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315. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Taine à son insu, pour le suivre longtemps du regard, sans oser jamais ni l’aborder ni même le saluer. […] Il suit de là que les mots de bien et de mal cessent d’avoir leur signification usuelle. […] Une foule le suit, implorant la Madone. […] Cette pensée, sa main ne fait que la suivre, en la rendant agissante. […] Il a eu le courage de refaire dans la marche d’Ancône le parcours suivi par l’auteur au quinzième siècle.

316. (1911) Études pp. 9-261

Il les mène, lents et suivis. […] Le crayon suit avec volupté la close ligne de sa perfection. […] La vie naît et meurt sans cesse : la parole suit son alternatif et perpétuel battement. […] Aussi, malgré l’absence de toute direction abstraite, jamais on n’est embarrassé pour suivre cette mélodie ; on la suit comme on aime ou comme on souffre, sans davantage s’interroger. […] Cinq Grandes Odes suivies d’un Processionnal pour saluer le siècle nouveau, p. 75.

317. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Mais ne peut-on s’inspirer des anciens sans être accusé de suivre servilement leurs traces ? […] Qu’il nous suffise d’en suivre rapidement la marche en Allemagne. […] Où sont cependant les œuvres suivies de sa bonté ? […] Suivons Antoine, qui s’exile d’Ostrau et se dirige, le cœur léger, vers la grand’ ville. […] En tout le reste, il suit presque servilement la traduction de Deyverdun.

318. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Une dame, qui sort et qui est contrariée d’être suivie, s’adresse au premier venu, et le prie de la débarrasser de l’importun. […] C’était là justement la proportion de notre armée en face de l’armée allemande. — Mais je veux suivre la comparaison de M.  […] En effet, suivons les conséquences. […] Partout où j’allais, il semblait me suivre, car je l’ai trouvé à tous les étages de l’amphithéâtre. […] Bref, en 1789, il connaissait la France et l’Europe. — Pendant les dix années qui suivent, il est au bon endroit pour juger les événements.

319. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

L’aisance dont jouissait la famille d’Étienne engagea cependant ses parents à lui faire suivre le cours des études classiques. […] Langlois, dit-il à l’élève qui (p. 62) suivait, votre figure est bonne, il faut peindre ; c’est dit. » Et l’élève devint rouge de plaisir. […] Tâchez de dessiner, mon cher Granet, mais suivez votre idée. […] Partout la trahison, à l’œil louche et perfide, la mort et la dévastation le suivent. […] Dubois insista pour les retenir, mais Étienne tint bon et força Alexandre de le suivre.

320. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Sarah Bernhardt » pp. 14-18

Son temps haletant la suit et l’applaudira quand, pour résumer et sceller toutes les aspirations éparses de l’heure, elle évoquera les splendeurs du Bas-Empire, bâtira au milieu de nos brouillards industriels, un décor fleuri et somptueux de Byzance et dressera sur les imaginations éblouies l’image de Théodora, impératrice d’Orient. […] Elle sera « l’Empire à la fin de la décadence », comme Verlaine, et les poètes nouveaux la suivront des yeux comme une éblouissante vision de rêve.

321. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

Quand les affaires publiques font le fil de l’Histoire, il est toujours suivi : quand les Rois n’y sont considérés qu’autant qu’ils ont servi à les faire changer, on les y fait entrer avec bien plus d’agrément, que lorsqu’on se met en tête de ne parler des affaires que selon qu’elles servent à relever ou diminuer la gloire des Rois. Il n’est permis de suivre toutes les années d’un Prince, & toutes ses actions en détail, que quand on entreprend d’écrire sa Vie en particulier ; alors on peut ne parler des affaires, que pour le faire paroître tel qu’il a été : mais en écrivant l’Histoire d’une Nation, il ne faut parler des Princes, que pour faire paroître quels ont été les différens ressorts de l’Etat.

322. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

. — Procédé général et voie économique que suit la nature dans la construction de l’esprit. […] Le sulfate de soude est franchement salé en avant, et franchement amer en arrière. » L’acétate de plomb, frais, piquant, styptique en avant, devient sucré en arrière. — Il suit de là qu’une sensation ordinaire de saveur, outre les quatre éléments qui peuvent lui être fournis par les sensations adjointes, peut posséder par elle-même plusieurs éléments distincts. […] Une molécule arrive au contact d’une fibrille olfactive ou d’une papille gustative ; là se produit dans la molécule un système de mouvements atomiques, et dans la fibrille une action correspondante suit ; une seconde molécule semblable arrive au même point ; un second système semblable de mouvements atomiques se produit, et dans la même fibrille une seconde action correspondante toute semblable suit. […] Mais il y en a d’autres ; car, de ce qu’il y a une condition spéciale, il ne suit pas forcément que cette condition soit la présence d’un nerf spécial. — Deux autres explications sont possibles. […] Enfin, si l’on suit jusqu’au bout les analogies, on arrive à concevoir la sensation excitée par chaque onde élémentaire éthérée sur le modèle de la sensation excitée par chaque onde élémentaire aérienne, c’est-à-dire comme une série infinie de sensations successives infiniment courtes et croissantes d’un minimum à un maximum à travers une infinité de degrés.

323. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Brandimont est suivi par Fiordalisa, sa maîtresse, qui le poursuit à son tour de contrée en contrée. […] dit-elle, après les grandes fêtes qui suivirent les combats, mon cher Zerbin retourna en Écosse ; je restai seule, pensant à lui le jour et la nuit. […] Son ami, croyant qu’il est suivi par Médor, fuyait à toute course ; car, s’il avait su qu’il l’abandonnait ainsi à son sort, il aurait affronté mille morts au lieu d’une. Les cavaliers de Zerbin les enveloppent, mais un bois ténébreux offre un asile impénétrable aux deux amis ; ils s’y jettent, on les suit. […] Après ces pieux devoirs accomplis, il suit Angélique où il lui plaît de le mener ; elle le conduit par compassion dans l’humble cabane du berger resté auprès d’elle.

324. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

L’ingrat Torquato suivit la princesse à Casandoli, séjour de paix et d’intimité ; mais il s’en échappait souvent pour revenir à Ferrare adorer et célébrer, dans des vers passionnés, la comtesse de Scandiano. […] Peu de jours après, Alphonse vint en effet ouvrir lui-même la porte au poète, et, pour hâter sa convalescence, il l’envoya, libre et suivi d’amis et de médecins, dans son délicieux palais d’été de Bello Sguardo. […] Toute la prudence du poète se borna à éviter les grandes villes, telles que Bologne, Florence, Rome, qui se trouvaient sur sa route, à suivre les chemins les moins frayés et à ne demander l’hospitalité que dans les hameaux ou dans les chaumières. […] Le Tasse suivit sous ses yeux le traitement que ces hommes de l’art appliquaient au soulagement de la mélancolie, traitement conforme à celui qu’il avait suivi à Ferrare, mais secondé ici par l’air natal, la sécurité, la sollicitude d’une sœur. » La force revint avec la santé ; mais l’inquiétude d’esprit revint avec la force. […] Tandis que nous étions ainsi à converser vint un jeune homme, moins âgé que l’autre, mais non moins beau, qui nous dit que son père était rentré, et, en effet, il arriva aussitôt suivi d’un valet à pied et d’un autre à cheval.

325. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Tout suivra bientôt, et tous les genres conformes au génie du temps en quelques années toucheront leur perfection. […] C’était plus neuf alors ; et du reste l’important, c’est qu’il ait songé à donner des caractères, à suivre des sentiments, à marquer des nuances, des actions, des progrès. […] Le roman ne suivit pas tout à fait la voie où l’avait mis D’Urfé : de pastoral il se refit héroïque, et mêla les deux traditions de l’Amadis et de l’Astrée. […] Biographie : Honoré d’Urfé, né à Marseille en 1568, suivit le parti de la Ligue et la fortune du duc de Nemours, et se relira en Savoie après le triomphe de la cause royale. […] Il suivit en 1645 Marie de Gonzague en Pologne, où elle allait épouser le roi Ladislas Sigismond.Édition :Œuvres complètes, Bibl. elzév., Paris, 1855, 2 vol. in-16.

326. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre III. Pascal »

L’individu suit sa passion, cherche son plaisir, rejetant toute règle : et quelle règle plus gênante que la règle chrétienne ? […] Ces libertins du monde n’avaient pas de doctrine arrêtée : ils se moquaient des mystères et des dévots, affichaient la tolérance, prétendaient suivre seulement la raison et la nature, et vivaient en gens pour qui c’est raison de satisfaire à leur nature. […] Pascal entama donc ses démonstrations, sûr d’être au moins suivi. […] Il n’y a pas eu de rupture dans sa vie intellectuelle : il y a eu une évolution continue, au terme de laquelle il a tout quitté pour suivre Jésus-Christ. […] Nicole (1628-1695) suivit Arnauld en exil, mais se lassa et obtint de l’archevêque de Paris la permission de rentrer à Paris.

327. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Les événements de cette histoire, ce sont les vérités conquises ; le détail où il entre, dans les traités qui suivirent, c’est la suite des raisonnements qui ont amené et assuré ces conquêtes. […] Il suivait en cela la prescription de saint François de Sales contre les passions, dont on parvient à se défendre, dit ce saint, en parlant fort contre elles, et en s’engageant, même de réputation, au parti contraire. […] Vivre conformément à la nature, ce n’est pas s’abandonner à tous ses mouvements, à tous ses instincts ; c’est suivre la raison. […] Bossuet suit Descartes dans son beau traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même, ouvrage tout cartésien par ses principes et par son titre même. […] Nous verrons donc le français s’enrichir à la fois de la diversité des genres et de la langue personnelle de chacun des grands hommes qui vont suivre Descartes, frères par la ressemblance de la raison, différents par le tour d’esprit.

328. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Quand Hugo suivait sa nature, son génie classique il était profond et clair. […] Les inventeurs et les découvreurs suivent de tout autres instincts. […] On suit ceux qui marchent. […] Le monde n’a peut-être pas suivi la méthode cartésienne et Descartes certainement ne l’a pas suivie. Mais Descartes et le monde ont suivi l’ébranlement cartésien.

329. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Tout ce savoir ne lui donna pas l’ambition ni peut-être l’idée de la haute poésie, et il se contenta de suivre les traces de Marot, sur lequel il raffina. […] Il fit suivre son manifeste d’une satire contre la poésie à la mode, qu’il intitula le Poëte courtisan. […] Ronsard, qui le (Marot) suivit, par une autre méthode, Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode, Et toutefois longtemps eut un heureux destin. […] Ces doutes seraient à sa louange, et c’est ce qui m’y fait croire ; car, quoique rien n’annonçât encore le retour qui allait suivre cette fortune et que Malherbe n’eût pas encore taillé la plume qui devait biffer tout son recueil, Ronsard avait prouvé par plus d’une pièce, et par quelques écrits en prose, qu’il avait assez de talent pour n’être pas toujours content de lui. […] Mais montrez-moi quelqu’un qui ait changé de vie Après avoir suivi vostre belle folie.

330. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Chacun des acteurs parlera comme il doit parler ; les scènes se suivront franchement et se déduiront logiquement ; l’orchestre enveloppera la tragédie d’une atmosphère de sons appropriés, commentera les péripéties, fera comprendre les âmes et, par des mélodies typiques qui circuleront à travers toute l’œuvre, rappellera à la pensée de l’auditeur tel personnage, telle situation, telle émotion. […] À l’Opéra, néanmoins, les auteurs se croient forcés de suivre ces monstrueux errements. […] ses héros obéissent à leur tempérament, à leur situation et le drame, commenté par la symphonie, suit implacablement son cours de l’exposition au dénoûment. […] Wagner a suivi la première partie de la légende ; mais il devait omettre l’originale façon dont Iseult se déroba au roi, et les nombreuses mésaventures du vieux Marc’h. […] Les noms qui suivent sont ceux de wagnériens de la première heure.

331. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Les quelques grands seigneurs qu’il est à même d’interroger ne le tiennent pas au courant d’une manière suivie ; il attrape ce qu’il peut et ne sait la politique que de raccroc. […] Les hontes et les turpitudes de la Régence et du ministère qui suivit, cette dégradation, cette dilapidation effrénée de l’autorité publique, ces scandales d’immoralité et cette gangrène au cœur du Gouvernement trouvent en Marais un témoin à charge de plus. […] Marais le suit dès ses débuts avec intérêt, sans partialité trop marquée ni pour ni contre. […] Son grand moment de vogue et son règne, pour ainsi dire, fut sous la Régence et dans les années qui suivirent, avant que Voltaire philosophe et historien se fût tout à fait déclaré et eût pris le sceptre à son tour. […] Je ne suivrai pas Marais dans les petites marques d’humeur dont il console tant bien que mal son mécompte.

332. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

On a voulu lui contester cette pièce : elle est sûrement de lui, car elle est suivie d’une autre Conversation de Saint-Évremond avec un de ses amis à la fois Anglais et Français, M. d’Aubigny, dans laquelle les Jansénistes sont presque aussi bien drapés que les Jésuites l’étaient dans la précédente, et qui est donnée comme la revanche de celle-ci. […] Les traductions de César par d’Ablancourt, et de Quinte-Curce par Vaugelas, avaient mis ces discussions à l’ordre du jour dans le beau monde ; grâce à d’Ablancourt encore, on pouvait suivre d’étape en étape la Retraite des dix mille avec cet agréable et instructif Xénophon, de qui Gustave Adolphe avait, dit qu’il ne connaissait que lui d’historien. […] On a dans cette lettre tout un tableau de l’esprit d’un homme distingué, à le suivre dans ses goûts, dans ses lectures et dans les entretiens de l’amitié : c’est tout un inventaire moral. […] « La duchesse, au désespoir, se servit de son crédit auprès du roi Guillaume pour faire sortir sa fille d’Angleterre, et, en effet, celle-ci fut obligée de se retirer en Hollande ; mais la duchesse n’y gagna rien, car le duc d’Albemarle suivit aussitôt la duchesse de Richelieu. […] Elle se retira un beau matin en une petite maison de campagne qu’elle avait auprès de Londres, suivie de deux ou trois de ses domestiques seulement, et y porta deux grosses bouteilles d’une certaine liqueur très-forte, qui se fait avec de l’eau-de-vie et des jus d’herbes.

333. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Revenu à Aix en 1815 pour y suivre les cours de droit, il rencontra, dès le premier jour, sur les bancs de l’école, M hiers, arrivant de Marseille, et ils se lièrent dès lors de cette amitié étroite, inaltérable, que rien depuis n’a traversée. […] D’autres auraient pu croire qu’il suffisait, en commençant, d’exposer la situation du royaume, l’état de l’administration, le système des lois politiques, civiles et pénales, au moment où saint Louis arriva au trône ; l’Académie n’en demandait pas davantage ; mais l’esprit du jeune écrivain était plus exigeant : de bonne heure attentif à remonter aux causes, à suivre les conséquences, à ne jamais perdre de vue l’enchaînement, il se dit que l’influence et la gloire de saint Louis consistaient surtout dans l’abaissement et la subordination du régime féodal, et il rechercha dès lors quel était ce gouvernement féodal dans ses origines et ses principes, comment il s’était établi, accru, et par quels degrés, ayant atteint son plus grand développement, il approchait du terme marqué pour sa décadence. […] Son succès académique amena naturellement M ignet à Paris en juillet 1821, et M hiers l’y suivit deux mois après. […] On marche, on suit, on est porté. […] Ici et dans tout ce qui suivra, il est bien entendu que je ne parle que de l’ancienne diplomatie : quant à la nouvelle, là où il existe encore telle chose qu’on doive appeler de ce nom, je suis disposé à faire en sa faveur toutes les exceptions qu’on pourra désirer.

334. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

La génération qui nous suivra examinera peut-être aussi la cause et l’influence de ces deux années ; mais nous, les contemporains, les compatriotes des victimes immolées dans ces jours de sang, avons-nous pu conserver alors le don de généraliser les idées, de méditer des abstractions, de nous séparer un moment de nos impressions pour les analyser ? […] À l’instant, où pour suivre la comparaison, l’un des deux lutteurs perd un moment l’avantage, il terrasse l’autre qui se venge en le renversant à son tour. […] Tout invite la France à rester république ; tout commande à l’Europe de ne pas suivre son exemple : l’un des plus spirituels écrits de notre temps, celui de Benjamin Constant, a parfaitement traité la question qui concerne la position actuelle de la France. […] Enfin, le cœur se flétrit, la vie se décolore ; on a des torts à son tour qui dégoûtent de soi comme des autres, qui découragent du système de perfection dont on s’était d’abord enorgueilli ; on ne sait plus à quelle idée se reprendre, quelle route suivre désormais ; à force de s’être confié sans réserve, on serait prêt à soupçonner injustement. […] Pourrait-on aussi me reprocher de n’avoir pas traité séparément les jouissances attachées à l’accomplissement de ses devoirs, et les peines que font éprouver le remord qui suit le tort, ou le crime de les avoir bravé ?

335. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

D’autres lapidaires, d’autres bestiaires suivront, attestant et le succès du genre et l’ineptie scientifique des lecteurs, d’autant plus extravagants que la description des choses naturelles s’y mêlera davantage de moralisations allégoriques. […] Les exemples à suivre ne lui manquaient pas. […] Il est aisé de suivre l’enchaînement des idées de Jean de Meung et de voir comment tout son système a pu s’attacher à la fiction du Jeune Homme amoureux de la Rose. […] Que plus sage et plus vertueux est celui qui, en simplicité de cœur, suit l’instinct de la nature ! […] Suivre la nature, c’est la raison, et c’est la vertu.

336. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XIV, l’Orestie. — Agamemnon. »

Et lui-même, méditant des actions perverses, il invita Agamemnon à le suivre avec ses chevaux et ses chars, et il mena ainsi à la mort le roi imprudent. […] Il se rappelle le rapt infamant d’Hélène, et Ménélas consterné dans sa maison vide. — « L’époux est là muet, outragé, son visage est tranquille, mais il suit par-delà les mers l’épouse disparue. […] Cette femme qui m’a suivi, c’est la fleur choisie dans l’amoncellement du butin, c’est le don que m’a fait l’armée. » Ce rôle si court dessine en quelques traits une figure auguste. […] Ici l’oracle est instantané, le meurtre qu’il annonce suit sa parole aussi rapidement que le coup de foudre suit l’éclair. […] De son côté, Égisthe appelle ses sicaires aux armes ; la lutte s’engage, le sang va couler. — A ce moment, un vague remords remue Clytemnestre, elle est assouvie et elle est troublée ; l’accablement qui suit les fureurs consterne son âme.

337. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Mirabeau répond à cette crainte, et il le fait avec une sincérité incontestable dont il a donné assez de preuves dans ce qui a suivi. […] Nous ne l’y suivrons que bien rapidement. […] La marquise, au bruit, accourt et veut les arrêter ; elle ne peut modérer leur zèle, et, dans son angoisse, elle prend le parti de les suivre. […] Elle n’y était pas plutôt arrivée que Mirabeau l’y suivit. […] Pourtant, quand on suit Sophie dans ses lettres manuscrites, on croit apercevoir qu’elle n’était guère au moral que ce que Mirabeau l’avait faite ; il l’avait élevée, il l’avait exaltée : lui s’éloignant, elle baisse, elle se rapetisse, elle tombe dans les misères et les mesquineries de ses alentours.

338. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

C’est la marche inverse qu’il faut suivre. […]   Mais nous venons de prononcer le mot « réalité » ; et constamment, dans ce qui va suivre, nous parlerons de ce qui est réel, de ce qui ne l’est pas. […] Fort heureusement nous n’avons à nous occuper, dans tout ce qui va suivre, que d’une seule réalité, le temps. Dans ces conditions, il nous sera facile de suivre la règle que nous nous sommes imposée dans le présent essai : celle de ne rien avancer qui ne puisse être accepté par n’importe quel philosophe, n’importe quel savant, — rien même qui ne soit impliqué dans toute philosophie et dans toute science. […] Donc, dans ce qui va suivre, quand nous voudrons savoir si nous avons affaire à un temps réel ou à un temps fictif, nous aurons simplement à nous demander si l’objet qu’on nous présente pourrait ou ne pourrait pas être perçu, devenir conscient.

339. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Mais cette rigueur vient de ce qu’on a opéré sur une idée schématique et raide, au lieu de suivre les contours sinueux et mobiles de la réalité. […] Je voudrais suivre avec vous quelques-unes d’entre elles. […] Suivons donc le fil de l’analogie et cherchons jusqu’où la conscience s’étend, en quel point elle s’arrête. […] De même, la conscience est incontestablement liée au cerveau chez l’homme : mais il ne suit pas de là qu’un cerveau soit indispensable à la conscience. […] Ce serait le cas de suivre plusieurs nouvelles lignes de faits, que nous verrions encore converger sur un seul point.

340. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Elle a pour fonction première d’évoquer toutes les perceptions passées analogues à une perception présente, de nous rappeler ce qui a précédé et ce qui a suivi, de nous suggérer ainsi la décision la plus utile. […] Je vois que ma perception paraît suivre tout le détail des ébranlements nerveux dits sensitifs, et d’autre part je sais que le rôle de ces ébranlements est uniquement de préparer des réactions de mon corps sur les corps environnants, d’esquisser mes actions virtuelles. […] Nous étions amenés ainsi à suivre dans toutes ses évolutions le mouvement progressif par lequel le passé et le présent arrivent au contact l’un de l’autre, c’est-à-dire la reconnaissance. […] Les adversaires de l’associationnisme l’ont d’ailleurs suivi sur ce terrain. […] L’intérêt d’un être vivant est de saisir dans une situation présente ce qui ressemble à une situation antérieure, puis d’en rapprocher ce qui a précédé et surtout ce qui a suivi, afin de profiter de son expérience passée.

341. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Taine prend plaisir à rassembler dans les analyses qui suivent, y passant en revue les différentes classes de la société du xviie  siècle telles qu’elles nous reviennent par le miroir du fabuliste. […] C’est extrêmement ingénieux, d’une sagacité perçante, mais fatigant à suivre et d’une lecture peu courante. […] Eh bien, hier j’ai ressenti un vrai plaisir ; on suit l’âpre échine de la montagne sous la maigre couche de terre qu’elle bosselle de ses vertèbres ; le gazon pauvre et dru, battu du vent, brûlé du soleil, forme un tapis serré de fils tenaces ; les mousses demi séchées, les bruyères noueuses enfoncent leurs tiges résistantes entre les fentes du roc ; les sapins rabougris rampent en tordant leurs tiges horizontales. […] Je n’ai donné que la partie purement pittoresque : les pages qui suivent et où l’auteur s’emparant des notions géologiques, expose et ressuscite les révolutions de ces contrées durant les âges antérieurs à l’homme, sont d’une extrême élévation et d’une vraie beauté ; la conclusion est d’une humilité mélancolique, mêlée d’un sourire, pour la race humaine éphémère. […] Nous aurons à le suivre dans son Essai sur Tite-Live et dans son livre sur les philosophes modernes.

342. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Après y avoir réfléchi, j’eus honte de cette pensée, regardant comme une bassesse de ne pas suivre son génie et de ne faire que copier les autres. […] Il y remet à leur vrai rang le Père de La Rue, le Père Gaillard, un peu surfaits alors ; il laisse le Père Bourdaloue à la première place où l’estime publique l’avait d’abord porté, quoiqu’il prétende n’avoir pas eu à se louer personnellement de lui ; voici ce qu’il en dit : « Peut-être n’y a-t-il pas eu de prédicateur plus suivi que le Père Bourdaloue, — j’ajoute, ni qui ait plus mérité de l’être. […] Terminant cette revue d’orateurs contemporains, dans laquelle on a pris assez de plaisir à l’accompagner : « Mais c’est assez parler, dit-il, des différents prédicateurs qu’on suivait le plus à Paris dans le temps que je commençai à tenir ma place parmi eux. […] Nous ne saurions le suivre avec son panégyriste durant ce premier épiscopat. […] Nul, en effet, ne s’entendait aussi bien que M. de Harlay à aller au-devant des vœux de Louis XIV, à suivre ses ordres ou à prévenir ses désirs, à le servir en tous ses desseins conçus de bonne heure, pour l’extirpation du Jansénisme, pour l’extinction de l’hérésie, pour le maintien et l’extension des droits de la Couronne, pour l’établissement et l’achèvement de cette unité, chère au monarque, dans les choses de foi, de mœurs, de discipline, de liturgie.

343. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Je désirerais parler de lui sans l’aborder comme un politique actif, ou du moins sans le suivre sur le terrain de la polémique présente. […] Pour moi, j’avais, lorsque je recommençai il y a près de trois ans ici 67 cette série d’études, un dessein que je n’ai exécuté que très-imparfaitement ; on n’accomplit jamais tous ses desseins ; le mien eût été de neutraliser le pays des Lettres, non pas de le rendre à jamais inviolable et sacré comme l’était le territoire de Delphes dans l’Antiquité, — ce serait trop demander à nos mœurs et à nos usages, —  mais de le rendre au moins plus hospitalier et plus ami, pour qu’on pût y être juste les uns envers les autres et que « les iniquités de la polémique » ne nous y suivissent pas. […] Comme il n’a été suivi d’aucune œuvre littéraire proprement dite, on ne lui avait pas rendu jusqu’ici assez de justice littérairement ni moralement. […] L’un avait le dégoût prompt et altier ; l’autre ne l’avait pas et suivait son idée à travers tout. […] Obtenez d’emblée et avant tout qu’on fasse attention et qu’on y regarde, le reste suivra.

344. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

La Noblesse crut dans le premier instant à un triomphe ; les gentilshommes, en quittant la séance, allèrent chez la reine qui leur présenta son dernier fils, le nouveau Dauphin, et leur dit : « Je le confie à la Noblesse ; je lui apprendrai à la chérir, à la regarder toujours comme le plus ferme appui du trône. » Cependant, après que le roi était sorti, suivi de la Noblesse et d’une partie du Clergé, la séance continuait ; Mirabeau lançait à M. de Dreux-Brézé le mot mémorable ; l’Assemblée s’enhardissait, s’investissait du pouvoir et faisait acte de souveraineté. […] Le 14 Juillet et les journées qui suivirent brisèrent la résistance de la Cour ; mais ce ne fut pas encore du premier coup : les imprudences qui devaient amener le mouvement d’octobre se renouvelèrent ; l’illusion de la reine dura jusqu’à la dernière heure, et vers la fin de septembre 1789, comme un de ses fidèles et dévoués serviteurs, le comte de La Marck, fort lié avec Mirabeau, faisait dire par une voie confidentielle qu’on n’eût pas à se défier de cette liaison, et qu’il avait pour objet de modérer le plus possible le grand tribun et de le préparer à être utile au roi quand on jugerait le moment venu, la reine répondit, après quelque politesse pour M. de La Marck : « Nous ne serons jamais assez malheureux, je pense, pour en être réduits à la pénible extrémité de recourir à Mirabeau. » II. […] Ce n’est pas le lieu de revenir ici sur le plan de Mirabeau : il ne fut suivi qu’incomplètement et d’après la méthode éclectique de Louis XVI ; on y substitua en partie celui de M. de Breteuil. Mirabeau voulait que le roi sortît de Paris en roi, en plein jour, non déguisé ni, certes, en domestique, sans rien de ce qui avilit aux yeux d’une nation ; il voulait aussi l’appui d’un général, de M. de Bouillé ; la guerre civile peut-être, non la guerre étrangère… La reine, cependant, commençait à reconnaître qu’il y aurait eu avantage et peut-être salut à suivre plus tôt cette voie de conciliation et d’intelligence avec quelques-uns des hommes influents de l’Assemblée. « Je crains de m’être bien trompée, disait-elle, sur la route qu’il aurait fallu suivre. » Que de variations, que de vicissitudes durant cette année (avril 1790-avril 1791) jusqu’à l’heure de la mort de Mirabeau !

345. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Malgré les lettres de recommandation dont il était muni de la part des chefs arabes de notre domination, il y fut très mal accueilli ; l’hospitalité lui fut refusée, avec accompagnement de menaces qui auraient été suivies d’exécution, s’il n’avait promptement battu en retraite. […] Les Touâreg du Sud, appartenant à l’Afrique centrale, ont été l’objet il y a quelques années, d’une exploration attentive de la part du docteur Barth, de Berlin, que notre jeune homme appelle « son savant ami et protecteur », et dont il s’attache à suivre la trace et les méthodes dans sa courageuse entreprise23. […] Son livre n’est point un Journal suivi, ce qui serait plus intéressant à coup sûr pour le vulgaire des lecteurs ; mais il a dû procéder autrement, en raison du but plus sérieux qu’il se propose. […] En marche, par exemple, lorsque le vent souffle, un voyageur ne peut suivre la trace des pas de son compagnon, si ce dernier le devance de quelques mètres seulement. […] « L’enfant, chez les Touareg, suit le sang de sa mère : — le fils d’un père esclave ou serf et d’une femme noble est noble ; — le fils d’un père noble et d’une femme serve est serf ; — le fils d’un noble et d’une esclave est esclave. — C’est le ventre qui teint l’enfant, disent-ils dans leur langage primitif24. » Dans la famille, la femme chez eux est pour le moins l’égale de l’homme.

346. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Il est des occasions où la riposte doit suivre l’attaque comme le canon répond au canon. […] Elle ne ferait presque aucune faute d’orthographe, si elle pouvait se livrer à une attention suivie. […] Dans une lettre qui a pour objet les lectures de Mme la dauphine, et où il montre la difficulté de lui en faire de suivies, il entre dans un détail minutieux qui révèle les assujettissements de cet intérieur et l’espionnage des mille argus : « Il est bien certain qu’indépendamment de la satisfaction que Mme la dauphine désirerait donner à l’impératrice sur cet objet (les lectures), elle y gagnerait beaucoup pour elle-même. Son Age et son caractère ont besoin d’un peu de gêne pour toute application suivie ; l’engagement d’écrire sur ces lectures la rendrait plus exacte et plus attentive ; mais comment écrira-t-elle ? […] Sans la flatter, on peut lui garantir qu’elle gagnerait souvent à suivre son propre jugement ; la méfiance de soi-même, vertu si rare à son âge, est portée chez elle à l’excès ; combien de fois j’en ai gémi !

347. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

A l’époque dont nous parlons, loin d’être un obstacle à suivre le mouvement littéraire, religieux ou politique, ce genre de vie était le plus propre à l’observer ; il suffisait de regarder quelquefois du coin de l’œil et sans bouger de sa chaise, et puis l’on pouvait, le reste du temps, vaquer à ses goûts et à ses amis. […]  » Ce serait en vérité se montrer bien ingrat que de chicaner Mme de Sévigné sur cette innocente et légitime passion, à laquelle on est redevable de suivre pas à pas la femme la plus spirituelle, durant vingt-six années de la plus aimable époque de la plus aimable société française8. […] Montaigne et Regnier en avaient déjà donné d’admirables échantillons, et la reine Marguerite un charmant en ses familiers mémoires, œuvre de quelques aprés-disnées : c’est le style large, lâché, abondant, qui suit davantage le courant des idées ; un style de première venue et prime-sautier, pour parler comme Montaigne lui-même ; c’est celui de La Fontaine et de Molière, celui de Fénelon, de Bossuet, du duc de Saint-Simon et de Mme de Sévigné. […] Monmerqué et de Saint-Surin que nous conseillons), mais tout suivre, tout dévider, comme elle dit ; faire pour elle enfin comme pour Clarisse Harlowe, quand on a quinze jours de loisir et de pluie à la campagne. […] Rœderer a suivi de près et démêlé tout ce qui se rapporte à l’hôtel de Rambouillet en particulier, avec une prédilection et une minutie qui ne nuisent, selon nous, ni à l’exactitude ni à l’agrément de son livre. — Il y faudrait pourtant absolument, pour les noms propres et les dates, une impression plus correcte.

348. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

Une Didon suivit bientôt Cléopâtre, Jodelle lui-même fait école, et de 1552 aux premières années du xvie  siècle, poètes tragiques et tragédies se multiplient : l’école de Ronsard fait un vigoureux effort pour acclimater chez nous le drame antique304. […] La société polie suivit ses poètes, le cardinal de Richelieu se déclara amateur passionné du genre dramatique, et les honnêtes femmes commencèrent à se risquer chez les comédiens. […] Tout érudit qu’il était, il ne suivait pas Aristote, mais la raison, lorsqu’il impliquait dans l’unité de temps l’unité de lieu dont la Poétique n’avait rien dit, et lorsqu’il réduisait l’unité de jour à cinq ou six heures pour la rapprocher autant que possible de la durée réelle du spectacle. […] La tragicomédie ou la tragédie jusque vers 1635 est précédée du Prologue, vrai boniment de foire, énorme de bouffonnerie et d’obscénité : elle est suivie de la farce, qui est salée, et souvent d’une chanson de Gautier Garguille, qui n’est pas mièvre non plus. […] Et le développement de cette action, la suspension pathétique du dénouement vient de ce que chacun des deux amants trouve en lui-même un sentiment qui l’oblige à défaire ou retarder son bonheur, et de ce que chacun d’eux trouve aussi dans l’autre un sentiment qui s’oppose à sa volonté : chez tous les deux, la piété filiale combat l’amour ; et le devoir parle à Rodrigue quand Chimène n’a encore qu’à suivre son amour, à Chimène quand Rodrigue peut de nouveau écouter son amour.

349. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Mais je suis allé voir le Champi à l’Odéon comme tout Paris y est allé ; cela m’a remis au roman du même titre et à cette veine pastorale que l’auteur a trouvée depuis quelque temps ; et, reprenant alors ses trois ou quatre romans les derniers en date, j’ai été frappé d’un dessein suivi, d’une composition toute nouvelle, d’une perfection véritable. […] L’auteur a voulu faire la contrepartie d’une composition mélancolique d’Holbein, dans laquelle on voit un misérable attelage de chevaux traînant la charrue dans un champ maigre ; le vieux paysan suit en haillons ; la Mort domine le tout sous forme d’un squelette armé du fouet. […] Les détails du départ, le premier trot de la Grise, la mère de celle-ci, la Vieille Grise, qui, paissant près de là, reconnaît sa fille au passage, et qui essaie de galoper sur la marge du pré pour la suivre, tout est peint au naturel, avec une observation parfaite et une expression vivante. […] Il s’aperçoit que cette petite Marie, à laquelle il n’avait jamais songé pour sa beauté, est plus fraîche qu’une rose de buisson, et il se détaille le gracieux portrait en concluant : « C’est gai, c’est sage, c’est laborieux, c’est aimant, et c’est drôle… Je ne vois pas ce qu’on pourrait souhaiter de mieux. » Dans le chapitre qui suit la « Prière du soir » et qui a pour titre « Malgré le froid », il y a un moment où j’ai craint qu’une brusquerie fâcheuse ne vînt gâter la pureté de l’ensemble : mais que voulez-vous ? […] Et, à ce propos, je songeais à la marche singulière que le genre pittoresque a suivie chez nous.

350. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Il vaudrait mieux ne songer qu’à la guerre, à vaincre les ennemis, et penser qu’en le faisant, on suit la volonté de Dieu. […] La portion la plus agréable de cette correspondance est celle qui précède et qui suit la victoire d’Almanza. […] » et entra de suite, suivi de M. de Silly, que je ne connaissais point ; et vous croyez bien, madame, que j’entrai aussi. […] Puis, l’ayant suivie dans un cabinet, elle la vit à l’instant changer de ton. […] Sur quoi Mme de Maintenon, avec sa rigidité la plus piquante et sa rectitude la plus ornée, répond (et il est bien entendu que ce qui suit ne saurait s’appliquer ni à Mme de Caylus ni à Mme de Noailles) : Vous me tyrannisez sur les étrangers et sur mes parents ; je vous avoue, madame, que les femmes de ce temps-ci me sont insupportables : leur habillement insensé et immodeste, leur tabac, leur vin, leur gourmandise, leur grossièreté, leur paresse, tout cela est si opposé à mon goût et, ce me semble, à la raison, que je ne puis le souffrir.

351. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Ceux qui l’ont suivi de près dans cette période ont pu remarquer qu’au milieu des armes toutes spirituelles qu’il emploie, il entendait très bien aussi certains ménagements politiques, et qu’il faisait à propos intervenir le prince. […] Dans tous les conseils qui suivent, on peut vérifier à quel point ce charmant esprit si élevé était en même temps net et positif ; il donne la règle à suivre même pour les bons désirs, qu’il ne faut point perdre, mais « qu’il faut savoir serrer en quelque coin du cœur jusqu’à ce que leur temps soit venu. » Dans ses avis aux gens mariés, aux femmes, dans ses prescriptions sur l’honnêteté du lit nuptial, il est hardi, original et pur. […] Bossuet, qui sentait si bien Rancé gravissant âprement vers les hautes cimes et les mornes sommets de l’antique pénitence, suivait également saint François de Sales dans ses riches et riantes vallées ; et, s’étendant de l’un à l’autre en esprit, il tenait en quelque sorte le milieu du royaume chrétien. […] [NdA] Ce nom est écrit de différentes manières (Fourrier, Forier, Ferrier) dans Marsollier, dans une lettre de saint François de Sales, et dans Camus (Esprit du bienheureux François de Sales, VIIe partie, p. 53) ; j’ai suivi ce dernier.

352. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre deuxième. Rapports du plaisir et de la douleur à la représentation et à l’appétition »

Sans nier que quelque perception de la vitalité intense et harmonieuse suive ou même accompagne le sentiment agréable, nous ne saurions admettre que ce soit cette représentation même qui le produise et le constitue. […] Nous extrayons cette représentation de l’émotion elle-même et de l’impulsion motrice qui la suit, tantôt répulsive, tantôt attractive, dès que nous pouvons réfléchir sur cette émotion et faire attention à ses limites plutôt qu’à son contenu, à ses relations plutôt qu’à son fond, à ses antécédents, à ses conséquents et à son lien avec le mouvement plutôt qu’à sa nature intime et caractéristique. […] Nous ne saurions donc accorder que la représentation ou « rapport à un objet » soit, selon l’expression de Brentano (qui suit ici Herbart), « la fonction unique et seule élémentaire de l’esprit » dont la sensibilité ne serait qu’un dérivé43. […] « Il suit de là que la douleur n’a pas seulement dans tous les cas la même qualité, mais qu’elle est toujours au même moment absolument une. » On peut en dire autant du plaisir. […] Si donc la perception ne précède pas le sentiment, il n’en est pas moins vrai qu’elle le suit immédiatement ou plutôt l’accompagne.

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