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489. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Ainsi le poète, qui tire son essence des autres hommes, en devient le miracle par un simple jeu de cristallisation et acquiert, sur eux, une valeur inestimable. […] Quand Benvenuto Cellini crucifiait un homme vivant pour étudier le jeu des muscles dans l’agonie, un pape eut raison de l’absoudre.

490. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Après cette petite leçon en plein air, viennent les leçons du dedans, trois bonnes heures de lecture ; puis les jeux, la balle, la paume, tout ce qui peut servir « à galamment exercer les corps, comme ils avoient auparavant exercé les âmes ». […] Le caractère tout nouveau de cette éducation est dans le mélange du jeu et de l’étude, dans ce soin de s’instruire de chaque matière en s’en servant, de faire aller de pair les livres et les choses de la vie, la théorie et la pratique, le corps et l’esprit, la gymnastique et la musique, comme chez les Grecs, mais sans se modeler avec idolâtrie sur le passé, et en ayant égard sans cesse au temps présent et à l’avenir.

491. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Elles avaient l’honneur de la suivre au Cours ; au retour de la promenade, on soupait chez Monsieur ; après le souper, tous les hommes de la Cour s’y rendaient, et on passait le soir parmi les plaisirs de la comédie, du jeu et des violons ; enfin on s’y divertissait avec tout l’agrément imaginable, et sans aucun mélange de chagrin. […] La duchesse de Bourgogne, élève chérie de Mme de Maintenon, et qui la désolait quelquefois par ses désobéissances, appartenait déjà à cette génération de jeunes femmes qui aimaient démesurément le plaisir, le jeu, par moments la table ; enfin elle était bien faite pour être la mère de Louis XV.

492. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Les scènes, même gâtées de Shakespeare, mais appropriées en gros à un public qui ne savait rien de l’original et qui s’était accoutumé à croire que Ducis l’embellissait, donnaient à ce genre bâtard de tragédie un intérêt extraordinaire, et le jeu de Talma sut l’élever vers la fin jusqu’aux apparences de la beauté. […] Parlant des petites pièces familières qu’il adressait à son Caveau et à ses dieux Pénates, à sa Musette : « Il y a dans mon clavecin poétique, disait-il, des jeux de flûte et de tonnerre : comment cela va-t-il ensemble ?

493. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre I : De la méthode en général »

C’est la question même de l’esprit philosophique qui est en jeu. […] Un enfant voit osciller une lampe ou tomber une pomme : c’est un jeu pour ses sens et pour son imagination ; pour un Galilée, pour un Newton, ces deux phénomènes ne sont que les signes des lois générales et universelles.

494. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Dans ce jeu sublime qui, au fond, incontestablement, est un don, il y a une partie qui peut s’indiquer, s’analyser, se démontrer, cela est sûr, c’est l’évidence. Le jeu connu, reste à savoir si vous saurez jouer ; ceci ne nous regarde plus.

495. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Les palmes des jeux olympiques étaient égales aux trophées de la gloire. […] Ne disons point, au reste, qu’une telle peinture soit un jeu de l’esprit : les traditions de la poésie ne sont-elles pas aussi une réalité ?

496. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

Un jeu de mots a fait l’affaire. […] Il joue ici sur le sens du mot subjectivité, et il a beau jeu, car le mot est allemand et très-obscur.

497. (1891) Esquisses contemporaines

On n’y retrouve aucun jeu de mot, aucune gauloiserie ; — que nous voilà loin des anciennes traditions françaises !  […] De fait, notre volonté n’est mise en jeu que si nous nous estimons plus grand que nature. […] La gaieté doucement railleuse et le détachement suprême lui manquent pour jouer ce jeu frivole en définitive et qui répugne si fort aux âmes droites. […] Trop excellent psychologue pour n’être point spiritualiste, il ne trouve pas dans le jeu des affinités matérielles une explication suffisante de l’univers. […] Il ne se permet aucune appréciation propre ; il lui suffit, de mettre à nu les ressorts secrets de l’organisme intellectuel qu’il étudie et d’en découvrir le jeu caché.

498. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « En guise de préface »

Et elle suppose, chez ceux qui la pratiquent, une grande superbe intellectuelle, une extrême surveillance de soi, et comme une terreur de jouir d’autre chose que des démarches, jeux et prouesses dialectiques de son propre esprit.

499. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bornier, Henri de (1825-1901) »

. — Le Jeu des vertus, roman d’un auteur dramatique (1885). — Mahomet (1888). — Le Fils de l’Arétin (1806). — France… d’abord !

500. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Chénier, André (1762-1794) »

Chénier, André (1762-1794) [Bibliographie] Avis au peuple français sur ses véritables ennemis (1789) Le Jeu de Paume, à David, peintre (1789). — La Jeune Captive, publiée le 20 nivôse an III dans la « Décade philosophique » ; La Jeune Tarentine, dans le « Mercure » du 1er germinal an XI. — Œuvres complètes, sous la direction de Henri de Latouche (1819). — Œuvres (éditions de 1862 et de 1872) avec commentaires de Becq de Fouquières.

501. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

Et tout cela, Ponsard ne le fait point par jeu ni avec le scepticisme d’un écrivain astucieux qui connaît son public, il le fait avec une conviction et une simplicité absolues.

502. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Plusieurs au bel esprit de Voiture ; D’autres à la cour de Marie de Médicis et à ses cercles, ou les pointes, les jeux de mots, les concetti, que sa cour apporta d’Italie, acquirent de la vogue ; D’autres à la cour d’Anne d’Autriche, belle-fille de Marie de Médicis, qui introduisit, dit-on, en France, l’esprit des romans espagnols.

503. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

Placer ses Héros dans des circonstances embarrassantes, les en tirer sans effort ; étonner le Spectateur par des sentimens, des réponses, des raisonnemens imprévus ; réunir à la fois l’élévation des pensées, la grandeur des images, la variété & l’énergie du style : tout cela n’étoit qu’un jeu pour un Génie devant qui les difficultés s’applanissoient d’elles-mêmes.

504. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Panurge » pp. 222-228

Nous avons les voyages, la dure distraction du travail, la chasse, le jeu, ce que Pascal appelle, « les plaisirs tumultuaires de la foule ».

505. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

Elle est pleine de jeux de mots, de pensées fausses, de comparaisons outrées, de saillies froides, de puérilités mises à la place du simple & du naïf.

506. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IV. Les ailes dérobées »

C’est un jeu qui se joue à deux avec de petits cailloux ou des billes de métal qu’on range dans douze trous (6 et 6) suivant des règles que je n’ai pu me faire expliquer clairement.

507. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Quand un prince avait régné vingt-quatre ans, il fallait célébrer le bonheur de l’empire ; c’était alors des jeux pour le peuple et un panégyrique pour le prince.

508. (1927) Approximations. Deuxième série

Ce sont « les jeux d’une imagination tendre en délire » ainsi que l’écrit Stendhal lui-même de La Flûte Enchantée 10. […] L’adoption par un grand écrivain d’un genre nouveau est souvent accueillie des professionnels comme une bonne fortune, car elle leur permet d’établir après coup en raison de quelle nécessité rigoureuse le choix fut déterminé ; mais si l’on joue à ce jeu de la nécessité — exercice assez vain et qu’on ne saurait recommander qu’à ceux qui briguent des suffrages en haut lieu, — il ne serait que prudent de n’en pas négliger la contrepartie : le jeu du hasard, et de se rappeler la parole de ce Bourdaloue cher à Valéry : « il y a de la honte dans toute origine ». […] Par sa nature même, le talent des Goncourt les désignait pour devenir de ce jeu du sort des victimes qu’ils auraient qualifiées d’« exquises ». […] Ils ont provoqué par là l’entrée en jeu systématique d’une force qui n’est tout à fait efficace et belle que lorsqu’elle se dégage électriquement à la pointe d’autres facultés dont elle s’offre alors à nous comme quelque merveilleuse antenne. […] Elle-même toute civilisée, elle civilise tout ce à quoi elle touche : adéquate donc au dialogue en tant que genre — où c’est partie du naturel que d’observer les règles du jeu, où certaines conventions justement défendent contre l’artifice.

509. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Lui qui, lorsque le sommeil s’emparait de lui et qu’il interrompait ses jeux d’enfance, s’endormait sur une couche molle où, sur le sein de sa nourrice, son cœur goûtait une douce joie…… Ils sont encore dans ton palais, ô Hector, tes riches vêtements ourdis par la main des femmes ! […] Des jeux, très déplacés selon nous en ce moment dans l’économie du poème, remplissent de courses de chars, de luttes et de pugilats, le reste de ce chant. […] Nous ne croirons jamais qu’un génie aussi sensé et aussi expérimenté du cœur humain qu’Homère ait placé lui-même ces jeux prolongés entre le bûcher d’Hector et les larmes d’Andromaque, de Priam et d’Hécube. Nous pensons plutôt qu’aux époques où Pisistrate et Alexandre le Grand recueillirent de la bouche des rapsodes ces chants immortels, épars dans la mémoire des homérides, les éditeurs du poème déplacèrent machinalement ces jeux de la place qu’Homère leur avait assignée dans sa composition, et reléguèrent à la fin ce qui ne pouvait avoir de convenance et de beauté qu’au commencement du poème. […] XXXI Le plus sublime pathétique se retrouve bientôt après ces jeux, au vingt-quatrième et dernier chant.

510. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLIXe Entretien. L’histoire, ou Hérodote »

Il la lut en partie aux jeux Olympiques, en 456. […] Ces deux frères, originaires d’Argos, vivaient dans une honnête aisance ; ils étaient de plus distingués par la force du corps, et avaient remporté des prix dans les jeux publics. […] Dans leurs jeux, ces enfants, quoiqu’ils ne le crussent que le fils du pâtre, l’avaient choisi pour roi ; et lui, usant de ses droits, donnait aux uns la charge de bâtir un palais, faisait les autres ses gardes du corps, nommait celui-ci œil du roi, chargeait celui-là de la fonction de recevoir les messages, distribuant ainsi les emplois de sa cour à chacun. Parmi les compagnons de ses jeux, il en était un, fils d’Artembarès, homme considéré parmi les Mèdes. […] Les enfants du village, du nombre desquels est celui-ci, m’ont, dans leurs jeux, choisi pour roi : probablement, ils m’ont jugé le plus digne de l’être.

511. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Jules Sandeau » pp. 322-326

Un noble tableau du premier empire, une brillante image de la société sous la Restauration, un généreux et chaleureux hommage à l’empire actuel et à l’empereur, à la croisade italienne, grosse d’avenir, ont rehaussé le sujet et mis en jeu des sympathies diverses qui se sont confondues à la fin dans un seul et même applaudissement.

512. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Appendice] » pp. 417-422

Cependant Fléchier sentit bientôt qu’il convenait de mettre fin à ces tendres jeux, bien qu’ils fussent purement platoniques ; car, ainsi qu’il en convient lui-même dans un dialogue en vers entre Climène et Tircis, À force de le dire en vers.

513. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — III »

Elle a surtout senti l’importance des langues vivantes dans l’éducation, et en même temps la facilité de cette étude convenablement dirigée ; c’est dans les jeux, dans les repas, que dès l’enfance elle les insinue plutôt qu’elle ne les enseigne à ses élèves, ainsi qu’on fit pour Montaigne, qui parlait latin presque au berceau.

514. (1875) Premiers lundis. Tome III « Émile Augier : Un Homme de bien »

Le jeune et spirituel auteur a (c’est tout simple) beaucoup à apprendre de la pratique du métier et du jeu de la scène ; MM. 

515. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

On comprend après cela les dérisions des sceptiques qui ne veulent y voir qu’un jeu de patience, une construction de fantaisie, une simple amusette à savants, « une fable convenue », disait Fontenelle ; « l’art de choisir entre plusieurs mensonges », disait Jean-Jacques.

516. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Le jeu, les femmes & le vin remplissoient tout son temps.

517. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

La voici : N’admirez tant que la belle Cordière D’Amour en elle ait conçu tout le feu : Son bon mari qui n’entendoit le jeu Chez lui tenoit fabrique journalière, Grand magasin de câbles et d’agrès, Croyant le tout étranger à la Dame ; Mais Amour vint, la malice dans l’âme, Choisit la corde et n’y mit que les traits3. […] Les malins ou les indifférents ont pu prendre ensuite ces jeux d’imagination au pied de la lettre. […] Maints grands seigneurs à mon amour prétendent, Et à me plaire et servir prests se rendent ; Joûtes et jeux, maintes belles devises, En ma faveur sont par eux entreprises ; Et néanmoins tant peu je m’en soucie, Que seulement ne les en remercie.

518. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Tout n’était pas jeu dans la cordialité brusque avec laquelle il traitait ses vétérans. […] Sa composition n’est que trop serrée ; les parties de chacun de ses ouvrages ne sont que trop étroitement liées et subordonnées les unes aux autres ; on y voudrait un peu plus de jeu et un peu plus d’air. […] Le jeu changeant des mêmes causes Emeut les sens différemment Le pinceau des lis et des roses N’est formé que de mouvement ; Un frisson venu de l’abîme, Ardent et splendide à la fois, Avant d’y retourner anime Les blés, le sang, les fleurs, les bois.

519. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

» Les poëtes de l’école de Marot, le maître compris, ne sont pas traités plus doucement : « Laisse-moi, s’écrie-t-il, toutes ces vieilles poésies françoises aux Jeux Floraux de Thoulouze et au pays de Rouen comme rondeaux, ballades, virelais, chants royaux, chansons et aultres episseries qui corrompent le goust denostre langue, et ne servent sinon à porter tesmoignage de nostre ignorance. » Du Bellay propose de remplacer tous ces vieux genres par des genres nouveaux. […] Pour lui, la noblesse du langage consiste dans le choix des termes empruntés soit à la profession des armes, soit à certains exercices et amusements, comme la chasse et le jeu, qui étaient le privilège des classes nobles. […] Le distique suivant, à l’occasion du siégé de Metz, que Charles-Quint fut forcé de lever, n’est pas seulement d’une excellente latinité ; le jeu de mots qui en fait le fond en est très-spirituel : Hie igitur stulti meta est statuenda laboris Nomen et hoc Metas omen habore puta, 82.

520. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Le premier acte met en jeu presque tous les personnages de la pièce. […] Tout se passe en échange de propos galants et en jeux d’esprit, lorsque la cote de la Bourse tombe au milieu du marivaudage. — « Deux francs de hausse !  […] L’étonnant effet de cette scène est dans le jeu serré et concentré de sa lutte.

521. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Avec la vie, il n’est pas loin d’interrompre les jeux. […] Radiguet, dans ses poèmes, ne semble pas s’être sacrifié ni s’être soumis aux vieilles règles du jeu. […] Jeunes gens, vos jeux sont des jeux de massacre. […] Et lorsque s’interrompt le jeu princier de Barrès, qui fut son Chateaubriand, Léon Bérard trace de notre maître, « guetteur aux avant-postes d’une civilisation en péril », un portrait d’un accent magnifique. […] le jeu ne dure pas longtemps.

522. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Absorbée à tout instant par les actes et attitudes qui sortent d’elle, attirée par eux au dehors, s’extériorisant ainsi par rapport à elle-même, elle joue sans doute les représentations plutôt qu’elle ne les pense ; du moins ce jeu dessine-t-il déjà en gros le schéma de l’intelligence humaine 77. […] Que le jeu pur et simple des forces physiques et chimiques puisse faire cette merveille, nous avons peine à le croire. […] D’autre part, tout état de conscience étant, par un certain côté, une question posée à l’activité motrice et même un commencement de réponse, il n’y a pas de fait psychologique qui n’implique l’entrée en jeu des mécanismes corticaux. […] Le cerveau humain est fait, comme tout cerveau, pour monter des mécanismes moteurs et pour nous laisser choisir parmi eux, à un instant quelconque, celui que nous mettrons en mouvement par un jeu de déclic. […] Mais elle se ranime, en somme, là où un intérêt vital est en jeu.

523. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Il est des sources dites autrefois merveilleuses, dans lesquelles si l’on plonge une baguette, un rameau vert, on ne les retire que chargés de sels brillants et à facettes, d’aiguilles diamantées, d’incrustations élégantes et bizarres : c’est à croire à une magie, à un jeu de la nature. […] 4° Il était devenu, il avait voulu devenir poète dramatique, et, malgré un succès brillant une fois obtenu et comme surpris, il sentait bien qu’il ne pouvait saisir la foule, qu’il n’était pas de taille à l’enlever, à s’enlacer à elle dans un de ces jeux prolongés, dans une de ces luttes athlétiques où la souplesse s’unit à la force et où les alternatives journalières se résolvent par de fréquents triomphes. […] L’éloquence, on le sait, est tout entière dans le geste, dans le jeu, dans l’action. […] le plus fort, à ce jeu, est aussi le plus faible : L’homme a toujours besoin de caresse et d’amour… Quand ses yeux sont en pleurs, il lui faut un baiser… Dalila pourtant, cette Dalila qui dort sur ses genoux, s’est cruellement jouée de lui ; elle s’est vantée, entre autres choses, de tout lui inspirer sans rien ressentir : A sa plus belle amie elle en a fait l’aveu : Elle se sait aimer sans aimer elle-même ; Un maître lui fait peur.

524. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Je me souviens néanmoins qu’il montrait déjà son imagination dans ces jeux de l’enfance que George Sand a si bien décrits dans ses Mémoires. […] Il aima toujours ces jeux en mémoire d’elle ; il s’y rappelait ses paroles, et un de ses gestes retrouvé lui semblait un bonheur arraché à la tombe ! […] … « “Il serait temps encore de faire partie nulle et de devenir un M. ***, qui juge tranquillement les autres sans les connaître, qui jure après les hommes d’État sans les comprendre, qui gagne au jeu, même en écartant les atouts, l’heureux homme ! […] La partie engagée, je joue si gros jeu !

525. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Elle joue ici le rôle d’un décor, d’une plastique, d’un jeu de gestes et d’intentions perceptible à l’oreille et pénétrant l’intelligence sans être arrêtée par l’objectivité des phénomènes visuels. […] Déjà cependant les affinités communes à la sensible et à la dominante se groupent bientôt autour de celle-ci, par un jeu mélodique qui, par la précision de ses formes et le timbre des instruments, équivaut à une complète modulation. […] Engel, qui chante avec beaucoup d’expression le rôle de Siegmund ; Mlle Martini, qui fait une Sieglinde remarquable ; Mlle Litvinne, l’opulente et belle Bruunhilde, dont la voix s’est développée, mais dont le jeu est quelque peu terre-à-terre ; enfin M.  […] Wagner recherche principalement le jeu sur les sonorités et utilise allitérations, assonances, onomatopées allitératives.

526. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Il décrit l’influence du séjour d’un beau cavalier dans le château des Bolkonsky sur la sœur recluse, laide et pure du prince André, ou l’émoi profond dans lequel la présence de cet homme à bonnes fortunes jette Natacha fiancée, mais délaissée et tendue à se briser dans l’impuissant désir de son fiancé absent ; le romancier marque la bizarre jouissance de Nicolas Rostow, ruiné au jeu, rentrant dans le salon de sa famille et entendant sa sœur chanter une note particulièrement claire ; toujours est révélée la merveilleuse faculté de l’âme humaine à se prêter aux formes que lui imposent les variations de son ambiance ; en de plus hautes conjonctures, c’est le prince André, dangereusement blessé à Austerlitz, et qui, tombant, distingue de son regard distrait des férocités humaines la profondeur de l’inaltérable ciel bleu, développant sa silencieuse voûte au-dessus du fracas fumeux de la canonnade dans la haute paix de l’infini ; c’est le prince Pierre résolu à assassiner. […] La main de l’écrivain écarte l’ombre, le lecteur aperçoit le cours et la variété de la vie humaine : il connaît le tout de ce monde mouvant et diapré ; les armées s’étreignent et se fondent, les familles se dispersent, se retrouvent, vieillissent et rajeunissent, les êtres croissent, s’apparient et meurent ; les campagnes se glacent et reverdissent, la masse des foules roule sous les palais ou dans le crépuscule, des hommes angoisses méditent sur la vie et la mort ; la lueur de la beauté se pose sur le front des jeunes femmes et s’y ternit ; le jeu changeant des nuances d’âme frémit, s’exalte, s’alanguit et s’active ; passent les visages contractés, souriants, roses ou glacés du froid de la mort, et tandis que cet emmêlement d’hommes et de choses s’insinue dans son intelligence et se projette au loin dans le monde vide de l’esprit, le lecteur frémit et s’égare dans cette évocation de tout l’existant, avec le trouble des vues trop vastes. […] Les êtres passent et repassent ; ils vivent, changent, déploient peu à peu la trajectoire de leur carrière et de leur nature ; entre le dehors et leur dedans s’établit ce jeu d’actions et de réactions d’atteintes et de résistances qu’est la vie ; le lecteur assiste à l’essor graduel et au déclin de leur nature ; et si magistral est l’art avec lequel la diversité des phases altère et ménage la permanence indélébile des individus, ils sont À chaque tournant du récit montrés autres et mêmes avec une si incontestable évidence de réalité, que ce cours de variations de carrières diverses, d’âmes changeantes de visages nouveaux, d’événements successifs, finit d’entraîner mystérieusement le lecteur dans leur muet tourbillon d’apparences et d’ombres. […] C’est au début la scène légère des agitations, des amourettes et des jeux de la nursery, puis cet incident étourdissant, le soir où Natacha hésitant entre ses prétendants, court se blottir dans le lit de sa mère au coucher et lui raconte joyeusement ses peines ; où encore la vie de mascarades, de veillées, de folles courses en traîneau, de chasses et d’innocentes intrigues tout l’hiver à Otradnoé ; la sympathie, le plaisant et réconfortant intérêt pour la joie de ces bonnes gens, seront profonds et bienfaisants.

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