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911. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Aujourd’hui les choses ont changé de point de vue : les deux acteurs du drame académique ont disparu de la scène du monde. […] Les Destinées, ces antiques déesses qui tenaient les races et les peuples sous leur ongle de fer, régnaient visiblement sur le monde ; mais la terre a tressailli, elle a engendré son sauveur, le Christ est né ! […] — Et c’est alors qu’il offre à la belle et pâle voyageuse, comme aux premiers jours du monde, la hutte roulante du berger. […] J’avais bien prévu qu’il vous sentirait comme moi, c’est la personne du monde la plus sensible à la grâce et à l’esprit. […] Ainsi conservez au monde un homme aimable et un talent divin. » — On n’est pas fâché/le savoir comment se traitaient toutes ces muses entre elles.

912. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Dorante a lu Kant ; d’homme du monde aimable et galant qu’il était autrefois, il est devenu un peu scolastique. […] Il ne le pourrait pas, lors même qu’il commencerait par reconstruire le monde sur un plan entièrement neuf. […] la personnalité du poète s’y révèle ; l’enthousiasme l’élève au-dessus du monde réel ; son style est métaphorique. […] s’écrient tous les critiques ; la perfection n’est pas de ce monde ! […] Pas le moins du monde.

913. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

C’est le nom culminant de toute littérature antique ; il résume en lui deux mondes, le monde grec et le monde romain. […] Le monde moderne en sera plus fort et plus beau, et plus conforme au plan de Dieu, qui n’a pas fait de l’homme un fragment, mais un ensemble. […] L’âme d’un seul homme est le foyer du monde, et sa parole est l’écho de l’univers. […] Les Romains avaient envoyé des tyrans au monde, et le monde vaincu leur renvoyait des tyrans domestiques. […] Pharsale fut le champ de bataille et le tombeau de la liberté du monde.

914. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Si le monde était fait comme cela, il faudrait maudire Dieu et puis se suicider. […] Car, depuis le commencement du monde, où a-t-on vu un seul exemple de ce miracle : l’incrédulité menteuse et hypocrite faisant des croyants. […] La stupidité n’a pas le droit de gouverner le monde. […] Il est incontestable que cette solution serait si compliquée qu’il y aurait au plus vingt personnes au monde capables de la comprendre. […] Le christianisme n’a pas eu besoin de la liberté de la presse ni de la liberté de réunion pour conquérir le monde.

915. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

L’Empire serait incomplet tant qu’il ne posséderait pas ce jardin du monde. […] Il semble même que des survivants d’une époque antéhistorique aient figuré à l’arrière-ban de ce monde en armes. […] Des travaux gigantesques frayaient les voies de ce monde en marche. […] La force du Grand Roi était surhumaine : espéraient-ils désarmer son bras allongé sur le monde entier ? […] Cet Empire, si longtemps l’épouvante du monde, décroît à vue d’œil.

916. (1903) La renaissance classique pp. -

C’était le monde retourné, la subversion de tous les principes admis jusque-là. […] Alors ces gens lâchés dans le monde eurent des effarements de collégiens échappés à la férule. […] Ils voyaient le monde à travers les préjugés des gens de collège et des gens de lettres. […] L’ouvrier français est le rebut des chantiers du monde. […] Préparons ensemble la revanche de notre race, nécessaire à la paix comme à la beauté du monde !

917. (1888) Études sur le XIXe siècle

« Quelle chose nu monde, lui dit-il, possède seulement la millième partie de la perfection dont votre esprit revêt les femmes ? […] Mais la simple présence de l’amour procure à l’homme plus de bonheur que les heureux n’en connurent aux meilleurs temps du monde. […] Quant aux moyens pratiques de réaliser ce triple idéal, ils sont les plus simples du monde : il suffit d’écrire beaucoup de romans sociaux en dix volumes. […] À chaque instant, de la meilleure foi du monde, il se met en contradiction avec celles qu’il professe. […] Capuana est bien plus près de nier la réalité du monde extérieur que celle de la personnalité humaine.

918. (1902) Propos littéraires. Première série

Pas le moins du monde ! […] Daudet ne m’a pas ennuyé le moins du monde. […] Pas le moins du monde. […] Certains, dans le monde, jouèrent les Folleuil. […] Quittons le microcosme pour “le monde, le vaste monde”.

919. (1929) La société des grands esprits

Je ne crois pas que Descartes ait jamais été mystique le moins du monde, même par accès. […] Le sage accepte le train du monde, ou s’en arrange, il n’est pas tenu de l’admirer. […] Mais la calomnie n’a pas disparu de la face du monde. […] Pour Lucrèce, le monde est le produit du hasard. […] Le monde moderne, le monde où nous vivons, et dont certains d’entre nous dédaignent les bienfaits parce qu’ils n’ont pas connu les bûchers ni les Bastilles, est un monde sorti du cerveau de Voltaire, qui n’a créé et gouverné que par l’esprit.

920. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Le voyage du duc de Bordeaux en Angleterre est plus que jamais l’objet des conversations d’un certain monde, mais d’un monde bien resserré. […] Il y a eu tour à tour, dans le monde, des philosophies d’essai, de destruction, et des philosophies régulières et de fondation : il y a eu à un certain moment, comme philosophie régulière et régnante, le platonisme des Pères ; puis, au moyen âge, l’aristotélisme catholique des théologiens.

921. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

Cette société et la cour étaient deux mondes différents, où les personnes même qui les fréquentaient ne se ressemblaient plus à elles-mêmes, dès qu’elles passaient de l’une à l’autre. Le cloître et le monde ne sont pas plus distincts. […] Mais il eut le bon esprit, dès son entrée dans le monde, d’être simple et naturel avec les personnes qu’il savait être ennemies du bel esprit et des pointes, sauf à se dédommager avec les autres.

922. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

Ces préventions qu’ils répandent dans le monde, ont leur effet durant un temps. […] Jusqu’à ce que cet ouvrage vienne à être connu generalement, le prejugé que la décision des gens du métier a jetté dans le monde, balance le sentiment des personnes de goût et désintéressées, principalement si l’ouvrage est d’un auteur dont la réputation n’est pas encore bien établie. […] Le plus grand effet des préjugez que les peintres et les poëtes sement dans le monde contre un nouvel ouvrage, vient de ce que les personnes qui parlent d’un poëme ou d’un tableau sur la foi d’autrui, aiment mieux en passer par l’avis des gens du métier, elles aiment mieux le repeter, que de redire le sentiment de gens qui n’ont pas mis l’enseigne de la profession à laquelle l’ouvrage ressortit.

923. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Pour être « du monde », il fallait penser comme la cour. […] On craint, en y songeant, que le monde ne soit principalement conduit, depuis qu’il est monde, par Diafoirus père et fils. […] Il va beaucoup dans le monde. […] En sorte que Petit-Léon met dans le mille le plus aisément du monde. […] qu’est-ce que « le monde » va dire ?

924. (1925) Les écrivains. Première série (1884-1894)

Il est le favori de la médiocrité, cette reine du monde. […] À quoi bon avoir rempli le monde du bruit de son nom ? […] Nestor Roqueplan, qui est resté un dieu dans le monde où l’on vaudevillise. […] Existe-t-il dans le monde vingt personnes qui la connaissent ? […] Les critiques décidèrent que c’était la fin du monde.

925. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Tout ce monde-là s’empoisonne bravement à petites gorgées. […] Toute femme vient au monde avec son temps pris, sinon occupé. […] L’histoire de Sarah Meyer a surtout ému le monde religieux. […] Van Brugh lui-même, s’il revenait au monde, ne voudrait pas de votre lugubre plaisanterie. […] On pourrait presque dire qu’il y a aujourd’hui le demi-monde, le monde, et le monde et demi ; or, en fait de morale, les fractions ne valent rien.

926. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

A ce fil léger sont suspendues les deux vies qu’elle aime le, mieux au monde, et le fil ne rompra pas. […] Désormais il faut laisser aux écoles de rhétorique les vieilles thèses de Descartes et de Leibniz, plus d’échelons souterrains, le monde mental va rejoindre le monde physiologique. […] « Je ne vois rien au monde, écrivait-il, qui mérite un souhait ou un regret. […] — Résignation et renoncement, voilà sa réponse finale à l’énigme du monde. […] Un pareil esprit appartient à un autre monde et à un autre âge ; A travers Saint-Simon, il rejoint Montaigne.

927. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Il eût voulu jouer, dans le monde, le rôle qu’y faisoit Galilée. […] Elle fut le signal d’une guerre générale dans le monde littéraire. […] Jusques à quand, ô capucins, en imposerez-vous au monde entier ? […] Il y avoit ce jour-là, au palais, une grande affluence de monde. […] C’est un autre Christophe Colomb dans le monde théologique.

928. (1899) Arabesques pp. 1-223

Mallarmé, que je tiens, du reste, pour le plus galant homme du monde — lorsqu’il n’écrit pas. […] Enfin, il travaille, aujourd’hui, à une tragédie qui doit étonner le monde. […] Il serait donc parfaitement chimérique de tenter une opposition aux courants d’idées qui circulent à travers le monde. […] Et je voudrais du bien au monde entier. […] L’Internationale fut une admirable tentative d’alliance entre les travailleurs du monde entier.

929. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

Les atomistes ne reconnaissent pas d’intelligence motrice, le monde se meut par lui-même éternellement. […] Les anciens ont pensé ainsi : ils opposaient le monde vivant, où tout est sujet au changement et à la mort, au monde sidéral, immuable et incorruptible. […] Aujourd’hui l’esprit des astronomes est familiarisé avec l’idée d’une mobilité et d’une évolution continuelle du monde sidéral. […] Il faut donc ici séparer le monde métaphysique du monde physique phénoménal qui lui sert de base, mais qui n’a rien à lui emprunter. […] Laplace, Système du monde, ch. 

930. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Notre activité est insérée dans le monde matériel. […] Dès le premier coup d’œil jeté sur le monde, avant même que nous y délimitions des corps, nous y distinguons des qualités. […] Il s’agit maintenant, avec des Idées supra-sensibles et un non-être infra-sensible, de reconstituer le monde sensible. […] On se transportait alors à la limite ; on supposait la physique achevée et embrassant la totalité du monde sensible. […] Il était donc transcendant au monde, et la durée des choses se juxtaposait à son éternité, dont elle était un affaiblissement.

931. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Malgré une petite pluie fine, une population grouillante autour de la mairie de Passy, comme un jour d’émeute… C’est effrayant le monde dans la salle, c’est tout le monde politique, tout le monde littéraire, tout le monde élégant, enfin tous les mondes de Paris. […] Voilà une heure et demie, que le boa cherche la tête de l’agneau, distrait, dit l’homme Jardin des Plantes, par le monde qui l’entoure. […] Voici une de ces choses qu’il serait pour tout le monde de la plus grande utilité de savoir, et que personne ne dit ou n’imprime, et que très peu de personnes savent. […] C’est extraordinaire, mon œil a été transformé en un cliché de photographie coloriée, et aucun spectacle de ce monde ne laisse en moi une image pareille. […] Et leur comparant les femmes du monde, qui entrent dans la vie avec tant d’avantages, il constate que celles qui sont un peu retentissantes, n’arrivent qu’à se déclasser.

932. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Vraiment, il y a dans le moment, en ce monde, trop de méchanceté, trop de méchanceté chez l’artiste, chez le jeune, chez l’homme politique, pour que ce ne soit pas la fin d’une société ! […] Il a travaillé à séduire le monde d’ici, et il a tout à fait réussi. […] Je la revois, ma mère, en ces années, où retirée du monde, n’allant plus nulle part, le soir, elle s’était faite le tendre maître d’étude de mon frère. […] répondait la femme du monde à la femme du peintre, vous croyez peut-être que je suis amoureuse de votre mari. […] Comme public, rien qu’un monde de couturiers et de photographes.

933. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Les impressions du jeune Marseillais dans ce monde nouveau qui s’ouvrait à lui furent bientôt d’un tout autre ordre. […] A l’heure qu’il est, 80,000 exemplaires sont en circulation dans le monde. […] Pour exécuter un tel projet, il fallait sortir de chez soi et de dessus les cartes, voyager tout de bon, voir le monde : il y songea sérieusement. […] Si on le laissait faire, le puritanisme religieux l’emportait au bout du monde, comme la curiosité scientifique emmenait M. […] (Revue des Deux Mondes, 1er août 1844, pages 435-438).

934. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

On dirait d’une cour d’Orient qui, pour se mouvoir, entraîne tout un monde : « quand elle va s’ébranler, il faut, si l’on veut passer, prendre la poste d’avance ». […] Alors, devant tout ce monde, il sort de son lit, chausse ses mules. […] À Choisy, notamment, et à Fontainebleau, tout ce monde est en liesse. […] Il recevait du monde pendant qu’il était encore dans son lit. […] Au chapitre d’Alix, près de Lyon, les chanoinesses vont au chœur en paniers, « habillées comme dans le monde », sauf que leur robe est de soie noire et que leur manteau est doublé d’hermine214.

935. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

Prenez ce télescope qui rapproche les âges et qui vous introduit dans les mœurs de ce temps, comme le télescope d’Herschel vous introduit dans le monde supérieur des astres et des nébuleuses du septième ciel ! […] Tant qu’ils furent exposés, ils furent l’école de tous les artistes du monde. […] Pendant qu’il chantait, deux d’entre elles, voisines de mon beau jeune homme, ne cessaient de babiller : l’une lui demandait depuis quand elle allait dans le monde ? […] Mais, puisque c’est l’usage de cette cour, faites ce que vous voudrez, et pis encore, tout m’est indifférent dans ce monde. […] Hé bien, lui répondis-je, faites un monde à votre mode !

936. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Son imagination, d’abord nourrie de religieuses et sentimentales lectures, et tempérant Pascal par Fénelon et par Virgile, se plaisait aux fables grecques, au monde de Pythagore, d’Orphée et d’Homère. […] Ballanche ont fait le plus de chemin par le monde, et qu’elles ont remué le plus d’esprits religieux et penseurs dans la jeunesse. […] Je m’étais, pour le moment, transporté avec lui dans son monde, dans les régions d’idées ou d’opinions qu’il avait traversées, et je m’étais comme transformé en lui. […] Coëssin, auquel j’avais en passant appliqué le nom de sectaire, adressa une lettre à la Revue des Deux Mondes, où l’article avait été inséré, pour protester contre cette qualification. […] Ballanche (Revue des Deux Mondes, avril 1831).

937. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Que sortira-t-il de cette mêlée où la maison de Savoie a jeté le monde ? […] Un homme quelquefois a plus d’instinct qu’un monde. […] À l’égard de la tristesse, qui est la chose du monde la plus détestable, comment les philosophes en font-ils l’éloge !  […] Malheureusement ce livre incomparable fut perdu dans le déménagement du monde et dans les cendres de Rome. […] Les ouvrages de Cicéron retrouvés consoleraient le monde de la perte de tous les autres livres ; c’est l’encyclopédie de l’âme, de la pensée et du talent.

938. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Heureusement cela fut inutile : il ne m’adressa que la question la plus commune du monde. […] Je ne serai donc point inutile au monde, en signalant tout ce qui doit porter à ne laisser jamais aux souverains le droit arbitraire de l’exil. […] L’empereur Alexandre la reçut à Pétersbourg comme il aurait reçu une alliée qui lui apportait pour concours l’opinion du monde libre, cette puissance qui équivaut aux armées et qui leur survit. […] Ce qui était crime dans Moreau et dans Bernadotte n’était en elle que légitime aspiration de sa liberté personnelle et de la liberté du monde. […] « Il y a lutte interminable dans ce monde entre la poésie et la prose, et la plaisanterie doit toujours se mettre du côté de la prose ; car c’est rabattre que de plaisanter.

939. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Dans le Parsifal il expliquera le monde sensationnel selon sa loi. […] Prodigieuses sensations, les siennes, à contempler et à vivre le monde haletant après le mieux ! […]   Analyse du Parsifal au rapport d’ascétisme. — Etant entré sous la dominance des idées ascétiques, quelqu’un, aux musiques du Parsifal, put entendre ce dont voici un résumé : Le monde vain des foules ; l’aspiration de l’esprit à l’en-dehors ; l’entrée au monde magnifié des solitudes. […] jusqu’à la victoire finale de ce Parsifal spirituel, vainqueur des foules, et, comme un Colomb Porte-Croix, inventeur d’un monde nouveau. […] Cela explique que, depuis, elle erre, de mondes en mondes, espérant la rédemption.

940. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Ce n’est pas assez ; elle était devenue honneur selon le monde. […] Cette exagération de foi et de mœurs aurait fini par révolter la faiblesse humaine et par réduire le christianisme à un petit groupe de chrétiens forcenés qui auraient damné le monde en sauvant quelques sectaires. […] Tâchez que les événements vous détachent du monde si ennemi de la piété. […] Je vous écris dans l’amertume de mon cœur et en versant des larmes que je voudrais pouvoir répandre en assez grande abondance devant Dieu pour obtenir de lui votre salut, qui est la chose du monde que je souhaite avec le plus d’ardeur. […] Ce furent là les inspirations de Racine ; le monde seul ne lui en aurait pas donné de pareilles.

941. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIIe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset » pp. 409-488

Il toucha du premier coup sur son instrument des cordes de jeunesse, de sensibilité d’esprit, d’ironie de cœur, qui se moquaient hardiment de nous et du monde. […] Tel était le second modèle que l’esprit tentateur offrait à l’adolescence inexpérimentée d’Alfred de Musset quand il entra dans le monde. […] Depuis quinze ans il s’était retiré de tout, du monde, de l’amour, de la poésie même, de tout excepté de la famille et des amitiés qui lui étaient restées pieusement fidèles. […] Il avait passé sans secousse d’un monde à l’autre ; son dernier souffle n’avait pas été entendu. […] Ne sens-tu pas qu’un pareil système n’est propre qu’à dégrader d’autant la pensée dans le monde ?

942. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Le génie de la sculpture étrusque, mystère dans son passé, mystère à sa renaissance, apparaissait au monde comme un phénomène de l’esprit humain qui ne sera jamais expliqué. […] L’univers connaît cette chapelle du Vatican, dont les murs et les voûtes, animées et colorées par le pinceau d’un seul homme, semblent avoir été changés par un Verbe créateur en monde des vivants et en monde des morts, comparaissant dans toutes les attitudes de la terre, de l’enfer et du ciel, sous les regards de la Trinité divine qui évoque son œuvre pour la juger. […] Ce fut sur la jeunesse du christianisme, la puberté du moyen âge, le jubilé donné par la papauté au monde. […] Mais Clément VII, aussi fervent que Léon X pour l’embellissement de la capitale du monde chrétien, ne tarda pas à rappeler à Rome l’homme que la Providence semblait avoir marqué de son sceau pour devenir l’Esdras du catholicisme. […] Il faut observer que le duc Alexandre, dont son cousin Lorenzo di Pier Francesco dei Médicis, délivra le monde, vivait au milieu de continuelles terreurs.

943. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Bref, Ibsen est un grand rebelle, un homme qui est mécontent du monde et inquiet avec génie. […] Une immense compassion, celle qui vient de la science de la vie, se dégage silencieusement du roman de Flaubert, et la résignation au monde comme il est. […] … Oui, j’entends bien, il y a des moments où ce seul fait, que l’on est au monde, et que le monde existe, apparaît comme tout à fait incompréhensible, nous emplit d’une indicible stupeur. […] Ils peuvent bien nous montrer le monde infiniment triste et pitoyable : ils hésitent à le montrer simplement dégoûtant, ce qu’il est pourtant aussi, ne le pensez-vous pas ? […] L’Anglais parcourt le monde et reste partout Anglais.

944. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Quand nous parlerons de cette comédie à la date de sa première représentation dans la capitale, nous verrons que, quelle qu’ait été l’époque de sa composition, elle ne peut s’appliquer le moins du monde à l’hôtel de Rambouillet. […] Il l’aurait intitulée simplement Les Précieuses, si ce mot n’eut désigné dans le monde que des personnes ridicules. […] « Dans le monde, dit Mademoiselle, et les affectent de paraître fort retirées, quoiqu’elles cherchent fort le monde, ne bougeant de toutes les maisons de qualité où il va le plus d’honnêtes gens ; et cela même ne leur suivit pas, puisqu’elles vont dans celles où la marchandise est la plus mêlée et qui reçoivent toute sorte de gens sans distinction. […] — Sont-elles deux ensemble ou un plus grand nombre, elles rient au nez des gens, trouvent à redire à tout ce qu’on dit… Ce sont les plus insupportables personnes du monde. » Mademoiselle de Montpensier fait une description assez grotesque de leur figure, et surtout de leurs minauderies. […] Elle n’avait pas fixé son attention, il ne la connaissait pas, elle ne faisait plus autorité ni bruit dans le monde, quand Molière est venu à Paris ; mais il avait entendu parler d’elle, comme de l’origine de ces mœurs et de ce langage qui faisaient exception dans les mœurs et le langage de la capitale.

945. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Gustave Flaubert »

Selon nous, il y a dans le monde assez d’âmes vulgaires, d’esprits vulgaires, de choses vulgaires, sans encore augmenter le nombre submergeant de ces écœurantes vulgarités. […] Je me suis interdit de raconter le sujet du livre, dégoûté par le genre de monde qui s’y vautre ; mais ce n’est pas ce monde-là qui m’en a seul empêché. […] Pourquoi pas la vie entière de saint Antoine, qui ne fut pas qu’un homme tenté, mais un des plus grands hommes du christianisme naissant, un de ces puissants contemplateurs qui, du désert ou du ciel qu’ils portaient dans leur cœur, regardaient le monde et l’ont quelquefois gouverné ? […] Phraséologue comme Victor Hugo, mais sans la puissance de l’énorme Verbe de ce grand et magnifique poète creux, Flaubert, voué à toutes les superstitions de la phrase, brosseur et ratisseur de mots, qui a peut-être entassé plus de ratures que de phrases pour parvenir à faire celles dont il avait l’ambition, Flaubert n’eut jamais, en dehors de la grammaire, de la rhétorique et de la description matérielle, rien d’humain, rien de vivant, rien de passionné, de battant sous sa mamelle gauche, sinon la haine et le mépris du bourgeois, — du bourgeois tel que l’a fait le monde moderne, ce joli monde sorti de la Révolution Française ! […] Les bourgeois même sont bien capables de prendre au sérieux ce livre dans lequel on veut les berner, et de s’en faire un titre au respect universel du monde.

946. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

» Pendant deux années il trouva en Danemark dans la famille Brun le degré et comme la température d’affection qui lui convenait le mieux, et il eut aussi devant les yeux tout un monde nouveau qui se découvrait à son intelligence. […] Il entra aussi dans la poésie, dans la légende et dans l’histoire, dans le cercle des Eddas mythologiques et des sagas héroïques de ce monde scandinave. […] Il a composé deux ouvrages principaux sur ces objets ou sujets du monde intérieur : Recherches sur la nature et les lois de l’imagination, 1807 ; Études sur l’Homme, ou recherches sur les facultés de sentir et de penser, 1821. […] En les voyant reparaître, la rancune contre lui se réveilla ; et il comprit qu’il n’avait rien de mieux à faire que de se tenir à distance de l’ours bernois et de renouveler bail avec Genève, ne fût-ce que comme le meilleur des lieux de repos et de plaisance, la mieux située des hôtelleries pour un citoyen du monde. […] Dans le monde, il ne faut se servir de l’amour-propre des autres que pour le traverser, afin d’arriver au pays de l’amitié, où, comme dans les montagnes des tropiques, il y a mille nuances de climat à choisir. 

947. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Il écrit à sa mère, à bord du navire, pendant la traversée même (avril-mai 1831) ; il décrit l’intérieur de ce petit monde, un vaisseau en mer, cette arche de Noé qui contient bien des espèces diverses de toute nature et de tout pays. […] Avez-vous lu dans la Revue des Deux Mondes les intéressantes Lettres de M.  […] Il est parti pour un monde meilleur, nous laissant tous sinon heureux, du moins encore tranquilles. […] Quand j’ai commencé à réfléchir, j’ai cru que le monde était plein de vérités démontrées ; qu’il ne s’agissait que de bien regarder pour les voir : mais lorsque j’ai voulu m’appliquer à considérer les objets, je n’ai plus aperçu que doutes inextricables. […] La grande réputation, que vous estimez le plus précieux bien de ce monde, est plus assurée aujourd’hui par des livres tels que les vôtres, qu’elle ne peut l’être par la tribune.

948. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

De ces deux filles qu’elle eut la douleur de voir mourir avant elle, la plus jeune, Inès, délicate, poétique, une sensitive douloureuse ; méfiante d’elle-même, tendrement jalouse, « l’enfant de ce monde, disait sa mère, qui a le plus besoin de caresses », atteinte d’une maladie de langueur étrange, s’éteignit la première, à l’âge de vingt ans, le 4 décembre 1846. […] En m’aimant fidèlement, tu m’as bien souvent consolée des amitiés légères et oublieuses de ce monde : la nôtre sera de tous les mondes. […] Je ne sais s’il y a sur la terre rien de plus utile et de plus doux que de retourner de bonne volonté à la source de notre être et de tout ce que nous avons aimé au monde. […] Je t’aime bien, mon bon frère, et je l’ai beaucoup éprouvé depuis que je suis au monde. — Juge si je suis contente et fière aujourd’hui de penser que tu consoles notre bien-aimé père de tout ce qu’il a enduré par un grand concours d’événements désastreux. […] On consacre tous les jours de longues pages aux hommes soi-disant de puissance et d’action qui, bien souvent gouvernés eux-mêmes, passent pour avoir gouverné le monde, à ceux qui ont traité et souvent trafiqué des nations : pourquoi regarderait-on à quelques pages de plus ou de moins, quand il s’agit de ces êtres d’élite qui ont habité et véritablement régné dans la sphère spirituelle, dans le monde du cœur, et qui n’ont cessé toute leur vie de cultiver et de cueillir la fleur des meilleurs sentiments ; êtres innocents et brisés, mais qui parlent par leurs blessures et qui apprennent ou rappellent de douces choses, — ou des choses amères, exprimées avec douceur, — aux hommes leurs semblables ?

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