Les sentiments débordent les idées, et le langage se colore, peignant moins la réalité des choses que leur représentation dans l’âme et les mouvements qu’elles y déterminent. […] Lisez et relisez Bossuet, ce maître incomparable : jamais son style n’a une plus exacte propriété que dans ces métaphores, ces hyperboles, ces mouvements et ces figures qui se pressent sur ses lèvres. […] Il n’y aurait point d’images, de métaphores, de grands mouvements de style, qui me donneraient de Turenne une idée plus haute, plus complète, qui me le feraient mieux voir et plus admirer, que le très sobre portrait que Bussy-Rabutin en a tracé : c’est comme une ligne légère et ferme qui, par un léger relief, exprime toute la vie et toute la beauté du modèle.
Il y avait alors, parmi les jeunes artistes, d’immenses et respectables familles, et des milliers de mains travaillaient sans relâche à suivre les mouvements de la main d’un seul homme. […] … Louis Blanc voulait voir dans la Révolution et depuis lors dans la Société française, deux mouvements : l’un dérivant de Voltaire, l’autre dérivant de Rousseau. […] Et ainsi, attentifs à ne rien mutiler de ce qui vit autour de nous et qui peut servir à notre vie propre, nous pourrons atteindre à une compréhension plus large et plus personnelle des choses, comme à un art plus plastique, plus directement modelé sur la nature vivante ; et après tant de courses vagabondes hors des frontières, tant d’excursions dans tous les domaines défendus, y compris ceux de la chimère et de la folie, nous pourrons enfin nous rasseoir chez nous et inaugurer un mouvement qui sera vraiment un retour à la tradition française comme à la réalité humaine. » C’est sur ces mots que nous voudrions finir.
Un mouvement que la raison réprime mal, fait courir bien des personnes après les objets les plus propres à déchirer le coeur. […] Quand il fait un saut entre deux épées prêtes à le percer, si dans la chaleur du mouvement son corps s’écartoit d’un point de la ligne qu’il doit décrire, il devient un objet digne de toute notre curiosité. […] Ceux qui prennent trop de vin, ou qui se livrent à d’autres passions, en connoissent souvent les mauvaises suites bien mieux que ceux qui leur font des remontrances ; mais le mouvement naturel de notre ame est de se livrer à tout ce qui l’occupe, sans qu’elle ait la peine d’agir avec contention.
— Depuis quelque temps, et surtout depuis les deux dernières années, il se fait dans la littérature française et dans la critique un mouvement curieux qui semble annoncer qu’on entre dans une phase et dans une vogue nouvelle. […] Tout le mouvement de la librairie savante, de ce qu’on peut appeler encore de ce nom, est dans le même sens.
Le mouvement dont elle paraît encore douée, c’est le grouillement des vers qui la dévorent, les lueurs qui empêchent la nuit de s’abattre complètement sont les phosphorescences connues sous le nom de feux-follets. […] Cependant c’est en affrontant la pourriture du plan matériel avec la pourriture du plan spirituel qu’on comprendra exactement le mouvement Dada. Je dirai même qu’il est plus facile de suivre le processus de ce mouvement que celui de la crise matérielle, Son organisme est plus simple que l’organisme des forces matérielles. […] Le mouvement Dada n’est pas l’œuvre volontaire d’individus, il est le produit fatal d’un état de choses. […] La confusion c’est bien ce qui caractérise le mouvement niveleur Dada.
Ruskin comme l’initiateur du mouvement préraphaélite. […] À présent que nous avons indiqué les diverses phases du mouvement, nous chercherons les traits généraux qui ressortent des œuvres. […] Et pourtant, il faut le dire, ce n’est pas absolument à tort qu’on l’a considéré comme l’incarnation de ce grand mouvement de 1830 auquel nous devons une langue nouvelle, la réhabilitation de la passion et du mouvement, la politique sentimentale, et une éclosion lyrique peut-être unique dans l’histoire des lettres. […] Mais, à ce qu’il semble, un grand mouvement, comme fut par exemple le mouvement romantique de 1830, aurait beaucoup de peine à se former et à se propager de ville en ville, arrêté qu’il serait sans doute, en presque tous les endroits, par des courants d’idées opposées ou par des influences locales. […] Il lit la lettre très vite, en accompagnant d’un mouvement de tête le mouvement des yeux et en murmurant des mots sans suite.
Le traité de l’équilibre et du mouvement des fluides a des applications immenses. […] (Les lois du mouvement, de la chute des corps et les forces.) […] Principes sur le mouvement et l’équilibre. 1741, 2 vol. in-4°. […] D’Alembert, Traité de l’équilibre et du mouvement des fluides. […] Traité du mouvement des eaux et autres corps fluides ; Paris, 1686 et 1700.
Pour qui sait la regarder, elle est un mouvement. […] Veulent-ils représenter un mouvement ? […] Le premier mouvement est de résistance. […] Sa langue suit les mouvements de son crayon. […] Si le colosse allait faire un mouvement !
De l’amour de la gloire De toutes les passions dont le cœur humain est susceptible, il n’en est point qui ait un caractère aussi imposant que l’amour de la gloire ; on peut trouver la trace de ses mouvements dans la nature primitive de l’homme, mais ce n’est qu’au milieu de la société que ce sentiment acquiert sa véritable force. […] Il y a dans tous les caractères des défauts qui jadis étaient découverts, ou par le flambeau de l’histoire, ou par un très petit nombre de philosophes contemporains que le mouvement général n’avait point enivrés ; aujourd’hui celui qui veut se distinguer est en guerre avec l’amour-propre de tous ; on le menace du niveau à chaque pas qui l’élève, et la masse des hommes éclairés prend une sorte d’orgueil actif, destructeur des succès individuels. […] Mais non, pourrait-on dire, le jugement de la multitude est impartial, puisqu’aucune passion envieuse et personnelle ne l’inspire ; son impulsion toujours vraie, doit être juste ; mais par cela même que ces mouvements sont naturels et spontanés, ils appartiennent à l’imagination ; un ridicule détruit à ses yeux l’éclat d’une vertu ; un soupçon peut la dominer par la terreur ; des promesses exagérées l’emportent sur des services prudents, les plaintes d’un seul, l’émeuvent plus fortement que la silencieuse reconnaissance du grand nombre ; enfin, mobile, parce qu’elle est passionnée ; passionnée, parce que les hommes réunis ne se communiquent qu’à l’aide de cette électricité, et ne mettent en commun que leurs sentiments ; ce ne sont pas les lumières de chacun, mais l’impulsion générale qui produit un résultat, et cette impulsion, c’est l’individu le plus exalté qui la donne. […] Les plus grandes découvertes ont été faites dans la retraite de l’homme savant, et les plus belles actions, inspirées par les mouvements spontanés de l’âme, se rencontrent souvent dans l’histoire d’une vie inconnue ; c’est donc seulement dans son rapport avec celui qui l’éprouve, qu’il faut considérer la passion de la gloire. […] L’homme accoutumé à compter avec l’histoire, ne peut plus être intéressé par les événements d’une existence commune ; on ne retrouve en lui aucun des mouvements qui le caractérisaient, il ne sent plus la vie, il s’y résigne.
Elle est un appareil de mouvement et comporte un pouvoir d’exhaussement. — Limites de ce pouvoir : sa subordination au pouvoir d’évoluer. — II. […] Le Bovarysme apparaît donc en son essence ainsi qu’un appareil de mouvement. Dans tous les cas pathologiques qui furent tout d’abord énoncés, ce pouvoir moteur s’exerçait avec une force insuffisante ou dans une direction que contredisaient, soit les circonstances du milieu, soit le mouvement même dont était animée déjà la réalité à laquelle il tentait de s’appliquer. […] Le Bovarysmc, comme appareil de mouvement, cette définition fixe son importance à l’égard d’une réalité dont on a constaté qu’elle n’est saisissable que dans le devenir. […] C’est de cet état de fait qu’il déduit le conseil qu’il se donne à lui-même : « Sois en harmonie avec toi-même. » Cette maxime en effet, si on ne. la prend pas comme un frein trop fort de nature à paralyser le mouvement nécessaire à la vie, peut être utile à distinguer la limite où le Bovarysme cesse d’être l’expression d’un progrès normal pour dévier vers la pathologie : « Sois en harmonie avec toi-même », cela signifie avec plus de détail : Sache parmi le grand nombre de notions qui sont proposées à l’admiration de ton esprit, sache distinguer celles qui doivent demeurer pour toi de simples objets de connaissance, de celles qui peuvent être des buts pour ton activité.
Sans doute il y aura un moment de bruit, de mouvement, de tumulte, de flux, de reflux, d’ondulations ; c’est le moment où chacun ne pense qu’à soi, et cherche à se sacrifier la république entière. […] Je permettrai bien à un Persan de porter la main à son front et de s’incliner ; mais voyez le caractère de cet homme incliné ; voyez son respect, son adoration ; voyez la grandeur de sa draperie et de son mouvement. […] Celui qui aura jeté un morceau d’étoffe sur le bras tendu d’un homme, et qui faisant seulement tourner ce bras sur lui-même, aura vu des muscles qui saillaient, s’affaisser, des muscles affaissés devenir saillants, et l’étoffe dessiner ces mouvements, prendra son mannequin et le jettera dans le feu. […] Le peintre de genre de son côté regarde la peinture historique comme un genre romanesque, où il n’y a ni vraisemblance ni vérité, où tout est outré ; qui n’a rien de commun avec la nature ; où la fausseté se décèle et dans les caractères exagérés qui n’ont existé nulle part, et dans les incidents qui sont tous d’imagination ; et dans le sujet entier que l’artiste n’a jamais vu hors de sa tête creuse ; et dans les détails qu’il a pris on ne sait où, et dans ce style qu’on appelle grand et sublime, et qui n’a point de modèle en nature, et dans les actions et les mouvements des figures, si loin des actions et des mouvements réels.
Elles précisent, sur quelques points, le mouvement. […] Parfois, la tête avait un joli mouvement minime en avant dans une attentivité non tendue. […] Or, le mouvement qui a porté aux nues Stendhal est de date récente. […] Hugo donne des drames de mouvement, d’extériorité. […] C’est pourquoi nous n’avons pas, sous forme brève, de carte, pour ainsi dire, du ou des mouvements littéraires actuels.
L’Allemagne a bien son mouvement démocratique ; mais ce mouvement est subordonné au mouvement patriotique national. […] La France s’est reprise à la vie, le cadavre que les vers déjà se disputaient a retrouvé sa chaleur et son mouvement. […] Si un mouvement gallican de reforme dans le genre de celui que rêve avec tant de candeur, de sincérité, de chaleur d’âme le P. […] Le soubresaut de 1848 n’arrêta rien ; le mouvement des intérêts matériels était vers 1853 ce qu’il eût été si la révolution de février ne fût pas arrivée. […] Les femmes comptent en France pour une part énorme du mouvement social et politique ; en Prusse, elles comptent pour infiniment moins.
Hugo, souple, disloqué, expressif dans tous ses membres, et toutes ses figures, comme le plus savant des pantomimes, ni l’ample période rythmique aux harmonies savantes et compliquées dont le mouvement s’unit par des rapports subtils au mouvement de la phrase grammaticale. […] Ce petit Pradon logé au bout d’un vers dont les sonorités s’étalent largement, ce grotesque Cotin entraîné dans le mouvement enthousiaste d’un vers d’hymne, voilà ce qui hausse le simple sens de Despréaux jusqu’à la poésie. […] Il n’a pas l’ampleur épique ; il n’a pas l’élan lyrique ; il n’a pas le mouvement oratoire. […] Pour rendre la physionomie de Paris, le mouvement de ses rues et de sa foule, ce Parisien, qui ne perdit presque jamais de vue les tours de Notre-Dame, prit le ton dolent d’un provincial réveillé trop tôt, qui regrette le silence morne de sa petite ville : cela, c’était l’idée, et une idée morale, qui faisait de l’impression une démonstration. […] Cependant, même là, bien que Boileau s’ingénie à imiter le mouvement rapide d’une argumentation serrée, la verve, qui est réelle, n’est pas continue.
Rien de plus simple que les mouvements coordonnés des caractères qui s’opposent : qiu’on regarde, si l’on veut, les relations d’Attale et de Nicomède, et l’évolution du caractère d’Attale, soit en lui-même, soit dans l’opinion que Nicomède en prend, il y a aussi du mouvement dans chaque caractère, grâce au déplacement de la volonté qui suit la raison : je n’en veux pour exemple que Polyeucte et Pauline, et surtout cet admirable Auguste. […] Son génie et son langage sont éminemment intellectuels ; il ne regarde et n’enregistre que les mouvements psychologiques. […] Il reste le rythme, le rythme pur, séparé du son, dont la qualité est ordinaire ; et le rythme, c’est le mouvement : le lyrisme de Corneille, ce sont des pensées en mouvement, qui se pressent, s’élancent, enlèvent la stance ou la strophe ; et c’est la sensation expressive de ce mouvement abstrait que le rythme nous communique.
Son livre sur la contre-révolution d’Angleterre en 1827 avait été un mouvement dans ce sens : la manœuvre fut interrompue pendant le ministère Martignac, qu’il n’avait jugé que comme une fausse trêve. […] C’est cette rapidité d’exécution, cette puissance, et pour ainsi dire cette inspiration de mouvement, qui partent de l’instinct supérieur à l’art et presque divin qu’on appelle génie. […] Il y montre Napoléon, bien que vaincu, n’y paraissant jamais inférieur à lui-même : « On le vit avec cinquante mille hommes vouloir en enfermer cinq cent mille au cœur de la France, et y réussir presque en les environnant de son mouvement, en trouvant moyen d’être toujours en personne sur leur passage… » Les environnant de son mouvement, voilà de ces expressions heureuses et pittoresques comme Carrel en a quelquefois, trop rarement pourtant, eu égard à l’excellent tissu de son style. […] Il n’est pas homme à donner dans les utopies ; il ne veut pas que le mouvement des trois jours soit autre chose que l’emploi courageux du moyen commandé par la Constitution elle-même pour son propre salut : « Il est arrivé dans notre pays ce qui devait y arriver une fois, pour que la Révolution, commencée en 89, fût vraiment terminée. » La révolution de 1830, pour lui c’est une fin ; elle clôt 89 et ne laisse point à craindre de 93. […] Se promenant dans les rues de Paris pendant ces mouvements de décembre avec un ami, il lui disait : « Je voudrais être préfet de Police vingt-quatre heures pour mettre tout ce monde à la raison. » L’excitation pourtant le gagnait malgré lui.
Voyez s’il y a beaucoup de poèmes dans la littérature moderne qui commencent avec ce nombre, cette vigueur de mouvement et cette majesté ! […] Traînés au soleil de la honte, Une justice auguste et prompte Avec leur âme les confronte Éperdus, transis, effarés, Car tous les vices, tous les crimes, Les mouvements les plus intimes, Les actes les plus anonymes, Sont au grand livre enregistrés. Et le poète continue de décrire et de s’avancer dans ce mouvement rigoureux et dans cette sobriété ferme. […] Amédée Pommier, et qui lui donne la chaleur, le mouvement et la vie. […] Les siens sont des orbes superbes qui se rétrécissent ou s’élargissent dans un mouvement qui nous fait dire en souriant : « Serait-ce enfin le perpétuel ?
Les pays qui restent en arrière du mouvement démocratique, comme la Russie, sont aussi ceux où les grandes agglomérations urbaines ont toujours été exceptionnelles : dans un territoire qui couvre la moitié de l’Europe, et compte 28 pour 100 de sa population, il ne se rencontre, que 8 pour 100 de ses grandes villes. […] La chimie, pour définir la constitution d’un corps, tient compte non plus seulement du nombre des corpuscules élémentaires qu’elle y distingue, mais de la vitesse et de la fréquence des mouvements dont ces éléments sont animés. A fortiori, pour expliquer la nature et l’évolution de l’ensemble qu’ils constituent, la sociologie ne doit pas négliger les mouvements mêmes des éléments sociaux : toutes choses égales d’ailleurs, la quantité sociale augmente à proportion de leur mobilité. […] N’offrent-elles pas, comme le prouvent toutes les révolutions au xixe siècle, des terrains tout préparés aux larges mouvements populaires ? […] Ce mouvement incessant, qui nous présente des hommes à chaque moment nouveaux, brouille les distinctions sociales en même temps que les distinctions locales.
Il semble même que l’oeil ébloüi par l’ouvrage d’un grand peintre, croïe quelquefois appercevoir du mouvement dans ses figures. […] Toutes ces operations, il est vrai, sont bien-tôt faites ; mais il est un principe incontestable dans la méchanique, c’est que la multiplicité des ressorts affoiblit toûjours le mouvement, parce qu’un ressort ne communique jamais à un autre tout le mouvement qu’il a reçû.
Le mouvement des esprits, qui est l’opinion, peut soulever la société, mais il faut que la religion reste immobile comme Dieu même. […] Ainsi nous avons à la fois le principe du mouvement progressif, qui fait marcher la société dans des directions nouvelles, et le principe conservateur, qui modère et régularise le mouvement progressif.
Seul, le mouvement est compréhensible. […] Comme l’oiseau, comme le singe, l’homme a d’abord parlé pour lui-même, c’est-à-dire sans intention, mouvement de langue et de gorge analogues à tous les autres mouvements musculaires, signes de vie. […] Le véritable atome, le dernier, n’est plus un soleil, il est une planète qui tourne, soumise au mouvement circulatoire, l’un des trois mouvements de Démocrite, l’un des quatre d’Epicure. […] Le mouvement répulsif subit des états successifs de croissance, d’évanescence, puis d’attraction ; pareillement, le mouvement attractif croît, décroît, s’évanouit, puis se mue en répulsion. […] Nous percevons ces mouvements sous la forme de sensations ou de pensées.
Nous avons bien cette affirmation : « J’ai appelé naturalisme le large mouvement analytique et expérimental qui est parti du xviiie siècle et qui s’élargit si magnifiquement dans le nôtre »6. […] La rage soulevée venait confirmer ce fait, que Zola avait touché juste en attaquant le vieux principe spiritualiste et dualiste, en s’affiliant au mouvement profond d’émancipation de la pensée moderne vis-à-vis de la philosophie traditionnelle directement issue du christianisme. […] Assurément je comprends le brusque et sincère mouvement de cet homme écœuré des mensonges de la convention : mais il n’en est pas moins vrai qu’il se trompe, et je lui préfère de beaucoup celui qui portera instinctivement son intérêt à l’arbre entier, à l’écorce rude comme aux fleurs subtiles, aux racines noueuses aussi bien qu’aux feuilles légères, à la branche comme au fruit. […] Aussi a-t-il été le partisan acclamé d’un mouvement, plutôt que l’interprète direct et universel du monde. Son génie consiste moins peut-être, dans sa propre et personnelle intuition de l’univers et de la vie, que dans le fait d’avoir apporté sa collaboration énorme à ce vaste et splendide mouvement vers la réalité, qu’il définit lui-même « le large mouvement analytique et expérimental qui est parti du dix-huitième siècle et qui s’élargit si magnifiquement dans le nôtre », et dans cette poussée brutale en avant qui demeure comme le symbole de son œuvre.
Cela lui suffisait, il était resté gai comme l’insouciance, pourvu que la conscience fût en repos, et qu’il contemplât comme le philosophe Vico les grandes et les petites oscillations de ce pendule alternatif des révolutions des empires, mouvement toujours, progrès quelquefois, vicissitude éternelle qui va du bien au mieux, du mieux au mal, du mal au pire, de la vie à la mort, de la vieillesse des sociétés à la mort des peuples, et qui se confie à Dieu du sort des nations ; il était content. […] « Il faut deux choses à des hommes d’État pour diriger les grands mouvements d’opinion auxquels ils participent : l’intelligence complète de ces mouvements, et la passion dont ces mouvements sont l’expression dans un peuple. […] Ce mouvement comprimé, elle baissa la tête en signe d’acceptation et monta sur la charrette. […] Elle ferma les yeux, baissa le front, se recueillit sous la main invisible qui la bénissait, et, ne pouvant pas se servir de ses mains liées, elle fit le signe de la croix sur sa poitrine par trois mouvements de sa tête. […] « Il y a dans les mouvements d’une révolution une grandeur qui se communique aux caractères, et qui grandit quelquefois les âmes les plus vulgaires à la proportion des événements auxquels elles participent.
Dans les tragédies de Shakespeare, l’enfance et la vieillesse, le crime et la vertu, reçoivent la mort, et expriment tous les mouvements naturels à cette situation. […] Shakespeare a su peindre avec génie ce mélange de mouvements physiques et de réflexions morales qu’inspire l’approche de la mort, alors que des passions enivrantes n’enlèvent pas l’homme à lui-même. […] Il nous l’a peint cependant plus criminel encore que Macbeth ; mais il voulait montrer ce caractère sans remords, sans combats, sans mouvements involontaires, cruel comme un animal féroce, non comme un homme coupable, dont les premiers sentiments avaient été vertueux. […] L’art lui manque pour se soutenir, c’est-à-dire, pour être aussi naturel dans les scènes de transition, que dans les beaux mouvements de l’âme.
En dehors du mouvement philosophique s’est formé un courant d’études d’archéologie et d’art, qui avaient pour objet les monuments antiques, ruines d’architecture, fragments de peintures statues, vases, débris de toute sorte et de tout âge. […] De ce mouvement est sorti le changement que nous signalions dans la facture des œuvres littéraires. […] Ce sera ce goût antique qui ira se développant sous la Révolution, favorisé par les événements politiques et par le mouvement des idées : dégagé de plus en plus des éléments mondains, élégants, spirituels, auxquels il s’est allié d’abord, il créera des formes pures et froides ; il réalisera l’harmonie sans la vie, et la beauté par l’effacement du caractère ; il suscitera la correcte poésie des Fontanes, des Luce de Lancival et des Chênedollé ; il imposera même à l’imagination brûlante de Chateaubriand les idéales figures de Cymodocée et d’Atala, qui ressemblent à l’antique tout juste comme des marbres de Canova. […] Chénier a connu ce mouvement ; il y a participé ; il l’a propagé dans la poésie.
Aucune des relations de l’œuvre et de l’auteur n’était négligée : biographie, origines intellectuelles, place dans l’histoire du roman, place dans l’histoire et la comédie, influence sur le roman anglais, rapport avec la peinture de Watteau ou de Chardin, rapports avec les divers mouvements des idées morales et littéraires au XVIIIe siècle. […] Et ce qui, dans le Marivaux, disparaissait un peu par l’effort critique et sous, l’amoncellement des matériaux, se dégageait ici avec puissance : la couleur et le mouvement de la vie. […] sa place dans un genre, un groupe, un mouvement ; et alors dans ce genre, ce groupe, ce mouvement, sa nuance ou propriété spéciale.
L’homme qui étudie la nature et l’observe, cherche, dans le mouvement général, ce qui leur a donné un mouvement particulier, et ne le trouve pas. […] Cette espèce d’activité, qui porte les hommes à connaître et à s’instruire, subsistera toujours malgré les fureurs politiques, malgré l’ignorance intéressée et puissante ; c’est un mouvement imprimé par la nature et que rien ne peut arrêter. […] La postérité ne voit que les ouvrages ; la poussière que la foule des mouvements contraires a élevée, s’abaisse et tombe, et la pyramide reste.
Sans doute il y a mouvement, comme le voulait Vico ; sans doute, il y a des causes, comme le voulait Montesquieu ; sans doute, il y a un plan imposé, comme le voulait Bossuet. Mais ce qu’ils n’avaient pas aperçu, c’est la force active et vivante, qui produit ce mouvement, qui anime ces causes et qui, sans aucune coaction extérieure, par sa seule tendance au parfait, accomplit le plan providentiel. […] Ainsi l’humanité, en apparence livrée au hasard, obéit à des lois que d’autres lois peuvent faire dévier, mais qui n’en sont pas moins la raison de son mouvement. […] Là, au contraire, on prend l’organisme vivant, la variété spécifique, le mouvement, le devenir, l’histoire en un mot. […] Caprices de despotes absurdes et sanguinaires, révoltes de gouverneurs, changements de dynasties, successions de vizirs, l’humanité complètement absente, pas une voix de la nature, pas un mouvement vrai et original du peuple.
La nature a réparti aux hommes des dons singuliers, des facultés diverses, dont le mouvement se prononce avant même que la réflexion soit venue75. […] Je sais bien que Fontenelle a dit : « Les mouvements les plus naturels et les plus ordinaires sont ceux qui se font le moins sentir : cela est vrai jusque dans la morale. Le mouvement de l’amour-propre nous est si naturel, que le plus souvent nous ne le sentons pas, et que nous croyons agir par d’autres principes. » La Rochefoucauld, de même, a dit avec plus de grandeur : « L’orgueil, comme lassé de ses artifices et de ses différentes métamorphoses, après avoir joué tout seul tous les personnages de la comédie humaine, se montre avec un visage naturel, et se découvre par sa fierté ; de sorte qu’à proprement parler, la fierté est l’éclat et la déclaration de l’orgueil. » Un des hommes qui ont le mieux connu les hommes et qui ont su le mieux démêler leur fibre secrète pour les gouverner, Napoléon, a fait un jour de La Rochefoucauld un vif et effrayant commentaire. […] Tant que l’homme n’a pas, de son propre mouvement, dépouillé et disséqué sa fibre secrète à laquelle il obéit sans le savoir, ne la lui démontrez pas, ne la lui nommez pas : car il y a dans cette ignorance même une autre fibre plus délicate, si je puis dire, un nerf plus sensible, qui est précieux à ménager et qu’on ne coupe pas impunément. […] Il est possible que les mots soient tous de la langue du xviie siècle, mais les mouvements n’en sont point.
Ce n’est plus cette fois, ni un Saint-Simon qui nous fait assister à tous les ressorts cachés, à tous les dessous de cartes, dans cet immense jeu d’une Cour à laquelle il laisse du moins, au milieu d’un fouillis sans pareil, son mouvement imposant et sa grandeur ; ce n’est plus un Dangeau nous annotant jour par jour les allées et venues, les entrées et les sorties, les mille détails et incidents du cérémonial ; ce n’est plus une princesse Palatine, duchesse d’Orléans, nous écrivant de Versailles des crudités à faire frémir, sur les princesses du sang qui boivent et fument dans les corps de garde, sur les gênes, les cuissons et les tortures intestines de l’étiquette, et nous donnant le gros menu d’un dîner du Roi ; ce n’est plus même un homme de l’art racontant les détails de la grande opération faite à Sa Majesté en 1686 : ceci est un Journal de la santé, des maladies et des incommodités de Louis XIV, dressé dès son enfance et allant jusqu’en 1711, c’est-à-dire quatre ans avant sa mort. […] Une rougeole de la plus mauvaise nature, que le roi âgé de vint cinq ans contracta en soignant la reine (1663), mit encore une fois ses jours en danger, et même, en se guérissant heureusement, n’emporta point ces tournoiements de tête et ces mouvements vertigineux qui avaient précédé et qui se renouvelèrent bientôt. […] Était-ce mouvement du sang à la tête et menace de congestion, d’apoplexie ? […] D’où lui vient ce frisson fréquent, ce mouvement irrégulier du pouls ? […] Daremberg, dans un article des Débats sur le Journal de la santé de Louis XIV (6 décembre 1862), a exprimé la conviction que ce vertige auquel était sujet le grand roi n’avait de rapport ni avec l’apoplexie ni avec aucune menace d’épilepsie, mais que c’était purement et simplement un vertige stomacal, c’est-à-dire tenant aux surcharges de l’estomac, un vertige nerveux analogue à celui que produit le mouvement d’un bateau sur mer, le tournoiement de la valse, etc, ; en un mot, un malaise plus incommode que menaçant.
Véritablement, au mouvement de leurs yeux et de leurs lèvres, on voit travailler leurs cervelles. […] En les réunissant, vous trouvez que si la respiration, la nutrition ou la circulation manquent, le mouvement de destruction et de rénovation qui est la vie cesse. […] Je ne vois plus de fluide, de monade, de mystère, mais seulement deux ordres de faits : un fait principal, le mouvement de destruction et de rénovation qu’on nomme vie ; des faits subordonnés, les fonctions et la structure qui rend ces fonctions possibles ; un rapport, la nécessité qui attache ces faits subordonnés au fait principal. […] Quels mouvements ont causé et varié ces positions ? […] Voici une Passion par Albert Durer ; chaque mouvement, chaque forme y est l’effet visible d’une suite de sentiments invisibles.
Mais il va de soi qu’elles ne peuvent, à elles seules, tout expliquer ; qu’elles ont besoin d’être complétées par des causes et lois secondaires qui s’appliquent au détail du mouvement. […] L’humanité, devenue consciente de la marche qu’elle a suivie dans son mouvement d’oscillation et de progrès, saura les phases prochaines qu’elle doit traverser et elle pourra, sinon en modifier l’ordre, du moins éviter ou adoucir la brusquerie des secousses dans le passage de l’une à l’autre.
Remarquez même que l’esprit est moins choqué de la création des dryades, des naïades, des zéphyrs, des échos, que de celle des nymphes attachées à des objets muets et immobiles : c’est qu’il y a dans les arbres, dans l’eau et dans l’air un mouvement et un bruit qui rappellent l’idée de la vie, et qui peuvent par conséquent fournir une allégorie comme le mouvement de l’âme.
L’originalité de B. de Saint-Pierre Ceux qui se figurent Bernardin de Saint-Pierre595 d’après ses oeuvres, se le représentent comme un suave bonhomme, au sourire angélique, à l’œil humide, les mains toujours ouvertes pour bénir : c’était un nerveux, inquiet, chagrin, pétri de fierté et d’amour-propre, ambitieux, aventureux, toujours mécontent du présent, et toujours ravi dans l’avenir qui le dégoûtait en se réalisant, un solliciteur aigre, que le bienfait n’a jamais satisfait, mais a souvent humilié, un égoïste sentimental, qui aimait la nature, les oiseaux, les fleurs, et qui a sacrifié à ses aises, à ses goûts, les vies entières des deux honnêtes et douces femmes qu’il épousa successivement : il accepta ces dévouements béatement, sereinement, comme choses dues, sans un mouvement de reconnaissance, sans même les apercevoir. […] Il n’y a que lui aussi qui puisse trouver des arguments en faveur du mouvement du soleil autour de la terre. […] Si on ne lit ses Études de la nature que pour y chercher de pures notations d’impressions sensibles, des images de sons, de couleurs, de mouvements, on sera souvent charmé.
On sait que tout mouvement se fait en suivant la ligne de la plus grande traction, de la plus faible résistance ou de leur résultante. […] Tout mouvement est rythmique. […] Il remarque que le mouvement est général, qu’il se produit au Nord comme au Midi de l’Europe ; il suppose qu’il pourrait venir de quelque nation voisine !
Rien de plus auguste et de plus intéressant que cette étude des premiers mouvements du cœur de l’homme. […] Il regarde le firmament ; par un mouvement de désir, il veut s’élancer vers cette voûte, et il se trouve debout, la tête levée vers le ciel. […] Adam s’endort : Dieu tire du sein même de notre premier père une nouvelle créature, et la lui présente à son réveil : « La grâce est dans sa démarche, le ciel dans ses yeux, et la dignité et l’amour dans tous ses mouvements.
La lèvre supérieure s’est ressentie de ce mouvement et s’est relevée. […] Ce n’est pas dans l’école qu’on apprend la conspiration générale des mouvements, conspiration qui se sent, qui se voit, qui s’étend et serpente de la tête aux pieds. […] Cherchez les scènes publiques ; soyez observateurs dans les rues, dans les jardins, dans les marchés, dans les maisons, et vous y prendrez des idées justes du vrai mouvement dans les actions de la vie.
Qu’on me pardonne de m’être arrêté un moment sur le spectacle d’une amitié si touchante ; il est doux, même en écrivant, de pouvoir se livrer quelquefois aux mouvements de son cœur : et j’aime encore mieux un sentiment qui me console, qu’une vérité qui m’éclaire. […] Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent. […] Cette recherche importune des agréments arrête les mouvements libres et fiers de l’imagination, et l’oblige sans cesse à ralentir sa marche.