/ 1692
345. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 30, de la vrai-semblance en peinture, et des égards que les peintres doivent aux traditions reçuës » pp. 255-265

Les mêmes regles veulent encore qu’on donne aux differentes nations qui paroissent ordinairement sur la scene des tableaux, la couleur de visage et l’habitude de corps que l’histoire a remarqué leur être propres. […] La vrai-semblance poëtique exige aussi qu’on répresente les nations avec leurs vêtemens, leurs armes et leurs étendarts.

346. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 46, quelques refléxions sur la musique des italiens, que les italiens n’ont cultivé cet art qu’après les françois et les flamands » pp. 464-478

Je voudrois donc examiner d’abord le sentiment d’un anglois, homme de beaucoup d’esprit, qui soûtient en reprochant à ses compatriotes le goût que beaucoup d’eux croïent avoir pour les opera d’Italie, qu’il est une musique convenable particulierement à chaque langue, et specialement propre à chaque nation. […] L’auteur d’un poëme en quatre chants sur la musique, où l’on trouve beaucoup d’esprit et de talent, prétend que lorsque le genre humain commença, vers le seiziéme siecle, à sortir de la barbarie et à cultiver les beaux arts, les italiens furent les premiers musiciens, et que la societé des nations profita de leur lumiere pour perfectionner cet art.

347. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

Le despotisme démocratique est subtil et répandu dans tout l’air que respire une nation. […] Elles créent ainsi une classe moyenne qui va jusqu’à former la moitié de la nation. […] Les classes, en divisant une nation, développent la solidarité de chacune dans son sein, et l’empêchent de naître dans la nation tout entière. […] Est corps aristocratique dans la nation, tout ce qui de force diffuse est devenu force concentrée, unie et articulée ; en un mot, est corps aristocratique dans la nation tout ce qui y fait corps. […] C’est qu’il ne croit pas à cet « être collectif » dont on a tant parlé et qui s’appelle une nation.

348. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Il substitue la nation à Dieu et la loi de police des cultes à la conscience, siège unique de la foi. […] Quel danger n’y a-t-il pas dans de telles théories sous la plume d’un écrivain séduisant d’audace d’esprit, au milieu d’une nation en oscillation perpétuelle de pouvoirs ? Quel danger surtout dans une nation militaire, où chaque général peut être tenté du trône sans avoir le génie de s’y maintenir ? […] Non que le droit manquât à ceux qui voulaient avec un soldat faire un roi ou un empereur : la nation pouvait incontestablement transporter à qui elle voulait, et à un soldat sublime plus qu’à tout autre, le sceptre de Charlemagne et de Louis XIV. […] Ainsi, en toutes choses, la France était destinée à servir d’enseignement à l’univers : grand malheur et grande gloire pour une nation ! 

349. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Une épopée est d’autant plus parfaite qu’elle correspond mieux à toute l’humanité, et pourtant, après la plus parfaite épopée, le thème est encore nouveau et peut prêter à d’infinies variations, selon le caractère individuel du poète, son siècle ou la nation à laquelle il appartient. […] Il faut qu’il n’en soit plus ainsi chez les nations modernes, puisque le repos dans les cultes religieux suffit pour énerver une nation 49. […] Certes, si la religion des modernes était, comme celle des anciens, la moelle épinière de la nation elle-même, c’eût été là une grosse absurdité. […] Nous n’en appelons au principe des nationalités que quand la nation opprimée est supérieure selon l’esprit à celle qui l’opprime. […] C’est chose merveilleuse comme chaque nation se reflète naïvement dans la physionomie de ses miracles.

350. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

. — Bon nombre d’entre eux accepteront, même, d’être, au milieu de ma patrie, les représentants d’une nation vaincue par la mienne et saignante encore, et, au nom de l’Esprit-Humain, sourds aux toasts environnants portés contre leur pays, auront la magnanimité de m’acclamer. […] Durant que la nation allemande célébrait le centième anniversaire de Beethoven, il a voulu, de sa façon, glorifier le Maître ; et il a dit, seulement, la signification que les œuvres de Beethoven avaient, pour lui. […] Mais en quoi, comment se rattache-t-il, proprement, à sa nation ? […] Or, il convient, de même, que nous nous tournions aujourd’hui vers ce musicien, Beethoven ; car, par lui, aussi bien que par ces hommes, l’esprit Allemand a sauvé de la plus profonde torpeur l’esprit de toutes les nations ; par lui, plus que par ces hommes, puisqu’il a parlé le langage le plus clair à toutes les nations. […] Et c’est en cela, exclusivement, que se fonde la liaison du grand Beethoven avec la nation allemande, liaison que nous voudrions éclairer au moyen des traits spéciaux, à nous connus, sur sa vie et ses travaux.

351. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Mais l’histoire d’une nation est essentiellement une, et, à parler rigoureusement, il est presque impossible de bien comprendre la situation morale de l’Allemagne à la fin du xviiie  siècle, si l’on ne connaît dans une certaine mesure les temps qui ont précédé et préparé celui qu’on étudie ; en sorte qu’il me paraît nécessaire de présenter ici une esquisse rapide de l’histoire de la civilisation germanique depuis ses plus faibles commencemens jusqu’à l’époque où Kant a paru, afin de faire bien saisir l’esprit fondamental et permanent de la grande nation à laquelle notre philosophe appartient, et dont il est le représentant. […] On pourrait, à son exemple, indiquer aussi les caractères littéraires, politiques et religieux exclusivement propres aux nations du Nord. […] Dans ces limites vit et parle la même langue une nation profondément originale dont l’existence subit assez peu les influences des peuples voisins. […] L’histoire de cette nation me paraît se diviser en trois grandes époques. […] Lorsque de toutes parts il n’était question en France, en Angleterre, en Italie, que de plaisir, d’intérêt et de bonheur, une voix s’éleva de Kœnigsberg pour rappeler l’âme humaine au sentiment de sa dignité, et enseigner aux individus et aux nations qu’au-dessus des attraits du plaisir et des calculs de l’intérêt, il y a quelque chose encore, une règle, une loi, une loi immuable, obligatoire en tout temps et en tout lieu et dans toutes les conditions sociales ou privées : la loi du devoir.

352. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Robert » pp. 222-249

Le sauvage Moncacht-Apé répondra au chef d’une nation étrangère qui lui demande : qui es-tu ? […] Que cherches-tu avec tes cheveux courts… " je viens de la nation des loutres. […] Un torrent entraîne les nations les unes sur les autres au fond d’un abîme commun ; moi, moi seul je prétends m’arrêter sur le bord et fendre le flot qui coule à mes côtés ! […] L’endroit où l’on décidait du sort des nations et des rois, où des courtisans venaient en tremblant étudier le visage de leur maître, où trois brigands peut-être échangèrent entre eux les têtes de leurs amis, de leurs pères, de leurs mères contre les têtes de leurs ennemis, qu’est-ce à présent ? […] Que la partie subsistante ne donne pas une idée commune du tout ; aggrandissez la ruine et avec elle la nation qui n’est plus.

353. (1739) Vie de Molière

Il eût été plus honorable pour la nation, de n’avoir pas besoin des décisions de son maître pour bien juger. […] Mais la nation entière a marqué son bon goût, en méprisant cette affectation dans des auteurs que d’ailleurs elle estimait. […] On voit par là combien l’habitude a de puissance sur les hommes, et comme elle forme les différents goûts des nations. […] Le sujet du Misanthrope a réussi chez toutes les nations longtemps avant Molière, et après lui. […] Il y a ajouté réellement quelques beautés de dialogue particulières à sa nation, et sa pièce a eu près de trente représentations, succès très rare à Londres, où les pièces qui ont le plus de cours, ne sont jouées tout au plus que quinze fois.

354. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Une nation n’a pas versé pendant trente ans le plus précieux de son sang pour une révolution purement passagère. […] Les précieuses de l’hôtel de Rambouillet furent les premiers despotes littéraires que se donna une nation galante et chevaleresque. […] Que pouvaient être les premiers chants de cette nation en deuil, si ce n’est des élégies ? […] — Deux nations seulement : la France et l’Allemagne. […] Aucune nation ne possède au même degré la réunion des qualités diverses indispensables à la forme dramatique.

355. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

Mélange du sang français et du sang allemand, il forme la nuance entre ces deux nations. […] Aussi c’est la seule nation, qui, avec la française, mérite proprement ce nom en Europe. […] Mackenzie traverse le village d’une nation hospitalière, où chaque cabane est accompagnée d’un tombeau. […] Mackenzie passa plusieurs jours chez cette nation. […] Il ne faut pas croire d’ailleurs que le plus rude despotisme produise un silence absolu, excepté chez les nations barbares.

356. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Voilà des gens qui, comme nous, parlent le français de naissance et d’enfance, qui ne sont pourtant pas le moins du monde obligés d’être Français de sentiments, puisqu’ils appartiennent à une autre nation ; ils ne nous ont vus que de loin ou en passant ; depuis les guerres de la Révolution et par nos annexions ou conquêtes, nous les dérangeons dans leur vie, nous les blessons dans leur nationalité, dans leurs convictions ou leurs habitudes les plus chères ; nous troublons tout chez eux ou autour d’eux ; s’ils sont liés intimement avec des Français, c’est avec des personnes de la haute société et de l’aristocratie, qui demeurent hostiles aux principes du nouveau régime et qui sont peu sensibles à ses gloires. […] Il en concluait la chute absolue des nations de l’Europe avec celle des religions qu’elles professent. […] Quant à la nation, de même et par un mouvement de sympathie généreuse, il se sentait redevenir Français à mesure que la France était plus malheureuse et plus écrasée ; il aimait à se confondre avec nous dans une même douleur unanime : « J’ai toujours la même aversion, disait-il (mai 1814), pour la toute-puissance partout où elle se trouve, parce qu’en effet je la vois partout également immodérée dans son ambition et son orgueil… Je crains pour les plus forts l’ivresse du pouvoir à laquelle si peu de têtes résistent ; je la crains encore après la modération, vraiment digne des plus grands éloges, du premier moment. J’évitais de toutes mes forces d’être confondu avec la nation dont je parle la langue, pendant ses triomphes ; mais je sens vivement, dans ses revers, combien je lui suis attaché, combien je souffre de sa souffrance, combien je suis humilié de son humiliation… Mille intérêts communs, mille souvenirs d’enfance, mille rapports d’opinion, lient ceux qui parlent une même langue, qui possèdent une même littérature, qui défendent un même honneur national. […] — « Belle nation !

357. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Daru dont il était parent, il regardait à mille choses, à un opéra de Cimarosa ou de Mozart, à un tableau, à une statue, à toute production neuve et belle, au génie divers des nations ; et tout bas il réagissait contre la sienne, contre cette nation française dont il était bien fort en croyant la juger, contre le goût français qu’il prétendait raviver et régénérer, du moins en causant : c’était là être bien Français encore. […] Beyle y apprend le premier à la France le nom de certains chefs-d’œuvre que notre nation mettra du temps à goûter ; il exprime à merveille, à propos des Cimarosa et des Mozart, la nature d’âme et la disposition qui sont le plus favorables au développement musical. […] Il commence cette petite guerre qu’il fera au caractère de notre nation, chez qui il veut voir toujours la vanité comme ressort principal et comme trait dominant : « La nature, dit-il, a fait le Français vain et vif plutôt que gai. » Et il ajoute : « La France produit les meilleurs grenadiers du monde pour prendre des redoutes à la baïonnette, et les gens les plus amusants.

358. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Jamais il ne parle des Grecs qu’avec mépris et dédain comme d’une nation de femmes et d’enfants , ne songeant qu’au plaisir, et qui, dans leurs arts, « ôtèrent la pudeur même à la chasteté » 55 : ou encore comme d’une « nation d’athlètes » devenue bien vite un peuple de rhéteurs et de sophistes, et qui, en philosophie, « ne cherchèrent jamais la sagesse que hors des voies de la raison ». […] Vous avez fait de la France la grande nation par ses exploits, faites-en la bonne nation par ses mœurs et par ses lois.

359. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Une telle disposition d’esprit est tout à fait conforme au génie de la nation ; en Angleterre, un baromètre s’appelle encore un instrument philosophique ; aussi la philosophie y est-elle chose inconnue. […] Macaulay porte dans les sciences morales cet esprit de circonspection, ce besoin de certitude et cet instinct du vrai qui composent l’esprit pratique, et qui, depuis Bacon, font dans les sciences le mérite et la puissance de sa nation. […] Par cette ampleur de science, par cette puissance de raisonnement et de passion, il a produit un des plus beaux livres du siècle, en manifestant le génie de sa nation. […] Mais s’il est anglais pour nous, il ne l’est pas pour sa nation. […] Crime succeeded to crime, and disgrace to disgrace, till the race, accursed of God and man, was a second time driven forth, to wander on the face of the earth, and to be a byword and a shaking of the head to the nations.

360. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Préface »

On doit donc renverser les méthodes ordinaires et se figurer la nation avant de rédiger la constitution. […] Autour d’elle, les autres nations, les unes précoces, les autres tardives, toutes avec des ménagements plus grands, quelques-unes avec succès meilleur, opèrent de même la transformation qui les fait passer de l’état féodal à l’état moderne ; l’éclosion est universelle et presque simultanée.

361. (1890) L’avenir de la science « XX »

L’art grec produisait pour la patrie, pour la pensée nationale, l’art au XVIIe siècle produisait pour le roi, ce qui était aussi, en un sens, produire pour la nation. […] J’appelle ploutocratie un état de société où la richesse est le nerf principal des choses, où l’on ne peut rien faire sans être riche, où l’objet principal de l’ambition est de devenir riche, où la capacité et la moralité s’évaluent généralement (et avec plus ou moins de justesse) par la fortune, de telle sorte, par exemple, que le meilleur critérium pour prendre l’élite de la nation soit le cens.

362. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Cela fut discuté, en France, avec cette chaleur qu’on peut attendre d’une nation passionnée pour sa langue, & glorieuse de la voir se perfectionner chaque jour par la plume de tant d’écrivains originaux. […] L’opinion, qu’en France on ne doit écrire qu’en François, ayant été embrassée du monarque, elle le fut bientôt généralement de toute la nation.

363. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

Le grec montre dans ses conjugaisons perplexes, dans ses inflexions, dans sa diffuse éloquence, une nation d’un génie imitatif et sociable ; une nation gracieuse et vaine, mélodieuse et prodigue de paroles.

364. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Lépicié » pp. 275-278

Il faut partager une nation en trois classes : le gros de la nation qui forme les mœurs et le goût national ; ceux qui s’élèvent au-dessus sont appellés des fous, des hommes bizarres, des originaux ; ceux qui descendent au-dessous sont des plats, des espèces.

365. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. […] Ce droit, comme disent les jurisconsultes, a été suivi par les nations, usu exigente humanisque necessitatibus expostulantibus .

366. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

C’est un homme qui a plus de bonheur à admirer les autres qu’à être admiré lui-même ; qui demande pardon de son mérite à ceux qui en ont souvent moins que de prétention, et qui, ne briguant aucun renom pour lui, forme ce milieu anonyme, atmosphère vivante de ceux qui parlent ou écrivent, la galerie qui applaudit, la critique, le parterre des lettres, sans lequel il n’y aurait point de lettres dans un pays, le nom collectif, un des noms de ce public d’élite enfin qui n’affecte aucune gloire, mais qui la donne à une nation, dont la première gloire est d’aimer ceux qui d’une part de leurs noms lui font un surnom national et immortel. […] Canning et M. de Marcellus une amitié aussi familière que la politique en permet entre hommes de deux nations rivales. […] Des nations avilies et des rois imbéciles ? […] Mais il est un autre Stanhope qui a osé en plein parlement calomnier la nation française, la grande nation ! […] Quand on s’est lancé hardiment, avec une sainte pensée dans le cœur, au milieu d’un peuple en révolution, pour l’apaiser et le diriger vers des destinées plus hautes et plus surhumaines ; Quand on lui a dit : « Lève-toi et règne, mais montre-toi digne de régner par ta modération, par ta tolérance, par ton respect des libertés d’autrui ; tu n’auras d’autre maître que la raison, tu respecteras tout le monde, et toi-même » ; Quand ce peuple a été soulevé entre ciel et terre pendant quelques mois, et que toutes les nations étonnées se sont agenouillées pour le contempler dans sa liberté et dans sa sagesse ; ce peuple de France a été vraiment roi de lui-même, et digne de l’être.

367. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

C’est une importante question qu’il faut soumettre aux philosophes et aux publicistes, de savoir si la vanité sert ou nuit au maintien de la liberté dans une grande nation ; elle met d’abord certainement un véritable obstacle à l’établissement d’un gouvernement nouveau ; il suffit qu’une constitution ait été faite par tels hommes, pour que tels autres ne veuillent pas l’adopter ; il faut, comme après la session de l’assemblée constituante, éloigner les fondateurs pour faire adopter les institutions, et cependant les institutions périssent, si elles ne sont pas défendues par leurs auteurs. L’envie, qui cherche à s’honorer du nom de défiance, détruit l’émulation, éloigne les lumières, ne peut supporter la réunion du pouvoir et de la vertu, cherche à les diviser pour les opposer l’un à l’autre, et crée la puissance du crime, comme la seule qui dégrade celui qui la possède ; mais quand de longs malheurs ont abattu les passions, quand on a tellement besoin de lois, qu’on ne considère plus les hommes que sous le rapport du pouvoir légal qui leur est confié, il est possible que la vanité, alors qu’elle est l’esprit général d’une nation, serve au maintien des institutions libres. […] Cette espérance est peut-être une chimère, mais je crois vrai que la vanité se soumet aux lois, comme un moyen d’éviter l’éclat personnel des noms propres, et préserve une nation nombreuse et libre, lorsque sa constitution est établie, du danger d’avoir un homme pour usurpateur.

368. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Que peut-on demander de plus à une nation si maniable et si ardente à chercher la connaissance ? […] … Il me semble voir une noble et puissante nation se levant comme un homme fort après le sommeil et secouant les boucles de sa chevelure invincible. […] What could a man require more from a nation so pliant and so prone to seek after knowledge ? What wants there to such a towardly and pregnant soil, but wise and faithful labourers, to make a knowing people, a nation of prophets, of sages, and of worthies ? […] ‘Tis true no age can restore a life, whereof perhaps there is no great loss ; and revolutions of ages do not oft recover the loss of a rejected truth, for the want of which whole nations fare the worse.

369. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Enfin François I les ranima, & mérita d’être surnommé leur Père & leur restaurateur, titre peut-être moins flatteur pour l’orgueil du maître, mais plus cher à sa nation & plus précieux à l’humanité. […] Le Sauvage, & même le peuple des nations policées, a peu d’idée de son ignorance, & n’en a point du tout du savoir qui lui manque. […] Il étoit juste que la langue Latine eût la préférence, puisqu’elle étoit la langue de la nation. […] Ainsi commença la décadence des Lettres : l’esprit de la nation Gauloise s’abâtardit insensiblement, & des siècles ont à peine suffi pour réparer une perte si fatale aux Arts & aux Sciences. […] Ces jeux, devenus les spectacles les plus intéressans de la nation, se célébroient avec autant d’appareil, que de magnificence.

370. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Quand une nation va périr et qu’elle le sent, que fait-elle ? […] L’armée, ou la volonté active de la nation, se donne un dictateur ; il frappe à droite et à gauche, il se défait des gouvernements parlementaires, obstacle à tout, au bien comme au mal. Il règne : si c’est avec folie, il tombe entraînant avec lui armée et nation ; si c’est avec réflexion et mesure, il continue ou perpétue son règne, il peut même fonder une dynastie ou une monarchie héréditaire. […] Le gouvernement parlementaire refuse de gouverner : la volonté nationale est paralysée par la nation elle-même. […] Le gouvernement, ce n’est pas seulement la forme, c’est la vie des nations.

371. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Chaque individu, venant au monde, trouvait, outre la famille, qui ne suffit pas pour faire l’homme, la nation, dépositaire d’une autre vie plus élevée. Le christianisme, qui a détruit la conception antique de la nation et de la patrie, s’est substitué chez les peuples modernes à cette grande culture nationale, et longtemps il y a suffi. […] S’il y avait une religion qui fût réellement vivante, qui correspondît aux besoins de l’époque, soyez sûr qu’elle saurait se faire sa place et que la nation ne marchanderait pas avec elle. […] Forte de toute la vie de la nation, elle en est le premier besoin et le premier droit. […] C’est là un peu notre manière ; nous sommes une nation extérieure et superficielle, plus jalouse des formes que des réalités.

372. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Alors la voix dit : « Vous serez une seule nation, vous n’aurez plus de juge et de roi que moi, et je serai le Dieu qui a un peuple, et vous serez le peuple qui a un Dieu. » Tout n’est-il pas là ? […] Il écrit aux nations des lettres de la part de Dieu. […] Ils donnent aux nations et aux siècles la face humaine. […] Quant à l’Allemagne, matrice, comme l’Asie, de races, de peuplades et de nations, elle est représentée dans l’art par un homme sublime, égal, quoique dans une catégorie différente, à tous ceux que nous avons caractérisés plus haut. […] La nature allemande, profonde et subtile, distincte de la nature européenne, mais d’accord avec elle, se volatilise et flotte au-dessus des nations.

373. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

On fait que l’emploi des Bardes fut de chanter dans leurs vers les faits héroïques de la Nation. […] On peut les opposer aux plus grands Artistes des autres Nations. […] Les Nations les plus éclairées n’en fournissent réciproquement qu’un seul exemple heureux. […] Le génie de chaque langue & de chaque nation differe. […] Pourquoi donc attribuer à cette nation la gloire d’avoir créé notre Musique ?

374. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Nombre de remarques justes sur l’humeur de la nation, et sur son étrange facilité à se plier pour un temps à cet atroce régime de terreur, révèle le publiciste moraliste, l’homme qui a vécu avec Tacite et qui en a pénétré tout le sens : Parmi les habitants de Paris, faibles, légers, indolents pour la plus grande partie, les gens riches ou aisés désiraient intérieurement, l’année passée (1792), le retour de la monarchie, pour assurer leur fortune ; mais ils craignaient la transition, et, semblables à ces malades qui ne peuvent supporter l’idée d’une opération douloureuse qui doit les sauver, ils se familiarisaient avec leurs maux… Aujourd’hui, stupides de terreur, ils attendent comme de vils animaux qu’on les conduise à la mort. […] La bibliothèque du président, qui était considérable, est confisquée comme bien d’émigré par la nation et mise en vente. […] Il poursuit ses raisonnements au sujet de la perte de sa bibliothèque, et démontre par des applications sa pensée : « À mesure que l’esprit humain avance, une multitude d’ouvrages disparaît. » Le président estime que nous n’avions pas en France, à sa date, de bons historiens : Un historien ne peut avoir de gloire durable que lorsqu’il approfondit la moralité de l’homme, et développe avec sagacité et impartialité les modifications que lui ont fait subir les institutions civiles et religieuses : alors il devient intéressant pour toutes les nations et pour tous les siècles… Ce n’est pas dans nos histoires qu’on apprend à connaître les Français, mais dans un petit nombre de mémoires particuliers, et je maintiens que l’homme qui a lu attentivement Mme de Sévigné est plus instruit des mœurs du siècle de Louis XIV et de la Cour de ce monarque, que celui qui a lu cent volumes d’histoire de ce temps, et même le célèbre ouvrage de Voltaire. […] La Révolution naissante l’a surpris dans cette disposition morale, et l’y a bientôt confirmé : Pénétré de ces idées, dit-il, je déplorai les fatales lumières du xviiie  siècle ; et, prévoyant les malheurs qui devaient résulter de la fermentation de la lie de la nation, je me retirai dans ma terre.

375. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Les mots ne signifient rien par eux-mêmes, c’est le caprice arbitraire des nations qui des sons articulés a fait des signes fixes… Chaque nation a ses signes fixes pour représenter tous les objets que son intelligence embrasse. […] Ce qu’il appelle un caprice arbitraire des nations n’était pas si arbitraire. […] Il est vrai que l’auteur ne conduit pas son action avec finesse ; il l’interrompt même par des amours épisodiques d’assez mauvais goût ; mais, à travers ces défauts, je vois le grand poète, je vois un homme illustre, digne d’être envié à sa nation.

376. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Jomini en toute occasion se plaît à rappeler (et même au moment où il trace un portrait flatteur de l’empereur Alexandre) qu’il est « Suisse de nation et citoyen d’un pays libre. » Il s’en prévaut pour donner à ses compatriotes des conseils vigoureux et sages. […] Quoiqu’il n’y eût pas mis son nom, il ne défendait pas qu’on le devinât ; et comment ne pas le deviner tout d’abord quand il disait : « A les en croire, il suffirait désormais des caprices du Conseil aulique de Vienne ou du comité militaire de Paris pour qu’un injuste agresseur décidât de l’existence d’une nation de deux millions de braves, qui peut mettre plus de soldats sur pied que Frédéric le Grand n’en avait en montant sur le trône de Prusse. […] L’esprit de parti a pu vous diviser un instant, mais le sang de Winkelried coule encore dans vos veines… Dites-vous bien qu’une nation assez faible pour supporter un attentat contre son territoire est une nation perdue, et qu’il vaut mieux encore succomber avec honneur comme les Bernois en 1798, que d’imiter l’exemple des hommes pusillanimes de 1813.

377. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

XIII « Une intention droite au commencement ; un dévouement volontaire au peuple représentant à ses yeux la portion opprimée de l’humanité ; un attrait passionné pour une révolution qui devait rendre la liberté aux opprimés, l’égalité aux humiliés, la fraternité à la famille humaine ; des travaux infatigables consacrés à se rendre digne d’être un des premiers ouvriers de cette régénération ; des humiliations cruelles patiemment subies dans son nom, dans son talent, dans ses idées, dans sa renommée, pour sortir de l’obscurité où le confinaient les noms, les talents, les supériorités des Mirabeau, des Barnave, des La Fayette ; sa popularité conquise pièce à pièce et toujours déchirée par la calomnie ; sa retraite volontaire dans les rangs les plus obscurs du peuple ; sa vie usée dans toutes les privations ; son indigence, qui ne lui laissait partager avec sa famille, plus indigente encore, que le morceau de pain que la nation donnait à ses représentants ; son désintéressement appelé hypocrisie par ceux qui étaient incapables de le comprendre ; son triomphe enfin : un trône écroulé ; le peuple affranchi ; son nom associé à la victoire et aux enthousiasmes de la multitude ; mais l’anarchie déchirant à l’instant le règne du peuple ; d’indignes rivaux, tels que les Hébert et les Marat, lui disputant la direction de la Révolution et la poussant à sa ruine ; une lutte criminelle de vengeances et de cruautés s’établissant entre ces rivaux et lui pour se disputer l’empire de l’opinion ; des sacrifices coupables, faits, pendant trois ans, à cette popularité qui avait voulu être nourrie de sang ; la tête du roi demandée et obtenue ; celle de la reine ; celle de la princesse Élisabeth ; celles de milliers de vaincus immolés après le combat ; les Girondins sacrifiés malgré l’estime qu’il portait à leurs principaux orateurs ; Danton lui-même, son plus fier émule, Camille Desmoulins, son jeune disciple, jetés au peuple sur un soupçon, pour qu’il n’y eût plus d’autre nom que le sien dans la bouche des patriotes ; la toute-puissance enfin obtenue dans l’opinion, mais à la condition de la maintenir sans cesse par de nouveaux crimes ; le peuple ne voulant plus dans son législateur suprême qu’un accusateur ; des aspirations à la clémence refoulées par la prétendue nécessité d’immoler encore ; une tête demandée ou livrée au besoin de chaque jour ; la victoire espérée pour le lendemain, mais rien d’arrêté dans l’esprit pour consolider et utiliser cette victoire ; des idées confuses, contradictoires ; l’horreur de la tyrannie, et la nécessité de la dictature ; des plans imaginaires pleins de l’âme de la Révolution, mais sans organisation pour les contenir, sans appui, sans force pour les faire durer ; des mots pour institutions ; la vertu sur les lèvres et l’arrêt de mort dans la main ; un peuple fiévreux ; une Convention servile ; des comités corrompus ; la république reposant sur une seule tête ; une vie odieuse ; une mort sans fruit ; une mémoire souillée, un nom néfaste ; le cri du sang qu’on n’apaise plus, s’élevant dans la postérité contre lui : toutes ces pensées assaillirent sans doute l’âme de Robespierre pendant cet examen de son ambition. […] « Ce combat est mille fois plus glorieux que les combats des armées qui lui succèdent. 1789 a conquis au monde des vérités, au lieu de conquérir à une nation de précaires accroissements de provinces. […] XVI « Une nation doit pleurer ses morts, sans doute, et ne pas se consoler d’une seule tête injustement et odieusement sacrifiée ; mais elle ne doit pas regretter son sang quand il a coulé pour faire éclore des vérités éternelles. […] Et peut-on se désintéresser ainsi du culte pour les pures victimes et de l’horreur pour les exécrables bourreaux par une épitaphe de gloire sans choix et sans respect, qui ne fait justice ni aux uns ni aux autres, en chantant l’hosanna à la Révolution et à la nation ?

378. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

ce ne sont ni les impôts, ni les lettres de cachet, ni tous les autres abus de l’autorité, ce ne sont point les vexations des intendants et les longueurs ruineuses de la justice, qui ont le plus irrité la nation, c’est le préjugé de la noblesse pour lequel elle a manifesté le plus de haine : ce qui prouve évidemment que ce sont les bourgeois, les gens de lettres, les gens de finances, et enfin tous ceux qui jalousaient la noblesse, qui ont soulevé contre elle le petit peuple dans les villes, et les paysans dans les campagnes. […] Règle générale : les nations que les rois assemblent et consultent commencent par des vœux et finissent par des volontés. Malheur à ceux qui remuent le fond d’une nation ! […] Mais aussi ce qui honore en Rivarol l’intelligence et l’homme, c’est qu’il s’élève du milieu de tout cela comme un cri de la civilisation perdue, l’angoisse d’un puissant et noble esprit qui croit sentir échapper toute la conquête sociale : « Malgré tous les efforts d’un siècle philosophique, dit-il, les empires les plus civilisés seront toujours aussi près de la barbarie que le fer le plus poli l’est de la rouille ; les nations comme les métaux n’ont de brillant que les surfaces. » Il y a des moments où, porté par le mouvement de son sujet et par l’impulsion de la pensée sociale, il va si haut, qu’on se demande si c’est bien Rivarol qui écrit, le Rivarol né voluptueux avant tout et délicat, et si ce n’est pas plutôt franchement un homme de l’école religieuse : Le vice radical de la philosophie, c’est de ne pouvoir parler au cœur.

379. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Entendant le solitaire mélancolique accuser hautement la fatalité et le sort de tous les maux, qui affligent tour à tour les diverses nations, il l’en reprendra au nom de ces ruines et lui dira d’y lire les leçons qu’elles présentent : « Et vous, témoins de vingt siècles divers, temples saints ! […] Mais le xviiie  siècle, dans son ambition, ne se contente point de si peu ; Sieyès, dans un de ses rares moments d’épanchement, disait : « La politique est une science que je crois avoir achevée. » Et quant à la morale, plus d’un philosophe du temps eût été plus loin et eût dit : « Je crois l’avoir à la fois achevée et inventée. » Piqué par les reproches du Génie et enhardi par sa présence, le voyageur s’ouvre donc à lui ; il veut savoir « par quels mobiles s’élèvent et s’abaissent les empires ; de quelles causes naissent la prospérité et les malheurs des nations ; sur quels principes enfin doivent s’établir la paix des sociétés et le bonheur des hommes. » Ici les ruines de Palmyre s’oublient : le Génie enlève le voyageur dans les airs, lui montre la terre sous ses pieds, lui déroule l’immensité des lieux et des temps, et commence à sa manière toute une histoire de l’humanité et du principe des choses, de l’origine des sociétés, le tout sous forme abstraite et en style analytique, avec un mélange de versets dans le genre du Coran. […] Se reportant aux jours affreux de la veille et ne prévoyant guère de jours sereins pour le lendemain, il abjure en quelque sorte cette doctrine de perfectibilité dont il s’était fait un moment l’apôtre : Ainsi, dit-il en terminant, ainsi, sous des noms divers, un même fanatisme ravage les nations ; les acteurs changent sur la scène, les passions ne changent pas, et l’histoire n’est que la rotation d’un même cercle de calamités et d’erreurs. Plus on la lit, plus on la médite, et plus on s’aperçoit de la vérité de cette assertion ; en sorte que, considérant combien la conduite des nations et des gouvernements, dans des circonstances analogues, se ressemble, et combien la série de ces circonstances suit un ordre généalogique ressemblant, je suis de plus en plus porté à croire que les affaires humaines sont gouvernées par un mouvement automatique et machinal, dont le moteur réside dans l’organisation physique de l’espèce.

380. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Il n’y a point de pays peut-être où l’on ait tant écrit sur la Grammaire de la nation qu’en France. […] Quand ce Dictionnaire parut, disent les auteurs du Grand Vocabulaire, la nation l’accueillit, sans doute, à cause de l’universalité qu’il paroissoit embrasser. […] “Quel service ne rendroit pas l’Académie françoise aux Lettres, à la langue, & à la nation, dit M. de V. […] Les bons livres françois imprimés avec soin aux dépens du Roi, seroient un des plus glorieux monumens de la nation.

381. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Mignet : Histoire de la Révolution française, depuis 1789 jusqu’en 1814. 3e édition. »

Lui aussi n’envisage des factions, des nations entières, que comme un seul homme ; il les fait marcher devant lui et chanceler comme une femme ivre. Seulement, au lieu de réserver sa pitié superbe pour les individus et les factions, il en accable les nations elles-mêmes ; il les raille à leur tour comme des jouets non moins fragiles, qu’agite et que brise incessamment une invisible main.

382. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

Les anciens savaient animer les arguments nécessaires à chaque circonstance ; mais de nos jours les esprits sont tellement blasés, par la succession des siècles, sur les intérêts individuels des hommes, et peut-être même sur les intérêts instantanés des nations, que l’écrivain éloquent a besoin de remonter toujours plus haut, pour atteindre à la source des affections communes à tous les mortels. […] Si quelques circonstances peuvent faire craindre qu’une condamnation soit injuste, qu’un innocent ait péri par le glaive des lois, les nations entières écoutent avec effroi les plaintes élevées contre un malheur irréparable.

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