La jeunesse qu’il y a passé fut une véritable débauche de nature, une splendide orgie de plein air. […] Il a rajeuni sa race, dans cette absorption de tout son être parmi les éléments de la nature. […] Il eut l’intuition que l’art qui est une création de la nature ne pouvait avoir d’autres règles que celles qui régissent le reste de l’univers. […] Pourquoi nos romanciers et nos poètes ne considéreraient-ils dans la nature que le côté badin et superficiel, frivole ou bienséant ? […] Il semble qu’il y ait envisagé la nature avec les yeux mêmes de Rubens, derrière les bésicles de M.
A chaque grande révolution politique et sociale, l’art, qui est un des côtés principaux de chaque société, change, se modifie, et subit à son tour une révolution, non pas dans son principe tout à fait intérieur et propre, qui est éternel, mais dans ses conditions d’existence et ses manières d’expression, dans ses rapports avec les objets et les phénomènes d’alentour, dans la nature diverse des idées, des sentiments dont il s’empreint, des inspirations auxquelles il puise. […] La révolution qu’ils préparaient de ce côté n’était pas descendue encore ; elle avait, pour cela, quelque chose de trop particulier à la nature de ces deux grands génies et de trop artificiel par rapport à la société. […] Aristocrate d’origine et d’inclination, mais indépendante de nature, loyale et cavalière à la façon de Montrose et de Sombreuil, elle se retourna vers le passé, l’adora, le chanta avec amour, et s’efforça dans son illusion de le retrouver et de le transporter au sein du présent ; le moyen âge fut sa passion, elle en pénétra les beautés, elle en idéalisa les grandeurs ; elle eut le tort de croire qu’il se pouvait reproduire en partie par ses beaux endroits, et en cela elle fut abusée par les fictions de droit divin et d’aristocratie prétendue essentielle qui recouvraient d’un faux lustre le fond démocratique de la société moderne. […] Libéraux de fait et de nature, même quand leurs opinions inclinaient en arrière, gens de caprice et d’indépendance, ils avaient en eux une sympathie toute créée et préexistante avec le mouvement futur de la société. […] Mais ce qu’il serait injuste de contester, c’est le développement mémorable de l’art durant ces dernières années, son affranchissement de tout servage, sa royauté intérieure bien établie et reconnue, ses conquêtes heureuses sur plusieurs points non jusque-là touchés de la réalité et de la vie, son interprétation intime de la nature, et son vol d’aigle au-dessus des plus hautes sommités de l’histoire.
Maintenant une trop riche nature est un supplice. […] Le rationalisme, c’est la reconnaissance de la nature humaine dans toutes ses parties. […] Immenses résultats sortant des sciences de la nature. […] Façon dont l’homme primitif envisageait la nature. […] La religion hellénique vaut mieux qu’on ne pense : forme poétique du culte de la nature.
Cette nature à la fois riante et grandiose fut toute l’éducation de Jésus. […] Il resta toujours près de la nature. […] Près d’un siècle avant lui, Lucrèce avait exprimé d’une façon admirable l’inflexibilité du régime général de la nature. […] La notion du surnaturel, avec ses impossibilités, n’apparaît que le jour où naît la science expérimentale de la nature. […] » Bientôt, dans sa hardie révolte contre la nature, il devait aller plus loin encore, et nous le verrons foulant aux pieds tout ce qui est de l’homme, le sang, l’amour, la patrie, ne garder d’âme et de cœur que pour l’idée qui se présentait à lui comme la forme absolue du bien et du vrai.
Depuis peu de temps la grâce avait introduit dans les ouvrages des artistes ces formes douces et arrondies, et cette expression de la nature, qui plaît dès qu’on peut la connaître. […] Les grâces dans le même temps avaient, au rapport des anciens, embelli l’esprit, le caractère et l’âme de Socrate ; il allait quelquefois les étudier chez Aspasie : il en inspirait le goût aux artistes, il les enseignait à ses disciples, et probablement Xénophon et Platon les reçurent de lui ; mais Platon, né avec une imagination vaste, leur donna un caractère plus élevé, et associa pour ainsi dire à leur simplicité un air de grandeur ; Xénophon leur laissa cette douceur et cette élégante pureté de la nature qui enchante sans le savoir, qui fait que la grâce glisse légèrement sur les objets et les éclaire comme d’un demi-jour ; qui fait que peut-être on ne la sent pas, on ne la voit pas d’abord, mais qu’elle gagne peu à peu, s’empare de l’âme par degrés et y laisse à la fin le plus doux des sentiments : à peu près comme ces amitiés qui n’ont d’abord rien de tumultueux, ni de vif, mais qui, sans agitation et sans secousses, pénètrent l’âme, offrent plus l’image du bonheur que d’une passion, et dont le charme insensible augmente à mesure qu’on s’y habitue. […] On sait qu’il était né dans cette ville où la plus étonnante des institutions avait créé une nature nouvelle ; où l’on était citoyen avant que d’être homme ; où le sexe le plus faible était grand ; où la loi n’avait laissé de besoins que ceux de la nature ; de passions que celle du bien public ; où les femmes n’étaient épouses et mères que pour l’État ; où il y avait des terres et point d’inégalité ; des monnaies et point de richesse ; où le peuple était souverain quoiqu’il y eût deux rois ; où les rois absolus dans les armées, étaient ailleurs soumis à une magistrature terrible ; où un sénat de vieillards servait de contrepoids au peuple et de conseil au prince ; où enfin tous les pouvoirs étaient balancés, et toutes vertus extrêmes. […] Naissance, éducation, mœurs ; principes ou qui tiennent au caractère ou qui le combattent ; concours de plusieurs grands hommes qui se développent en se choquant ; grands hommes isolés et qui semblent jetés hors des routes de la nature dans des temps de faiblesse et de langueur ; lutte d’un grand caractère contre les mœurs avilies d’un peuple qui tombe ; développement rapide d’un peuple naissant à qui un homme de génie imprime sa force ; mouvement donné à des nations par les lois, par les conquêtes, par l’éloquence ; grandes vertus toujours plus rares que les talents, les unes impétueuses et fortes, les autres calmes et raisonnées ; desseins, tantôt conçus profondément et mûris par les années, tantôt inspirés, conçus, exécutés presque à la fois, et avec cette vigueur qui renverse tout, parce qu’elle ne donne le temps de rien prévoir ; enfin des vies éclatantes, dès morts illustres et presque toujours violentes ; car, par une loi inévitable, l’action de ces hommes qui remuent tout, produit une résistance égale dans ce qui les entoure ; ils pèsent sur l’univers, et l’univers sur eux ; et derrière la gloire est presque toujours caché l’exil, le fer ou le poison : tel est à peu près le tableau que nous offre Plutarque. […] Il ne fait donc point de ces portraits brillants dont Salluste le premier donna des modèles, et que le cardinal de Retz, par ses mémoires, mit si fort à la mode parmi nous ; il fait mieux, il peint en action ; on croit voir tous ses grands hommes agir et converser ; toutes ses figures sont vraies et ont les proportions exactes de la nature ; quelques personnes prétendent que c’est dans ce genre qu’on devrait écrire tous les éloges : on éblouirait peut-être moins, disent-elles, mais on satisferait plus ; et il faut savoir quelquefois renoncer à l’admiration pour l’estime.
Il y a quelques rapports entre l’impression qu’elle produit sur nous et le sentiment que fait éprouver tout ce qui est sublime, soit dans les beaux-arts, soit dans la nature physique. […] Le hasard même a frappé leur figure de quelques désavantages repoussants ; ils se vengent sur l’ordre social de ce que la nature leur a refusé. […] La nature humaine est sérieuse, et dans le silence de la méditation l’on ne recherche que les écrits raisonnables ou sensibles. […] Les poètes, les moralistes caractérisent d’avance la nature des belles actions ; l’étude des lettres met une nation en état de récompenser ses grands hommes, en l’instruisant à les juger selon leur valeur relative. […] Je ne pense pas que ce grand œuvre de la nature morale ait jamais été abandonné ; dans les périodes lumineuses, comme dans les siècles de ténèbres, la marche graduelle de l’esprit humain n’a point été interrompue.
L’homme peut en effet tour à tour prendre le change sur la nature et le degré de sensibilité, de son intelligence ou de sa volonté. […] Elle est en effet la conséquence du relief exagéré qu’implique nécessairement une vision d’artiste, et cette exagération même sera de nature à faire mieux comprendre et mieux voir par la suite le principe d’où surgit la réalité phénoménale, avec les formes que nous lui connaissons. […] Quoi principe hystérique s’élève du fond même de notre nature comme un mode à rebours de notre sensation exaspérée ? […] Mais on voit bien que, sous cet épisode de pathologie individuelle, l’ermite, par la nature des apparitions qui le hantent, symbolise un autre phénomène et d’une autre grandeur. […] Toutes les sciences particulières ont leur origine dans un parti pris de l’esprit humain qui décide de placer en quelque endroit de la réalité une frontière pour ta commodité de ses spéculations : on ne leur voit pas de commencement dans la nature des choses où leurs racines plongent et se perdent.
Le culte de la nature, renouvelé par Goethe de J. […] Le milieu fatal qui l’enveloppait a changé de nature ; son être a changé de nature aussi. […] toi, nature ! […] Ce sont des chants dignes de Dieu, de la nature ! […] Certes, il avait senti le beau en grand artiste, il avait même compris la nature en grand maître.
Il ne décrit point comme lord Byron, par amour de la magnifique nature, et pour étaler une suite splendide de tableaux grandioses. […] Peut-être est-il conforme à la nature ; nous faisons fléchir la nature devant l’intérêt de la société. […] Il oppose les âmes que forme la nature aux âmes que déforme la société. […] Tartufe parlera de sa haire et de sa discipline ; Pecksniff, de son confortable petit parloir, du charme de l’intimité, des beautés de la nature. […] Les gens du peuple sont comme des enfants, dépendants, peu cultivés, voisins de la nature et sujets à l’oppression.
On vise toujours plus haut que nature ; c’est la preuve de notre future destinée : Vous serez des dieux ! […] Quel plus doux présent de la nature que nos enfants ! […] si je prouve ainsi aux sceptiques que leur doctrine anéantit la raison et la nature humaine, persisteront-ils dans leur doctrine ? […] La sagesse est dans l’harmonie qu’il faut maintenir entre nos deux natures : régler la nature, ce n’est pas la contredire. […] Et, par conséquent, l’âme est d’une nature singulière qui n’a rien de commun avec les éléments que nous connaissons.
Il ne croit ni à la bonté de la nature humaine, ni au progrès indéfini, ni à la toute-puissance de la raison. […] qui ont une autre nature, une autre complexion, d’autres sens. — Plus que nous ? […] S’il était la reproduction exacte de la nature tout entière, il ne s’en distinguerait pas. […] De cette nature d’esprit quel genre de livre pouvait sortir ? […] Par quel privilège l’homme ne serait-il pas soumis à la morne nécessité que tout le reste de la nature ?
Ce mot dit sa nature, son essence ; il n’est que cela, une machine humaine qui fait des meubles, des souliers. […] Il y a des hommes éminemment doués par la nature, mais peu favorisés par la fortune, qui deviennent fiers et presque intraitables et mourraient plutôt que d’accepter pour vivre ce que l’opinion regarde comme une humiliation extérieure. […] Dans un état meilleur de la société humaine, on serait d’abord homme, c’est-à-dire que le premier soin de chacun serait la perfection de sa nature. […] Les esprits, en effet, diffèrent beaucoup plus par ce qu’ils ont appris, par les faits sur lesquels ils appuient leurs jugements, que par leur nature même 183. […] Ces natures effacées, formées par une sorte de moyenne proportionnelle entre les extrêmes, sont de nulle valeur à une époque d’analyse.
On croit se reconnaître dans cette nature d’élite et d’exception, si élevée, mais si isolée, et que rien ne rapproche du commun des hommes. […] En représentant certains côtés de la nature humaine, Panurge les charge, les exagère exprès d’une manière risible. […] C’est une ironie qui atteste encore une âme saine, une ironie qui reste, si l’on peut dire, de bonne nature. […] Il rit pour rire, pour montrer la nature à nu ; il ne se moque jamais du présent au profit d’une idée ni d’un système futur. […] Il lui faut la disgrâce pour se reconnaître, et pour rentrer dans le vrai de son habitude et de sa nature.
Il n’en est pas tout à fait des printemps de la poésie comme de ceux de la nature. […] Or, ce fabliau, le voici : Un jour, Dieu permit, dans ses desseins, que l’élément de vie, le feu, se retirât tout à coup de l’air, et vînt à manquer à la nature. […] Ici, nous le dirons avec franchise et avec l’estime que nous inspire sa nature foncièrement aimable et bienveillante, M. […] Pierre Dupont est d’une meilleure nature, d’une nature plus conforme à celle même du poète et de l’homme, tel qu’il s’est peint à nous dans ses premiers vers. […] Pierre Dupont me le peignent comme un esprit doux, poétique, aimant naturellement le bien, aimant sincèrement la nature, les champs.
Bernardin de Saint-Pierre, avec tous ses défauts de raisonnement et sa manie de systèmes, est profondément vrai comme peintre de la nature ; le premier de nos grands écrivains paysagistes, il est sorti de l’Europe, il a comme découvert la nature des Tropiques, et, dans le cadre d’une petite île, il l’a saisie et embrassée tout entière : là est son originalité après Buffon et Rousseau et avant Chateaubriand. […] Peut-être n’était-il pas de nature à s’y plier. […] Ces harmonies qu’il ne pouvait réaliser sur la terre dans l’ordre politique et civil, il les demanda à l’étude de la nature, et il en raconta avec consolation et délices ce qu’il en entrevoyait : « Toutes mes idées ne sont que des ombres de la nature, recueillies par une autre ombre. » Mais à ces ombres son pinceau mêlait la suavité et la lumière ; c’est assez pour sa gloire. […] Ces deux époques de sa vie sont séparées par une espèce de crise et de maladie morale qui est curieuse à observer et qui donne la clef de sa nature. […] Pourtant, tandis qu’il achève là son livre des Études, cette espèce de poème ou de concert rustique qu’il dédie à la nature, il a de doux sentiments, précurseurs des joies de la paternité ; il écrit à M.
Cette nature vive, fraîche et sensible de l’auteur des Souvenirs, se peignait à mes yeux à travers ces récits plus ou moins semés de jolis mots et sur lesquels courait sa plume facile. […] L’auteur de ces Souvenirs, que déjà de grands dons de nature et d’art recommandent à l’admiration, aurait peine à éluder, en s’offrant sous une autre forme au jugement du monde, cette disposition un peu maligne qu’il a de ne louer qu’à son corps défendant, si l’absence de toute prétention d’abord, et puis une cordialité noble, sociable, une nature manifestement bienveillante et généreuse, n’engageaient le lecteur qui a tant de fois applaudi. […] Ainsi elle nous est venue, une de ces natures actives et utiles à la société qu’elles décorent, gardant de l’entraînement malgré l’expérience et l’impulsion native à travers la finesse acquise ; talent sympathique et éclatant, toujours dévoué aux infortunes comme aux agréments d’autrui et prodigue de lui-même.
La Nature n’en produit pas souvent de cette trempe. […] Plein de chaleur & d’intérêt, il sait donner la vie à tout ce qu’il peint, & la Nature même devient plus intéressante par les charmes que son pinceau répand sur tous les objets. […] Il interprete les Loix, comme l’eût fait le Législateur lui-même ; il expose le Droit naturel & le Droit public, comme s’il étoit l’interprete de la Nature & de toutes les Nations ; il parle de Littérature, comme si les Muses, les Graces & le bon Goût l’eussent rendu dépositaire de leurs oracles. […] Une étude constante, secours nécessaire aux dons les plus heureux de la Nature, fit éclore, étendit, fortifia ses talens ; & l’habitude de ne s’occuper que de grands objets, lui procura l’heureuse facilité de s’exprimer avec noblesse selon les différentes parties qu’il embrassoit.
Ces personnages, qui ne doivent point être exposez à de grands dangers, ni tomber dans des malheurs veritablement tragiques et capables par leur nature de nous émouvoir beaucoup, veulent, suivant mon sentiment, être copiez d’après ce que nous voïons dans notre païs. […] Ces prétendus pasteurs ne sont point copiez, ni même imitez d’après nature, mais ils sont des êtres chimeriques inventez à plaisir par des poëtes qui ne consulterent jamais que leur imagination pour les forger. […] Ainsi les bergers langoureux de nos églogues ne sont point d’après nature ; leur genre de vie dans lequel ils font entrer les plaisirs les plus delicats entremêlez des soins de la vie champêtre, et sur tout de l’attention à bien faire paître leur cher troupeau, n’est pas le genre de vie d’aucun de nos concitoïens. […] S’il en est quelques-unes où la passion parle toute pure, et dont les auteurs n’invoquerent Apollon que pour trouver la rime, combien d’autres sont remplies d’un amour sophistiqué qui ne ressemble en rien à la nature.
Tout le contraste de la nature fut rompu par toi, et une terre inconnue, immense, servit de trophée de gloire à ton voyage et aux périls de ton retour. […] Dans la préface en prose de cette canzone, Leopardi rappelait le mot de Pétrarque : Ed io son di quei che’l pianger giova (Et moi aussi je suis de ceux qui se plaisent à la plainte) : « Je ne dirai pas, ajoute-t-il, que la plainte soit ma nature propre, mais une nécessité des temps et de la fortune. » Et en effet on ne peut douter, rien que d’après ces débuts, de la nature avant tout mâle et antique de Leopardi ; elle continuera de se dessiner de plus en plus. […] Shelley abonde plutôt en ce dernier sens qu’il embellit, qu’il orne et revêt des plus riches couleurs ; on a volontiers chez lui l’hymne triomphal de la nature. […] Mais Leopardi garde en lui, nous le répétons, ce trait distinctif qu’il était né pour être positivement un Ancien, un homme de la Grèce héroïque ou de Rome libre, et cela sans déclamation aucune et par la force même de sa nature. […] Il regrettait cette vie publique de l’agora et cette existence expansive en face d’une nature généreuse.
C’est dans le monde matériel qu’il faut chercher la raison dernière de la nature de nos pensées, de leur ordre, de leur liaison. […] Et de même, quand Newton conçoit le système du monde, il faut que la nature et la suite de ses idées correspondent à la nature et à l’enchaînement des phénomènes réels ; il faut que ce qui est en lui s’ajuste à ce qui est hors de lui. […] Une critique rigoureuse exigerait sans doute que la distinction établie fût restreinte ; mais cette restriction ne serait pas de nature à en diminuer la vérité générale. […] Herbert Spencer examine en détail les divers rapports de coïntensité, coétendue, coexistence, identité de nature (conncature). […] Il est impossible de les connaître sans les classer avec d’autres de même nature, sans les assimiler à eux.
Écoutez-le plutôt : « Il n’y a pas en l’homme — dit-il — de ces choses (things) qui soient distinctes et séparées et qui s’appellent intellect, imagination, fantaisie, etc., etc., comme il y a des pieds, des mains et des bras… Quand nous entendons dire d’un homme qu’il a une nature intellectuelle et une nature morale, et que ces natures existent à part l’une de l’autre, ce sont des nécessités de langage, et nous devons parler de cette manière si nous n’aimons mieux n’avoir pas à parler du tout. […] Eh bien, par respect pour Shakespeare, je ne veux pas, moi, du Shakespeare qu’on a inventé au détriment de la nature humaine et de la morale éternelle ! […] que Carlyle, le réducteur Carlyle, qui ne sait pas embrasser Shakespeare dans son opulente complexité, lui a refusée, et toujours pour le faire plus grand à la manière de la Nature ! […] Ils ont craché, pour faire des ronds, dans ce puits, dans ce magnifique puits de nature humaine et de génie. […] Il a la même grâce que dans ces temps sans frein, mais il l’a mûrie, assainie, purifiée, cette grâce que ni vertus ni vices ne peuvent abolir, cette grâce, chez certaines natures, immortelle !
Plus de nature, plus de fleurs pour le jeune homme ? […] Tant qu’elle n’en est pas arrivée à l’automatisme de la vieillesse, la nature d’un homme se modifie sans cesse, et rien n’est psychologiquement plus arbitraire que de découper dans cette nature un morceau dit nature naturelle et un morceau dit nature artificielle. […] Elle est de la nature du granit, dure et résistante. […] Or, rien de tout cela dans la vie ; mais l’art n’est pas la nature. […] « C’est un droit écrit dans la nature !
L’originalité des grands poètes, on le sait, consiste surtout à voir et à exprimer la nature, la vie et les hommes par un côté intime et nouveau. […] Les grands poêles ne subordonnent plus toujours leurs vues particulières sur la nature et sur la vie aux doctrines suprêmes du christianisme ; souvent la contradiction éclate ; il y a Gœthe en face de Chateaubriand, Byron en face de Lamartine. […] On est en automne : la nature se dépouille, et le ciel s’attriste : C’est la saison où tout tombe Aux coups redoublés des vents Un vent qui vient de la tombe Moissonne aussi les vivants. […] Dans la pièce intitulée l’Occident, qui est presque une exception à sa manière habituelle, M. de Lamartine jette sur la nature un coup d’œil moins humain, moins aimant qu’à l’ordinaire, mais plus intrépide et plus effaré à la fois, s’il est possible. […] La Bénédiction de Dieu dans la solitude unit à cette belle réalité de notre sol et de notre nature une sorte de religion salubre qui passe de tous les objets à l’âme, qui la pénètre et la rend saine.
Éducation de la sensibilité Il peut arriver que des natures brutes et incultes, dans une violente agitation, rendent avec facilité ce qu’elles éprouvent, mais cela est rare. […] Ce n’est pas impuissance ou grossièreté de nature, mais rudesse et manque de culture, qui fait que devant une œuvre d’art, un poème, un paysage, on reste morne et muet, sans émotion, que factice, sans idée, que convenue, sans parole, que banale, Par cet effort de conscience, on contraindra les sentiments à se préciser : le nuage confus des émotions se divisera, et de l’obscure vapeur qui bout dans l’âme surgiront des couleurs et des formes, de plus en plus nettes et délicates. […] Vous vous pénétrerez de votre nature, pour ne pas la contrarier et pour la diriger au contraire plus sûrement dans le sens où elle se porte : on n’écrit bien qu’à ce prix. […] Si l’on connaît sa nature, et si l’on s’applique à n’en pas altérer la pure et franche expression, on n’en a que plus de naturel. […] Mais il est des natures sobres, réservées, qui ne peuvent pas ouvrir leur intime pensée et qui aiment en silence, toutes concentrées dans leur profondeur : que ceux-là ne se donnent pas une forme de sensibilité qui ne pourrait être en eux qu’un mensonge.
La raison domine dans toute cette production versifiée, et la raison d’un siècle analyseur, abstracteur, argumenteur et critique ; on ne rencontre pas un éclat de passion, pas une impression, pas une image : aucune trace fraîche enfin de la nature ou de la vie. […] Ce n’est aussi qu’une idée de la nature qui emplit tant de poèmes sur la nature, Saisons de Saint-Lambert, Mois de Roucher, Jardins de Delille. La plupart sont écrits par des Hommes du monde qui n’ont vu la nature que dans leurs parcs ou à l’opéra. […] Une pointe d’idée, une ombre de sentiment, c’en est assez, et toute la nature de Voltaire se répand dans ces petites pièces.
Que l’on songe aussi aux réformes introduites dans l’Éducation depuis vingt ans, à l’extension donnée dans les programmes à l’enseignement scientifique, à l’importance accordée principalement à l’étude des doctrines positivistes, et l’on comprendra ces dispositions d’esprit qui nous précipitent, pour la plupart, vers la réalité, l’exactitude, et le respect de la nature, sans, pour cela, négliger les qualités d’enthousiasme, d’héroïsme et de finesse dont la nature nous a si généreusement dotés. […] Saint-Georges de Bouhélier lorsqu’il écrivit la Vie héroïque des Aventuriers, des Poètes, des Rois et des Artisans, et qu’il y formula les phrases chantantes et accentuées que voici : « Ces héros ruraux et urbains représentent, incarnent, glorifient, pompeux, une Face de la Terre ou du Firmament… La Nature elle-même nécessite l’auguste ardeur de leur patience. […] Car la Nature élit chacun. […] Et il suffit pour cela que les auteurs apportent des idées nouvelles, qui correspondent aux sentiments de l’époque et qui conviennent, en même temps, à la nature de nos nationaux.
Mon mot sur l’architecture Il ne s’agit point ici, mon ami, d’examiner le caractère des différents ordres d’architecture ; encore moins de balancer les avantages de l’architecture grecque et romaine avec les prérogatives de l’architecture gothique, de vous montrer celle-ci étendant l’espace au-dedans par la hauteur de ses voûtes et la légèreté de ses colonnes, détruisant au-dehors l’imposant de la masse par la multitude et le mauvais goût des ornements ; de faire valoir l’analogie de l’obscurité des vitraux colorés, avec la nature incompréhensible de l’être adoré et les idées sombres de l’adorateur ; mais de vous convaincre que sans architecture, il n’y a ni peinture ni sculpture, et que c’est à l’art qui n’a point de modèle subsistant sous le ciel que les deux arts imitateurs de la nature doivent leur origine et leur progrès. […] Citez-moi un peuple qui ait eu des statues et des tableaux, des peintres et des sculpteurs sans palais ni temples, ou avec des temples d’où la nature du culte ait banni la toile coloriée et la pierre sculptée. […] Qui est le grand peintre, ou de Raphael que vous allez chercher en Italie, et devant lequel vous passeriez sans le reconnaître, si l’on ne vous tirait pas par la manche, et qu’on ne vous dît pas Le voilà ; ou de Rembrand, du Titien, de Rubens, de Vandeick et de tel autre grand coloriste qui vous appelle de loin, et vous attache par une si forte, si frappante imitation de la nature que vous ne pouvez plus en arracher les yeux ? […] En effet, si nous connaissions bien comment tout s’enchaîne dans la nature, que deviendraient toutes les conventions symétriques ?
En effet, la machine humaine n’est gueres moins dépendante des qualitez de l’air d’un païs, des variations qui surviennent dans ces qualitez, en un mot, de tous les changemens qui peuvent embarasser ou favoriser ce qu’on appelle les operations de la nature, que le sont les fruits mêmes. […] Or, les émanations de la terre qui est un corps mixte dans lequel il se fait des fermentations continuelles, ne sçauroient être toujours précisement de la même nature dans une certaine contrée. […] Ainsi certaines generations seront plus spirituelles en France que d’autres generations, et cela par une raison de même nature que la raison qui fait que les hommes ont plus d’esprit en certains païs qu’en d’autres païs. […] On conçoit aussi avec facilité que des altérations differentes ausquelles l’air est exposé successivement, les unes doivent durer plus long-temps que les autres, et que les unes doivent favoriser plus que les autres les productions de la nature. L’air est encore exposé à plusieurs vicissitudes, qui proviennent des causes étrangeres, comme sont l’action du soleil diversifiée par sa hauteur, par sa proximité et par l’exposition, comme par la nature du terrain sur lequel ses raïons tombent.
Rousseau avait ouvert les écluses de la nature. […] Étudiant de la nature. […] Il est moins une force de la nature qu’une présence de la nature ; moins une date qu’une saison. […] Seul des romantiques, il hait la nature sous toutes ses formes. […] Il est lyrique et orateur, dans la plénitude des deux natures, dans le plain-pied de ces deux natures avec la nature humaine.
La nature est pleine de contradictions. […] L’art fut révélé à Ruskin par la nature elle-même, et il ne fit jamais une distinction bien nette entre l’art et la nature. […] Le nu est en effet totalement absent de la nature européenne, de la nature qu’ont sous les yeux les peintres européens. […] La nature reste injuste jusqu’au bout. […] Dès qu’il perd contact avec la nature, avec l’humble nature, l’homme divague.
On plaisantait de tout, et l’on voudrait que l’aimable prince eût l’air lui-même de moins badiner sur ces sentiments de famille et de nature qu’il était fait pour ressentir. […] C’était à qui s’étudierait à diversifier la nature et à en profiter pour l’embellir. […] Il aime la nature, mais rarement toute seule. […] Il me semble que c’est augmenter la richesse de la nature que d’augmenter le nombre de ses enfants. […] Un tableau sans figures ressemble à la fin du monde. » Pourtant le prince de Ligne, dans les dernières années de sa vie passées à son Refuge sur le Leopoldsberg près de Vienne, paraîtra en être venu à admirer plus véritablement la nature pour elle-même.
Je ne sens pas qu’il soit uni par une sympathie morale à cette nature extérieure dont il reçoit si fortement toutes les valeurs : nul autre lien entre elle et lui que la sensation physique. […] Les simples tableaux, les paysages à la plume d’après nature, sont beaux, mais assez rares dans son œuvre. […] Des doctrines, il ne garde que quelques mots, les mots essentiels dont chacun en gros connaît le sens, où chacun peut mettre toute la richesse de sa pensée personnelle : et à ces mots il associe des images que la nature lui fournit. […] avec quel art jette-t-il, au milieu des tableaux de meurtre, de persécution et de servitude, comme de larges taches de nature, claires dans cette ombre, et gaies dans cette horreur ! […] Puis il a visité les faubourgs, les usines, les gares, la banlieue parisienne ; il a frôlé la vie populaire ; il s’est constitué le poète des formes humbles de la nature et de l’humanité.
C’est toujours ou une idée morale, ou une vue sur l’histoire de l’Humanité, ou une observation délicate des mouvements de l’âme, rendus par une comparaison prise dans la nature physique ; c’est toujours l’abstrait sous des formes matérielles, souvent ravissantes. […] Mais ses cris contre la société, son dédain pour les solutions de la philosophie, la révélation de sa vie solitaire et de ses jouissances contemplatives, portèrent dans beaucoup d’âmes, avec le dégoût du monde, un véritable enthousiasme pour les scènes de la nature. […] La puissante imagination de M. de Chateaubriand, sollicitée par tant d’émotions, ramenée vers la nature par les convulsions du monde politique, cherchant partout des démonstrations au spiritualisme, et faisant parler la terre et les cieux pour ranimer la foi religieuse, a trouvé là bien des couleurs. […] Le besoin de poésie, de rénovation des idées morales et religieuses, et l’étude de la nature et de ses mystérieuses harmonies, voilà ce qui l’a engendré. […] Et, comme s’il y avait synchronisme pour la propagation des procédés de l’art dans le Monde Européen, ainsi que pour tout le reste, on voit à la fois ce style naître et se développer en France, en Angleterre, en Allemagne, et toujours sous la plume d’écrivains amoureux de la nature et profondément méditatifs.
Leur succès s’est fort ranimé depuis les derniers mois, ou du moins l’impression qu’ils ont causée, de quelque nature qu’elle soit, a été vive. […] C’est là aussi un côté bien essentiel de Chateaubriand, la veine qui tient au plus profond de sa nature et de son talent. […] René, qui se croit en péril de mourir, écrit à Céluta, sa jeune femme indienne, une lettre où il lui livre le secret de sa nature et le mystère de sa destinée. […] Il écrit à Céluta pour lui dire qu’il ne l’aime pas, qu’il ne peut pas l’aimer, et, connaissant la nature du cœur des femmes, il se sert de ce moyen pour lui lancer un dernier trait, pour l’émouvoir et la remuer davantage. […] En Europe, en Amérique, la société et la nature m’ont lassé.
C’est de lui que date chez nous, au xviiie siècle, le sentiment de la nature. […] Il faut être bourgeois, et de province, et homme nouveau comme Rousseau, pour se montrer ainsi sujet aux affections du dedans et à la nature. […] Avant lui, le seul La Fontaine, chez nous, avait connu et senti à ce degré la nature et ce charme de la rêverie à travers champs ; mais l’exemple tirait peu à conséquence ; on laissait aller et venir le bonhomme avec sa fable, et l’on restait dans les salons. […] Ce trait est encore essentiel ; il tient à cette nature de bourgeois et d’homme du peuple que j’ai noté dans Rousseau. […] La nature sincèrement sentie et aimée en elle-même fait le fond de l’inspiration de Rousseau, toutes les fois que cette inspiration est saine et n’est pas maladive.
D’ailleurs il n’est point d’imitation de la nature dans les compositions du simple versificateur, ou du moins, comme je l’exposerai plus au long dans la suite de cet ouvrage, il est bien difficile que des vers françois imitent assez-bien dans la prononciation le bruit que le sens de ces vers décrit, pour donner beaucoup de réputation au poëte qui ne sçauroit pas faire autre chose. La rime n’est pas l’imitation d’aucune beauté qui soit dans la nature : mais, comme je viens de le dire, il est d’une imitation précieuse des beautez de la nature dans les tableaux du peintre qui ne sçait que bien colorier.
Toute la poésie de la nature est dans les cerveaux humains. […] Pour le savoir, analysons plus intimement la nature de la sensation. […] La science, parce qu’elle a l’œil fixé sur la nature, n’est pas nécessairement terre à terre : le ciel n’est-il pas aussi dans la nature ? […] La nature était pour les anciens un cadre, et le sentiment de la nature avait presque toujours besoin, pour s’éveiller en eux, de se mélanger à quelque chose d’humain. […] Shairp, On Poetic Interpretation of Nature.
Ainsi le veut la nature même de la poésie dramatique. […] Dans les temps où la vie est difficile et les mœurs rudes, il en est rarement ainsi pour le poète que forme la seule nature. […] dans ces actions si positives, si complètes, si conséquentes, vivent et se déploient toutes les inconséquences, tous les bizarres mélanges de la nature humaine. […] C’est dans le développement de la haute fortune et de ses terribles vicissitudes que paraît l’homme tout entier, avec la richesse et dans l’énergie de sa nature. […] Quel objet de la nature pourrions-nous représenter aussi bien que l’homme, quand c’est l’homme lui-même qui le représente ?