Édition nouvelle avec notes et commentaires, par M. E. Havet. » pp. 523-539

En le prenant de la sorte, on résistera suffisamment à sa logique quelque peu étroite, opiniâtre et absolue ; on s’ouvrira cependant à cette flamme, à cet essor, à tout ce qu’il y a de tendre et de généreux en lui ; on s’associera sans peine à cet idéal de perfection morale qu’il personnifie si ardemment en Jésus-Christ, et l’on sentira qu’on s’est élevé et purifié dans les heures qu’on aura passées en tête-à-tête avec cet athlète, ce martyr et ce héros du monde moral invisible : Pascal pour nous est tout cela.

1162. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Ce vers aurait pu donner l’idée de la petite comédie intitulée le Procureur arbitre, dont le héros se conduit de la même manière.

1163. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

L’Espagne ne tarda pas à relever de nos chansons de geste : elle accepta comme héros notre Roland, notre Olivier, notre Ogier le Danois, et même Éginhard et cet Aimeri de Narbonne désormais impérissable sous le nom d’Aymerillot.

1164. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

l’égotisme, pire que l’égoïsme et dont il sort, l’égotisme qui est l’égoïsme rapetissé et babillard, est suprêmement le caractère de l’Italie des Italiens, — de ce livre fait sur les autres par une femme qui ne s’oublie jamais et qui informe l’univers de l’état de son catarrhe, tout en lui parlant de son héros, Garibaldi !

1165. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

c’est que des « héros » lui ont imposé leur opinion personnelle.

1166. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Madame Lauters en a été l’héroïne. […] Cette méprise de leur part me rappelle une anecdote dont fut le héros un gentilhomme fort brave, mais fort ignorant, au service du grand Condé. […] La lecture des Libres Penseurs m’a révélé un fait dont son auteur ne se doute guère, et dont j’espère bien lui apporter la preuve, un peu plus tard : à savoir qu’il est lui-même le héros de son livre. […] Il s’en est acquitté avec une intrépidité de héros. […] Le Coq et Théodore Pavie : mais enfin, je trouve ces messieurs médiocrement gais ; et d’ailleurs, charabia pour charabia, à quoi bon courir bien loin, à la recherche du style Hindou, lorsqu’on a sous la main le pur auvergnat du Filleul du Roi, un roman feuilleté par M. le vicomte Ponson du Terrail, et des phrases comme celles-ci : « Une agitation pleine de mystère, et que nous appellerions volontiers silencieuse, régnait au palais du Roi. » Puis vient l’héroïne du roman, qui scelle une lettre de ses larmes.

1167. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Dites si artifice, préparé mieux et à beaucoup, égalitaire que cette communion, d’abord esthétique, en le héros du Drame divin. […] Et, sous une figure pareille, il esquisse de lui-même le portrait qu’il lui plairait de laisser En le vierge héros de l’attente posthume.

1168. (1881) Le roman expérimental

Il entendait prouver qu’on pouvait parler de la petite bourgeoisie de province avec l’ampleur et la puissance qu’Homère a mises à parler des héros grecs. […] Il faut songer à l’époque où le roman fut écrit, en plein romantisme, lorsque les héros s’aimaient dans le lyrisme le plus échevelé. […] Ils pleurent et ils rient avec leurs héros, ils le tutoient, les rendent si réels, qu’on les voit debout, tant qu’ils parlent. […] Ce Jeoffrin est un héros moderne, comme l’appelle M.  […] Que n’avez-vous mis votre héroïne et son père dans la même baignoire !

1169. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

Huszar encore nous détourne avec soin de cette idée, que nous pourrions avoir, que les hommes de Corneille sont des héros de la volonté. […] L’héroïne même du drame. […] le monde serait sous la loi des rapières, Et les plus grands héros les plus grands assassins ! […] Il a peint monstres et héros pêle-mêle, comme tout tragique et avec une passion de réalité, même horrible, plus grande que beaucoup d’autres. […] Comment, par exemple, ont-ils pu mettre sur la scène des héros de Rome et d’Athènes sans avoir fait le voyage d’Athènes ?

1170. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Quand il fermait Homère, Eschyle, Sophocle, quand il était obligé de quitter ses héros et ses dieux, pour regarder la misère, les vilenies et les tares du monde moderne, il ressemblait à un roi dépossédé qu’un bannissement condamne à vieillir trop tôt parmi des malheureux, des rustres et des maudits. […] Il nous apprend que Durtal, son héros, veut se passer l’âme « au chlore des prières, au sublimé des sacrements ». […] Déjà, le héros d’À rebours, l’ineffable Des Esseintes avait un goût immodéré pour les chasubles. […] C’est la coutume des héros de M.  […] » Et le héros du livre, Jean Rembrandt, se plaint de n’être pas compris par les Flamands, ses compatriotes.

1171. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

La jeunesse studieuse d’Athènes, à la lecture de ces lettres de Cicéron, approbatives du meurtre du tyran, proclama Brutus et Cassius les héros du siècle, promena leurs bustes dans les rues, et les plaça à côté des statues des libérateurs d’Athènes, Harmodius et Aristogiton. […] Cicéron fut jugé digne de la mort ; il la reçut en héros et en philosophe, certain de la vengeance du ciel et de la terre.

1172. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Ce peuple, oisif toutes les fois qu’il n’était pas occupé à se défendre contre les Perses ou à se déchirer lui-même par ses factions, aimait à se passionner à froid, pour ou contre ses sophistes ; ces sophistes, consommés dans le métier de l’éloquence, étaient aux philosophes et aux politiques ce que les comédiens sont aux héros. […] Le moindre mot de repentir, la moindre promesse de renoncer à son apostolat de la raison, l’auraient fait acquitter par les Athéniens, qui ne demandaient qu’à l’absoudre : mais sa conscience se refuse à toute lâche complaisance ; il se précipite de lui-même au supplice, prévu, voulu, imploré, par cette maxime, qui est celle des héros de la philosophie : Obéir à Dieu plutôt qu’à la patrie dans toutes les choses où la patrie, qui commande au citoyen, n’a pas le droit de commander à la conscience.

1173. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

. — Une Fille-de-Désir — fut donnée par moi à Wotan : le Champ-de-bataille des Héros, — c’est elle qui fut appelée à l’élire pour lui. — Hardie elle est, — et Sage, aussi : — pourquoi m’éveilles-tu ? […] — à toi, Non-sage, — je le nomme en l’oreille, — pour que, insoucieuse, éternellement, tu dormes. — La Fin des Dieux — d’angoisse ne me tourmente pas, — depuis que mon Désir la veut… — Ce que, dans l’âpre douleur de la discorde, — désespérant, jadis, j’ai décidé, — joyeux et jouissant, — aujourd’hui, librement, je l’ordonne : — en un furieux dégoût, j’ai voué — l’univers à l’envieux Nibelung ; — au très gai Waelsung — je retourne, maintenant, mon héritage. — Lui, élu par moi, — mais par moi non connu, — très hardi garçon, — dénué de mon conseil, — il a pris l’anneau du Nibelung : — exempt d’envie, — radieux d’amour, — il ne subit pas, le Noble, — la malédiction d’Albérich ; — car étrangère lui reste la crainte. — Celle que tu m’as enfantée, — Brünnhilde, — sera éveillée par lui, pour lui, le gracieux Héros : — veillante, elle accomplira, — ta Sachante enfant, — l’acte de l’Universelle Libération… — Donc, dors, à présent, toi, — ferme ton œil ; — rêvante, vois ma Fin !

1174. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Ces blanches filles aux lignes tournées, mollement, dans une lumière, et cet horizon assombri, où s’avance, sonnant du cor, le héros, cela dit une gaîté où est comme une peur ; M.  […] Marke est le Héros du Renoncement ; il est le vrai Sage, dans le sens du Buddhabi et du Christ, parce que, après avoir sondé la nullité de cette vie, il est, cependant, capable de continuer à vivre, supportant son sort avec calme, et faisant le bien.

1175. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juillet 1885. »

Une seule chose nous restera dans l’esprit, dominant le tumulte du Drame : la figure de ce farouche Coriolan dont la fierté est en lutte avec la voix intérieure de sa conscience, voix qu’appuie, plus haut encore et plus puissamment, la propre Mère de Coriolan ; et, de tout le développement dramatique, une seule vision nous restera, la victoire de cette voix sur la fierté du héros, le brisement de la résistance d’une âme forte surnaturellement. […] Les sphères seules, diffèrent, où se meuvent, élargis, les héros, et les lois de leur mouvement.

1176. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

Il fallait confondre leur nom avec tous ces bienfaits et toutes ces gloires de la paix qui attachent un peuple à ses princes par le bien-être, et qui lui font oublier, dans la sérénité d’un règne pacifique, les éblouissements d’une dictature de héros. […] Lafon, qui avait le front noble, l’œil brave, le geste héroïque, l’accent martial, était très apte aux rôles de héros.

1177. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Ouvrez l’Edda et les Niebelungen ; la lecture la plus superficielle y découvre un goût de rêverie et des sentimens profonds, sombres ou exaltés qui nous rappellent sans cesse que les héros et les bardes de ces vieilles poésies n’ont pas vu le ciel de l’Italie ou celui de l’Espagne. […] Sigurd, Sigefried, Attila, les héros du Nord, se jouent des accidens naturels ; ils se plaisent au milieu des tempêtes de l’Océan, soupirent après les combats comme après des fêtes, sourient à la mort comme à une amie, et joignent à un profond mépris de la vie un sentiment énergique du devoir, et le goût d’un amour infiniment plus pur que celui des peuples du midi.

1178. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Cependant il y a bien de la différence entre celui qui agit et celui qui parle, entre le héros et celui qui le chante : si le premier n’avait pas été, l’autre n’aurait rien à dire. […] Le héros de Sa Majesté Impériale, César, a écrit sept livres de la conquête des Gaules qu’il avait faite, et trois livres de la guerre civile.

1179. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Son discours est d’un héros pieux.

1180. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — I. » pp. 381-397

Les chartes et traités ayant été dressés et scellés, on les apporta en cérémonie devant le doge, en présence du grand et du petit Conseil ; le doge, en les délivrant aux députés, s’agenouilla en pleurant derechef, et jura sur les saints Évangiles qu’il en observerait de bonne foi toutes les conditions ; ce que jurèrent également les membres des Conseils, puis les députés contractants : « Sachez, dit Villehardouin, que là y eut mainte larme plorée de pitié. » Nous avons déjà fait cette remarque à propos de Joinville ; ces pleurs naïfs et d’hommes naturels émus reviennent sans cesse chez ces historiens primitifs, comme chez Homère : « Il versa des larmes fraîches », est-il dit bien souvent d’un héros grec ou troyen dans l’Iliade ou dans l’Odyssée.

1181. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres de François Arago. Tome I, 1854. » pp. 1-18

Arago a composées avec le plus de goût et de succès est celle du célèbre Écossais James Watt, ce héros de l’industrie, cet Hercule ingénieux du monde moderne ; il se complaît, après une enquête complète et consciencieuse qu’il est allé faire sur les lieux, à nous exposer ses procédés d’invention en tout genre, ses titres à la reconnaissance des hommes.

1182. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Je le crois bien, en lisant avec cette passion L’Iliade d’Homère, il est déjà avec les dieux mêmes et avec les héros fils des dieux.

1183. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Mais foin des héros de roman !

1184. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Telle qu’elle est dans son magnifique débris, et plus mutilée qu’un temple de Paestum, son histoire nous apparaît encore la plus digne qui se puisse concevoir du peuple-roi, et quand Scipion l’Africain, s’adressant à son petit-fils dans ce beau songe, lui dit que « de tout ce qui se fait sur la terre, rien n’est plus agréable à ce Dieu suprême qui régit tout cet univers que les réunions de mortels associés par les lois et que l’on nomme cités », il lui désigne en effet l’empire romain, la merveille de cette république et de cet empire tel que Virgile l’a rassemblé en idée sur le bouclier divin de son héros, et tel que le seul Tite-Live le décrira.

1185. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Michel de Marolles est de ceux-là ; il échappe à l’oubli, et bien lui prend de pouvoir dire avec le plaisant et incomparable héros de Rabelais : « Je suis né et ai été nourri jeune au jardin de France, c’est Touraine. » — La gloire !

1186. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

Quelle renommée de fidèle, de héros et presque de martyr !

1187. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Il y a un moment très difficile à fixer avec précision où, dans ces luttes du héros nouveau, de ce grand diable d’homme (comme il l’appelle) contre les souverains des vieilles races, le fer insensiblement se transmute et acquiert de l’or : laissons les figures ; il y a un moment où le fait devient droit, où l'utilité publique, la grandeur nationale, l’immensité des services rendus et à rendre, le prestige qui rayonne et ne se raisonne pas, se confondent pour sacrer un homme nécessaire et une race qui fait souche à son tour.

1188. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Biot était en première ligne, mais dans le second rang des savants ; il venait immédiatement après les héros de la science.

1189. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Il est sensible à nos chansons ; il aime la poésie : elle adoucira son cœur, et le rendra aussi aimable qu’il est fier. » Alors Philomèle continua seule : «  Que ce jeune héros croisse en vertu, comme une fleur que le printemps fait éclore !

1190. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Il énumère et décrit les cinq âges fabuleux, car il en compte cinq (glissant un âge des héros entre l’âge d’airain et celui de fer), et le nôtre, l’âge de fer, est le cinquième.

1191. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Il ne serait pas juste maintenant, après avoir tant parlé du héros, de ne pas dire quelque chose de l’historien qui nous l’a si bien fait connaître.

1192. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Mais toute la différence de lui aux autres héros de roman ne sera que dans cette forme donnée à un amour, également invraisemblable d’ailleurs comme mobile et comme ressort principal.

1193. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Que ton nom du moins, dans ce monument poétique inachevé, mais grandiose, du xixe  siècle, que ton nom reste inscrit à quelque paroi du temple, comme les noms de tant de guerriers le sont sur cet Arc de triomphe que tu as célébré et où il y a place même pour les seconds, même pour les troisièmes dans la liste des héros.

1194. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Rousset, je ne crois pas que la poésie soit de trop pour ajouter à l’idée de son héros parfait une dernière auréole et pour projeter sur cette intéressante figure je ne sais quel reflet d’une imagination attendrie.

1195. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

Son nez est court ; ses narines, bien accentuées et frémissantes, respirent la bravoure martiale des petits-fils des héros ; sa bouche, parfaitement modelée, a l’élégance et les contours d’une bouche de femme ; on n’y sent rien de l’enthousiasme révolutionnaire que l’abbé Sieyès lui avait inspiré.

1196. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre III. Trois ouvriers du classicisme »

Lanson, Hommes et Livres (le Héros cornélien et le Généreux selon Descartes), 1895, in-12.

1197. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Car j’espère que vous reviendrez, quoique ce soit bien loin, cette Amérique, et que vous ayez déjà porté plus de fatigues et traversé plus d’aventures que les fabuleuses héroïnes des anciens romans.

1198. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

3º C’est un phénomène social, qui n’a aucun rapport avec le phénomène essentiellement individuel et capricieux de la création littéraire, pas plus que le musée du Louvre ne nous donnera jamais un peintre, ni la Légion d’honneur des héros.

1199. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Son héros (un diplomate) est déconcertant.

1200. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

» Même dégagé, à sa période romane, de la duperie romantique et des brouillards gaéliques, il persistait à faire sienne l’opinion de Byron, à savoir que si Shakespeare est le pire des modèles, il reste le plus extraordinaire des poètes, et, lui, petit-fils de l’amiral Tombatzis, le héros de l’insurrection grecque, il n’oubliait pas que ce même Byron s’était enrôlé pour combattre contre les Turcs et avait épousé la cause de sa patrie.

1201. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Énée, faisant des libations à son père, voit sortir du mausolée un beau serpent, emblème de la haute sagesse de ce héros.

1202. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

De là le nouveau roman qu’il nous donne, et qui a pour héroïne la supérieure et fondatrice d’un institut de Toulouse, lequel fut détruit en 1686, comme affilié et un peu cousin germain du monastère de Port-Royal.

1203. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

À côté de Monsieur, il y avait un jeune seigneur qui, en ce temps-là, était son favori : c’était le comte de Guiche, le plus beau jeune homme de la Cour, le mieux fait, hardi, fier, avec un certain air avantageux qui ne déplaît pas aux jeunes femmes, et qui accomplit à leurs yeux le héros de roman.

1204. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Il y a une expression en grec qui m’a toujours frappé : pour signifier un homme d’importance, un héros, un chef, on dit : Ceux qui sont autour de lui.

1205. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Le Voyage proprement dit s’ouvre avec bonheur et avec émotion par une visite à Épaminondas, le plus parfait des héros anciens ; il se termine, au dernier chapitre, par un portrait du jeune Alexandre : le récit tout entier s’encadre entre cette première visite à Thèbes, où le sujet apparaît dans toute sa gloire, et la bataille de Chéronée, où périt la liberté de la Grèce.

1206. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Celui qui sacrifie sa fille peut être ambitieux, faible ou féroce ; celui qui a perdu son argent peut être riche ou pauvre ; celui qui craint ; pour sa maîtresse, bourgeois ou héros, tendre ou jaloux, prince ou valet : c’est au poète à se décider pour l’un ou pour l’autre.

1207. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Et si l’on ressuscitait les héros de nos tragédies, ils auraient bien de la peine à se reconnaître sur notre scène, et placés devant nos tableaux historiques, Brutus, Catilina, César, Auguste, Caton demanderaient infailliblement qui sont ces gens-là.

1208. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Les anciens attribuaient à des dieux l’invention de tous les arts, comme ils appelaient fils des dieux les chefs des peuples, les héros, les poètes, les fondateurs des sociétés humaines.

1209. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

si les sots n’étaient des intrépides, les héros mêmes de leur sottise !

1210. (1887) La banqueroute du naturalisme

Pour être paysan, on n’en est pas moins homme, et pour être homme, ce que j’ose assurer, c’est qu’il faut commencer par différer beaucoup des héros de M. 

1211. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Cousin, puisqu’il le dit ; il est possible que nous n’ayons point la grandeur ni la vertu des héros de la Fronde.

1212. (1890) Impressions de théâtre. Quatrième série

Vous vous rappelez que le vieil Akim, dans la Puissance des ténèbres, faisait exactement le même métier que le héros de Gueullette. […] Cette exquise héroïne de roman commet une abominable trahison parce qu’elle a la peau tendre. […] Ils sont merveilleux, les trois héros de cette farce profonde. […] Oreste, Pyrrhus, Hermione et Roxane, et Eriphile, et tous les héros et toutes les héroïnes des plus beaux drames et des plus beaux romans d’amour offrent, à qui sait regarder, trop de ressemblance avec Armand Goulu. […] Cette odieuse et doucereuse bourgeoise est une héroïne de l’amour maternel.

1213. (1923) Nouvelles études et autres figures

Il semble que, dans sa pensée, l’immortalité n’existe que pour les héros. […] C’est le cas de tous les héros de comédies-ballets de Molière, uniques dans notre théâtre. […] Avec ses qualités moyennes, sa noblesse instinctive et ses défaillances, il est certainement un des héros les plus vrais de notre littérature romanesque. […] Il y a toujours eu en elle un peu de ce mystère que les grands peintres de l’amour laissent flotter dans les yeux de leurs héroïnes. […] Un Simple se passe à Toulouse et dans la région toulousaine ; l’Épave et la Vie Secrète, à Saint-Julia ; le héros du Ferment vient de Castelnaudary.

1214. (1858) Du vrai, du beau et du bien (7e éd.) pp. -492

Il est l’interprète des héros, le chantre de la vertu, le poète des guerriers et des politiques122. […] Racine n’était pas né pour peindre les héros, mais il peint admirablement l’homme avec ses passions naturelles, et la plus naturelle comme la plus touchante de toutes, l’amour. […] Un homme pousse-t-il le désintéressement jusqu’au dévouement, ou l’appelle un héros, qu’il soit caché dans la condition la plus humble ou placé sur un théâtre. […] Il y a des héros de probité, d’honneur, de loyauté dans les relations de la vie ordinaire, comme des héros de courage et de patriotisme dans les conseils des peuples ou à la tête des années. […] Convenez qu’alors cette manière d’entendre son intérêt est absurde jusqu’au ridicule, et que les héros sont des égoïstes bien maladroits et bien inconséquents.

1215. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

On a tant parlé de cette physionomie si intéressante de Roumestan, le héros du livre qui vient de paraître chez Charpentier, qu’on a fini par la dénaturer. […] Pour mettre le type plus en relief, Alphonse Daudet a fait de son héros un puissant, d’abord député, puis ministre ; on étudie beaucoup les ministres en ce moment, et Monsieur le Ministre, de Jules Claretie, dédié justement à l’auteur de Roumestan, en est la preuve ; pour que l’opposition fût plus sensible, le romancier a marié son héros à une fille du Nord, nature en dedans, profonde, d’humeur posée. […] En effet le temps a marché pour les héros du livre comme pour d’autres moins gais qu’eux. […] Demain je servirai de pâture aux corbeaux ; Qu’il soit le bienvenu le triste héros de proie, Les hommes n’auront pas la curée aux flambeaux. […] Les convives n’étaient pas tout à fait les premiers venus : Meyerbeer, Eugène Delacroix, Jules Janin, le baron Bande, Théophile Gautier, le comte Alexis de Saint-Priest et Alfred de Musset, le héros de cette petite fête.

1216. (1897) Aspects pp. -215

J’ai dit tout à l’heure que les violents désintéressés étaient des héros, L’un, en effet, impliqua l’autre. […] Zola met tout de suite son héros principal en présence des lieux où il agira. […] — Pour qu’un cœur de héros dans ma poitrine naisse, Enfant tu me guidais vers les filas fleuris. […] Son héros, Caragut, ne peut se plier aux habitudes régimentaires. […] On semble disposé à être un héros, un pasteur ou un philosophe… Comme nous possédons de mobiles mérites, on les occupe… au petit bonheur de la destinée.

1217. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Mais, en même temps que forte et hardie, il avait aussi l’imagination noble et haute ; — c’est-à-dire que, dans l’extraordinaire et dans le romanesque, il préfère ce qui est noble à ce qui est bas ; — ce qui exalte l’âme à ce qui la déprime ; — et généralement les héros aux monstres. — Qu’il n’est pas vrai cependant que, comme on l’a dit [Cf.  […] Examen de Rodogune, édition Marty-Laveaux, IV, 621], — « Le second acte passe le premier ; le troisième est au-dessus du second ; et le dernier l’emporte sur tous les autres. » — Il est le maître de ses sujets comme ses héros sont les maîtres de leurs destinées, [Voyez le contraire dans le drame romantique.] […] 3º Les Œuvres. — 1º De Gomberville : — la Carithée, 1621 ; — le Polexandre, 1629-1637 ; — la Cythérée, 1640 et années suivantes [2e édition des premiers volumes en 1642] ; — la Jeune Alcidiane, 1651 : « C’est un roman de janséniste, a écrit Tallemant, car les héros, à tout bout de champ, font des sermons et des prières » [Historiettes, IV, 467]. […] Segrais, Les Divertissements de la princesse Aurélie]. — 2º L’imitation de la réalité vivante se substitue aux combinaisons du romanesque. — Du mot de Fontenelle sur les caractères des personnages de Racine, « qui ne sont vrais, dit-il, que parce qu’ils sont communs » ; — et qu’en voulant critiquer Racine on ne saurait mieux le louer. — Les héros de Racine nous ressemblent ; — son invention est plus hardie que celle de Corneille de tout ce que ses sujets ont de plus ordinaire ; — de plus voisin de nous ; — de plus semblable à ce qui se passe autour de nous tous les jours. — D’une erreur de Taine à ce sujet [Cf.  […] Ses Œuvres en prose comprennent : — la Dissertation sur Joconde et le Dialogue sur les héros de roman, qu’il n’a point publiés lui-même ; — sa traduction du Traité du sublime, — ses Réflexions critiques sur Longin ; — les Préfaces des différentes éditions de ses Œuvres, 1666, 1674, 1675, 1683, 1685, 1694, 1701 ; — et un volume entier de Lettres dont les plus intéressantes sont les Lettres à Racine et les Lettres à Brossette.

1218. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

C’est avec une sensualité discrète et rêveuse qu’il peint les Héroïnes ; chacune est symbolisée par une fleur qui se dresse d’entre ses pieds ; cela est fort joli. […] L’infini humain se réduit à une petite princesse clouée par les mains : il y a un conquérant, « car l’homme est une tragédie dont le héros est le vers conquérant » ; d’ici le dénouement, il faut agir selon une action d’amour égoïste, jouir de tout en méprisant tout. […] Héros sauvage, il chante un chant de mort : Ah ! […] Les Goncourt appartiennent à la caste des génies continus et sans défaillance ; s’ils ne doivent pas être nombrés parmi les demi-dieux, ils le seront parmi les héros qui accumulèrent un total de belles actions égal à une œuvre unique et grandiose. […] Il est le Samson du monde des esprits : et quand vous avez cru le circonscrire, il fait comme le héros juif : il emporte avec lui sur la montagne les portes de sa prison. » Mais Hello, qui a du génie, n’est pas le génie.

1219. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Il faut entendre à ce sujet les héros de l’époque, leur ton leste, dégagé, est inimitable, et les peint aussi bien que leurs actions. « J’étais, dit le duc de Lauzun, d’une manière fort honnête et même recherchée avec Mme de Lauzun ; j’avais très publiquement Mme de Cambis, dont je me souciais fort peu ; j’entretenais la petite Eugénie, que j’aimais beaucoup ; je jouais gros jeu, je faisais ma cour au roi, et je chassais très exactement avec lui251. » Du reste, il avait pour autrui l’indulgence dont il avait besoin lui-même. « On lui demandait ce qu’il répondrait à sa femme (qu’il n’avait pas vue depuis dix ans), si elle lui écrivait : Je viens de découvrir que je suis grosse. […] Le quartier des dames est pourvu de tout ce qu’il faut pour la toilette ; rien ne leur manque, et l’on dit même qu’aucune d’elles n’a besoin d’amener son officier  Je citerais vingt prélats non moins galants, le second cardinal de Rohan, héros du collier, M. de Jarente, évêque d’Orléans, qui tient la feuille des bénéfices, le jeune M. de Grimaldi, évêque du Mans, M. de Breteuil, évêque de Montauban, M. de Cicé, archevêque de Bordeaux, le cardinal de Montmorency, grand aumônier, M. de Talleyrand, évêque d’Autun, M. de Conzié, évêque d’Arras284, au premier rang l’abbé de Saint-Germain des Prés, comte de Clermont, prince du sang, qui, ayant trois cent soixante-dix mille livres de rente, trouve moyen de se ruiner deux fois, joue la comédie chez lui à la ville et à la campagne, écrit à Collé en style de parade, et, dans sa maison abbatiale de Berny, installe une danseuse, Mlle Leduc, pour faire les honneurs de sa table. — Nulle hypocrisie : chez M. 

1220. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

C’était, pour les poètes du moyen âge, ce que le triomphe antique était pour les héros de Rome. […] Je ne sais si je dois rire ou pleurer, quand je pense qu’ils trouvent indigne d’eux ce nom de citoyen romain que tant de héros ont fait gloire de porter !

1221. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Tout art véritable a pour objet le beau ; celui qui en approche le plus dans les actes est le héros, le saint, le martyr ; celui qui en approche le plus dans l’éloquence ou dans la poésie est le maître de la raison, du cœur ou de l’imagination des hommes ; celui qui en approche le plus dans la langue des sons est le sublime musicien ; celui qui en approche le plus dans la langue des formes et des couleurs est le plus grand peintre ou le plus grand sculpteur. […] Le brigandage, dans ce pays de sève surabondante, est une habitude intermédiaire entre l’héroïsme et le crime ; des héros oisifs sont bien près de se faire brigands.

1222. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Bien supérieur à Horace, qui jetait son bouclier pour mieux fuir la mort des héros, et qui se vantait de sa lâcheté pour mieux flatter Auguste, le poète allemand bravait pendant deux mois la mort pour son prince, et ne s’en vantait pas ; il était héros comme il était poète, sans mérite et sans effort.

1223. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Enfin, Figaro c’est Beaumarchais lui-même se vengeant sur tout le monde des difficultés de sa vie, si semblable à celle de son héros, dont il commença par porter la guitare en bandoulière. […] C’est ainsi que Fabre a complété le héros de Molière, et la vérité n’y répugne point.

1224. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Elle est toute à deviner : ni chrétiens, ni juifs, ni païens ne nous ont transmis rien d’historique sur cette première apparition ni sur le principal héros. […] Tracer des divisions absolues dans la littérature, déclarer que toute œuvre sera une épopée, ou une ode, ou un roman, et critiquer les œuvres du passé d’après les règles qu’on s’est posées pour chacun de ces genres, blâmer Dante d’avoir fait une œuvre qui n’est ni une épopée, ni un drame, ni un poème didactique, blâmer Klopstock d’avoir pris un héros trop parfait, c’est méconnaître la liberté de l’inspiration et le droit qu’a l’esprit de souffler où il veut.

1225. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Sainte-Beuve nous reproche durement d’avoir fait lire, à notre héroïne, Kant, qui de son temps n’était pas traduit, nous jetant : « Alors quelle foi voulez-vous qu’on ait à votre étude ?  […] Après ses expectorations amères contre notre roman, son hostilité personnelle contre son héroïne, Sainte-Beuve nous a proposé décidément, par l’intermédiaire de Charles Edmond, de nous faire deux articles dans le Temps.

1226. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Dimanche 6 février Daudet frappé de la dureté, du coupant, que Mounet apportait au rôle de Roumestan, et ne trouvant chez lui rien du mutable et de l’ondoyant, que Montaigne attribue à l’homme du Midi, et ne rencontrant quoi que ce soit de l’homme sensuel, flou, attendrissable, qu’il a montré dans son héros, copié, des pieds à la cervelle, sur le catholique du Midi, lors des dernières répétitions, jeta soudain à son acteur : « Mounet, est-ce que vous êtes calviniste ?  […] Jeudi 29 septembre À propos de Pascal Géfosse, le roman de Paul Margueritte, Daudet disait, non comme critique du livre, mais théoriquement, qu’il y avait à la suite de Bourget, une suite de romans psychologiques, dont les auteurs, à l’instar de Stendhal, voulaient écrire, non ce que faisaient les héros des romans, mais ce qu’ils pensaient.

1227. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Le chaos, le ciel, la terre, Géo et Céto, Jupiter dieu des dieux, Agamemnon roi des rois, les peuples, troupeaux dès le commencement, les temples, les villes, les assauts, les moissons, l’Océan ; Diomède combattant, Ulysse errant ; les méandres d’une voile cherchant la patrie ; les cyclopes, les pygmées ; une carte de géographie avec une couronne de dieux sur l’Olympe, et çà et là des trous de fournaise laissant voir l’Érèbe, les prêtres, les vierges, les mères, les petits enfants effrayés des panaches, le chien qui se souvient, les grandes paroles qui tombent des barbes blanches, les amitiés amours, les colères et les hydres, Vulcain pour le rire d’en haut, Thersite pour le rire d’en bas, les deux aspects du mariage résumés d’avance pour les siècles dans Hélène et dans Pénélope ; le Styx, le Destin, le talon d’Achille, sans lequel le Destin serait vaincu par le Styx ; les monstres, les héros, les hommes, les mille perspectives entrevues dans la nuée du monde antique, cette immensité, c’est Homère. […] Après chaque héros, Homère brise le moule.

1228. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Partout les héros précèdent les philosophes, et les artistes les critiques. […] Bien plus, génie, vertu, sont des manifestations, et les plus élevées, de cette énergie dont il n’a été départi à chaque peuple qu’une somme limitée, en sorte que la vie collective se dépense tout autant, plus peut-être par les héros, les martyrs, les grands hommes, que par ces générations obscures d’individus sans mérite et sans gloire dont les flots déroulent à travers quelques siècles et sur un point du globe les destinées fatalement bornées d’une nation.

1229. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

L’honneur des peuples est comme l’honneur des femmes : si les violées de l’histoire sont des héroïnes parce qu’elles ont tué leurs Tarquins ; un peuple catholique, violé dans sa conscience et violé dans son territoire, devait-il laisser faire ses profanateurs ? […] Mirabeau et Robespierre, c’est Luther et Calvin, rapetissés par le xviiie  siècle, le siècle des athées, des laquais et des courtisanes, ne pouvant donner à l’erreur sortie de son sein les proportions humaines que lui donnait encore le Moyen Âge, cette épopée de héros, au commencement du xvie  siècle.

1230. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Si les héros, d’ailleurs, n’ont pas tenu exactement les discours que l’historien leur prête, ils ont dû les penser ; et ces considérations en général sont si nécessaires que l’historien, s’il ne les mettait dans leur bouche, serait obligé de les faire lui-même pour son compte.

1231. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Mais ce qui n’était d’abord qu’une simple plaisanterie, qu’une conjecture maligne, va devenir bientôt une affaire sérieuse, un décri formel et public, le sujet de tous les entretiens : C’est un scandale qui vous survivra, s’écrie Massillon ; les histoires scandaleuses des cours ne meurent jamais avec leurs héros : des écrivains lascifs ont fait passer jusqu’à nous les satires, les dérèglements des cours qui nous ont précédés ; et il se trouvera parmi nous des auteurs licencieux qui instruiront les âges à venir des bruits publics, des événements scandaleux et des vices de la nôtre.

1232. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Il passait alors pour un homme léger, qui, avec de l’esprit, n’avait fait que des folies, qui avait obéi à des fantaisies et à des fougues, qui avait pris de grands partis sans les tenir : Impie, dévot, jaloux amant, Courtisan, héros de province, disait ou allait dire de lui la chanson ; on l’appelait le Don Quichotte moderne ; des gens qui valaient moins que lui par l’esprit et par le cœur le raillaient, et il n’y était pas insensible.

1233. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Elle se moque d’une de ces critiques qui porte à la fois sur la conduite d’Hélénus, d’Hector et de Diomède, qu’Homère donne pour sages et qui, au moment même, se seraient emportés comme des imprudents : « Voilà un beau coup de filet pour M. de La Motte, dit-elle assez gaiement, d’avoir pris en faute trois héros d’Homère tout à la fois. » Quand elle en vient au travestissement en vers qu’il a donné de l’Iliade, elle en fait ressortir tout le chétif et l’indignité ; elle montre très bien, par exemple, que les obsèques d’Hector, exposé sur un lit dans la cour du palais, avec l’entourage lugubre des chanteurs et les gémissements de tout un peuple de femmes qui y répondent, sont devenues chez M. de La Motte quelque chose de sec et de convenu : « On croit voir, dit-elle, un enterrement à sa paroisse. » Mais ces traits d’esprit, que Mme Dacier oppose à ceux de l’adversaire, se mêlent trop d’images, de comparaisons et de citations qui juraient avec le goût moderne.

1234. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Henri IV, dans les Mémoires particuliers de l’auteur, nous est montré par d’assez vilains côtés et qui tendraient à le rapetisser ; on l’y voit atteint et accusé d’envie, d’avarice : il n’est rien de tel dans la grande Histoire, et ces petits griefs personnels et de domesticité s’évanouissent : d’Aubigné y replace le héros et le politique à sa juste hauteur, et l’ayant perdu, le regrettant avec larmes, il lui redevient publiquement favorable et fidèle.

1235. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

Arrivé à ce terme de la discussion, il s’exécute, et convient à peu près qu’il n’a voulu faire qu’un agréable et assez instructif roman : Je me vois, monsieur, dit-il agréablement à Voltaire qui est censé toujours vivant, je me vois réduit à l’embarras des auteurs de romans qui, après avoir conduit leur prince ou leur héros jusqu’au dernier volume, ne savent plus comment s’en défaire, et finissent par le faire assassiner.

1236. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

Bergeret, secrétaire du cabinet, à célébrer Louis XIV, ses guerres, ses conquêtes, le triomphe de sa diplomatie impérieuse : Heureux, disait en terminant Racine (et cette péroraison n’est pas la plus délicate partie de son discours), heureux ceux qui, comme vous, Monsieur, ont l’honneur d’approcher de près ce grand prince, et qui, après l’avoir contemplé, avec le reste du monde, dans ces importantes occasions où il fait le destin de toute la terre, peuvent encore le contempler dans son particulier, et l’étudier dans les moindres actions de sa vie, non moins grand, non moins héros, non moins admirable, que plein d’équité, plein d’humanité, toujours tranquille, toujours maître de lui, sans inégalité, sans faiblesse, et enfin le plus sage et le plus parfait de tous les hommes !

1237. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Dans ce drame que nous dévoilent ses Pensées, l’acteur est le même que le héros, et l’un et l’autre ne sont que l’homme souffrant, cherchant, désirant, et, quand il a trouvé, criant aux autres : Suivez-moi !

1238. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — I » pp. 351-368

Un Alexandre, c’est un héros d’Homère qui s’élance tout formé et d’un seul jet des mains de Philippe et d’Aristote, et qui conquiert le monde en faisant trois pas comme un jeune dieu.

1239. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Et par exemple il représentait son héros comme laissant entrer par compassion des vivres dans Paris assiégé, tandis que c’était tout le contraire, et que Henri IV se plaignait de ses serviteurs (tels que Givry, et particulièrement M. d’O), qui en divers temps y avaient laissé entrer des vivres par connivence.

1240. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

Il avait par avance quelque chose des héros de Corneille, et semblait s’être dit : Lorsque deux factions divisent un empire, Chacun suit au hasard la meilleure ou la pire ; Mais quand ce choix est fait, on ne s’en dédit plus.

1241. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

[NdA] Oui, Napoléon parle bien autrement à l’imagination, mais Frédéric aura toujours ce mérite incomparable et cet avantage d’être le plus homme, le moins demi-dieu des grands hommes et des héros.

1242. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

La margrave prend la part la plus entière à son sort ; elle l’admire comme son héros, comme le plus grand prince régnant, « et un de ces phénomènes qui ne paraissent tout au plus qu’une fois dans un siècle. » Après ses premiers succès dont il ne profite peut-être pas autant qu’il aurait pu65, elle le voit près d’être écrasé entre les trois puissances ennemies : elle brûle de s’entremettre en sa faveur.

1243. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Mais les quatre chapitres qui suivent vont nous peindre successivement les mœurs des principales classes de la société, des gens de finance et de fortune, des gens de la Ville, des gens de la Cour, des Grands proprement dits et princes du sang, héros ou demi-dieux : le tout se couronnera par un chapitre, du Souverain ou de la République, avec le buste ou la statue de Louis XIV tout au bout en perspective.

1244. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

« J’ai souvent pensé, dit-elle, que c’était par le cœur qu’on ne s’ennuyait jamais, les deux héros de l’ennui, M. de Chateaubriand et Benjamin Constant, m’ayant mise sur la voie de cette vérité en démontrant sibien que ce n’est pas l’esprit qui sauve d’un tel mal. » On trouve son compte avec elle par bien des pensées de ce genre, même quand on ne la suit pas dans ses plus hautes régions Enfin, sans tant épiloguer sur les mots, ceux qui se livreront à cette lecture, dussent-ils comme moi rester à mi-chemin de la sympathie, y gagneront au moins une vue intéressante sur une nature de femme très rare et très distinguée, qui fait le plus grand honneur au monde aristocratique où elle a vécu.

1245. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Son père qui, dans sa jeunesse, était très-beau, qu’on surnommait Orondate parce qu’il ressemblait à un héros de roman, qui avait eu des duels brillants au temps de la mode des duels, et avait mérité, par là la faveur du prince de Conti, ce qui fut le point de départ de sa fortune, s’était depuis distingué à la guerre et y serait probablement arrivé jusqu’aux emplois les plus considérables, s’il n’avait rencontré en chemin l’inimitié de Louvois, qui lui barra tout avancement.

1246. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Après l’apothéose, après les gémonies, Pour le vorace oubli marqués du même sceau, Multitudes sans voix, vains noms, races finies, Feuilles du noble chêne ou de l’humble arbrisseau ; Vous dont nul n’a connu les mornes agonies, Vous qui brûliez d’un feu sacré dès le berceau, Lâches, saints et héros, brutes, mâles génies, Ajoutés au fumier des siècles par monceau ; Ô lugubres troupeaux des morts, je vous envie, Si quand l’immense espace est en proie à la vie, Léguant votre misère à de vils héritiers, Vous goûtez à jamais, hôtes d’un noir mystère, L’irrévocable paix inconnue à la terre, Et si la grande nuit vous garde tout entiers !

1247. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Cette lettre, ou telle autre pareille, ne nous forcez pas à le dire, nous les amis de Mme de Staël, et qui comprenons ses premiers mouvements en plus d’un sens, c’est la compensation peut-être d’avoir écrit un jour au général Moreau de revenir d’Amérique pour nous combattre, d’avoir appelé Bernadotte le véritable héros du siècle, celui qui joint la vertu au génie ; elle a pu, dans des moments de révolte et d’irritation trop motivée, s’emporter à ces vivacités extra-françaises ; elle était femme après tout, nous ne l’en blâmons pas ; mais concevez donc aussi qu’elle a pu écrire à un autre moment cette lettre toute française en simple brave femme qu’elle était ce jour-là, et en bonne patriote.

1248. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Le Roi qu’après cette lecture le Louis XIV, tel qu’il sort pour nous des mains de ses premiers médecins, « n’est plus le brillant héros que l’histoire nous a dépeint, mais bien un jeune homme valétudinaire, atteint successivement de maladies fort graves, puis un homme toujours souffrant, condamné à un régime sévère, obligé de supporter de graves opérations, et enfin, un vieillard podagre, continuellement tourmenté par la gravelle, dont la gangrène vient enfin terminer l’existence. » Ce portrait est trop noir ; cette suite de maladies et d’indispositions présentées en détail et à la file fait un tableau trop sombre ; nous ne voyons pas assez les intervalles, les saisons de bonne santé, les mortes-saisons du médecin ; et puis il y a dans tout cela maint malaise qui, dans une vie ordinaire et où l’on n’aurait pas le temps de s’écouter, ne compterait pas.

1249. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Est-ce que Bossuet lui-même, qu’on ne récusera certes pas comme exprimant dans un haut exemple la moyenne des lumières du grand règne, avait profité de l’expérience produite sous ses yeux aux années de sa jeunesse, lorsque dans l’Oraison funèbre du prince de Condé il ne craignait pas de dire en une phrase magnifique et souvent citée : « Loin de nous les héros sans humanité !

1250. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Que l’auteur du mystère ait ou non connu Sophocle, il a fait preuve de goût et d’habileté en donnant à Judas une autre position qu’au héros grec.

1251. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Quand Virgile prenait Énée pour son héros, il était plein d’Auguste et plein aussi des souvenirs de la vieille Rome.

1252. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Osant blâmer M. de Richelieu d’avoir accédé, de guerre lasse et le cœur navré, à ce traité nécessaire et imposé qui diminua la France et qui en rogna la carte, bien moins pourtant qu’on ne l’avait craint, il disait d’un air capable : « Au reste, il y avait une autre carte plus respectable que celle dont on a parlé : elle était tracée dans le cœur de tous les Français attachés à leur roi. » Il répétait sans cesse, en se flattant d’avoir une recette royaliste de son invention : « On peut étouffer la faction, sans arracher un cheveu de la tête d’un seul factieux. » C’était le même qui, autrefois préfet à Metz sous l’Empire, un jour de cérémonie et de fête impériale, avait dit à sa fille en présence d’un buste de Napoléon : « Fille d’un guerrier, couronnez le buste d’un héros ! 

1253. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

De soldats, de drapeaux ; autour, un peuple immense Acclamait un héros, des combats revenu ; Tout à coup, à ces cris, du peuple solitaire Qui se tait sous la terre Je me suis souvenu.

1254. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

N’est-ce pas chez elle qu’a mérité de reposer, sous son marbre funéraire, le plus aimable et le plus Français de nos héros adoptifs, Maurice de Saxe ?

1255. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Il en est aux déclamations du temps : « J’ai vu les braves gardes nationaux, disait-il, et je l’atteste parce que je l’ai vu, chacun de ces volontaires est un héros. » Pendant vingt-deux mois de Convention il vécut dans une fièvre ardente.

1256. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Mademoiselle de Clermont, dont Mme de Genlis a fait dans un joli roman une héroïne si sentimentale, était une personne qui ne marchandait pas.

1257. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Un héros de roman peut et doit partir à cinquante ans et même en deçà : un guerrier historique tient bon tant qu’il peut ; un Turenne reste jusqu’au dernier jour pour achever son œuvre, pour l’avancer, la consolider.

1258. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Et, par exemple, si je veux définir la manière de tel historien moderne qui, à force de dramatiser l’histoire, l’a énervée ; qui, en peignant les hommes de la Révolution, les a décrits dans un détail minutieux et impossible, comme Balzac fait pour ses héros de roman ; si, parlant de cet historien, je dis : « L… (Lamartine), dans son Histoire de la Révolution et dans les scènes qu’il y retrace, ne se contente pas d’exciter les sentiments de pitié ou d’indignation, il ébranle les nerfs ; il ne se contente pas d’émouvoir, il veut émotionner » ; — eh bien !

1259. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Mais le héros de la comédie, c’est Figaro, le sémillant barbier, un Figaro singulièrement élargi et grandi.

1260. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

III Ce qu’il y a d’inspiration sincère dans la Chanson des Gueux, le poète nous le dit lui-même dans sa préface : J’aime mes héros, mes pauvres gueux lamentables, et lamentables à tous les points de vue ; car ce n’est pas seulement leur costume, c’est aussi leur conscience qui est en loques.

1261. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

Il a, pour un historien des animaux, d’étranges partialités ; il a ses héros et, si j’osais dire, ses bêtes noires.

1262. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

La France ressemble à l’héroïne du drame à la mode, La Dame aux camélias.

1263. (1886) De la littérature comparée

De vagues légendes circulent seules sur certains mythes antiques, les déforment, leur empruntent parfois des traits pour les prêter aux héros du christianisme.

1264. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

L’un de ces enfants écrivit aussitôt ces vers d’Homère, dans lesquels Ulysse regrette de n’être point mort sur le champ de bataille et de survivre aux héros ses compatriotes : “Trois et quatre fois heureux ceux qui sont morts en combattant dans les champs d’Ilion !

1265. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Ils avaient commencé, enfants, par être des héros à la guerre, et ils furent de tout temps des débauchés plus que voluptueux.

1266. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

Ce ne fut qu’après l’établissement du Consulat, quand une main de héros eut relevé les colonnes de l’empire, que la voix du sage put y être écoutée sous le portique, que ses maximes de science et de prudence consommée y trouvèrent leur application et leur vrai sens, et que l’homme de bien y acquit toute son autorité et sa valeur.

1267. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Mais en les lisant, même sans être en rien du métier, on sent l’esprit général qui a présidé à ce code de prudence et d’équité : ce n’est pas une compilation, mais bien une composition qu’il y faut voir ; un conseil de sages enhardis par un héros profita du moment décisif où la nation, profondément remuée, se trouvait tout à coup replacée sous un meilleur génie et associait la vigueur d’un nouveau peuple à la maturité d’un peuple ancien.

1268. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Dans ce volume de Carrel, au premier rang, on n’aurait garde d’omettre une simple colonne qu’il a écrite sur Zumalacárregui, ce jeune et victorieux héros des provinces basques, enlevé au milieu de ses succès.

1269. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Évidemment il était le héros et l’espoir de sa famille, fils unique entre cinq sœurs, dont trois seulement étaient restées en France, et qui toutes, soit pour l’esprit, soit pour le cœur, l’adoraient et l’admiraient.

1270. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

L’extrême petitesse de chacun comparé au tout décourage et désarme la force morale : il semble même que la disproportion d’une âme forte et d’une situation faible a quelque chose d’inconvenant ; on craint de jouer au héros, et, chacun se diminuant ainsi par faiblesse et par scrupule, il en résulte une diminution générale, qui, en se perpétuant et en s’aggravant de génération en génération, pourrait avoir de tristes effets.

1271. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Il avait accumulé sur un seul héros toutes les extravagances, les dandysmes, les manies, les afféteries qu’on allait nous reprocher à nous, soi-disant décadents, à nous les simples, les bons bûcheurs ou les bons flâneurs qui vivions bien tranquilles à l’instar de la plupart de nos aînés parnassiens : à la bibliothèque le jour, au café le soir.

1272. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

C’est un balzacien qui tient à Balzac par la manière de peindre, et, par sa nature, à quelques-uns de ses héros.

1273. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

C’est le poisson qui est son héros naturel pour l’heure, c’est le poisson sur les destinées duquel il veut attendrir nos sympathies, malgré les écailles et les arêtes de ces bêtes gluantes et désagréables à toucher, même pour cette grande dégoûtée d’imagination qui est la faculté, de toutes nos facultés, la plus profondément matérialiste.

1274. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Mais, ici, les Satans, ce sont des héros !

1275. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Mêmes fables, mêmes catastrophes, mêmes héros.

1276. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Dans Roméo et Juliette, Shakespeare veut tracer un tableau sérieux de l’amour sans alliage ; il lui faut donc deux adolescents pour héros, et le malheur comme dénouement. […] * J’avais déjà composé un assez grand nombre de scènes d’Iphigénie, sans que l’héroïne elle-même eût encore parlé. […] Elle est belle et hardie comme une héroïne de ser Giovanni Boccaccio. […] Il sourit mélancoliquement, après quoi : — Smolenski est un héros, un héros, vous dis-je… Mais vous n’y êtes point, il ne s’agit pas de cela. […] les pauvres Saints, modestes et charmants, du calendrier orthodoxe auraient-ils médité la ruine des demi-dieux et héros de l’ancienne religion ?

1277. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Le pur Racine a tous les défauts du milieu où il a vécu, à commencer par le ton de cour française qu’il donne à ses héros antiques, ce qui fut une adorable qualité pour les amateurs de son temps, ce qui est un hiatus de couleur très répréhensible aujourd’hui à nos yeux, et ce qui ne l’empêche pourtant pas d’être un beau génie, selon vous, selon moi aussi. […] Julie. — Satan est-il donc le héros du poème, et, comme dans Milton, le plus intéressant des personnages ? […] Le plus loyal de ses héros, le noble Berlichingen, se laisse entraîner à une trahison qui ternit la fin de sa carrière, et le misérable Weislingen expire dans des remords qui l’absolvent. […] Dans tous ces héros je vois des défauts, des faiblesses, des erreurs qui m’empêchent de me prosterner ; mais j’y vois aussi un fonds de grandeur, de probité, de justice, qui me les fait aimer et plaindre. Ce ne sont pas des héros de roman, mais ce sont des hommes de bien.

1278. (1932) Le clavecin de Diderot

Il aura donc eu, comme ce dernier, ses profiteurs, ses victimes et aussi ses héros. […] Piètre revanche des bigots, lorsqu’ils ont dû finir par constater, comme ce héros d’André Gide, (le père Lapérouse dans Les Faux Monnayeurs) : Dieu m’a roulé. […] À cause de tout ce qui m’inquiétait sous cette apparence de chienne, et, parce qu’elle n’était pas sans rapport avec le héros de Chirico, elle devint Mme Hebdomerosat. […] De toute sa force, de la seule force de ses sentiments et de ses muscles, le héros du Chien andalou traîne ce fardeau pathétique et vengeur, à travers un appartement, on ne peut plus quotidien.

1279. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Trois de ses héros se ressemblent beaucoup : Grandgousier, Gargantua et Pantagruel ; on peut les confondre quelque peu dans le souvenir qu’on garde d’eux et attribuer à celui-ci une lettre de celui-là. […] Il y avait en Rabelais un homme de bon sens et de raison, studieux, prudent et grave ; et de cet homme il a composé Grandgousier, Gargantua et Pantagruel, qui ne font guère qu’un. — Il y avait en Rabelais un moine défroqué par goût de l’action, chaleur de sang, et curiosité des aventures ; et de celui-là il a fait Frère Jean. — Il y avait en Rabelais un étudiant relaps et prolongé, basochien raillard, amateur plutôt que héros d’histoires grasses et de farces grosses ; et de celui-là, en le forçant et chargeant un peu (et ce n’est guère qu’avec celui-ci qu’il a eu un peu besoin d’imagination pour l’achever) il a fait Panurge. […] C’est même ceci qui explique l’intimité, qui peut paraître singulière, qui subsiste entre les trois principaux héros du Pantagruel.

1280. (1925) Proses datées

J’ai plus d’une fois entendu Stéphane Mallarmé parler de ce drame philosophique qu’il avait conçu dans sa jeunesse et dont le héros s’appelait Igitur d’Elbenon. […] Sur un théâtre admirablement outillé, des marionnettes épiques et naïves, façonnées, habillées, mues par ses mains, incarnèrent en leur sublime petitesse l’âme des héros, de Wagner. […] On citait de lui des fantaisies spirituellement paradoxales, maints traits, si bien que la figure qu’il s’était composée avait tenté un romancier qui l’avait prise pour un modèle du héros d’un livre remarqué. […] Elle justifié la prépondérance que M. des Cognets donne aux préoccupations religieuses dans la vie intérieure du poète, mais il ne faudrait pas voir en lui pourtant une sorte de saint et de héros. […] N’était-ce pas aussi à cette catégorie de balzaciens qu’appartenait l’excellent confiseur Siraudin, dont Théodore de Banville nous dessine dans ses Souvenirs une amusante silhouette, Siraudin qui avait loué un appartement particulier où il s’enfermait pour lire Balzac et où il vivait uniquement en compagnie des héros de la Comédie humaine.

1281. (1891) Esquisses contemporaines

Mon frère Yves n’est pas pour les lecteurs qu’émeuvent les aventures des héros d’Alexandre Dumas ; il captive, lui aussi, mais d’une autre manière. […] Un des caractères de l’école naturaliste est la simplification psychologique des héros qu’elle met en scène. […] Dans Mon frère Yves, je ne sais vraiment si c’est Yves lui-même, la mer ou la Bretagne qui sont les héros du livre. […] En fait, les héros de ces histoires n’ont pas de volonté ; leur vie par conséquent est dépourvue, sinon d’intérêt, du moins de beauté, puisqu’il n’est de beauté réelle que dans les manifestations de volonté et que la volonté est la matière propre de l’art. […] À ce point de vue41 toutes les passions sont identiques, et le philosophe, en poursuivant cette extase souveraine de son cerveau, est le frère du joueur et du débauché, comme du héros et du martyr… » « À chaque sorte d’imagination correspond une sorte particulière de sensibilité.

1282. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Nul, plus que lui, ne semble préoccupé de l’attitude, comme hiératique, de ses personnages ; aux plus beaux moments de son œuvre, son vers a la sublimité d’un geste de héros ou de dieu. […] Ils sont bien certains, ces jeunes héros, ces tendres amis, que rien ne les séparera jamais, rien, pas même le triomphe ; ils rêvent une immortalité commune. […] Pour donner, sans ordre, des exemples, Ronsard n’apparaît-il pas, à cause de ses odelettes, comme une espèce d’exquis chansonnier, lui qui, tenant de Virgile et de Juvénal non moins que d’Anacréon ou de Moschus, chanta glorieusement les héros et les dieux et fut un rude discoureur satirique ? […] si sublimement, sont des héros ! […] Fut-il vrai d’ailleurs qu’il y eût des époques de décadence, les âges futurs en seraient seuls juges ; et ces paroles : nous sommes des Décadents, sont aussi parfaitement imbéciles que ce mot d’un héros de vieux mélodrame : « Nous autres, hommes du moyen âge ».

1283. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Aussi le prudent héros t’a interdit de les faire. […] Regarde le cygne qui emporte ton héros. […] Peu de héros d’opéra, vous en conviendrez, atteignent cette hauteur poétique et morale. […] Les amis de la Révolution auraient voulu, sans doute, en réunir tous les héros dans un panthéon immense. […] Amusements énormes et ingénus d’un héros vieillissant.

1284. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Il a des apostrophes « Aux commençants », qui respirent le feu sacré : Fussiez-vous du sang des héros, fussiez-vous du sang des dieux s’il y en avait ; si la gloire ne vous délire pas continuellement, ne vous rangez pas sous ses étendards.

1285. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Mais Beyle, en posant ainsi son héros, aurait eu trop peur de retomber dans le lieu commun d’en deçà des Alpes.

1286. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Mais vous avez comblé le déficit en couronnant le héros des pompons de la sensibilité, de la délicatesse, des grâces, et tout le monde s’est écrié : C’est bien lui !

1287. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Mme de Coulanges était sans doute de celles qui avaient le plus pris sa défense : aussi était-elle outrée plus tard au nom de tout son sexe quand elle vit qu’il n’y avait plus moyen de se faire illusion, et que le héros de roman n’était décidément qu’un joueur, un voluptueux et le plus spirituel des libertins : « La Fare m’a trompée, disait-elle plaisamment, je ne le salue plus. » Cette trahison de cœur et la douleur qu’elle en ressentit conduisirent Mme de La Sablière, âme fière et délicate, à une religion de plus en plus touchée, qui se termina même, par des austérités véritables : elle mourut plusieurs années après aux Incurables, où elle avait fini par habiter.

1288. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Cette lettre, publiée par Voltaire, est devenue historique, et elle fait le plus grand honneur auprès de la postérité à l’esprit et à l’humanité de M. d’Argenson : « Vous m’avez écrit, monseigneur, lui répondait Voltaire, une lettre telle que Mme de Sévigné l’eût faite, si elle s’était trouvée au milieu d’une bataille. » Et cet éloge est mérité ; on a la description gaie, vive, émue, du combat, du danger, du succès plus qu’incertain à un moment, de la soudaine et complète victoire ; le principal honneur y est rapporté au roi : puis, après tout ce qu’un courtisan en veine de cœur et d’esprit eût pu dire, on lit les paroles d’un citoyen philosophe ou tout simplement d’un homme : Après cela, pour vous dire le mal comme le bien, j’ai remarqué une habitude trop tôt acquise de voir tranquillement sur le champ de bataille des morts nus, des ennemis agonisants, des plaies fumantes… J’observai bien nos jeunes héros ; je les trouvai trop indifférents sur cet article… Le triomphe est la plus belle chose du monde : les Vive le roi !

1289. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Dans un voyage que la margrave fait pour sa santé en Italie, elle lui cueille à Naples une branche du laurier de Virgile, et la lui envoie comme un don offert par l’ombre du poète au héros rival d’Alexandre.

1290. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

C’est un honnête homme que Casaubon, un homme de bonne foi, ce n’est pas un héros, et il n’a pas en lui l’étoffe d’un martyr.

1291. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

A vrai dire, Boileau a raconté la chose aussi bien, aussi élégamment qu’un fait d’armes aussi compliqué peut se décrire en vers ; mais comme on a toujours affaire à des moqueurs, il n’a pas assez songé au parti qu’on tirerait contre son héros de cet éloge un peu fastueux où il l’a représenté comme inactif et immobile : « Louis, les animant du feu de son courage, Se plaint de sa grandeur qui l’attache au rivage. » Boileau, sans le vouloir, a porté par là préjudice à Louis XIV devant la postérité.

1292. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Dès qu’on est arrivé au repaire dans la montagne, au quartier général de tous les Mandrins de la contrée, les histoires de voleurs se succèdent et ne tarissent pas ; chaque bande qui arrive raconte la sienne, ses prouesses, ses pertes : il y a de fameux voleurs qui viennent de périr et qu’on exalte ni plus ni moins que des héros, Lamachus, Thrasyléon ; il faut entendre comme leurs compagnons en parlent, comme ils en sont fiers et en quels termes ils les déplorent : c’est à donner envie de se faire brigand, si l’on a du cœur.

1293. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

Cet enfant qui promettait un héros ne paraît pas avoir égayé un instant cette triste demeure.

1294. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Chacun s’y mit avec modération et prudence, sous l’égide du héros modérateur, et le Pontife tout le premier, et le Clergé constitutionnel lui-même, heureux en grande partie de se sentir réconcilié avec son chef.

1295. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

C’est alors qu’il fit dans son atelier, rue de la Tour-des-Dames, une exposition particulière de quarante-cinq tableaux et qu’il devint l’un des héros de la popularité.

1296. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Le Mémoire où les griefs du prince sont fort bien déduits, avec fierté, roideur, beaucoup de tenue, et dans une forme de phrase assez compliquée et bien balancée, annonce du talent sans doute, mais un talent quelque peu empesé encore, et qui se sent du voisinage des héros de Corneille.

1297. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

A quoi bon descendre à plaisir des hauteurs où vous a placé l’amour pur de la jeune fille pour se révéler à elle le héros d’aventures vulgaires, ou le convalescent échappé de quelque grande passion, avec l’imagination éteinte et le cœur plein de cendres ?

1298. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Le poète raffole d’immortalité et pense à ses vers ; le héros revoit en délire ses trophées d’armes et ses compagnons dans les nuages.

1299. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

C’est là son thème favori et sur lequel elle se plaît à appuyer, le thème d’amante où se complairait aussi une héroïne de Corneille.

1300. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Dans la campagne de 1744, tout ce qui entourait le roi, maîtresse, favoris, ministres, ce qu’on appelait la jeune Cour, avait entrepris de faire décidément de Louis XV un héros et un vainqueur, un vrai petit-fils de Henri IV ; Mme de Châteauroux en personne y veillait et y tenait la main, lorsque tout à coup la maladie du roi se déclara et vint effrayer et consterner la France.

1301. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

Je sais qu’on m’a mené vite à Paris ; mais, Dieu merci, je n’ai eu qu’un effort dans le col, lequel a dégénéré en rhumatisme, dont je me sens encore un peu, mais qui ne m’empêche de rien, et mon sang est resté tout entier dans mes veines, sans qu’il en soit sorti plus d’une goutte, occasionnée par une coupure que je me suis faite au petit doigt, en soupant, dimanche dernier, au grand couvert. » Je ne sais si c’est la Correspondance de Napoléon dont je suis plein, qui me gâte et me rend plus difficile, mais il me semble qu’il est impossible d’écrire une phrase telle que celle qu’on vient de lire, à la Louis XV, et de partir vaillamment en guerre le lendemain pour être un héros.

1302. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Le profond moraliste se retrouve dans un dernier trait : « Le nom qu’un infatigable bonheur lui a acquis pour des temps à venir m’a souvent, dit-il, dégoûté de l’histoire, et j’ai trouvé une infinité de gens dans cette réflexion. » Combien de guerriers, de héros d’un jour, se survivant à l’état de paix et n’ayant gardé à la fin que l’ostentation et le fracas de leurs vices, ont produit ce même effet sur des esprits honnêtes et sages, qui ont pu se dire comme Saint-Simon : « C’est à dégoûter de l’histoire ! 

1303. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Le comte de Clermont était le frère cadet de M. le Duc, qui fut quelque temps premier ministre ; du comte de Charolais, si connu par ses férocités et ses frénésies ; il était le frère aîné de ces trois sœurs mondaines, à l’allure libre et au parler franc, Mademoiselle de Charolais, Mademoiselle de Clermont, Mademoiselle de Sens, desquelles il aurait fallu ne rien savoir pour en faire des héroïnes de roman sentimental, comme l’essaya un jour Mme de Genlis pour Mademoiselle de Clermont30.

1304. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Son premier poëme, publié en 1825, le Charivari, est un poëme burlesque, qui a pour héros le sensible Oduber, veuf et vieux, qui songe à se remarier : les souvenirs du Lutrin y sont entrés sans beaucoup de déguisement.

1305. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

Si quelque chose pouvait ajouter à leur éclat, c’était la manière dont il le portait : aimable, naïf, rougissant, on aurait cru voir une jeune fille plutôt qu’un des héros de la popularité.

1306. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy, à retrouver, dans un sujet où le poëte a entrepris de faire chanter Homère, quelques-unes des beautés empruntées aux poèmes de son héros ? 

1307. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SOUZA » pp. 42-61

Qu’importe qu’en peignant son aimable héros l’auteur ait cru peut-être proposer un exemple à suivre aux générations présentes, qui n’en sont plus là ?

1308. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

On en voit trace aussi dans Eugène, lorsque le héros au début s’éprend d’Agathe, la fille de sa bonne nourrice ; mais la convenance intervient aussitôt et triomphe, et elle a raison de triompher pour le plus grand bonheur de tous.

1309. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

On verra ensuite ce drame trop chargé se scinder en petits drames distincts : chaque prophète deviendra centre et héros d’une pièce particulière ; on a conservé deux drames latins de Daniel.

1310. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Les croyances de groupe s’attachent volontiers à quelque objet vague, mal défini, semblable à ce mythique Putois, héros d’un récit de M. 

1311. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Il vous arrive, ange vraiment trop naïf, d’appeler Édouard Drumont, juif en chef de l’antisémitisme, « le prophète contemporain » et de le compter « parmi les héros auxquels la couronne de gloire sera remise par les anges au jour bienheureux du festin mystique ».

1312. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Peu avant de mourir, comparant ensemble toutes les phases de sa carrière, il écrivait : « J’ai connu le véritable bonheur dans l’obscurité, l’innocence et la pauvreté de mes premières années. » Puisque tel était le charme qui rappelait le héros vers les commencements de lui-même, approchons-en de plus près, et cherchons dans quelques vestiges subsistants ce qu’il y avait donc de si aimable en cette enfance demeurée si chère.

1313. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Tous ceux qui les voyaient s’arrêtaient émerveillés de leur retirance (ressemblance), et chacun s’en allait disant : « C’est tout de même une jolie paire de gars. » Ces deux jumeaux ou bessons sont les héros du roman qui a pour titre La Petite Fadette.

1314. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Le critique peut être un brave, mais en général ce n’est pas un héros, et, comme bien des braves, pour avoir toute sa bravoure, il a besoin de se sentir appuyé.

1315. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

« La force des États, pensait-il, consiste dans les grands hommes que la nature y fait naître à propos. » Il voulut être et il fut un de ces grands hommes ; il remplit dignement sa fonction de héros.

1316. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Le chef et le héros de cette haute magistrature au xvie  siècle, le premier président Achille de Harlay, dira au duc de Guise qui le venait visiter au lendemain des Barricades, et qui le trouvait se promenant tranquillement dans son jardin : « C’est grand pitié quand le valet chasse le maître ; au reste, mon âme est à Dieu, mon cœur est à mon roi, et mon corps est entre les mains des méchants : qu’on en fasse ce qu’on voudra ! 

1317. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Tandis qu’il favorisait les entreprises de collections purement historiques ou érudites, il refusait, par exemple, un privilège à Voltaire pour les Éléments de la philosophie de Newton : « Ce demi-savant et demi-citoyen d’Aguesseau, écrivait Voltaire à d’Alembert en un jour de rancune, était un tyran : il voulait empêcher la nation de penser. » On assure que le scrupuleux chancelier ne donna jamais de privilège pour l’impression d’aucun roman nouveau, et qu’il n’accordait même de permission tacite que sous des conditions expresses ; qu’il ne donna à l’abbé Prévost la permission d’imprimer les premiers volumes de Cleveland que sous la condition que le héros se ferait catholique à la fin.

1318. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Virgile avait représenté dans ses Champs Élysées les héros conservant les mêmes inclinations et les mêmes habitudes qu’ils avaient eues pendant leur vie ; ce qui fit dire aux frères Perrault qu’on y voyait l’« ombre d’un cocher » : Qui, tenant l’ombre d’une brosse, Nettoyait l’ombre d’un carrosse.

1319. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Pourtant, dans une lettre toute voisine de celle-là, la vérité perce, et je saisis un aveu qui prouve que la revanche n’est jamais complète, même aux yeux des héroïnes qui s’en donnent le plaisir.

1320. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

L’héroïne du roman, Laure, s’y félicite de partager l’antipathie de Mme de Gercourt « avec deux femmes d’un grand mérite, dont les opinions, dit-elle, ont quelque rapport avec les miennes ».

1321. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Nous verrons avec les années croître chez Courier ce dégoût de l’histoire ; le dégoût deviendra de l’aversion quand il croira avoir vu la grande histoire de près et les héros à l’œuvre.

1322. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Ce jeune roi victorieux, et malgré tout, à cette date, plus philosophe et plus homme de lettres encore qu’autre chose, écrivant ses billets soigneux et attentifs, sa première pensée après la victoire, à un bon et digne bibliophile son ami, qui n’a rien de brillant et qui ne lui est utile que dans l’ordre de l’esprit et des jouissances morales, c’est touchant, c’est honorable pour la nature humaine et pour la nature même des héros.

1323. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre III. Personnages merveilleux des contes indigènes »

En général ces métis sont des sortes de surhommes : des sages comme Kahué l’omniscient, des héros comme Moussa Nyamé.

1324. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Si je pouvais me croire le droit de leur adresser quelques avis, je leur dirais : Laissez enfin pour morts ces héros de la Grèce et de Rome, que nos poignards tragiques ont épuisés de sang ; faites revivre les personnages des âges chrétiens et chevaleresques : mais gardez-vous d’appliquer à ces sujets d’un temps barbare, les règles d’une poétique plus barbare encore, et n’imitez pas ce peintre de nos jours, qui voudrait représenter les princes et les guerriers du dixième siècle, dans le style gothique des vitraux de leurs chapelles, ou du marbre de leurs tombeaux.

1325. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Laissons sa capacité scientifique et un esprit qui a beaucoup de rapport, pour la souplesse et le mouvement, et la grâce même, avec l’esprit de Voltaire ; laissons sa vaste littérature et ce qui l’empêcha d’être complètement vil, sa bravoure au feu, ce sens de l’épée, qu’il avait tout comme un héros ; ne voyons que l’homme politique, qui dura si peu, et demandons-nous ce qu’il fût devenu s’il avait duré !

1326. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Et l’auteur en convient, du reste, en sa leste et spirituelle préface : « Madame d’Ivrée (y dit-il) comme madame Étienne, mademoiselle Rosa La Rose comme mademoiselle de Keldren (ce sont ses héroïnes), représentent les gardiennes de l’idéal, tout en ayant l’ambition d’être de leur siècle… » Or, cette réserve n’est qu’un mot d’auteur qui veut être lu ; car si elles en sont, de leur siècle, c’est comme les personnes qui tranchent sur le leur, et qui, par cela même, n’en sont pas.

1327. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Stendhal, cet épicurien, tout à la fois délicat et stoïque, qui avait la bravoure du héros et la tendresse de la femme, Stendhal, resté fidèle à Napoléon même après Sainte-Hélène, avait dans l’âme tout ce qu’il faut pour comprendre mieux que Mérimée le pathétique et la grandeur.

1328. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Molière, comme Cervantes, bafouait son héros tout en l’adorant. […] Je suis persuadé que Molière avait une certaine affection pour son héros ; nous le saurions au juste, si Molière avait commenté son œuvre, si nous avions des lettres de lui comme nous en avons de Goethe et de Schiller. […] Dans ce Mariage sans mariage 42, l’auteur nous avertit que le héros ressemble beaucoup à l’original sur lequel il a copié les brusqueries d’Anselme et ses extravagances. […] L’acteur Florimont, dans Élomire, parlant de ce héros qui a purgé la scène et corrigé le théâtre, — c’est de Richelieu qu’il s’agit et non, comme on le pourrait croire, de Corneille, — ce Florimont dit que depuis Molière : Ces vers pompeux et forts, ces grands raisonnements, Qu’on n’écoute jamais sans des ravissements, Ces chefs-d’œuvre de l’art, ces grandes tragédies Par ce bouffon célèbre en vont être bannies ; Et nous, bientôt réduits à vivre en Tabarins, Allons redevenir l’opprobre des humains. […] Les femmes de Molière n’ont pas le charme en quelque sorte surnaturel, la diaphanéité, les ailes des héroïnes de Shakespeare, mais ce sont vraiment des femmes, vivantes, aimantes, mères, sœurs et filles.

1329. (1908) Après le naturalisme

Tout héros de cet avatar en arrive promptement à se retirer loin de la foule dans la tour d’ivoire ou d’ébène où il lui est loisible davantage de se livrer à son rêve. […] La bonne chère compte peu de héros contre elle. […] Les sœurs d’Indiana ne s’étaient révélées qu’après le livre, par imitation snobique de l’héroïne.

1330. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Que seul il avait pu donner, que de lui seul étaient sortis ce qui dans le registre antique répondait à ce que sont dans le registre chrétien les saints et les martyrs : les héros et peut-être faut-il dire aussi les martyrs. […] Vous vous rappelez, Benjamin Franklin, le censément bonhomme Franklin, le grand héros, le grand homme de nos maîtres primaires, le plus grand homme du monde selon eux, le seul sage et le seul savant et le seul moral et vraiment le type. […] Opérations purement négatives, et qui n’avaient pour but, et qui évidemment n’avaient pour objet, et qui évidemment ne devaient avoir pour effet que de faire le champ libre à nos jeunes héros. […] La lutte n’est point entre le héros et le juste, elle n’est point entre le sage et le saint. Elle est entre l’argent, seul d’une part, et d’autre part ensemble le héros et le juste et le sage et le saint.

1331. (1910) Rousseau contre Molière

Si vous vous rappelez le héros de cette pièce, voilà le vrai misanthrope. » Mais Alceste est-il un homme qui, par amour précisément pour les hommes, est désespéré de les voir vicieux et les poursuit de ses colères ? […] Racine peint une héroïne qui, partagée entre sa fidélité à l’ombre de son mari et la nécessité de sauver son fils, trouve une conciliation dans ceci : épouser celui qui veut tuer son fils et se tuer immédiatement après. C’est une héroïne. […] Camille est l’héroïne de l’antipatriotisme et la martyre de l’antipatriotisme. […] Ceux-ci nous montrent des héros, pour — peut-être ; en tout cas de manière à — nous exciter à les imiter par l’admiration qu’ils nous inspirent.

1332. (1885) L’Art romantique

« The hero is he who is immovably centred », dit le moraliste d’outre-mer Emerson, qui, bien qu’il passe pour le chef de l’ennuyeuse école Bostonienne, n’en a pas moins une certaine pointe à la Sénèque, propre à aiguillonner la méditation. « Le héros est celui-là qui est immuablement concentré. […] On pourrait dire aussi bien : « Le héros littéraire, c’est-à-dire le véritable écrivain, est celui qui est immuablement concentré. » Il ne vous paraîtra donc pas surprenant, monsieur, que Delacroix eût une sympathie très-prononcée pour les écrivains concis et concentrés, ceux dont la prose peu chargée d’ornements a l’air d’imiter les mouvements rapides de la pensée, et dont la phrase ressemble à un geste, Montesquieu, par exemple. […] Tels, dans notre enfance, nous avions vu les ateliers des anciens rivaux de David, héros touchants depuis longtemps disparus.

1333. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

N’as-tu pas lu quelques romans, et n’as-tu jamais partagé le sentiment de quelque héroïne ? […] Il pourrait s’intituler Cécile à meilleur droit que Caliste ; car Caliste n’y fait qu’épisode, Cécile en est véritablement l’héroïne, comme Mlle de La Prise dans le précédent224.

1334. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Avant même que le jeune général d’Italie et d’Égypte eût déclaré son ambition de dictateur civil et militaire à ses confidents, M. de Talleyrand s’était insinué résolument dans sa pensée, et lui avait montré en perspective un coup d’État facile, un abandon certain de la France à toute usurpation de puissance qui lui promettrait la paix, la réconciliation avec l’Europe, la reconstruction d’un ordre civil personnifié dans un héros. […] Pichegru, George, Moreau, l’un transfuge de la république, l’autre séide de la royauté, le dernier héros dépaysé dans une intrigue, lui semblent des instruments de crime façonnés par le cabinet de Londres pour substituer le poignard à la guerre loyale.

1335. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

L’étourderie brutale est le caractère de ces enfants de la rue qui n’ont d’autre morale que leur instinct railleur à tout prix, et qui se croient des héros parce qu’ils ont entendu dire qu’il suffisait pour cela de tuer ou d’être tué. […] Ce n’est pas tout d’avoir la physionomie d’un homme agréable, il faut encore avoir l’âme d’un héros ou la parole d’un orateur : sans cela, il faut être poli si l’on ne tient pas à être juste ! 

1336. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Les bravi, espèce de héros volontaires, faisaient alors le nerf des guerres italiennes. […] C’est tout à fait une aventure d’Arioste, et qui, comme celle de ce poète, n’a pas de suite dans la vie de ce héros.

1337. (1864) Cours familier de littérature. XVII « Ce entretien. Benvenuto Cellini (2e partie) » pp. 233-311

Il avait pris pour type de son héros mythologique l’instant où Persée élève dans sa main la tête de Méduse qu’il vient de couper, et où il foule du pied droit le tronc sanglant qui palpite encore. […] Machiavel et Benvenuto Cellini furent les créatures de l’ère, de la politique et des arts, les héros forts et demi-barbares qui précédèrent dans l’antiquité fabuleuse les grandes civilisations.

1338. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Je lui conseillai d’y comprendre les Dieux, les Héros et Wieland et les Lettres d’un Pasteur. […] » Il lut le passage où le poète parle de la foudre remontant pour frapper le héros : Il a bâti si haut son aire impériale Qu’il nous semble habiter cette sphère idéale Où jamais on n’entend un nuage éclater !

1339. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Le héros du livre, ayant mâché la cendre amère que la faute laisse après soi, n’a plus de repos qu’il n’ait trouvé une grande cause humaine et chrétienne à qui dévouer son corps et son âme, et se précipite de l’amour dans la charité … On sait que jamais tant de soutanes n’ont traversé les romans, ou même les comédies, que depuis une dizaine d’années, soit réveil d’un vague et équivoque mysticisme, soit recherche de ce que peuvent mêler de piment aux choses de l’amour les choses de la religion. […] Et, par un mouvement excusable, ces méthodes mal déterminées encore, mais apparemment contradictoires à ses aptitudes, cette guerre trop savante, peu avantageuse aux « héros », il s’en défie, il les appréhende pour nous.

1340. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Ces trois vers sont admirables en effet, pour représenter le bonheur d’un héros chrétien désabusé, dans le ciel.

1341. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Robertson, qui l’attendait avec quelque crainte au règne de Julien, le félicite d’avoir si bien touché et caractérisé, dans ce fameux exemple, ce mélange bizarre de fanatisme païen et de fatuité philosophique associés aux qualités d’un héros et d’un esprit supérieur.

1342. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

L’aîné des fils du prince Guillaume était l’héritier présomptif du trône, et celui qui succédera en effet à Frédéric ; mais ce cadet aimable et charmant avait séduit le héros par les plus heureuses qualités naturelles, et faisait sa secrète joie… Tu Marcellus eris !

1343. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

vous me transcrivez des lettres d’un homme historique, d’un grand roi, d’un héros, et vous y mêlez de vos tours et de vos pensées, sans me le dire !

1344. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Ce héros, messieurs, eut alors la bonté de me dire la pensée qu’il avait de vous rendre arbitres de la capacité, du mérite et des récompenses de tous ces illustres professeurs qu’il appelait, et de vous faire directeurs de ce riche et pompeux prytanée des belles-lettres, dans lequel, par un sentiment digne de l’immortalité, dont il était si amoureux, il voulait placer l’Académie française le plus honorablement du monde, et donner un honnête et doux repos à toutes les personnes de ce genre, qui l’auraient mérité par leurs travaux.

1345. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

En Allemagne, en Italie, voilà des héros reparus de tous côtés : Je lui ai fait remarquer (à M. 

1346. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Quoi qu’il en soit, Merlin, au retour et les premières tracasseries essuyées, fut salué avec Kléber comme le héros de Mayence.

1347. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Et nos maréchales d’Empire, nos veuves de généraux illustres, qu’ont-elles dû faire, privées la plupart de bonne heure du héros dont elles étaient fières de porter le titre et le nom ?

1348. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin (suite et fin.) »

Dominique, à la veille de quitter les Trembles et se sentant arraché lui-même du lieu où il a pris racine et où il a mis tout son cœur, avait mêlé de ses sentiments à ceux du héros carthaginois, et il avait écrit cette composition scolaire les yeux tout baignés de larmes ; la nature lui parlait plus haut qu’Annibal en ce moment et par cette belle après-midi d’automne, où il essayait de le mettre en scène et de le traduire : « La pierre qui me servait de pupitre était tiède ; des lézards s’y promenaient à côté de ma main sous un soleil doux.

1349. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid(suite et fin.)  »

Rodrigue, à cette enivrante parole, est redevenu héros, un jeune lion respirant la flamme : « Est-il quelque ennemi qu’à présent je ne dompte ?

1350. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

M. de Cayrol, qui n’entend pas contradiction sur son héros, traite fort mal M. de Feletz, pour avoir osé mettre en doute l’agrément de Gresset en prose ; il me semble qu’au moment où il plaidait pour les agréments d’un autre, le digne biographe l’aurait pu faire en un style plus persuasif et mieux assorti ; pour moi, en ces matières d’urbanité, je suis accoutumé à reconnaître M. de Feletz comme un excellent juge.

1351. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Il n’a point suivi « les beaux esprits » qui poursuivaient l’élégance à tout prix, et faisaient mourir leurs héros en style académique.

1352. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

Dans toutes les langues, au contraire, l’homme a chanté généralement en vers la nature, le firmament, les dieux, la pitié, l’amour, cette autre pitié des sens et de l’âme, les fables, les prodiges, les héros, les faits ou les aventures imaginaires, les odes, les hymnes, les poëmes enfin, c’est-à-dire tout ce qui est d’un degré ou de cent degrés au-dessus de l’exercice purement usuel et rationnel de la pensée.

1353. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

Paul Bourget nous explique pourquoi l’héroïne du Deuxième Amour se refuse à une nouvelle expérience, ou de quel amour de pur adolescent Hubert Liauran aime Mme de Sauves, et comment, par un renversement délicieux des rôles, Thérèse le traite comme si c’était lui qui se donnait (Cruelle énigme), ou comment, dans Crime d’amour, la franchise et l’innocence d’Hélène Chazel tournent contre elle et ne font qu’irriter la défiance d’Armand de Querne, ou par quelle logique sentimentale Hélène en vient à se souiller pour se venger de l’homme qui ne l’a pas crue et pour qu’il la croie enfin… ; toutes ces pages — et combien d’autres   sont des exemplaires accomplis de psychologie vivante.

1354. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

L’allégorie serait la représentation explicite ou analytique, par une image, d’une idée abstraite préconçue ; elle serait aussi la représentation convenue — et par cela même explicite — de cette idée, comme on le voit dans les attributs des héros, des dieux, des déesses, lesquels sont en quelque manière les étiquettes de cette convention.

1355. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Les héros de la science sont ceux qui, capables des vues les plus élevées, ont pu se défendre de toute pensée philosophique anticipée et se résigner à n’être que d’humbles monographes, quand tous les instincts de leur nature les eussent portés à voler aux hauts sommets.

1356. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Cousin, l’amoureux de Mme de Longueville, a travaillé et réussi parfois à écrire comme les contemporains de son héroïne.

1357. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

L’enthousiasme de Mme de La Tour pour Jean-Jacques n’est point factice, il est sincère, et pourtant il a du faux comme son objet et son héros en a lui-même.

1358. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Héros avorté de cette époque de Louis XVI qui n’a eu que des promesses, M. de Guibert entra dans le monde la tête haute et sur le pied d’un génie ; ce fut sa spécialité pour ainsi dire que d’avoir du génie, et vous ne trouvez pas une personne du temps qui ne prononce ce mot à son sujet.

1359. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Un peintre a représenté Télémaque chez Calypso : la scène se passe à table ; le jeune héros fait le récit de ses aventures, et Calypso lui présente une pêche.

1360. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Il convient que son héros n’a guère aimé qu’une seule fois avec une sorte de tendresse : c’est dans l’affection qu’il eut pour son ami et camarade d’enfance, M. 

1361. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — I. » pp. 471-493

Si l’on n’en venait pas à bout, « je le prononce hautement, s’écrie Mallet, la Révolution serait indestructible. » — Pensant évidemment aux héros de Coblence : Il faut donc abandonner aux gascons de la politique, ajoute-t-il, l’idée que la force seule réussirait à soumettre le royaume.

1362. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Ce premier et double rôle de restaurateur du bien public et de conservateur de l’autorité royale tenta d’abord l’esprit élevé et lumineux de Condé ; mais Retz nous fait comprendre à merveille comment le prince ne put s’y tenir ; il était trop impatient pour cela : « Les héros ont leurs défauts ; celui de M. le Prince était de n’avoir pas assez de suite dans l’un des plus beaux esprits du monde. » Et, poussant plus loin, il nous explique à quoi tient ce peu de suite.

1363. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Il a loué le héros, comme il avait loué déjà indifféremment Louis XVI, Calonne, Vergennes, Robespierre1, sans préjudice des petites épigrammes qu’il se passait dans l’intervalle et qui ne comptaient pas.

1364. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

Pour s’exalter, les hommes n’ont besoin que d’un point de réunion : quand ils l’ont, ils bravent, ils dominent l’opinion publique… Les héros de ces rassemblements finissent trop souvent par être plus amis du genre humain que de leur patrie, plus amis de leurs systèmes que du genre humain.

1365. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

On ne saurait avoir moins de dispositions que lui à être un fat : à la guerre, Gourville ne songe pas non plus à devenir un héros.

1366. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Pendant un temps, il fut saisi d’une admiration sans bornes pour le héros de Bender ; il s’attachait à le copier en tout.

1367. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

nous combattions dans la mêlée et dans les ténèbres ; je n’ai pas la fatuité de me comparer à l’un des héros de l’Iliade, il m’est pourtant arrivé le même malheur qu’à Diomède, j’ai blessé dans la nuit une déesse. » Mme de Staël sourit, et, ce que n’eût pas fait une déesse, elle pardonna.

1368. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

C’est ainsi que dans l’Hippolyte d’Euripide, Diane, au moment où le jeune héros va mourir, s’éloigne, quoiqu’il semble qu’elle l’ait aimé : mais, si amie que soit des mortels une divinité ancienne, les larmes sont interdites à ses yeux. — L’Homme-Dieu n’était point venu.

1369. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Ce Dialogue est beau, mais un peu tendu ; ce n’est pas tout à fait ainsi que des héros et des hommes d’État causent dans leur chambre, même avec des philosophes.

1370. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Il est évident, par ses ouvrages mêmes, qu’il ne connaissait qu’imparfaitement l’Antiquité ; s’il en eût bien connu les grands modèles, l’ordonnance de ses pièces y eût gagné sans doute ; mais, quand il aurait étudié les anciens avec autant de soin que nos plus grands maîtres, quand il aurait vécu familièrement avec les héros qu’il s’est attaché à peindre, eût-il pu rendre leur caractère avec plus de vérité ?

1371. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Il faut que le héros meure.

1372. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

L’art, qui cherche en définitive à nous faire sympathiser avec les individus qu’il nous représente, s’adresse ainsi aux cotés sociaux de notre être ; il doit donc aussi nous représenter ses personnages par leurs côtés sociaux : le héros en littérature est avant tout un être social ; soit qu’il défende, soit même qu’il attaque la société, c’est par ses points de contact avec elle qu’il nous intéresse le plus.

1373. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

On ne se porte pas au secours du héros que l’on assassine au dernier chapitre, et, s’il se marie, la joie qu’on peut en ressentir est sans suites pratiques.

1374. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Ses femmes, ses merveilleuses femmes russes, mélange infiniment instable d’égoïsme, d’enthousiasme, de dissimulation, de frivolité, sont peintes ainsi, la froide Mme Odintsof de Pères et Enfants et surtout la comtesse Irène, l’héroïne de Fumée, qui faillit par un retour et un conflit de passions si profondément humaines briser à deux reprises la carrière de son amant.

1375. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Il dit que le desir de plaire, de s’élever, de se faire de la réputation, n’est point un motif qu’on doive écouter ; qu’il ne faut parler que pour instruire ; ne louer un héros que pour apprendre ses vertus au peuple, que pour l’exciter à les imiter, que pour montrer que la gloire & la vertu sont inséparables.

1376. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Ils n’ont, eux, ces héros du ciel, jamais eu d’historiens de taille avec leur héroïsme.

1377. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Il y a plus de théologie que de christianisme dans Polyeucte ; si le héros du drame est chrétien, il l’est dans des conditions exceptionnelles, il a un fanatisme de converti, une forme d’héroïsme qui est surtout romaine ou espagnole. […] Ce beau barbare blond, ce héros mélancolique et fier comme Childe Harold, Métella veut le voir, l’interroge, lui offre la liberté. […] Son héroïne a un fiancé, pour qui elle n’a qu’une amitié tranquille : c’est son cousin Azaël, qui demeure dans la maison du vieil ÉphraïM.  […] Assurément, les héros de l’Iliade sont plus aimables, plus variés, plus souples et paraissent plus intelligents que les personnages de la Chanson de Roland. […] L’attachement jaloux à cette dignité constitue l’honneur, vertu inconnue des héros homériques.

1378. (1902) Propos littéraires. Première série

Jules Legras, qui me paraît connaître très bien la littérature allemande, eut, plus qu’il n’a fait, situé son héros au milieu de la littérature allemande de son temps, et nous eût mieux montré quels rapports et de ressemblances et de différences Henri Heine soutient avec les poète ? […] Folleuil eut les honneurs de la reproduction réelle, comme les héros de Balzac. […] Emmeline a raisonné ainsi : faites attention ; c’est compliqué : « Ou Alyette comprendra et est une sainte, et pour me sauver, dira : Oui, la lettre est pour moi ; — ou Alyette comprendra et est une héroïne et aime Bertrand, et pour le sauver, dira encore : Oui ; — ou Alyette comprendra, mais n’est ni une sainte ni une amoureuse héroïque, et elle dira : Non ; — ou Alyette n’y comprendra rien du tout et dira : Non. » Le premier cas est à peu près impossible.

1379. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

Il parut piquant sans doute à Paul Adam de mettre le nom d’un héros à un seul bras, sur la couverture d’un petit volume qui allait être écrit par une demi-douzaine de dextres, car Paul Adam n’entendait pas se risquer à donner des néologismes de ses collègues, des interprétations hasardées et éloignées de la plus exacte précision. […] Il va vers l’âme humaine au lieu d’aller à la prédication ; au lieu du décor des bois en massifs d’ombre, des gerbes, des drapeaux, des chevauchées de héros, ce sont, en des soirs frémissants d’un cœur élargi, des sanglots de fontaines et des désespoirs intimes d’une âme ; le métier de Baudelaire, qui n’est rhéteur qu’en ses pièces faibles, et faible rhéteur, est solide, serré ; toute son œuvre porte un caractère de protestation du nouveau maître contre l’ancien ; Baudelaire comme Nerval est mort de l’art. […] On ne peut, dans la quête du vrai, prendre à son compte le langage des héros grandiloquents. […] Il arrive, Guillaume présente le héros au roi Louis et à Blanchefleur. […] Qu’on retourne au paganisme, qu’on écoute le sang païen, qu’on rejette toute influence de l’Évangile : tout le monde héros, et surhomme, comme des philosophes le diront après lui ; redevenir l’homme qui est dieu par la force et la splendeur, sur les débris de l’homme-dieu par solidarité et résignation.

1380. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Elle a le sentiment que, sans la foi ou l’espérance en des réalités invisibles, la vie perd sa noblesse et elle éprouve pour les héros de la vie religieuse, pour les âmes mystiques du passé, un attrait et une tendresse faits de regrets impuissants et de vagues aspirations. […] Il avait abandonné l’Université pour courir les risques de la carrière littéraire indépendante, sans se donner des airs de martyr ou de héros. […] Le volume intitulé : la Pologne martyre, qui parut au milieu de l’insurrection polonaise de 1863, n’était que la réimpression des récits émouvants et éloquents qu’il avait publiés jadis sur les héros et les martyrs de la révolution en Pologne, en Hongrie, en Roumanie. […] Après avoir cité les paroles de saint Louis à son fils, il ajoute : « Cette pureté, cette douceur d’âme, cette élévation merveilleuse où le moyen âge porta ses héros, qui nous la rendra ?  […] N’est-ce pas à ces foules, aux héros méconnus, qu’il a voué toutes ses sympathies ?

1381. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Et pour en revenir à Grouchy, il est interdit de dire qu’il a eu tort ; il est même interdit de dire qu’il n’a pas été un héros. […] Et voici enfin l’héroïne du roman, la charmante, l’adorable Henriette. […] Bazin n’a pas voulu en faire une sainte, ni une petite héroïne. […] Il a trop mis en lumière les grandeurs philosophiques de son héros pour que pareil soupçon puisse l’atteindre. […] Une bonne et complète biographie de ce héros de roman et une analyse claire des idées de ce penseur nous manquaient.

1382. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Ses héros sont des enfants énormes et violents ; son Achille est un grand boudeur, qui répète toujours : « On m’a pris ma récompense !  […] L’héroïne, miss Milner, se trouve mal quatre ou cinq fois par jour, et jouit d’ailleurs d’une santé parfaite. […] Sans elles un héros n’est pas longtemps héros : Bientôt, quoi qu’il ait fait, la Mort d’une ombre noire Enveloppe avec lui son nom et son histoire. […] Voyez-vous comme « le séjour des héros » peu à peu se transforme en paradis, et comme ces héros deviennent des justes, — pour un rien, il dirait des saints — il dit déjà des bienheureux, et déjà il leur donne le nimbe et l’auréole. […] Chez le poète païen, les fruits se comprennent : puisque les dieux eux-mêmes, dans l’Olympe, mangent et boivent, ne fût-ce que de l’ambroisie et du nectar, il n’est pas étonnant que les héros, même dans les Champs-Élysées, mangent et boivent également, eux surtout qui avaient, pendant leur vie terrestre un si bel appétit !

1383. (1913) Poètes et critiques

Comme leurs devanciers, ceux-ci ont lu Shakespeare, mais leur héros n’est plus Hamlet le mélancolique, c’est Falstaff, le joyeux buveur. […] C’est l’expression même du philosophe Emerson, et pour prêter à sa formule de penseur la clarté d’une image, il évoque, à grands traits, le souvenir de ce héros des légendes du Nord condamné à boire le contenu de la coupe de corne d’Asgard, à lutter contre une vieille femme, à rivaliser de vitesse avec Lok le coureur, et qui se trouva, au terme de ces trois épreuves, avoir bu la mer, s’être mesuré avec le temps et avoir cheminé du même pas que la pensée. […] Comme le héros wagnérien, dont la lèvre a été brûlée au contact de sa propre main par une goutte du sang du monstre qu’il vient d’égorger, le vagabond n’entrera plus dans la forêt sans deviner tout ce que dit, au milieu des « ramures grises », le « chœur des petites voix », sans entendre « sous l’eau qui vire » les cailloux et leur « roulis sourd », sans frissonner avec une indicible sympathie à ce « cri doux que l’herbe agitée expire ». […] Verlaine a placé là, dans la bouche de son cynique et malfaisant héros, une apologie de l’ivresse. […] Les noms et les événements s’entremêlent, comme à plaisir, dans sa mémoire divertie : Paul, le seul Paul, celui des Pamplemousses, la Folle par amour, le troubadour Malek-Adel, Geneviève de Brabant, la veuve de Pyrame, Mme Malbrough, le comte Ory, retour d’Espagne, le futé et futile Cadet Roussel, tous ces héros d’aventures « aux couleurs douces » sont les seuls dont il reste épris ; il se complaît dans l’adorable confusion de leurs étranges et touchantes destinées.

1384. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Balzac, Dumas, Sue, Soulié, — il faudrait, rien que pour dénombrer leurs œuvres, cette poitrine de fer et ces cent voix que réclament les poètes épiques, quand ils commencent le dénombrement des héros. Nos héros ici ont fait, à leur manière, des prouesses. […] Ils veulent leur homme, leur héros tout d’une pièce, tout un : ange ou démon !

1385. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Là où la veille il n’y avait rien, le lendemain il y a un monde : que ce monde soit celui de Shakespeare ou d’Homère, de Molière ou d’Aristophane, de Sophocle ou de Corneille, d’Archimède ou de Pascal ; que ce soit, dans l’ordre réel, l’enchaînement des hauts faits d’un héros ou ces autres bienfaits publics émanés d’un législateur et d’un sage, il n’importe : la médiocrité de la foule, en ajoutant petit à petit tout son effort durant des années, n’aurait pu y atteindre ; tous les ingénieux Marivaux en tout genre, tous les distingués et les habiles, tous les grands médiocres (comme Marivaux lui-même les appelle), entasseraient grain sur grain pendant des siècles pour s’élever et se guinder en se concertant jusqu’à cette sphère supérieure, ils n’en sauraient venir à bout : ce sont des facultés distinctes et diversement royales, don de la nature et du ciel, qui destinent et vouent quelques mortels fortunés à ces rôles, tout aisés pour eux, d’enchanteurs de l’humanité, de conducteurs vaillants et de guides.

1386. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Elle fait effet, elle règne à la manière des puissants du siècle, et même plus qu’eux : Ils n’agissent que sur les esprits, et j’ai le cœur et les sens de plus dans mon domaine… Suis-je une dupe, dites-le-moi, de jouir à la manière des héros et des ministres, d’avoir sans peine ce qui leur coûte des années de travail, ce qui leur fait passer tant de mauvaises nuits dans la crainte d’en être privés ?

1387. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Je vis avec de bonnes gens en les lisant ; dès que ce sont des romans de mœurs, les auteurs y peignent les mœurs de leur temps, et non celles du temps où vivait le héros.

1388. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — III » pp. 81-102

Parlant des derniers rebelles qu’on réduisit, Villars laisse échapper un mot qui est bien d’un noble soldat : « Ravanel, dit-il, mourut de ses blessures dans une caverne ; La Rose, Salomon, La Valette, Masson, Brue, Joanni, Fidel, de La Salle, noms dont je ne devrais pas me souvenir, se soumirent, et je leur fis grâce, quoiqu’il y eût parmi eux des scélérats qui n’en méritaient aucune. » On sent, à ce simple mot de regret d’avoir pu loger de tels noms dans sa mémoire, le guerrier fait pour des luttes, plus généreuses et pour la gloire des héros, celui qui a hâte de jouer la partie en face des Marlborough et des Eugène.

1389. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Gacon, qui se présentait en homme droit et éclairé, remettait le couple imparfait à la raison : Messieurs, que l’ignorant vulgaire Met plus haut qu’Ésope et qu’Homère, Vous n’approchez de ces héros Que par les yeux et par le dos.

1390. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

Bazin, avec le tour d’ironie piquante et épigrammatique qui lui était trop habituel, aimait constamment à opposer, au héros un peu convenu de La Henriade ; ce Henri paradoxal et vivant, mais accidentel, et qui n’est que la moindre partie de tout l’homme, on ne doit pas le chercher dans les pages sérieuses de cette Histoire.

1391. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Il se plaît donc à faire défiler devant nous le cortège des beautés illustres, des reines puissantes, des héroïnes, et il se demande : Où sont-elles ?

1392. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Ils sont comme le sensible Virgile qui, dans son Élysée, nous montrant les essaims innombrables des âmes bourdonnantes, avides de se replonger dans le fleuve où l’on puise avec l’oubli du passé le désir et le principe d’une existence nouvelle, s’écriait par la bouche de son héros étonné et compatissant : « Quæ miseris lucis tam dira cupido !

1393. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Et vantez-vous après cela, tribuns, orateurs, philosophes, puissants lutteurs, vaillantes héroïnes, d’avoir remporté des victoires !

1394. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Le voilà donc général de brigade au lendemain d’Austerlitz ; tout lui a souri jusqu’ici : il a forcé l’entrée de la grande carrière ; il est au premier rang des émules dans cette arme d’avant-garde qui cite avec orgueil les noms des Conflans, des Ziethen, parmi les maîtres du genre et les héros du passé, et qui, après le brave Stengel, légué par l’ancien régime à l’armée d’Italie77, a déjà sa pléiade nouvelle, les Murât, les Kellermann, les Lasalle, les Colbert… Pourquoi, comme eux, n’arriverait-il pas à la gloire ?

1395. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

« Tout le pays n’était qu’une vaste fondrière où nous enfoncions jusqu’au cou. » Soyez donc héros ou tacticien sur ce pied-là.

1396. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Il y a quelque temps, on jouait aux Français la pièce de Latréaumont ; à un certain endroit, les auteurs avaient mis une scène de conspiration très-burlesque, où le héros seul et surpris s’empare d’une patrouille qui le devrait arrêter.

1397. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Voici l’inscription qu’il place au fronton du temple : Dormez sous ce paisible ombrage, O vous pour qui le jour finit dès le matin, Mes hôtes, mes héros, mes semblables par l’âge, Par les penchants, peut-être aussi par le destin !

1398. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ampère, n’est pourtant pas restée cachée ; on a lu de lui son mâle récit en vers des aventures du héros Sigour, sa haute et grave contemplation dédiée à son père, et intitulée Uranie.

1399. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Et puis le monde, ayant voulu d’abord absolument que Mme de Pontivy fût une héroïne conjugale, tint bon dans son dire.

1400. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

La folie chevaleresque n’a pas touché Villehardouin : d’autres, dans l’armée, sont des héros de roman par la témérité.

1401. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Un des mérites les plus originaux du livre, c’est que l’enfant qui en est le héros est bien « au milieu du monde ».

1402. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Le lecteur poursuit : telle est la gloire que le héros s’est acquise qu’il a reçu la visite des plus riches personnages et des plus belles dames de la ville ; une d’elles s’est éprise d’un violent amour pour lui et veut l’épouser.

1403. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Pourvu que l’auteur évitât ce qu’on appelait les longueurs de l’Iliade et la grossièreté des mœurs homériques, qu’il eût soin de ne pas prendre pour héros un homme pieux comme Énée, ces prétendus défauts de moins lui étaient comptés comme des qualités.

1404. (1890) L’avenir de la science « II »

Tous les peuples anciens plaçaient l’idéal de leur nation à l’origine ; les ancêtres étaient plus que des hommes (héros, demi-dieux).

1405. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

A la fin du siècle dernier, Mercier faisait jouer le Déserteur, dont le héros était fusillé au dénouement ; c’était le seul homme que ce dramaturge débonnaire eût tué dans sa carrière ; encore le ressuscita-t-il à la prière de Marie-Antoinette ; le déserteur, dans une version nouvelle de la pièce, fut gracié au dernier moment.

1406. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Son héros, Claude Ripert, n’est pas seulement un inventeur de génie, c’est aussi un juste doublé d’un stoïque, un cénobite de la science, aussi grand de coeur que d’esprit, le front illuminé d’un rayon divin.

1407. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

L’auteur de Gil Blas le savait bien : son personnage, pour rester un type naturel et moyen, avait donc besoin de n’être à aucun degré monté au ton d’un stoïcien ni d’un héros.

1408. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

Il lui faut repasser à travers le sang ; non seulement célébrer les Marat, les Billaud-Varenne, mais saluer à plusieurs reprises la guillotine du 21 janvier, et s’écrier d’un ton de héros : « J’ai été révolutionnaire avant vous tous ; j’ai été plus : j’étais un brigand, et je m’en fais gloire. » Pour que toutes ces choses aient été un jour raisonnables et bonnes à dire, pour qu’elles aient paru marquer un signal de retour, combien il faut que l’égarement et le délire aient été grands !

1409. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Mais il est à remarquer que l’âme d’un héros, quand elle se partage et se brise en quelque sorte entre ses descendants, produit quelquefois de singulières formes, ou même des monstres étranges.

1410. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Un mol et court gazon est tout ce qui marque désormais la place où les héros ont versé leur sang.

1411. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Demander de la fidélité à Mirabeau libre et courant le monde, c’eût été en demander aux Thésée, aux Hercule, à ces héros volages et robustes de l’Antiquité.

1412. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Je me prosterne devant celui dont on peut dire : Pertransivit benefaciendo ; celui qui a pu instruire, consoler, soulager ses semblables ; celui qui a fait de grands sacrifices à la bienfaisance ; ces héros de la charité silencieuse qui se cachent et n’attendent rien dans ce monde

1413. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Bourrienne nous le montre dans le salon, dînant seul à part sur un petit guéridon, et devenu le héros du jour.

1414. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Combien de fois n’avons-nous pas relu ce second volume de l’Histoire ancienne, où l’auteur s’est complu à nous retracer dans Cyrus le plus accompli des héros et des conquérants dont il soit parlé dans l’histoire profane !

1415. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

tels que les héros dramatiques, ils payent leur célébrité du prix de leur bonheur.

1416. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Par une évolution pareille et simultanée, l’histoire va du héros à l’homme, de l’action au mobile, du corps à l’âme ; et elle se tourne vers cette biographie que Montaigne appelle « l’anatomie de la philosophie, par laquelle les plus abstruses parties de notre nature se pénètrent ».

1417. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Aussi comme, jaloux, le héros est vite monstre !

1418. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Pour le héros, pour le soldat, pour l’homme du fait et de la matière, tout finit sous six pieds de terre ; pour l’homme de l’idée, tout commence là.

1419. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Maurras s’écrie : « Le patriciat dans l’ordre des faits, mais une barbarie vraiment démocratique dans la pensée, voilà le partage des temps prochains : le rêveur, le spéculatif pourront s’y maintenir au prix de leur dignité ou de leur bien-être ; les places, le succès ou la gloire récompenseront la souplesse de l’histrion : plus que jamais, dans une mesure inconnue aux âges de fer, la pauvreté, la solitude, expieront la fierté du héros et du saint, jeûner, les bras croisés au-dessus du banquet, ou, pour ronger les os, se rouler au niveau des chiens. » Et pour sauver l’intelligence, il faut d’abord que l’intelligence veuille briser ses chaînes, qu’elle revienne à appuyer le triomphe de l’Épée, l’âme du sang et la race.

1420. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Un Héros nu.

1421. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Caesar débarquant à Cadix trouve dans le temple d’Hercule la statue d’Alexandre, et gémit d’être inconnu à l’âge où ce héros s’étoit déjà couvert de gloire.

1422. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Antinea est l’héroïne de L’Atlantide, paru en 1919.

1423. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

C’était un côté, beaucoup trop oublié par l’histoire, à dévoiler dans son héros.

1424. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Philarète Chasles ne saurait être le héros de cette comédie-là.

1425. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Si dans l’ombre et la paix leur cœur timide habite, Si le sillon pour eux est celui qu’on évite, Que guerres et périls s’en viennent les saisir, Ils ont chef Catinat, le héros sans désir !

1426. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Ne soyons pas étonnés de l’illusion enthousiaste qui se fit alors dans les esprits : reportons-nous à la grandeur de ce spectacle, tel que l’a décrit celui même qui en était le héros.

1427. (1922) Gustave Flaubert

Emma est une véritable « héroïne » de roman (au contraire de Sancho et de Homais qui sont des contre-héros), pour cette seule raison qu’elle a des sens. […] Il poussera ce cri du cœur : « Je donnerais la demi-rame de notes que j’ai écrites depuis cinq mois, et les quatre-vingt-dix-huit volumes que j’ai lus, pour être, pendant trois secondes seulement, réellement émotionné par la passion de mes héros. […] Mais supposez-le sans argent : il aura exactement le genre d’existence du « héros » du Vin en bouteilles. […] Il se voit, dans leurs trois héros, que le premier est un officier, et d’artillerie, l’arme de Bonaparte, le second un militaire encore, mais un riz-pain-sel, et Flaubert un civil invétéré. […] Il est naturel qu’il ait réalisé en elle non son héroïne la plus complète et la plus grande, mais, comme Racine en Monime, la plus parfaite.

1428. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

(Toute sa vie, dans plusieurs de ses écrits et dans sa correspondance, il affectera de s’identifier avec le héros de la nouvelle de René et du roman des Natchez. […] L’amant, le héros, Eudore, est un très brillant jeune homme né vers la fin du troisième siècle. […] Mais Velléda est la plus belle et la plus vivante des « héroïnes » de Chateaubriand. […] Il était évident qu’il brûlerait son royaume dans son cigare… Le règne des Camarillas commença quand celui des Cortès finit. » On ne peut pas dire que Chateaubriand nous surfait son héros. […] Ou plutôt, quel personnage de roman ou de drame a la vie étendue, minutieuse et frémissante du héros des Confessions ou du héros des Mémoires d’outre-tombe ?

1429. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre premier. » pp. 15-203

« Sénèque est le héros de Tacite. » Voilà un singulier reproche. Oui, le héros de Tacite, son contemporain ; de Tacite, le plus sévère des juges. […] Quant à moi, ce sont mes héros. […] C’était un homme comme nous ; peut-être un peu moins subjugué par les opinions vulgaires. » C’est-à-dire, cet héroïsme philosophique est au-dessus de moi ; donc il est au-dessus d’un autre : donc il n’y a point de pareils héros. […] Si un prélat l’avait rangé parmi les disciples de Jésus-Christ, il aurait plus osé que moi, sans qu’on se fût avisé de lui reprocher qu’il opposait un philosophe païen aux héros du christianisme.

1430. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Leurs héros ont à la fois des âmes et des corps : ils raisonnent, sentent, et agissent. […] Le personnage souffrant les angoisses traduites dans le quatuor, c’est, à notre gré, Beethoven ou nous-même ; le personnage souffrant les angoisses traduites dans l’opéra, c’est Orphée, Alceste, le héros imposé par le livret de l’œuvre. […] Mais avec tout cela il laisse sentir à chaque ligne, et parfois même il avoue expressément l’irrémédiable, la constante médiocrité de son bedonnant héros. […] Et voici qu’Elsa, reconnaissante, extasiée, tâche à remercier par l’offre de tous ses charmes ce héros qui l’a prise. […] Toutes les espèces du médecin d’aujourd’hui, vous les rencontrerez dans son livre, depuis le héros jusqu’au simple brigand.

1431. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Tout en faisant son droit (1814-1817), il composa un certain roman de Sidney, dont le patriote de ce nom était le héros ; il y avait déposé toutes ses idées sur la politique, la société, la vie, l’amour, et il en dit un peu sévèrement peut-être, sans nous mettre à même de le vérifier, que c’était une vraie déclamation. […] Les pages dans lesquelles il compare ensemble Werther et René, à l’occasion du héros très-secondaire de Foscolo, sont d’un voisin de cette famille et qui s’est autrefois assez inoculé de ces maladies pour ne plus s’arrêter au coloris littéraire et pour ne s’attacher qu’au germe caché.

1432. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

J’entrerai résolument dans l’action, et je consacrerai les années de ma maturité à la guerre, véritable vocation de ma nature, qui aime à jouer, avec la mort et la gloire, ces grandes parties dont les vaincus sont des victimes, dont les vainqueurs sont des héros. […] Je n’en sais rien ; mais, quand elle viendra, je crains bien qu’elle trouve sa place prise par les préjugés historiques, et que l’opinion trompée ne continue à prendre les idoles de l’intrigue audacieuse pour les héros modestes du salut de la patrie.

1433. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Goetz de Berlichingen, le héros de Gœthe, n’est rien de plus qu’un Don Quichotte féodal, d’une chevaleresque bonhomie, rond de cordialité militaire et généreuse, à la main ouverte encore plus qu’à la main de fer. […] Le Wilhelm Meister, c’est le cabotinisme d’un homme qui a toujours mis la comédie au-dessus de la vie et le comédien au-dessus du héros ; c’est du cabotinisme exaspéré, insensé, mais ennuyeux, ce qui n’est pas permis au cabotinisme.

1434. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

La loi même du genre veut que l’orateur fasse valoir les qualités de son héros, qu’il retrace ses grandes actions, et que, loin d’en rabaisser le prix, il en propose l’exemple à l’auditoire. […] Là nous trouvons l’homme de toutes les sciences : l’historien, qui prend la Réforme à sa naissance, la suit dans ses progrès, en caractérise les héros ; le moraliste, qui approfondit les mobiles de toutes les conduites ; le légiste, qui discute les questions de droit public ; le théologien, qui oppose aux raisonnements de la Réforme tantôt sa vaste science de la religion, tantôt la légitime subtilité de ces saintes matières ; le publiciste, qui rétablit contre la témérité des novateurs les grands principes par lesquels subsistent les sociétés humaines ; le controversiste, qui saisit le faible de ses adversaires, pénètre leurs contradictions, ruine leurs principes par leurs actes, dans une polémique que ne trouble jamais la passion, que ne déshonore jamais l’injure. […] Cependant, pour faire la part de quelques esprits plus relevés, les héros du christianisme, l’Eglise catholique, par l’organe de ses chefs et de ses docteurs, avait autorisé ou toléré un certain amour de Dieu moins étroitement lié à l’idée du salut éternel, une certaine prière dans laquelle le fidèle ne fait aucune demande et ne rappelle formellement aucune des promesses divines.

1435. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

Le rouge, la couleur du sang, la couleur de la vie, abondait tellement dans ce sombre musée, que c’était une ivresse ; quant aux paysages, — montagnes boisées, savanes immenses, rivières désertes, — ils étaient monotonement, éternellement verts ; le rouge, cette couleur si obscure, si épaisse, plus difficile à pénétrer que les yeux d’un serpent, — le vert, cette couleur calme et gaie et souriante de la nature, je les retrouve chantant leur antithèse mélodique jusque sur le visage de ces deux héros. — Ce qu’il y a de certain, c’est que tous leurs tatouages et coloriages étaient fait selon les gammes naturelles et harmoniques. […] Quant à l’habit, la pelure du héros moderne, — bien que le temps soit passé où les rapins s’habillaient en mamamouchis et fumaient dans des canardières, — les ateliers et le monde sont encore pleins de gens qui voudraient poétiser Antony avec un manteau grec ou un vêtement mi-parti. […] Car les héros de l’Iliade ne vont qu’à votre cheville, ô Vautrin, ô Rastignac, ô Birotteau, — et vous, ô Fontanarès, qui n’avez pas osé raconter au public vos douleurs sous le frac funèbre et convulsionné que nous endossons tous ; — et vous, ô Honoré de Balzac, vous le plus héroïque, le plus singulier, le plus romantique et le plus poétique parmi tous les personnages que vous avez tirés de votre sein !

1436. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Villiers de l’Isle Adam et son Axël, œuvre préférée du si regretté ami, Une Journée parlementaire, par Maurice Barrès, sont le héros et l’événement « sensationnels » ou, pour parler français, « à la mode », de cette fin de février. […] Pommier n’a, lui, qu’un personnage dans tout son poème ; mais son héros, c’est la Foule, c’est le Monde, c’est l’Humanité… » — Ça y est-il ? […] Marceline Desbordes Valmore naquit à Douai, ville triste, que pour ma part j’aime, parce que c’est presque le pays de ma mère, Arras, et qu’elle est baignée par la même Scarpe si bien célébrée par notre héroïne.

1437. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

  Ô Jean Rotrou, doux héros ! […] Voici comment il débute : Je ne voulais chanter que les héros d’Ésope : Pour eux seuls en mes vers j’invoquais Calliope ; Même j’allais cesser, et regardais le port. […]               Sa feuille est semblable en figure Aux trésors toujours verts que mettent sur leur front Les héros de la Thrace, et ceux du double Mont. […]                 L’airain lui déclare la guerre ; Le fer, l’onde, la flamme entourent ses héros. […] … Il secoua en criant son épaisse chevelure, et Janin, terrorisé, reconnut maître Guilbert de Pixérécourt, le héros, le roi, le dieu, le révolutionnaire le Corneille, le Shakespeare, l’enchanteur du boulevard.

1438. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Ou l’on ne trouve pas la personne qu’on espérait y voir, ou si on la trouve, il survient toujours quelques-uns de ces fâcheux accidents qui faisaient s’écrier à un héros de Lafontaine :  » Au diable soit le noueur d’aiguillettes !  […] Il en est qui s’installent pendant des heures entières, et poussent l’indiscrétion jusqu’à demander à l’artiste chez laquelle ils se trouvent s’il est vrai qu’elle était réellement l’héroïne de telle ou telle aventure qu’ils ont lue dans un journal, — et tout en parlant, ils inquisitionnent l’appartement du regard ; ils s’informent du prix du loyer, du chiffre des appointements. — Si on les laissait faire, ils iraient ouvrir les tiroirs. […] Quant à la chaleur, elle était véritablement torride ; non-seulement les bougies fondaient, mais encore on a eu à craindre un moment que le bronze des lustres n’entrât lui-même en fusion. — Il a été impossible de se procurer une glace avant trois heures du matin. — Dans le parcours des buffets aux loges, elles se transformaient en eau bouillante. — Mademoiselle A… e…, qui, sans doute par amour de l’antithèse, s’était coiffée avec une couronne de fleurs d’oranger, en rentrant le matin chez elle, a trouvé des oranges parfaitement mûres, à la place des fleurs et des boutons symboliques. — Cette atmosphère, qui aurait fait crier grâce au ver à soie le plus frileux, a causé également plusieurs accidents, sans compter les rhumatismes qui pourront en résulter. — On cite notamment une aventure dont l’héroïne est une actrice qui n’a pas encore débuté, et qui a été surnommée Bérésina, à cause de sa réserve tellement glaciale, qu’un seul de ses regards suffisait pour donner des engelures. […] *** Tout le monde connaît celui-là qui est le héros de cette véridique aventure. […] *** Le jour où a eu lieu la clôture de la saison, la représentation a été égayée par un intermède comique qui n’était pas indiqué sur l’affiche, et dont le directeur du théâtre de la Reine a été le héros.

1439. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

C’est qu’il y a des héros longtemps avant qu’il y ait des raisonneurs. C’est le loisir qui fait les uns, c’est la circonstance qui fait les autres : le raisonneur se forme dans les écoles, qui s’ouvrent tard ; le héros naît dans les périls, qui sont de tous les temps. […] Épargnez-le ; épargnez le héros. […] Il voit toujours l’homme dans le sage, et invite ceux qui n’y voudront voir que le héros de se mettre à sa place avant que de prononcer, précaution sans laquelle on sera souvent injuste, on ne sera jamais indulgent, et l’on jugera les autres comme on ne voudrait pas en être jugé. […] Lorsqu’il a placé son héros au milieu des personnages qui l’environnaient, il était sûr de l’agrandir ; l’esquisse des règnes sous lesquels Sénèque avait vécu, ne pouvait manquer de donner de l’intérêt, de la variété et de l’importance à son ouvrage.

1440. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Mais Henri Schliemann, ce héros naïf du pèlerinage classique, ne doit-il pas bénéficier de ces dispositions ? […] Il est, pour l’écrivain professionnel, ce qu’était Rousseau pour un révolutionnaire, ce qu’est Bossuet pour un traditionaliste, ce qu’est Platon pour un métaphysicien, le héros exact du métier. […] Et que Velléda et Salammbô soient pareillement des héroïnes romantiques, M.  […] Emma Bovary et Salammbô sont le reflux, après le flux grandiose de Velléda et des héroïnes de George Sand. […] Un héros de légende comme Roland n’acquiert son immense popularité que si ce héros est, « pour ainsi dire, la projection d’une certaine quantité de forces vives, accumulées en nous, sur un objet capable d’accomplir, dans le domaine moral, une tache, un devoir qui nous paraît être au-dessus de nos forces, des forces du sujet », ce qui signifie simplement qu’un héros est l’idéal d’un pays ou d’un temps, et que ni les divers pays ni les divers temps n’ont les mêmes idéaux, et tout cela on n’avait pas attendu la psychanalyse pour le savoir et le dire.

1441. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

La politesse des officiers de cette jeune armée, en opposition avec la grossièreté des représentants du peuple, lui avait paru le modèle de la politesse du nouveau régime. « L’absence des formes de convention semblait mettre dans tout son jour la bienveillance et la bonté de ces jeunes héros. » Il avait recueilli de la bouche des soldats quelques-unes de ces paroles patriotiques et simples qui leur sont familières dans les journées immortelles, et qui lui étaient allées au cœur ; aussi Bonstetten, revenant à Paris, jouissait des changements accomplis, mais ne s’en étonnait pas.

1442. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Les défauts premiers de la manière de Racine sont bien saisis : le poëte prête trop de tendresse aux anciens héros ; il les fait trop amoureux, trop galants, trop Français : Saint-Évremond a trouvé déjà toutes ces critiques, tant répétées depuis.

1443. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Durant quinze ans, unis d’un même zèle, Seul, vers la fin, pour sauver l’étincelle, À chaque avril, aux champs, sous les barreaux, Tu lui tressais les noms de ses héros, Mêlant aux fleurs le chardon qui harcèle !

1444. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Cette figure de Mme Claës, où les hésitations magnétiques et les projections fluides des regards sont prodiguées, de même que le sont dans le portrait de Balthazar les idées dévorantes distillées par un front chauve, m’a bien fait concevoir le genre de portraits de Vanloo et des autres peintres chez qui des détails charmants et pleins de finesse s’allient à une flamboyante et détestable manière, à une manière sans précision, sans fermeté, sans chasteté. « Les personnes contrefaites qui ont de l’esprit ou une belle âme, dit M. de Balzac à propos de son héroïne peu régulière, apportent à leur toilette un goût exquis.

1445. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

On voit en lui du premier coup d’œil un esprit supérieur, au-dessus de tous les préjugés de la société et des opinions humaines, autant que Molière pouvait l’être, mais à la fois un esprit inquiet, ardent, mélancolique, sans cesse aux prises avec lui-même, passionnément en quête de la vérité et du bonheur ; et alors l’idéalisant un peu, ou plutôt en faisant un type, comme on dit, un miroir anticipé de notre âge, on le présente comme le héros et la victime dans la lutte du scepticisme et de la foi, celle-ci triomphant provisoirement en lui, de même que le scepticisme, un siècle plus tard, l’eût emporté.

1446. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

la Hollande aux abois et son héros le prince d’Orange tourneront à la longue toute l’Europe contre la France.

1447. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Au milieu d’une nation indécise et blasée, l’admiration profonde serait impossible, et les succès militaires même ne pourraient obtenir une réputation immortelle, si les idées littéraires et philosophiques ne rendaient pas les hommes capables de sentir et de consacrer la gloire des héros.

1448. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

et le courage de tant d’armées, et le sang de tant de héros serait-il versé au nom d’une chimère dont il ne resterait que le souvenir des crimes qu’elle a coutés.

1449. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Quand Corneille et Racine, à travers la pompe ou l’élégance de leurs vers, nous font entrevoir des figures contemporaines, c’est à leur insu ; ils ne croyaient peindre que l’homme en soi ; et, si aujourd’hui nous reconnaissons chez eux tantôt les cavaliers, les duellistes, les matamores, les politiques et les héroïnes de la Fronde, tantôt les courtisans, les princes, les évêques, les dames d’atour et les menins de la monarchie régulière, c’est que leur pinceau, trempé involontairement dans leur expérience, laissait par mégarde tomber de la couleur dans le contour idéal et nu que seul ils voulaient tracer.

1450. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Au-dessus de ces simulacres d’humanité planent les dieux, Amour, Vénus, qui semble émanée de l’âme de la daine comme Amour de l’âme du galant, enfin Raison, autre dédoublement de la personne morale du héros, qui lui déconseille la douloureuse carrière de l’amour.

1451. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Sarcey ressemble peu à un héros romantique ; qu’il n’a de René ou d’Obermann ni la sveltesse pliante ni la pâleur nacrée, et qu’une myopie célèbre dans le monde entier aggrave encore le poids de sa démarche.

1452. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Voter, même pour soi, ne contente pas, en tant qu’expansion d’hymne avec trompettes intimant l’allégresse de n’émettre aucun nom ; ni l’émeute, suffisamment, n’enveloppe de la tourmente nécessaire à ruisseler, se confondre, et renaître, héros.

1453. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Fortunat Strowski (Tableau de la littérature française au xixe  siècle) a précisément cité ce curieux passage de Sainte-Beuve : « Loin de nous de penser que le devoir et l’office de la critique consistent uniquement à venir après les grands artistes, à suivre leurs traces lumineuses, à recueillir, à ranger, à inventorier leur héritage, à orner leur monument de tout ce qui peut le faire valoir et l’éclairer… ; il en est une autre plus alerte, plus mêlée au bruit du jour et à la question vivante, elle doit nommer ses héros, ses poètes ; elle doit s’attacher à eux de préférence, les entourer de son amour et de ses conseils, leur jeter hardiment les mots de gloire et de génie dont les assistants se scandalisent, faire honte à la médiocrité qui les coudoie, crier place autour d’eux, etc… »

1454. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Enfin, mon Ouvrage est, comme le vaisseau des Argonautes, construit par différentes mains, ou comme le cheval de Troie ; on veut y faire entrer les Soldats & tous les Héros de la Grece.

1455. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Des traits d’observation saisissante, pris sur le vif de l’âme féminine, se mêlent au grimoire de ses caractères ; son héroïne est de fière étrangeté et de grande allure.

1456. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Après qu’on m’eut éveillé, je ne pus me rendormir… On saisit bien en quoi le Turenne de Bussy ne ressemble point au Condé de l’Oraison funèbre, duquel Bossuet a dit avant Rocroi : « On sait que le lendemain, à l’heure marquée, il fallut réveiller d’un profond sommeil cet autre Alexandre. » Je laisse à ceux qui ont eu l’honneur de se trouver à pareille fête à côté des héros, le soin de décider lequel des deux récits leur paraît le plus voisin de la vérité.

1457. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Là-dedans, les derniers héros !

1458. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Puis au second plan, dans ces quatre têtes, cette figure indéfinissable, au sourire errant sur les lèvres, cette figure au grand chapeau gris, mélange de gentilhomme et de bouffon, héros étrange d’une comédie du Ce que vous voudrez ; et à côté, cette espèce de gnome et de pitre idéal, qui semble glisser à son oreille les paroles des confidents comiques de Shakespeare… Shakespeare !

1459. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Six semaines après, le 13 février 1916, il tombe en héros sur l’Yser.

1460. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

De l’empereur Napoléon j’aurais bien envie de dire que je n’ai point retrouvé en lui cette beauté épique et destinale dont le dotent généralement ses contemporains et ses historiens ; qu’il m’est pénible de ne pas voir conserver le caractère extérieur et légendaire des grands hommes, et que le peuple, d’accord avec moi en ceci, ne conçoit guère son héros de prédilection que dans les costumes officiels des cérémonies ou sous cette historique capote gris de fer, qui, n’en déplaise aux amateurs forcenés du style, ne déparerait nullement une apothéose moderne.

1461. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

On observe encore l’aspiration qui se fait devant les voyelles en certains mots, & qui ne se pratique pas en d’autres, quoiqu’avec la même voyelle & dans une syllabe pareille : c’est ainsi que nous prononçons le héros avec aspiration, & que nous disons l’héroïne, l’héroïsme & les vertus héroïques, fans aspiration. […] La préposition de est employée le plus souvent à la qualification & à la détermination ; c’est-à-dire, qu’elle sert à mettre en rapport le mot qui qualifie, avec celui qui est qualifié : un palais de roi, un courage de héros. Lorsqu’il n’y a que la simple préposition de, sans l’article, la préposition & son complément sont pris adjectivement ; un palais de roi, est équivalent à un palais royal ; une valeur de héros, équivaut à une valeur héroïque ; c’est un sens spécifique, ou de sorte : mais quand il y a un sens individuel ou personnel, soit universel, soit singulier, c’est-à-dire, quand on veut parler de tous les rois personnellement comme si l’on disoit l’intérêt des rois, ou de quelque roi particulier, la gloire du roi, la valeur du héros que j’aime, alors on ajoûte l’article à la préposition ; car des rois, c’est de les rois ; & du héros, c’est de le héros. […] Ainsi on dira dans le sens qualificatif adjectif, un rayon d’espérance, un rayon de gloire, un sentiment d’amour ; au lieu que si l’on personifie la gloire, l’amour, &c. on dira avec un prépositif, Un héros que la gloire éleve N’est qu’à demi récompensé ; Et c’est peu, si l’amour n’acheve Ce que la gloire a commencé. […] Par exemple, si vous donnez au nom d’Alexandre la signification de conquérant ou de héros, vous direz que Charles XII. a été l’Alexandre de notre siecle ; c’est ainsi qu’on dit, les Cicérons, les Demosthenes, c’est-à-dire les grands orateurs, tels que Cicéron & Démosthene ; les Virgiles, c’est-à-dire les grands poëtes.

1462. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Cette insertion, cette articulation de l’éternel dans le temporel, du spirituel dans le charnel, du saint dans le héros. […] Il était dit que le peuple qui avait donné tant de héros et tant de saints, innombrables, tant de citoyens et tant de chrétiens, tant de justes, tant de martyrs, Et l’onde aux plis infranchissables, tant de poètes et tant d’artistes, tant d’inventeurs, (tant de savants), et qui infatigablement en donnerait, en devait donner, en allait donner infatigablement tant d’autres, une sève infatigable, une race montante et remontante infatigable, tant de guerriers et de victimes serait celle aussi, tant de penseurs et de philosophes ; le plus grand poète tragique : le plus grand penseur ; le plus grand philosophe, (pour ne point parler du siècle présent) ; serait aussi celui qui à quarante siècles de distance, hors de son temps, hors de son lieu ; hors de son propos ; à quarante siècles d’écart, à trente et quarante siècles de retard donnerait un des plus grands poètes païens qu’il y ait jamais eu dans le monde créé. […] À la vérité, je ne conseillerais pas à un auteur de prendre pour sujet d’une tragédie une action aussi moderne que celle-ci, si elle s’étoit passée dans le pays où il veut faire représenter sa tragédie, ni de mettre des héros sur le théâtre, qui auroient été connus de la plupart des spectateurs. […] On peut dire que le respect que l’on a pour les héros augmente à mesure qu’ils s’éloignent de nous : major e longinquo reverentia.

1463. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Dans une salle de théâtre, les acteurs ne sont pas les seuls à jouer la pièce ; les spectateurs aussi là jouent pour ainsi dire intérieurement : leurs nerfs vibrent à l’unisson, et lorsque le principal héros épouse à la fin de la pièce quelque amante adorée, on peut dire que toute la salle ressent un peu de son bonheur. […] De même, deux amoureux penchés sur quelque poème d’amour, comme les héros du Dante, et vivant ce qu’ils lisent, jouiront davantage, même au point de vue esthétique. […] Il faut que, dans les héros d’un drame, je puisse retrouver quelque chose de mes défauts et de mes laideurs même pour croire à leur existence : car l’essentiel, pour un personnage fictif, n’est pas de paraître beau ou laid, mais de paraître exister, tant le fictif en lui-même et par lui-même est peu esthétique. […] Hugo a reproduites si fréquemment et dans lesquelles les consonnes dernières sont tantôt muettes et tantôt sonores : Vénus, nus ; Nil, chenil ; héros, rhinocéros ; tous, doux ; maïs, pays. […] Lorsqu’on ne cherche dans la poésie absolument rien que des couleurs, on peut donc y mettre par surplus toutes les sonorités possibles : lorsque, avec certain héros de Th. 

1464. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

À onze heures, Sarah Bernhardt accoudée sur le marbre de la cheminée du grand salon, lit nonchalamment, avec sa voix d’or, à travers une face-à-main, l’Hommage à Edmond de Goncourt de Robert de Montesquiou : Les paons blancs réveillés par la Faustin qui rêve, Glissent en notre esprit avec moins de douceurs Que la grâce de vos héroïnes sans trêve, Maître : Marthe, Renée, et Manette et leurs sœurs, ……………………………………………………… Les paons blancs évoqués par la Faustin qui songe. […] Des héros au crânes étroits de crétins ; des meubles aux formes droites sur des pieds maigres, des intérieurs de famille avec des petits enfants, travestis en vétérans de famille impériale ; mais au milieu de cela, des nippes remuantes et des défroques plus mémoratives, que tous les imprimés.

1465. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Vous ne pouvez dire de cette foule que ce que le poète anglais Gray dit des morts inconnus ensevelis dans son cimetière de village : Ici dorment peut-être des héros, des poètes, des grands hommes ignorés qui ne connurent jamais leur propre génie, et que le monde ne connaîtra pas, etc., etc. […] ……………………………………………………… ……………………………………………………… ……………………………………………………… ……………………………………………………… Et plus loin : Non, tu ris avec moi de l’erreur où nous sommes ; Tu sais de quel linceul le temps couvre les hommes ; Tu sais que tôt ou tard, dans l’ombre de l’oubli, Siècles, peuples, héros, tout dort enseveli ; Qu’à cette épaisse nuit qui descend d’âge en âge À peine un nom par siècle obscurément surnage ; Que le reste, éclairé d’un moins haut souvenir, Disparaît par étage à l’œil de l’avenir ; Comme, en quittant la rive, un navire à la voile, À l’heure où de la nuit sort la première étoile, Voit à ses yeux déçus disparaître d’abord L’écume du rivage et le sable du port, Puis les tours de la ville où l’airain se balance, Puis les phares éteints qu’abaisse la distance, Puis les premiers coteaux sur la plaine ondoyants, Puis les monts escarpés sous l’horizon fuyants ; Bientôt il ne voit plus au loin qu’une ou deux cimes, Dont l’éternel hiver blanchit les pics sublimes, Refléter au-dessus de cette obscurité Du jour qui va les fuir la dernière clarté, Jusqu’à ce qu’abaissés de leur niveau céleste, Ces sommets décroissants plongent comme le reste, Et qu’étendue enfin sur la terre et les mers, L’universelle nuit pèse sur l’univers.

1466. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Nous nous associons volontiers en idée au héros opprimé. […] Les héros, les amants romanesques, les grands patriotes, les magistrats inflexibles, les apôtres de religion, les philosophes à toute outrance, tous ces rares et divins insensés font de la poésie dans la vie, de là leur malheur.

1467. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Un romancier, jusqu’ici, même s’il ne les notait pas, prenait soin de réaliser pour son compte par la pensée la situation sociale, les conditions d’existence, la profession, les ascendances de chacun de ses héros. […] Permettez-moi, je vous prie, de vous le relire : Le héros du livre ; revient à Balbec pour la première fois depuis la mort de sa grand-mère : le directeur de l’hôtel vient de l’installer dans sa chambre : Bouleversement de toute ma personne. […] J’en choisirai un seul, qui est très frappant, bien que le héros en soit ce Swann dont la pensée nous est peinte comme si paresseuse. […] À travers tout cet Amour de Swann, qui forme la seconde partie de Du côté de chez Swann et qui, comme l’a remarqué Edmond Jaloux, est à lui tout seul un des plus beaux romans de passion de toute la littérature française, les sentiments du héros sont constamment figurés sur plusieurs étages, si j’ose dire.

1468. (1902) Le critique mort jeune

Pour l’instant, nous ne devons considérer que la famille Monneron : elle est, comme dans une tragédie ou dans une épopée, le premier héros du livre. […] Rien ne grimace dans le jeu aisé des héros de la « Double maîtresse ». […] Rien n’enlève le prix d’un bon moment : voilà la notion positive qui doit à la fin consoler le héros de M.  […] On désire que l’héroïne sympathique obtienne une séparation si bien motivée en fait.

1469. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Un beau livre, À Rebours, a même été méconnu au point que le héros, Des Esseintes, un extravagant, par exemple, un détraqué, a quelque temps été pris pour un portrait du fier et charmant poète des Chauves-Souris. […] Il a réhabilité les patriciens, ses pairs, tout de même un peu coupables d’oisiveté, et à côté du duc d’Uzès, mort en héros, ce poète grand seigneur, peut, c’est un professionnel qui le lui dit, compter désormais sur la réputation, la belle réputation si vaillamment gagnée ! […] Phèdre et Bérénice, voilà l’amour en ses deux extrêmes ; Monime est une héroïne calme, Athalie, une reine, belle naguère et qui ne l’oublie pas ; Esther, une femme belle encore et consciente de sa beauté. […] Son héros, Berneville, devait mourir fou, selon une parole de Vermersch à quelqu’un des siens un jour qu’ils passaient proche un asile d’aliénés de Genève — cette Genève où il s’était réfugié après avoir été successivement expulsé de Belgique et de Hollande pour se tout à fait fixer à Londres, où il contracta le germe de sa maladie, résultat d’un excès de travail qui devait anéantir sa propre raison.

1470. (1929) La société des grands esprits

Que Démosthène soit un héros du patriotisme, nul ne songe davantage à en douter, ni qu’il eût sauvé sa patrie, si elle avait consenti d’être sauvée. […] Les pages de Carlyle, qui dans les Héros (chapitre du Héros comme homme de lettres), qualifie Rousseau de prophète, ne sont pas citées davantage, ni celles de M.  […] Le même amour se retrouve à l’origine de toutes les mythologies, chez les dieux et les héros. […] Même il Rabelais et à Molière, qu’il exalte à juste titre, il reproche de borner leur idéal à l’honnête homme, de ne pas former des héros ni des citoyens. […] Et c’est un des plus libres, des plus puissants esprits de son temps, voire de tous les temps, non pas seulement un très grand artiste, mais un héros de la pensée.

1471. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Wladimir Karénine rejette rudement quand elles sont défavorables à son héroïne, et qu’il accueille celle-ci bien complaisamment, alors qu’il aurait fallu y regarder à deux fois, et même, faute de preuves sûres, s’abstenir. […] Ni Chateaubriand ni Volney ne sont des héros ; mais refuser l’héroïsme à Chateaubriand pour en revêtir Volney, je ne doute pas que cela ne fasse rire à en être malades ceux qui savent les choses. […] Le héros du roman étant le fils d’un Français réfugié à Londres après la Commune, est tout naturellement mêlé aux agitations socialistes et anarchistes et y fait très bonne figure. […] On ne doit avoir confiance qu’en moi. » C’est le héros du roman ; très intelligent ; très convaincu aussi ; homme de parole et homme d’action, qui irait très loin et ferait faire au prolétariat un pas immense. […] C’est inquiétant… En tout cas, l’héroïne de M. 

1472. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il me prêchait, et c’est-à-dire qu’il faisait comme son héros ; il endoctrinait un converti et m’apprenait peu de choses sous une forme relativement nouvelle. […] Ce sont les héros mêmes de ces narrations que l’on croit entendre parler. […] Il n’y a pas excès, parce qu’en même temps qu’érudit, il est grand artiste et qu’il n’est jamais, ni lui ni son héroïne, étouffé par les entours. […] Il ne faut ni voir en lui un monstre, comme d’aucuns ont fait, ni en faire un héros de vertu civique, comme je vois qu’il y a quelque tendance de ce côté-là. […] Lang est confirmé, ce n’aura été que deux cents ans et plus après sa mort que l’on aura pu dire : Le masque tombe ; un valet reste Et le héros s’évanouit.

1473. (1904) En lisant Nietzsche pp. 1-362

« La plus belle vie pour le héros est de mûrir pour la mort en combattant. » — Et dès lors, ô douleur, où est ton aiguillon ? […] Planter, par exemple, dans les âmes des vieux Germains, ces âmes de héros, d’enfants et de bêtes, la doctrine du péché et de la damnation, qu’est-ce autre chose sinon les empoisonner ? […] Soyez sûrs qu’elle a été inventée par quelqu’un qui n’était un héros en aucune manière. […] Mais dès que le peuple a besoin qu’on lui représente matériellement ses héros et ses légendes, c’est qu’il imagine et pense et se représente les choses beaucoup moins énergiquement : « Lorsque l’imagination d’un peuple se relâche, un penchant naît en lui de se faire représenter ses légendes sur la scène ; il supporte, il peut supporter les grossiers remplaçants de l’imagination ; mais à l’époque à laquelle appartient le rhapsode épique, le théâtre et le comédien déguisé en héros seraient une entrave au lieu d’une aide de l’imagination ; ils sont trop près, trop définis, trop lourds, trop peu rêve et vol d’oiseau. » — Ceci est absolument juste à mon avis, et explique que les littératures, je ne dirai point finissent par le théâtre, mais ont comme leur point culminant dans le théâtre. […] Celui qui est véritablement possédé par une ambition furieuse contemple avec joie 28 cette image de lui-même, et lorsque le héros périt par sa passion, c’est précisément là l’épice la plus mordante dans la chaude boisson de cette joie.

1474. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

C’est ainsi, pour n’en citer qu’un exemple, qu’il écrivait à Andrieux, au commencement de l’année 1806, — une date qui n’était pas trop ignoble toutefois et trop déshonorante : « Si, chemin faisant, dans vos lectures, dans vos souvenirs, par le bénéfice des occasions, vous pouviez m’indiquer un sujet de poème neuf, intéressant, pathétique, aimable, pastoral, patriarcal, sans héros, — je ne les aime point du tout, — vous me feriez, mon cher ami, un très grand plaisir.

1475. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Il n’y a pas jusqu’au dialogue de Boileau sur les héros de roman qui ne lui eût profité.

1476. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

L’Italie est la terre privilégiée, la terre des héros, magna parens virum.

1477. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Je préfère pourtant, même à cette brièveté sublime, la fougue du pinceau de Saint-Simon ; cette abondance négligée qui n’est jamais vaine ; ces portraits qui peignent et qui racontent, qui nous montrent la physionomie des gens, le tour de leur visage et jusqu’à leur démarche, et qui nous introduisent dans leur vie cachée ; cette succession, sur la même toile, des qualités et des défauts, se suivant, se démentant, comme dans la vie réelle ; enfin ce pêle-mêle de la peinture et du récit, dans lequel surnage le trait principal du héros, le trait qui domine toutes les contradictions de son caractère et de son humeur, et qui est comme le mot de sa bonne ou de sa mauvaise renommée.

1478. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Voici la luxurieuse séduction des visages féminins, une blanche floraison d’appels ; une symphonie de languides yeux, de descendantes lignes chaudes, et de rondes clartés, Parsifal ; et voici l’étonnante sonate, chef-d’œuvre de l’artiste, suprême ravissement, les onduleux contours de nymphes, dans une tranquille lumière épanouie, et plus loin, sur un horizon où pointent d’angoissantes ténèbres, la fugitive figure assombrie d’un héros, Siegfried et les Filles du Rhin.

1479. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Le héros aimait une jeune femme, en était aimé, et il s’éloignait pourtant, bien qu’elle fut libre.

1480. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Chamfort. » pp. 539-566

En effet, Madame, le triomphe de la tendresse fraternelle, l’amitié généreuse et les combats magnanimes de deux héros avaient naturellement trop de droits sur votre âme, et peindre des vertus, c’était s’assurer l’honneur du suffrage de Votre Majesté. — Je suis avec un très profond respect, Madame, de Votre Majesté le très humble, très obéissant et très fidèle sujet, Chamfort. » 79.

1481. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Il ne me dit rien… Inquiétude anxieuse, bile qui monte à la bouche et la fait amère… Mon moral est un héros, mais mon physique est un lâche.

1482. (1899) Esthétique de la langue française « La métaphore  »

Cependant il s’agit du mot latin lacertus, lequel veut dire lézard, et que les poètes ont maintes fois employé pour désigner le bras d’un héros ou d’un athlète.  » Mais s’il est surprenant déjà qu’une telle image ait été formée une fois, car elle est très étrange, quoi que très juste, et elle aurait pu, certes, ne jamais sortir du réservoir profond des sensations, quel étonnement de la voir périodiquement retrouvée, qu’il s’agisse de lézard ou de souris, au cours des siècles et des langues !

1483. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Son livre, plus modeste que son héroïne, son livre indécis, manque déplorablement de ce relief paradoxal qui convenait à ce grand nom de Du Barry, — grand dans le mépris, et qui probablement y restera.

1484. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Il n’est pas jusqu’à leurs monstres, j’allais dire leurs héros, que ces messieurs ne peignent plus noirs qu’ils ne sont.

1485. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Les héros qui jadis sont issus des demi-dieux, pour prix de leurs hauts faits, ont trouvé des chantres habiles.

1486. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Peut-être ici le goût du poëte fut heureusement aidé par la crainte de blesser un despotisme jaloux ; nulle vaine pompe n’a surchargé l’éloge du héros.

1487. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Prêtres gras, vestales équivoques, héros grotesques, enfants hardis, toutes les figures sont françaises. […] Dans le vieux poète grec, les héros développent de longs récits sur le champ de bataille avant de se donner des coups de lance. […] Pour empêcher les nouveaux venus d’avoir le pas sur lui, il combat en héros, il chicane en avocat, il souffre en malade ; il éclate en expressions douloureuses, comme s’il était coudoyé par des laquais. […] Rien de tout cela n’étonne quand on se souvient qu’après la condamnation de Fénelon, un jour, disputant avec le duc de Charost sur Fénelon et Rancé, il cria : « Au moins mon héros n’est pas un repris de justice. » M. de Charost suffoquait. […] « Ce suicide fut le désespoir orgueilleux d’un courage impuissant, qui, de défaite en défaite, se voyant chasser de tous les coins de la terre, protestait arrogamment contre l’opinion du monde et les arrêts de la Providence. » Plus loin il ajoute : « Il n’y a qu’un esprit étroit et obstiné qui, lorsqu’il a perdu l’espoir de vaincre, persiste dans la volonté de combattre. » En effet, c’étaient des esprits obstinés et étroits que Judas Machabée, Léonidas, et tous les héros qui ont voulu mourir pour une noble idée qu’accablait la force.

1488. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Aussi s’en va-t-il emprunter du poète Euripide les haillons dont il habille ses héros et les lambeaux d’éloquence dont il recoud ses pièces dramatiques. […] Non content des efforts nombreux qu’il avait faits pour dégoûter ses concitoyens d’une guerre ruineuse et obstinée, il revient plus plaisamment à la charge dans sa comédie intitulée Lysistrate, du nom de l’héroïne de sa fable. […] Pourtant l’héroïne l’emporte ; le décret passe, et le parti est résolument pris. […] « Que font-ils pour l’état, vos habiles héros ? […] Au lieu de marquis éventés, n’aurait-il pas ces petits héros de régiment qui, fiers de leur première épaulette, s’étonnent de ne pas heurter impunément des citoyens qui servirent l’état dans leur grade avant eux ; ces téméraires de garnison qui mettent leur honneur à brusquer celui des dames, et qui les font fuir par les familiarités et l’indiscrétion de leur galanterie cavalière ?

1489. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

II Comment la gloire, d’abord réservée aux rois et aux guerriers chantés par les poètes, a-t-elle fini par être attribuée aux poètes plus encore qu’aux héros de leurs poèmes, c’est un fait de civilisation dont l’origine exacte n’aurait pas beaucoup d’intérêt. […] Il en fut de la littérature comme d’une armée décimée ; on enterra les morts et les survivants sont des héros. […] Sans doute, mais l’humanité n’est pas faite de héros, et les héros, d’ailleurs, se créent leur propre morale. […] Héros élu par l’Inintelligence, insulte permanente à la Sagesse, il s’appelait Lepou, et ses prénoms, Jésus-Marie-Joseph, inauguraient en sa personne la Trinité nouvelle qui a remplacé celle du Credo : Papa, Maman et le Petit, — abstraction la plus haute à laquelle puisse désormais s’élever le matérialisme animal des catholiques.

1490. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Agnès sort, Arnolphe reste seul et, dans le transport de sa satisfaction, il devient lyrique et s’écrie : Héroïnes du temps, mesdames les savantes, Pousseuses de tendresse et de beaux sentiments, Je défie à la fois tous vos vers, vos romans, Vos lettres, billets doux, toute votre science, De valoir cette honnête et pudique ignorance. […] Tout vit en paix, en joie, en amitié, en amour dans cette heureuse famille, lorsque Orgon, en allant à l’église, est séduit par les grimaces de Tartuffe, le héros de la pièce, qui simule la sainteté, et finit par s’introduire dans la famille et y prendre un empire absolu.

1491. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

L’épopée nationale fut, pendant deux siècles, le « grand succès » ; chantée par les jongleurs jusque sur le champ de bataille, et lue aussi par les lettrés, elle fit battre les cœurs des héros et des rustres ; expression d’une unité grandissante, elle contribue à cette unité. […] De cette forme trop étroite pour lui, son obstination a fait un corset d’acier, dans lequel il a sanglé les énergies de son époque, les nobles ambitions de son génie, si bien qu’aujourd’hui encore le héros cornélien, dans sa raideur héroïque, personnifie la Volonté du bien.

1492. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Flêchier au comencement de son oraison funébre de M. de Turène, voulant doner une idée générale des exploits de son héros, dit « conduites d’armées, etc. » il me semble qu’il n’y a rien dans ces paroles qui s’éloigne du langage militaire le plus simple ; c’est là cependant une figure qu’on apèle congeries, amas, assemblage. […] Diomède, héros célèbre dans l’antiquité fabuleuse, est souvent apelé (…), parce qu’il étoit fils de Tydée, roi des etoliens. […] Le même poète parlant d’Enée et de la sibyle qui conduisit ce héros dans les enfers dit : (…). […] Fléchier dans son oraison funèbre de M. de Turène, aplique à son héros ce qui est dit dans l’ecriture à l’ocasion de Judas Macabée qui fut tué dans une bataille.

1493. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Ces pleurs, amère et vaine rosée, à la face du héros ou du poëte, répondent à merveille à ce qui vient d’être dit de l’austère sourire du Temps,   … And smiles on you with cheer sublime.

1494. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Plus l’équipage est nombreux, brillant dans son ensemble, composé de héros qu’on peut nommer, plus aussi la gloire de chacun y gagne, et plus il est avantageux d’en faire partie.

1495. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Du reste, pourvu que les formes en soient nobles et pures, il importe peu que ce soit Apollon ou Hercule, la Diane chasseresse ou la Vénus de Praxitèle. » « Voyageur, annonce à Sparte que nous sommes morts ici pour obéir à ses saints commandements. » « Ils moururent irréprochables dans la guerre comme dans l’amitié79. » « Ici reposent les cendres de don Juan Diaz Porlier, général des armées espagnoles, qui a été heureux dans ce qu’il a entrepris contre les ennemis de son pays, mais qui est mort victime des dissensions civiles. » Peut-être, après tout, ces nobles épitaphes de héros ne lui revinrent-elles à l’esprit que le mardi, dans l’intervalle des Ordonnances à l’insurrection, et comme un écho naturel des héroïques battements de son cœur.

1496. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Héroïques comme individus, quoique asservis comme nations, supérieurs à leurs conquérants et maîtres de leurs maîtres dans tous les exercices de l’esprit humain : donnant leur religion, leurs lois, leurs arts, leur esprit, à ceux qui leur donnaient des fers, théologiens, législateurs, poètes, historiens, orateurs politiques, architectes, sculpteurs, musiciens, poètes, souverains en tout par droit de nature, et par droit d’aînesse, et par droit de génie ; grands généraux même quelquefois, quand les Allemands leur donnaient des armées de barbares à conduire, ou quand Borgia, ce héros des aventuriers, ce Garibaldi de l’Église, cherchait, à la pointe de son épée, un empire italien dans cette mêlée à la tête des braves façonnés par lui à la politique et à la discipline.

1497. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

De telles familles il ne peut sortir que des saints, des héros ou des poètes.

1498. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

., sœur, je crois, du prince Poniatowski, le héros malheureux de la Pologne, noyé dans la déroute de Leipsik.

1499. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Le matin, ses troupes attaquent, malgré lui, le sénateur Sabinus, chef du parti de Vespasien, barricadé dans le Capitole ; le Capitole est incendié avec les statues des dieux et des héros, changées par les combattants en armes défensives ou agressives.

1500. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Le crime a quelquefois des martyrs, jamais de héros.

1501. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

XVII Mais il y a dans l’âme de Mlle de Guérin un principe de vie et d’immortalité qui n’existe pas dans les héroïnes de Walter Scott : c’est le mysticisme catholique exalté, qui donne la vie, la sainteté, l’émotion sacrée du martyre à la jeune châtelaine du Cayla, et la poésie profonde du cœur, qui élève ses confidences à la hauteur des écrivains ascétiques les plus éloquents ; c’est l’huile onctueuse de cette lampe que le dieu du passé s’est allumée à lui-même dans les ruines de son sanctuaire démoli.

1502. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Pourquoi les martyrs et les héros qui plongent intrépidement dans le mystère, qui donnent à la recherche de la vente leur peine et leur vie, n’auraient-ils pas droit aux sourires de la Muse autant et plus que les capitaines qui reviennent triomphants au son des fanfares ou qui périssent enveloppés dans les plis du drapeau ?

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