L’homme, se repliant sur lui-même en présence de ces hautes vicissitudes, commença à prendre en pitié l’humanité, à méditer sur les amères dérisions de la vie. […] Si du monde idéal il passe au monde réel, il y déroule d’intarissables parodies de l’humanité. […] Dans ce partage de l’humanité et de la création, c’est à lui que reviendront les passions, les vices, les crimes ; c’est lui qui sera luxurieux, rampant, gourmand, avare, perfide, brouillon, hypocrite ; c’est lui qui sera tour à tour Iago, Tartufe, Basile ; Polonius, Harpagon, Bartholo ; Falstaff, Scapin, Figaro. […] C’est par là qu’ils touchent à l’humanité, c’est par là qu’ils sont dramatiques. « Du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas », disait Napoléon, quand il fut convaincu d’être homme ; et cet éclair d’une âme de feu qui s’entr’ouvre illumine à la fois l’art et l’histoire, ce cri d’angoisse est le résumé du drame et de la vie.
L’humanité est plus grossière et plus forte en appétits que cela ; c’est comme si l’on voulait juger de l’ensemble d’une végétation rustique par quelques fleurs panachées de la serre du Luxembourg.
Il faut voir dans Corneille comment, dans les âmes des héros, pour produire les révolutions soudaines des nations, parmi les grands intérêts des États et les raisons de la plus sublime philosophie, peuvent trouver place et prendre rang de causes efficaces les incidents familiers de la vie réelle, les relations sociales, les affections de famille, les situations communes que créent à tous les hommes les croyances et les institutions communes de l’humanité.
Au reste c’est l’éternelle antinomie : l’exercice de la vertu suppose l’homme libre, et les doctrines qui marquent le plus haut degré de l’effort moral dans la vie de l’humanité, stoïcisme, calvinisme, jansénisme, sont celles qui théoriquement suppriment la liberté.
De l’aspect accidentel des choses, il étend sa vue à tout ce qui, dans le temps et dans l’espace, réjouit d’amour ou poigne d’angoisse l’âme tragique et douce de l’humanité.
J’entends bien que chaque Poète ne crée pas à nouveau l’univers, mais il le crée en partie pour ceux qui savent le lire et le compléter ; il le créerait totalement si son œuvre était l’Œuvre définitive à laquelle toute l’humanité travaille, et il peut même en donner une image complète dans le domaine restreint qu’il s’est choisi, si, en ces justes limites, son œuvre est parfaite.
Il faut ainsi envisager sous toutes leurs faces ces êtres imaginaires que le romancier ou l’auteur dramatique ajoute à l’humanité qui a vécu réellement.
Le siecle d’or devoit renaître sous cette nouvelle Astrée ; de nouveaux Prométhées sembloient avoir dérobé au Ciel des feux plus purs, pour animer & béatifier les humains : bienfaisance, humanité, tolérance, vertu, bonheur, étoient les cris de leurs promesses : superstition, abus, fanatisme, ignorance, esclavage, étoient les anathêmes de leur zele.
* * * Un curieux fait dans l’histoire de l’humanité que ce grand acte de dévouement accompli dans une société féodale par toute une famille de vassaux, et que, depuis deux siècles, le Japon célèbre par le théâtre, le roman55, l’image.
De là, sur notre scène, trois espèces d’œuvres bien distinctes : l’une vulgaire et inférieure, les deux autres illustres et supérieures, mais qui toutes les trois satisfont un besoin : le mélodrame pour la foule ; pour les femmes, la tragédie qui analyse la passion ; pour les penseurs, la comédie qui peint l’humanité.
Il fit ses Humanités au Collège de Clermont ; et comme il eut l’avantage de suivre feu Monsieur le Prince de Conti dans toutes ces Classes, la vivacité d’esprit qui le distinguait de tous les autres, lui fit acquérir l’estime et les bonnes grâces de ce Prince, qui l’a toujours honoré de sa bienveillance et de sa protection.
Les guerres que les grecs se faisoient entr’eux, étoient donc ce qu’on appelle proprement des guerres reglées où l’humanité se pratiquoit, souvent avec courtoisie.
L’humanité, depuis qu’elle existe, a toujours roulé entre trois systèmes et l’esprit humain n’en conçoit pas un quatrième : la polyandrie, le plus mauvais de tous, car il crée l’amazonat sous toutes les formes, le massacre des enfants et la pulvérisation sociale ; la polygamie, qui ruinerait l’État, si le sabre de Mahomet n’y mettait ordre, et enfin la monogamie, ce diamant divin d’une eau si pure, qui est l’exclusion de tous les inconvénients, qui agrandit la tête, épure le cœur et équilibre toutes les facultés.
… On a toujours ri dans l’Humanité, depuis sa chute : c’est le cri poussé par l’homme en tombant !
On peut être grand et être coupable ; mais les plus grands dans l’humanité sont les moins coupables, et, parmi ceux-là, Ximénès fut un des plus irréprochables et des plus purs !
Il ne fut pas même un grand poète, — un poète, cette chose de troisième rang dans l’humanité.
Est-ce que dernièrement encore l’immense caricature n’a pas tourné au tragique, et avions-nous besoin de cela pour savoir ce qu’ils ont dans le ventre, ces poussahs au cerveau figé et à la poitrine vide de tout sentiment d’humanité et d’honneur ?
Certes, quand on descend d’une pareille chaîne d’esprits et qu’on va d’Aristote à… Sieyès, à travers le christianisme qui de toutes les manières fut une révélation, on se demande ce qui aurait manqué à l’humanité, devenue chrétienne, quand elle n’aurait pas eu, pour tracasser ses annales, tous ces gaillards-là !
Il ne fut pas même un grand poëte — un poëte, cette chose de troisième rang dans l’humanité !
Après Hegel, voici du Renan, ce lâche hégélien que Hegel aurait méprisé : « Nous nous consolons de passer à travers le souvenir de la pensée universelle, comme passent les êtres à travers la vie, dans l’immensité de l’inconnu. » « La dispute philosophique, — dit encore, par la plume d’Armand Hayem, le vaniteux mandarin des mandarins qui veut constituer à son profit l’aristocratie de l’écritoire, — la dispute philosophique est le privilège de quelques esprits, jusqu’aux temps où ils pourront ouvrir à l’humanité des vues et des destinées nouvelles.
Ces compositions hybrides et morbides, mystérieuses, mystagogiques, qui traitent de magie et de surnaturalités et charrient dans leur flot noir ou brumeux toutes les superstitions et tous les songes de l’humanité, l’auteur des Illuminés les avait lues, et peut-être y avait-il cru, le temps de les lire ; car il n’était préservé par rien, ce sceptique à impression, qui se teignait pour une minute de tous les milieux par lesquels il passait, et qui nous a avoué quelque part qu’il avait été chrétien, polythéiste, mahométan, bouddhiste, enfin de dix-sept religions, tour à tour.
Enfin des hommes qui honoraient de grandes places par de grandes lumières, tels que le cardinal d’Ossat et le président Brisson ; et ce Harlay, intrépide soutien des lois parmi les crimes79 ; et ce L’Hôpital, poète, jurisconsulte, législateur et grand homme, qui empêcha en France le fléau de l’inquisition, qui parlait d’humanité à Catherine de Médicis, et d’amour des peuples à Charles IX ; qui fut exclu du conseil, parce qu’il combattait l’injustice ; qui sacrifia sa dignité, parce qu’il ne pouvait plus être utile ; qui, à la Saint-Barthélemi, vit presque les poignards des assassins levés sur lui, et à qui d’autres satellites étant venus annoncer que la cour lui pardonnait : « Je ne croyais pas, dit-il d’un air calme, avoir rien fait dans ma vie qui méritât un pardon. » Voilà les noms les plus célèbres que l’on trouve dans les éloges de Sainte-Marthe.
Il était impossible que l’enfance de l’humanité suivît une marche différente ; on a remarqué dans un axiome que les enfants ont au plus haut degré la faculté d’imiter le vrai dans les choses qui ne sont point au-dessus de leur portée ; c’est en quoi consiste la poésie, laquelle n’est qu’imitation.
Un livre à succès n’est jamais qu’une de ces deux choses : l’explosion dans une seule âme d’une disposition presque universelle quoique encore latente du temps, ou bien la prophétie d’une vérité à venir qui n’éclaire encore qu’une tête supérieure à l’humanité. […] Il employa douze ans à le composer ; il y résuma, comme dans un poème séculaire, toute la passion, toute la foi, tout le scepticisme, toute la beauté morale et toute la laideur infernale de l’humanité. […] C’est la médaille à l’endroit et à l’envers de l’humanité, l’une portant l’effigie du bien, l’autre l’effigie du mal, sans que le monde, incertain, puisse dire : J’appartiens à ce dieu : ou, Je suis la victime de ce démon.
Les besoins de l’humanité sont des prophéties, peut-être cet homme est-il né. […] Mais éclairer l’humanité sur les caractères de la vertu, lui montrer avec pleine lumière la fin obligatoire de toutes les actions humaines, et lui indiquer les voies qui mènent à cette fin, c’est un immense service ; et l’on n’a point à s’étonner de l’estime et de la gloire qui le récompensent. […] Mais la science morale serait coupable envers l’humanité si elle abdiquait en faveur de la politique, comme on le lui a plus d’une fois conseillé.
Qu’ils s’arrangent ; les grandes œuvres de l’humanité sont anonymes, un roman peut bien l’être. […] J’avoue même que moi, qui vivais, qui pensais et qui sentais déjà en ce temps-là, moi qui partageais les angoisses du peuple pauvre et sacrifié à la noblesse des barons d’empire, je retrouve dans ce livre la mémoire minutieuse de cette époque de la grandeur d’un homme de guerre et de la servitude d’un peuple ébloui de ses chaînes : il n’y a pas de plus grande leçon de dédain pour l’opinion de l’humanité que celle que l’humanité donne elle-même en divinisant quarante ans après le maître qui faisait de l’héroïsme avec le sang inutilement versé de quelques millions de ses pareils.
Et pour la plupart ils vivaient là dans de délicieux loisirs ; on passait la journée tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, et, soit groupé autour d’une bouteille de bon vin, soit étendu aux bords du lac, on discutait religion, philosophie, l’avenir de l’humanité, la science, l’art, les racines des mots… Il y avait Mommsen, le célèbre historien, professeur aujourd’hui à Berlin ; les physiologistes Ludwig et Koëchly ; le philosophe Moleschott, un chef reconnu des matérialistes scientifiques ; les poetes Herwegh et Keller ; l’architecte Semper ; le peintre Kietz ; le savant philologue Ettmüllerbb. […] La découverte d’un nouveau langage », dit Wagner. « était une nécessité métaphysique de notre époque… le développement moderne de la musique a répondu à an besoin profondément senti de l’humanité… (VII, 149). […] « L’homme qui a pénétré le secret du monde, d’après Schopenhauer, connaît tout, embrasse l’essence de tout, trouve l’humanité en proie à un effort vain, à un combat intérieur et à une souffrance ; il voit partout où il regarde l’homme souffrant et aussi l’animalité.
Toute une humanité étrange, immémoriale, abolie, dont les multitudes, évoquées par l’historien grec, rappellent l’immense charnier d’Ézéchiel prenant souffle et vie. […] Marathon et Platée, Salamine et Mycale ne sont point des batailles locales, circonscrites dans l’intérêt d’un peuple et dans les limites d’une contrée ; leur horizon est celui de l’humanité. […] Athènes asservie ou détruite, l’élite de son peuple transportée dans les provinces de la Médie ou de la Susiane, un harem installé sur la colline sacrée que le Parthénon devait couronner, les tribus de l’Hellade changées en Satrapies, comme elles le furent en pachaliks, dix siècles plus tard ; quelle perturbation dans l’avenir de l’humanité, quel changement d’axe et d’orbite dans sa gravitation historique !
La phraséologie fulgurante du Hugo des trente-cinq dernières années donne la chair de poule aux trembleurs qu’épouvantent les mots ; aux Prudhommes, pour qui tout saltimbanque, jonglant avec les vocables Liberté, Égalité, Fraternité, Humanité, Cosmopolitisme, États-Unis d’Europe, Révolution et autres balançoires du libéralisme, est un révolutionnaire, un socialiste bon à coffrer, sinon à fusiller. […] Ainsi que l’on se nourrit de pain et de viande, Hugo se repaît d’Humanité et de Fraternité. — Le 14 août 1848, huit jours après le départ du premier convoi, qui transportait 581 insurgés, il fonda à côté de la Réunion de la rue de Poitiers la Réunion de la Fraternité. […] La simple humanité lui commandait de protester contre ces idiotes calomnies et d’essayer d’apaiser ces bourgeois apeurés, réclamant une impitoyable répression.
Ainsi est faite la misérable humanité ; elle ne s’arrête jamais dans le vrai et dans le juste, elle se précipite à l’excès, et elle ne se croit libre de l’oppression que quand elle opprime à son tour. […] Je m’étais dit : Qu’y a-t-il de plus intéressant aujourd’hui dans l’humanité ? […] Son aïeul lui en découvre le secret, et dans ce cadre admirable Cicéron rassemblait ses plus fortes doctrines sur Dieu, la nature, l’humanité.
Nous ne nous mêlerons plus de faire, malgré elle, le bonheur de l’Humanité, réservant pour les nôtres tout notre zèle et le meilleur de nos forces. […] et comme une humanité qui croirait à ces doctrines désolantes serait excusable de se précipiter vers toutes les anarchies qui peuvent hâter son suicide et préparer la conflagration finale d’un monde maudit ! […] Les vérités les plus essentielles à l’humanité, celles qui lui ont permis d’ordonner sa conscience et ses actes, de prolonger son existence éphémère par la suite ininterrompue de la tradition, — ces vérités primordiales, c’est elle qui les a mises en circulation sous des formes indestructibles.
D’ailleurs si le comique porte sur des caracteres généraux & sur quelque vice radical de l’humanité, il ne sera que trop ressemblant dans tous les pays & dans tous les siecles. […] Arnaud, attribue tous les maux de l’humanité à la honte du bien. […] entreprenne, exécute de grandes choses, soit pour le bonheur, soit pour le malheur de l’humanité, son action aura toute l’importance qu’exige la dignité de l’épopée. […] Or ces interêts ne sont pas ceux de tel ou de tel homme, mais ceux de l’humanité en général, le plus grand & le plus digne objet du plus noble de tous les poëmes. […] En supposant donc le fléau de la guerre inévitable pour l’humanité, la profession des armes doit être la plus honorable, comme elle est la plus périlleuse.
Zola dans une préface récente, coucher l’humanité sur une page blanche, toutes les choses, tous les êtres, une œuvre qui serait l’arche immense. » Noble et vaste ambition sans doute, mais l’humanité n’est-elle donc composée que de coquins, de fous et de grotesques ? […] L’humanité est cependant plus large. […] Mais quand il les aurait vues, quelle serait cette manie de ne regarder l’humanité que par ses plus vilains côtés ? […] Je crois au moins qu’il n’était pas fâché de s’entendre dire qu’il était « dur pour l’humanité ». […] La première vertu du poète, comme du romancier, celle sans qui toutes les autres aussitôt diminuent de prix et risquent de tomber à rien, c’est l’universelle sympathie pour les misères et les souffrances de l’humanité.
C’est le germe de vie pourtant, le premier gage de la fusion avec les peuples d’Europe, élus à ce moment pour conduire l’humanité. […] Est-ce diminuer Pouchkine que de l’enlever à sa race pour le rendre à l’humanité ? […] Malheur aux générations qui ne sont pas un instant crédules au mensonge de la vie, qui ne se brûlent pas à leur propre flamme et laissent refroidir la vieille humanité ! […] L’homme s’enflammera pour l’humanité d’un amour plus ardent que le monde n’en vit jamais. […] Ceux-ci sont des réalistes aimants ; les autres étaient des idéologues haineux, l’amour de l’humanité ayant tourné chez eux en haine contre la société.
Il ne dédaigne pas les trivialités qui peuvent compléter l’humanité de ses héros. […] Il a touché à toutes les questions qui intéressent l’humanité. […] Tant de projets peuvent se tourner vers ce berceau de l’humanité, que le voyageur le mieux préparé peut bien changer, chemin faisant, d’ambition et de volonté. […] Les crimes qui retentissent dans nos tribunaux sont là pour attester cette division de l’humanité. […] Quand le prêtre s’est épanoui dans toute sa splendeur, la souffrance se réveille et l’humanité se remet à gémir.
toi, crie-t-il à Kestner, tu n’as pas senti comment l’humanité t’embrasse, te console ! » Kestner, dans son modeste intérieur, fut quelque temps à se remettre de cette brusque invasion et de cette embrassade en masse de l’humanité.
Puisse l’humanité arriver un jour à triompher parmi les hommes ! […] Sainte-Beuve, dans tout ce qui précède, n’a eu d’autre idée que de dépeindre, avec des scènes qu’il trouvait toutes crayonnées, des cris inspirés et des traits d’après nature, le hideux spectacle de ce que, tout à l’heure, il nommait lui-même le cynisme des guerres civiles ; et par son appel final au triomphe de L’humanité parmi les hommes , et à un idéal avancé de civilisation, que nous ne paraissons pas près d’atteindre, hélas !
Divisés entre eux sur les mesures les plus immédiates, palpitants et au dépourvu devant ces autres théories inflexibles qui s’avançaient droit contre leur regard comme un étroit et rigide acier, leur résistance fut toute d’instinct, d’humanité, de cœur. […] Il faut voir dans la Vie de Madame de La Fayette, par Mme de Lasteyrie (1858), les rapports et la correspondance de Mme de La Fayette avec Roland ministre, lorsqu’elle fut mise en arrestation en septembre 1792 ; il y eut là aussi une gradation marquée, depuis la première rigueur jusqu’au réveil des sentiments d’humanité et de justice.