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298. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Les deux cathédrales »

Georges Clemenceau dans un examen merveilleusement aigu des cathédrales de Monet, darde au ciel l’élan de sa masse autoritaire qu’il offre au combat des clartés. […] L’Occident a donc offert, durant dix siècles, le spectacle d’une humanité s’efforçant, par tous les moyens en son pouvoir, de rendre aussi douloureuse, aussi amère que possible, en vue de compensations ultérieures, l’existence que Dieu la condamnait à vivre. […] Or, il advint qu’en dépit de sa force et des nombreuses séductions qu’il offrait, l’édifice catholique chancela sur sa base ; cette base dont la première pierre avait été posée par un Dieu, venu des régions célestes pour cela, ne fut plus en état de le soutenir.

299. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XI » pp. 89-99

Quel hommage plus noble peut offrir un amant à l’objet de sa tendresse et de son respect ? […] Les savants y trouvaient ce goût exquis et délicat qui fait le prix de la science et sans lequel elle n’offre rien que de rebutant.

300. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Qu’on parcoure ses Tragédies ; la sagesse & la vérité des caracteres, la justesse & l’habileté avec laquelle il les soutient, le pathétique & la chaleur qui les vivifie, offrent sans cesse des traits qui émeuvent le Spectateur, & lui font prendre tous les degrés d’intérêt que le Poëte veut lui communiquer. […] Dès ce moment, il offrit à Racine ses conseils, ses services, & parla si avantageusement de son Ode à M.

301. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Cependant Milton lutte ici sans trop de désavantage contre cette fameuse allégorie : ces premiers soupirs d’un cœur contrit, qui trouvent la route que tous les soupirs du monde doivent bientôt suivre ; ces humbles vœux qui viennent se mêler à l’encens qui fume devant le Saint des saints ; ces larmes pénitentes qui réjouissent les esprits célestes, ces larmes qui sont offertes à l’Éternel par le Rédempteur du genre humain, ces larmes qui touchent Dieu lui-même (tant a de puissance la première prière de l’homme repentant et malheureux !) […] Ce vieux monarque, dont le seul crime est d’aimer trop un fils coupable ; ce généreux Hector, qui connaît la faute de son frère, et qui cependant défend son frère ; cette Andromaque, cet Astyanax, cette Hécube, attendrissent le cœur, tandis que le camp des Grecs n’offre qu’avarice, perfidie et férocité : peut-être aussi le souvenir de l’Énéide agit-il secrètement sur le lecteur moderne, et l’on se range sans le vouloir du côté des héros chantés par Virgile.

302. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre III. Suite des Époux. — Adam et Ève. »

Adam et Ève se retirent au berceau nuptial, après avoir offert leur prière à l’Éternel. […] Tout drame pèche essentiellement par la base, s’il offre des joies sans mélange de chagrins évanouis, ou de chagrins à naître.

303. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Il vit que cette nature si riche avait des rapports avec lui ; les astres lui prêtaient leur lumière ; des fruits naissaient sous ses pas, ou se détachaient des branches pour le nourrir ; les arbres le protégeaient de leur ombre et offraient un asile à son repos ; les cieux, pendant son sommeil, semblaient se couvrit d’un voile, et n’envoyaient à son séjour qu’une lumière douce et tranquille. […] Les hymnes de Callimaque offrent les mêmes beautés et les mêmes défauts ; on y voit le génie esclave de la superstition, et des erreurs populaires chantées avec autant d’harmonie que de grâce.

304. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

J’ai parcouru leurs honorables rangs, j’ai recueilli leurs libres sentiments, je n’en suis que l’organe, et c’est en leur nom que j’offre à la nation et au gouvernement des vérités qui seront à la fois un hommage pour l’une et une instruction pour l’autre. […] Mon père lui a écrit. » Ce projet de voyage en Italie, cette offre qui en est faite à Camille, et pour lui seul, sous le secret, nous indique le moment le plus vif du goût de Mme de Staël pour cet aimable esprit et cette âme généreuse. […] L’autre lettre, datée de Rome, nous offre des traits assez fins sur les personnes, et n’est pas exempte, par endroits, d’une douce malice : « Rome, 21 avril (1813). […] Il s’effaça néanmoins pendant le reste de cette année 1815, résista aux suffrages qui venaient s’offrir, et ne fit point partie de la Chambre introuvable. […] Dernières Vues de politique et de finances, offertes à la nation française, 1802.

305. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome II

Le pancréas offre constamment deux conduits. […] Le suc gastrique et la bile n’offrent pas non plus cette réaction. […] La plaie offrait un très mauvais aspect. […] Le foie offrait une couleur olive très foncée, due à l’imprégnation de la bile. […] Le pancréas était dur et cartilagineux au toucher ; il offrait une couleur jaune et brillante.

306. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Qu’on lise son cinquième chant sur la formation de la société, et qu’on juge si la poésie offrit jamais un plus riche tableau. […] Il refusa les présents forcés que l’on avait coutume d’offrir aux gouverneurs romains, réprima tous les genres de concussions, et diminua les impôts. […] En Germanie, les légions mutinées offraient l’empire à Germanicus, qui le refusait avec une indignation trop vertueuse pour être comprise par Tibère. […] La philosophie de Plutarque n’offre pas moins de problèmes à l’esprit. […] Dans Shakspeare, les scènes brusques et sans liaison offrent quelque chose de terrible et d’inattendu.

307. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Thibaudet, le plus violent, fait d’abord mine de m’avaler, puis, avant que j’aie eu le temps de fuir, il me rappelle ; au lieu de l’unique banc qu’il avait feint de me disputer, il m’en offre deux. […] Le réel les investit, s’offre à leur prise. […] N’est-elle pas, elle aussi, un don gracieux, mais qu’il faut que nous arrachions de vive force, violenti rapiunt, à qui nous l’offre ? […] Nombre de correspondants trouvent même que j’ai été trop loin dans mes distinctions, notamment dans celle de la prose et des vers, la prose s’étant souvent offerte, pouvant toujours s’offrir encore plus librement à la poésie pure. […] La poésie-peinture, ou sculpture, ou même architecture, nous offrent d’abondants exemples de destruction plastique par la tyrannie de l’ordre cérébral et du sujet.

308. (1925) Portraits et souvenirs

Mais ce n’est pas tout et la maison de Balzac a mieux encore à nous offrir. […] C’est aussi bien offrir à l’admiration un rappel moral que lui procurer un appui concret. […] Par contre, l’exemple de Théophile Gautier lui offrait un autre enseignement qui correspondait à certaines tendances de son talent. […] Ne nous offre-t-il pas un mélange d’exaltation et de mélancolie tout à fait significatif ? […] Il offrait aux gens, en échangé de leurs écus, du tabac à meilleur compte, des étoffes à un prix raisonnable et des horlogeries avantageuses.

309. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

On n’oserait sans doute nous offrir Œdipe s’arrachant les yeux. […] Falkener, négociant anglais : le philosophe oublia qu’il était citoyen ; un Français ne devait point offrir à un étranger l’hommage de son talent. […] La pièce de du Belloi a surtout l’avantage d’offrir des noms connus, des noms célèbres dans notre histoire. […] Il était juste que l’heureux imitateur de la Mérope italienne offrît à son modèle l’hommage de sa reconnaissance. […] En attendant, il attaqua par l’amour ceux qu’il n’avait pu subjuguer par la terreur : il jugea prudemment qu’il valait mieux offrir au public une jeune et jolie sultane, qu’un vilain fantôme.

310. (1933) De mon temps…

Néanmoins, j’acceptai l’offre de l’audacieux Lugné-Poe qui avait sur la mise en scène des idées assez nouvelles. […] Albert Vandal m’offrit aimablement de m’y servir d’introducteur. […] Toute la figure offrait une expression de bonté et de rêverie, de douceur et de tristesse. […] Celle qui m’avait attiré, ce jour-là, offrait un choix de toiles dues au pinceau de M.  […] Ouvrons une des portes qui s’offrent à nous et pénétrons dans le bureau où elle donne accès et qui est meublé de casiers et d’armoires.

311. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Alceste, dans Quinault comme dans Euripide, offre le triomphe de l’amour conjugal. […] Électre, embrassant, devant Oreste, l’urne où elle croit qu’est renfermée la cendre de ce frère chéri, et disputant cette cendre à son tyran, est le tableau le plus touchant que cette amitié puisse offrir. […] L’offrira-t-on bientôt ? […] L’offrira-t-on bientôt ? […] L’imitation de la nature par le chant a dû être une des premières qui se soient offertes à l’imagination.

312. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

On n’exige pas qu’un poëte étudie de pareilles âmes ; il suffit qu’il découvre en elles trois ou quatre traits dominants ; peu importe si elles s’offrent toujours dans la même attitude ; elles font rire comme la comtesse d’Escarbagnas ou tel Fâcheux de Molière ; on ne leur demande rien de plus. […] » — « Cependant on offre de les prouver, et les dénonciateurs y engagent leur vie133. » Sur ce mot, la lettre devient menaçante. […] un des docteurs a offert sa fille. —  Le misérable ! […] » Lui, l’intraitable jaloux, il se trouve peu à peu conduit à offrir sa femme. […] Ils arrivent par troupes, et offrent leurs bruyantes félicitations à Morose.

313. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Félix Mendelsohn Bartholdy offrit le modèle admirable des diserts et vains contre-points. […] Jules Pasdeloup et Edouard Colonne trafiquaient avec moi d’une place en leurs salles contre les soixante-quinze centimes ou le franc que je leur offrais ; Berlioz eut mon culte, l’opéra italien mes mépris, mes invectives ; je commençais ouïr de belles pages de Wagner, et j’y applaudissais, bruyamment, comme d’autres y sifflaient. […] Et, aujourd’hui, parmi les récréations de bords marins, ce dessein d’offrir, aux amis qui m’ont suivi, ce testament de mon wagnérisme. […] j’ai erré, et vois que j’erre. — Voici le printemps des renaissances ; tes larmes ont été rosée : je t’apporte le baptême des mauvais désirs effacés, et le sacre des bons désirs offerts, et le baiser des vrais désirs en leur exaucement ; et : en un recueillement bien heureux béatifie-toi. […] ma face était de fiancée ; et il passa me disant « je suis l’Amant, sois l’Amante » ; il passait, l’attendu, l’élu, et qui m’offrait l’holocauste de son amoureuse divinité ; et — ah —  je ne le connus point, je ris, je le dédaignai, je ris, je le chassai, je ris, je le refusai ; et le regard de son adieu me regarda dans la plainte et la compassion.

314. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Trois partis s’offraient à elle : déclarer la déchéance et proclamer le gouvernement républicain ; proclamer la suspension temporaire de la royauté, et gouverner en son nom, pendant son éclipse morale ; enfin restaurer à l’instant la royauté. […] Les ateliers nationaux, loyalement influencés par le gouvernement, offrirent au contraire leur secours, le 24 juin, pour combattre la sédition naissante, et se séparèrent presque à l’unanimité des séditieux. […] Je dois réparation à Cléry, et je l’offre à sa mémoire dans la note ci-jointe1. […] Ce n’est pas à M. de Sèze que Louis XVI, n’ayant plus rien à offrir en signe de reconnaissance, offrit sa cravate comme une dernière relique de son cœur ; c’est à un brave commissaire de la commune de Paris, nommé Vincent.

315. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

« Parmi les habitués du théâtre Feydeau, que charmait sa tenue décente autant que son jeu naturel, ne s’est-il pas trouvé un homme du monde, un lettré, un rimeur versé dans l’art d’Ovide, lequel, frappé et peut-être ému des rares aptitudes poétiques de la jeune artiste, sut tout de suite les apprécier et offrir des conseils accueillis avec une gratitude ingénue ?  […] Gaston Stiegler que Marceline « avait le cœur trop haut pour mentir à celui qui lui offrait son nom et pour ne pas lui avouer loyalement, avant de l’épouser, son passé et sa faiblesse. » Elle le fit, comme M.  […] … Et ne dites point : « Le gaillard était peut-être un inconnu, qui n’avait de talent qu’aux yeux de Marceline, ou dont le talent était ignoré des contemporains ; un obscur amateur dont l’histoire n’a pas gardé le souvenir. » Non, c’était un homme qui eut quelque notoriété en son temps, et dont le nom a été presque sûrement enregistré par les Bouillet, les Dezobry et les Vapereau ; témoin ces mauvais vers de sa triste maîtresse : Je le lisais partout, ce nom rempli de charmes… D’un éloge enchanteur toujours environné, À mes yeux éblouis il s’offrait couronné… … C’est bête, tout de même, de se donner tant de mal pour découvrir le mot d’une énigme qu’il importe si peu de débrouiller. […] Peu de vies offrent un pareil exemple de guigne noire et continue. […] Elle m’a entraînée dans un coin pour m’offrir bien des choses !

316. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Cet écuyer, témoin du bon accueil que lui font le roi et les seigneurs, et le sachant d’ailleurs historien, l’accoste à dessein et offre de lui raconter le voyage et la conquête du roi Richard II en Irlande, et la soumission des quatre rois irlandais, lesquels semblaient alors aux Anglais de purs sauvages : « Messire Jean, dit Henri Crystède, avez-vous point encore trouvé personne en ce pays ni en la Cour du roi notre sire, qui vous ait dit ni parlé du voyage que le roi a fait en cette saison en Irlande, et de la manière dont quatre rois d’Irlande, grands seigneurs, sont venus en obéissance au roi d’Angleterre ?  […] Le prince s’incline très bas en l’accueillant, et fait apporter aussitôt vins et épices qu’il offre de sa main au roi « en signe de très grand amour ». […] Il ne manque pas non plus à cette comparaison d’offrir, du côté du prince de Galles, je ne sais quoi de mélancolique qui se mêle dans le lointain à la splendeur de la victoire. […] Le cas de ce savant homme est piquant et nous offre un singulier phénomène : c’est que plus il a étudié et approfondi son auteur, plus il en a collationné de manuscrits, et plus aussi la tâche de choisir et de fixer un texte lui est devenue impossible.

317. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

L’ouvrage se compose de deux parties fort distinctes : la première est d’un classique et d’un antiquaire : elle s’intitule : « Voyage sur la scène des six derniers livres de L’Énéide », et nous offre l’un des premiers exemples (sinon le premier) d’un critique homme de goût relisant en détail un poète sur les lieux mêmes qui sont le théâtre de ses chants, et qui en deviennent le plus lumineux commentaire. […] Cet asile propice, que la ville éternelle n’a cessé d’offrir depuis trois siècles aux fervents artistes, voués à leur œuvre dans un religieux silence, il en savait le prix et en jouissait à sa manière pour promener sa curiosité. […] En ces années où Bonstetten prend décidément son parti et où, faisant une bonne fois son deuil de tous les regrets, le rajeunissement pour lui commence, Genève offrait la réunion la plus complète d’esprits éclairés et distingués : Mme de Staël encore, qui allait trop tôt disparaître ; Dumont, l’interprète de Bentham, l’ancien ami de Mirabeau ; le médecin Butini ; l’illustre naturaliste de Candolle, « l’homme parfait, qui avait un aussi bon esprit pour les affaires du monde que pour les végétaux, et le cœur comme s’il n’avait que cela » ; les savants Pictet ; l’érudit Favre ; bientôt Rossi, dont l’esprit fin et l’habile carrière devaient aboutir à la grandeur ; Sismondi, droit, loyal, instruit, mais qui se trompait à coup sûr quand il croyait voir en Bonstetten « un débris de la secte de Voltaire » ; bien d’autres que j’omets, et jusqu’à cet aimable Diodati, qui m’a entretenu d’eux autrefois, et qui, le dernier de tous, vient tout récemment de mourir. […] Plus que je n’ai maintenant d’années : quatre-vingt-dix. » La tâche d’écrire tant de notices, et puis de les lier dans la trame d’une narration personnelle, était évidemment au-dessus des forces d’un octogénaire : toutefois le cahier par lequel Bonstetten commença, le seul qu’il lui fut donné de publier, offre encore un grand intérêt.

318. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Grands hommes à tant d’égards, ils ne sont plus des hommes dans le sens intime de l’antique sagesse ; ils ne nous offrent plus des intelligences servies par des organes, mais des intelligences qui mentent à des organes qui les trahissent. […] Je sais qu’en parlant à dessein de celui des hommes de notre temps qui offre peut-être le plus magnifique exemple de cette union consubstantielle et sacrée de la volonté avec l’intelligence sous le sceau de la foi, de celui dont l’esprit et la pratique, toute la pensée et toute la vie, se sont si docilement soumises, si ardemment employées aux conséquences efficaces de doctrines en apparence délaissées, et aussi compromises qu’elles pouvaient l’être ; — je sais que nous avons à nous garder nous-même de cette étude inféconde, et de cette admiration curieuse sans résultat, dont nous venons de signaler la plaie. […] Par sa naissance, par son éducation et sa première vie dans une province la plus fidèle de toutes à la tradition et à l’ordre ancien, par le genre de ses relations ecclésiastiques et royalistes dans le monde lorsqu’il s’y lança, par la nature de son scepticisme lorsqu’il fut atteint de ce mal, par la forme soumise et régulière de son retour à la foi, par tout ce qui constitue enfin les mœurs, l’habitude pratique, l’union de la personne et de la pensée, l’allure intérieure ou apparente, la qualité saine du langage et l’accent même de la voix, M. de La Mennais, à aucune époque, n’a trempé dans le siècle récent, ne s’y est fondu en aucun point ; il a demeuré jusqu’en ses écarts sur des portions plus éloignées du centre et moins entamées ; dans toute sa période de formation et de jeunesse pieuse ou rebelle, il a fait le grand tour, pour ainsi dire, de notre Babylone éphémère, et si plus tard il est entré dans l’enceinte, ç’a été avec un cri d’assaut, muni d’armes sacrées, se hâtant aux régions d’avenir et perçant ce qui s’offrait à l’encontre au fil de son inflexible esprit. […] Le genre du roman s’est offert à lui maintes fois avec un inconcevable attrait.

319. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Souvent, aux lieux les plus connus, un certain profil soudainement caractérisé me révèle des masses différentes, des groupes nouvellement conçus, que je n’avais jamais envisagés de cette sorte, et qui sont vrais, et qui s’ajoutent à la connaissance vivante que j’ai du tout. » Ce que cet ami me disait de ses montagnes, je l’appliquais involontairement à notre littérature, à mesure que, l’envisageant de loin, sous un aspect extérieur, et pourtant d’un lieu ‌ qui est à elle encore par la culture, elle me paraissait offrir une perspective nouvelle dans des objets tant de fois étudiés et connus. […] Et cependant ce pays a produit des esprits qui, à un certain tour d’idées particulier, ont uni une certaine manière ]d’expression, et qui offrent un mélange, à eux, de fermeté, de finesse et de prudence, un mérite solide et fin, un peu en dedans, peu tourné à l’éclat, bien qu’avec du trait, et dont Mme Necker, dans les manuscrits qu’on a publiés d’elle, ne donnerait qu’un échantillon insuffisant. […] Voltaire est merveilleusement apprécié ; je remarquerai seulement et signalerai à l’auteur, pour qu’il le revoie peut-être, un certain paragraphe de la page xlii 21, qui offre beaucoup d’embarras et de pesanteur dans la diction : je ne voudrais pas qu’on pût dire que le malin a porté malheur, sur un point, à qui l’examine avec tant de conscience et avec une profondeur si sérieuse, éclairée du goût. […] Les Discours religieux, réunis au nombre de vingt-cinq, offrent comme un cours complet des vérités évangéliques, déduites dans une méthode tout intérieure.

320. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Mais c’est dans la peinture que ce travestissement a toute sa grâce : et nos bavards mystères ne nous offrent rien qui ne soit cent fois plus charmant dans les tableaux des vieux maîtres allemands ou hollandais. […] La Passion de Gréban nous offrirait quelques accents vrais et touchants dans le rôle de la Vierge, ou dans le couplet de la mère de l’enfant mort, de la vérité encore dans le reniement de saint Pierre et dans le suicide de Judas, un réquisitoire d’Anne contre Jésus qui amuse comme l’involontaire expression de l’effarement irrité du bourgeois devant le socialisme révolutionnaire du fils de Dieu. […] On a ainsi des moralités de l’Enfant prodigue, du Mauvais Riche et du Ladre : on a celle de l’Enfant ingrat, qui offre à son père un morceau de pain bis, lorsqu’il a lui-même pour son repas un succulent pâté ; il en sort un crapaud qui lui saute au visage, et ne se relire que par commandement du pape. […] Dans la Cornette, un vieux mari cajolé, berné, prévenu par sa femme, n’entend pas le mal que ses neveux viennent lui en dire, et, grâce à un stratagème de la rusée coquine, prend pour railleries sur sa cornette toutes les vérités qu’ils lui content de sa moitié ; dans le Cuvier, un faible mari, opprimé par sa femme et sa belle-mère, a accepté de faire le ménage, la lessive, balayer, cuire le pain, soigner le marmot, etc. ; mais une bonne occasion s’offre de s’insurger sans péril, et de redevenir maître chez lui du consentement de sa femme.

321. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Pendant que les passions politiques et religieuses tournaient la poésie, l’éloquence, la science même et la philosophie en armes envenimées au service des partis, un homme anticipait la paix future, et offrait à ses concitoyens trop forcenés encore pour le suivre l’image de l’état moral où la force des choses devait finir par les amener eux-mêmes. […] Il est curieux que notre littérature nous offre deux exemplaires de M.  […] Très clairement, très nettement, en plus d’un endroit, il nous offre l’homme en sa personne : « Chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition241 ». […] Et l’un des caractères éminents qu’il offre, c’est celui par lequel la littérature classique apparaît surtout comme une des plus pures formes de l’esprit français : c’est cet ensemble de qualités sociables, cette vive lumière d’universelle intelligibilité, qui fait des Essais un livre humain, et non pas seulement français.

322. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Un renoncement, facultatif, à l’époque, accompagne la sinécure : nommé en tant que quelqu’un, la seule loi, qu’on persiste, les moyens offerts excepté l’adversité. […] L’occasion est offerte d’acheter, à prix modique, une situation tout à fait digne d’éloges. […] Ai-je, quand s’offrait une causerie, disserté, ajoutant cette suite à vos cours des matinées ; enfin, fait une leçon ? […] Le motif traité d’ensemble (au lieu de scinder et offrir sciemment une fraction), j’eusse évité, encore, de gréciser avec le nom très haut de Platon ; sans intention, moi, que d’un moderne venu directement exprimer comme l’arcane léger, dont le vêt, en public, son habit noir.

323. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Seule la revue ou les feuilletons du Temps et des Débats offrent une place suffisante. […] Si c’est là ce que vous entendez par un « Sainte-Beuve », alors, non, aucun journal ne peut, en effet, s’offrir un Sainte-Beuve. […] Car on la lit, on se bouscule pour mieux la lire si elle offre un texte abondant, serré, qui demande beaucoup d’efforts pour être déchiffré par-dessus les épaules des badauds pressés devant elle. […] Jules Bertaut, « ou les feuilletons du Temps et des Débats offrent une place suffisante. » D’où la nécessité, pour les quotidiens, « des comptes-rendus de quelques lignes » tels qu’en faisaient jadis M. 

324. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Ainsi, dans les chansons de geste contemporaines des croisades, la première qualité des personnages offerts à notre admiration, c’est la force. […] Il n’est pas jusqu’à l’entourage du roi qui n’offre, au temps où Corneille est dans la force de l’âge, le spectacle d’une retenue assez rare. […] Voici Villon qui célèbre les Repues franches, c’est-à-dire les festins qu’il s’est offert aux dépens d’autrui, et certains tours d’adresse qu’on qualifierait aujourd’hui d’escroqueries. […] Dangereuse peut-être pour les enfants d’une petite ville encore à demi puritaine, parce qu’elle leur offrait des tableaux voluptueux de couleur assez chaude, la peinture de la passion qui brûle Julie et Saint-Preux devenait inoffensive, voire même bienfaisante à Paris, parce qu’elle ramenait la société frivole et débauchée de la grande ville à voir dans l’amour, non plus un passe-temps, non plus « la bagatelle », selon l’expression significative du moment, mais un sentiment grave et fort où le cœur a plus de part que les sens.

325. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

En 1848 il offre de calmer une émeute en montrant sa tête au peuple. […] Dans la première de ces œuvres et à son premier plan, Antoine nous offre le spectacle d’un Bovarysme qui relève de la pure physiologie : un fait d’hallucination, avec la succession de ses crises, forme la structure même du livre. […] Bouvard et Pécuchet, à ne les considérer qu’au point de vue de leur signification de premier plan, offrent quelque, ressemblance avec d’autres personnages de Flaubert, Homais ou Arnoux. […] C’est ainsi que Homais offre, sur une scène beaucoup plus vaste, un spectacle analogue à celui que Molière inventa avec son bourgeois gentilhomme.

326. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Au moment de partir, Mme de Sancy, qui est la fille du général Lefebvre-Desnouettes, nous offre aimablement de visiter son musée napoléonien : la chambre de Napoléon à l’hôtel de la rue de la Victoire, léguée à son père. […] Et comme nous lui en offrons 300 francs, le prix auquel nous savions que le mari était à peu près descendu, après l’avoir fait offrir à tous les riches amateurs de Paris, un sec : « Reconduisez ces Messieurs », dit par la femme à une petite fille qui se trouvait dans une autre pièce, nous ôte tout espoir, et nous fait redescendre le misérable escalier, avec la sécheresse de bouche d’une grande émotion. Le lendemain, nous offrons dans une lettre au ménage, 400 francs, tout l’argent que nous avions dans le moment à notre disposition, et cela par acquit de conscience et sans la moindre espérance, quand, le soir, le mari et la femme, et même le petit enfant au sein de sa mère, nous apportent le dessin sur lequel nous ne comptions pas.

327. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

Si la Russie offre, accepte de se soumettre à un arbitrage, elle est une nation pacifique.‌ […] Ils n’offraient pas l’Alsace-Lorraine : l’Allemagne la gardait et cherchait en outre des satisfactions sur le front russe.‌ […] A son passage à Petrograd, on lui offre de servir dans l’armée russe : il refuse, arrive en France, rentre dans le rang comme lieutenant, se bat sur l’Yser et partout avec le glorieux 20e corps. […] Qu’a-t-il reçu de son feuillage offert aux quatre vents du ciel ?

328. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

Ce n’est qu’une hypothèse, mais elle est fondée sur un raisonnement par analogie que nous devons tenir pour concluant tant qu’on ne nous aura rien offert de plus satisfaisant. […] Mais dès que cet effort se précise, dès que nous cherchons à le légitimer, nous nous surprenons dédoublant et multipliant notre conscience, la transportant aux confins extrêmes de notre expérience extérieure, puis au bout du champ d’expérience nouveau qu’elle s’est ainsi offert, et ainsi de suite indéfiniment : ce sont bien des consciences multiples issues de la nôtre, semblables à la nôtre, que nous chargeons de faire la chaîne à travers l’immensité de l’univers et d’attester, par l’identité de leurs durées internes et la contiguïté de leurs expériences extérieures, l’unité d’un Temps impersonnel. […] Mais une ligne ne devra s’appeler du temps que là où la juxtaposition qu’elle nous offre sera convertible en succession ; ou bien alors ce sera arbitrairement, conventionnellement, que vous laisserez à cette ligne le nom de temps : il faudra nous en avertir, pour ne pas nous exposer à une confusion grave. […] On ne s’étonnera donc pas si la propriété d’être perçu ou perceptible est exigée par nous, dans la présente recherche, pour tout ce qu’on nous offrira comme du réel.

329. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Représentons-nous alors la matière vivante sous sa forme élémentaire, telle qu’elle a pu s’offrir d’abord. […] Telles sont les deux voies qui s’offraient à l’évolution de la vie. […] Mais supposez qu’à certains moments, en certains points, la matière offre une certaine élasticité, là s’installera la conscience. […] Une pensée, laissée à elle-même, offre une implication réciproque d’éléments dont on ne peut dire qu’ils soient un ou plusieurs : c’est une continuité, et dans toute continuité il y a de la confusion.

330. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

À vrai dire, et pour faire notre aveu complet, même dans le grand siècle qui venait de finir, un seul homme nous semblerait avoir réuni en soi de tels dons et en offrir l’idée à l’homme de goût qui, n’ayant pas le temps de chercher Pindare dans sa langue, et ne le retrouvant pas dans nos versions modernes, voudrait à tout prix le concevoir et se le figurer par quelque frappante analogie, à peu près comme Saunderson, aveugle-né, voyait l’éclat de la pourpre dans le bruit retentissant du clairon. […] Mais ces grands spectacles de terreur et de bruit, que nos régions tempérées n’offraient pas à l’évêque de Meaux, il les voyait en souvenir ; et la Bible lui ouvrait tout l’Orient. […] Un court fragment, que tous les traducteurs ont négligé, confirme ce souvenir et semble le salut d’entrée du génie venant frapper à la porte du temple et offrir son aide, pour la défense de la patrie commune. […] Il n’offre pas seulement ces descriptions terrestres d’une autre vie, communes à la poésie grecque, ces plaisirs de l’Élysée semblables aux chasses, que se figure le sauvage dans le séjour des âmes.

331. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Les livres de Philon, de Josèphe, les fragments de Nicolas de Damas, et, sous la même influence, d’autres écrits tout chrétiens, offrent partout cette idée, que Clément d’Alexandrie étendit jusqu’à ne faire du polythéisme et de la poésie des Hellènes qu’une contrefaçon et un plagiat de la Bible. […] Elles offraient un spectacle célébré dans l’enceinte d’un temple, le péristyle d’un palais, ou parfois sous le portique décoré de la maison d’un vainqueur couronné dans les jeux. […] « Celui qui m’offre un holocauste de louange servira ma gloire ; et je lui montrerai la voie du salut, la voie de Dieu37. » Quel que soit le sublime de cette mythologie, pour ainsi dire orthodoxe, où Jéhovah est nommé le Dieu des dieux, elle offre dans l’éclat du langage plus d’un rapport avec l’accent religieux du poëte thébain.

332. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Quand, en effet, l’homme offrit-il à l’homme le témoignage le plus flatteur de son respect ? […] Il faut qu’à une mémoire sûre ils joignent une élocution facile et un jugement exercé ; il faut que leurs idées s’offrent comme à volonté et dans le plus grand ordre à leur esprit. […] Haller se maria trois fois : Ces trois mariages, dit Vicq d’Azyr, se sont succédé rapidement, et les deux odes sur la mort de ses deux femmes, placées à la suite l’une de l’autre dans ses Poésies, offrent une contradiction apparente.

333. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — I. » pp. 446-462

Cette réflexion est la première qui s’offre quand il s’agit de l’écrivain dont je voudrais aujourd’hui donner une juste idée ; Ramond, mort le 14 mai 1827, membre de l’Académie des sciences, objet d’un éloge historique de Cuvier, apprécié de tous les savants comme historien et géographe des montagnes, mais non assez estimé et prisé des littérateurs comme peintre et comme ayant heureusement marié les couleurs de Buffon et de Rousseau aux descriptions précises des De Luc et des Saussure. […] Son récit de voyage dans les parties supérieures du Hasly offre des passages admirables, et plus simples peut-être d’expression qu’il n’en trouvera plus tard lorsque son talent, d’ailleurs, aura acquis sa plus entière originalité. […] Le soleil aussi offre un spectacle nouveau : petit et presque dépourvu de rayons, il brille cependant d’un éclat incroyable, et sa lumière est d’une blancheur éblouissante ; on est étonné de voir son disque nettement tranché, et contrastant avec l’obscurité profonde d’un ciel dont le bleu foncé semble fuir loin derrière cet astre et donne une idée imposante de l’immensité dans laquelle nous errons.

334. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Puis s’adressant pour finir à Bernières, à qui il dédie son ode : Tu vois dans cette poésie Pleine de licence et d’ardeur Ces beaux rayons de la splendeur Qui m’éclaire la fantaisie : Tantôt chagrin, tantôt joyeux, Selon que la fureur m’enflamme Et que l’objet s’offre à mes yeux, Les propos me naissent en l’âme, Sans contraindre la liberté Du démon qui m’a transporté. […] Lié avec tous les beaux esprits de l’époque, Saint-Amant fut un des premiers membres nommés par l’Académie française : il demanda et obtint d’être exempté de la harangue d’usage, « à la charge qu’il ferait, comme il s’y était offert lui-même, la partie comique du dictionnaire, et qu’il recueillerait les termes grotesques, c’est-à-dire, comme nous parlerions aujourd’hui, burlesques. » C’est Pellisson qui parle. […]   Aussi ma main les désavoue ; Leur feu trop estimé me fait rougir le front ;   Leur honneur ne m’est qu’un affront, Et, fussent-ils tout d’or, je les crois tout de boue ; Enfin dans mon regret, mon cœur sincère et franc, Pour en effacer l’encre, offrirait tout mon sang.

335. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Il est frappé avant tout de ce qui est singulier, et l’un des souvenirs les plus mémorables qu’il ait gardés du collège est celui du professeur de philosophie Crassot, à la chevelure et à la barbe incultes, vêtu comme un cynique : « Il avait, ajoute Marolles, une chose bien particulière et que je n’ai vue qu’en lui seul, qui était de plier et de redresser ses oreilles quand il voulait, sans y toucher. » De tout temps Marolles aimera à niaiser, à enregistrer tout ce qui s’offre, tout ce qui passe à sa portée, raretés ou balivernes, le philosophe Crassot ou la chanteuse des rues Margot la musette, — le baptême des six Topinamboux, ou une réception des chevaliers du Saint-Esprit. […] Il s’offrit, un jour, pour travailler à dresser un inventaire général de tous les titres de la maison de Nevers, comptant par là faire sa cour à la princesse Marie, et aussi découvrir toutes sortes de belles choses ignorées : « Je m’appliquai à cet ouvrage quatre ou cinq mois durant avec tant d’assiduité que j’en vins à bout, ayant sans mentir dicté les extraits et marqué de ma main plus de dix-neuf mille titres rédigés en six gros volumes, avec les tables d’une invention toute nouvelle : ce que j’aurais de la peine à croire d’un autre si je n’en avais moi-même fait l’expérience et si je ne voyais encore entre mes mains les marques d’un labeur si prodigieux, pour la seule satisfaction de ma curiosité, quoiqu’il a bien pu servir à des choses plus importantes. » C’est à Nevers qu’il était allé faire ce rude et, pour lui, délicieux travail : il y avait fait venir quelques personnes de son choix pour l’aider, entre autres le prieur d’une de ses abbayes. […] Il y avait encore, disait-il, à voir les titres du grand cabinet, ceux du trésor de l’hôtel de Nevers, et enfin une table générale devenait indispensable pour ces derniers inventaires ; on lui demanda ce nouvel effort, et il s’y mit : « L’affection que j’ai toujours eue pour cette princesse ne m’a rien fait trouver de difficile ni d’ennuyeux, où il s’agissait de son service, et puis j’étais bien aise d’avancer toujours dans ma curiosité, pour y faire de nouvelles conquêtes quand l’occasion s’en offrait. » Depuis qu’il eut son logement en ce lieu d’honneur et d’étude, il semble qu’il ne lui manquait plus rien.

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