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899. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Mais, ô Sénèque, nous souffrons maintenant d’un grand nombre d’illettrés. […] Cette « décalogie » n’est pas composée ; et, s’il faut l’avouer, j’en ai souffert. […] En attendant, il souffre. […] Nous l’avons soufferte, assez facilement ; le scepticisme ne nous attristait pas beaucoup. […] Il en souffrit, à cause de la pauvreté qui résulte d’un tel isolement.

900. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Seulement ils l’ont prescrite en l’appliquant, et non, comme Boileau, sous la forme de lois qui ne souffrent point d’infractions. […] Voiture, assez homme d’esprit pour se faire respecter, souffrait qu’on le bernât. […] Scarron souffrait que les courtisans de sa femme, depuis madame de Maintenon, portassent chez lui de quoi faire bonne chère. […] Au fond, il n’avait pas tort de se montrer plus difficile sur ce point que Molière lui-même, lequel tenait aux aparté comme à un moyen commode d’effet, dont le spectateur souffre volontiers l’invraisemblance s’il y trouve à rire. […] Encor, si pour rimer, dans sa verve indiscrète, Ma muse au moins souffrait une froide épithète !

901. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Partout où il n’y a ni crainte, ni espérance, ni combats du cœur, ni circonstances attendrissantes, il n’y a point de tragédie : c’est une loi du théâtre qui ne souffre guère d’exception. […] Cléopâtre, à la vérité, dans la tragédie de Rodogune, ne s’attire nulle compassion ; mais songez que, si elle n’était pas possédée de la passion forcenée de régner, on ne la pourrait pas souffrir, et que si elle n’était pas punie, la pièce ne pourrait être jouée. […] Nous voulons de l’ordre et de la raison partout, quand nous sommes hors d’intérêt ; le courage ne nous paraîtrait qu’aveuglement et folie, s’il n’était appuyé sur des raisons proportionnées à ce qu’il souffre ou à ce qu’il ose. […] Nous allons même jusqu’à trouver de la grandeur dans ce que la vengeance fait entreprendre, parce que, d’un côté, le préjugé attachant l’honneur à ne pas souffrir d’outrages, et de l’autre, la raison faisant préférer l’honneur à la vie, nous jugeons qu’il est d’une âme forte d’écouter, au péril de ses jours, un juste ressentiment. […] Dans la scène où il feint de vouloir que Monime épouse Xipharès, il lui dit : ……………… Cessez de prétendre à Pharnace : Je ne souffrirai point que ce fils odieux.

902. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

C’est que les sots sont rarement seuls à souffrir de leur sottise, laquelle est, d’ailleurs, habituellement intéressée. […] Souffrez donc que tel livre ait pitié du genre humain… La lune luit dans sa lanterne de nuages blancs, veilleuse dans la chambre du ciel malade. […] Mais il ne blâme point le pauvre amoureux qui se laisse houspiller et tourner en bourrique, parce qu’il souffre encore moins des mauvais procédés de sa bien-aimée qu’il ne souffrirait d’une rupture. […] Il ajoute que « la vérité pour laquelle Galilée a souffert reste la vérité, encore qu’elle n’ait pas tout à fait le même sens que pour le vulgaire ». […] Nous devons souffrir, nous devons travailler, nous devons payer notre place au spectacle ; mais c’est pour voir, ou tout au moins pour que d’autres voient un jour70.

903. (1887) Essais sur l’école romantique

Mais vous qui le lisez avec foi, qui le prendrez à vos moments de solitude, comme un ami auquel on parle de choses chères ; vous qui aimez les oisives lectures qu’on fait dans les poètes, et qui vous livrez à ces âmes privilégiées avec désintéressement et abandon, vous devinerez bien que ce pauvre jeune homme a souffert, et que ses consolations mêmes ne sont point d’une âme qui est consolée, mais qui se donne le change ou se trompe un moment sur son mal. […] C’est là encore un de nos rêves, le plus vif peut-être, le plus impatiemment souffert. […] Vous m’avez passé l’adultère, l’amour lascif et effréné ; vous m’en avez laissé prêcher les charmes et développer la morale ; vous avez souffert que je misse le pied dans la sainte institution du mariage, que je ne connais pas ; vous avez toléré mes jeunes femmes souillant le lit ou elles ont été mères, et renversant, dans leurs ébats impurs, le berceau de leur enfant ; vous m’avez permis d’en faire des victimes de la société, des cœurs trafiqués et vendus par la famille, des natures détournées violemment de leur fin, qui est d’aimer, des veuves du mari qu’elles n’ont pas entre les bras du mari qu’elles ont ; vous avez supporté mes orgies, mes gaspillages historiques, mes innombrables portraits dans le style des passeports, mes descriptions de boudoirs à faire envie aux tapissiers, mes détails de toilette à en apprendre aux marchandes de modes : c’est beaucoup, ami lecteur, et recevez-en toute ma reconnaissance ! […] Quoi qu’il arrive et quoi que puisse souffrir mon amour-propre, j’en serai complètement dédommagé par le plaisir d’avoir soulagé bon nombre d’hommes de goût, d’écrivains qui font de la littérature difficile et ne peuvent se faire imprimer que sur du papier de gazette allemande, — et quelques honnêtes gens.

904. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

Implantez le bout de la queue d’un rat dans la peau de son dos, puis, la greffe étant terminée, coupez la portion basilaire de cette queue environ à un centimètre de son origine ; après quelques, mois, si l’on pince la queue greffée, l’animal souffre et se retourne pour mordre ; l’irritation du nerf, qui avant l’opération marchait dans le sens centripète, marche maintenant dans le sens centrifuge. — On constate en outre que le mouvement moléculaire est le même dans un nerf moteur et dans un nerf sensitif. […] Il crie, mais mécaniquement ; il ne souffre plus. […] Peu à peu, les mouvements respiratoires deviennent rares, saccadés, et la grenouille meurt asphyxiée, avant d’avoir fait aucune tentative pour respirer et sans avoir paru souffrir. « Ainsi la grenouille sans cerveau ne sait pas suspendre sa respiration, et aspirerait de l’eau si l’opercule des narines ne se fermait pas automatiquement au contact du liquide; elle ne souffre pas de l’asphyxie, ne s’en doute pas, ne cherche pas à l’éviter.

905. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Daudet commençant à souffrir, ce soir, de ses douleurs, et craignant l’envahissement général de son corps disait : « Quand ça commence, je me rappelle involontairement le vers de Virgile, sur l’incendie de Troie : …………………………………………… Proximus ardet. […] « Mon cher, me répondait-il, vous savez, les gens qu’on crucifiait autrefois, on les déclouait un moment, pour les faire souffrir plus longtemps, eh bien, je suis dans un moment de déclouement. » Mardi 3 juillet Ce soir Daudet cause de son roman futur : « La petite Paroisse » dont l’embryon est en germe dans son cerveau. […] » Et là, son déjeuner se composait de quatre sous de moules, de deux sous de pain, et d’un demi-verre de vin. « Mais ce qui m’a fait souffrir le plus dans ce temps, s’écrie l’écrivain antisémitique, ce sont les pieds, oui, les chaussures. […] Oui, j’aime votre vue nette de la vie, j’aime votre amour pitoyable de ceux qui aiment et qui souffrent, j’aime surtout la sobriété discrète et vraie de votre émotion, de vos peintures les plus poignantes.

906. (1920) Action, n° 2, mars 1920

La nécessité de se contredire est à peine moins forte que la fatalité de souffrir. […] Lorsqu’on regarde le temps où Max Jacob était un écrivain libertin qu’un dieu inconnu faisait souffrir, dieu que, quelquefois, il entrevoyait et qui, par habitude, pouvait lui sembler être le dieu des juifs, le juif libertin d’alors était déjà le chrétien d’aujourd’hui. […] Ils ont été souvent cruels pour toi et tu en as souffert. […] Un être qui vibre et qui souffre, un homme qui cherche la vérité non dans les choses, mais derrière les choses.

907. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la révolution française — I. La Convention après le 9 thermidor. »

En vain le montagnard Goujon, récemment arrivé des camps, s’écriait :« C’est la Convention qu’on accuse, c’est au peuple qu’on fait le procès, parce qu’ils ont souffert l’un et l’autre la tyrannie de Robespierre. » En vain Robert Lindet, dans un éloquent rapport sur la situation politique de la France, disait à ses collègues : « Cessons de nous reprocher nos malheurs et nos fautes.

908. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

Si l’on pouvait faire goûter à l’homme la sorte de repos dont jouissent les êtres qui n’ont reçu de la nature que l’existence physique, ce serait un bien peut-être, puisque la faculté de souffrir serait diminuée.

909. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Mais un honnête homme, une honnête femme qui ont des échéances et qui souffrent cœur à cœur, cela existe aussi, et, dût le tirage être moins flatteur, cela mérite d’être étudié, ressenti, et exprimé par un artiste.

910. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Mais, pour nous consoler, songeons à ce que nous avons souffert.

911. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

La probité et la modestie de l’auteur touchaient ; on souffrait de voir un ouvrier si appliqué ne réaliser qu’à demi ; on l’aidait d’un rêve sympathique et l’esprit du lecteur achevait l’œuvre.

912. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

Pour notre compte, nous en avons assez souffert.

913. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

Louis XV ne l’a pas dit, mais il a souffert qu’elle le dît, et peut-être l’a-t-il répété.

914. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

C’est parfaitement en vue du succès sur place et de l’effet à produire sur l’opinion, tout de suite, qu’Alexandre Weill a choisi pour titre de son ouvrage cette phrase, où s’étale si rondement l’abdomen de ce Je que Pascal ne pouvait pas souffrir.

915. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Aujourd’hui que l’Empire n’est plus, — ni Sainte-Beuve, — ni Persigny, — ni même sa traduction parfaitement oubliée, — et que la République a pour prétention de nous dégermaniser, souffrira-t-on sans crier la netteté de l’opinion écrite ici sur Gœthe ?

916. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

En un pareil homme, les opinions ne furent jamais que les sensations de l’orgueil souffrant, car la fierté ne souffre pas, et son talent, quand il en eut, le mouvement d’un sang irrité et jaloux.

917. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Balzac »

Balzac a souffert plus que personne, en raison de son omnipotente supériorité et de la vie qu’il s’était créée, de ces insectes littéraires.

918. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Nul, sans le dévouement de l’amitié ou ces engagements de la vie qui nous mènent souvent plus loin que nous n’avions dessein d’aller, ne supportera, sans en souffrir, l’insignifiance d’un livre qui n’était pas un livre, d’ailleurs, écrit pour le public, et dont la médiocrité ne doit pas être reprochée à l’auteur ; car on a le droit d’être médiocre chez soi tout à son aise comme on a le droit d’y être en pantoufles, surtout quand on vit au milieu de gens qui sont disposés à vous trouver charmant, quoi que vous soyez… Malheureusement, il n’en est pas tout à fait ainsi pour cet indifférent de public.

919. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIII. Pascal »

Jamais il n’en fut de plus tragique, de plus amer, de plus angoissé, de plus méprisant, quand, du pied de la Croix, cette grande âme qui souffre la passion de la raison humaine se retourne vers le monde, et aussi de plus humble, quand, du monde, au contraire, elle se retourne vers la Croix !

920. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

C’est cette chose dont on peut se passer aussi en France, mais non sans en souffrir : l’agrément !

921. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Pour une fois, Dieu voulut qu’on pût être grand sans souffrir.

922. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Le pauvre Baudelaire, qu’on faisait souffrir alors jusque dans sa propre originalité, mais qui n’en restait pas moins imperturbablement sûr de la gloire future de son auteur, souscrivit à tout, en frémissant, pour faire passer en France son ballot de génie, n’importe sous quel nom, et il passa sous le nom d’Histoires extraordinaires.

923. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

Cette vieille Niobé, du reste, a eu beau souffrir, elle a eu beau se tordre comme le Laocoon dans l’angoisse, la fureur et le désespoir farouche, elle n’en a pas moins gardé l’irréprochabilité de son airain et de son marbre, tandis que le poète du Poème humain, de ce jeune Bacchant ivre de l’Espérance, est bien loin de briller par la pureté du sien.

924. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « José-Maria de Heredia »

avec sa nature poétique et plastique, avec ses facultés de coloriste débordant, Heredia a dû souffrir de s’être passé cette gourmette du mot à mot, humble et résigné.

925. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Ma mère qui souffre !

926. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Sous une chevelure qui pousse, en l’air, droite, dure et indomptable au fer, qui en la coupant souvent l’a épaissie, un front vaste et carré comme un parallélogramme, d’un lisse de marbre, mais auquel l’Effort a mis son pli rudement marqué entre les deux sourcils, yeux rentrés où le noir du crayon s’allume, joue rigide, regard attentif, la bouche presque amère, tel est l’homme de ce portrait, et c’est le poète aussi, le poète laborieux, violemment laborieux, l’ardent Puritain du Sonnet, cette pauvreté opulente, la pensée cruelle à elle-même comme la femme, la coquette martyre, dont le pied saigne dans le brodequin, dont la hanche bleuit sous la baleine, mais qui se console avec l’adage : il faut souffrir pour être belle !

927. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

— Si tout était vide Comme la coupe de Thulé, Où tout ce que l’on aime et souffre Dans une gorgée a coulé, Que la clé rose reste au gouffre !

928. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Gogol. » pp. 367-380

Sa rage d’ironiser, de ridiculiser, d’aplatir son pays, fut de l’imitation encore, mais elle fut surtout la rage de faire de l’effet, qui finit par faire souffrir et par épouvanter de son effet même ceux qui l’ont !

929. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Que si les besoins de la patrie exigent qu’il fasse des lois pour la punition des crimes, il ne souffrira point que les peines aient un caractère atroce, ni rien d’humiliant pour la dignité de l’homme.

930. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Qu’avec la culture élevée des sciences et sous leurs auspices, les applications puissantes des arts, les vertus civiles et les notions généreuses qui en sont la source s’étendent à l’orient de l’Europe ; que le droit public chrétien y soit la règle de la force, que la servitude domestique, que la captivité et la vente de l’homme n’y soient plus souffertes sur aucun point du territoire ; que la civilisation européenne, portée si loin par nos vaisseaux, rayonne autour de son foyer et gagne les riches contrées qui l’entourent, à la distance d’un détroit de quelques lieues : et l’Europe n’aura rien à craindre de ces millions d’hommes multipliés si vite dans l’Amérique du Nord, et qui vont s’étendant de déserts en déserts sur celle du Midi.

931. (1857) Réalisme, numéros 3-6 pp. 33-88

Tout en a un peu souffert, les mœurs, ses affaires et son talent. […] Mon galant m’est chéri ; il est bon, qu’il porte une chaîne d’or à son cou, qu’il porte un chapeau de paille. — S’il faut souffrir l’injure et l’infamie, c’est moi qui les souffrirai. […] La moralité publique souffre d’un tel état de choses. […] Voyez-vous, Pauline, vous êtes comme Mariette qui me fait souffrir avec la peinture de Feugères. […] Tu planes donc au-dessus de la nature, et tu te décides idéalistement, aussi souvent que tu veux agir moralement ou ne pas souffrir aveuglément.

932. (1802) Études sur Molière pp. -355

Après avoir demandé aux comédiens dignes de ce titre, car il en est, pourquoi ils ne font pas remarquer à leurs camarades le ridicule de ces coupures, je demanderai au public pourquoi il les souffre, et je lui soumettrai celle qui me paraît nécessaire à la fin de l’acte III. […] Sganarelle doit-il souffrir patiemment la burlesque embrassade d’un valet ? […] Une stature colossale interdit à l’esprit, comme au corps, les mouvements prestes ; ils font plutôt souffrir qu’ils ne font rire : la nature avait formé Desessard exprès pour peindre les lourds Midas, et tous les ridicules de l’épaisse finance. […] On se permet dans cette pièce une infinité de retranchements, et les comédiens pensent avoir là-dessus carte blanche, puisque les commentateurs n’ont cessé de leur répéter, que Molière, de son vivant, les avait soufferts. […] quoi, monsieur, lui dit madame de Montausier, vous souffrirez que cet impertinent de Molière nous joue de la sorte ?

933. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Ils souffrirent de la faim et de la soif. […] Car pour moi Jésus est le crucifié ; il est mon Dieu parce qu’il a souffert, parce qu’il souffre. […] Mon ami souffrait de voir les yeux bleus de cette jolie blonde se poser sur certains tableaux, terriblement instructifs. […] Seulement, on se trompe si l’on croit trouver dans le tohu-bohu de New York ou dans le silence des savanes, le remède aux maux sans nombre dont souffre l’Europe. […] Le malheureux Olivier, très clairvoyant comme tous les hommes qui souffrent d’un malaise amoureux, ne tarde pas à voir transparaître à travers les menus incidents de la vie quotidienne le bonheur de Pierre.

934. (1864) Le roman contemporain

L’art en souffre ; mais qu’est-ce que la souffrance de l’art auprès d’un conseil de Barème ? […] — Quand je suis heureux ; jamais quand je souffre. — S’il n’y avait que le dernier moment, dit Gérard, qu’importe ? […] La première chose à faire quand on se trouve en face de l’humanité souffrante, c’est de lui expliquer pourquoi elle souffre. […] Pendant que la philosophie parle, il agit, il est partout où l’on souffre, partout où l’on pleure. […] Hugo, qui n’a pas plus lu les écrits de Bossuet que l’histoire de cette époque : « Loin d’avoir souffert des tourments, vous n’en avez pas même entendu parler ; aucun de vous n’a souffert de violence ni dans ses biens, ni dans sa personne.

935. (1930) Le roman français pp. 1-197

Puis il souffrait déjà des suites de la même maladie qui frappa Baudelaire, Nietzsche, Jack London ; chez les artistes, les hommes d’imagination, il arrive que les prodromes de ces accidents, qui doivent un jour les faire sombrer dans de tristes ténèbres, produisent d’abord une excitation singulière, heureuse. […] Duhamel fut médecin-major pendant cette guerre, il avait trop vu souffrir, trop vu mourir. […] Mais elle souffre, elle souffre atrocement. […] Tout nous écarte l’un de l’autre, mais je ne saurais souffrir qu’on fasse intervenir une sympathie ou une antipathie religieuse dans une question littéraire. […] Il faut avouer que ce roman souffre de la vertu de son auteur… Il n’en est pas moins vrai que, si L’Isolée avait été écrite par un anticlérical, tout le monde aurait crié au scandale et à la diffamation.

936. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Souffrons plutôt, souffrons avec une résignation réfléchie : si nous savons unir notre raison à la Raison éternelle, au lieu de n’être que des patients, nous serons au moins des victimes. […] Si M. l’empereur était assez grue pour souffrir que ces gaillards gardassent la Savoie, il ferait tout aussi bien de les mettre en garnison à Milan. […] On a souvent admiré comment M. de Maistre, un étranger, avait si bien, je veux dire si fermement jugé du premier coup, et de si haut, la Révolution française ; c’est, on vient de le faire assez comprendre, qu’il n’y était pas étranger, c’est qu’il l’avait subie et soufferte dans le détail ; il ne l’a si bien jugée en grand que parce qu’il en avait pâti de très-près, et en même temps de côté. […] — pourquoi le juste souffre ?  

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