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405. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIV : Récapitulation et conclusion »

D’ailleurs cette fécondité très générale des variétés n’est aucunement surprenante, si nous songeons qu’il est peu probable que, soit leur constitution générale, soit leur système reproducteur ait été profondément modifié. […] Il est difficile de ne pas être conduit à cette conclusion, quand on considère par exemple le Microptère d’Eyton (Anas Brachyptera) dont les ailes sont incapables de vol et presque dans le même état que celle du Canard domestique ; lorsqu’on voit le Tuco-Tuco (Ctenomys Brasiliensis), souvent aveugle avec des habitudes souterraines, de même que certaines Taupes qui le sont toujours et qui ont même les yeux recouverts de peau ; ou enfin lorsqu’on songe aux animaux qui habitent les cavernes ténébreuses d’Europe ou d’Amérique et dont l’organe visuel est plus ou moins complétement atrophié. […] Quel intérêt ne trouve-t-on pas à contempler un rivage luxuriant, couvert de nombreuses plantes appartenant à de nombreuses espèces, avec des oiseaux chantant dans les buissons, des insectes variés voltigeant à l’entour, des lombrics rampant à travers le sol humide, si l’on songe en même temps que toutes ces formes élaborées avec tant de soin, de patience, d’habileté et dépendantes les unes des autres par une série de rapports si compliqués, ont toutes été produites par des lois qui agissent continuellement autour de nous ! […] Mais les premiers effets de la concurrence vitale, de la sélection naturelle et de la divergence des caractères qui en a été la suite, ont dû causer l’extinction d’un nombre considérable de classes naissantes, ébauches moins bien réussies de ces premiers essais d’organisation ; et la proportion de ces races vaincues aux races victorieuses peut avoir été énorme, si l’on songe à la haute raison géométrique de reproduction des êtres inférieurs. […] Il faut en cela se garder des préjugés qui ne nous sollicitent que trop en faveur de la grande supériorité physiologique de notre race sur toutes les formes du même embranchement et songer que la petitesse des organismes articulés ou rayonnés nous dérobe souvent de merveilleux détails.

406. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Il ne pouvait montrer un balai aux mains d’une ménagère sans faire songer au sabbat. […] Maurice Tourneux, et qu’on songe que la vérité est cachée sous tant de papier, on est effrayé. […] Ce dernier terme semblera juste, pourvu que l’on songe que, dans un esprit comme celui de M.  […] « Songez donc, ajoute-t-il avec une crânerie lugubre, songez donc ! […] Ceux-là seuls écrivent bien qui ne songent pas à bien écrire.

407. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Peyrefort, Émile »

Niais, dans de plus modestes quadri, vues de pâturages normands, prises au détour d’un sentier fleuri d’églantines, avec, au fond, des arbres qui bleuissent, il y a quelques papillotages de tour qui font ressembler cette Normandie à un multicolore paysage de songe aux environs d’Yeddo… Ce qui manque un peu à M. 

408. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Songez que toutes ces parures, ce chatoiement des étoffes, ce rayonnement de pierreries, cette splendeur des chairs nues, s’étalaient journellement pour le mariage des grands, aux accents hardis d’un épithalame païen. […] La vie de l’âme ne s’oppose point ici, comme chez nous, à la vie du corps ; la première n’est ni abaissée ni méprisée, on ose en montrer les actions et les organes ; on ne les cache pas, l’homme ne songe pas à paraître tout esprit. […] Il assemble ses phrases en périodes harmonieuses, et songe au plaisir des oreilles comme au plaisir de l’esprit. […] Il en est ravi, il ne peut s’empêcher de regarder et d’admirer la charmante créature qui vient d’éclore ; il veut la voir encore, en voir de pareilles, et ne songe point à autre chose. […] Rien de forcé dans cet assemblage ; l’épopée idéale, comme un ciel supérieur, accueille et concilie les deux mondes ; un beau songe païen y continue un beau songe chevaleresque ; l’important, c’est qu’ils soient beaux l’un et l’autre.

409. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Privas, Xavier (1863-1927) »

C’est à Baudelaire pastorisé, soigneusement filtré à travers les plus puissants appareils, que fait songer M. 

410. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jacques (1880-....) »

Jacques Richepin ait emprunté la Cavalière à quelque histoire espagnole, imaginaire, peut-être même réelle : Mira de Amescua, l’héroïne de la pièce, est un peu parente de cette Rosaura dont les aventures nous sont contées par Calderon dans la Vie est un songe, et aussi de cette Catalina de Erauso dont, il y a quelques années, M. 

411. (1894) Propos de littérature « Bibliographie » pp. 144-146

Tel qu’en songe, poèmes, (1892), Librairie de l’Art Indépendant.

412. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 431-433

Tant de succès dans un temps où le goût subsistoit dans toute sa pureté, ne font que mettre plus en évidence le tort des Comédiens qui s’obstinent à répéter jusqu’à la satiété certaines Pieces, sans songer à faire paroître celles-ci.

413. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Note préliminaire » pp. 5-6

Le Constitutionnel n’a jamais cessé de songer à l’intérêt littéraire ; mais il croit que le moment est venu d’y insister plus particulièrement.

414. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Bug-Jargal » (1826-1832) — Préface de 1826 »

Quoi qu’il en soit, l’auteur ne songeait pas à tirer cet ouvrage de l’espèce de demi-jour où il était comme enseveli ; mais, averti qu’un libraire de la capitale se proposait de réimprimer son esquisse anonyme, il a cru devoir prévenir cette réimpression en mettant lui-même au jour son travail revu et en quelque sorte refait, précaution qui épargne un ennui à son amour-propre d’auteur, et au libraire susdit une mauvaise spéculation.

415. (1925) Proses datées

Jacques Blanche, que je ne songe qu’à compléter sur un point, en attendant que M.  […] Baudelaire songea à l’un et à l’autre. […] Elle songe à ses garçons absents, car tous trois ont quitté successivement la maison. […] Elle est seule et elle songe. […] Mme de Chasans songe, suppute.

416. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Mais c’est peu pour lui de se raidir contre les volontés d’une majorité tyrannique ; bien plus redoutables sont d’autres ennemis qu’il se crée fatalement : je songe aux auteurs qu’il a piqués ou rudoyés. […] Puisse-t-il songer sans cesse qu’il s’attaque à des confrères ! […] Non, on les exécute sans songer à mal, en toute simplicité de cœur, en pleine sécurité de conscience, avec l’intime conviction qu’on remplit un devoir en travaillant à faire disparaître ceux qu’on n’aime pas. […] Il ne songe pas certes à assujettir derechef les poètes aux antiques entraves, à les remettre sous la loi d’Aristote aggravée par Boileau ! […] Bourget dans les passages où il songe trop aux lectrices et trop peu aux lecteurs. ?

417. (1900) Molière pp. -283

Si vous voulez bien songer que Molière a écrit le rôle du Misanthrope, et vous représenter tout ce que ce rôle suppose de noblesse et de grandeur naïves, si vous voulez voir, par ce rôle d’Alceste, combien la nature avait fait l’âme de Molière grande et cornélienne, combien il était naturellement fait pour sentir toutes les joies et tous les bonheurs d’une vie foncièrement régulière et foncièrement honnête, et si après cela vous songez à Madeleine Béjart et à mademoiselle de Brie, à tout ce mélange affreux, vous conclurez avec moi qu’il a dû bien souvent ressentir le remords, l’hypocondrie de cette dégradation de sa grandeur naturelle ! […] Si l’on veut, messieurs, comprendre tout le prix des idées et des maximes de Molière sur la culture des femmes, sur le degré de liberté qu’il convient qu’elles aient, il faut songer qu’il y a toujours eu un courant contre ces idées, un courant fâcheux, qu’il est nécessaire de combattre. […] Elle songe en elle-même que rira bien qui rira le dernier, — un proverbe qu’elle a peut-être inventé, — et qu’après tout ce n’est pas pour lui que sont les biens solides de la terre. […] Ils nous offriront à la lecture une autre espèce d’intérêt qui nous échapperait au théâtre où nous songeons trop à chercher un divertissement, pour faire l’effort de nous instruire. […] ——— Songer prudemment à utiliser sa jeunesse, c’est déjà peut-être cesser d’être jeune.

418. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lafenestre, Georges (1837-1919) »

Lafenestre, ce serait d’avoir écrit des poèmes avec la seule préoccupation du beau, sans songer un instant à la nécessité d’étonner, que la paresse des lecteurs modernes rend si implacable.

419. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 361-363

Je ne saurois penser au bonheur où j’aspire, Sans témoigner l’excès de mon contentement ; Mais, d’un autre côté, ce triste éloignement, Lorsque je songe à vous, fait aussi que j’expire.

420. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Il se juge à nouveau aujourd’hui : qui donc y songe ? […] Quand on songe qu’avant six mois d’ici il y aura une séance annuelle, cela fait frémir ! […] Veuillot n’y songe pas : si la ciguë ne prouve rien, que devient l’argument du martyre ? […] Il songe aux aventures ténébreuses du cadavre dans l’ombre illimitée. […] Je ne sache pas pourtant que personne ait songé à invoquer ce précédent.

421. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Il me paroît qu’il a songé à attacher, à émouvoir et à surprendre. […] Perrault, sans songer que cette erreur n’ajoute rien à l’écart de la comparaison ; ce qui est le seul ridicule qu’on y attaque. […] Les poëtes ne doivent pas tant songer à donner des idées précises, qu’à en donner de vives, quoiqu’un peu plus confuses. […] Ajoûtez que quand on se met une fois à louer, on songe bien plus à faire un éloge ingénieux et singulier, qu’à le faire exact et raisonnable. […] Enfin, j’ai songé à soûtenir les caractères, parce que c’est sur cette régle aujourd’hui si connue, que le lecteur est le plus sensible et le plus sévere.

422. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Songez-y bien, monsieur le comte, les premiers ordres, ducs, prélats, présidents, avaient refusé l’impôt territorial ; ils avaient demandé les États-généraux pour menacer la Cour. […] Songez qu’avant 89, nous n’avions ni représentation annuelle, ni liberté de la presse, ni liberté individuelle, ni vote de l’impôt, ni égalité devant la loi, ni admissibilité aux charges. […] Ce spectacle avait le prestige d’un songe ; mais, un instant après, cette pluie retomba, l’air se retrouva aussi pur, le brouillard aussi épais, mais moins élevé. […] A chaque mouvement, il faut songer à la veille, au lendemain, à ses flancs, à ses derrières ; mouvoir tout avec soi. munitions, vivres, hôpitaux ; calculer à la fois sur l’atmosphère et sur le moral des hommes ; et tous ces éléments si divers, si mobiles, qui changent, se compliquent sans cesse, les combiner au milieu du froid, du chaud, de la faim et des boulets. […] Pour exécuter un tel projet, il fallait sortir de chez soi et de dessus les cartes, voyager tout de bon, voir le monde : il y songea sérieusement.

423. (1899) Les industriels du roman populaire, suivi de : L’état actuel du roman populaire (enquête) [articles de la Revue des Revues] pp. 1-403

Car je ne l’ai pas écrit et je n’ai pas le temps de le lire. » Il avait fallu cette plaisante aventure pour qu’il en prît connaissance, en effet, et songeât, un peu tard, à solder les honoraires de son « anonyme ». […] D’autres encore songèrent au roman historique et populaire à la façon de Grégoire Samarov (Oscar Meding) en Allemagne. […] Si tous ces éducateurs n’avaient à lutter que contre le néant, ils réussiraient peut-être ; mais lutter contre Richebourg et Montépin, aggravés par Rochefort et Judet, songez donc, mon cher confrère… Souhaitons-leur pourtant de réussir ; car, le jour où ils auront réussi, le concours de la Revue des Revues sera inutile. […] Et j’aurais souhaité mieux : songez donc !!! […] Nous avons multiplié les écoles, diminué le nombre des illettrés ; mais nous n’avons pas songé à ce que lirait le peuple, quand il saurait lire.

424. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Valérie, au reste, par l’ordre des pensées et des sentiments, n’est inférieure à aucun roman de plus grande composition ; mais surtout elle a gardé, sans y songer, la proportion naturelle, l’unité véritable ; elle a, comme avait la personne de son auteur, le charme infini de l’ensemble. […] Un peu après, quand Gustave, passant durant la nuit près de la chambre de Valérie, chastement sommeillante, ne peut résister au désir de la regarder encore une fois, et qu’il l’entend murmurer en songe les mots de Gustave et de mort, c’est là un songe officiel de roman, c’est de la fable sentimentale toute pure, couleur de 1803. […] Elle a confessé alors à un ami qu’elle avait peine parfois à réprimer ses accès de vanité, quand elle songeait qu’elle était ainsi toute-puissante sur le souverain le plus puissant.

425. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Or, ni l’un ni l’autre n’ont obtenu le prix, mais, par on ne sait quelle manœuvre électorale, un troisième larron, auquel les Dix n’avaient pas songé le moins du monde pendant les dix premiers tours de scrutin. […] On cherche à savoir la couleur de leurs opinions, de leur religion et on songe à leur état de fortune. […] Je ne songe nullement à nier le talent, le génie de l’auteur élu. […] Les adversaires des prix songent, comme M. 

426. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

L’inspecteur Manuel, charmé d’être loué plus généreusement que Hugo, songea à son génie plutôt qu’aux notes bienveillantes dont il avait gratifié, j’espère, le professeur Trolliet. […] Je m’attriste à la pensée que Leconte de Lisle deviendra, comme Malherbe, un nom austère et antipathique, soutenu de peu de souvenirs précis ; je songe, mélancolique, aux destinées de François de Maynard et de José-Maria de Heredia, princes du sonnet français ; et je suis d’un regard attendri Sully-Prudhomme rejoignant Racan derrière la brume de l’oubli. […] Camille Mauclair me fait songer à la désolation de l’âme de Jean errante parmi un siècle où ne passerait nul maître divin. […] Bergeret, philosophe ingénieusement superficiel et romancier impuissant à créer un caractère, le font songer, ébloui, à « du Montaigne… dans du Balzac ».

427. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Elles me font songer au granit des Vosges, qui a cette qualité mystérieuse d’exhaler une odeur de violette.‌ […] Il est beau que des morts de vingt ans n’aient eu le temps que de songer à la patrie ! […] Je serai très brave, vous verrez. »‌ Après avoir reçu le baptême du feu, le 25 août, à Champenoux, et s’être battu durant toute la bataille de la Marne, il est évacué à Pamiers ; on songe à l’amputer d’un bras. […] Une sorte de poussière recouvre leur pensée ; mais ils existent très nombreux et pour les voir en beauté on peut songer à Renouvier.‌

428. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la seconde édition »

La pensée première de ce livre n’est pas une vue particulière : c’est ma foi aux grandes traditions classiques alors que sa ferveur était pure de toute arrière-pensée offensive, et que je songeais plus à en jouir qu’à la défendre.

429. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 337-339

Boileau, à qui la Philosophie fait un crime de la Satire, songea-t-il jamais à décrier ainsi un Ecrivain quelconque ?

430. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XIV. Le procès funèbre de la bouche »

ÉCLAIRCISSEMENTS Ce récit fait songer quelque peu à la fable « Les membres et l’estomac ».

431. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

Ces Mémoires en grande partie terminés et en vue du public, Sully songea à les faire imprimer, et, pour plus de sûreté, il voulut que ce fût sous ses yeux, dans une de ses maisons seigneuriales. […] C’est pour n’être jamais surpris. » En résumé, dès sa première jeunesse, Rosny nous est présenté comme bon ménager, ayant toujours de l’argent de reste, et, en cas de besoin, portant de l’or en poche, même dans les batailles, quand les autres n’y songent pas ; sachant s’arranger en campagne, s’ingénier dans les sièges pour attaquer et faire brèche, adroit et actif à pourvoir à la défense de ses quartiers ; un militaire en un mot, non seulement très brave, mais distingué, instruit et précautionné, avec des talents particuliers d’artilleur, et, si je puis dire, des instincts d’arme savante. […] Il songe à l’épouser ; mais il s’arrête à temps.

432. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Les amis de Voiture songèrent aussitôt à recueillir ses lettres, et l’édition, qui demanda bien des soins, ne parut qu’en 1650, suivie presque aussitôt d’une seconde ; l’une et l’autre furent dévorées. […] Cependant, sincèrement amoureux des lettres, dilettante à sa manière, il employait la fleur de ses matinées dans son joli et commode appartement, et en vue des jardins de l’évêché, à lire ou plutôt à se faire lire (goutteux et myope qu’il était) les modernes et même les anciens, à les parcourir en tous sens, à en tirer, non pas une science solide et continue, mais de jolies pensées, des anecdotes curieuses, des raretés galantes et graveleuses même dès qu’il s’en offrait, le tout pour en enrichir ses cahiers de lieux communs et ses tiroirs : il songeait qu’un moment pouvait venir où tous ces magasins d’esprit lui seraient utiles et lui feraient honneur à débiter. […] Il était bien dans son droit : il n’avait écrit sa dissertation latine sur Voiture qu’à la demande de Balzac, il n’avait jamais songé à l’imprimer ; c’était Costar qui avait publié la réfutation avant la pièce même à laquelle il répondait, et qui ensuite avait donné au public la dissertation elle-même : J’entre, disait Girac en commençant, dans un combat que je n’ai pu éviter, y étant provoqué de la plus pressante manière qu’on le puisse être ; car, quelque ennemi que je sois de toute sorte de contestation, le défi qu’on m’a fait étant public, et mon adversaire se présentant comme en triomphe à la vue du peuple, il ne m’a pas été libre de demeurer sans lui repartir.

433. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Il a vingt-quatre ans, il écrit à Mme de Bernières, sa grande amie d’alors ; il fait des rêves de retraite délicieuse avec elle dans sa maison de La Rivière-Bourdet, et dès ce temps-là il s’occupe de sa fortune avec M. de Bernières, qui paraît avoir eu le goût des spéculations et des entreprises : Pour moi, madame, qui ne sais point de compagnie plus aimable que la vôtre et qui la préfère même à celle des Indes, quoique j’y aie une bonne partie de mon bien, je vous assure que je songe bien plutôt au plaisir d’aller vivre avec vous à votre campagne, que je ne suis occupé du succès de l’affaire que nous entreprenons. […] Cependant, au milieu de ses succès, et tout en travaillant à ses tragédies, à son poème épique, Voltaire songe à ses affaires de fortune. […] Quand on ne songe qu’à l’idéal de l’agrément, à la fleur de fine raillerie et d’urbanité, on se plaît à se figurer Voltaire dans cette demi-retraite, dans ces jouissances de société qu’il rêva bien souvent, qu’il traversa quelquefois, mais d’où il s’échappait toujours. « Mon Dieu, mon cher Cideville, écrivait-il à l’un de ses amis du bon temps, que ce serait une vie délicieuse de se trouver logés ensemble trois ou quatre gens de lettres avec des talents et point de jalousie, de s’aimer, de vivre doucement, de cultiver son art, d’en parler, de s’éclairer mutuellement !

434. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Mémoires ou journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guetté. Tomes iii et iv· » pp. 285-303

En effet, trois canonicats furent donnés en 1701 et 1702 à M. de Mouhy, à M. de Mailly et au jeune Phelippeaux : c’était ceux que M. de Meaux avait voulu faire passer devant, et il me dit positivement alors qu’il voulait présentement songer à mon cousin. […] Son mobile d’ailleurs n’est pas plus élevé en cette occasion que dans toutes les autres ; il ne songe qu’à se rendre nécessaire, à se faire un sort, comme on dit, du côté de l’abbé Bossuet, en lui prouvant qu’il est l’homme indispensable pour une édition des œuvres, et surtout pour la publication des écrits posthumes. […] Les premiers discours furent sur Mme de La Maisonfort, sa santé, sa situation et la fermeté qu’elle devait avoir à persévérer dans la maison des ursulincs de Meaux sans songer à changer.

435. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Vous n’étiez plus pour moi qu’un songe agréable, lorsque le bruit du malheur qui vous est arrivé m’a attendrie ; les larmes auxquelles je n’ai voulu faire nulle attention, quand vous m’avez voulu persuader que je les causais, m’ont frappée, sans savoir même si vous en avez versé, dans une occasion dont on se console quelquefois plus aisément que de la perte d’une maîtresse. […] Ne songez-vous jamais que vous pourriez aimer ailleurs, être heureux, jouir de même, et faire servir vos plaisirs à votre fortune. […] Si les plaisirs vous dominent, suivez-les ; mais songez que le temps se passe.

436. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

Il s’ensevelit sous la religion du silence, à l’exemple des gymnosophistes et de Pythagore ; il médita dans le mystère, et s’attacha par principes à demeurer inconnu, comme avait fait l’excellent Saint-Martin. « Les prétentions des moralistes, comme celles des théosophes, dit-il en tête des Libres Méditations, ont quelque chose de silencieux ; c’est une réserve conforme peut-être à la dignité du sujet. » Désabusé des succès bruyants, réfugié en une région inaltérable dont l’atmosphère tranquillise, il s’est convaincu que cette gloire qu’il n’avait pas eue ne le satisferait pas s’il la possédait, et s’il n’avait travaillé qu’en vue de l’obtenir : « Car, remarque-t-il, la gloire obtenue passe en quelque sorte derrière nous, et n’a plus d’éclat ; nous en aimions surtout ce qu’elle offrait dans l’avenir, ce que nous ne pouvions connaître que sous un point de vue favorable aux illusions. » Il n’est pas étonnant qu’avec cette manière de penser, le nom de M. de Sénancour soit resté à l’écart dans cette cohue journalière de candidatures à la gloire, et que, n’ayant pas revendiqué son indemnité d’écrivain, personne n’ait songé à la lui faire compter. […] Dans ce même temps environ, partait aussi vers des plages immenses, et possédé d’immenses pensées, poussé également au songe de la vie solitaire, un autre élève de Jean-Jacques, celui qui sera le grand René. […] L’improvisation brillante du plus ingénieux de nos critiques se redisait, sans y songer, sa propre louange à elle-même.

437. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — Note »

Jouffroy, n’ayant pas appris que ces questions existent, n’a pas grand mérite à les nier ; mais vous qui, ayant songé à tout et peut-être goûté à des choses immondes comme font les chimistes, avez déclaré que la chair humaine est mauvaise et malsaine, et vous êtes décidé à vivre d’aliments choisis, apparemment vous avez le discernement, c’est-à-dire, dans le sens moral, la lumière et la force. […] ce sont de vains besoins du cœur qu’il faut étouffer, car à cette heure-là nos amis sont occupés ailleurs : l’un songe à la gloire, l’autre à ses amours, un autre boude on ne sait pourquoi, et l’on reste seul. […] Peut-être songez-vous trop.

438. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

L’adorable drôlerie, A quoi rêvent les Jeunes Filles, imbroglio malicieux et tendre qu’on peut lire entre le Songe d’une Nuit d’Été ou Comme il vous plaira et le cinquième acte de Figaro, n’est que le gracieux persiflage de cette idée de chaos où il se joue, de même que Frank m’en paraît la personnification sombre, fatiguée et luttante. […] Il y a quelque chose qui nous parvient vite dans tout ce qui hâte l’oubli qu’on fera de nous, dans tout ce qui rappelle les honneurs et les palmes exclusives auxquelles on avait songé. […] En s’appliquant à ces faits, pour leur imprimer le cachet de son génie, pour les tailler en diamants et les enchâsser dans un art très-ferme et très-serré, l’auteur n’a jamais songé, ce semble, à les rapporter aux conceptions générales, soit religieuses, soit politiques, dont ils n’étaient que des fragments ou des vestiges ; la vue d’ensemble ne lui sied pas ; il est trop positif pour y croire ; il croit au fait bien défini, bien circonstancié, poursuivi jusqu’au bout dans sa spécialité de passion et dans son expression matérielle ; le reste lui paraît fumée et nuage.

439. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Quand même, en mourant, il ne se serait pas souvenu de nous à cet effet, et ne nous aurait pas expressément nommé pour réparer à son égard et autant qu’il serait en nous, ce qu’il appelait la félonie du sort, nous aurions lieu d’y songer tout naturellement. […] Ma fille, il faudrait autant pleurer un songe. » (Atala). […] Ce serait le réveil après un doux songe. — N’est-ce pas que vous donneriez bien huit jours de Paris pour une journée comme celle-là ?

440. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

En écrivant cette lettre, dictée par le cœur, elle ne se doutait pas de l’élévation morale où elle se place, et cette élévation est grande, surtout si l’on vient à songer quelle est la femme (digne sœur de Mme de Tencin, c’est tout dire) à qui elle s’adresse : (Paris, 22 mars 1721.) […] Quand il est question d’écrire à mes amis, je ne songe jamais qu’il faille de l’esprit pour leur répondre : mon cœur me suffit à tout. […] Mais, s’il est innocent, songez, monsieur, quel intérêt je dois prendre à ses jours, et combien cette incertitude est cruelle pour moi.

441. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Car si le livre était mauvais, il le refaisait, et il imputait, sans y songer, à l’auteur quelques-unes de ses propres inventions à lui-même. […] Je songe sans cesse à leur bonheur. […] Nous qui sommes de ses amis, de ceux à qui il songeait confusément de loin et pour qui il a écrit, nous ne serons point ingrats.

442. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Lui-même il a pris soin de nous indiquer le moment précis, très voisin de cette conversation, dans lequel il se détermina à se livrer tout à fait à sa passion et à sa haine contre Mazarin (janvier 1649) : « Quand je vis, dit-il, que la Cour ne voulait même son bien qu’à sa mode, qui n’était jamais bonne, je ne songeai plus qu’à lui faire du mal, et ce ne fut que dans ce moment que je pris l’entière et pleine résolution d’attaquer personnellement le Mazarin… » À partir de ce jour, tous les moyens lui sont bons pour réussir, les armes, les pamphlets, les calomnies. Voilà le branle qui commence, et il ne songe plus qu’à demeurer le maître du bal, comme le disait très bien Mazarin lui-même. […] Au reste, la plume de Retz fait toutes ces choses sans y prendre garde et sans y songer.

/ 2008