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1335. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre II. Du sens et de la valeur des mots »

Et Voltaire nous enseigne que : Le premier qui fut roi fut un soldat heureux.

1336. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

. — L’Art d’être heureux (1876). — L’Art d’être malheureux (1876). — On demande un tyran (1876). — L’Esprit d’Alphonse Karr (1877)

1337. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

C’est quand il parle des eaux calmes, des eaux presque mortes, et qu’il assimile les silencieux aquariums aux cerveaux humains, où les idées glissent ou rampent, où les actinies s’entr’ouvrent un instant, c’est par le détail heureux qu’il est poète.

1338. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Georges de Bouhélier (1876-1947) »

La confuse tendresse qui troublait l’esprit d’un jeune homme n’a plus besoin, pour s’exprimer, d’emprunter une mythologie rustique, mais trouve sa raison comme son but dans la femme qu’il sut élire ; c’est une destinée qui se fixe et définitivement s’attache ; il est heureux qu’une aussi favorable aventure nous ait valu de beaux vers.

1339. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIII. Beau trio » pp. 164-169

Il y a dans les ultimes chapitres — et je suis heureux, après des compliments que de mauvais esprits craindront énigmatiques, de finir sur une louange sincère : — il traîne en queue de roman une intrigue de juge d’instruction où Mme Fénigan croit son mari assassin, tandis que son mari la suppose coupable, et que c’est au juste un vieux braconnier qui a fait le coup, il y a là un de ces quiproquos à triple détente, d’un comique irrésistible, et dont M. 

1340. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

Rousseau avoit reçu du Ciel cette heureuse influence qui forme les vrais Poëtes.

1341. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

Indulgente pour les déformations spontanées, œuvre de l’ignorance, sans doute, mais d’une ignorance heureuse et instinctive, elle admettrait avec joie les innovations du parler populaire ; elle n’aurait peur ni de gosse, ni de gobeur et elle n’userait pas de phrases où figure kaléidoscope 113 pour réprouver les innovations telles que ensoleillé et désuet 114.

1342. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

Peu de personnes mêmes sont assez heureuses pour n’éprouver que rarement un de ces deux états, et pour être ordinairement à elles-mêmes une bonne compagnie.

1343. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 36, de la rime » pp. 340-346

Pour une pensée heureuse que l’ardeur de rimer richement peut faire rencontrer par hasard, elle fait certainement emploïer tous les jours cent autres pensées dont on avoit dédaigné de se servir sans la richesse ou la nouveauté de la rime que ces pensées amenent.

1344. (1912) L’art de lire « Chapitre XI. Épilogue »

Heureux peut-être ceux qui n’ont pas besoin de livre pour penser, et tout à fait malheureux évidemment ceux qui en lisant ne pensent exactement que ce que pense l’auteur ; je ne sais même pas quel plaisir ceux-ci peuvent avoir et je ne puis me le définir.

1345. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre II. Dryden. »

Ainsi muni, il va s’asseoir l’après-midi au café de Will, qui est le grand rendez-vous littéraire ; les jeunes poëtes, les étudiants qui sortent de l’université, les amateurs de style se pressent autour de sa chaise, qui est soigneusement placée l’été près du balcon, l’hiver au coin de la cheminée, heureux d’un mot, d’une prise de tabac respectueusement puisée dans sa docte tabatière. […] Il y a d’heureuses antithèses, des épithètes d’ornement, de belles comparaisons travaillées, et tous les artifices de l’esprit littéraire. […] VI Laissons donc ce théâtre dans l’oubli qu’il a mérité et cherchons ailleurs, dans les écrits de cabinet, un emploi plus heureux d’un talent plus complet. […] Ici Dryden a rassemblé en un vers un long raisonnement ; là une métaphore heureuse a ouvert sous l’idée principale une perspective nouvelle781 ; plus loin deux mots semblables collés l’un contre l’autre ont frappé l’esprit d’une preuve imprévue et victorieuse ; ailleurs une comparaison cachée a jeté une teinte de gloire ou de honte sur le personnage qui ne s’y attendait pas782. […] Des dames si logiciennes ont des grossièretés étranges : Lyndaxara son amant qui la supplie de le rendre « heureux ».

1346. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

La famille qui a fait la France en neuf cents ans existe ; plus heureux que la Pologne, nous possédons notre vieux drapeau d’unité ; seulement, une déchirure funeste le dépare. […] S’il est vrai, comme il semble, que la royauté et l’organisation nobiliaire de l’armée sont perdues chez les peuples latins, il faut dire que les peuples latins appellent une nouvelle invasion germanique et la subiront. »  II Heureux qui trouve dans des traditions de famille ou dans le fanatisme d’un esprit étroit l’assurance qui seule tranche tous ces doutes ! […] Or la vie qui révolte nos travailleurs rendrait heureux un Chinois, un fellah, êtres qui ne sont nullement militaires. […] Quand les vainqueurs du jour auront réussi à rendre le monde positif, égoïste, étranger à tout autre mobile que l’intérêt, aussi peu sentimental que possible, on trouvera qu’il fut heureux cependant pour l’Amérique que le marquis de Lafayette ait pensé autrement ; qu’il fut heureux pour l’Italie que, même à notre plus triste époque, nous ayons été capables d’une généreuse folie ; qu’il fut heureux pour la Prusse qu’en 1865, aux plans confus qui remplissaient la tête de l’empereur, se soit mêlée une vue de philosophie politique élevée. […] J’ai été heureux de m’être rencontré, dans les vues qui suivent, avec quelques bons esprits qui cherchent en ce moment le remède à nos institutions si défectueuses.

1347. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Et Sa Majesté, après avoir témoigné sa satisfaction à l’heureux maître d’hôtel, lui ordonnait de les porter au sieur Baudouin, contrôleur de la bouche, et de lui dire d’en faire un petit plat pour la Reine mère, un pour la Reine, un pour le Cardinal, et qu’on lui conservât le reste que Monsieur mangerait avec Elle. […] Comme je feuillette ces portraits, je lui dis : — Eh bien, là-dedans, quels sont les gens qui se disent heureux ? — Tenez, voilà Camille Doucet, dit Régamey en me montrant son portrait, qui se proclame le plus heureux des hommes, et qui professe, que pour être heureux, il n’y a qu’à le vouloir. […] — En voilà encore un parmi les heureux, regardez-le, s’écrie Régamey, c’est Barthélemy Saint-Hilaire… il est, tout le temps, à parler du bonheur de vivre, des jouissances, que chaque jour apporte. […] Bukovics, directeur d’un théâtre de Vienne, est heureux d’offrir comme primeur royale à son public : La Faustin, et qu’elle sera jouée en janvier ou en février, par Mme Sandrock, qui serait, à l’heure présente, la meilleure Faustin, existant en Allemagne.

1348. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Le mieux serait, j’en conviens, que tout fût nouveau, l’air et la chanson ; mais un si heureux privilège n’est donné qu’à un petit nombre. […] Après ce grand récit épique, Corneille, par un heureux contraste, et avec une agréable variété, ramène tout à coup une scène de tragi-comédie. […] Je cours à ces heureux moments Qui vont livrer ma vie à vos ressentiments. […] Dona Jacinta Mais parvenir sans passer par les moyens, n’est-ce pas heureuse fortune ? […] Ces sortes de suites sont rarement heureuses.

1349. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Le mot est heureux. […] Aucun philosophe avant lui n’avait, par exemple, analysé d’une façon aussi plastique ce qu’il appelle d’un mot heureux la contagion artistique. […] Je tremble aux dangers que court n’importe quelle hardiesse ; je suis enchanté des heureuses trouvailles dont Bizet est innocent… Où suis-je ? […] Et il est heureux qu’il en soit ainsi. […] Combien je suis heureux, chère amie Lou, de pouvoir dire maintenant en pensant à nous deux : “Nous sommes au commencement de tout et cependant tout est clarté.”

1350. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Les hommes aiment à ne rien faire ; ils « veulent être heureux, et voudraient l’être à peu de frais ». […] N’est-ce point une idée très heureuse que d’avoir ramené Gil Blas de sa retraite sur le théâtre des affaires ? […] Monsieur, il vous est tout loisible… » — Et alors, comme nous sommes, sinon heureuse, du moins contente de nous, ce qui est la petite monnaie du bonheur ! […] Car de deux choses l’une : ou il est malheureux, et c’est un drame qui commence, ou il est heureux, et il n’y a rien à en tirer du tout. […] Il veut que l’homme se trouve heureux (Mondain) et il veut qu’il se méprise (Marseillais et Lion).

1351. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

« Heureux cheval, qui portes le corps d’Antoine !  […] Est-il heureux ou souffre-t-il ?  […] Toute justice qui dure est injustice. — Sois heureux avec le moment. […] Le père, la mère, deux jeunes filles et un enfant semblent heureux et tranquilles. […] Il dépasse sans cesse le sublime et gâche dans l’absurde une audace heureuse.

1352. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Certes, c’est en conscience qu’ils maudissent les profanateurs qui viennent troubler ce culte heureux qui, en échange de petites pensées arrangées en jolies phrases ; leur vaut tous les avantages que le gouvernement d’un grand peuple peut conférer, les cordons, les pensions, les honneurs, les places de censeurs, etc., etc. […] Loin de là, les acteurs et directeurs sentent qu’un jour (mais peut-être dans douze ou quinze ans ; pour eux voilà où est toute la question), le Romantisme fera gagner un million à quelque heureux théâtre de Paris. […] Les plus heureux de ces poètes, ceux que le public applaudit, étant en même temps journalistes libéraux, disposent du sort des premières représentations, et ne souffriront jamais l’apparition d’ouvrages plus intéressants que les leurs ; 4º Les moins redoutables des ennemis de la tragédie nationale en prose, telle que Charles VII et les Anglais, les Jacques bons Hommes, Bouchard et les moines de Saint-Denis, Charles IX, sont les poètes associés des bonnes-lettres. […] « C’est monsieur un tel qui a ou l’heureuse idée du poing coupé » ou bien : « Monseigneur, quand vous ne parlez pas, ma foi, je vote suivant ma conscience ». […] En attendant ce hasard heureux et vu les critiques amères dont les Chambres et la société poursuivent les hommes du pouvoir, ce qui ne les met nullement d’humeur à permettre la plaisanterie, essayons la tragédie romantique au théâtre.

1353. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Mme Daudet l’interrompt, en disant ingénument : « Je crois vraiment que je n’étais pas tout à fait développée en ce temps, je ne me rendais pas compte… » Je penserais plutôt qu’elle avait la foi des gens heureux et amoureux, la confiance que tout s’arrangerait dans l’avenir. […] Léonide heureuse de sa voix à moitié retrouvée, me montre avec orgueil son dos, où il n’y a plus de peau par la morsure des taxia. […] Daudet me parle de ses heureuses soirées, là dedans, avec sa femme, après des journées de travail et de courses désordonnées dans la forêt de Senart. […] Une heureuse jeunesse appartenant tout entière au bonheur sensuel de vivre, en cette contrée de lumière, d’amour et de vin du Château des Papes, et où, dans la cervelle du romancier futur, ne s’était point encore glissé le souci littéraire. […] Ribot crie qu’il est le plus heureux des hommes, qu’il est dans la lune de miel du repos, qu’il n’a jamais eu l’esprit si tranquille ; cependant il avoue qu’il ne sait pas si plus tard… Renan, revenu des bains de mer, boursouflé d’une graisse anémique, cause de son prêtre de Nemi, vantant l’avantage du dialogue, qui permet un tas d’interprétations autour des choses qui préoccupent sa pensée.

1354. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Il nous montre le monde sortant des mains de Dieu par un effet de sa Toute-puissance ; l’homme né pour être juste & heureux, frappé de malédiction ; son Libérateur promis & annoncé dans tous les siécles aux Patriarches & aux Prophêtes ; sa venue dans ce monde au tems marqué ; sa Religion prêchée & reçue dans tout l’univers ; les Empires qui s’élévent & qui tombent successivement. […] Il n’est pas toujours heureux dans le choix des circonstances, ni dans celui des réfléxions. […] Les unes & les autres sont profondément pensées, bien liées, remplies de vues & de conjectures heureuses. […] Mais celui-ci n’est pas si agréable à lire, pas si heureux dans le choix de ses détails, pas si intéressant dans la façon de les présenter, pas si plein, & cependant plus chargé dans sa narration. […] On n’y trouve point cette variété de tableaux, cette finesse de caractères, cette abondance de réfléxions, cet heureux choix de matieres qui distinguent le grand historien.

1355. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Mais combien plus heureux, combien meilleur et plus doux ! […] Aristophane louche les plus graves pour l’homme et la cité ; mais il en gravité dans un rire inextinguible, Shakespeare décante tout le ton aigre de la vie, et il la sublime, tantôt dans la mélancolie tendre, tantôt dans la tendresse heureuse. […] Et l’on entend l’alouette des caresses heureuses chanter, comme une source qui déborde, l’allégresse d’un cœur plein de larmes bénies. […] On y sent une pensée subtile et vaste, heureuse de s’introniser en cette forme légère et délicatement ciselée. […] Jane Hugard publie ses premiers poèmes, « Poèmes des temps heureux », dans Les Cahiers idéalistes français, n° 18, juillet 1918.

1356. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Ma biographie »

Je n’ai pas toujours été heureux en retour, et parmi ceux qui ont bien voulu s’occuper de moi, il en est fort peu qui y aient mis les soins indispensables et dont le premier était de s’enquérir de l’exactitude des faits. […] Je m’empressai de faire part à Hugo de cette heureuse recrue poétique. […] S’il y a dans ce portrait du père de la ressemblance physique avec son fils (et on peut y en voir), tous ceux qui ont connu Mme Sainte-Beuve mère (et sans parler des plus anciens voisins du quartier, il est encore des témoins, des amis qu’on est heureux de nommer, MM. le docteur Veyne, Auguste Lacaussade, Xavier Marmier, le poète Auguste Desplaces, retiré dans le Berry, un bon ami d’Avignon, M.  […] Il y aura bien des heureux par ce moyen, et la chose ne se passera point en simples souvenirs.

1357. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

… Je vivais heureuse de mon sort, aimée, jeune, riche, honnête et belle ; je suis maintenant avilie, misérable, malheureuse… Mon père allait assister à quelque tournoi dans la ville de Bayonne ; parmi les chevaliers qui venaient pour y figurer, soit qu’Amour me le fît ainsi apparaître, soit que sa valeur éclatât d’elle-même en lui, le seul Zerbin me sembla digne de louange ; c’était le fils du grand roi d’Écosse, « Pour lequel, après qu’il eut donné dans la lice des preuves merveilleuses de sa chevalerie, je me sentis prise d’amour, et je ne m’aperçus que trop tard que je n’étais plus à moi-même ; et, malgré tout ce que je souffre pour lui, je ne puis m’arracher de l’esprit que je n’avais pas mal placé mon cœur, mais que je l’avais donné au plus digne et au plus beau des paladins qui soit sur la terre. » Elle raconte comment ils s’aimèrent. […] Ô heureuse mort ! […] je le sais bien, moi, dit Thérésina : nous en étions à ce chant, si malheureusement interrompu par notre voyage, où le beau Médor, ce jeune Sarrasin, si tendre et si courageux de cœur pour sauver le corps de son maître mort, est blessé par les féroces Écossais de Zerbin, et où la belle Angélique, touchée de sa jeunesse et de sa beauté, va cueillir des simples dans les prés pour guérir ce charmant païen. » Léna sourit légèrement en admirant la mémoire heureuse de la jeune fille : « Qu’aurait-elle pu retenir de plus analogue à son âge et à son imagination d’enfant ? […] « Volez heureuse dans l’éternel séjour, âme fidèle et tendre, s’écrie en finissant l’Arioste ; puissent mes faibles chants immortaliser en vous le modèle des chastes amants ! 

1358. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

« Ainsi supérieure et à la tristesse et à toute autre passion, ainsi heureuse de les avoir toutes domptées, un reste de passion suffirait toujours, non seulement pour priver l’âme de son repos, mais pour la rendre vraiment malade. […] Quoi qu’il en soit, l’homme toujours modéré, toujours égal, toujours en paix avec lui-même, jusqu’au point de ne se laisser jamais ni accabler par le chagrin, ni abattre par la crainte, ni enflammer par de vains désirs, ni amollir par une folle joie, c’est là cet homme sage, cet homme heureux que je cherche. […] Et c’est dans ces réflexions que l’esprit humain a puisé la connaissance des dieux, connaissance qui produit la piété, la justice, toutes les vertus, d’où résulte une heureuse vie, semblable à celle des dieux, puisque dès lors nous les égalons, à l’immortalité près, dont nous n’avons nul besoin pour bien vivre. […] Mais, je le répète, si ma disgrâce avait eu un dénouement moins heureux, de quoi pourrais-je me plaindre ?

1359. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Au contraire, Échécratès, cet ami me paraissait heureux, à le voir et à l’entendre, tant il mourut avec assurance et dignité ! […] XXI Mais Socrate est plus heureux quand il réplique à un des interlocuteurs qui compare l’âme à l’harmonie résultant de l’unisson des cordes de la lyre, harmonie, dit le faiseur d’objections, qui périt avec l’instrument lui-même. […] XXII « L’âme, continue-t-il, qui est immatérielle, qui va dans un autre séjour, de même nature qu’elle, séjour parfait, pur, immatériel, et que nous appelons pour cette raison l’autre monde, auprès d’un Dieu parfait et bon (où bientôt, s’il plaît à Dieu, mon âme va se rendre aussi), l’âme, si elle sort pure, sans rien emporter du corps avec elle, comme celle qui pendant sa vie n’a eu aucune faiblesse pour ce corps, qui l’a vaincu et subjugué au contraire, qui s’est recueillie en elle-même, faisant de ce divorce son principal soin, et ce soin est précisément ce que j’appelle bien philosopher ou s’exercer à mourir ; « L’âme donc, en cet état, se rend vers ce qui est semblable à elle, immatériel, divin, immortel et sage, et là elle est heureuse, affranchie de l’ignorance, de l’erreur, de la folie, des craintes, des amours déréglées et de tous les maux des humains, et, comme on le dit des initiés, elle passe véritablement l’éternité avec les dieux (les êtres divins). […] « — J’entends, dit Socrate ; mais au moins il est permis et il est juste de faire ses prières aux dieux, afin qu’ils bénissent notre voyage et le rendent heureux ; c’est ce que je leur demande ; puissent-ils exaucer mes vœux !

1360. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Ils leur laissaient ce qui ne peut pas se prendre ; ils laissaient à Lope de Véga sa verve, et tout ce qui échappe de vérités à un génie heureux, malgré son public et malgré lui-même. […] Heureux le génie à qui il a été donné de l’exciter ! heureux le spectateur qui se dilate au théâtre ! […] Tout à l’heure le père ne soutiendra pas le mari, et ce sera fort heureux pour Henriette que son oncle Ariste trouve moyen de rendre Trissotin odieux, même à Philaminte, en démasquant le malhonnête homme sous le pédant.

1361. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

et parmi ces langueurs agonisantes, c’est déjà le très océaneux aperçu, le lent sublime immensément distant vers où l’on avait rêvé, le fuyant idéal, ah, par le désir de qui l’on est damné : et une force juvénile a brisé la force massive ; encore les gémissements, profonds, souterrains, décroissants et implorants, et des lamentations, les lentes plaintes des destinées évanouies : hélas, j’eus des jours victorieux, je fus puissant, je fus un regard levé au ciel, je fus heureux, je meurs, hélas, hélas ; plaintes, lamentations et gémissements, qui se traînent à terre et s’affaissent, en la vision de l’idéal et du désir qui l’a perdu ; car voilà qu’une commisération s’est élevée, large comme les sanglots mourants, comme l’éloignement des entrevus effacés, et qu’une intime commisération monte envers la brillant Siegfried des Victoires pour l’Or, et l’âme avec tant de regrets périe s’exalte en une charité, oh Fafner, âme simple, et tu dis en ta mort la pitié des quelconques chercheurs d’idéal. […] Et je suis heureux de trouver ici à ma thèse l’appui de l’étude jadis publiée dans cette revue par M.  […] j’ai erré, et vois que j’erre. — Voici le printemps des renaissances ; tes larmes ont été rosée : je t’apporte le baptême des mauvais désirs effacés, et le sacre des bons désirs offerts, et le baiser des vrais désirs en leur exaucement ; et : en un recueillement bien heureux béatifie-toi. […] Gawan : Une maîtresse et des jours heureux.

1362. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Il nous adresse sur notre livre de chauds compliments qui nous font du bien au cœur, et nous sommes heureux de cette amitié qui vient à nous franchement, loyalement, avec une sorte de démonstration robuste. […] Il y a des esprits qui naissent domestiques et faits pour le service de l’homme qui règne, de l’idée qui réussit, du succès : ce terrible dominateur des consciences, — et c’est le plus grand nombre, et ce sont les plus heureux. […] » Ensuite il nous parle avec enthousiasme, presque avec une cupidité amoureuse de cette fameuse « Voûte verte », que nous allons voir, de ces diamants, de ces pierres précieuses, sur lesquelles il semble que la lumière soit heureuse, il semble que le rayon jouisse… S’il était riche, il aimerait à en avoir, à les tirer de leur écrin, à les faire chatoyer au soleil, comme un avare tire de l’or au jour. […] * * * — Si, dans notre vie, il n’y a eu, jusques à présent, ni chance, ni hasard heureux, nous avons du moins cette grande chose, une chose peut-être unique depuis que le monde existe, cette société intellectuelle de toutes les heures, cette mise en commun de nos orgueils, enfin cette communion des cœurs, à laquelle nous sommes habitués comme à la respiration : un bonheur rare et précieux.

1363. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

C’est cette heureuse coïncidence de bonnes fortunes littéraires qui vit et qui fit naître Racine, c’est-à-dire la perfection incarnée de la langue poétique en France ! […] Sa mémoire, aussi heureuse que son imagination était émue, s’imprégnait de ces belles harmonies de la poésie grecque, de cette musique passionnée du cœur humain. […] Or, les sentiments doux, habituels, modérés, heureux, de l’âme humaine, sont cependant des notes délicieuses de la poésie, cette musique de l’âme. […] S’immoler pour son nom et pour son héritage, D’un enfant d’Israël voilà le vrai partage : Trop heureuse pour lui de hasarder vos jours !

1364. (1853) Histoire de la littérature française sous la Restauration. Tome I

M. de Maistre transporta à l’Église, notre mère selon la grâce, cette tendre affection qu’il avait eue pour sa mère selon la nature, et, dans tous ses rapports avec les pouvoirs légitimes, on retrouve la trace de cette heureuse alliance : un esprit libre, réglé par un cœur soumis. […] Pendant les cent-jours, M. de La Mennais était allé chercher un asile en Angleterre, pour ne reparaître en France qu’avec la seconde restauration, qu’il considérait comme un événement aussi heureux pour la religion que pour le pays. […] L’amour-propre fut un aussi puissant mobile pour lord Byron que l’amour l’avait été pour le Grec de la poétique légende ; mais l’amour-propre fut plus heureux que l’amour, car, suivant les vers du poëte anglais, là où Léandre rencontra la mort, son imitateur ne rencontra que la fièvre. […] M. de Lamartine, en exprimant ses propres sentiments et ses propres pensées, se trouvait avoir exprimé, de la manière la plus complète et la plus heureuse, les pensées et les sentiments de l’époque. […] Sans doute les imitateurs, ces frelons empressés à butiner le miel des abeilles, ont ôté à ce genre de poésie un peu de sa fraîcheur par leurs contrefaçons plus ou moins heureuses et plus ou moins fidèles.

1365. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

« Plus heureux que moi, puisqu’il me restait des liens qui m’ont forcé à leur survivre. […] Le rapin, il faut le croire, est libre et heureux aujourd’hui, mais il n’en était pas ainsi il y a cinquante ans. […] Enfin, s’il n’est pas célèbre, il est heureux ! […] Cette fois il a satisfait de la manière la plus heureuse à la condition d’unité si impérieuse dans les ouvrages d’art. […] Il y a des gens qui ont des idées on ne peut plus heureuses, mais il leur est impossible de les rendre ; c’est évidemment comme s’ils n’en avaient pas.

1366. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — II. (Fin.) » pp. 364-380

Comme dans la comédie de Marivaux, L’Heureux Stratagème, Marianne est tentée par moments d’user de représailles, d’aimer ou de faire semblant de se faire aimer par d’autres : « D’autres que lui m’aimeront, il le verra, et ils lui apprendront à estimer mon cœur… Un volage est un homme qui croit vous laisser comme solitaire ; se voit-il ensuite remplacé par d’autres, ce n’est plus là son compte, il ne l’entendait pas ainsi. » C’est assez montrer comment Marivaux, même quand il échappe au convenu du roman, au type de fidélité chevaleresque et pastorale, et quand il peint l’homme d’après le nu (éloge que lui donne Collé), nous le rend encore par un procédé artificiel et laisse trop voir son réseau de dissection au-dehors. […] Tantôt (dans Les Serments indiscrets), c’est l’amour-propre piqué qui s’engage à l’étourdie, et qui retarde et complique tout d’abord un aveu qui allait de lui-même échapper des lèvres ; tantôt, ce même amour-propre piqué, et la pointe de jalousie qui s’y mêle (dans L’Heureux Stratagème), réveille un amour trop sûr qui s’endort, et le ramène, au moment où il allait se changer et dégénérer en estime ; tantôt (comme dans Les Sincères, comme dans La Double Inconstance), l’amour-propre piqué ou flatté détache au contraire l’amour, et est assez fort pour le porter ailleurs et le déplacer.

1367. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Ces tableaux de Léopold Robert résultaient d’études d’hommes et de femmes vus sur place, rendus avec sagacité et conscience dans leur physionomie, dans leur caractère intime et leur génie natif, et groupés ensuite par l’artiste dans une composition longuement méditée et savamment réfléchie : ce sont de grandes idylles de Théocrite en peinture, reconstruites avec l’effort heureux et le sentiment plus rassis qui préside à une scène des Géorgiques. […] D’habitude il n’allait point dans le monde ; ses bonnes journées, c’étaient celles où il avait pu travailler depuis le commencement du jour jusqu’à la nuit : « Je suis si heureux quand je puis travailler autant !

1368. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

On y voit Reynier, officier savant et d’ordinaire peu heureux, ayant en lui je ne sais quel défaut qui paralysait ses excellentes qualités et justifiait cette défaveur de la fortune, « fort possédé du goût d’écrire sur les événements auxquels il assistait, et dissertant sur les opérations qu’on aurait pu entreprendre ». […] Tout cela est dit si vivement, d’un jet si net, si aisé, avec de si agréables détails et des excursions si heureuses, si imprévues, qu’on n’est pas tenté de contredire et qu’on aime mieux écouter.

1369. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Il y a de quoi dire : Heureux ceux qui l’ont quitté, qui ont, dans un beau jour, abordé au ciel !  […] Je suis heureuse aujourd’hui.

1370. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Le maréchal, bien qu’il eût de l’amitié pour Villars et qu’un jour, qu’il le voyait en habit brodé d’or s’exposant sur une brèche, il s’échappa jusqu’à lui dire : « Jeune homme, si Dieu te laisse vivre, tu auras ma place plutôt que personne », ne fit point dans le cas présent ce qu’il désirait : « Et cela fut heureux pour le marquis de Villars, ajoutent les Mémoires ; car d’être demeuré dans cette brigade lui valut d’avoir la meilleure part à quatre actions considérables qui se passèrent dans le reste de cette campagne. » Ce petit désagrément, qui tourna si bien, servit dans la suite à le persuader tout à fait de sa bonne chance et le guérit pour toujours de demander ni même, à ce qu’il assure, de désirer d’être plutôt dans un corps que dans un autre. […] On ne peut nier qu’il n’ait, en effet, conquis par ses seules actions et ses services continuels l’avancement dont il fît un si heureux et glorieux usage.

1371. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire de la littérature française à l’étranger pendant le xviiie  siècle, par M. A. Sayous » pp. 130-145

Cette heureuse modification qui tempérait la rigidité, devenue impossible, de Calvin, et qui mettait Genève plus en accord avec l’air extérieur, fut, en grande partie, due à un ministre et prédicateur, Alphonse Turretin, lequel avait beaucoup voyagé dans sa jeunesse, avait visité Newton et Saint-Évremond à Londres, Bayle et Jurieu en Hollande, Bossuet, Fontenelle et Ninon à Paris, et qui, après bien des comparaisons de curieux, était revenu dans sa patrie, mitigé, modéré et tolérant. […] Heureux défaut, et qui rappelle encore, par une sorte de marque héréditaire, la suite des ancêtres !

1372. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Prevost-Paradol fit ses débuts ; il choisit pour premier sujet l’étude des écrivains moralistes : on y pouvait voir une sorte d’à-propos et de convenance heureuse par rapport à la cité qui a produit Vauvenargues. […] Thiers, comme j’inclinerais à le penser, il n’aurait jamais eu son jour, — j’entends son jour plein, son tour entier de soleil, la carrière ouverte au libre essai de sa politique ; et après quelques mois d’espérance à deux reprises, après avoir passé par le pouvoir, comme on dit, il se serait senti déçu, déjoué, évincé, et se serait rejeté dans l’étude, dans quelque œuvre individuelle : heureux qui peut se réfugier dans un monument !

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