Le public ne s’y habitua qu’à la reprise et peu à peu. En vérité, pour une fois je serais tenté de dire que le public avait raison. […] Les Chrysale sont assez nombreux pour former un très bon public. […] La supériorité de Molière en fait d’idées, c’est d’avoir très sûrement démêlé celles de son public qui devaient très probablement être celles du public de tous les temps ou du public, au moins, de quelques siècles après lui. […] Tout son contrat avec le public est celui-ci : « Suis-je amusant ?
Il faut donc répondre une bonne fois à une accusation si grave, et en abandonnant au public le jugement des ouvrages, l’instruire naïvement des vrais motifs qui me les ont fait faire. […] Dès qu’il le fait, on peut dire qu’il prend qualité lui-même, qu’il se donne pour homme de talent, et qu’il demande au public qu’il ait à le reconnoître pour tel. […] D’ailleurs le public ne laisse pas de s’en amuser ; et tout ce qui est du goût du public acquiert dès-là assez d’importance pour autoriser un auteur à en parler, si ce n’est par égard pour la chose même, du moins par considération pour ceux qui l’approuvent. […] On ne tentera gueres de nouveautés utiles, s’il ne se trouve pas des auteurs assez généreux, pour risquer de déplaire au public, en essayant de l’enrichir. […] Je ne veux rien ôter au public ; je voudrois au contraire essayer de l’enrichir.
Sans parler des Canevas & des Opéra Comiques qu’il a donnés aux Italiens, où ces bagatelles ont été accueillies du Public, trois de ses Comédies, le Tuteur dupé, le Mariage interrompu, & les Etrennes de l’Amour, ont eu du succès sur le Théatre de la Nation. […] Si celle-ci n’a pas eu un grand succès, elle ne laisse pas d’être supérieure à la plupart des Comédies de nos jours que le Public a accueillies.
. — Savez-vous quel volume de poésies a, dans ces dernières années, remporté le prix de la faveur publique ? […] Laferrière, un jeu naturel ; — et le public, cette attention soutenue, si préjudiciable aux bonnes digestions.
Je parlais tout à l’heure des artistes qui cherchent à étonner le public. […] Que l’artiste agisse sur le public, et que le public réagisse sur l’artiste, c’est une loi incontestable et irrésistible ; d’ailleurs les faits, terribles témoins, sont faciles à étudier ; on peut constater le désastre. […] Le public, qui aime passionnément sa propre image, n’aime pas à demi l’artiste auquel il donne plus volontiers commission de la représenter. […] Chez un public sans âme, il la méritait. […] » telle est la question que se fera tout le public féminin.
L’esprit de société rapetisse le mérite des écrivains ; l’esprit du public l’agrandit. Les vrais auteurs doivent être les maîtres du vulgaire, mais les disciples du public. […] Les monuments des lettres sont les archives respectables où la vérité, la raison, et le courage, ont déposé les registres des anciens honneurs de la liberté publique. […] Cela préserve-t-il le public de l’affluence des ouvrages médiocres ? […] C’est de la compassion que relève la noblesse humaine : c’est elle qui rattache nos cœurs aux intérêts de nos semblables, à la prospérité de nos villes, à tous les mouvements de la société publique.
Sous cette réserve, Boileau fut vraiment le premier à se constituer conseiller du public dans le jugement des écrits, à entreprendre, sans passion personnelle, pour de pures raisons de goût, de démolir ou d’élever les réputations littéraires. Le public fut surpris d’abord de la vigueur et de l’insistance de ses attaques, et nombre de gens le prirent pour un médisant forcené : Montausier mit vingt ans à lui pardonner. […] Peu à peu, le public prit conscience de la valeur exacte des Satires : elles l’aidèrent à débrouiller son propre goût, elles en hâtèrent la maturité et en fixèrent l’orientation. […] Il se dorme pour mission de mettre en contact les deux natures, celle des choses et celle du public, et il tient compte de l’une aussi bien que l’autre. […] Cette méthode n’est pas sans danger, elle peut mener à humaniser la nature à l’excès ; mais le génie consistera à trouver des agréments dans la vérité, et à faire que le plaisir du public soit attaché aux mêmes choses où consiste la fidélité de l’imitation.
Voyons les choses dont les petits livrets envolés de Ferney entretiennent le public : ce sont les événements du jour, ceux où apparaît quelque abus, quelque vice social, quelque effet des vieux préjugés et de la tradition oppressive ou fanatique. […] Cette comédie se passait à huis clos ; mais en voici d’autres qui réjouirent dès ce temps-là le public. […] Le culte de Voltaire Les écrits imprimés de Voltaire ne nous donnent qu’un des aspects, un des moyens de sa prodigieuse influence : par eux s’exerce sa souveraineté sur le public. […] Il n’a pas eu de grandes vues politiques ; il n’a pas approfondi l’origine des sociétés, la théorie des pouvoirs publics, les principes du droit et des lois. […] Le chev. de Chastellux avait publié en 1772 un livre de la Félicité publique (2e éd., 1776).
La Bruyère, moins sublime, en effet, que Pascal, et moins profond que La Rochefoucauld, songe plus à s’approprier au public, et s’accoutume à ne regarder les choses que jusqu’où la vue des autres peut le suivre. […] On résiste aux Maximes et aux Pensées comme à l’autorité d’une raison individuelle, aigrie par des circonstances personnelles à l’auteur ; mais on reçoit volontiers les leçons de la Bruyère, parce que sa raison est libre de ressentiments et de souffrances, et que, comme il le dit si délicatement, il ne fait que rendre au public ce que le public lui a prêté. […] La Bruyère n’arriva pas tout d’abord à cet ensemble de convenances qui constitue un genre, et il y arriva guidé par ce même public qui lui fournissait la matière de son livre. […] Le public, si digne alors des auteurs, et qui pouvait aider les plus illustres à se connaître, sentit que ces trop rares portraits donneraient seuls à La Bruyère une place à côté de La Rochefoucauld et de Pascal, et il lui en commanda de nouveaux. […] Là surtout le besoin de plaire au public a fait sortir La Bruyère des limites de son art.
Ce n’est pas dans le public spécialement wagnérien que portent ces grandes réclames, mais plutôt au dehors… Au contraire, je maintiens que dans le public spécial des wagnéristes, les articles d’une Revue Wagnérienne doivent avoir leur valeur. […] La série de fautes, maladresses ou calculs coupables, qui au moment de la représentation ont renouvelé l’irritation du public contre le nom de Wagner… négligeons tout cela, et arrivons au dénouement, sur lequel d’ailleurs, il y a un mois, j’avais promis des éclaircissements. […] Reyer — le public réentendait les merveilles bafouées jadis, et comprenait enfin la grandeur du génie disparu. […] Le public préfère s’en rapporter à sa bêtise naturelle, qui vaut encore mieux que leurs lumières. […] Mais qu’un Théâtre-Lyrique s’ouvre, que le Drame musical soit enfin révélé au public, et nous verrons qui d’eux ou de nous rompra le plus de lances en faveur de Berlioz.
Dumas, par sa nouvelle pièce, vient de lancer une sorte de défi au public ; la critique doit le relever avec lui. […] C’est de l’hébreu pour une partie du public : pour l’autre, c’est du galimatias. […] Cette femme immonde méritait dix fois d’être exécutée, aux applaudissements du public. […] Aussi bien le public avait jugé, avant moi, ce drame avorté. […] Ils se professent eux-mêmes au public, ils parlent comme des livres et non comme des hommes, et semblent reliés plutôt qu’habillés.
Parlant de la défaite des ennemis du bien public ; Camille Desmoulins dira, par exemple : Ils sont forcés de demander pardon à genoux. […] Il a bien soin d’ajouter : « Mais l’horreur de leur crime passe encore l’horreur de leur supplice. » Il exalte en un autre endroit le procédé de justice expéditive du savetier de Messine, cet homme « dévoré du zèle du bien public », qui se chargeait d’exécuter lui-même le soir, à l’aide d’une arquebuse à vent, les coupables que lui et ses ouvriers avaient condamnés à huis clos dans la journée. […] On se prend à dire à tout moment, en lisant les folies, les invectives, les bravades bouffonnes de cet insulteur public qui finit un jour par être humain, et qui, ce jour-là, est victime : Nescia mens hominum fati sortisque futurae ! […] Il acceptait, il revendiquait alors ce rôle d’accusateur public et de délateur que plus, tard il flétrira. […] De ce que tous deux, Camille Desmoulins et André Chénier, ont été finalement victimes, ce n’est pas une raison pour les confondre ; sachons faire la part de chacun, et maintenons à son vrai rang dans l’estime publique celui qui, en un temps de violence, de lâcheté et de frénésie, fut du petit nombre des hommes qui ne dévièrent jamais.
Cette édition de Condorcet que le public ne demandait pas, mais que sa famille a cru devoir élever comme un monument à sa mémoire, renferme des parties intéressantes et neuves, notamment la correspondance avec Turgot, des lettres de Voltaire, du grand Frédéric, de Mlle de Lespinasse. […] Il s’étonne que quelques-uns de ses collègues s’inquiètent de cette tendance des tribunes à dominer l’Assemblée : « Cette police sur les mains de la partie du public qui assiste aux séances est pour certaines gens une affaire de la plus haute importance, dit-il (31 janvier 1792) ; on croirait que leurs commettants ne les ont envoyés à Paris que pour s’en occuper. » Quand les clameurs s’élèvent sur la terrasse des Tuileries pour intimider ou stimuler les législateurs, Condorcet ne s’en plaint que très doucement (10 janvier 1792). […] Quelques patriotes pensent, il est vrai, qu’il importe de laisser l’esprit public développer toute son énergie… ; qu’il n’est pas temps encore de douter du pouvoir de la raison. » Dans ses attaques contre les ministres, il en est qu’il excepte avec un soin particulier et qu’il ménage, notamment M. de Narbonne. […] Quant au fond même des choses pourtant, il serait injuste de méconnaître, dans les travaux publics de Condorcet à cette époque, des témoignages multipliés de sa grande capacité d’intelligence. […] Il avait sur l’ensemble et sur chaque branche, sur chaque point de l’ordre scientifique et du mécanisme social, des idées arrêtées, méditées, ingénieuses parfois ; et, dans cette refonte universelle qui se tentait alors de la société et de l’esprit humain, il pouvait rendre de vrais services à l’instruction publique.
Ce fut un bonheur du moins que, dans une des dernières occasions publiques où il se produisit, un discours latin qu’il prononça avec applaudissement ait fait naître un désir unanime de ses collègues de la faculté des arts, et qu’on l’ait engagé à écrire son Traité des études, par lequel il se rouvrit cette carrière de l’enseignement qu’on lui fermait. […] Les Histoires de Rollin ont été dans le temps un service et un bienfait du même genre ; à mesure qu’il les composait, l’auteur découvrait en lui et déployait aux yeux de tous un véritable talent d’ampleur, de développement et de récit, qui s’est soutenu jusqu’à la fin, et qui a charmé le public durant bien des années. […] » À cette parole trop dure et que Voltaire lui-même rétractera, Montesquieu semble avoir voulu répondre quand il écrivait sur un petit papier cette parole souvent citée, parole d’or et qui montre combien la vraie supériorité est indulgente : « Un honnête homme a, par ses ouvrages d’histoire, enchanté le public. […] ils croissaient presque à l’insu des pères, au milieu des discordes civiles, et ils sont absous par les malheurs publics, car tout leur a manqué : l’instruction, les remontrances, les bons exemples et ces douceurs de la maison paternelle, qui disposent l’enfant aux sentiments vertueux et lui mettent sur les lèvres un sourire qui ne s’efface plus. […] On les voit errer dans les places publiques et remplir les théâtres comme s’ils n’avaient qu’à se reposer des travaux d’une longue vie.
Tant soit peu injuste par représailles, elle eut ses prédilections et ses antipathies : Casimir Delavigne et surtout Béranger furent ses poètes ; et ils le méritaient bien sans doute ; mais d’autres aussi méritaient quelque estime, qui, après des succès de salon, n’obtinrent du public que peu d’attention et force plaisanteries. […] Cette fois, ils pourraient rencontrer la gloire et mériter la reconnaissance du public : car, il ne faut pas s’y tromper, malgré ses goûts positifs et ses dédains apparents, le public a besoin et surtout avant peu de temps aura besoin de poésie ; rassasié de réalités historiques, il reviendra à l’idéal avec passion ; las de ses excursions éternelles à travers tous les siècles et tous les pays, il aimera à se reposer, quelques instants du moins, pour reprendre haleine, dans la région aujourd’hui délaissée des rêves, et à s’asseoir en voyageur aux fêtes où le conviera l’imagination.
Discours lors de la distribution des prix du lycée Louis-le-Grand 7 août 1883 Jeunes Élèves, C’est sans doute le voisinage de notre vieux Collège de France et de votre maison, la première de toutes en noblesse universitaire, qui m’a valu l’honneur d’être désigné par M. le ministre de l’instruction publique pour présider à cette cérémonie. […] L’importance de l’instruction publique se trouve ainsi en quelque sorte décuplée. […] Le soin de l’instruction publique dans un État deviendra ainsi une préoccupation au moins égale à celle de l’armement et de la production de la richesse.
Ses ennemis prétendoient qu’il étoit odieux qu’un citoyen s’élevât une espèce de tribunal, auquel tous les auteurs ressortissoient ; de sorte qu’il fallut que les ouvrages nouveaux, & sur-tout les pièces de théâtre, méritassent son approbation pour avoir celle du public. […] Si l’on retrouve quelque part ce dernier, son enjoûment, son aimable désordre, ses bouffonneries, ses transperçans & cyniques, c’est sur le théatre de notre comédie Italienne ou sur celui de la Foire ; théâtres de tout temps en possession de relever les ridicules célèbres, de contrefaire la figure, la voix, les gestes, les manières de ceux qu’on juge devoir être l’objet de l’amusement du public. […] Ils eussent dû le condamner, le punir d’oser ainsi s’ériger en censeur public, attaquer la réputation d’un citoyen si respectable.
C’est l’art des sacrifices que doivent arriver à pratiquer à divers degrés tous ceux qui veulent avoir une action sur un public impatient, comme l’est le lecteur en France. […] Quand il s’adresse au public, il prend des tons de général Bonaparte à la bataille des Pyramides ; en particulier, l’homme se montrait parfois aussi inquiet sur la durée de son œuvre qu’un grand artiste qui constate que les couleurs qu’il emploie détruiront sa toile et ne laisseront guère plus de traces du tableau que si un liquide corrosif y avait été jeté. […] L’auteur de la Comédie humaine, qui vivait à une époque où les écrivains se plaisaient à jeter de la poudre aux yeux du public, fut assez satisfait de cet article d’Ourliac, paru primitivement dans Le Figaro, pour le donner tout entier en appendice dans la première édition de César Birotteau.
Pluche, auteur du Spectacle, est peut-être trop superficiel, comme M. de Reaumur est trop minutieux ; mais l’un & l’autre ont bien mérité du public. […] Cet ouvrage intéressant a été très-bien accueilli du public. […] Ce projet fut imaginé & donné au public, il y a près de deux siécles, par l’illustre Chancelier Bacon.
Au moment où une poignée de concussionnaires publics regorgèrent de richesses, habitèrent des palais, firent parade de leur honteuse opulence, toutes les conditions furent confondues ; il s’éleva une émulation funeste, une lutte insensée et cruelle entre tous les ordres de la société. […] Si vous n’avez pas une âme de bronze, dites donc avec moi ; élevez votre voix, dites : maudit soit le premier qui rendit les fonctions publiques vénales ; maudit soit celui qui rendit l’or l’idole de la nation ; maudit soit celui qui créa la race détestable des grands exacteurs ; maudit soit celui qui engendra ce foyer d’où sortirent cette ostentation insolente de richesse dans les uns, et cette hypocrisie épidémique de fortune dans les autres ; maudit soit celui qui condamna par contre-coup le mérite à l’obscurité, et qui dévoua la vertu et les mœurs au mépris. […] A-t-on crié dans les rues un édit qui promette un intérêt décuple à un capital ; l’enfant de la maison pâlit ; l’héritier frémit ou pleure ; ces masses d’or qui lui étaient destinées, vont se perdre dans le fisc public, et avec elles l’espérance d’une opulence à venir.
Le public, qui ne sort gueres du bon goût lorsqu’il y est entré, a rejetté depuis quelques années toutes les comedies composées dans des moeurs étrangeres avec lesquelles on auroit voulu l’amuser. […] Mais comme les pieces italiennes qui ne sont point composées dans nos moeurs ne peuvent amuser le public ; les comediens dont je parle ont encore été obligez de joüer des pieces écrites dans les moeurs françoises. […] Une comedie qui roule sur le détail d’une profession particuliere, et dont le public generalement parlant n’est pas instruit, ne sçauroit réussir.
Cousin ouvrit boutique et facilita à ce nouveau public l’acquisition de la philosophie. […] Cousin se mit à exposer une science plus pratique, plus française, plus à la portée de son public. […] — non le peuple, mais le public le plus éclairé ! […] D’abord le public français écouta la pièce avec plaisir. […] Voilà à quelle dose le public d’aujourd’hui prend de l’émotion dramatique !
Werther est un des livres qui ont eu le plus d’influence et qui ont le plus excité la curiosité publique en tout pays. […] Mais, par bonheur, un génie ami a depuis longtemps pris ce soin, et l’a excité, dans toute la force de la jeunesse, à fixer un passé tout récent, à le retracer et à le livrer hardiment au public dans le moment opportun : chacun devine qu’il s’agit ici de Werther. […] Je travaille maintenant à un roman, mais cela va lentement… Encore une confidence d’auteur : mon idéal grandit et embellit de jour en jour, et si ma vivacité et mon amour ne m’abandonnent pas, il y aura encore beaucoup de choses pour ceux que j’aime, et le public en prendra aussi sa part. […] C’est malgré nous que ce livre nous met dans les conversations du public ; mais nous avons la satisfaction de savoir que c’est sans raison et sans motifs. […] [NdA] N’est-ce pas pourtant un peu en vue de ce gros public qu’il a immolé en partie ses amis, ou du moins sacrifié la pudeur de l’amitié ?
reprit le spirituel auteur ; nous donnons tout au public, il ne nous reste plus rien pour nous-même. » Ce n’est là qu’un mot d’homme d’esprit. […] Si j’ai désiré quelque chose vivement (ce qui ne m’arrive plus guère), c’est qu’il lance ce nouvel acte dans le public qui l’idolâtre, comme un tison infernal, tout fumant et tout brûlant, et qu’il ne laisse dans l’esprit des spectateurs, à la fin de la pièce, que la coupe, l’urne, le spectre, Shakespeare, le Dante et Talma. […] Je ne vis plus, j’assiste à la vie… » En parlant de la sorte, Ducis était fidèle à sa nature, à sa complexion, à ses vœux constants de retraite, et à tous ses refus précédents d’entrer à aucun degré dans la vie publique. […] Bernardin de Saint-Pierre, qui avait été son premier confident, écrivit trois semaines après à Arnault, chef alors de l’Instruction publique, une lettre que M. […] Mais se fera-t-elle jamais pour le public avec tous les soins et tous les accessoires qu’elle mérite ?
1834 Ce qu’il y a d’excellent surtout, selon moi, aux vrais mémoires des vrais grands hommes, c’est que déjà connus par leurs œuvres publiques, par des actes ou des productions hors de ligne et qui resteraient des fruits un peu mystérieux pour le gros du genre humain, ces hommes nous apparaissent dans leurs mémoires par leur lien réel avec la nature de tous. […] Bonaparte a gâté le jugement public par son exemple, et les imaginations ne sont pas guéries encore des impressions contagieuses et des ébranlements qu’il leur a laissés. […] Quoi qu’il en soit, le jugement total de la vie publique et privée de Mirabeau laissait l’idée de quelque chose de grand mais d’énormément souillé, d’une grossière débauche avec des éclairs de passion divine, d’ure souveraine et libre parole avec des besoins cupides ; et sa mémoire comme son corps, tantôt au Panthéon et tantôt sur la claie ! […] Le public n’est point mon juge. […] Sans doute il ne suivit aucun plan général dans ses attaques, et ne les gouverna souvent qu’au gré de ses passions ou même de ses besoins ; et c’est en ce sens surtout qu’il est vrai de dire que sa mémoire publique, sa mémoire de grand citoyen a reçu d’irréparables atteintes ; mais il eut de rares et lumineuses inspirations sur l’état social profond et l’avenir où l’on se précipitait.
Le désintéressement que réclame la chose publique trouve sous sa plume une vertueuse énergie d’expression : « Quand on ne s’est pas habitué, dit-elle, à identifier son intérêt et sa gloire avec le bien et la splendeur du général, on va toujours petitement, se recherchant soi-même et perdant de vue le but auquel on devrait tendre. » Mais au même moment son noble cœur, si désintéressé des ambitions vulgaires, se laisse aller volontiers à l’idée des orages, et les appelle presque pour avoir occasion de s’y déployer. […] Regrettant qu’on ait arrêté Louis XVI fugitif à Varennes, elle donne pour raison que, sans cette fâcheuse capture, la guerre civile devenant immanquable, la Nation allait forcément à cette grande école des vertus publiques. […] Il est difficile, à cinquante ans de distance, de laver Brissot des calomnies de Morande ; mais toute la partie publique de sa vie repousse et anéantit les récriminations adressées à la partie antérieure et obscure. […] Un préjugé public a nommé Barbaroux, parce qu’elle l’a loué dans un admirable portrait pour sa tête d’Antinoüs ; mais rien ne prouve que ce fût lui. […] Sous son air modeste, on apercevait son rayonnement et sa joie d’être ainsi active aux choses publiques.
Si la fortune en décide autrement, du moins mon malheur sera adouci par l’idée qu’il était nécessaire au bien public : car si nos ennemis ne veulent que ma ruine, je serai entre leurs mains. Si leur ambition menaçait la liberté publique, je ne doute point que mes concitoyens ne s’unissent pour la défendre jusqu’à la dernière extrémité, et, je l’espère, avec autant de succès que nos ancêtres l’ont fait autrefois. […] Il écrivait à Marcile Ficino, son ami et son correspondant intime : « Quand mon âme est lasse du fracas des affaires publiques, et que mes oreilles sont assourdies par les cris tumultueux des citoyens, comment supporterais-je une pareille gêne si je ne trouvais un délassement dans l’étude ! […] Semblable à ces moments de calme qui précèdent les ravages de la tempête, à peine on avait commencé à en goûter les douceurs, qu’elles s’évanouirent sans retour, l’édifice de la félicité publique, élevé par les travaux de Laurent et conservé par ses soins assidus, ne demeura ferme et entier que pendant le peu de temps qu’il vécut encore ; mais, à sa mort, on le vit s’abîmer comme ces palais enchantés que créa l’art de la magie, et il entraîna pour un temps dans sa ruine les descendants mêmes de son fondateur. […] Vous devez comprendre vous-même que l’envie ne vous a pas vu avec indifférence parvenir si jeune à une si éminente dignité, et ceux qui n’ont pu réussir à vous exclure de cet honneur feront jouer toutes sortes d’intrigues pour le flétrir entre vos mains, en vous faisant perdre l’estime publique, et tâchant de vous entraîner dans le gouffre de turpitudes où ils sont eux-mêmes tombés ; et sur ce point la considération de votre jeunesse redouble leur confiance.
L’Académie l’a élu ; le public l’aimera. […] Nous ferons le public juge entre le poète et nous. […] Poser, parler, même lire, je ne le puis en public, et pour moi, le public commence où il y a plus de dix personnes. — Mais, me dira-t-on, il faut vous dévouer. […] Dès ce moment, ils appartinrent au public. […] Le public lettré est tout préparé.
Nous ne lui attribuerons pas, comme le Public, l'Histoire de l'établissement du Commerce dans les deux Indes : il seroit trop humiliant pour lui de vieillir au milieu des fables, en enchérissant sur le défaut de véracité, à mesure que les progrès de l'âge devroient perfectionner ses lumieres & mûrir sa raison. […] Sans Prêtres, sans Temple, sans morale publique, quel zele pouvoient-ils avoir pour défendre l'Etat » ?
Ne traitez pas le public en écolier ; on est trop vieux, à trente ans, pour retourner au collège. […] Tout se réduira donc probablement à réformer le gaspillage des deniers publics ». […] C’est au public à se corriger comme à se conduire. […] Dix de leurs maisons furent détruites. — Réfugiés dans le comté de Clary, ils en furent encore chassés par la haine publique. […] C’est alors aussi que l’irritation publique fut portée au comble.
Mais le public, les femmes surtout, lisaient, étaient émues, pleuraient. « Oh ! […] M. de Vigny crut toutefois qu’un détour était encore nécessaire, et il s’adressa à l’Othello de Shakspeare pour une première initiation du public, tandis que M. […] Aussi, tandis que M. de Lamartine, avec sa noble négligence, demeure, en public et sous le soleil, le prince aisé des poëtes, l’auteur de Chatterton, dans son cercle à part et du fond de ce sanctuaire à demi voilé, en est devenu le patron réel, le discret consolateur par son élégante et riche parole, attentif qu’on l’a vu, et dévoué et compatissant à toute poésie. […] En faisant Cinq-Mars, je dis à mes amis : « C’est un ouvrage à public. […] monsieur, puisque vous êtes de ceux qui se rappellent les Poëmes que le public oublie si parfaitement, je veux faire un grand acte d’humilité en vous les offrant.
Trois vices capables de détruire la race humaine produisent la félicité publique. […] Les traditions vulgaires doivent avoir quelques motifs publics de vérité, qui expliquent comment elles sont nées, et comment elles se sont conservées longtemps chez des peuples entiers. […] Plus tard, lorsqu’on n’avait pas de lettres pour écrire les lois, lex désigna nécessairement la réunion des citoyens, ou l’assemblée publique. […] Ensuite les plébéiens étant devenus nombreux et aguerris, les nobles se soumirent, comme les plébéiens, aux lois et aux charges publiques ; voilà les nobles dans les démocraties. […] Cette jurisprudence, ainsi que nous le démontrerons, est l’école publique d’où sont sortis les philosophes.
Il semble avoir, en Amérique, traversé sans la voir cette forêt éternelle, humide, froide, morne, sombre et muette, qui vous suit sur le haut des montagnes, descend avec vous au fond des vallées, et qui donne plus que l’océan lui-même l’idée de l’immensité de la nature et de la petitesse ridicule de l’homme. » Le fragment d’histoire, — deux chapitres qui ont pour objet d’analyser l’esprit public sur la fin du Directoire et à la veille du 18 brumaire —, est d’un historien de l’école de Polybe. […] J’ai un autre défaut pour le moment présent : je m’habitue difficilement à parler en public ; je cherche mes mots, et j’écoute mes idées ; je vois à côté de moi des gens qui raisonnent mal et qui parlent bien : cela me met dans un désespoir continuel. […] Un livre, quel que soit son succès, n’ébranle donc point l’esprit public et ne saurait même attirer longtemps, ni de la part du grand nombre, l’attention sur son auteur. […] Nous qui avons passé le meilleur de notre jeunesse au gré de notre imagination, dans les jeux de la poésie et de l’art, nous devons, ce me semble, y regarder à deux fois, quand nous nous mêlons de vouloir mesurer et discuter des esprits constamment sérieux, qui se sont occupés sans relâche et passionnément des grands intérêts publics.
En général, toutes les fois que le public impartial n’est pas ému, n’est pas entraîné, par un discours ou par un ouvrage, l’auteur a tort ; mais c’est presque toujours à ce qu’il lui manquait comme moraliste, qu’il faut attribuer ses fautes comme écrivain. […] J’oserai dire que mon père est le premier, et jusqu’à présent le plus parfait modèle de l’art d’écrire, pour les hommes publics, de ce talent d’en appeler à l’opinion, de s’aider de son secours pour soutenir le gouvernement, de ranimer dans le cœur des hommes les principes de la morale, puissance dont les magistrats doivent se regarder comme les représentai, puissance qui leur donne seule le droit de demander à la nation des sacrifices. […] L’esprit public s’affaiblissait à chaque inutile effort qu’on tentait pour le relever ; on sollicitait l’enthousiasme, et l’enthousiasme était plus que jamais loin de renaître, par cela même qu’on l’avait en vain évoqué. […] Tels sont les principaux secours que l’autorité politique peut retirer de l’art de parler aux hommes ; tels sont les avantages qu’assure à l’ordre, à la morale, à l’esprit public, le style mesuré, solennel et quelquefois touchant des hommes qui sont appelés à gouverner l’état.
Par sa politique et par sa chute, l’empire fournit à Thiers la plus belle situation que jamais homme d’Etat puisse rêver : celle où tous les intérêts personnels coïncident avec le bien public et le devoir patriotique, celle où il suffit de s’oublier pour s’élever, de penser à soi pour bien mériter de tous. […] La tradition des cours publics est reprise avec éclat par Caro851 ; elle paraît si lointaine, que son succès étonne, scandalise, et permet de le couvrir de ridicule. […] Brunetière, dont la sévère méthode, le rigoureux enchaînement de doctrine ont fortement saisi le public : sans nulle concession à la frivolité des auditeurs, il les gagne par l’ardente conviction que son action, sa voix, toute sa personne dégagent. A l’éloquence universitaire doit s’annexer une autre forme de la parole publique qui s’est développée surtout depuis vingt-cinq ans.
Larroumet s’est révélé à la Faculté des Lettres et au public, en décembre 1882, par sa thèse de doctorat : « Marivaux, sa vie et ses œuvres, avec deux portraits et deux fac-similé, in-8, pp. […] C’était de Marivaux, et non pas de lui-même, qu’il voulait donner la connaissance au public et à ses juges. […] Je ne dis pas qu’il n’avait pas songé qu’il ferait plaisir à tel ou tel en les citant ; c’était comme des cartes de visite qu’il déposait chez les membres de la Presse, ses juges de demain, qui casseraient ou ratifieraient devant le grand public l’arrêt de la Faculté. […] Mais ici il écrivait pour le grand public.
Ce n’est point un adhérent qui parle, c’est encore moins un adversaire ; c’est quelqu’un qui l’a suivi dès son entrée sur la scène publique avec curiosité et intérêt, et bientôt avec admiration et applaudissement. […] C’était précisément ce qu’ils avaient voulu, afin de provoquer le débat public. […] Il revint tout exprès de Madère pour soutenir le poids de la discussion, et il y retourna ensuite pour veiller à ses affections domestiques, conciliant ainsi d’une manière touchante les devoirs de l’homme privé avec ceux de l’homme public. […] Mais son grand ouvrage, son œuvre capitale en perspective, est une Histoire de saint Bernard, depuis longtemps préparée, et que ses devoirs d’homme public l’ont empêché jusqu’ici de mener à fin.
C’est pourquoi il faut avoir un vaste domaine public littéraire. […] Pour beaucoup de trembleurs furieux qui ont la parole en ce moment, ces réformateurs sont les ennemis publics. […] Les chefs-d’œuvre recommandés par le manuel au baccalauréat, les compliments en vers et en prose, les tragédies plafonnant au-dessus de la tête d’un roi quelconque, l’inspiration en habit de cérémonie, les perruques-soleils faisant loi en poésie, les Arts poétiques qui oublient La Fontaine et pour qui Molière est un peut-être, les Planât châtrant les Corneille, les langues bégueules, la pensée entre quatre murs, bornée par Quintilien, Longin, Boileau et La Harpe ; tout cela, quoique l’enseignement officiel et public en soit saturé et rempli, tout cela est du passé. […] Partout où il y a agglomération d’hommes, il doit y avoir, dans un lieu spécial, un explicateur public des grands penseurs.