Mais quel rapport imaginer entre la forme ronde, carrée, ovale ou pointue du cerveau, et la mémoire, l’imagination, le jugement, le raisonnement ?
On y trouvera en particulier des observations sur les Noirs qui détromperont ceux qui imaginent que c’est une espêce différente de la nôtre.
Quand on lit ces détails impossibles à inventer, tant ils, sont précis dans leur nouveauté, on ne s’imagine pas qu’on a vécu du temps de Jésus ; mais on croit qu’on y vit encore et que ce n’est pas là de l’histoire, mais de la vie revécue, comme diraient les Hégéliens.
« Les visites fréquentes du roi à sa femme — dit Renée — le jetèrent dans une inquiétude extrême, et il n’imagina pas d’autre moyen d’échapper aux dangers qu’il entrevoyait que de tenir la belle Hortense dans un état de locomotion perpétuelle.
Madame Lenormant, qui veut des lettres à tout prix, s’imagine que des lettres à Madame Récamier sont des lettres de Madame Récamier, Il y a Récamier sur l’adresse, on mettra Récamier sur la couverture, et le trébuchet auquel les niais se prendront est tout prêt… Empressés, affriandés, ils chercheront Madame Récamier dans ce paquet de lettres, et ils trouveront, à leur grand dam, Camille Jordan, le philosophe, Madame de Boigne (pas Madame de Staël !)
Avec leur dureté et leur étroitesse avare, les fauteuils d’orchestre, dans lesquels on a les genoux sciés par ceux qui passent, sont des instruments de torture, et il n’y a de pire, j’imagine, que le pal !
» On ne peut pas imaginer quelque chose de plus simple : c’est le critérium des critérium, grâce auquel vous pouvez juger tout ce qui existe sur le globe.
Nous avons imaginé un système S en repos dans l’éther immobile, et un système S′ en mouvement par rapport à S.
Mais, en somme, il eût vu beaucoup plus clair dans tout cela s’il eût renversé l’ordre de son exposition, étudié d’abord les œuvres de chaque poète, puis, à titre d’indication, les doctrines que le poète a cru imaginer, ou qu’il a empruntées à quelque source extérieure, lorsqu’il s’est mis à réfléchir sur le sens de son œuvre.
Cette disposition était l’effet naturel de la fermentation des esprits, des malheurs des peuples, des grands intérêts politiques et religieux ; enfin de ce système des génies, imaginé ou puisé chez les Chaldéens par Platon, et renouvelé alors avec le plus grand succès.
Imaginez Montaigne — currente rota, cur urceus exit ? […] Il doit imaginer des choses réelles. […] » — « Ci gît le soin que sa mère avait de la garder », ce qui est bien plus finement imaginé encore, car il faut renchérir. — Et les deux gentilshommes avancent. […] Et le plus plaisant, c’est qu’elles s’imaginaient elles-mêmes être de très petites, de très sobres mangeuses. […] Quant à Frédéric, il ne semble tenir à écrire à Voltaire et lui dire des douceurs, que pour en prendre le droit de le fouetter, de temps à autre, du plus cruel et lourd et injurieux persiflage qui se puisse imaginer.
Le mot polygraphe, imaginez un peu cela, devient une injure. […] Derrière ces choses, je vois des êtres, des esprits, ou des lois que je m’imagine très facilement comme des esprits. […] Vous imaginez donc que je ne veux pas que vous lisiez le livre de M. […] Or, un organisme de cellules libres, c’est bien un peu difficile à imaginer. […] L’imaginez-vous, la « conscience sourde » du globule sanguin 3789 qui m’aide en ce moment-ci à écrire ?
Daniel Defoe, qui écrit dans Robinson Crusoé l’autobiographie psychologique de la race saxonne, ne peut, j’imagine, faire l’ombre d’un doute. […] Lord Herbert, ne pouvant imaginer que l’homme simplement vêtu de noir et sans aucune escorte qui l’interrogeait fût le gouverneur de la ville, répondit brusquement aux questions que M. de Saint-Chaumont lui adressa. […] M. de Saint-Chaumont n’ayant pas paru goûter beaucoup de telles excuses, lord Herbert, pour lui donner plus entière satisfaction, imagina de lui envoyer un cartel. […] Imaginez de ressusciter les émotions que vous avez éprouvées pendant la représentation de Macbeth, par exemple, et dites si ces émotions ne sont pas mélodramatiques de leur nature, c’est-à-dire douloureusement physiques ? […] Alors, dès le premier regard, je vis plus de souffrances et plus de tourments que le cœur de l’homme n’en peut imaginer, et sa langue en rapporter, des tourments dont un seul suffirait pour faire hérisser les cheveux, pour glacer le sang, dissoudre la chair, et enfin faire évanouir l’âme elle-même.
VII Quintus Turbidus, et tous ces Dantes et Shakespeares manqués, ne sont nullement propres au commerce aimable de la vie, à la société douce et habituelle et fine, qui demande des esprits proportionnés : Dante, j’imagine, et à coup sûr Shakespeare y étaient propres ; Pétrarque et Goldsmith et André Chénier, et Catulle en son temps, y étaient propres. […] LIII Tout me prouve (malgré ce qui est dit plus haut et qui subsiste) le grand talent déployé par Lamartine dans son Histoire ; je m’amuse à recueillir des témoignages : les hommes qui ont vu la Révolution assurent que cela leur en rend l’impression, le mouvement, les tableaux (M. de Pontécoulant disait cela à M. de Broglie) ; ce dernier (M. de Broglie) me dit qu’il a trouvé dans cette Histoire bien plus d’esprit et de vues qu’il n’imaginait, et il n’est pas indulgent. […] On ne saurait imaginer les petits moyens auxquels recourait ce grand esprit pour n’avoir point à citer les autres : obligé par décence et par un reste d’équité de mentionner leurs noms dans les numéros détachés de la Revue des deux mondes, il s’empressait de les effacer dès qu’il recueillait ses articles en volumes. […] Tel j’étais dès mon arrivée, et ces idées que la nature m’avait données toutes faites, l’âge n’a fait que me les confirmer chaque jour. » En parlant de Corneille, il demande pardon à son ami Cousin qui vient de sortir : « … Mais mon ami Cousin, ajoute-t-il, dit souvent bien des folies ; il ferme les yeux, et il s’imagine qu’il voit des statues.
Critiquer les mœurs littéraires de son époque n’est pas une aussi vaine tâche qu’on pourrait se l’imaginer, et grâce aux tableaux que je vous ferai de celles-ci, vous serez mieux renseignés sur mille petits faits, qui vous semblent obscurs. […] Heureux le jeune homme qui a pu, à vingt ans, ressentir une passion magnifique (qu’il l’ait vécue ou qu’il l’imagine). […] C’est alors qu’on imagina de les présenter comme une bande d’ambitieux sans vergogne, eux qui avaient négligé les plus élémentaires moyens de parvenir et qui s’étaient fait tant d’ennemis par leur fière intransigeance. […] La transition, si l’on en croit Jean Viollis, qui vient de publier ici même d’intéressantes notes sur la Renaissance de l’Esprit Classique, ne sera peut-être pas si brusque que l’on serait tenté de l’imaginer tout d’abord.
Ils se trompent, s’ils s’imaginent en cela avoir le mérite de la difficulté vaincue : il est plus difficile d’écrire et de parler bien sa langue, que de parler et d’écrire une langue morte ; la preuve en est frappante. […] Leur nombre est peut-être plus grand que l’on ne s’imagine ; ce qui le rend difficile à déterminer, c’est qu’il y a des mots que certains auteurs regardent comme pouvant être définis, et que d’autres croient au contraire ne pouvoir l’être : tels sont, par exemple, les mots âme, espace, courbe, etc. […] Enfin il ne faut pas s’imaginer que quand on traduit des mots d’une langue dans l’autre, il soit toujours possible, quelque versé qu’on soit dans les deux langues, d’employer des équivalents exacts et rigoureux ; on n’a souvent que des à peu près. […] Nous ne pouvons lire sans être attendris les péroraisons touchantes de Cicéron, pro Fonteio, pro Sextio, pro Plancio, pro Flacco, pro Syllâ : qu’on imagine la force qu’elles devaient avoir dans la bouche de ce grand homme ; qu’on se représente Cicéron au milieu du barreau, animant par ses pleurs et par une voix touchante le discours le plus pathétique, tenant le fils de Flaccus entre ses bras, le présentant aux juges, et implorant pour lui l’humanité et les lois ; on ne sera point surpris de ce qu’il nous rapporte lui-même, qu’il remplit en cette occasion le barreau de pleurs, de gémissements et de sanglots.
Quant aux réflexions qu’il prête à son héros, j’imagine qu’elles rappellent celles qu’il ne manqua pas de faire lui-même sur la mort tragique du jeune diplomate brunswickois : Hé quoi ! […] Elle se développe presque sans incidents : on ne saurait imaginer une action moins mouvementée, d’allures plus sobres, de ton plus paisible. […] Nous ne pourrions imaginer aucune idée qui ne trouvât en l’un ou en l’autre l’espace de s’épanouir, aucun sentiment dont l’un ou l’autre ne pût être la haute expression, aucun acte que l’un ou l’autre ne pût accomplir. […] Pour l’agrémenter, il imagine donc d’ouvrir leur foyer à l’un de ses amis qui se trouve dans une situation difficile et qu’il n’hésite point à introduire entiers dans leur intimité. […] C’est ainsi que, pour nous initier aux doux mystères de son âme, il a imaginé de lui faire tenir un journal.
Aimable comme vous l’êtes, il est naturel d’imaginer qu’il vous en arrive de semblables. » Ainsi parlaient les nombreux adorateurs de la fiancée du roi de Garbe ! Mais on a quelque peine à « s’imaginer » un capitaine d’artillerie dans ce rôle. […] Mais on ne saurait imaginer, et je ne pense pas qu’on ait jamais vu de plus profonde indifférence que celle de Musset, si ce n’est celle d’Hugo, pour ce grand mouvement historique, philosophique, scientifique, dont ils étaient les contemporains. […] Les Grecs ont trop aimé la vie, l’ont conçue trop riante, n’ont pas imaginé qu’elle eût d’autre objet qu’elle-même ; ils ont manqué du sens de l’au-delà. […] Et, à cet égard, messieurs, si les parallèles étaient encore à la mode, on ne saurait guère imaginer, bien que tous deux nourris dans la même maison, d’homme plus différent de son ami, confrère, et prédécesseur parmi vous, Jules Janin.
Nos romanciers ont redouté de n’imaginer rien qui valût cette réalité simple et prodigieuse. […] Tu n’imagines pas ! […] Plusieurs personnes s’imagineraient que je veux dire par là qu’il faut y peindre les mœurs antiques. […] Imaginer des êtres, un enfant, une jeune fille, imaginer leurs entours et les placer dans une réalité où ils remuent naturellement : ce plaisir suffisait à l’auteur de L’Élève Gilles et de La Maison sur la rive. […] Mais, dans la soirée du 10 juillet, Gramont télégraphie à Benedetti : « Vous ne pouvez vous imaginer à quel point l’opinion est exaltée.
Au contraire, dans les grandes jouissances de l’art, voir et faire tendent à se confondre ; le poète, le musicien, le peintre éprouvent un plaisir suprême à créer, à imaginer, à produire ce qu’ils contemplent ensuite. […] Si l’homme pouvait vivre et faire souche quoique étant tout nerfs et tout cerveau, il tendrait à devenir tel et à réaliser ainsi ce qu’imagine Diderot dans le Rêve de d’Alembert. […] Renan imaginent est physiquement impossible ; la race en disparaîtrait au profit d’une autre mieux équilibrée. […] Praxitèle n’eût pas imaginé la Nuit ou l’Aurore de Michel-Ange ; Michel-Ange ce poète de la pierre — et ce penseur — n’eût pu exécuter telle ou telle œuvre de Praxitèle23. […] Croire qu’on a réalisé un ajustement d’idées et de mots que rien ne peut plus détruire, s’imaginer qu’on a trouvé pour eux l’équilibre éternel, ou plutôt le mouvement perpétuel du rythme soulevant les syllabes et les entraînant en cadence sans les heurter, quoi de plus séduisant et de moins vrai ?
On imagine quelle clameur souleva parmi le petit peuple des rimeurs une législation si dure, et combien, contre des assauts renouvelés, Boileau eut besoin d’appui ! […] Il y avait vingt ans que Rome et le monde romain jouissaient d’une paix profonde, quand il imagina d’écrire à Auguste la belle épître où il le fait juge d’une question de poésie et d’histoire littéraire240. […] Devenu évêque de Condom, il imagina cette manière inouïe de déplorer la mort des personnes royales, qui devait surpasser toutes les merveilles de la parole humaine.
La chose même a été réglée souverainement : il y a des aphorismes pour cela. « Imaginer, dit La Harpe avec son assurance naïve, ce n’est au fond que se ressouvenir. » La nature donc ! […] Rien de trouvé, rien d’imaginé, rien d’inventé dans ce style. […] Il a cédé, lui, au désir de peindre tous ces fanatismes, toutes ces superstitions, maladies des religions à certaines époques ; à l’envie de jouer de tous ces hommes, comme dit Hamlet ; d’étager au-dessous et autour de Cromwell, centre et pivot de cette cour, de ce peuple, de ce monde, ralliant tout à son unité et imprimant à tout son impulsion, et cette double conspiration tramée par deux factions qui s’abhorrent, se liguent pour jeter bas l’homme qui les gêne, mais s’unissent sans se mêler ; et ce parti puritain, fanatique, divers, sombre, désintéressé, prenant pour chef l’homme le plus petit pour un si grand rôle, l’égoïste et pusillanime Lambert ; et ce parti des cavaliers, étourdi, joyeux, peu scrupuleux, insouciant, dévoué, dirigé par l’homme qui, hormis le dévouement, le représente le moins, le probe et sévère Ormond ; et ces ambassadeurs, si humbles devant le soldat de fortune ; et cette cour étrange toute mêlée d’hommes de hasard et de grands seigneurs disputant de bassesse ; et ces quatre bouffons que le dédaigneux oubli de l’histoire permettait d’imaginer ; et cette famille dont chaque membre est une plaie de Cromwell ; et ce Thurloë, l’Achates du Protecteur ; et ce rabbin juif, cet Israël Ben-Manassé, espion, usurier et astrologue, vil de deux côtés, sublime par le troisième ; et ce Rochester, ce bizarre Rochester, ridicule et spirituel, élégant et crapuleux, jurant sans cesse, toujours amoureux et toujours ivre, ainsi qu’il s’en vantait à l’évêque Burnet, mauvais poëte et bon gentilhomme, vicieux et naïf, jouant sa tête et se souciant peu de gagner la partie pourvu qu’elle l’amuse, capable de tout, en un mot, de ruse et d’étourderie, de folie et de calcul, de turpitude et de générosité ; et ce sauvage Carr, dont l’histoire ne dessine qu’un trait, mais bien caractéristique et bien fécond ; et ces fanatiques de tout ordre et de tout genre, Harrison, fanatique pillard ; Barebone, marchand fanatique ; Syndercomb, tueur ; Augustin Garland, assassin larmoyant et dévot ; le brave colonel Overton, lettré un peu déclamateur ; l’austère et rigide Ludlow, qui alla plus tard laisser sa cendre et son épitaphe à Lausanne ; enfin « Milton et quelques autres qui avaient de l’esprit », comme dit un pamphlet de 1675 (Cromwell politique), qui nous rappelle le Dantem quemdam de la chronique italienne.
Il arrive à s’imaginer que c’est une force de s’être affranchi de ce qu’il appelle la bégueulerie. […] Dictés par un amour illimité du gain, tous rêvant un hôtel, c’est à qui imaginera les circonstances les plus brutalement incongrues et les plus capables d’éveiller les curiosités les plus malsaines. […] Zola, en présentant au public des faits de pure invention, s’imagine avoir démontré, d’une manière irréfutable, que pour la classe ouvrière, l’alcoolisme est l’attraction finale.
C’est donc à la caractéristique odeur des cœurs imaginés du roman, qu’ils ont reconnu l’odeur de leur propre cœur. […] N’allez pas vous imaginer que ce titre cache un livre de révolte sociale, des prêches ardents, des anathèmes et des revendications. […] Car cet article, dont je parle en termes enthousiastes, est, — vous l’imaginez du reste, — signé : « Un vieil habitué ». […] Des journalistes ont imaginé que Marguerite Audoux s’écria alors : « Puisque je ne peux plus coudre un corsage, je vais faire un livre. » Cette légende, capable de satisfaire, à la fois, le goût qu’ont les bourgeois pour l’extraordinaire, et le mépris qu’ils ont de la littérature, est fausse et absurde. […] Si gendelettre que je sois, je n’allais tout de même pas jusqu’à m’imaginer que l’univers fût en deuil de mon silence, et que je manquais au bonheur du peuple et des peuples.
Plus tard, on s’est imaginé qu’on était plus profond parce qu’on étalait tout le travail de l’observation, et que l’imagination avait perdu le pouvoir de reproduire la nature vivante. […] Il lui était tellement indiqué par sa situation, que souvent on s’imagine qu’il s’y est conformé. […] On ne doit pourtant pas s’imaginer que ce caractère règne exclusivement dans tous leurs écrits. […] Il comptait, au contraire, l’établir sur une base solide, et s’imaginait que, quand il aurait démontré que c’est l’amour de soi qui rend vertueux, il aurait rendu un grand service à la morale. […] Il imagina de mettre en scène l’éloge de Marc-Aurèle ; il transporte notre imagination au lieu même et au temps où se passait l’action.
Aujourd’hui, le poète manqué s’imagine écrire en prose. […] Mais pourquoi vous imaginez-vous réaliser une harmonie supérieure en vous faisant cirer le bec et les pattes ? […] J’imagine que les livres soigneusement cachés forment le cycle de l’amour et du rêve féminins, et Cœur d’enfant en dit le premier chapitre. […] Elle a publié quarante volumes et elle s’imagine que là-dedans il y a des romans, des drames, des vers et de la critique. […] Le mari de la camarade est ce qu’on peut imaginer de plus invraisemblable.
Eh bien, maintenant, rassemblez tous ces traits, mettez-vous devant les yeux cet humiliant collier de servitude, cette vie en promiscuité, avec l’idéal constant d’une vie et d’une vertu austères devant les yeux, la mort sans cesse défiée, mais sans cesse présente ; le chagrin et la honte d’une situation de mari que nos bons aïeux désignaient par un mot impossible à répéter ici, et où ils avaient rassemblé tout ce qui peut s’imaginer de grotesque et de pénible ; quand vous aurez rassemblé tous ces traits, supposez que tout cela, jeté dans un cerveau de poète comme dans un laboratoire, y fermente et s’y tourne en rire, et songez quel rire formidable, quel rire triste, quel rire sinistre jusque dans sa pleine expansion, vous aurez alors ! […] Aussi, lorsqu’elle dit cela à Pierrot, lui répond-il d’une façon très brutale : « J’aime mieux te voir crevée que te voir à un autre. » Tout ce qui peut s’imaginer de méchant et de pervers se trouve certainement condensé dans cette espèce de vanité féminine, fille de l’instinct pur, que l’éducation, les bonnes maximes et les bons exemples d’une famille honnête ont infailliblement la puissance d’élever, de corriger. […] Cet homme d’un bon sens profond, qui a écrit contre les mariages disproportionnés des pages d’une éloquence si terrible, qui, s’il penche de quelque côté dans ses œuvres, s’il a quelque partialité, penche plutôt du côté de l’entreprenante jeunesse, en qui il est prêt à tout excuser et à tout pardonner ; cet homme imagina, à quarante ans sonnés, malade (sa poitrine était déjà atteinte), usé par les fatigues de sa profession d’auteur, et de sa profession de comédien, usé même par les désordres de sa vie antérieure, imagina, dis-je, d’associer à sa vie une petite fille de dix-sept ans, Armande Béjart, élevée au théâtre dans sa propre troupe, parmi les maximes licencieuses dont le théâtre de cette époque est plein, et parmi les mauvais exemples dont la vie de comédien était alors exclusivement remplie, et que Molière lui-même avait donnés autant que personne. […] Non qu’il faille s’imaginer que le théâtre soit un miroir et rien de plus, les mœurs de la scène celles de la ville, et que la fantaisie, même arbitraire, n’ait aucune part à la création des types comiques. […] CÉSAR Après avoir combattu le Sénat, pouvais-je empêcher un corps toujours redoutable par le respect qu’il inspirait au peuple, pouvais-je l’empêcher d’achever de se perdre en me prodiguant de basses flatteries que je ne lui demandais point, et d’enlever à sa propre dignité tout ce qu’il imaginait d’ajouter à la mienne ?
C’est pourquoi « celui qui est sage n’est pas riche, comme disent les stoïciens, mais celui qui est riche est sage559. » Pour la religion, elle n’est que la « crainte d’un pouvoir invisible feint par l’esprit ou imaginé d’après des récits publiquement autorisés560. » En effet, cela est vrai pour l’âme d’un Rochester ou d’un Charles II ; poltrons ou injurieux, crédules ou blasphémateurs, ils n’ont rien soupçonné au-delà. — Nul droit naturel. « Avant que les hommes se fussent liés par des conventions, chacun avait le droit de faire ce qu’il voulait contre qui il voulait. » Nulle amitié naturelle. « Les hommes ne s’associent que par intérêt ou vanité, c’est-à-dire par amour de soi, non par amour des autres. […] Quant aux mystifications des maris, des tuteurs et des pères, j’imagine que vous n’y voyez point d’attaques en règle contre la société ou la morale. […] N’imaginez pas non plus que je vous accorderai jamais quoi que ce soit. […] Sa verve était irrésistible ; point d’esprit plus éblouissant ; il était inépuisable en bons mots, en inventions, en saillies, en idées neuves ; lord Byron, qui était bon juge, dit qu’il n’a jamais entendu ni imaginé de conversation plus extraordinaire. […] Imaginez les demi-charges qu’on improvise vers onze heures du soir dans un salon où l’on est intime.
On n’imagine point, quand on ne l’a point vue, cette fraîcheur, cette innocence ; beaucoup d’entre elles sont des fleurs, des fleurs épanouies ; il n’y a qu’une rose matinale, avec son coloris fugitif et délicieux, avec ses pétales trempés de rosée, qui puisse en donner l’idée ; cela laisse bien loin la beauté du Midi et ses contours précis, stables, achevés, arrêtés dans un dessin définitif ; on sent ici la fragilité, la délicatesse et la continuelle poussée de la vie ; les yeux candides, bleus comme des pervenches, regardent sans songer qu’on les regarde ; au moindre mouvement de l’âme, le sang afflue aux joues, au col, jusqu’aux épaules, en ondées de pourpre ; vous voyez les émotions passer sur ces teints transparents comme les couleurs changer sur leurs prairies ; et cette pudeur virginale est si sincère, que vous êtes tenté de baisser les yeux par respect. […] On ne saurait imaginer des clubs mieux munis du nécessaire et du superflu, des maisons si bien approvisionnées et si bien menées, l’agrément et l’abondance si savamment entendus, un service si sûr, si respectueux, si rapide.
Prédécesseurs de Bossuet Ce serait une erreur de s’imaginer, sur la foi d’extraits trop judicieusement choisis, qu’avant Bossuet, tout est ridicule, emphatique, précieux, pédant dans les discours des prédicateurs. […] Homme de logique, il s’imaginait en avoir fini avec les hérétiques pour avoir acculé l’hérésie à une contradiction : il ne pensait pas que, pour vivre, l’hérésie s’adapterait à cette contradiction, et se transformerait en la supprimant.
C’est que l’artiste est libre, mais non pas indépendant au point que quelques-uns l’imaginent. […] Quand les sauvages pleurent un chef, les femmes chantent les louanges du mort, elles disent ses vertus et ses combats, et par moments, en présence du cadavre, elles rêvent le héros marchant encore dans sa force et dans sa beauté : ainsi font nos poètes avec leur fiction de Christianisme ; ils commencent par la plainte, la désolation, puis leur vient le regret de la dernière religion connue d’eux, et ils finissent quelquefois, en s’exaltant, par s’imaginer qu’elle vit encore.
Il est aisé d’imaginer d’avance quel accent allait donner aux Pensées de Pascal, comparées aux écrits philosophiques de Descartes, la différence des vérités qui y sont traitées, soit qu’on en regarde l’ordre, soit qu’on en apprécie l’intérêt pour celui qui les cherche, comme pour ceux qu’il en veut convaincre. […] Ce que Pascal imagine pour rendre sa matière agréable, pour être enjoué en restant sérieux, savant sans fatiguer de sa science ; ce qu’il déploie d’invention pour faire sortir la vérité d’où on l’attend le moins, et pour en rendre l’effet plus sûr, rappelle toutes les grâces des Dialogues de Platon, auxquels on a judicieusement comparé les Provinciales.
On n’a aucune idée de cette race d’hommes fiers et belliqueux ; on n’imagine pas les vertus qui se mêlaient à leur courage féroce ; on ne conçoit ni leur grossièreté ni leur génie. […] J’imagine que les chants arabes et espagnols avaient pu donner, par la musique même, le type de cette poésie provençale, si rigoureusement asservie dans ses mètres. […] Il est entre autres une forme singulière, que, dans notre civilisation avancée, on n’imaginerait pas, qui suppose une communauté, une affinité perpétuelle entre plusieurs langues. […] Ces poétiques souvenirs conservaient tant de force, que Milton, dans sa jeunesse, avait imaginé d’y consacrer un poëme épique, par lequel il se promettait d’immortaliser son nom. […] La facilité de cette langue qui avait peu de règles, et de cette poésie qui n’en avait qu’une, la rime, permettait à tout homme doué de quelque invention et de quelque mouvement d’esprit, de raconter longuement ce qu’il savait ou ce qu’il imaginait.
Il ne faudrait pourtant point se le figurer à cet âge un sujet trop régulier, toujours esclave de son travail et le front courbé sur le Digeste : tel n’était point le président Jeannin en sa jeunesse : Car nous avons appris de tous ceux de son temps, dit Saumaise, qu’il avait exercé toutes les libertés que la chaleur du sang et celle de l’âge peuvent imaginer en cette heureuse saison.
Il n’était sorte de moyens ni de stratagèmes qu’il n’imaginât pour soutenir l’espoir et prolonger l’illusion courageuse des assiégés.
. — La seule conclusion que je veuille tirer, c’est que nous avons désormais en Vauvenargues un sujet plus compliqué qu’on ne l’imaginait, un sujet plus mélangé et plus humain, et moins pareil (au moral) à une belle statue d’éphèbe.
Dans ces Mémoires, d’ailleurs, le grand Frédéric ne parle guère que de batailles, ce à quoi je n’entends rien… Ce que j’aurais voulu surtout savoir, c’est comment Frédéric menait son gouvernement, et les réflexions que ce sujet lui suggérait ; mais j’imagine qu’il dédaignait trop cette partie de sa vie pour s’appliquer à la faire comprendre au lecteur.
Il eût pu arriver à une grande renommée. » Il est téméraire de prédire ce qui sera ; il est plus téméraire encore et plus vain de prétendre s’imaginer ce qui n’a pas été.