Il semble considérer Saint-Simon à la Cour comme un observateur « dont l’horizon est borné », qui s’attache aux détails et ne voit au-delà qu’avec confusion ; qui fait preuve, en résumé, « d’attention curieuse, de finesse, de sagacité, de pénétration profonde », mais toujours « dans le cercle borné et restreint qu’il s’est tracé » ; — notez que ce cercle est tout simplement la nature humaine ; — et lorsqu’il a bien pris contre lui toutes ses précautions et ses conclusions, qu’il l’a montré sans étendue, sans élévation d’esprit, sans sûreté jusque dans sa profondeur et sa sagacité, qu’il l’a convaincu d’être (comme tout homme, hélas ! […] Saint-Simon est tellement peintre jusqu’au bout des ongles qu’une fois il s’est montré tout émerveillé d’un mot échappé à Louis XIV près de sa fin, et qui lui fut redit par Maréchal, le chirurgien du roi. […] J’ai moi-même ici, tout récemment84, discuté trop à fond ce chapitre pour y revenir ; je me suis efforcé de montrer en quel sens et dans quelle juste mesure il convient de réduire Saint-Simon. […] Saint-Hilaire la lui montrait du geste, lorsqu’un boulet lui emporta le bras gauche, enleva le haut du col au cheval d’un de ses fils (il en avait deux près de lui en ce moment), et du même coup alla frapper M. de Turenne au côté gauche.
C’est pour Diderot, presque seul entre les gens de lettres de son temps, que MM. de Goncourt sont justes et qu’ils se montrent pénétrés d’un enthousiasme auquel je m’unis de grand cœur et j’applaudis : « Diderot, Beaumarchais, Bernardin de Saint-Pierre, c’est le grand legs du xviiie siècle au xixe . » — « Voltaire est immortel : Diderot n’est que célèbre. […] A un endroit ils nous montrent une entrée de bal, un défilé de femmes au moment où elles arrivent dans le salon : il y en a six, six profils de suite décrits par eux avec un art, un soin, une ciselure, une miniature des plus achevées ; mais les peintres écrivains ont beau faire, ils ont beau dire, ils ont beau multiplier et différencier les comparaisons de médaillons et de camées, je ne me fais pas une idée distincte de ces six têtes, je les confonds malgré moi : six, c’est trop pour mon imagination un peu faible ; la prose n’y suffit pas : j’aurais besoin d’avoir les objets mêmes sous les yeux, ici la confusion des moyens d’expression entre un art et l’autre est sensible. […] Et cette idée me rend triste. » Si j’avais à tracer une histoire de l’élégie et de l’amour, je ne voudrais pas d’exemple plus piquant pour montrer où en vient l’imagination qui caresse en tout son rêve d’art ; que le cadre domine, et que la manière enchante. […] Mais je préfère à toute autre page du recueil le morceau final où MM. de Goncourt se montrent bien tels qu’ils sont dans l’habitude, plus amis de l’intimité que du grand monde, et plus amis surtout de la société que de la nature.
Il le faisait en écrivant ; il le montrait aussi dans sa personne ; il avait des saillies, des fougues et comme des poussées d’agrément qui passaient la limite126. […] J’espère d’ailleurs que le temps pourra quelquefois me justifier ; il apportera sur notre homme de grosses découvertes, mais on se souviendra des petites : la transcription, enfin raisonnable, de la lettre de La Bruyère à Santeul ; l’anecdote de la lettre de celui-ci remerciant La Bruyère de son portrait ; le certificat de licences prises par La Bruyère à Orléans ; l’anecdote de La Bruyère et du prédicateur ; celle de M. le Prince ne se frottant pas, pour s’en amuser, à son caustique gentilhomme ; la mention du mariage du frère aîné avec la fille de M. de Novion, par laquelle se trouve expliqué tout le côté parlementaire du livre ; l’histoire très-complétée de la petite Michallet, de son mariage, et du livre qui fut sa dot ; l’histoire non moins complétée des candidatures de La Bruyère et de sa réception à l’Académie ; le récit de sa mort soupçonnée de poison, etc., bien d’autres choses qu’on ne voit pas encore, parce que je n’ai rien fait pour les montrer ; pauvres aiguilles, comme vous dites, que j’ai perdues négligemment dans une botte de foin… » De mon côté, je ne restai pas sans réponse. […] Il y a même contradiction dans votre livre sur ce point, car je crois me souvenir qu’à un endroit vous nous le montrez comme déjà menacé de paralysie à un bras. […] Voici le portrait que trace de M. de Valincour Saint-Simon qui, d’ordinaire, ne flatte guère son monde : « C’était un homme d’infiniment d’esprit, et qui savait extraordinairement ; d’ailleurs, un répertoire d’anecdotes de Cour où il avait passé sa vie dans l’intrinsèque, et parmi la compagnie la plus illustre et la plus choisie ; solidement vertueux et modeste, toujours dans sa place, et jamais gâté par les confiances les plus importantes et les plus flatteuses : d’ailleurs très-difficile à se montrer, hors avec ses amis particuliers, et peu à peu, très-longtemps, devenu grand homme de bien.
Un de ses oncles était lié avec Andrieux et lui montra ces premiers vers de Casimir : « Qu’il laisse les vers, répondit Andrieux, c’est un vilain métier : qu’il fasse son droit et devienne un bon avocat ! […] Toutes les âmes jeunes, vives, nationales, naturellement françaises, y trouvèrent l’expression éloquente et harmonieuse de leurs douleurs, de leurs regrets, de leurs vœux ; tout y est honnête, avouable, et respire la fleur des bons sentiments : Casimir Delavigne s’y montra tout d’abord l’organe de ces opinions mixtes, sensées, aisément communicables, et si bien baptisées par un grand écrivain, le mieux fait pour les comprendre et les décorer, par M. de Chateaubriand, de ce nom de libérales qui leur est resté. […] Car ç’a été le caractère manifeste du public en ses derniers retours, après tant d’épreuves éclatantes et contradictoires, de se montrer ouvert, accueillant, de puiser l’émotion où il la trouve, de reconnaître la beauté si elle se rencontre, et de subordonner en tout les questions des genres à celle du talent. […] Cette conciliation qu’il tentait sur un terrain glissant, et qui réussissait chaque fois, était chaque fois à recommencer : il se montrait infatigable.
Tout peut se comparer à tout : mais il faut bien saisir et bien montrer le rapport. […] Montrer des canons accroupis à la porte des Invalides peut paraître bizarre : la figure cependant est d’une justesse saisissante dans le vers de V. […] Quand l’enfant de cet homme Eut reçu pour hochet la couronne de Rome ; Lorsqu’on l’eut revêtu d’un nom qui retentit ; Lorsqu’on eut bien montré son front royal qui tremble Au peuple émerveillé qu’on puisse tout ensemble Être si grand et si petit ; Quand son père eut pour lui gagné bien des batailles, Lorsqu’il eut épaissi de vivantes murailles Autour du nouveau-né riant sur son chevet ; Quand ce grand ouvrier, qui savait comme on fonde, Eut, à coups de cognée, à peu près fait le monde Selon le songe qu’il rêvait ; Quand tout fut préparé par les mains paternelles Pour doter l’humble enfant des splendeurs éternelles ; Lorsqu’on eut de sa vie assuré les relais ; Quand, pour loger un jour ce maître héréditaire, On eût enraciné bien avant dans la terre Les pieds de marbre des palais ; Lorsqu’on eut pour sa soif posé devant la France Un vase tout rempli du vin de l’espérance ; Avant qu’il eût goûté de ce poison doré, Avant que de sa lèvre il eût touché la coupe, Un cosaque survint qui prit l’enfant en croupe, Et l’emporta tout effaré. […] J’entre dans la vie pour en sortir bientôt ; je viens me montrer comme les autres ; après, il faudra disparaître.
Je n’ai pu que la montrer en passant dans le récit de Mme de Graffigny, et par les côtés les moins avantageux. […] Elle préfère le bon air de cette occupation à tout amusement, et persiste à ne se montrer qu’à la nuit close. […] Pourquoi, d’ailleurs, faire dépendre sa tranquillité d’un autre, et cela sans nécessité, par la sotte vanité (car je ne puis falsifier le mot propre) de montrer, à quelqu’un qui n’en est pas juge, un ouvrage où il ne verra que de l’imprudence ? […] Presque dès le début de sa liaison avec Mme du Châtelet, il put lui dire et lui redire ces vers charmants : Si vous voulez que j’aime encore Rendez-moi l’âge des amours… Elle acceptait toutefois cette situation inégale, et jusqu’à un certain point pénible ; durant des années elle s’y montra constante et fidèle.
Nous n’aurons pas ce dédain aujourd’hui ; nous tâcherons, sans mentir en rien et sans rien surfaire, d’apprécier à sa valeur ce talent qui ne fut ni très élevé, ni très énergique, ni très étendu, mais qui fut modeste, naturel, sincère, et qui se montra gai, vif, fertile, agréable et fin, lorsqu’il osa être tout entier lui-même, et qu’il ne sortit pas de ses justes emplois. […] Voltaire se montra si aimable pour lui, qu’il fut bientôt, de toutes les personnes de la maison, celle avec qui Florianet se plaisait le plus : Souvent il me faisait placer auprès de lui à table ; et, tandis que beaucoup de personnages qui se croyaient importants, et qui venaient souper chez Lope de Vega pour soutenir cette importance, le regardaient et l’écoutaient, Lope (c’est le nom qu’il donne partout à Voltaire dans le léger déguisement de ses Mémoires) se plaisait à causer avec un enfant. […] Le père Adam les montrait comme un chef-d’œuvre à Voltaire, qui disait, en souriant, que ce n’était pas mal pour un enfant de cet âge. […] En composant Estelle et Galatée, il était sincère encore et il obéissait sans doute à une inclination de sa nature languedocienne ; mais il en supprimait toute une moitié non moins essentielle, et il ne se montrait qu’à demi.
Dans un admirable portrait de Wallenstein, ce glorieux généralissime de l’Empire assassiné par ordre de son maître, Richelieu, qui se reporte à sa propre situation de ministre calomnié et sans cesse menacé de ruine, trouve de magnifiques paroles pour caractériser l’infidélité et l’ingratitude des hommes ; et, après avoir raconté la vie de ce grand guerrier, après nous l’avoir montré avec vérité dans sa personne et dans son habitude ordinaire, il ajoute en une langue que Bossuet ne surpassera point : Tel le blâma après sa mort, qui l’eût loué s’il eût vécu : on accuse facilement ceux qui ne sont pas en état de se défendre. […] Il tenait à montrer à l’Europe, dès le premier jour, ce qu’il exprime si noblement dans les instructions données à Schomberg : « Jamais vaisseau ne résistera à si grande tempête avec moins de débris qu’on en remarque au nôtre. » Richelieu, tombé de ce premier ministère, accompagne la reine Marie de Médicis dans son exil à Blois (mai 1617) ; bientôt, sa présence en cette petite cour porte ombrage à ses ennemis : la calomnie l’implique dans des intrigues, d’où son bon sens suffisait à le tenir écarté. […] Il s’attache à montrer Luynes comme peu fait pour cette élévation à laquelle la faveur l’avait porté, et qui ne lui donnait qu’éblouissement et insolence : Ces sortes d’esprits, dit-il, « sont capables de toutes fautes, surtout quand ils sont venus, comme celui-ci, à la faveur sans avoir passé par tes charges, qu’ils se sont plus tôt vus au-dessus que dans les affaires, et ont été maîtres des Conseils avant que d’y être entrés ». […] Si un homme est sujet à ses vengeances, le mettre en autorité est mettre l’épée à la main d’un furieux. » De telles paroles montrent à quel point l’esprit de Richelieu était loin de donner dans les extrémités violentes.
Le temps et le hazard nous ont fait faire depuis quelques siecles une infinité de découvertes où je vais montrer que le raisonnement a eu très-peu de part, et ces découvertes ont mis en évidence la fausseté de plusieurs dogmes philosophiques que nos prédecesseurs substituoient à la verité, que les hommes n’étoient point capables de connoître avant ces découvertes. […] On peut montrer que ces inventions et ces découvertes originales, pour ainsi dire, ne sont dûës qu’au hazard, et que nous n’en avons profité qu’en qualité de derniers venus. […] Monsieur De Lisle qui a trouvé plus de fautes dans les géographes modernes que ceux-ci n’en reprochoient aux anciens, a montré que c’étoit les modernes qui se trompoient, quand ils reprenoient les anciens sur la distance que les anciens avoient établie entre la Sicile et l’Afrique, comme sur quelques autres points de géographie. […] En verité le sens, la pénetration et l’étenduë d’esprit que les anciens montrent dans leurs loix, dans leurs histoires, et même dans les questions de philosophie, où par une foiblesse si naturelle à l’homme qu’on y tombe encore tous les jours, ils n’ont pas donné leurs rêveries pour les veritez dont ils ne pouvoient point avoir connoissance de leur temps, parce que le hazard qui nous les a revelées n’étoit pas encore arrivé, tout cela, dis-je, nous oblige à penser que leur raison étoit capable de faire l’usage que nous avons fait des grandes veritez que l’expérience a manifestées depuis deux siecles.
Pour les uns, Renan était un monstre, — de profil fuyant jusqu’alors et qui avait eu peut-être raison de fuir, — mais qui enfin allait se tourner et montrer héroïquement de face toute sa monstruosité, comme Mirabeau montrait sa hure ! […] Et l’éternel cri revient : Montrez-nous les textes ! montrez-nous les textes des Évangiles que vous invoquez, et ne nous jouez plus cette comédie trop facile qui consiste à citer les numéros des versets de l’Évangile où vous savez bien que le lecteur pressé n’ira pas voir !
On sait d’ailleurs, que M. de Pourceaugnac, la comtesse d’Escarbagnas, native d’Angoulême, George Dandin, signalé comme un « riche paysan, mari d’Angélique », et d’autres personnages de Molière, montrent bien quelle était l’opinion du comédien et mieux encore celle de son temps sur les provinciaux. […] Je pourrais prendre l’un après l’autre les différents rôles classiques du provincial : le petit marchand des villes, le gros marchand enrichi, le châtelain ignorant et vaniteux, le châtelain pauvre, le châtelain grand seigneur, les femmes surtout qui se ressemblent presque toutes dans les romans dits provinciaux, mal habillées, sentimentales, courtes d’intelligence, de dévotion étroite, intimidées et hypnotisées à la seule vue d’une Parisienne ; je pourrais prendre ces personnages et montrer que, sauf de bien légères nuances, ils n’ont pas changé en passant de livre en livre, qu’ils sont au fond les mêmes et comme immuables dans la littérature depuis trois siècles. […] Lorsqu’un jeune écrivain, né en quelque coin de province, arrive à Paris, son premier soin est de décrier son petit pays, pour bien montrer qu’il n’en est plus ; il renie ces humbles braves gens parmi lesquels il a vécu ; il se moque d’eux qui l’ont servi ou supporté ; il croit, par cette ingratitude, augmenter ses chances de naturalisation. […] Les jolies affiches coloriées qu’on colle sur les murs de nos rues pour nous engager à choisir telle station d’hiver ou d’été, bains de mer, eaux thermales, montagnes, forêts, les affiches enfin de la grande pharmacie pour neurasthéniques ne nous montrent-elles pas, dans un coin, l’indigène qui travaille ou s’amuse, toujours en costume national, la bergère des Alpes qui file, le guide des Pyrénées qui part pour l’ascension matinale, faisant claquer son fouet enrubanné, le bouvier d’Auvergne, la jolie Niçoise, avec un chapeau chinois, l’écailleuse des Sables-d’Olonne en jupe courte, et combien de Bretons et de Bretonnes de tous les villages de Bretagne ?
Depuis trois ans qu’il nous a donné la première partie de son Spectacle dans un Fauteuil, de nombreux et vifs témoignages nous l’ont montré toujours en progrès, toujours en action sur lui-même. […] On ne peut méconnaître, dès le premier chapitre, que l’auteur n’ait voulu faire sortir de sa confession une moralité utile et sévère : il a voulu, ce semble, montrer la plaie hideuse, profonde, longtemps incurable, que laissent au fond du cœur, et sous l’apparence de guérison, la débauche et la connaissance affreuse qu’elle donne de toute chose, et les instincts insatiables et dépravés qu’elle inocule. […] Il nous a montré, à partir de là, son héros défaisant à plaisir cet amour par des jalousies, des soupçons, de bizarres inquiétudes, des procédés violents ; il a dit : Voilà ce que c’est que d’avoir été débauché ; celui qui a été débauché gâte, souille par ses souvenirs, même l’amour pur.
Ces bourgeois, sur le pas de leur porte, clignent de l’oeil derrière vous ; ces apprentis derrière l’établi se montrent du doigt votre ridicule et vont gloser. […] La première bibliothèque va vous montrer s’il est en effet primitif et naturel. […] Ils ne sont point frappés par la magnificence de la nature ; ils n’en voient guère que les jolis aspects ; ils peignent la beauté d’une femme d’un seul trait, qui n’est qu’aimable, en disant « qu’elle est plus gracieuse que la rose en mai. » Ils ne ressentent pas ce trouble terrible, ce ravissement, ce soudain accablement du coeur que montrent les poésies voisines ; ils disent discrètement « qu’elle se mit à sourire, ce qui moult lui avenoit. » Ils ajoutent, quand ils sont en humeur descriptive, qu’elle eut « douce haleine nette et savourée », et le corps aussi blanc « comme est la neige sur la branche quand il a fraîchement neigé. » Ils s’en tiennent là ; la beauté leur plaît, mais elle ne les transporte pas ; ils goûtent les émotions agréables, ils ne sont pas propres aux sensations violentes.
J’ai déjà montré plus haut que les nouvelles théories faisaient bon marché de ce principe. […] Les calculs d’Abraham et les expériences de Kauffman ont alors montré que la masse mécanique proprement dite est nulle et que la masse des électrons, ou au moins des électrons négatifs, est d’origine exclusivement électro-dynamique. […] Ramsay a cherché à montrer que le radium se transforme, qu’il renferme une provision d’énergie énorme, mais non inépuisable.
J’y amenai Francis Vielé-Griffin que j’étais allé chercher à son élégant atelier de la rue Notre-Dame-des-Champs et qui, peu habitué au spectacle d’une pareille indigence, s’en montra douloureusement ému. « Il faudrait sortir Verlaine de là », me confiait-il, en partant. […] Le grand romancier s’était montré mauvais prophète. […] Ceux-là, à qui la vie fut dure, se montraient pleins d’indulgence pour vos faiblesses et y compatissaient.
Le premier qui ait osé se montrer, a pour titre, les Oreilles des Bandits de Corinthe, digne régal pour les oreilles de tous les Bandits du monde. […] Passer sous silence un si grand nombre d’Ecrivains, c’eût été déceler l’ignorance d’un Littérateur peu instruit : oublier le mérite des Membres de la Société supprimée, parce qu’elle est dans l’infortune, c’eût été montrer la lâcheté d’un Philosophe, & nous ne connûmes jamais les odieux ménagemens. […] Nous avions à parler à des sourds, il falloit nous faire entendre, & nous avons crié fort : nous avions à fixer des Esprits frivoles & inappliqués ; il falloit les servir selon leur goût, & nous avons plaisanté : nous avions des charlatans à dénoncer ; il falloit de la dextérité, de la vigueur, & nous avons tâché d’en montrer.
Si le roman s’emploie à nous montrer ce que nous sommes, la critique s’emploie à nous montrer ce que nous avons été. […] Empiriste, l’abstrait roman de Paul Bourget, qui entassa, qui compila les petits faits de la vie intérieure, et fut artiste d’autant moins qu’il se montrait meilleur critique.
Propos, agréables commerces, amènent mal les dix vers suivans, qui sont très-jolis et montrent à merveille ce que doit être une bonne conversation. […] N’est-ce pas leur montrer le tout comme un effet des mêmes lois, et un produit de la nécessité ? […] Est-ce faire connaître un palais, de n’en montrer que les portions consacrées aux usages les plus rebutans ?
Un livre donc qui nous ferait connaître la Russie, qui nous la montrerait tout entière, non dans les clartés d’éclairs du renseignement, mais dans la calme, profonde et fixe lumière de l’Histoire, un livre pareil, à toute époque, serait digne d’occuper la curiosité de la Critique ; mais, aujourd’hui, il mériterait de la passionner. […] Et, puisque nous parlons tant d’histoire, il se montra surtout historien par ce côté encore qu’aucune considération ne put voiler ou diminuer, dans son livre, ce qu’il crut être la vérité. […] Quant à Pierre Ier les Mémoires du sieur de Villebois ne montreront pas une fibre ou un muscle inconnus dans cette figure allumée de chef de hordes qui a voyagé et de badaud qui rapporte chez lui les coutumes étrangères.
II Vers la fin de 1854, au milieu des préoccupations inquiètes de l’Europe, à peine rassise des coups terribles que lui avaient portés les révolutions, on apprit qu’un Français venait d’être fusillé, comme un pirate, par le gouvernement mexicain, et que ce Français, ce jeune homme, qu’on appelait au Mexique le vainqueur d’Hermosillo, du nom de sa première bataille, gagnée avec deux cent cinquante hommes contre une armée et contre une ville, avait été jusqu’au dernier moment l’honneur de la France et avait donné d’elle la grande idée qu’elle n’a pas cessé de donner au monde quand, se détournant de ses misères intérieures, elle s’est retournée vers les autres nations et leur a montré un bout d’épée. […] Au lieu de se suicider, il passa en Algérie, où il montra une intelligence profonde de la colonisation et où il se fût créé une haute position et une vaste fortune si la révolution de 1848 n’avait renversé tous ses plans. […] Il nous l’a montré fuyant le château maternel à la moindre contradiction, quittant la maison des Jésuites, qu’il aimait pourtant, parce qu’on avait voulu le faire mettre à genoux un jour de punition.
Mais pour les hommes chez qui la conscience religieuse n’est pas très développée, pour les hommes que le catholicisme trouve hostiles ou seulement indifférents, il aurait été bon de sortir de ces termes devenus trop amples et trop flottants de conscience religieuse et de catholicisme, et, puisqu’on différait de principes, de pensée ou de sensation, de montrer à l’intelligence politique des faiseurs d’histoires, ce que c’était, conscience à part et vérité divine à part, que le catholicisme en France, quand la Ligue se leva pour le défendre. […] Le peuple, menacé au xvie siècle dans tout ce qui était sa vie, sentait absolument cette identité que les historiens devraient montrer davantage pour expliquer une action qui ne fut point une révolte dans le sens que les révolutions modernes ont donné à ce terrible mot, et pour l’expliquer aux penseurs politiques de nos jours qui ont rayé, il est vrai, les questions de foi de leurs programmes, c’est-à-dire toute l’économie de la vie morale, mais qui, en présence des intérêts matériels, comprendront peut-être que la Ligue, c’est-à-dire la société même, courût aux armes pour se sauver ! […] Chalambert n’a pas su montrer.
Les Vignes du Seigneur 10 sont un recueil de poésies, et c’est pour ce livre, le dernier venu dans l’ordre des publications de Charles Monselet, que nous nous montrerons surtout sévère. […] Si, en publiant Les Vignes du Seigneur, il a voulu montrer que lui aussi savait jouer avec le rhythme, qu’il en avait étudié les charnières et les jointures, et que la langue de la mesure lui était familière pour revêtir toute idée, si infime qu’elle pût être, il a certainement atteint son but : mais ce but vulgaire était-il digne d’un esprit comme le sien ? […] Pourquoi faut-il qu’il y soit chargé, accablé de choses qui, eu elles-mêmes, ont, si l’on veut, leur petit intérêt de curiosité et de bric-à-brac, mais qui offusquent le talent que Monselet pourrait montrer sans elles ?
Il s’y montrait naturel et aristocratique, sans aucune des affectations ou des prétentions littéraires familières aux gens de lettres dans le monde, qui, quand ils sont célèbres, y font un peu trop queue de paon avec leur célébrité. […] Il n’avait pas alors besoin du Figaro pour se montrer tout ce qu’il était. […] On a souvent reproché à Balzac de peindre un monde qui n’est pas le vrai et sur lequel le vrai a pris modèle, par ainsi de ne pas réfléchir les mœurs et la nature humaine réelles, mais de créer, par un coup de baguette de sa magie, une nature humaine et des mœurs qui n’ont existé que depuis qu’il les a montrées.
Flaubert en avait eu le don, ne l’aurait-il pas montré dans ce premier ouvrage, fruit d’une jeunesse mûrie, et serions-nous réduits à le regretter ? […] Faubert a montré que, s’il n’est pas un maître encore, il peut le devenir. […] Flaubert a montré le plus son genre de talent, sagace et cru jusque dans les nuances, qu’il saisit fortement et finement, comme un chirurgien pince les veines.
C’était le destin qui me montrait ma route ; car j’étais trop jeune pour me rendre compte de mes actions. […] Aussitôt que le peuple sera en état de dire son opinion vraie, il se montrera véritable conservateur. […] Un de ces tableaux montrait la meule en pleine gloire. […] Les faits se montrent rarement dans leur franchise brutale au niveau de la société où nous nous trouvons. […] La chute de l’empire romain nous a montré ce qui pourrait arriver de nouveau.
Les lettres de Paolina nous montrent à chaque page un cœur qui cherche à se donner et souffre du besoin d’aimer. […] Celle de Pétrarque, au contraire, se montra dès les débuts du poète. […] L’opinion qu’il avait de moi sembla croître à cette réponse, et il continua à me parler d’autres artistes célèbres, sans se laisser décourager par le désir que je montrais de continuer ma lecture. […] Une visite toute superficielle aux expositions de Londres, et presque aussi bien à la Royal Academy qu’à la Grosvenor Gallery, suffit à montrer quelle a été l’action des préraphaélites sur l’art de leur pays. […] Les faits les plus simples se décomposent pour lui : il consigne soigneusement les moindres gestes de ses personnages, et ces gestes même, il cherche à les démonter, à en montrer le mécanisme.
Si le roman s’emploie à nous montrer ce que nous sommes, la critique s’emploie à nous montrer ce que nous avons été. […] Dans les Histoires, Candaule montrait la reine à Gygès — imprudence ! […] J’aurais peu de peine à montrer que Laine représente l’esprit d’aventure et de fantaisie. […] Ni libre — je viens de le montrer — ni vers même, au sens académique du mot. […] Quand ils arrivent à la rime, à l’assonance qui est la rime atténuée, ils se montrent moins complaisants.
Cependant quelques esprits dont c’est la forme favorite et la propension intérieure n’ont pas cessé d’écrire des réflexions morales, des pensées : nous autres critiques, à qui l’on s’ouvre volontiers de ses désirs ou de son faible, et qu’on traite confidentiellement comme des directeurs ou des médecins, nous recevons beaucoup de livres dont le public n’est pas informé, et qui nous montrent que la série des principaux genres a sa raison dans le jeu naturel et dans le cadre permanent des facultés. […] En recueillant ses remarques sur le cœur, sur les femmes, et sur les sujets qui touchent aux passions, il s’est surtout inquiété d’être dans le vrai et de ne point dépasser dans son expression la mesure de ses propres jugements : « Je me suis rarement inquiété, dit-il, de savoir si d’autres m’avaient devancé, ni jusqu’où ils avaient pénétré : ma crainte était plutôt de m’égarer que de montrer comme nouvelle une voie déjà parcourue.
Laurent, les meneurs de toutes les factions se sont montrés bien modestes, en se réunissant pour proclamer unanimement la nullité de celui qui, sans autre ressource que l’austérité de ses mœurs et de ses principes, parvint à les dompter tous, et ne succomba ensuite que pour avoir tenté de régulariser l’action révolutionnaire, dans un temps où elle ne pouvait céder encore à la prudence des hommes. » Nous avouerons que cette médiocrité absolue de Robespierre nous avait toujours un peu chagriné, et que nous ne pensions point sans quelque embarras que l’homme monstrueux qui a mis son sceau sur la plus épouvantable période de l’histoire du monde, et l’a, pour ainsi dire, frappée à son effigie, n’eût eu d’autre mérite que celui d’un phraseur vulgaire et d’un passable académicien de province. […] Thiers et Mignet ne nous ont pu montrer que par leurs côtés saillants, achèveront de s’y dessiner en détail.
En Angleterre, c’est presque exclusivement sous la forme religieuse qu’elle s’est montrée, et, en France, c’est sous la forme politique pure. […] Thiers et Mignet, dans leurs admirables Histoires, ont fort bien montré, et avec une intrépide fermeté de coup d’œil, dans la Montagne malgré ses horreurs, dans le Directoire malgré ses faiblesses, dans Napoléon malgré sa tyrannie, les continuateurs plus ou moins glorieux, les héritiers suffisamment légitimes de la Révolution de 89.
Tristan Klingsor Ce dernier recueil (Les Petits Poèmes d’automne) nous montrait M. […] C’est du reste ce que montrent aussi quelques fragments de son œuvre future des Quatre Saisons.
Dans Science et Hypothèse, j’ai déjà montré combien leur valeur est relative ; ce n’est pas la nature qui nous les impose, c’est nous qui les imposons à la nature parce que nous les trouvons commodes, mais je n’ai guère parlé que de l’espace, et surtout de l’espace quantitatif, pour ainsi dire, c’est-à-dire des relations mathématiques dont l’ensemble constitue la géométrie. Il était nécessaire de montrer qu’il en est du temps comme de l’espace et qu’il en est encore de même de « l’espace qualitatif » ; il fallait en particulier rechercher pourquoi nous attribuons trois dimensions à l’espace.
L’un de ses principaux mérites, à nos yeux, c’est d’avoir essayé de montrer que certains termes abstraits ne paraissent inexplicables que parce qu’ils sont trop éloignés des concrets d’où ils sont tirés. […] Bain et Spencer nous montreront plus tard très clairement : c’est que le fait de conscience primitif consiste d’abord dans l’aperception d’une différence, ensuite dans l’aperception d’une ressemblance.
Nous avons montré comment le sociologue devait écarter les notions anticipées qu’il avait des faits pour se mettre en face des faits eux-mêmes ; comment il devait les atteindre par leurs caractères les plus objectifs ; comment il devait leur demander à eux-mêmes le moyen de les classer en sains et en morbides ; comment, enfin, il devait s’inspirer du même principe dans les explications qu’il tentait comme dans la manière dont il prouvait ces explications. […] Nous avons fait voir qu’un fait social ne peut être expliqué que par un autre fait social, et, en même temps, nous avons montré comment cette sorte d’explication est possible en signalant dans le milieu social interne le moteur principal de l’évolution collective.
l’admiration que nous avons montrée depuis 1830, même littérairement, au xvie siècle n’est peut-être que la piété filiale des évolutions. […] Selon nous, il est impossible aujourd’hui, sous peine de rétrécissement d’intelligence, à un écrivain qui sent son sujet, de se montrer exclusivement littéraire quand il s’agit de la littérature du xvie siècle.
On racontait encore que, dans la vallée entre le Cithéron et l’Hélicon, le dieu Pan s’était montré chantant lui-même un hymne de Pindare ; et on trouvait une réponse du poëte à cet insigne honneur, dans un hymne dont il ne reste que ce vers : « Ô Pan, protecteur de l’Arcadie et gardien des asiles sacrés. » De là même, d’anciens vers rappelant plusieurs souvenirs merveilleux de la jeunesse du poëte : « Autant le clairon retentit plus haut que des flûtes d’ossements légers, autant, Pindare, ta lèvre domine par l’accent toutes les autres. […] Ce qui nous reste des poésies de Pindare le montrera, plus que nous ne l’avons dit encore, généreux et sensé dans les conseils qu’il donnait à quelques chefs des cités de Sicile et de la colonie grecque de Cyrène.
On sait que Marat lui-même écrivit un roman pastoral dans le genre de Jean-Jacques, au cours duquel il se montrait d’une si étonnante candeur d’âme. […] Les revues de nos aînés, dont nous attaquions l’esthétique, se montrèrent muettes sur notre compte. […] Paul Fort, qui a dû être bien touché par ma boutade, pour montrer une si grande colère. […] À cause de cela surtout, ils se distinguent de leurs aînés immédiats, les Symbolistes qui se montrèrent des cérébraux, experts aux jeux intellectuels, passionnés pour l’idéologie. […] Ne pensez-vous pas qu’il vaudrait mieux montrer plus de tolérance et cultiver son jardin au lieu de jeter des pierres dans celui des autres ?
Une demi-douzaine de créateurs géniaux se sont montrés égaux à eux-mêmes durant toute leur carrière. […] Sacha Guitry, bien peu se sont montrés par la suite, aussi effectivement que lui, dignes d’être remarqués pour eux-mêmes. […] Ainsi, la contradiction que nous avions montrée entre le cynisme et la bonhomie de M. […] Que nous montrent-ils volontiers comme drames sentimentaux ? […] Montfort critique est celle-là même que nous avons précédemment montrée.