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731. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

J’ai chanté les héros, les bergers & les bois.

732. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

Un héros de ce caractère étoit capable, sinon d’éclipser, de balancer au moins Henri IV.

733. (1912) L’art de lire « Chapitre VII. Les mauvais auteurs »

Selon Aristote, on se purge de la peur et de la pitié en les éprouvant, au théâtre, pour les malheurs de héros imaginaires, grâce à quoi elles ne demeurent pas en nous pour nous assombrir.

734. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

Il n’a pas assez loué son héros.

735. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Le premier roman, digne de ce nom, puisque ni la moquerie de l’auteur, ni la folie du héros n’entament la nature humaine assez profondément pour qu’on ne puisse la reconnaître, Don Quichotte, est de 1602.

736. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Évidemment, il ne s’est pas conduit en héros, mais quel auteur dramatique n’en eût fait autant ? […] Cependant, des témoignages considérables affirment que le héros poussa les choses à fond. […] Elle n’a pas le culte des reliques, ni celui des héros non plus ! Les héros, quels raseurs ! […] Et qui fut plus chevaleresque que ce héros d’Homère ?

737. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Et il serait facile de prouver, par des extraits de ses confessions, qu’il fut aussi naïf, aussi aimable, aussi noble que les héros de ses romans. […] Ce sont des héros un peu chapardeurs. […] Peu importe, ici, le costume inévitable dont les héros de ce roman romanesque sont affublés par les tailleurs et par les couturiers de la troisième République. […] Voici le héros et l’héroïne de son récit. […] » se jetteront au travers des chastes amours où s’attardent les héros et les héroïnes de race blanche qu’a célébrés doucement le rural André Theuriet.

738. (1889) La littérature de Tout à l’heure pp. -383

On vit alors le vieux Corneille ranimer les héros de Rome, et, de par la magie de Racine, se redresser de l’oubli le peuple majestueux de Sophocle et d’Euripide. […] Il n’est plus neuf, Dieu merci, de dire que cet illustre héros d’esprit fut un imbécile20. […] » Oui, ils ont leurs caractères généraux, de même que les héros de Racine : et voyez donc comme Achille est violent ! […] Ses héros sont vulgaires, quelconques, leurs chagrins, leurs gaîtés, leurs ambitions, leurs « circonstances » aussi. […] Ce n’est pas un héros, ce n’est qu’un témoin.

739. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Les simples indications de son livret militaire (si toutefois les héros ont des livrets) équivalaient à une épopée. […] Le 24 février 1809, notre héros est obligé de sortir avec la garnison décimée et le capitaine général désespéré, du fort Desaix bombardé et béant. […] s’écrie à bout d’illusions son triste héros, le professeur Gustave Bruchstaedt, la femme est mobile comme la plume au vent. […] Léon Cahun et son héros dans toutes les péripéties de leur vie errante. […] de devenir un héros.

740. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Il a voulu être un héros à la Plutarque, un tyrannicide dans le goût d’Harmodius et d’Aristogiton. […] Je n’examinerai pas non plus si l’héroïne de M.  […] On dirait qu’il s’est appliqué à rendre insignifiante et sans accent l’atrocité de son héroïne. […] L’un des deux frères est un industriel, comme les héros des drames et des romans bourgeois. […] D’un seul mot, il a fait de Hoche le héros de la légalité.

741. (1864) Études sur Shakespeare

Eschyle, Sophocle, Euripide, entreprirent d’émouvoir le peuple en lui retraçant les graves destinées des héros et des rois ; Cratinus et Aristophane se chargèrent de le divertir par le spectacle des travers de leurs contemporains ou de ses propres folies. […] Toujours simples dans leurs émotions, les héros de Shakespeare ne le sont pas également dans leurs discours ; toujours vrais et naturels dans leurs idées, ils ne le sont pas aussi constamment dans les combinaisons qu’ils en forment. […] Évidemment ces héros, qui ne font rien pour le public que sentir, et parler sous ses yeux, n’en seront compris et accueillis qu’autant qu’ils se rencontreront avec lui dans leur manière de concevoir, de sentir, de parler, et l’effet dramatique ne peut résulter que de leur aptitude à s’unir dans les mêmes impressions. […] Obligé de rendre compte des changements survenus, dans le cours de six mois ou d’un an, à des spectateurs qui, tout à l’heure, l’ont vu disparaître de la scène, le héros tragique ne formerait-il pas avec lui-même une étrange disparate ? […] Ni la science, ni la réflexion, ni les scrupules de la conscience, ni les incertitudes de la pensée n’entravent souvent les héros de Shakespeare ; le doute est peu à leur usage, et la violence de leurs passions fait bientôt passer leur croyance du côté de leurs désirs, ou leurs actions par-dessus leur croyance.

742. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Toute la fin de son art, c’est qu’on soit comme son héros, épris des belles personnes, qu’on les serve comme des divinités, en un mot, qu’on leur sacrifie tout, si ce n’est peut-être la gloire !  […] Il y a même un passage où il indique clairement Shakespeare en parlant des Anglais « qui se sont élevés contre nos héros de comédie, galants à propos et hors de propos, et poussant à toute outrance les sentiments tendres !  […] La tragédie, avant de se permettre des héros français, a attendu jusqu’à Voltaire. […] En fait de farce, il nous a donné plus de héros que tout le théâtre espagnol, si fécond, n’en trouva jamais : Sganarelle, Orgon, Scapin, les uns vieux, les autres jeunes, espiègles, imbéciles, ivrognes, amoureux, pendards ; et enfin M. de Pourceaugnac ! […] Cet amour d’Alceste a précédé tous les amours sérieux des héros de Racine ; Le Misanthrope est plus vieux d’un an qu’Andromaque, et je ne sais personne qui ressemble plus à notre Alceste, que Pyrrhus.

743. (1895) Hommes et livres

Tous les héros de Corneille sont des héros de la volonté : Je suis maître de moi comme de l’univers : Je le suis, je veux l’être…, dit Auguste dans Cinna. […] Cela me rappelle les romans d’éducation à l’usage de la jeunesse, où le héros prend l’une après l’autre toutes les mauvaises habitudes dont on veut purger le lecteur, toutes les qualités qu’on y veut greffer. […] N’est-il pas visible que Le Sage prête sans cesse à son héros les pensées qui sont commandées par la nature des aventures où il le jette ? […] Mais tout cela n’est encore qu’en germe dans Le Sage, et de plus il tâche d’amuser, d’intéresser ; il n’en veut pas à la vie, qu’il ne flatte pas, et il sympathise avec ses héros, dont il se moque. […] Ainsi en arriva-t-il de la comédie de Destouches : il dut prendre des héros vertueux.

744. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Dans une lettre à la duchesse de Lesdiguières, qui était son héroïne tout comme le maréchal de Clérembaut est son héros, le chevalier traduit la Matrone d’Éphèse, qui amusera aussi la plume de Saint-Évremond. […] Si Pétrone et le chevalier de Grammont étaient les deux héros de Saint-Évremond, Pétrone et le maréchal de Clérembaut étaient ceux de notre chevalier, et, si habile de conduite que pût être ce maréchal au parler bègue44, je le soupçonne sans injure d’avoir été un modèle un peu moins ravissant que le beau-frère d’Hamilton. […] Que si M. le Prince, comme vous dites, se montre un peu moins favorable à mes observations, c’est que, dès sa première enfance, il estime cet excellent génie, et que les héros ne reviennent pas aisément.

745. (1813) Réflexions sur le suicide

Poursuivez, Monseigneur, la carrière dans laquelle un si bel avenir Vous est offert, et Vous montrerez au monde ce qu’il avait désappris, c’est que les véritables lumières enseignent la morale, et que les héros vraiment magnanimes, loin de mépriser l’espèce humaine, ne se croient supérieurs aux autres hommes, que par les sacrifices mêmes qu’ils leur font. […] C’est à ces mêmes sources que le héros et le poète viennent puiser leurs inspirations. […] Ces héros citoyens de l’antiquité qui auraient supporté la mort plutôt que l’esclavage, étaient capables d’une soumission religieuse envers la puissance du Ciel, tandis que des écrivains modernes qui prétendent que le christianisme affaiblit l’âme pourraient bien, malgré leur force apparente, se plier sous la tyrannie avec plus de souplesse qu’un vieillard débile mais chrétien. […] Depuis deux mille ans les penseurs, les héros, les poètes, les artistes ont consacré la mort de Socrate par leur culte ; mais ces milliers de Suicides causés par le dégoût et l’ennui dont les annales de tous les coins du monde sont remplies, quelles traces ont-ils laissées dans le souvenir de la postérité ?

746. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Dans son imposante majesté, le héros, semblable à un dieu, siégeait sur son trône impérial ; ses braves compagnons étaient rangés autour de lui, le front ceint de myrtes et de roses (c’est ainsi qu’on doit couronner l’héroïsme). […] Le musicien vit la démence guerrière qui bouillonnait sur le visage d’Alexandre, il remarqua ses joues enflammées, ses yeux ardents, et, tandis que le héros défiait la terre et le ciel, il changea de ton et abattit son orgueil. […] Vois comme à ce bruit formidable le héros soulève la tête comme s’il sortait du tombeau et regarde autour de lui avec étonnement. […] Tous ceux qui la composent portent une torche ; ce sont les ombres des héros grecs tués dans le combat, et qui gisent sans sépulture et sans honneur dans la plaine.

747. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Et cependant, quand on pense qu’une fin pareille a frappé un homme qui avait foulé aux pieds la vie et le bonheur de millions d’hommes, la destinée, en se redressant contre lui, paraît encore avoir été très indulgente ; c’est une Némésis qui, en considérant la grandeur du héros, n’a pas pu s’empêcher d’user encore d’un peu de galanterie. […] Il ne manqua pas son effet : le jeune Goethe arriva bientôt, plein de joie, disant que ces chapeaux de son héros étaient le nec plus ultra de sa collection. Cinq minutes ne s’étaient pas écoulées que le dessin était encadré, mis sous verre, et placé parmi les autres attributs et monuments du héros. […] Il avait lu les Mémoires du général Rapp, ce qui amena la conversation sur Napoléon et sur les sentiments que Mme Laetitia a dû éprouver en se voyant la mère de tant de héros et d’une si puissante famille.

748. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Ces censeurs ont tout critiqué jusqu’au dessein d’Homere ; & descendant du plan aux détails, ils ont trouvé ridicule que des Rois & des grands Capitaines fissent leurs cuisines eux-mêmes ; que leurs mets les plus friands fussent du bœuf, du mouton, du porc grillé sur les charbons ; que leurs richesses ne consistassent qu’en bestiaux ; qu’ils se fissent des présens de chaudieres, de trépieds & d’autres choses semblables ; qu’Homere fit pleurer ses Héros ; qu’il leur mît dans la bouche des injures, lorsqu’ils sont en colere. […] Tous ses Héros ont de la valeur ; mais les traits dont il peint leur courage sont aussi variés que leurs caractères mêmes. […] C’est que le premier n’a célébré que des Héros, qu’il n’a célébré que des Jeux qui n’ont intéressé que la Grèce, & que le second en chantant l’Amour & le Vin a intéressé les passions de l’humanité, qui à cet égard sera toujours la même. […] Il chante, à l’exemple de Pindare, les Dieux, les Héros & les Combats ; il badine avec Anacréon, ou emprunte de la lyre de Sapho, des sons tendres & touchans pour célébrer les charmes de Glycere & les douceurs de la vie champêtre.

749. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Il le fut si bien, qu’à dater de la publication de Μ. de Cassagnac, les écrivains révolutionnaires, comme Michelet, par exemple, renoncèrent à la poésie et à la vertu de leurs grands hommes et se rabattirent sur un héros plus vague, — le Peuple anonyme et collectif. […] Au milieu de ce labyrinthe d’intrigues, de ce mauvais air d’antichambre, de police et de sales manèges, qui est comme le fond de ces deux volumes, on sent battre le cœur du pays à travers la frontière, on entrevoit quelque chose de vengeur, quelque chose de dessouillant, comme disait Napoléon, qui va venir et qui s’approche, et l’écrivain, qui est très habile, prépare admirablement le coup d’État final de son héros. […] Avec Carnot, ce curieux mélange de puritanisme et de bucolique ; avec Pichegru, ce héros qui déshonore son casque en le tendant à l’argent de la trahison ; avec La Révellière-Lépeaux, ce Quasimodo de la cathédrale sans cloches de la théophilanthropie et dont Cassagnac nous a levé une empreinte si dédaigneusement burlesque ; avec madame de Staël, qui ne l’éblouit pas et qu’il sait regarder dans ses beaux yeux sans perdre la fermeté d’un homme qui juge une femme et sait la placer un peu au-dessous de sa gloire, Cassagnac nous a donné un Babeuf qu’on ne connaissait pas, et qu’il faudra désormais apprendre quand il s’agira d’en parler. […] Quoi qu’il ait été, du reste, il a été cela, — un homme fort, — et quoi qu’il fût devenu, il l’aurait été encore… Je sais, dans mon pays, une ancienne famille de guerriers et de héros qui portent ce magnifique nom : les « Aux-Épaules », et qui le justifient.

750. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Il fut triste, au fond, comme un protestant, ce catholique qui avait fait ses études dans Rousseau, et qui, quand il ne l’aima plus, n’en garda pas moins toutes les mélancolies sur sa pensée… Chateaubriand, de race de chevaliers français qui teignaient de leur sang les armes de France (sa devise), n’avait point la gaîté de la vieille et gaie France, la gaîté du roi saint Loys et du sénéchal Joinville, qui étaient des hommes gais, quoique héros et saints ! […] Mais dans ce Chevalier de Kéramour, joli comme le nom de son héros, il a désarmé sa gaîté et elle n’est plus que charmante. […] On avait parlé d’un livre sur les Jésuites, et je croyais que le célèbre romancier, resté romancier quoique ardemment devenu chrétien dans sa vie comme dans sa pensée, allait nous donner un roman dont les Jésuites seraient le sujet et les héros. […] Si le monastère n’a pas péri de ce mal intérieur qui lui dévorait les entrailles, c’est grâce à la piété de ses moines et au courage de ses commandants militaires, parmi lesquels il se rencontra un abbé, un abbé-capitaine, Geoffroy de Servon, ami de Duguesclin, qui, au plus noir de la guerre de Cent ans, fit de sa crosse une lance et fut exactement un héros.

751. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Que la vanité (puisqu’il veut l’appeler ainsi), élevée jusqu’au sentiment de l’honneur, produise des héros, je l’accorderai encore ; mais que cette vanité produise la gaieté vive, franche, amusante et délicieuse d’un Collé ou d’un Désaugiers, c’est ce que je conçois difficilement, et tous les Condillac du monde ne m’expliqueront pas cette transformation d’un sentiment si personnel en une chose si imprévue, si involontaire. […] Beyle ne croit pas assez dans les lettres à ce qui ne vieillit pas, à l’éternelle jeunesse du génie, à cette immortalité des œuvres qui n’est pas un nom, et qui ressemble à celle que Minerve, chez Homère, après le retour dans Ithaque, a répandue tout d’un coup sur son héros.

752. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Elle dira par la bouche d’un héros insultant un autre héros : « Tu crois voir partout la mort à tes trousses. » Tout cela n’empêche pas Mme Dacier d’être encore aujourd’hui peut-être, pour l’ensemble, le traducteur qui donne le plus l’idée de son Homère.

753. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Le héros tournait vite au philosophe. Je l’ai appelé autrefois « le héros sans désir. ».

754. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Je crois bien que deux ou trois des moindres héros se noyèrent avant d’atteindre le rivage ; mais le reste, les plus vaillants, y arrivèrent sans trop d’efforts, la plupart à la nage, et l’un même sans presque avoir besoin de nager. […] Dans le Retour à Bordeaux, les souvenirs de Montaigne et de son amour pour l’amitié, ceux de Mme Cottin et de ses héroïnes touchantes, sont ramenés avec une aimable effusion.

755. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Il eût bien voulu être un héros : mais sa compagnie fut simplement employée à remettre l’ordre dans la prison de Sainte-Pélagie. […] Les yeux toujours à demi clos, il ruminait confusément l’affranchissement des nationalités, l’établissement d’une démocratie un peu socialiste et pourtant césarienne et, par là, l’achèvement historique de la Révolution française : grands desseins dont les moyens d’exécution se précisaient mal dans son imagination de doux fataliste qui, ébloui par un destin prodigieux dont il était l’heureux jouet et dont il se croyait le héros, comptait indolemment sur la vertu de son étoile.

756. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

Les cinquante Danaïdes agglomérées en un groupe unique, n’ayant qu’une âme et qu’une voix, forment l’héroïne de cette tragédie collective ; et, quand on se rappelle leur origine aquatique, on croit voir une sorte d’Hydre féminine à têtes de vierges, qui prieraient et gémiraient à la fois. […] Alors la déesse reconnaissante se révéla au héros dans sa majesté, et, en attendant la Toison d’Or, elle lui fit don d’une couronne.

757. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Voilà le héros de la comédie de M.  […] Mais, avant tout, elle est vraie, et il y a plus d’émotion au théâtre pour une petite pécheresse vulgaire et vivante que pour mille héroïnes, sans tache, qui n’ont jamais existé.

758. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Ce n’est là qu’un trait piquant ; mais bientôt, parlant plus en détail de Mlle de Pons, aimée du duc de Guise, qui va conquérir Naples à son intention, et, avec cela, non contente ni rassasiée d’une telle proie : Cette âme gloutonne de plaisirs, dit-elle, n’était pas satisfaite d’un amant absent qui l’adorait, et d’un héros qui, pour la mériter, voulait se faire souverain… L’ambition et l’amour ensemble n’étaient pas des charmes assez puissants pour occuper son cœur ; il fallait, pour la satisfaire, qu’elle allât se promener au cours, et qu’elle reçût de l’encens de toutes ses nouvelles conquêtes. […] Elle rejoignit plus tard la reine et la quitta encore quelquefois, car cette personne distinguée n’était pas, elle nous le dit humblement, une amazone ni une héroïne ; elle avait peine à se mettre au-dessus des terreurs ou même des incommodités de son sexe.

759. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Son véritable héros ce n’est pas tel ou tel écrivain, ce n’est pas Boileau, Racine ou Bossuet, c’est ce qu’il appelle l’esprit français, qu’il représente comme un type, Platon dirait comme une idée à laquelle participent plus ou moins tous nos grands écrivains, et dont ils sont les diverses expressions. […] La philosophie faisait table rase avec Descartes de tout le passé, la tragédie cherchait des héros dans la fable antique, dans l’histoire turque ou romaine, jamais en France.

760. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Ces légendes essaient d’exposer — sans grande conviction, d’ailleurs — la création du monde, l’origine de certaines races ou de certains peuples, l’histoire des héros fabuleux, l’évolution de la civilisation. […] Elle est même délibérément historique — abstraction faite du merveilleux — quand elle célèbre les exploits d’un héros mythique comme Samba Guénâdio Diêgui (La geste de S.

761. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

On peut donc dire que du temps de Saint-Simon elle était d’hier… Excepté Dunois, le glorieux bâtard d’Orléans, qui fut un héros et qui racheta et effaça sa tache de bâtardise par les services qu’il rendit à la France, mais dont la postérité (la maison de Longueville) a gardé jusqu’à la dernière heure dans l’État, qu’elle n’a pas cessé de troubler, le caractère essentiel et pervers attaché à toute bâtardise, il faut descendre jusqu’à Louis XII pour trouver cette monstruosité de bâtards légitimés que Louis XIV, dans son orgueil de Nabuchodonosor, rendit plus monstrueuse encore. […] Le chevet touchait au billot… C’était la fin de toutes les coutumes et de toutes les traditions pour lesquelles ce vieux héros, comme l’appellerait Carlyle, ce vieux pair de Saint-Simon, qui n’entendait pas plus qu’on violât la pairie que la royauté, n’a cessé de se démener et de combattre !

762. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

« Les légendes des pays à demi ouverts à la culture rationnelle, dit-il page 63 du volume, ont été formées bien plus souvent par la perception indécise, par le vague de la tradition, par les ouï-dire grossissants, par l’éloignement entre le fait et le récit, par le désir de glorifier les héros, que par création pure comme cela a pu avoir lieu pour l’édifice presque entier des mythologies indo-européennes », et, suspendu entre le je ne sais qui et le je ne sais quoi, il ajoute alors cette incroyable phrase qu’il importe de recueillir : « Tous les procédés ont contribué dans des proportions indiscernables au tissu de ces broderies merveilleuses, qui mettent en défaut toutes les catégories scientifiques et à l’affirmation desquelles a présidé la plus insaisissable fantaisie. » Proportions indiscernables ! […] Seulement les Anglais nous rendirent le salut et allaient devenir des héros, tandis que M. 

763. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Laubardemont, qui revient partout, et qui semble poursuivre Cinq-Mars, depuis que celui-ci l’a frappé au front d’un crucifix ardent dans l’affaire de Loudun, est un héros ignoble de mélodrame ; son fils devenu brigand et contrebandier, sa nièce religieuse devenue folle, cette scène entre tous les trois, la nuit, au milieu des Pyrénées, tout ce luxe de conceptions bizarres fait tort à la vérité.

764. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française. Ve et VIe volumes. »

Quant aux hommes, il est vrai, l’historien ne s’occupe guère de les gourmander ou de les louanger à propos de chaque action, il les prend pour ce qu’ils sont, les laisse devenir ce qu’ils peuvent, les quitte, les retrouve, suivant qu’ils s’offrent ou non sur sa route, et se garde surtout de faire d’aucun son héros ou sa victime.

765. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — II »

J’ai vu mourir le roi comme un saint et comme un héros ; j’ai quitté le monde que je n’aimais pas ; je suis dans la plus aimable retraite que je puisse désirer ; et partout, madame, je serai toute la vie, avec le respect et l’attachement que je vous dois, votre très humble et très obéissante servante. » Nous ne pousserons pas plus loin ces citations, qui suffisent, ce nous semble, pour définir le caractère de madame de Maintenon.

766. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Pour Joseph, il n’avait pas ainsi toutes ses aises pour rêver, ni toutes ses ressources pour peindre ; il avait fait pour tout voyage celui d’Amiens à Paris, et peut-être encore quelque excursion à Rouen pendant les vacances de l’École de médecine ; il vivait dans un faubourg, ne connaissait d’arbres que ceux de son boulevard, de fleurs que celles qui poussaient dans les fentes des pavés de sa cour, de femmes que les fantômes de ses rêves ou les héroïnes des romans qu’il avait lus.

767. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Voici une large période qui n’est au fond qu’une antithèse : Cent mille hommes criblés d’obus et de mitraille, Cent mille hommes couchés dans un champ de bataille, Tombés pour leur pays par leur mort agrandi, Comme on tombe à Fleurus, comme on tombe à Lodi, Cent mille ardents soldats, héros et non victimes, Morts dans un tourbillon d’événements sublimes, D’où prend son vol la fière et blanche Liberté, Sont un malheur moins grand pour la société, Sont pour l’humanité, qui sur le vrai se fonde, Une calamité moins haute et moins profonde, Un coup moins lamentable et moins infortuné Qu’un innocent, un seul innocent, condamné, Dont le sang ruisselant sous un infâme glaive, Fume entre les pavés de la place de Grève, Qu’un juste assassiné dans la forêt des lois, Et dont l’âme a le droit d’aller dire à Dieu : “Vois !

768. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

Pierre, dans Pierre et Jean et le héros de Fort comme la mort, et celui de Notre Coeur, durant ses promenades dans la forêt de Fontainebleau, nous montrent à quel point le travail d’une idée fixe, altérant sans cesse, pour celui qui en est possédé, les rapports habituels des choses, le peut rapprocher de la folie.

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