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539. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Plus tard, il n’en fallait plus que deux, puis un seul : finalement, une lecture unique, attentive et analytique, suffisait 70. […] Sans doute l’idée de la signification y tient une large place ; mais, outre qu’il est difficile de dire ce que devient cette idée de la signification des images quand on la détache complètement des images elles-mêmes, il est clair que la même signification logique peut appartenir à des séries d’images toutes différentes et qu’elle ne suffirait pas, par conséquent, à nous faire retenir et reconstituer telle série d’images déterminée à l’exclusion des autres. […] Je me dis bien maintenant que le mot prendre, qui était à peu près figuré par les deux premières syllabes du nom cherché, devait entrer pour une large part dans mon impression ; mais je ne sais si cette ressemblance aurait suffi à déterminer une nuance de sentiment aussi précise, et en voyant avec quelle obstination le nom d’« Arbogaste » se présente aujourd’hui à mon esprit quand je pense à « Prendergast », je me demande si je n’avais pas fait fusionner ensemble l’idée générale de prendre et le nom d’Arbogaste : ce dernier nom, qui m’était resté du temps où j’apprenais l’histoire romaine, évoquait dans ma mémoire de vagues images de barbarie. […] Il suffirait d’admettre que le jeu de sensations répond au jeu de représentations et lui fait écho, pour ainsi dire, dans un autre ton.

540. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

La déclaration de Saint-Ouen, « malgré les lacunes et les ambiguïtés calculées du texte » qui échappèrent alors à tous ceux qui n’étaient pas dans le secret, suffisait pourtant et ouvrait carrière à tout un régime nouveau qui allait avoir son cours et son développement. […] La raison en est simple : un hasard, une surprise, une catastrophe imprévue suffit pour reporter sur le trône des princes dont le nom parle encore à bien des imaginations qui se tournent naturellement vers eux dans un jour de crise ; mais, pour s’y maintenir, pour faire une juste part entre les intérêts et les principes dont ils sont les représentants et ceux qui se sont créés sans eux ou contre eux, pour se concilier, pour rassurer la masse de la population qui, s’étant momentanément attachée à un autre drapeau, ne peut les voir revenir qu’avec crainte et défiance, il faut un mélange d’intelligence, de sagacité, de fermeté et d’adresse que bien peu d’hommes ont possédé, comme Henri IV, au degré suffisant69.

541. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

L’ancienne France suffisait à elle-même et au monde ; l’histoire change avec la géographie. […] Deux points suffiraient sur ce globe géographique, comme pour marquer sa naissance dans l’inconnu, et sa disparition dans l’oubli.

542. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Il a permis avec une douce indulgence la libre poursuite du plaisir sensuel, sous la seule condition de respecter les convenances sociales, du reste singulièrement élargies ; et voici que de la sensation physique toute pure, dans laquelle il avait simplifié l’amour, est sortie la satiété ; la vanité même, par où on en relevait la saveur, n’a pas suffi à dissiper l’impression de langueur accablante, d’écœurante monotonie, que dépose à la longue dans les cœurs le libertinage du siècle. […] Cet échantillon suffit, je pense.

543. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « II  L’esprit scientifique et la méthode de l’histoire littéraire »

Un mot suffira. […] Nous avons trop cru qu’il suffisait d’avoir des idées, et pas assez que la littérature, comme le reste, avait besoin d’idées vérifiées, d’idées vraies.

544. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Leconte de Lisle, Charles-Marie (1818-1894) »

La nature matérielle, la science, la philosophie vous suffisent. […] Cela suffit à expliquer pourquoi les Poèmes antiques et les Poèmes barbares n’ont jamais obtenu de vogue parmi les lecteurs qui sont emprisonnés dans le domaine de la sensation, et pourquoi leur place est plus haute parmi ceux qui pensent ; si haute, que la poésie contemporaine en est dominée tout entière.

545. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Pour voir combien l’accusation est juste, il suffit de se rappeler que l’idéalisme de Berkeley est l’un des développements de cette théorie. […] Or, cela n’est pas possible, et cependant une seule circonstance, en apparence insignifiante, qu’on aurait négligée, suffirait à vicier l’expérience.

546. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Le nom de Quintilien suffit pour exprimer, dans l’ordre critique, le modèle du scrupuleux, du sérieux, de l’attentif, l’idée du jugement même. […] Il suffirait d’y ajouter un certain accent, pour avoir positivement du persiflage.

547. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Police générale d’une Université et police, particulière d’un collège. » pp. 521-532

Il ne suffit pas que les maîtres soient honnêtement stipendiés, il serait encore à propos de pourvoir au temps de la vieillesse et des infirmités. […] Pour le moment on en appelle de toutes les contrées ; bons, médiocres, mauvais, qu’ils aient des mœurs, cela suffit.

548. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 15, le pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractere des nations » pp. 252-276

Dix siecles ont pû suffire pour rendre les descendans du même pere et de la même mere aussi differens que le sont aujourd’hui les négres et les suedois. […] Quoique la difference de l’air ne soit pas assez grande dans ces provinces pour rendre les corps differens extérieurement, elle y suffit néanmoins pour rendre très-differens ceux de nos organes qui servent immédiatement aux fonctions de l’ame spirituelle.

549. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre I : Qu’est-ce qu’un fait social ? »

On peut, d’ailleurs, confirmer par une expérience caractéristique cette définition du fait social, il suffit d’observer la manière dont sont élevés les enfants. […] Mais il suffit qu’elle existe d’une manière incontestable dans les cas importants et nombreux que nous venons de rappeler, pour prouver que le fait social est distinct de ses répercussions individuelles.

550. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

Trois raisons pour expliquer la préoccupation et la fermentation d’alors, dont une seule suffirait : — la renommée de Goethe. […] Un an a suffi pour cette guérison !

551. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Léon Gozlan » pp. 213-230

Esprit individuel toujours, et, je le veux bien, de la plus distinguée et de la plus nerveuse individualité, mais qui ne suffisait pas dans l’espèce, et qui n’a pas non plus suffi absolument, puisque Balzac et même Stendhal, qui furent, eux, plus qu’individuels, doivent, dans le défilé du xixe  siècle, marcher et passer avant lui !

552. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Le trait suffit. […] « Il ne suffit pas, dit sévèrement M.  […] Un mot lui suffisait. […] Comment suffisait-il à cet écrasant labeur ? […] Sa présence suffit à ses amis ; ils ne lui demandent que d’être là.

553. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 7-11

La Chasse d’Henri IV auroit été accueillie avec enthousiasme, quand elle n’auroit eu d’autre effet que de rappeler un trait intéressant de la vie d’un Monarque, dont le nom seul suffit pour attendrir les cœurs ; mais M.

554. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 69-73

D’ailleurs il suffit d’être un peu connoisseur, pour juger que l’Idylle de Coutel a un caractere original.

555. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 343-347

Un peu de réflexion leur suffit, pour s’appercevoir que la justesse est rarement le partage du Philosophe discoureur ; qu’il ne suit jamais le plan qu’il s’est d’abord proposé ; qu’errant sans cesse entre le pour & le contre, tout se réduit, chez lui, à un scepticisme qui indigne le Lecteur jaloux d’apprendre quelque chose & de se fixer à un objet.

556. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 364-367

L’amour de Pyrrhus & de Téglis est le seul objet d’intérêt qui y regne ; mais cette passion est conduite avec tant d’art, que seule elle suffit pour attacher le Spectateur, & même le Lecteur.

557. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

Il faut toujours supposer, comme la raison le demande, que l’art ait réussi également ; car il ne suffit pas que les tableaux soïent de la même main.

558. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

 » Le traducteur-éditeur a suffi à cette tâche considérable, et le monument qu’il a mis vingt-cinq ans à préparer et à produire répond pour lui (1839-1862). […] Notez qu’en traduisant ainsi tout un chant, là où cinquante vers eussent suffi pour donner une juste idée aux lecteurs, M.  […] L’idée d’étudier le vieux français, de remonter au-delà d’Amyot, de Montaigne et de Rabelais, ne vint que tard ; le grand siècle se suffisait à lui-même ; les grands écrivains des règnes de Louis XIV et de Louis XV se trouvaient trop bien chez eux, surtout en fait de langage, pour sentir le besoin d’en sortir. […] Il suffit que ces méthodes se justifient dans leur ensemble. […] Littré et sur ce modèle : aucune ambition, aucune gloriole, aucun luxe, aucun besoin factice ou sensuel ; le brouet des Spartiates lui suffit.

559. (1929) Dialogues critiques

Dans l’hypothèse du mythe platonicien une seule et même idée suffit pour toute la lignée des génies à travers l’espace et le temps. […] Pierre Il suffit de sept, un pour chacun des jours de la semaine. […] Il suffisait de le lire, mais on n’avait garde. […] Il suffit de leur donner des louanges massives tête à tête ou en toute occasion publique, et de ne les débiner que dans les conversations tout à fait intimes avec des personnes discrètes. […] Pour la science et la philosophie, l’abstention leur suffit.

560. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre II. La vie de salon. »

Il ne suffit même plus d’être affable, il faut à tout prix paraître aimable à ses inférieurs comme à ses égaux224 ». — « Les princes français, dit encore une dame contemporaine, meurent de peur de manquer de grâces225. » Jusques autour du trône, « le ton est libre, enjoué », et, sous le sourire de la jeune reine, la cour sérieuse et disciplinée de Louis XVI se trouve à la fin du siècle le plus engageant et le plus gai des salons. […] Mais leur ressemblance suffit pour montrer l’action universelle du balancier central qui frappait tout à la même effigie, le métal vulgaire et l’or affiné. […] En pareil lieu et en pareille compagnie, il suffit d’être ensemble pour être bien. […] Toute occupation étant un jeu, il suffit d’un caprice, d’un souffle de la mode pour en mettre une en honneur. […] Mais ce lambeau, si brillant qu’il soit, ne lui suffit point, et, dans tous les châteaux, dans tous les hôtels, à Paris, en province, il installe les travestissements de société et la comédie à domicile  Pour accueillir un grand personnage, pour célébrer la fête du maître ou de la maîtresse de la maison, ses hôtes ou ses invités lui jouent une opérette improvisée, quelque pastorale ingénieuse et louangeuse, tantôt habillés en Dieux, en Vertus, en abstractions mythologiques, en Turcs, en Lapons, en Polonais d’opéra, et pareils aux figures qui ornent alors le frontispice des livres ; tantôt en costumes de paysans, de magisters, de marchands forains, de laitières, de rosières, et semblables aux villageois bien appris dont le goût du temps peuple alors le théâtre.

561. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Les exhibitions du stade, le cinéma, la comédie légère, le roman d’aventures, suffisent au plus grand nombre, même parmi ceux que leur ascendance ou leur milieu semblaient destiner à une haute culture. […] Cela suffirait pour en faire le plus grand siècle de notre littérature, et de toutes les littératures, même s’il était advenu qu’un même siècle eût réuni Eschyle, Homère, Dante, Shakespeare, Rabelais et beaucoup d’autres. […] Cela suffit pour infirmer leur opinion. […] Aujourd’hui on est en droit d’exiger qu’un écrivain ait raison : d’abord parce que l’erreur coûte cher ; ensuite parce que l’œuvre d’art se sent toujours des bassesses du cœur et plus encore des vices de la pensée : il suffit d’ouvrir un recueil de Victor Hugo, un roman d’Émile Zola. […] Les connaissances sommaires, dues aux manuels universitaires que ne commentent qu’avec prudence des professeurs insuffisamment avertis, suffisent à la curiosité générale, en même temps qu’aux exigences des examinateurs.

562. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Ces petits poëmes sont variés, parce que les incidents sont des faits réels, fidèlement observés et naïvement sentis ; et la langue en est relativement riche, parce qu’elle suffit à exprimer tout ce que pouvaient concevoir les esprits les plus ingénieux de l’époque. De même que, dans la prose, la langue a déjà une sorte de maturité pour le récit, de même, dans les écrits en vers, la langue suffit à ce tour d’esprit satirique avec lequel notre nation est née. […] Que si quelque pénitent était réclamé par le prêtre de sa paroisse, et admonesté de venir à son confessionnal, il lui suffirait de s’en plaindre A son confesseur nouvel, Qui n’a pas nom frère Louvel, Mais frère Loup, qui tout dévore. […] Soixante ans pouvaient suffire pour faire de Papelardie Faux-Semblant ; mais il ne fallait-pas moins de quatre siècles pour que Faux-Semblant devînt Tartufe. […] Une certaine élégance précoce, dans les pièces du poëte royal vieillissant, ne suffit pas pour marquer un âge de l’esprit français et un progrès de la langue.

563. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

On sent bien que Tartufe, que l’Avare, que le Misanthrope même ne se corrigeront pas ; mais ce qui suffit à la vérité suffit à la morale, et pourvu que le spectateur qui vient d’applaudir à leurs disgrâces songe, en s’en allant, à ce que coûte un travers ou un vice, que veut-on de plus ? […] Oui, Gresset se trompe, il n’est pas si coupable ; Un vers heureux et d’un tour agréable Ne suffit pas… Mais il y a dans le Méchant quelque chose de plus, et n’y eût-il que « vers heureux et d’un tour agréable », ce n’est pas si peu ; car de tels vers ne se trouvent que pour des vérités fines et délicates. […] Certes, s’il suffisait d’être hardi pour faire du nouveau, la hardiesse ne manqua pas à ces deux hommes, esprits insoumis, auxquels les voies régulières étaient inconnues. […] Il m’en coûte trop pour être ce bon entendeur à qui le demi-mot suffit, et pour avoir le premier talent après celui de faire des traits, qui est de les saisir au vol.

564. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Tout en reconnaissant que les causes morphologiques doivent avoir eu leur part dans la construction des cerveaux, nous ne saurions accorder que d’heureux accidents suffisent à expliquer, en leur racine même, les croyances universelles et nécessaires ; que si, par exemple, le cerveau humain est construit de manière à imposer aux choses la loi de causalité, c’est parce que s’est rencontré autrefois un cerveau, accidentellement construit de la sorte, dont la particularité native s’est transmise ensuite par hérédité. […] La connaissance est un moyen de vouloir et de jouir dont nous avons fait ensuite une fin, par une sorte d’artifice supérieur, en le détachant, comme un tout capable de se suffire, de ce cercle sensitif et moteur dont il n’était qu’une partie, de ce déploiement de la volonté dont il n’était qu’un moment. […] Cela suffit pour nous permettre d’appliquer tous les théorèmes de la causalité. […] Dire que tout ce qui est réel a non seulement une raison intelligible, mais une cause active, c’est simplement affirmer que la pure intelligibilité pour la pensée est un ordre abstrait de vérités, qui présuppose l’ordre réel des choses et ne suffit pas à le produire. […] Enfin, avant à démontrer le principe des causes finales comme différent du mécanisme, on commence par supposer que le mécanisme même est impossible sans les causes finales ; de la dépendance réciproque des diverses parties de l’univers on tire immédiatement, sans démonstration, la conclusion suivante : « Il faut donc que, dans la nature, l’idée du tout ait précédé et déterminé l’existence des parties. » Cela revient à dire que la nécessité réciproque des parties dans un tout présuppose toujours l’idée de ce tout comme cause, conséquemment une cause idéale ou finale ; or, c’est précisément ce qui est en question : il s’agit de savoir si la soudure indestructible des parties d’un mécanisme suppose partout un ouvrier qui les ait soudées d’après une idée, ou si, au contraire, les lois du déterminisme et du mécanisme ne suffisent pas à expliquer cette détermination réciproque et mécanique des parties.

565. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Le mettre, à l’état de modification moléculaire, dans la substance cérébrale, cela paraît simple et clair, parce que nous avons alors un réservoir actuellement donné, qu’il suffirait d’ouvrir pour faire couler les images latentes dans la conscience. […] Pourquoi une image qui, par hypothèse, se suffit à elle-même, viserait-elle en effet à s’en agréger d’autres, ou semblables, ou données en contiguïté avec elle ? […] Mais, en un autre sens, un souvenir quelconque pourrait être rapproché de la situation présente : il suffirait de négliger, dans cette perception et dans ce souvenir, assez de détails pour que la ressemblance seule apparût. […] Il suffira de faire remarquer que ces systèmes ne sont point formés de souvenirs juxtaposés comme autant d’atomes. […] Cette perturbation suffirait à créer une espèce de vertige psychique, et à faire ainsi que la mémoire et l’attention perdent contact avec la réalité.

566. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre IV. De la délimitation, et de la fixation des images. Perception et matière. Âme et corps. »

Il suffit que leur hétérogénéité soit assez diluée, en quelque sorte, pour devenir, de notre point de vue, pratiquement négligeable. […] À supposer que le mouvement d’un point à un autre forme un tout indivisé, ce mouvement n’en remplit pas moins un temps déterminé, et il suffit qu’on isole de cette durée un instant indivisible pour que le mobile occupe à ce moment précis une certaine position, qui se détache ainsi de toutes les autres. […] On établira par là qu’une surface, où les jeux d’ombre et de lumière de l’objet en relief sont plus ou moins bien imités, suffit à nous rappeler le relief ; mais encore faut-il, pour que le relief soit rappelé, qu’il ait été d’abord pour tout de bon perçu. Nous l’avons déjà dit, mais nous ne saurions trop le répéter : nos théories de la perception sont tout entières viciées par cette idée que si un certain dispositif produit, à un moment donné, l’illusion d’une certaine perception, il a toujours pu suffire à produire cette perception même ; — comme Si le rôle de la mémoire n’était pas justement de faire survivre la complexité de l’effet à la simplification de la cause ! […] Mais il ne faut pas oublier que le point de vue de la Critique est tout autre que celui de la psychologie, et qu’il suffit à son objet que toutes nos sensations finissent par être localisées dans l’espace quand la perception a atteint sa forme définitive.

567. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Dans la poésie, non plus que dans la vie, les bonnes, les meilleures intentions ne suffisent. […] Cette remarque pourrait suffire. […] Ne suffirait-il pas d’ailleurs, pour prouver par un seul exemple le danger qu’il y avait à pousser plus loin l’imitation, de rappeler la Théodore de Corneille ? […] Car, leur poésie n’ayant de la poésie que le dehors, il devait suffire, pour la déposséder de sa popularité, que la prose apparût ; et cela, non pas même comme il suffit que la vérité se montre pour que l’empire de la fiction s’évanouisse, mais comme il suffit que l’oreille humaine entende enfin les accents d’une langue virile pour prendre aussitôt en dégoût le bavardage et le caquetage. […] Il ne suffit pas de pouvoir appliquer au n° 9, 502 de la Bibliothèque nationale « les procédés de déchiffrement qu’on applique à la lecture des textes anciens », pour pouvoir de ce chef éditer les Pensées de Pascal.

568. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Mais beaucoup d’auteurs croient que, pour représenter un caractère, il suffit de figurer une tendance unique, — passion, vice ou vertu, — aux prises avec les événements variés de la vie. […] Ce dénouement tout moral nous suffit, et la mort de Benée, qui vient plus tard, est presque une superfétation : elle était déjà moralement morte. […] Au théâtre, le dramatique extérieur, à grand fracas, est presque le seul possible : sur la scène, penser ne suffit pas, il faut parler ; si l’on pleure, c’est à gros sanglots. […] Mais il ne suffit pas d’imaginer une expérience idéale ; il faut la réaliser objectivement pour vérifier l’idée préconçue. […] Mais, encore une fois, la science seule ne suffit pas : voilà pourquoi une nomenclature ne saurait nous intéresser, voilà pourquoi décrire pour décrire nous fatigue à la longue, quelles que soient d’ailleurs les qualités d’exactitude et de coloris que l’auteur peut déployer.

569. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Pour que la parole intérieure devienne exclusive de la sensation actuelle, il faut et il suffit qu’elle nous intéresse ; or le drame que nous imaginons peut nous intéresser faiblement : il n’est souvent qu’une rêverie qui nous repose et à laquelle nous ne nous attachons pas ; et, si notre passion nous intéresse toujours, le moindre problème de science ou de conduite peut tout aussi bien concentrer sur lui la totalité de la conscience ; une méditation purement intellectuelle peut rendre momentanément aveugle et sourd celui qui s’y livre. […] Ce n’est pas le lieu d’analyser en détail ce phénomène, il nous suffit de l’indiquer sommairement : dans le jeu, d’une façon générale, le moi individuel s’affirme et se nie simultanément ou à des intervalles indiscernables. […] Sa nature intellectuelle et, par suite, morale, était, par elle-même, droite et active ; un veto intermittent, qui le garantissait de toute faute involontaire, suffisait à lui assurer la parfaite sagesse et constituait à lui seul une direction morale complète ; Socrate n’avait besoin ni de préceptes positifs ni d’encouragements. […] Cela suffit pour que Socrate ait comparé les signes démoniques à des révélations ; ils équivalaient logiquement, selon sa doctrine, à des aperçus anticipés sur un avenir inaccessible à la prévision humaine213. […] A elle seule et par sa seule vertu, la passion suffirait à amplifier et à externer la parole intérieure normale ; mais presque toujours l’imagination se joint à la passion et concourt à produire les mêmes effets.

570. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Envisagée de ce nouveau point de vue, l’idée de spontanéité est incontestablement plus simple que celle d’inertie, puisque la seconde ne saurait se comprendre ni se définir que par la première, et que la première se suffit. […] Ce commencement de preuve expérimentale suffit amplement à celui qui, pour des raisons d’ordre psychologique, a déjà admis la détermination nécessaire de nos états de conscience par les circonstances où ils se produisent. […] Il nous suffira d’avoir montré que, même en se plaçant au point de vue de l’associationnisme, il est difficile d’affirmer l’absolue détermination de l’acte par ses motifs, et celle de nos états de conscience les uns par les autres. […] Mais cette liaison toute subjective de deux représentations ne suffit pas au sens commun. […] Mais on ne s’étonnera pas que cette approximation suffise au sens commun, si l’on songe à la facilité avec laquelle les enfants et les peuples primitifs acceptent l’idée d’une nature inconstante, où le caprice joue un rôle non moins important que la nécessité.

571. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 230-234

Toutes ces sciences sont suivies, examinées dans leurs différens progrès ; & cette seule exposition suffit pour prouver que les Modernes ont réellement ajouté peu de lumieres à ces divers objets de la curiosité humaine.

572. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 343-347

Ce seul titre suffit pour donner une idée de la justesse de son esprit.

573. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Ainsi commença la décadence des Lettres : l’esprit de la nation Gauloise s’abâtardit insensiblement, & des siècles ont à peine suffi pour réparer une perte si fatale aux Arts & aux Sciences. […] Pour juger des motifs de cette jalousie, il suffit de dire que le Cardinal de Richelieu se glorifia d’être Auteur, & malheureusement il n’en avoit que l’amour-propre, & non le talent. […] Rien n’annonçoit plus le mauvais état des lettres & la décadence du bon goût, que cette foule de Romans de toute espèce, qui se succédoient les uns aux autres si rapidement, que les femmes même ne pouvoient suffire à les lire tous. […] Nous ne craignons point de le dire, Molière n’eût pas fait mieux ; & s’il est quelque chef-d’œuvre dont notre Théâtre Comique puisse se glorifier, la Métromanie est celui qui fait le plus d’honneur à notre siècle, & suffit pour immortaliser son Auteur. […] Il ne suffit pas alors qu’ils soient plus éclairés, plus instruits ; il faut qu’ils soient encore les plus honnêtes, les plus vertueux des hommes.

574. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Ce que je sais, c’est qu’il suffit à la comédie réaliste d’être la comédie de mon époque pour être en même temps la plus intéressante et à mon siècle d’être le dernier, pour être aussi le plus grand. […] Nous avons eu déjà mieux que cela ; il suffit pour le prouver de rappeler les noms d’Étienne Eggis, de germanique mémoire, et d’Adolphe Gaiffe, — le plus beau des enfants des hommes. […] Ce travestissement malhabile ne suffit pas à me donner le change sur la pensée de l’écrivain, pas plus que le milieu tout arbitraire d’incidents et de faits domestiques ou sociaux où il lui plaît de jeter ses personnages. […] ne nous suffira-t-il pas d’avoir osé regarder son soleil en face, pour lui sembler digne de ses vengeances ? […] Je me trompe ; la Révolution enfanta un chef-d’œuvre : la Chaumière indienne ; mais, suffit-il d’un chef-d’œuvre de deux cents pages pour faire une littérature ?

575. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Il ne suffit pas, a dit La Rochefoucauld, d’avoir de grandes qualités, il faut en avoir l’économie.

576. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 157-161

Il ne se borna pas à des discussions Théologiques ; il écrivit contre le Prince d’Orange ; & le titre(1) de son Ouvrage suffit pour faire connoître la trempe de son esprit.

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