à la triste humanité ?
L’aspect riant s’efface et y disparaît à mesure qu’on s’élève ; le caractère sauvage et triste s’y prononce avec sévérité.
Messieurs mes compagnons, quand vous vous trouverez en telles noces, prenez vos beaux accoutrements, parez-vous, lavez-vous la face de vin grec, et la faites devenir rouge ; et marchez ainsi bravement parmi la ville et parmi les soldats, la care levée (la face levée), ne tenant jamais autre propos sinon que bientôt, avec l’aide de Dieu et la force de vos bras et de vos armes, vous aurez en dépit d’eux la vie de vos ennemis, et non eux la vôtre… Mais si vous allez avec un visage pâle, ne parlant à personne, triste, mélancolique et pensif, quand toute la ville et tous les soldats auraient cœur de lions, vous le leur ferez venir de moutons.
Mais après avoir encore une fois savouré ces tristes délices de la lecture d’Adolphe, avoir goûté cette finesse consommée d’expérience sociale, cette vérité aride et terne, si bien dissoute et démêlée, et avoir reconnu, par-dessus tout, le cachet d’élégance et de distinction achevée empreint dans l’ensemble, je n’ai pu m’empêcher d’admirer la différence des temps, des sociétés, des écoles diverses.
L’année 1799 était une de ces tristes années expirantes.
Il commence ce pèlerinage, qui asurtout pour objet la Suisse catholique, par une diatribe violente contre Genève, où l’on célébrait, quand il ypassa, l’inauguration de la statue de Jean-Jacques, un sujet tout trouvé d’anathème : « Tristes fêtes dont nous n’osons plus rire, s’écrie l’auteur, quand nous songeons qu’il est une autre vie et que probablement ce malheureux Rousseau, mort dans l’hérésie, sans sacrements et, selon toute apparence, sans repentir, a plus affaire à la justice de Dieu qu’à sa clémence… » Je laisserais ce passage et le mettrais sur le compte de la jeunesse, si les mêmes sentiments d’exécration ne revenaient sans cesse sous la plume de l’auteur ; si, dans ces volumes de Çà et Là où il y a de charmants paysages et de beaux vers pleins de sensibilité, je ne voyais, lors d’une nouvelle visite à Genève (chapitre Du Mariage et de Chamounix), la même répétition d’injures contre la statue et les mêmes invectives contre les Genevois en masse.
« Je vous prie de ne point faire des songes si tristes de moi : cela vous émeut et vous trouble.
Il faut voir, dans les premières pages des Souvenirs du général Pelleport, comment il expliquait à ces nouveaux venus l’ordre et la marche : « Souvenez-vous, disait-il aux volontaires dans une retraite où ils accéléraient un peu trop le pas en entendant siffler les balles espagnoles, qu’il faut prendre le pas ordinaire quand on tourne le dos à l’ennemi, et le pas de charge quand on lui présente la poitrine. » Il avait vite électrisé son monde et obtenu des prodiges ; : et quand Doppet (un bien triste général) vint prendre la succession de Dagobert en Cerdagne, il y trouva des soldats tout faits et dignes des chefs les plus intrépides.
Après le premier moment où le talent, dans sa floraison brillante s’est fait homme et jeune homme éclatant et superbe, il faut bien marquer ce second et triste moment, où il se déforme et se fait autre en vieillissant.
Et ainsi, lorsque la prédication de Jésus commençait, lorsque après l’avoir vu, au retour du désert et de sa tentation triomphante, quitter de nouveau sa mère, Marie triste et résignée, on le suivait le long de la mer de Galilée allant recruter des pêcheurs pour disciples ; lorsque dans des scènes très plates et d’un langage délayé, mais assez naïves, on assistait à ces conversations, puis à ces conversions de pêcheurs, de gens de métier, chacun ayant sa physionomie et gardant assez bien son caractère ; lorsque le cortège des Douze se complétait ainsi à vue d’œil, avec sa variété, — parmi eux un seul noble, Barthélemy « en habit de prince », les autres dans leurs habits mécaniques ou de travail, saint Thomas en habit de charpentier, ayant jeté seulement ses outils, et Matthieu le publicain, à son tour, assis d’abord devant sa table, avec ses sacs d’argent rangés dessus, et cependant offrant dans sa maison un repas à Jésus qui l’accepte, — il y avait certainement, à cette suite de scènes familières, un intérêt que l’on conçoit encore très-bien aujourd’hui, et qui consistait dans l’extrême détail, dans le naturel minutieux du développement, dans l’imitation et la copie de la vie.
J’ai sous les yeux de jolies vignettes sorties du facile et spirituel crayon de Tony Johannot ; c’est le côté comique et gai, uniquement, qui est rendu, mais la dignité du héros, ce sentiment de respect sympathique qu’il inspire jusque dans sa folie, cette imagination hautaine qui n’était que hors de propos, qui eût trouvé sans doute son emploi héroïque en d’autres âges, et, comme on l’a très-bien nommée, « cette grandesse de son esprit et cette chevalerie de son cœur », qu’il sut conserver à travers ses plus malencontreuses aventures et qu’il rapporta intactes jusque sur son lit de mort, cela manque tout à fait dans cette suite agréable où l’on n’a l’idée que d’une triste et piteuse figure, et c’est au contraire ce que M.
Elle peut n’être pas si proche : mais, selon les apparences, elle sera triste pour nous.
madame, je faisais une réflexion bien triste. » — « Et laquelle ?
. — Pour les jours qui vont suivre Ce triste hiver, voici ma nouvelle chanson : Que vos sacs se gonflent de cuivre ; Bien repu, chaque soir, rentrez à la maison.
Hugo a qualifié le sourire triste, ineffable et calmant ; la fin en est très-belle, très-idéale, et offre un mélange de résignation contristée et qui tout d’un coup s’éclaire d’une image antique : O Nuit !
Après les lettres à Mme du Deffand, celles de Mme de Staal à M. d’Héricourt, moins traversées de saillies, donnent une idée peut-être plus triste encore et plus vraie de sa manière finale d’exister.
Les aspects sombres et sauvages, les objets tristes qui nous environnent, aident à supporter la douleur qu’on éprouve au dedans de soi.
Sous l’apparente fadeur des idylles de madame Deshoulières426, dans les retours fréquents qu’elle fait sur sa fortune, quand on perce les transparentes allégories, il y a bien de l’amertume, un triste désenchantement des hommes et de la vie, un fond singulier de libre pensée.
La Forêt en sa masse mystérieuse, ou vaste et triste et sœur du Songe par la solitude, est particulièrement aimée de M. de Régnier.
Après, poussant plus loin cette triste figure, D’un cocu, d’un jaloux, il en fait la peinture ; Tantôt à pas comptés vous le voyez chercher Ce qu’on voit par ses yeux, qu’il craint de rencontrer ; Puis, s’arrêtant tout court, écumant de colère, Vous diriez qu’il surprend une femme adultère, Et l’on croit, tant ses yeux peignent bien cet affront, Qu’il a la rage au cœur et les cornes au front.
Je crois que nous sommes beaucoup à avoir senti un petit frisson triste quand un bref et indifférent écho nous annonça la mort du poète.
La continuité dégoûte en tout. » Mme de Sévigné fait la même remarque, quand elle écrit191 : « Ce que vous dites des arbres qui changent est admirable ; la persévérance de ceux de Provence est triste et ennuyeuse ; il vaut mieux reverdir que d’être toujours vert.
Mais ne pourrait-on pas lui répondre : Il y aura quelque chose de plus triste pour vous, pour la mémoire de ces heures immortelles, que d’être reléguée comme un point à peine visible dans le lointain du passé : ce sera de n’être prise un jour, de n’être étalée et exposée aux yeux de tous que comme un prétexte à des rêves nouveaux, comme un canevas à des broderies et à des pensées nouvelles.
Est-ce bien toi, grande âme immortellement triste, Est-ce toi qui l’as dit ?
On y voit que quelques amis avaient parlé au cardinal de la triste situation de Patru, et celui-ci en a regret ; car il sait « quel fardeau c’est à une âme magnanime que d’être obligée de refuser : Lorsque je devins votre serviteur, ajoute-t-il, je ne regardai point à vos mains.
Il ne songeait point à une vérité triste qu’un autre poète a, depuis La Fontaine, exprimée dans un vers très-heureux ; la voici : Quand on n’a que son cœur, il faut s’aller cacher.
Il falloit avoir recours à un expédient triste pour le gouvernement qui ne cherchoit que les moïens d’amuser le peuple en lui fournissant du pain et en lui donnant des spectacles, mais devenu necessaire ; c’étoit celui de faire sortir de Rome tous les pantomimes.
Préjugé de traducteur à part, comme il est sans comparaison le plus grand historien de l’antiquité, il est aussi celui dont il y a le plus à recueillir ; mais ce que j’offre aujourd’hui suffira, ce me semble, pour faire connaître les différents genres de beautés dont on trouve le modèle dans cet auteur incomparable, qui a peint les hommes avec tant d’énergie, de finesse et de vérité, les événements touchants d’une manière si pathétique, la vertu avec tant de sentiment ; qui posséda dans un si haut degré la véritable éloquence, le talent de dire simplement de grandes choses, et qu’on doit regarder comme un des meilleurs maîtres de morale, par la triste, mais utile connaissance des hommes, qu’on peut acquérir par la lecture de ses ouvrages.
Ainsi, sur les bords du Tibre, la triste sœur de Didon, qui avait reçu les honneurs d’un petit temple, dans le lieu où elle était venue mourir, en racontant les premières douleurs de Carthage, avait cédé la place à la vierge secourable aux nautoniers.
Hédouin en a embaumé les larves dans une traduction écrite avec beaucoup de soin, nous ne le nions pas, mais la pureté du cristal qui l’enferme fait mieux voir le triste fœtus qu’on y expose ; et quand on admire un grand artiste, on ne le couronne pas avec ses faiblesses, et on doit avoir la pudeur des avortements de son génie !
Loin de vous cette triste philosophie, qui vous prêche le matérialisme et l’athéisme, comme des doctrines nouvelles destinées à régénérer le monde : elles tuent, il est vrai, mais elles ne régénèrent point.
Chimène touche bien plus comme amante que comme fille ; sa tendresse pour Rodrigue est d’un goût bien plus général que son zèle pour son père : l’une est le résultat de la passion, l’autre l’effet du devoir ; ce devoir paraît triste, importun, rigoureux, dès qu’il s’oppose aux mouvements du cœur. […] De pareilles réflexions auraient été plus intéressantes pour le public, plus dignes de Voltaire, que ce triste catalogue de vétilles grammaticales, cette maigre et froide critique du style, qui n’apprend rien à personne, et qui malheureusement a toujours l’air de l’envie et de la méchanceté. […] C’est être assurément trop bonne fille : il est triste que des hémistiches si éloquents, si mâles, ne prêchent que le meurtre et la barbarie. […] Il fit rendre à Louis XIII, monarque triste et dévot, une déclaration très honorable en faveur des comédiens, et jamais Richelieu ne prouva mieux qu’il était roi de France. […] Il était d’autant plus important de réfuter ces sophismes, qu’il n’y a que trop de poètes qui s’imaginent être touchants et pathétiques, quand ils ne sont que des déclamateurs ennuyeux et tristes.
Ce sont des génies singuliers, partant solitaires et tristes. […] L’Anglais, naturellement sérieux, méditatif et triste, n’est point porté à regarder la vie comme un jeu ou comme un plaisir ; il a les yeux habituellement tournés non vers le dehors et la nature riante, mais vers le dedans et vers les événements de l’âme ; il s’examine lui-même, il descend incessamment dans son intérieur, il se confine dans le monde moral et finit par ne plus voir d’autre beauté que celle qui peut y luire ; il pose la justice en reine unique et absolue de la vie humaine, et conçoit le projet d’ordonner toutes ses actions d’après un code rigide. […] Ici tout est lourd, sec et triste ; les grands hommes eux-mêmes, Addison et Locke, lorsqu’ils se mêlent de défendre le christianisme, deviennent plats et ennuyeux. […] La beauté s’y trouve, mais ailleurs, dans la froide décision du regard, dans le profond sérieux et dans la noblesse triste du visage pâle, dans la gravité consciencieuse et l’indomptable résolution du geste contenu.
Mon regard épelait mille petites figures, tombait sur une tête triste, ouvrait sur des bras, sur des gens, et enfin se brûlait. » Ce « morceau nu de femme » qui brillait dans la vapeur, Flaubert et Goncourt eussent fort admiré cela, mais ils l’eussent mis à la fin, en valeur, pour arrêter le regard. […] Masque idéal, qu’elle serre cependant sur son visage comme le moyen mystérieux de plus d’être et de vie, le triste et fier honneur de l’espace et du temps. […] Quel travail toujours triste et nouveau Te tire avec retard, larme, de l’ombre amère ? […] à jamais dans le sommeil sans hommes, Pur des tristes éclairs de leurs embrassements, Elle laisse rouler les grappes et les pommes Puissantes, qui pendaient aux treilles d’ossements, Qui riaient, dans leur ambre appelant les vendanges, Et dont le nombre d’or de riches mouvements Invoquait la vigueur et les gestes étranges Que pour tuer l’amour inventent les amants.
Et puis en est-ce le triste, en est-ce le beau, que la même mer d’intelligence reçoive enfin le fleuve magnifique et le torrent boueux de hasard ? […] Edmond Jaloux, n’a rien d’un coup de sonde et paraît venir au monde dans un paysage harmonieux, attendri et doucement triste de Provence. […] Voilà la triste et merveilleuse découverte d’un nouveau monde moral. […] Et le créateur d’Horace, de Polyeucte et de Pauline ne nous donne qu’un bien triste César. […] Jeune ou vieille elle était l’envie, la méchanceté, une triste chose irresponsable que M.
Las des Titines de Montparnasse et de leurs amis, las de ces romanciers moyens et de ce Tibaille où il a mis joliment beaucoup de lui-même, fatigué, par avance, d’être le triste commensal de M. […] Le poème fut sans cesse ou l’évocation de la légende (la concrétion des aspirations d’une race) ou son cri d’amour joyeux ou triste. […] Un paysan meurt, on l’enterre, défilé des choses intimes, en version triste, à l’opposite d’Hermann et Dorothée ; puis la veuve s’en va dans la forêt, et un génie du gel et du givre, un roi Frimas (qui rappelle un peu le roi des Aulnes de Goethe), vient s’étendre sur elle et l’enliser de sa puissance ; elle meurt. […] Et, autour de ces silhouettes de pensée pure, quel admirable décor tout d’invention, depuis la fête à l’Alcazar des Iles Ésotériques, avec ses clowns philosophes et ses acrobates sentencieux, jusqu’au triste Elseneur, jusqu’à la vallée du Gazon Diapré irradiée de printemps. […] Elle rejeta comme disparate d’elle son ancien manteau de fête, et triste se remit à son métier de dentellière, et quand elle rechercha en elle-même les vieux refrains populaires, elle ne les retrouva plus.
Le trait le plus triste, c’est que cette stérilité et ce désordre sont volontaires. […] Nous savons, par une triste expérience, que deux nations qui vivent en paix, peuvent se réveiller en guerre ; il suffit pour cela de la vanité et de l’égoïsme des chefs. […] Bien des fois, en regardant son sourire calme et triste, je l’ai comparé au poète de sa Barque ; seulement, l’heure était plus avancée. […] Pendant trente ans, le grand intérêt de sa vie fut de venir savoir chaque matin si elle était gaie ou triste, de faire des courses pour elle dans la journée, et de dîner à sa table le soir. […] Rien ne la trouble dans sa quiétude douce et un peu triste.
La vie passionnelle de Jean-Jacques est bien curieuse et bien triste. […] De retour à Paris, Jean-Jacques, tombé de ses ambitions, était fort triste et fort désemparé. […] Je crois bien qu’aucun des critiques ou historiens de Rousseau n’a manqué de déplorer sa rencontre avec Thérèse : « Liaison indigne de lui, dit-on, et qui eut la plus triste influence sur son sort. » Il me semble qu’on exagère. […] Quand ces tristes plaisirs n’auraient que de n’être pas partagés, c’en serait assez, disions-nous, pour les rendre insipides et méprisables… Malheureux ! […] C’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège, de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une raison sans principe.