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1401. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Quels que soient donc les motifs qui aient déterminé Gavarni à mener à Londres le genre de vie assez singulier qu’il y observa ; que ç’ait été pur dégoût du trop d’aristocratie, attrait vif pour une nature populaire qui se déployait devant lui et se laissait lire à livre ouvert dans sa franchise ; que peut-être aussi cette réserve ait tenu au soupçon qu’il eut dès son arrivée, qu’on cherchait à exploiter son nom et sa présence, il ne perdit point son temps dans cette période de recueillement et de retraite durant laquelle il ne cessa de produire et de méditer. […] Il y a bien un peu de caprice dans le nombre, et de purs baptêmes de fantaisie, comme ce chevalier Desgrieux avec son rhumatisme qui le fait marcher de côté ; mais, en général, il faut qu’on retrouve le monument sous la ruine, que jusque sous le décrépit on devine celui qui a été beau et conquérant, et la manière particulière dont il l’a été ; que la parodie, en un mot, rappelle la chanson.

1402. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Je livre aux admirateurs-connaisseurs de Shakespeare son explication particulière de ce génie et de la faculté maîtresse qu’il lui reconnaît, « l’imagination ou la passion pure ». […] » Convient-il d’abuser tout aussitôt contre son esprit charmant de ses infirmités corporelles et de dire : « Il ne peut se lever ; c’est une femme qui l’habille ; on lui enfile trois paires de bas les unes par-dessus les autres, tant ses jambes sont grêles ; puis on lui lace la taille dans un corset de toile roide, afin qu’il puisse se tenir droit, et par-dessus on lui fait endosser un gilet de flanelle… » Ce n’est pas moi qui blâmerai un critique de nous indiquer, même avec détail, la physiologie de son auteur et son degré de bonne ou mauvaise santé, influant certainement sur son moral et sur son talent ; le fait est que Pope n’écrivait point avec ses muscles et ne se servait que de son pur esprit.

1403. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

La figure du maréchal de Catinat, même en la dégageant de l’espèce de légende philosophique dont on l’avait un peu obscurcie, en ne se gardant pas moins de l’admiration routinière qui arrondit les traits et ôte à la physionomie son accent, est et restera une des plus belles, des plus pures et des plus originales du xviie  siècle. […] Il y en a qui s’amollissent en avançant dans la vie et se corrompent par le repos ou par les honneurs : lui, il resta intègre jusqu’au dernier jour, et si la sagesse était née avec lui, on peut dire que sa vertu ne parut jamais plus pure qu’au sortir de l’action et dans ces années de retraite où il se disposait à mourir.

1404. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

L’autre chrétienne et pure catholique, l’humble fille du Cayla, avertie par tant de souffrances positives, se sent plus réellement en exil ici-bas, elle ne l’oublie jamais : elle est touchée de la nature, jamais entêtée ni enivrée. […] Ces mots sont bien placés dans ces grandes œuvres divines, sur ces puissants arbres qui vous disent de craindre la main qui les a plantés. » Tout cela est pur, net, distinct, bien vu, bien dit, rapidement conté ; c’est classique, c’est attique et irréprochable.

1405. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Mais ce qu’il faut dire et faire observer, c’est que La Bruyère était d’une génération plus jeune que celle des purs écrivains du xviie  siècle ; venu le dernier, il avait à renchérir un peu à sa manière, à s’efforcer. […] En même temps qu’il traite lestement et de haut en bas un Despréaux et un Valincour, il va déterrer les plus petits auteurs oubliés, de purs grimauds à leur date, pour leur accorder de l’importance et de la valeur.

1406. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Ce ne fut qu’après Richelieu, après la Fronde, sous la reine-mère et Mazarin, que tout d’un coup, du milieu des fêtes de Saint-Mandé et de Vaux, des salons de l’hôtel de Rambouille1 ou des antichambres du jeune roi, sortirent, comme par miracle, trois esprits excellents, trois génies diversement doués, mais tous les trois d’un goût naïf et pur, d’une parfaite simplicité, d’une abondance heureuse, nourris des grâces et des délicatesses indigènes, et destinés à ouvrir un âge brillant de gloire où nul ne les a surpassés. […] Quel naturel plein de légèreté gracieuse, quelles pages éblouissantes de pur esprit dans Mme de Staël, quand le sentiment ne vient pas à la traverse, et qu’elle laisse sommeiller sa philosophie et sa politique !

1407. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

La scène se passe vers le même temps que pour Eugène de Rothelin ; les personnages sont également simples, purs, d’une compagnie parfaitement élégante, et du plus gracieux type d’amants qu’on ait formé ; mais ici ce n’est plus, comme dans la charmante production de Mme de Souza, un idéal de conduite et de bonheur, et, ainsi que je crois l’avoir dit, une espèce de petit Jehan de Saintré ou de Galaor du dix-huitième siècle : il y a souffrance, désaccord ; le sentiment d’inégalité sociale est introduit. […] Ainsi se couronne une des vies les plus brillantes, les plus complètes, les plus décemment mélangées qu’on puisse imaginer, où concourent la Révolution et l’ancien régime, où la naissance, et l’esprit, et la générosité, forment un charme ; une vie de simplicité, de grand ton, de monde et d’ardeur sincère ; une vie passionnée et pure, avec une fin admirablement chrétienne, comme on en lit dans les histoires de femmes illustres au dix-septième siècle ; un harmonieux reflet des talents délicats, naturels, et des morts édifiantes de ce temps-là, mais avec un caractère nouveau qui tient aux orages de nos jours, et qui donne un prix singulier à tout l’ensemble.

1408. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Mais à d’autres fois aussi, et quand tu te sers, ô Clémente, de tes plus douces flèches, tu ne fais qu’affaiblir, diminuer insensiblement le souffle, en conseil vaut aux traits leur harmonie et au front son pur contour ; et quand tu y imprimes ton baiser glacé, il semble que ce soit une dernière couronne. — O Mort, que tu as de formes diverses ! […] Quoi qu’il soit devenu, et quoi qu’il fasse, il se ressouvient éternellement, du moins, de cette divine douleur de jeune fille, et, à ses bons et plus graves moments, sous cette neige déjà que le bel âge enfui a laissée par places à son front, il en fait le refuge secret de ses plus pures tristesses, et la source la plus sûre encore de ce qui lui reste d’inspirations désintéressées.

1409. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Et il recevait aussi, comme La Fontaine et comme Racine, l’influence de l’art antique par la conversation et la critique de son ami Despréaux, qui écartant résolument tous les Italiens et tous les Espagnols, comme trop brillants et trop « pailletés », détruisant l’autorité que l’illusion ou la complaisance de la génération précédente leur avait accordée aux dépens de la nature et de la pure beauté, proposait partout et toujours pour modèles les Grecs et les Latins, dont les œuvres contenaient toute la vérité, rendue avec toute la perfection que l’esprit humain était susceptible d’atteindre. […] Jugez-en par Racine, un des deux ou trois écrivains du siècle à l’âme desquels la Grèce a vraiment parlé : qui s’attendrait que Racine voulût retrancher du Banquet de Platon, comme inutile et scandaleux, tout le discours d’Alcibiade, ce portrait de Socrate, ce pur chef-d’œuvre où l’enthousiasme et la moquerie se mêlent avec une grâce subtile ?

1410. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

En général, les figures servent à rendre ce qui échappe à la prise brutale et matérielle des mots : on ne s’étonnera donc pas qu’elles servent surtout à traduire ce qui est sentiment ou passion ; les pures idées intellectuelles et les objets du monde réel sont en général directement touchés par les mots et par l’application littérale des lois communes de la grammaire et de la syntaxe. […] Je n’ai point à m’arrêter ici sur ces métaphores inconscientes et effacées, qui sont l’expression pure et propre des objets.

1411. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Il y a là tout un délicieux marchandage qui exclut le pur amour, le don absolu de soi : c’est ce marchandage même, cette défense du moi, qui fait la réalité de la peinture. […] Dans les vives polémiques qui s’engagèrent, les partisans du nouveau genre et ses ennemis ne le comparaient pas ordinairement à la comédie pure, mais à la tragédie : de La Chaussée à Beaumarchais, le grand argument qu’on fait valoir en sa faveur, c’est qu’il est plus vrai, et plus moral que la tragédie, parce qu’il peint des personnages pareils à nous, dans des situations pareilles à celles où nous nous trouvons tous les jours.

1412. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Et comme le triomphe de la démocratie était récent en France, et encore incomplet, il a été étudier la démocratie là où elle était pure et maîtresse, aux États-Unis : il est allé regarder ce qu’elle est là-bas, pour tâcher de deviner ce qu’elle peut ou doit devenir chez nous. […] Il en fait la légende plutôt que l’histoire, malgré ses très sérieuses recherches : maudissant, invectivant, embrassant, bénissant, dressant au-dessus de tous ses ennemis, amis et serviteurs, la sainte figure du peuple, du peuple idéal, terrible, fécond et généreux comme la Nature, toujours grand et toujours pur, quoi qu’il fasse.

1413. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Ce qu’il lui faut, c’est un dévergondage élégant d’esprit et de mœurs, n’excédant, pas les limites de la tenue ; il n’aime pas le vice parce que le vice est salissant ; mais sa morale, toute en surface, repose sur des principes pour rire, qui seraient de pures niaiseries, n’était la nécessité de maintenir un certain décorum dans toute assemblée nombreuse, où la licence dégénère forcément en grossièreté… C’est ce que M.  […] Rabusson — pas toujours très pur ni exempt de toute phraséologie, mais fin, souple, aisé, élégant (c’est le mot auquel je reviens toujours).

1414. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

J’ai connu des gens de goût, mais d’un goût restreint et nourri à l’ombre du cabinet, qui, en jugeant Napoléon pour son talent de parole, en étaient restés sur cette première impression : Daunou, par exemple, écrivain d’un style pur, châtié et orné. […] Quand il a du pittoresque pur, ce n’est qu’un mot jeté en passant.

1415. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Je n’ai pas voulu omettre ces premières circonstances ; car il n’est pas indifférent, selon moi, même pour les futures convictions et croyances, d’être sorti d’une race solide et saine, d’une race intègre et pure. […] Quelquefois lui-même il s’arrête comme étonné devant les témérités de sa parole ; mais il la reprend, la répare aussitôt, ou seulement il la redouble, il l’explique ; car rien, chez lui, n’est sorti que d’un cœur net, d’une lèvre ardente et pure.

1416. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Elle est avec Voltaire, dans la prose, le classique le plus pur de cette époque, sans même en excepter aucun des grands écrivains. […] Enfin, si l’on pardonne à Mme de Sévigné d’avoir aimé follement sa fille, on pardonnera à Mme Du Deffand d’avoir eu pour Walpole cette passion qu’on ne sait comment qualifier, qui lui était entrée par l’esprit dans le cœur, mais qui était fervente, élevée et pure.

1417. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

La personne de l’écrivain, son organisation tout entière s’engage et s’accuse elle-même jusque dans ses œuvres ; il ne les écrit pas seulement avec sa pure pensée, mais avec son sang et ses muscles. […] On sent d’abord le besoin d’aller s’y retremper, d’aller se jeter dans quelque lecture limpide et saine au sortir des Parents pauvres, — de se plonger dans quelque chant de Milton, in lucid streams , dans les purs et lucides courants , comme dit le poète.

1418. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Ces plaisirs étaient purs, vifs, aimables ; ils suffisaient à parer le présent des plus douces, des plus riantes couleurs. […] Le ciel n’avait jamais été d’une sérénité plus pure, plus inaltérable.

1419. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Ernest Serret ; un sentiment pur, un style correct, nous y rendent quelque chose d’un Colin d’Harleville rajeuni. […] Des poètes sérieux, consciencieux, élevés, y travaillent, et, si le public n’est pas familiarisé avec leurs noms, c’est qu’en France ce n’est que par le sentiment et la passion dramatique, et aussi par un coin d’esprit qu’on y mêle, que le public peut accepter, j’ai presque dit, peut pardonner la poésie : à l’état pur, elle n’existe guère que pour les poètes entre eux.

1420. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Il se trouvait ainsi, simple mortel, le demi-frère du duc du Maine, du comte de Toulouse, enfin de ces sept enfants qui avaient nom Bourbon, et qui étaient traités comme de la pure race de l’Olympe. […] Son père l’avait emmené en Guyenne en bas âge ; là, dans son château de Bonnefons, il plaça près de lui un jeune précepteur, qui devint plus tard un prédicateur assez célèbre, l’abbé Anselme, sujet excellent, homme sensé et distingué, d’une piété éclairée, d’une morale exacte, qui donna à son élève les meilleurs préceptes et lui laissa les plus pures impressions : « Ce n’est point sa faute, dit M. d’Antin, si je n’ai pas l’esprit et le cœur faits comme je devrais l’avoir ; il n’y a rien oublié de sa part, ses paroles et ses actions étant toujours de concert. » Mais la nature avait mêlé dans cette âme délicate et molle des goûts de séduction qui ne demandaient que l’éveil.

1421. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Les scènes mélodramatiques de la fin et les airs de mélancolie, répandus çà et là dans l’ouvrage, sont la marque du temps ; ce qui est bien déjà à Mme Gay, c’est le style net, courant et généralement pur, quelques remarques fines du premier volume ; par exemple, lorsque Laure dit qu’en se retirant du monde pour vivre à la campagne, partagée entre les familles des deux châteaux voisins, elle avait cru se soustraire aux soins, aux tracas, aux passions, et qu’elle ajoute : « Eh bien ! […] Son style aussi, en affectant plus de couleur, s’est tendu par endroits et s’est altéré ; il est moins pur qu’autrefois.

1422. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — I. » pp. 84-104

Il y avait dans la pure doctrine saint-simonienne, toute pacifique et industrielle, quelque chose qui était antipathique avant tout à l’humeur guerrière et à la susceptibilité nationale de Carrel. […] Cette physionomie gracieuse et pure, cette jeune tête riante et chauve de Sautelet se dessine avec beaucoup de finesse, et même par moments avec un éclair de gaieté ; puis l’analyse reprend, exacte, sévère, presque impitoyable.

1423. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

On peut distinguer trois périodes dans la carrière poétique de Boileau : la première, qui s’étend jusqu’en 1667 à peu près, est celle du satirique pur, du jeune homme audacieux, chagrin, un peu étroit de vues, échappé du greffe et encore voisin de la basoche, occupé à rimer et à railler les sots rimeurs, à leur faire des niches dans ses hémistiches, et aussi à peindre avec relief et précision les ridicules extérieurs du quartier, à nommer bien haut les masques de sa connaissance : J’appelle un chat un chat, et Rolet un fripon. […] Était-ce de sa part une pure illusion de la vieillesse ?

1424. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Quant à la loi de contraste, elle n’a plus ici la même signification que dans l’association des pures idées. […] La synthèse mentale ne peut sans doute s’établir, comme nous l’avons montré, qu’entre des termes déjà donnés par un pur automatisme ; mais l’intelligence n’en a pas moins, en premier lieu, le pouvoir d’accepter ou de rejeter la soudure déjà commencée par la simple coïncidence de temps.

1425. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

La prose rythmique tient à la fois de la prose et du vers  ; c’est ce que nous dit l’auteur d’une ancienne Vie de Saint-Wulfram : elle tend à quelque similitude avec la douce cadence du vers, ad quamdam tinuli rhythmi similitudinem 209 ; elle ne se compose pas absolument de vers, puisque ses vers ou versets n’ont pas un nombre fixe d’accents ; elle n’est point de la prose pure, puisque l’accent y joue un rôle sans doute prépondérant, quoique obscur. […] Per quadrum est compaginata, Murificata firmiter, Quadraginta et octo turres praefulgent per circuitum : Ex quibus octo sunt excelsae, Quae eminent omnibus… Là encore l’intention rythmique est très sensible et nul ne confondra un poème de ce ton avec de la prose pure.

1426. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Il les veut si purs, il les rêve si parfaits, qu’il affecte de considérer comme un crime, chez un bourgeois, une action qui serait simplement douteuse si elle avait pour auteur un artisan ou un rustre. […] Le marbre, fût-il de Paros, ne lui paraît jamais assez pur pour y tailler son personnage d’élection.

1427. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Il semble pourtant que le sentiment soit pur encore dans le conte de Bala et Kounandi, dans Lansêni et Maryama (Barot) et dans Amadou Sêfa Niànyi. […] Le conteur, pour flatter l’Européen, prendrait comme type de la beauté pure les traits de la race blanche.

1428. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Malgré ses dires, il est chaste et pur comme l’enfant qui vient de naître ; mais il lui plaît de s’entendre appeler “monstre” par ces bons bourgeois à qui il ressemble si bien et qu’il brûle déjà d’imiter. […] Les littérateurs de l’époque précédente avaient tué la littérature et en étaient arrivés à ne qualifier littéraires que les œuvres de phraséologie pure caractérisées par l’abus de la rhétorique et un style où l’idée se tortille en tire-bouchons — précisément celles qui le sont le moins.

1429. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

Ce sont ceux qui ne croient pas les femmes plus à leur place là qu’ici, — au bal masqué de l’Opéra qu’au bal de la littérature, — et qui souffrent dans la notion pure, élevée, délicate qu’ils ont de la femme, de ses vertus et même de sa gloire, — en la voyant se travestir comme Mme Stern, non plus seulement en artiste et en femme de lettres, mais mieux que cela, en philosophe ! […] croyez-moi, ne méconnaissez pas ainsi le pur idéal que Dieu a mis dans votre âme !

1430. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Du Méril s’est donné à la science en pur don, comme on se donne à tout ce qu’on aime, et la science, ingrate comme tout ce qu’on aime, ne lui a pas même rendu de la gloire. […] Sa critique, moins sympathique et moins passionnée que celle de Macaulay, est une critique, une pure critique d’idées.

1431. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Pour cela, des voies moins pures sont nécessaires, etc. », ce qui veut dire, en termes qu’on surveille, mais qu’il est impossible de ne pas comprendre, que le bien, pour être, a besoin du mal, et que la vertu ne peut rien de grand et de fort dans le monde sans l’aide des gredins et l’appoint de la coquinerie. […] En effet, que le Bullaire d’Alexandre VI, par exemple, soit aussi pur, aussi irréprochable que celui de saint Léon ou de saint Pie V, voilà qui renverse l’esprit humain, et qui s’impose à lui souverainement une fois qu’il est renversé !

1432. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

» Puis à ces graves paroles en succèdent d’autres, pures du moins et délicates : « Ouvrez les portes ; la vierge paraît. […] « Telle qu’une fleur solitaire est née dans l’enclos d’un jardin, à l’abri des troupeaux, loin du soc de la charrue, caressée par les souffles de l’air, fortifiée par le soleil, nourrie des eaux du ciel, objet d’envie qu’ont souhaité bien des enfants et des jeunes filles ; et puis, s’est-elle fanée sous le doigt léger qui la cueille, nuls enfants, nulles jeunes filles ne l’ont plus souhaitée : telle la vierge, tant qu’elle reste pure, est chérie des siens.

1433. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [M. de Latena, Étude de l’homme.] » pp. 523-526

De nos jours, je ne vois pas qu’il y ait eu émulation et concurrence dans le sens des ouvrages de pure morale.

1434. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

Le comte de P. est de pure invention, et, en effet, quoiqu’il semble d’abord un personnage important, l’auteur s’est dispensé de lui donner aucune physionomie, et ne lui fait non plus jouer aucun rôle.

1435. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « SUR ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 497-504

La Gironde, déjà bien immortelle, eût été idéalisée comme dans un groupe du plus pur marbre antique.

1436. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Laurent (de l’Ardèche) : Réputation de l’histoire de France de l’abbé de Montgaillard  »

Nous pouvons dire aujourd’hui : Si Robespierre et Danton eussent agi comme Guadet et Vergniaud, d’autres auraient agi comme Robespierre et Danton. » Pour nous, convenons-en, dont la sensibilité défaillante aurait eu peine à faire un seul pas au-delà de la Gironde, nous ne nous déclarons pas convaincu par ces arguments, tout solides qu’ils puissent paraître, et il reste toujours à savoir si, quand on est certain que la patrie sera sacrée, sinon par nous, du moins par d’autres, il n’est pas mieux de savoir mourir pur que de tremper, même à bonne intention, dans use œuvre cruelle et souillée.

1437. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

En Angleterre, c’est presque exclusivement sous la forme religieuse qu’elle s’est montrée, et, en France, c’est sous la forme politique pure.

1438. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

Sans doute cette faculté puissante et féconde, à laquelle nous devons tant de nobles jouissances, tant d’heures d’une émotion pure, tant de créations merveilleuses qui sont devenues une portion de nous-mêmes et de nos souvenirs, sans doute cette belle faculté commençait à faiblir sensiblement ; on n’osait plus en attendre des chefs-d’œuvre comparables aux anciens ; on craignait même de la voir se complaire dans une postérité de plus en plus débile, comme il arrive aux plus grands hommes en déclinant comme le bon Corneille ne sut pas assez l’éviter dans sa vieillesse.

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