/ 3167
531. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Nous nommerons quatre personnes connues en littérature pour nous donner trois sujets que nous devrons traiter en vingt-quatre heures. […] Comme, en pareille circonstance, une bonne action est de rigueur, on fera imprimer les trois sujets donnés, au profit de la Crèche de Montpellier. […] monsieur, vous proposez à ma muse, qui aime tant le grand air et sa liberté, de s’enfermer dans une chambre close, gardée par quatre sentinelles qui ne laisseraient passer que des vivres, et, là, de traiter trois sujets donnés, en vingt-quatre heures !… Trois sujets en vingt-quatre heures ! […] Son troisième volume de Poésies, qui est sur le point de paraître, me fournit maint sujet soit dans le genre de l’épître, soit dans celui du poème.

532. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

On peut observer comme dans ses Mémoires, où il parle de lui-même avec si peu de déguisement, il emploie perpétuellement ces expressions et ces images de théâtre, de comédie ; il considère le tout uniquement comme un jeu, et il y a des moments où, parlant des principaux personnages avec qui il a affaire, il s’en rend compte et en dispose absolument comme un chef de troupe ferait pour ses principaux sujets. […] Maintes fois, il le reconnaît lui-même, il manquait de bon sens dans les déterminations, et il est des circonstances où il se reproche de n’en avoir pas eu un grain ; il était sujet à des éblouissements, à des coups d’imagination dont savent se préserver les hommes de qui la pensée doit guider et gouverner les empires. […] Bazin, en lisant cela, n’ait pas à l’instant reconnu et salué Retz comme un maître, sauf ensuite à le contredire en bien des cas, s’il y avait lieu ; mais l’historien qui rencontre, dès les premiers pas, dans le sujet qu’il traite, un tel observateur et peintre pour devancier, et qui n’en tire sujet que de s’efforcer à tout amoindrir et à tout éteindre après lui, me paraît faire preuve d’un esprit de taquinerie et de chicane qui l’exclut à l’instant de la large voie dans la carrière. […] quels furent les minces sujets qui amenèrent des secousses si violentes ? […] C’est à ce moment aussi qu’en artiste qu’il est la plume à la main, se considérant comme sorti du préambule et du vestibule de son sujet, il se donne carrière, et, tandis qu’il n’avait dessiné jusque-là les personnages que de profil, il les montre en face et en pied, comme dans une galerie ; il ne fait pas moins de dix-sept portraits de suite, tous admirables de vie, d’éclat, de finesse, de ressemblance, car l’impartialité s’y trouve même quand il peint des ennemis.

533. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

En commençant à vingt-trois ans à vouloir régner entièrement par lui-même, Louis XIV met au nombre de ses occupations essentielles et de ses devoirs, de noter par écrit ses actions principales, de s’en rendre compte, et d’en faire le sujet d’un enseignement à son fils qui, plus tard, pourra s’y former à l’art de régner. […] Tout supérieur qu’il est comme observateur, il a senti son maître en l’approchant, et le détail même où il entre à ce sujet nous le prouve. […] « Car enfin ce n’est pas une chose facile que de se transformer à toute heure en la manière que l’on doit », et « la face du monde où nous vivons est sujette à des révolutions si différentes, qu’il n’est pas en notre pouvoir d’y garder longtemps les mêmes mesures ». […] Mais c’est en matière de traités surtout qu’il ne croit pas qu’il faille se piquer de diligence : Celui qui veut y aller trop vite, dit-il, est sujet à faire bien des faux pas. […] Quand il se sent une passion principale et dominante, si noble qu’elle soit, Louis XIV cherche à ne pas écouter qu’elle seule, mais à la contrebalancer par d’autres qui soient également en vue de l’État : « Il faut de la variété dans la gloire comme partout ailleurs, et en celle des princes plus qu’en celle des particuliers ; car qui dit un grand roi, dit presque tous les talents ensemble de ses plus excellents sujets. » Il est des talents où il ne pense point qu’un roi doive trop exceller ; il lui est bon et honorable d’y être surpassé par les autres ; mais il doit les apprécier dans tous.

534. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Michaud n’a rien négligé pour compléter ce qu’il appelle l’enquête entreprise par lui au sujet des croisades. […] L’auteur a procédé dans son sujet graduellement, avec bon sens et bonne foi ; il n’a point de vue absolue ; il cherche ce qu’il croit la vérité, « abandonnant, dit-il, les dissertations aux érudits, et les conjectures aux philosophes ». […] Bien des documents ne lui étant survenus que pendant qu’il composait, l’auteur n’a été maître de son sujet que successivement. […] Esménard est homme de mérite, mais Michaud est toujours un mauvais sujet. » — Esménard, cet homme de mérite, devint homme de police et a mérité qu’on dît de lui ce qu’on peut lire à la page 59 des Mémoires du comte de Senffl. Mieux vaut encore être et rester un mauvais sujet comme Michaud.

535. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Pour juger du livre de Considérations qu’il leur a consacré, il y aurait à examiner ce qui a été dit avant lui sur ce sujet, à rendre à Machiavel, à Saint-Évremond, à Saint-Réal, ce qui leur est dû ; et, pour la forme, on aurait à rapprocher du discours historique de Montesquieu le discours même de Bossuet. […] C’était le plus méchant citoyen qui fût dans la République… » On est bien aise… Montesquieu, en écrivant, a tout d’un coup de ces petits mots familiers qui lui échappent, et qui dénotent toute son intimité avec ces grands sujets : il entre dans ces chapitres quelque chose du brusque et de l’imprévu de sa conversation. Ainsi sur Alexandre, il dira : « Parlons-en tout à notre aise. » Ainsi encore : « On ne peut jamais quitter les Romains… » Ou bien : « Je ne saurais quitter ce sujet… » Ou bien : « Je prie qu’on fasse un peu d’attention… », etc. J’y vois comme une espèce de geste d’un homme vif qui est plein de son sujet, qui craint en causant d’en laisser échapper quelque chose, et qui prend le bras de celui qui l’écoute. […] C’est bien en ce sens qu’il a eu raison de parler de la majesté de son sujet et d’ajouter : « Je ne crois pas avoir totalement manqué de génie.

536. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

L’opposition du sujet et de l’objet est la forme même de toute notre connaissance. En poussant jusqu’au bout cette opposition, nous finissons par nous, demander s’il ne peut exister un objet séparé du sujet, existant en lui-même et non plus seulement pour nous ; et nous formons ainsi la notion problématique d’une réalité en soi, par opposition à l’être pour nous, d’une réalité indépendante par opposition aux phénomènes dépendants de notre cerveau. […] L’opposition de ce qui existe en soi et de ce qui n’existe que pour nous est encore due à la conscience, car c’est simplement l’opposition du sujet et de l’objet, par exemple de vous et de moi, de vous qui poussez mon bras dans une direction et de moi qui résiste à votre effort ; c’est la distinction du moi et du non-moi. […] C’est cette conscience radicale, en dehors de laquelle nous ne pouvons rien concevoir, c’est cette expérience nécessaire à toutes les autres qu’on a érigée en « Raison », sans voir que, si elle semble atteindre des objets universels, c’est uniquement parce qu’elle atteint ce qu’il y a de fondamental dans le « sujet » même ; si bien que le contraire demeure pour lui inconcevable, n’étant ni réalisé ni réalisable en sa conscience. […] Il est plus logique d’admettre que le sujet pensant et voulant a un mode d’action qui se confond avec le mode d’action fondamental de l’objet pensé, et que les idées sont les réalités mêmes arrivées, dans le cerveau, à un état de conscience plus élevé.

537. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Gibert ne prétend pas cependant avoir épuisé son sujet, ni avoir parlé de tous les Rhéteurs anciens & modernes. […] Il faut mettre dans ce dernier genre toutes les Rhétoriques qui ont précédé l’Art de parler du Pere Lami de l’Oratoire, & on pourroit même y comprendre ce livre, plein de choses étrangeres à son sujet, d’idées fausses & bizarres, & qui est d’ailleurs très-superficiel. […] Il s’ouvre un plus grand théatre ; il parle dans le sanctuaire des Temples & à la face des Autels ; il traite un plus grand sujet, Jesus-Christ & ses loix, l’éternité & ses suites. […] Rapin a laissé quelques bonnes réfléxions sur ce sujet intéressant, mais elles trouverent dans le tems plusieurs critiques. […] Dans celui-ci il exclut de la chaire les discours où l’on ne traiteroit que des mystères, où l’on ne parleroit que de la vérité de la Religion, & plusieurs autres sujets que nos meilleurs Prédicateurs ont traités avec beaucoup de solidité.

538. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Il s’est conservé même à ce sujet une belle et modeste réponse de ce grand poëte. […] Ses odes ne paraîtront plus, comme on les appelait, de pompeuses digressions sur des sujets stériles. Le sujet commun à toutes, c’est la gloire de la Grèce et les épreuves viriles qui préparent cette gloire. […] « De nul homme vivant ils ne sont esclaves ni sujets. […] sujet de larmes à la nation, je suis né pour le mal de la patrie… » Et ces cris de détresse, ces échos de mutuelle douleur, se continuent, s’entrechoquent, durant une longue scène.

539. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Salons affamés de nouvelles, de sujets à l’ordre du jour, auxquels l’ancien régime parlementaire, avec ses joutes et tournois, fournissait, toutes les quinzaines à peu près, un aliment nouveau, un nouveau train de conversation ; qui sont à jeun depuis bien des années et n’ont pour ressource que de se jeter avec rage sur ces pauvres sujets littéraires, drames ou romans, qui n’en peuvent mais ! […] Mais ce ne sont pas les salons tous seuls qui m’onts donné cette crainte de parler qui, de ma part, vous étonne ; ce sont nos confrères de la presse, les gens du métier et qui ne sont pas sujets d’ordinaire à se scandaliser pour si peu. […] Cuvillier-Fleury y est plus sujet que d’autres, du moins à mon égard.

540. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Troplong : De la chute de la République romaine »

Ils étaient trop pleins de leur sujet et, en quelque sorte, trop près d’eux-mêmes ; dans leur patriotisme exclusif, ils avaient trop peu comparé et n’étaient point assez sortis de chez eux. […] Je ne m’écarte pas de ce grand sujet de César dans lequel M.  […] Ces pages d’une contexture solide, et où l’auteur s’appuie à chaque pas des témoignages et des aveux de Cicéron, m’en ont involontairement rappelé d’autres sur le même sujet et dues à une plume qu’on est toujours sûr d’avoir à louer par quelque endroit, même lorsqu’on la blâme. […] Troplong a donc utilement choisi cette période pour en faire le sujet d’une de ces études approfondies, telles qu’il en a déjà donné sur d’autres époques de l’Empire et où il a si bien analysé, avec la précision de son savoir uni aux lumières progressives, les révolutions du droit et la constitution de la société romaine.

541. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Il songe au bien de ses sujets, mais seulement parce que ce bien entre comme un but accessoire dans les desseins d’un grand roi. […] Il prévoit, il ordonne, il châtie, il récompense, il distribue à ses sujets leurs emplois, il fait servir à ses desseins ses adversaires, il perce leurs complots, il défait leurs ligues, il prépare dans ses profonds conseils le jour glorieux qui confondra leur rage impuissante, et qui établira ses serviteurs, selon son choix et selon leurs mérites, dans le rang qu’il leur a d’avance assigné. […] 151 Il est vrai qu’un jour il se souvient de sa majesté officielle, et ordonne « à tout ce qui respire de s’en venir comparaître aux pieds de sa grandeur. » Mais peut-on rester sublime parmi de tels sujets ? Tels sujets, tels maîtres.

542. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

Volontiers aussi les faiseurs de chansons se regardaient eux-mêmes et disaient leur vie, ses joies et ses misères ; les pauvres diables qui attendaient leur subsistance de la libéralité des nobles patrons ou des auditeurs populaires, étaient amenés à se prendre pour sujets de leurs chansons comme de leurs fabliaux. […] Il s’y complaît au reste, et il n’y a sujet si grave où il ne suive librement sa fantaisie : voyez par quelle cascade d’homonymes, Marie, mari, marri, Marion, marié, se clôt la dévote narration et la pénitence de Marie l’Égyptienne. […] En tout sujet, quelque idée qu’il manie, il aperçoit une réalité concrète : c’est un ancêtre de Régnier. […] Et en général, quelque sujet qu’il touche, lieu commun de morale, hypocrisie ou vice des moines, exhortation à la croisade, on ne saurait manquer d’admirer l’ampleur, le mouvement, la vigueur de sa poésie.

543. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VIII. Des romans. » pp. 244-264

On trouve dans la plûpart plus de fadeur que de véritable tendresse ; les conversations de ses héros sont longues & ne roulent que sur de sujets frivoles. […] Ses réfléxions exprimées avec noblesse, sont rarement amenées par le sujet ; elles paroissent quelquefois d’autant plus déplacées que l’auteur les fait à la suite de quelque intrigue, qui a non-seulement attendri, mais amolli les lecteurs. […] Il auroit été à souhaiter que l’auteur qui a fourni des sujets à tant de petits drames, eût mieux observé le costume, en représentant les mœurs antiques ou étrangeres. […] Ils sont écrits agréablement & avec l’aménité que le sujet demande.

544. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Peut-être la Fable offre-t-elle plus de sujets doux et agréables ; peut-être n’avons-nous rien à comparer en ce genre au Jugement de Pâris : mais le sang que l’abominable croix a fait couler de tous côtés, est bien d’une autre ressource pour le pinceau tragique. […] Sans contredit, j’aime mieux voir la croupe, la gorge et les beaux bras de Venus que le triangle mystérieux ; mais où est là-dedans le sujet tragique que je cherche ? […] Le poète dispose son sujet relativement aux scènes dont il se sent le talent, dont il se croit tirer avec avantage. […] Si vous voulez être étonné, allez à Saint-Martin des Champs voir le même sujet traité par Jouvenet.

545. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

En effet, si, dans son livre sur les Césars, où il s’agit bien moins de ces hommes, qui totalisèrent dans leur personnalité monstrueuse les vices et les grandeurs de leur temps, que de la société même qu’ils dominaient, de cette plante sanglante et pourrie par le sang qui l’avait abreuvée et dont eux, les Césars, étaient la fleur immense, éclatante et vénéneuse, Champagny, pour nous en montrer les racines, creuse plusieurs civilisations ; si, dans son livre, l’érudit ne défaille jamais ; si l’antiquaire, aux yeux de lynx, voit ce qu’il y a de faits inobservés derrière un bas-relief ou un lambeau d’inscription ; s’il y a tour à tour en lui, pour les besoins de son histoire, du Champollion et du Cuvier ; et si, enfin, planant sur le tout, pénétrant tout, le moraliste achève de clarifier un sujet où l’énormité des choses les rend presque incompréhensibles, pouvons-nous dire que l’homme politique se montre, dans ce beau livre, au même degré que l’antiquaire, le moraliste et l’érudit ? […] Grand sujet qu’il n’a pas traité, et qui lui aurait servi à dégager les premiers rudiments de cette centralisation du pouvoir dont l’origine est romaine, et qui, depuis l’Empire jusqu’à nos jours, n’a pas cessé de se préciser parmi les modernes, à travers tous les retards et tous les obstacles ! […] Si on comparait leurs ouvrages, peut-être trouverait-on plus d’art et d’harmonie dans le livre de Lerminier, quoique celui de Champagny dût peut-être en avoir davantage, si on songe à l’unité du sujet qu’il avait entrepris. Ce sentiment de l’unité de son sujet s’est affaibli — et on le conçoit — dans les mille recherches de la vie privée et publique, deux terribles complications du temps des Césars !

546. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

On y reconnaît la plume d’un homme fait pour mieux que pour écrire des biographies, si réussies qu’elles soient, et très capable de lutter contre les grands sujets historiques et leurs excitantes difficultés. […] Il ne le pouvait pas, du reste, dans le cadre étroit où le choix de son sujet le place et devait le retenir. […] … D’un esprit politique trop ferme pour ne pas comprendre la grandeur de Richelieu, tout en l’accusant, il a été entraîné, charmé, par son sujet ; mais il reprendrait tout son regard demain, s’il rencontrait Richelieu ailleurs qu’entre l’échafaud de Montmorency et la cellule de sa femme. […] Il s’agit d’une faculté plus rare, la faculté d’être entièrement pénétré par le sujet qu’on traite, que n’ont pas, certes !

547. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Edgar Quinet. L’Enchanteur Merlin »

Mais difficilement me refusera-t-on l’honneur d’avoir abordé les grands sujets, composé de vastes ensembles, suivi le fil des immenses labyrinthes, porté le fardeau des hardies inventions, en un mot, tenté les voies qui demandent non pas un essor pindarique d’un moment, mais une aile infatigable pour parcourir, sans se lasser, le champ de l’épopée. […] La plupart, sinon tous (et je ne vois guère que Shakespeare qu’on puisse excepter), n’ont presque jamais eu dans l’esprit qu’un seul sujet qu’ils reprennent, retournent, renouvellent et transforment ; préoccupation qui n’est qu’un esclavage sublime, thème incommutable, posé par Dieu dans leur pensée, et sur lequel ils sont condamnés, pour toute gloire et pour tout génie, à faire d’éternelles variations ! Malheureusement ce sont ces variations qui manquent dans Merlin au vieux sujet d’Ahasverus. […] Ce jour-là, et sur un sujet qui n’a eu que ses Pindares d’un moment, comme dit orgueilleusement M. 

548. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Prosper Mérimée. » pp. 323-336

Il pouvait tenailler et reforger à froid des sujets qui avaient passé sur des enclumes plus brûlantes que la sienne, mais qui gardaient sous son marteau des empreintes et des contournements qu’il n’était pas de force à effacer. […] L’autre Mérimée, l’homme de la double vocation, l’historien et l’antiquaire viendront ailleurs… En ces derniers temps, celui-ci a publié deux livres d’histoire, où la vocation de l’ancien romancier, — indécise comme toute vocation partagée, — se trahit encore dans le choix des sujets qu’il a essayé de traiter. Il est évident, en effet, que l’imagination de l’auteur de Carmen et de la Chronique de Charles IX se reconnaît, quoique affaiblie, dans les sujets qui l’ont attiré, et qui sont, à coup sûr, les sujets les plus romanesques de l’histoire.

549. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat. (suite et fin) »

Dans sa troisième manière, qui date de l’Oraison funèbre de la reine d’Angleterre (1669), ce sont les sujets qui sont plus en vue et plus glorieux ; mais, lui, il ne fera qu’y appliquer les puissances qu’il possédait déjà, et les magnificences dont bien souvent jusqu’alors il ne savait que faire. […] Bossuet avait déjà traité ce sujet de saint Paul ailleurs et dans un tout autre ton, si l’on en juge par ce mot du texte qui est resté et qui avait servi à désigner ce premier panégyrique : Surrexit Saulus ou Paulus… On disait, en parlant de ce sermon, le Surrexit Paulus de l’abbé Bossuet. […] Les glorieuses bassesses du christianisme, tel est son sujet ; il est, en parlant ainsi, dans le plus vrai sens et dans le plus vif du christianisme ; il nous en dit le secret, il nous en fait toucher du doigt la clef de voûte au moral, au sens divin.

550. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

Brieux, quoique — et peut-être parce que — traitant un sujet plus médical encore102, les a délibérément proscrits, ces mots dangereux et, « bien que fort renseigné sur le sujet dont il parle, n’a pas adopté absolument les termes spéciaux, le style particulier du traité de pathologie » 103 ; délibérément, disons-nous, et nous récusons la suite du commentaire : « on dirait presque que c’est à son insu et qu’il les aurait employés s’ils lui étaient venus sous la plume » 104. […] Il les a délibérément évincés, et cela, dès l’Évasion, dont le sujet, l’Hérédité maîtresse, eût pleinement toléré de documentaires et techniques tirades.

551. (1823) Racine et Shakspeare « Chapitre III. Ce que c’est que le Romanticisme » pp. 44-54

Cent ans de guerres civiles et de troubles presque continuels, une foule de trahisons, de supplices, de dévouements généreux, avaient préparé les sujets d’Élisabeth à ce genre de tragédie, qui ne reproduit presque rien de tout le factice de la vie des cours et de la civilisation des peuples tranquilles. […] Picard, qui n’aurait besoin que d’être écrite par Beaumarchais ou par Sheridan, pour être délicieuse, a donné au public la bonne habitude de s’apercevoir qu’il est des sujets charmants pour lesquels les changements de décorations sont absolument nécessaires. […] Chénier eût vécu, cet homme d’esprit nous eût débarrassés de l’unité de lieu dans la tragédie, et par conséquent des récits ennuyeux ; de l’unité de lieu qui rend à jamais impossibles au théâtre, les grands sujets nationaux : l’Assassinat de Montereau, les États de Blois, la Mort de Henri III.

552. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

On parle, à ce sujet, d’un M. […] Ses ennemis affecterent de prendre ce ménagement pour de la timidité ; ils prétendoient qu’il n’osoit pas imprimer sa Piece, & lui adresserent, à ce sujet, les défis les plus plaisans du monde. […] S’il se plaint que nous avons renchéri sur notre premiere critique, qu’il se souvienne que le but de cet Ouvrage est de tendre à la perfection ; & s’il nous accusoit de contradiction à son sujet, qu’il apprenne que se corriger n’est pas se contredire, & qu’en fait de jugemens littéraires, comme en matiere de testamens, les derniers sont toujours les meilleurs.

553. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Il avoit écrit qu’elle pouvoit se plier à tous les sujets, & il ne vouloit pas qu’on eût recours à d’autre pour les monumens publics. […] Santeuil fit, à ce sujet, une élégie. […] Le François n’a-t-il pas autant de précision & de force qu’il en faut pour ces sortes de sujets ?

554. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

De la manière Sujet difficile, trop difficile peut-être, pour celui qui n’en sait pas plus que moi ; matière à réflexions fines et profondes, qui demande une grande étendue de connaissances, et surtout une liberté d’esprit que je n’ai pas. […] Dans des sujets flamands, peut-être serait-elle moins répréhensible ; peut-être la constitution lâche, molle et replète, étant bien d’un Silène, d’une bacchante et d’autres êtres crapuleux, conviendrait-elle tout à fait dans une bacchanale. […] Puisqu’il y a des groupes de commande, des masses de convention, des attitudes parasites, une distribution asservie au technique, souvent en dépit de la nature du sujet, de faux contrastes entre les figures, des contrastes tout aussi faux entre les membres d’une figure, il y a donc de la manière dans la composition, dans l’ordonnance d’un tableau.

555. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Wallon »

Fidèle aux traditions qui la gouvernent, cette maison, historique elle-même, a voulu que le plus beau sujet historique qu’il y eût dans l’histoire de France fût traité avec une magistralité si grandiose et un ensemble si complet qu’après ce livre il n’y eût plus à revenir sur ce sujet, et que la matière en fût épuisée. […] En attendant les miracles de son tombeau, nécessaires à la canonisation dont Rome, dit-on, s’occupe en ce moment, Wallon a posé le miracle, visible et tangible, des apparitions de l’héroïque Mystique qui a sauvé la France, et c’est ainsi qu’il aidera pour sa part à cette canonisation désirée… C’est, je crois, la première fois qu’un membre de l’Académie des Inscriptions ose, sur le sujet le plus contesté et le plus en proie aux fascinantes explications des imaginations hostiles, confirmer nettement la réalité du surnaturalisme dans l’Histoire, quand la tendance générale et presque universelle est de l’en chasser.

556. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Léon Bloy »

Il n’a pas mis servilement son pied dans l’ornière lumineuse d’un sujet où le char de feu d’un grand talent avait déjà passé. Mais il a pensé sur ce sujet, en son propre et privé nom, avec une profondeur et une énergie nouvelles. […] Je ne vois guères que l’auteur des Pensées pour avoir sur ce grand sujet, oublié par Bossuet, cette aperception suraiguë dans le regard, cette force dans la conception d’un ensemble, cette profondeur d’interprétation et cette majesté de langage, aux saveurs bibliques.

557. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

L’obsequium des affranchis, ayant peu à peu disparu, et la puissance des patrons ou seigneurs s’étant en quelque sorte dispersée dans les guerres civiles, où les puissants deviennent dépendants des peuples, cette puissance se réunit sans peine dans la personne des monarques, et il ne resta plus que l’ obsequium principis , dans lequel, selon Tacite, consiste tout le devoir des sujets d’une monarchie . […] Les plébéiens qui reçurent alors le domaine bonitaire des champs que les nobles leur avaient assignés, et qui furent dès lors sujets à des charges non-seulement personnelles, mais réelles, durent être désignés les premiers par le nom de mancipes, lequel resta ensuite à ceux qui sont obligés sur biens immeubles envers le trésor public. […] Les biens ex jure optimo des Romains, les alleux du moyen âge, ont fini également par être des biens immeubles libres de toute charge privée, mais sujets aux charges publiques.

558. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

La reconnaissance d’un objet présent se fait par des mouvements quand elle procède de l’objet, par des représentations quand elle émane du sujet. […] Au cours d’expériences récentes, entreprises d’ailleurs dans un tout autre but 10, les sujets déclaraient précisément éprouver une impression de ce genre. […] Le sujet ne reconnaissait plus, sans doute, les rues de sa ville natale, en ce qu’il ne pouvait ni les nommer ni s’y orienter ; il savait pourtant que c’étaient des rues, et qu’il voyait des maisons. […] Dans un autre cas cité par le même auteur 63, le sujet avait oublié des langues qu’il avait apprises et aussi des poèmes qu’il avait écrits. […] Dans cet exemple, les mouvements exécutés par le sujet ont tout l’air d’être des signaux adressés à une mémoire Indépendante.

559. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » pp. 531-533

Versification leste, piquante, coupée avec une agréable variété : morale saine, ingénieuse, utile, & très-heureusement exprimée : fécondité d’invention dans les sujets, dans les tournures, dans les détails, dans les applications : imitations heureuses des graces ingénues de l’Auteur de Joconde : telles sont les richesses que la Muse de ce nouveau Fabuliste offre aux Amateurs de l’Apologue & du Conte, c’est-à-dire à toute espece de Lecteurs. Serons-nous encore accusés d’être trop séveres, si nous remarquons que, dans certaines de ses Fables, le naturel n’est pas toujours aussi bien saisi qu’il pourroit l’être ; que ce qu’on appelle les mœurs dans les animaux, n’est pas d’accord avec les idées que nous en avons ; que la moralité vient quelquefois trop brusquement, & n’est ni aussi juste, ni aussi saillante, que le récit le promettoit, & que, parmi ses Historiettes, il y en a plusieurs dont la trivialité du sujet n’est rachetée, ni par la nouveauté des tours, ni par l’agrément du style ?

560. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — O. — article » pp. 430-432

Si l’Historien semble quelquefois s’écarter de son sujet, ce n’est que pour y répandre un jour plus lumineux, en rappelant des objets qui tendent à l’éclaircissement du sujet principal.

561. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Mystères. » pp. 35-37

On mêlait aux sujets les plus respectables les plaisanteries les plus basses, et que l’intention seule empêchait d’être impies ; car, ni les auteurs, ni les spectateurs, ne faisaient une attention bien soutenue à ce mélange extravagant, persuadés que la sainteté du sujet couvrait la grossièreté des détails.

562. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

Et à ce sujet, je suis tenté de revenir sur des paroles prononcées à cette tribune par le préopinant et qui provoquèrent une indignation dont MM. le comte de Ségur d’Aguesseau et le baron Dupin se rendirent les interprètes. […] Sainte-Beuve continuer la discussion, je trouverai l’occasion de revenir sur ce sujet. […] Ce qui fait que les juifs ont dû être admis comme citoyens, et qu’ils sont aujourd’hui honorés et respectés dans toute réunion et assemblée publique et politique, c’est qu’il a été démontré qu’on peut être de cette religion, de cette opinion, sans être pour cela ni moins honnête homme, ni moins bon citoyen, ni moins fidèle sujet (dans les pays où il y a des sujets), ni moins exact à remplir tous les devoirs de la famille et de la société. […] Car enfin comment voulez-vous, rien qu’à considérer la composition de cette assemblée, que nous puissions statuer et conclure pertinemment et librement sur de tels sujets ? […] Ce serait pour un moraliste, pour un nouveau La Bruyère ou pour un nouveau Molière, un bien beau sujet et plus vaste qu’aucun de ceux qu’a pu offrir une cour ou une classe restreinte de la société en ce temps-là, sous l’ancien régime.

563. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Ils ont employé les couleurs et les lignes dans un pur agencement symphonique, insoucieux d’un sujet visuel à peindre directement. […] Il nous rend, aujourd’hui, le même sujet, mais agrandi, un peu modifié, toujours charmant. […] Puis il osa peindre de jolis poèmes sans nul sujet décrit, des jeux de nuances, délicates et larges. […] Leurs sujets ? […] Mais nulle part, vraiment, le sujet n’importe aussi peu.

564. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Il y aurait, Monsieur, beaucoup à dire sur ce sujet, et sur d’autres encore ; mais qui voudrait m’écouter ? […] Souvestre sur le sujet touché plus haut. […] la parole sur tous les sujets qui tiennent au monde moral, n’est-elle pas réduite à l’approximation ? […] À côté de son sujet, comme dans son sujet, M.  […] L’auteur a trop fait passer de son sujet dans son langage le gigantesque et l’énorme.

565. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 115-117

Pour mériter des suffrages éclairés, il ne suffit pas d'avoir un coloris brillant, le style passager du jour, de savoir dialoguer une Scene, égayer un instant par de bons mots ; il faut inventer un sujet, le dessiner avec justesse, le développer avec grace, le conduire à un dénouement facile & pourtant imprévu. Il faut encore posséder l'art d'enchaîner naturellement les Scenes, d'exposer des caracteres variés & soutenus, d'amener des situations comiques qui sortent du sujet, de plaire enfin au Spectateur, sans l'égarer dans des routes nouvelles, & par-là même suspectes.

566. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 392-394

Nous connoissons peu d’Ecrivains parmi nous, plus en état de manier un sujet historique, sur-tout pour la partie Biographique. […] Les réflexions n’y sont point parasites ; elles naissent du sujet, & n’occupent le Lecteur qu’autant qu’il faut pour l’éclairer & répandre de la variété dans la narration.

567. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Ce que mon sujet m’obligera de dire sur le succès des vers et des tableaux, sera une nouvelle preuve de ce que j’ai déja dit touchant le mérite le plus essentiel et le plus important de ces ouvrages. […] Ces personnes sont sujettes à faire souvent un mauvais rapport par les raisons que nous exposerons.

568. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Je me suis trouvé, vis-à-vis de lui, sans le vouloir, et par le simple fait de priorité, un concurrent et un voisin pour certains sujets. […] J’arrivais : il fallait conserver le coin déchiré du journal, sujet à s’égarer ; M.  […] Les livres qu’il avait gardés de son père sont sur tous sujets. […] Saint-René Taillandier dans la Revue des Deux Mondes (du 15 janvier 1864), et réfutation. » Il s’agissait d’une assertion erronée au sujet des relations de M.  […] Je l’obtins surtout pour avoir fait une pièce de vers latins sur le sujet qui nous avait été proposé de la mort du duc de Berry.

/ 3167