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1057. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

Il a fallu, pour produire cette pauvre forme d’embryon, il a fallu que la population gallo-celtique de la Gaule fût réduite sous la loi de Rome, qu’elle prît les mœurs, la culture, la langue de ses vainqueurs, que l’empire romain et la culture latine, formes vénérables et vermoulues, tombassent en poussière au contact, non hostile, mais brutal, des barbares, et que les Francs, fondus dans la masse gallo-romaine, y déterminassent cet obscur travail, d’où sortirent ces deux choses, une race, une langue française.

1058. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

La première, je crois, elle a vraiment compris et aimé le paysan, celui qui vit loin de Paris, dans les provinces qui ont gardé l’originalité de leurs mœurs.

1059. (1890) L’avenir de la science « XIV »

C’est l’analogue de ce qu’était dans les mœurs antiques la libation, acte de haut idéalisme, prélèvement touchant fait pour l’invisible, l’inutile, l’inconnu, et qui d’un acte vulgaire fait un acte idéal.

1060. (1898) Inutilité de la calomnie (La Plume) pp. 625-627

Paul Fort connaît ces mœurs.

1061. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

L’ouvrage dégénère en une satyre vive des mœurs du temps.

1062. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Non contens d’avoir attaqué sa naissance, sa probité, ses mœurs, ils le dénoncèrent comme assassin.

1063. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — III »

Renan est tantôt un humaniste, tantôt un naturaliste, un Gœthe enfin (avec une âme moins virile, quelque chose de serf dans les mœurs), mais ce n’est dans aucun instant de son développement un catholique.‌

1064. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre III. Des éloges chez tous les premiers peuples. »

On sent assez quel doit être le caractère des ouvrages d’un pareil peuple ; mais ce qui étonne, c’est que déjà on y trouve l’art d’opposer les idées douces aux idées terribles, et de placer presque partout l’image de l’amour à côté de celle de la guerre ; peut-être ce qui nous paraît un art, n’était que l’expression naturelle des mœurs de ces peuples.

1065. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

Ce n’est point par l’art, ce n’est point par de vils métaux qu’on peut représenter l’âme d’un grand homme, c’est par notre conduite et par nos mœurs, etc.

1066. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Sous les gouvernements aristocratiques qui vinrent ensuite, les mœurs étant toujours religieuses, les lois restèrent entourées du mystère de la religion et furent observées avec la sévérité et les scrupules qui en sont inséparables ; le secret est l’âme des aristocraties, et la rigueur de l’équité civile est ce qui fait leur salut.

1067. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIIe entretien. Revue littéraire de l’année 1861 en France. M. de Marcellus (1re partie) » pp. 333-411

De ces livres, quelques-uns sont exclusivement réservés aux érudits hellénistes ; d’autres contiennent, à côté des textes grecs, des commentaires anecdotiques qui mêlent avec grâce et naïveté l’homme au mot, et qui révèlent les mœurs des peuples par une leçon sur leur idiome. […] Lui, si digne de traduire Homère, lui qui en avait sucé la moelle dans l’Épire et dans la moindre île de l’Archipel, ne pouvait-il pas lutter avec ces pédants qui nous traduisent des textes morts au lieu de nous traduire des mœurs et des lieux dont ils ne peuvent découvrir le sens à travers la littéralité des vers ? […] Le consul lui-même, familiarisé avec de nouvelles mœurs, avait peine à se souvenir en ma faveur des habitudes françaises.

1068. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Personne ne conteste qu'il n'ait eu de grands talens : il en falloit assurément pour opérer la révolution qu'il a faite dans nos idées & dans nos mœurs, & je ne l'ai point dissimulé dans les Trois Siecles ; mais les Esprits justes & vraiment connoisseurs, conviendront sans peine qu'il est loin de justifier les éloges & les honneurs qu'on lui a prodigués sans mesure. […] On l'a vu tour à tour prêcher la tolérance & la liberté de la presse, & réclamer l'intolérance & la sévérité contre ceux qui se servoient de la même presse pour combattre ses opinions ; recommander la modération dans les disputes, & donner l'exemple de l'emportement ; exiger du respect pour les mœurs, & les outrager par des Productions indécentes. […] Lorsqu'il a voulu employer celle du raisonnement, il a malheureusement donné dans des bévues qui n'ont pas échappé à nos Théologiens érudits ; ils les lui ont même reprochées amérement, & je suis obligé de convenir avec eux, d'après l'étude particuliere que j'ai faite des Langues anciennes, que M. de Voltaire n'a pas la moindre connoissance de l'Hébreu, qu'il ne fait point le Grec, & qu'il n'a pas puisé dans les sources ses Observations critiques sur Abraham, Moïse, David, Salomon, les Prophetes, les Loix, & les Mœurs Hébraïques ; je doute même qu'il ait jamais lu les Peres de l'Eglise, qu'il cite souvent.

1069. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Mais par la facette de l’anecdote et le détail de mœurs et de pittoresque qui y brillaient au tournant de certaines pages, on comprenait qu’il y avait là une pointe de vie inconnue à Guizot, cette momie imposante et grave, — grave comme la mort, qui, du moins, elle, est silencieuse ! […] Quelques têtes éprises de la force, comme celle de Stendhal, par exemple, qui aimait mieux le brigandage que la civilisation et qui avait rêvé d’écrire l’Histoire de l’énergie en Italie, peuvent, par amour de l’émotion, poétiser un temps où le danger et la mort étaient noblement au bout de tout ; mais il n’y avait pas au xvie  siècle que la palpitation héroïque chère aux hommes de courage, il y avait, dans les mœurs, autant de corruption et de bassesse que d’atrocité. […] le fanatisme religieux, le charbon fumant d’une flamme d’amour, inextinguible encore, pour une religion enfoncée par le marteau de quinze siècles dans le cœur, les mœurs et les institutions politiques des peuples, et même de ceux-là qui s’étaient révoltés contre elle.

1070. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Brunetière commence par demander si les idées agissent ou non sur les mœurs. […] Quelle philosophie jugée par les mœurs n’a pas d’abord été condamnée ? […] Les idées de la veille font les mœurs du lendemain. […] Suivez, par le monde, l’histoire des idées et des mœurs. […] C’est un homme de bien, qui imite avec subtilité les mœurs des patriarches.

1071. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

« Ouvrages utiles aux mœurs. » Voilà une formule bien inconsistante. Sauf les ouvrages immoraux, tous les ouvrages sont utiles aux mœurs ; car, enfin, pendant qu’on les lit, on ne fait pas de sottises. […] ce qui veut dire : Rome se tient debout par ses mœurs antiques et ses hommes antiques. […] Il y a, comme dans tous les procès-verbaux d’assemblées de ce genre, des détails amusants et très instructifs relativement à l’esprit du temps et aux mœurs du temps. […] Toutes les études que l’on fait sur les États-Unis, leurs mœurs et leurs façons de vivre portant toujours sur les États du Nord, cela simplifie singulièrement le problème ethnographique ; car la population nord-américaine est beaucoup moins mélangée que cela.

1072. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Cela revient à dire qu’à ses yeux une pièce vaut surtout « par l’étude féconde des caractères et des mœurs ». […] « Élever une comédie sur des situations, c’est prétendre bâtir sur des figures géométriques sans aucune réalité ; la fonder sur des mœurs, c’est l’établir sur un sol qui n’a point de consistance ; à celui-là seulement qui par-delà les mœurs atteint le caractère, c’est-à-dire un exemplaire de l’humanité, il appartient de compter sur le respect du temps. » — Inutile de rien ajouter à cette profession de foi esthétique. […] Plusieurs s’imagineraient que je veux dire par là qu’il faut y peindre les mœurs antiques. […] Les moralistes aussi, quand ils recommandent ou attaquent un ouvrage pour le motif qu’il leur paraît susceptible d’améliorer ou de corrompre les mœurs, savent bien qu’un livre est un grimoire magique capable de communiquer par les yeux la santé ou la maladie. […] Taine au nôtre ; comme elle rend compte de tout ce qui est, comme elle fait voir que les mœurs et les lois les plus surannées ont été nécessaires en leur temps, elle porte à maintenir ce qui existe, à n’y toucher du moins qu’avec une prudence extrême ; elle aboutit à des conclusions conservatrices.

1073. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

La tragédie représentait les dieux et les héros ; la comédie mettait en scène les citoyens et les partis ; cherchez l’homme au milieu de tout cela, vous trouverez des opinions à la place des caractères et l’allégorie satirique au lieu de la peinture des mœurs. […] Oui, la comédie de caractères, c’est possible mais la comédie de mœurs n’a jamais été plus vivace, et ce que sa sœur aînée avait en élévation, elle l’aura en largeur et en profondeur. […] — Certains côtés de la vie de province et des mœurs de petite ville y étaient étudiés et rendus avec une grande sagacité de pénétration, avec une irrécusable clairvoyance. […] Barbara soit un virtuose de premier ordre et qu’il ait remporté tous les prix possibles de violon au Conservatoire, mon avis est qu’il ferait bien de faire servir l’influence civilisatrice de son instrument à décrotter un peu l’âme de ses personnages et à polir les mœurs du monde qu’il peint. […] Autant vaudrait, tirant sa propre condamnation de l’excès même de son génie, lui imputer à crime d’avoir voulu être l’historien complet des mœurs de son temps.

1074. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Molière Il y a en poésie, en littérature, une classe d’hommes hors de ligne, même entre les premiers, très-peu nombreuse, cinq ou six en tout, peut-être, depuis le commencement, et dont le caractère est l’universalité, l’humanité éternelle intimement mêlée à la peinture des mœurs ou des passions d’une époque. […] Tout ceci est pour dire que, comme Shakspeare et Cervantes, comme trois ou quatre génies supérieurs dans la suite des âges, Molière est peintre de la nature humaine au fond, sans acception ni préoccupation de culte, de dogme fixe, d’interprétation formelle ; qu’en s’attaquant à la société de son temps, il a représenté la vie qui est partout celle du grand nombre, et qu’au sein de mœurs déterminées qu’il châtiait au vif, il s’est trouvé avoir écrit pour tous les hommes. […] Les Précieuses ridicules, jouées en 1659, attaquèrent les mœurs modernes au vif. […] Il le comprenait et l’admirait dans les parties les plus étrangères à lui-même ; il se plaisait à être son complice dans le latin macaronique de ses plus folles comédies ; il lui fournissait les malignes étymologies grecques de l’Amour médecin  ; il mesurait dans son entier cette faculté multipliée, immense ; et le jour où Louis XIV lui demanda quel était le plus rare des grands écrivains qui auraient honoré la France durant son règne, le juge rigoureux n’hésita pas et répondit : « Sire, c’est Molière. »  — « Je ne le croyais pas, répliqua Louis XIV ; mais vous vous y connaissez mieux que moi. » On a loué Molière de tant de façons, comme peintre des mœurs et de la vie humaine, que je veux indiquer surtout un côté qu’on a trop peu mis en lumière, ou plutôt qu’on a méconnu. […] D’un naturel bienveillant, facile, agréablement enjoué ; d’un esprit avide de culture et de connaissances diverses ; s’accommodant aux mœurs dominantes et aux opinions accréditées ; d’une âme assez tempérée, autant qu’il semble ; habituellement heureux et favorisé par les conjonctures, il s’est développé sur une surface brillante et animée, atteignant sans effort à celles de ses créations qui doivent rester les plus immortelles, y assistant pour ainsi dire avec complaisance en même temps qu’elles lui échappaient, et ne gravant nulle part sur aucune d’elles ce je ne sais quoi de trop âcre et de trop intime qui trahit toujours les mystères de l’auteur.

1075. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Mais il vient de publier Les Mœurs du temps ; et les mœurs de notre temps, il les juge avec beaucoup de sévérité : ce livre n’est pas d’un philosophe tranquille et qui trouve que tout soit pour le mieux dans le meilleur des mondes. […] Alfred Capus, on l’aimera plus que jamais dans ce beau livre si charmant : Les Mœurs du temps. […] Poètes, conteurs et penseurs ne sont occupés qu’à élire, au suffrage universel, leurs princes ; et « les mœurs électorales s’introduisent dans le domaine littéraire » : les mœurs électorales, donc l’anarchie organisée. […] Et Les Mœurs du temps sont là pour en témoigner. […] Les mauvaises mœurs qu’il a peintes ne sont pas un divertissement qu’il offre à son lecteur.

1076. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Il est lui-même un original achevé, non pas un témoin d’histoire, mais une médaille de mœurs. […] [NdA] « L’origine et les mœurs de ce réformateur sont à observer : il est né à Loudun où, selon les jugements des commissaires, les Démons ont établi leur séjour ; a témoigné avoir une partie de leurs secrets et de leurs ruses. » C’est ce que disait l’avocat de la faculté de médecine de Paris dans une plaidoirie contre Renaudot.

1077. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

» Établissant la différence de mœurs et de sensations des deux peuples, il montre l’inégalité d’inconvénients dans les mêmes injures dites à des hommes publics d’un côté ou de l’autre du détroit : En Angleterre, on pèse l’injure ; en France, il faut la sentir… En Angleterre, l’injure intéresse quelquefois en faveur de celui qui la reçoit ; en France, elle avilit toujours celui qui la souffre… En Angleterre, les invectives n’ont point renversé le trône ; en France, elles ont renversé une royauté de quatorze siècles. […] Il connaissait mieux que beaucoup de ceux qui le raillèrent alors les mœurs de la France, et comment le feu chez nous prend aux poudres plus vite que chez nos voisins.

1078. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire du règne de Henri IV, par M. Poirson » pp. 210-230

L’habitude des guerres civiles avait ensauvagé les mœurs, et le désordre envahissait toutes les branches de l’administration. […] S’il faut, outre cela, dire quelque chose de ses mœurs, le lieu d’où il est né, sa physionomie, ses paroles, ses gestes plus militaires qu’autrement, le font soupçonner d’être léger ; et néanmoins, soit par artifice qui a corrigé la nature, soit par vraie et naturelle inclination, il n’y a rien au monde si constant que lui, si attaché à une chose de laquelle il ne déprend jamais, quand il s’y est mis, qu’elle ne soit achevée, voire jusques au blâme véritable d’opiniâtreté.

1079. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

Comment traduire en effet, à l’usage de tous, cette quantité de petites pièces qui exigent tant d’explications, de notes, une connaissance si particulière, et dont quelques-unes, par leur sujet, semblent si impossibles dans nos mœurs, et si faites à bon droit pour éloigner ? […] Ô Bacchus, fais grandir et prospérer Micydie ; si le don est peu de chose, c’estl’extrême pauvreté qui te l’offre. » Par tous ces exemples, et tous ceux que j’omets, on voit à quel point le Recueil de l’Anthologie nous fait assister aux moindres coutumes, aux mœurs journalières de l’Antiquité.

1080. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

La Bruyère, qui ne prend de Théophraste que le nom et qui serre de si près les mœurs de son temps, est en cela déjà un écrivain du xviiie  siècle. […] Si l’on prétendait juger du xviie  siècle par sa littérature, on se tromperait fort et l’on serait loin du compte ; celle du siècle suivant, moins haute et plus étendue, représente plus fidèlement les mœurs ; elle sent davantage son fruit.

1081. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

En tout, l’une des marques de son caractère et de son tempérament, c’est la continuité des mêmes mœurs, l’égalité, la constance. […] Les embarras dont Catinat s’ouvre à son frère sur la manière de répondre aux compliments qui lui pleuvent en foule et de varier le thème selon les rangs et les convenances, font sourire et nous initient aux mœurs de cette digne et honnête bourgeoisie, non gâtée par les honneurs : « Je suis accablé de réponses à faire à tous les compliments dont petits et grands m’honorent.

1082. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Sans doute les très belles et touchantes parties, les endroits pathétiques et pleins de larmes, les adieux d’Hector et d’Andromaque, les douleurs de Priam, étaient sentis ; mais tout ce qui tenait aux mœurs, à la sauvagerie d’alors, à la naïveté et à la crudité des passions et du langage, échappait ou s’éludait grâce aux commentateurs ou traducteurs, et se défigurait vraiment à travers l’admiration des Eustathe et des Dacier. […] encore une fois, sans doute, il est certaines beautés naturelles, simples, éternelles, de ces grands peintres du cœur humain, qui ont été senties de tout temps ; mais, dans les intervalles et pour l’ensemble de l’œuvre, que de restrictions, que de méprises, que de blâmes ou d’admirations à côté, avant que la critique historique fût venue pour éclairer les époques, les mœurs, le procédé de composition et de formation, tout le fond et les alentours de la société au sein de laquelle se produisirent ces grands monuments littéraires !

1083. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

M. de Schulenburg était appuyé sur la pierre qu’on a mise à l’endroit où Gustave-Adolphe fut tué, et il me dit en m’embrassant, après que j’eus fait serment : « Monsieur, je souhaite que ce lieu vous soit aussi propice que j’en tire un heureux augure, et que le génie du grand homme qui a expiré ici passe sur vous ; que sa douceur, sa sévérité et sa justice vous guident dans toutes vos actions ; soyez aussi soumis à obéir ou sévère à commander ; ne pardonnez jamais par amitié ou par considération ; dans les moindres fautes, que l’exemple du sévère Magnus (Gustave-Adolphe) vous soit toujours présent ; ayez des mœurs irréprochables, et vous commanderez aux hommes : voilà la base et les fondements inébranlables de notre métier. […] On remarquera cependant qu’il ne tint pas avec une égale fidélité toutes les parties de la formule proférée par le général son parrain ; et sur l’article des mœurs entre autres, le comte de Saxe ne parut jamais se douter qu’il dût y avoir un Scipion ou un chevalier Bavard dans le parfait capitaine.

1084. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Il est tel historien, assurément, qui ne manquerait pas d’en tirer des conséquences outrageuses et extravagantes : chez le comte Vitzthum, elles ne sont qu’à l’état de vignettes historiques, et un peintre y prendrait deux ou trois traits pour un tableau exact de mœurs. […] Il semblait être revenu par goût à l’existence du Nord, aux mœurs copieuses, aux habitudes et aux orgies paternelles.

1085. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Les Prisonniers du Caucase, par la singularité des mœurs et des caractères si vivement exprimés, semblent déceler, dans ce talent d’ordinaire tout gracieux et doux, une faculté d’audace qui ne recule au besoin devant aucun trait de la réalité et de la nature, même la plus sauvage. […] Il l’a dans la sienne : simplicité, pureté, modestie, honneur ; bel exemple des antiques mœurs jusqu’au bout conservées dans un esprit gracieux et une âme sensible ! 

1086. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Scribe glissait de légères esquisses de mœurs d’un trait plus pur, plus soigné. […] Positif et sage (ce qui est un trait de mœurs littéraires à noter), laborieux et jouissant (ce qui est un trait commun aujourd’hui), il s’est dérobé toujours aux ovations de l’engouement et de ce qu’il aurait plus de droit que bien d’autres de nommer la gloire.

1087. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il me semble étrange que des gens qui achèteraient au poids de l’or une douzaine de portraits originaux de cette époque pour orner une galerie, ne jettent jamais les yeux sur tant de tableaux mouvants de la vie, des actions, des mœurs et des pensées de leurs ancêtres, peints sur place, avec de simples, mais fortes couleurs. » En France, Saint-Palaye déjà l’avait rappelé à l’attention des érudits ; M. de Barante le mit en valeur pour tous15. […] sLe prince de Talmont, on le voit par les Mémoires imprimés, était celui de tous les chefs qui, par ses antécédents et son caractère, se trouvait le moins en accord avec ces mœurs simples, frugales, chrétiennes, et avec cette espèce d’égalité fédérale des gentilshommes vendéens.

1088. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Quoique l’expiration du règne de Louis XIV et de la dévotion régnante fût pour lui un énorme poids de moins, quoiqu’il se sentît avec joie délivré de cette condition de faveur à laquelle il aurait pu difficilement se soustraire, et dont l’idée le blessait par une honte secrète (lui converti, enfant, par astuce et intérêt), pourtant il ne voyait dans la Régence qu’un débordement déplorable et la ruine de toutes les nobles mœurs. […] En un mot, ses mœurs et ses rêves d’idéal étaient assez au rebours de ses autres opinions, et, comme on aurait dit plus tard, de ses principes.

1089. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Elle manifestait son adoption des idées nouvelles par toutes sortes d’indices plus ou moins frivoles, par l’anglomanie dans les modes, par la simplicité du frac et des costumes : « Consacrant tout notre temps, dit M. de Ségur, à la société, aux fêtes, aux plaisirs, aux devoirs peu assujettissants de la cour et des garnisons, nous jouissions à la fois avec incurie, et des avantages que nous avaient transmis les anciennes institutions, et de la liberté que nous apportaient les nouvelles mœurs : ainsi ces deux régimes flattaient également, l’un notre vanité, l’autre nos penchants pour les plaisirs. […] Ce que ne gardèrent pas moins, en général, les personnages de cette époque et de ce rang qui survécurent et dont la vieillesse honorée s’est prolongée jusqu’à nous, c’est une fidélité remarquable, sinon à tous les principes, du moins à l’esprit des doctrines et des mœurs dont s’était imbue leur jeunesse ; c’est le don de sociabilité, la pratique affable, tolérante, presque affectueuse, vraiment libérale, sans ombre de misanthropie et d’amertume, une sorte de confiance souriante et deux fois aimable après tant de déceptions, et ce trait qui, dans l’homme excellent dont nous parlons, formait plus qu’une qualité vague et était devenu le fond même du caractère et une vertu, la bienveillance.

1090. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

Son imagination précoce en avait, en peu de mois, absorbé les sites, les mœurs, les noms ; il en était revenu en 1790, comme s’il n’avait cherché qu’un prétexte d’écrire. […] « Je ne sais, disait-il, si le public goûtera cette histoire qui sort de toutes les routes connues, et qui présente une nature et des mœurs tout à fait étrangères à l’Europe.

1091. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

» Pendant ces négociations, la calomnie, à Rome et à Paris, poursuivait l’animosité par les mêmes moyens, la flétrissure des mœurs de madame Guyon, afin de faire rejaillir cette flétrissure, non-seulement sur la doctrine, mais sur la vertu de l’archevêque de Cambrai. […] Rome hésitait, le pape Innocent XII dissimulait mal sa conviction secrète de l’innocence de Fénelon, de la pureté de ses mœurs, du charme de ses vertus.

1092. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

En attendant, il lâche son Essai sur les mœurs complété, renforcé, définitif (1756), et ses discours sur la Religion naturelle (1756) ; deux autres coups droits atteignaient la Providence chrétienne, à travers l’optimisme de Leibniz : le poème du Désastre de Lisbonne (1756), et le roman de Candide (1758). […] Ou bien c’est un Huron que le caprice du patriarche jette au travers de notre société, et qui, se heurtant à nos institutions et à nos mœurs, cahoté, tiraillé, ahuri, baptisé, emprisonné, aimé, trompé, nous insinue l’impression qu’il n’y a pas grand chose chez nous qui aille selon la raison.

1093. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Ce n’est guère que sur les mœurs qu’ils pourraient s’accorder quelque liberté, et jadis ils laissaient volontiers leur corps prendre la revanche des esclavages de leur esprit ; mais beaucoup d’entre eux se refusent aujourd’hui cette consolation  Ils vivent enfin dans un monde très restreint ; ils ne se trouvent de plain-pied qu’avec un très petit nombre d’hommes : ils ne peuvent donc connaître les hommes qu’imparfaitement. […] Car d’abord c’est le seul moyen de voir de près les mœurs, les sentiments, les âmes des humbles et la lutte pour l’existence sous ses formes les plus simples et les plus tragiques.

1094. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Pourvu que l’auteur évitât ce qu’on appelait les longueurs de l’Iliade et la grossièreté des mœurs homériques, qu’il eût soin de ne pas prendre pour héros un homme pieux comme Énée, ces prétendus défauts de moins lui étaient comptés comme des qualités. […] Le Henri IV de l’Essai sur les mœurs est plus vivant que celui de la Henriade, parce qu’il est tracé de main d’écrivain.

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