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833. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

On méprisait les anciens poètes latins, on admirait dans la littérature grecque non les classiques, mais l’école d’Alexandrie ; on ne s’attachait qu’à la forme, on faisait de l’art pour l’art. […] Le poète Swinburne a célébré Gautier en anglais, en français, en grec et en latin. […] Il ressemble (pour lui servir d’autres images) à un automédon grec domptant et asservissant au char de sauvages étalons d’Afrique ou d’Asie. […] À son avis, le mot vient du grec laryngos, génitif de larynx, qui signifie gosier dans cette langue. […] Déjà Démosthène disait en grec à ses concitoyens qu’il faudrait être d’un bien bon naturel (ευηθης) pour croire au désintéressement de Philippe.

834. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Il semble que depuis les Grecs le péché originel ait été étendu à toutes les naissances, à celles aussi de l’esprit. […] Le livre grec, pour Philon, c’était l’œuvre de Platon. […] Il semble avoir été frappé au cours de la guerre par le rapport des événements actuels avec certains mythes antiques, avec les éléments fondamentaux de la tragédie grecque. […] Jaloux, dans Fumées, me rappelle d’assez près celui de Tourgueneff, injustement oublié aujourd’hui, dont Taine apparentait l’art à celui des Grecs. […] Ces récritures, qui peuvent être bonnes, médiocres ou mauvaises, c’est la vie même de l’art, comme les variations sur les thèmes du temple grec ou de la cathédrale.

835. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Certes, Gandar n’était pas de ceux-là ; il avait la piété et la religion de son sujet, le respect de la tradition et des maîtres ; son esprit était le moins fait pour l’ironie : cela ne l’empêchait pas de distinguer bien des défauts des Grecs modernes, mais le passé pour lui dominait tout. […] Ce qui dure sans avoir besoin d’une jeunesse nouvelle et sans craindre la décrépitude comme les œuvres des hommes, c’est la mer et l’horizon des montagnes et cette divine lumière que je retrouve tels que je les ai connus, aussi surpris qu’à mon premier voyage parce que je sors de nos brumes, et plus ému, parce qu’ayant eu déjà le loisir de les aimer, j’avais eu le temps aussi de les regretter plus d’une fois. » Ailleurs, regrettant la perte de quelques illusions, il se félicite d’en garder au moins une : « C’est, dit-il, mon amour pour la Grèce que je ne puis cesser d’admirer, après l’avoir retrouvée plus belle que mes souvenirs. » Je ne crois pas sortir de mon sujet ni abonder dans le trop de familiarité en relevant ce passage naturel d’une lettre à son frère Adolphe Gandar ; nous sommes dans le monde homérique où l’on ose être homme avec tout ce qu’il y a d’humain en nous, et où les pleurs qu’on verse ne sont pas une marque de faiblesse : « (Athènes, 5 mai 1853.) — Beulé m’a quitté dimanche (jour de la Pâque grecque). […] J’aime à me les représenter en ce moment, puisque nous sommes en Grèce, par un de ces bustes doubles où se complaisait souvent la fantaisie des artistes grecs : ils aimaient, on le sait, ces sortes de Janus à physionomies assortissantes ou le plus souvent contrastantes ; les vases sculptés nous offrent volontiers deux figures opposées dos à dos, nuque a nuque, et qui se complètent, Sophocle et Aristophane, Bacchus et Ariane, et sur un rhyton je vois Alphée et Aréthuse. […] Considérant l’œuvre de Shakespeare comme une image plus ou moins complète, plus ou moins fidèle du monde réel et du monde imaginaire, je vais avec lui de pays en pays, de siècle en siècle, passant d’Athènes à Rome, de l’antiquité grecque et latine à la Renaissance italienne, du midi au nord, d’Elseneur en Angleterre et en Écosse ; ici des légendes à l’histoire, là de l’histoire à la comédie, enfin de la comédie de mœurs à la comédie romanesque et à la comédie fantastique. […] « … Mon fardeau m’a poursuivi jusqu’ici, et aucun chapelier ne consent à la coiffer (ma tête) ni d’un chapeau ni d’un bonnet grec ; il paraît que dans le pays de Phidias on me trouve aussi plus gros que nature ; mais vous devez me pardonner ma laide grosse tête, car j’ai un bon gros cœur pour vous aimer… » (Lettre d’Athènes, 23 mai 1848, à Mme Viollet-Le-Duc.) — En insistant sur l’idée de force et de solidité, qui était le caractère le plus saillant, il ne serait que juste toutefois, pour compléter la physionomie, de marquer aussi ce qu’il y avait d’intelligence sur ce front et parfois de finesse dans ce regard.

836. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

En s’attachant sans réserve et sans mesure à l’Antiquité classique, latine et surtout grecque, ils le prirent trop haut ; ils ne purent soutenir jusqu’au bout leur gageure, ils se cassèrent la voix en voulant chanter sur un ton trop haut. […] Qu’on se figure en effet une poésie véritablement florissante, la moisson abondante et variée des Lyriques, des Élégiaques grecs, cette richesse où puisaient à pleines mains les fils et les héritiers des muses au sortir de l’âge de Solon, à l’entrée de celui de Périclès ; et nous, au contraire, à l’entrée de notre plus beau siècle, réduits, comme ici, à noter çà et là, à souligner quelques beaux vers, à glaner quelques fleurs heureuses et comme de hasard, dans une terre redevenue maigre et pleine de ronces. […] De même, dans les pièces des tragiques grecs, l’Ode, c’est-à-dire le Chœur si émouvant, si déployé, était une partie fondamentale de la solennité dramatique. […] Je ne me figure jamais mieux cette convenance du Chœur dans les pièces des Grecs qu’en voyant son à-propos moderne si heureux, mais unique, dans cette ravissante pièce d’Esther, jouée et chantée par les filles de Saint-Cyr. […] Et encore : « Certaines paraphrases des Psaumes ne sont pas seulement des modèles de poésie, ce sont, en quelque sorte, des institutions de langage151. » — En tout, Malherbe a le magnum spirare (μέγα φρονεĩν des Grecs), l’os magna sonaturum qu’Horace, en son temps, n’accordait aussi qu’à trois ou quatre seulement, et au nombre desquels, trop modeste, il ne se rangeait pas.

837. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

L’esprit d’Aïssé ne fut pas lent à s’orner de tout ce qui pouvait relever ses grâces naturelles sans leur ôter rien de leur légèreté, et la jeune Circassienne, la jeune Grecque, comme chacun l’appelait autour d’elle, continua d’être une créature ravissante, en même temps qu’elle devint une personne accomplie. […] Lorsque l’abbé Prevost publia l’Histoire d’une Grecque moderne, assez agréable roman où l’on voit une jeune Grecque, d’abord vouée au sérail, puis rachetée par un seigneur français qui en veut faire sa maîtresse, résister à l’amour de son libérateur, et n’être peut-être pas aussi insensible pour un autre que lui, on crut qu’il avait songé à notre héroïne. […] d’Héricourt : « J’ai commencé la Grecque à cause de ce que vous m’en dites : on croit en effet que Mlle Aïssé en a donné l’idée ; mais cela est bien brodé, car elle n’avait que trois ou quatre ans quand on l’amena en France. » Enfin, voici des vers du temps sur mademoiselle Aïssé, à ce même titre de Grecque : Aïssé de la Grèce épuisa la beauté : Elle a de la France emprunté Les charmes de l’esprit, de l’air et du langage.

838. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Le philosophe grec a-t-il aperçu entre la comédie et la tragédie je ne sais quelle profonde et secrète identité ? […] Ce qui caractérise vraiment la première comédie des Grecs, ce n’est pas l’introduction de personnages réels sur la scène. […] La plaisanterie amère et la moquerie caustique peuvent s’unir au sérieux, et l’on voit que leur langage a fourni quelquefois des armes à l’indignation et à la haine, ainsi que le prouve l’exemple des iambes chez les Grecs et des satires chez les Romains. […] La tragédie des Grecs était, pour ainsi dire, soumise à la constitution monarchique ; mais telle qu’on la voyait dans les temps héroïques, sans mélange de despotisme. […] Nous aurons toujours présent à l’esprit que la comédie latine n’offre qu’une image effacée et peut-être défigurée de la comédie attique, afin de pouvoir juger si l’auteur français aurait surpassé les Grecs eux-mêmes, supposé que leurs ouvrages fussent parvenus jusqu’à nous.

839. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Je connais pourtant un sculpteur d’un grand talent qui avait voulu sortir de la cuve où se débattent les grecs et les fantaisistes. […] Il y a des gens qui de ce poêle auraient fait un petit temple grec, ou un autel du feu, etc., ceux-là n’auraient pas été sincères. […] Compte-Calix et les fantaisies grecques de M.  […] … Parce que les anciens ont fait de grandes choses pour leur temps, faut-il les imiter sans cesse, doit-on être grec jusqu’à la fin des siècles ? […] Cucheval, Balzac a été jaloux du Grec Athénée, on sait le fameux Grec Athénée.

840. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

Pour juger des progrès qu’elle eût pu faire dans l’érudition, il suffit de lire ses Considérations historiques & politiques sur les impôts des Egyptiens, des Babyloniens, des Perses, des Grecs, des Romains, & sur les différentes situations de la France, par rapport aux finances, depuis l’établissement des Francs dans la Gaule, jusqu’à présent.

841. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

On aura beau prendre pour héroïne une vestale grecque ou romaine, jamais on n’établira ce combat entre la chair et l’esprit, qui fait le merveilleux de la position d’Héloïse, et qui appartient au dogme et à la morale du christianisme.

842. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre premier. Que la Mythologie rapetissait la nature ; que les Anciens n’avaient point de Poésie proprement dite descriptive. »

Le spectacle de l’univers ne pouvait faire sentir aux Grecs et aux Romains les émotions qu’il porte à notre âme.

843. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

Nous voïons qu’ils le faisoient, et par les anciennes scholies sur les poëtes tragiques grecs, et par le traité de Plutarque sur la musique.

844. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Quant au vicaire (curate), il est admirable et touchant de vérité naïve : sa science dans les classiques grecs ; sa pauvreté, la maladie de sa femme ; ses quatre filles si belles et si pieuses, ses cinq fils qui s’affligent avec lui ; ce mémoire de marchand, entre deux feuillets, qui le vient troubler au milieu du livre grec qu’il commentait dans l’oubli de ses maux ; sa joie simple, triomphante, un matin qu’il a lu au réveil et qu’il annonce à sa famille qu’une société littéraire (il le tient de bonne source) se fonde enfin, pour publier les livres des auteurs pauvres ; toutes ces petites scènes successives composent un ensemble fini qui ne peut être que de Wilkie ou de Crabbe. M. de Chateaubriand, dans ses Mémoires, a raconté, de son ancienne et pauvre vie en Angleterre, une attendrissante aventure, qui a pour objet une divine Charlotte, fille d’un ministre de campagne, d’un Révérend très-fort aussi en grec, comme ils le sont tous : le presbytère anglais encadré de ses fleurs, et avec toute sa précieuse netteté, y reluit dans une belle page.

845. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Les sonnets amoureux de Louise Labé mirent en veine bien des beaux esprits du temps, et ils commencèrent à lui parler en français, en latin, en grec, en toutes langues, de ses gracieusetés et de ses baisers (de Aloysiæ Labææ osculis), comme des gens qui avaient le droit d’exprimer un avis là-dessus. […] La première des pièces consacrées à la louange de Louise, dans l’édition de 1555, est une petite épigramme grecque qui peut jeter quelque jour sur cette situation ; à la faveur et un peu à l’abri du grec, les termes qui expriment son infortune particulière de cœur y sont formels.

846. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE KRÜDNER » pp. 382-410

Ayant obtenu, à un moment, la permission de se rendre à Saint-Pétersbourg, elle en fut bannie peu après pour s’être déclarée en faveur des Grecs, et elle mourut en 1824 en Crimée, où elle essayait de fonder une espèce d’établissement pénitentiaire. […] Marmier (Revue de Paris, 2 avril 1837), et ce fragment d’André Chénier, sans doute d’origine grecque : J’étais un jeune enfant qu’elle était grande et belle, etc. […] Dans André Chénier, imitant quelque épigramme grecque, le seul sentiment exprimé est celui de la beauté superbe et des rivaux confus.

847. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Platon dit quelque part aux Grecs : « La terre est petite. » « Platon laisse voir un sentiment profond de la grandeur du monde, lorsqu’il indique en ces termes, dans le Phédon, les bornes étroites de la mer Méditerranée. […] Les Grecs et les Romains ont parcouru la même route sous les Lagides et plus tard ; ils n’ont rien remarqué, ou du moins il n’est resté dans les ouvrages conservés jusqu’à nous aucune trace de ce nuage lumineux qui pourtant, placé entre le 11e et le 12e degré de latitude nord, s’élevait, au temps de Ptolémée, à 3 degrés, et en l’an 1000, du temps d’Abdourrahman, à plus de 4 degrés au-dessus de l’horizon. […] Il y a quatre mille ans que les premiers philosophes indous, égyptiens, grecs, en savaient davantage.

848. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Jacques Chaumié fait cette remarque qu’aucun des grands poètes de langue française (il n’est pas, bien entendu, question des poètes vivants) sauf André Chénier, dont le père était marseillais, mais la mère grecque, n’était du midi de la France. […] Pourtant le grec Moréas ? […] Jacques Chaumié avoue lui-même qu’André Chénier, né à Constantinople, était fils d’un père marseillais et d’une mère grecque : il aurait tout aussi bien pu naître à Marseille.

849. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre premier. La sélection et la conservation des idées dans leur relation à l’appétit et au mouvement. »

Si un savant, après avoir reçu un coup violent sur la tête, oublie tout ce qu’il sait de grec sans oublier autre chose, et si plus tard, par l’effet d’un second coup, il retrouve soudain son grec perdu, il est bien difficile de voir dans le souvenir une « action toute spirituelle ». […] Supposez qu’une boîte à musique, capable de jouer plusieurs airs, tombe à terre pendant qu’elle en joue un et que le cylindre garni de pointes se mette à rouler avec une très grande rapidité, de manière à briser ou à altérer ses pointes : un air entier pourra disparaître sans que les autres soient atteints, Tous les mouvements réflexes qui répondent à l’association des mots grecs entre eux et avec les mots français correspondants peuvent se trouver paralysés, tandis que les systèmes de réflexes répondant au français, appris dès l’enfance et solidement imprimés dans le cerveau, peuvent résister à la commotion.

850. (1864) Études sur Shakespeare

Aussi la religion a-t-elle été partout la source et la matière primitive de l’art dramatique ; il a célébré en naissant, chez les Grecs, les aventures de Bacchus, dans l’Europe moderne, les mystères du Christ. […] Elles ne se sont jamais réunies chez les peuples modernes aussi complètement ni dans une aussi belle harmonie que chez les Grecs. […] Il entrait alors également dans l’éducation d’une grande dame de savoir lire le grec et distiller des eaux spiritueuses. […] Chez les Grecs, et dans les temps modernes, en France, la comédie est née de l’observation libre, mais attentive, du monde réel, et elle s’est proposé de le traduire sur la scène. […] Les Grecs, dont l’esprit et la civilisation ont suivi dans leur développement une marche si régulière, ne mêlèrent point les deux genres, et la distinction qui les sépare dans la nature se maintint sans effort dans l’art.

851. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Il est absolument le ton même du poète grec. […] Bien que, d’après Boileau, il entendît peu le grec, il entendit très bien la tragédie grecque, ce qui est le commencement de la sagesse. […] sans doute, puisque c’est une tragédie grecque. […] Le professeur de grec, Guingnault, fut abasourdi. […] On parla du poème en vers grecs et de l’helléniste impeccable en très haut lieu.

852. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

IV Aristote n’a fait que l’analyse des formes de gouvernement usitées de son temps parmi les nations asiatiques ou grecques auxquelles les institutions et le nom même de la Chine étaient inconnus. […] Le moyen de s’imaginer que des sauvages de l’Orient, tels que les Chinois, eussent écrit des annales, composé des poésies, approfondi la morale et la religion avant que les Grecs, maîtres et docteurs de l’Europe moderne, eussent seulement appris à lire ! […] Il est vêtu d’un manteau d’étoffe à plis lourds qui enveloppe ses épaules et ses bras, et qui est ramené sur ses genoux ; ses deux mains, petites et maigres, sont jointes sur sa poitrine ; elles s’appuient sur une espèce de houlette à deux pieds, qui, à son extrémité inférieure, a un peu la forme allongée d’une lyre grecque. […] XXII Ce caractère distingue Confucius des sophistes grecs ; un autre caractère le distingue des autres législateurs de l’Inde, de l’Égypte, de la grande Grèce et des deux Asies, c’est qu’il ne fait point intervenir le ciel et les prodiges dans l’autorité qu’il affecte sur les hommes ; il n’étale point l’inspiration surnaturelle de Zoroastre, de Pythagore, du prophète arabe, pas même le génie conseiller et un peu frauduleux de Socrate ; il ne se substitue pas aux lois absolues de la nature, il ne se proclame ni divin, ni ange, ni demi dieu ; il ne sonde le passé que par l’étude, il ne lit dans l’avenir que par la logique qui enchaîne les effets aux causes ; il se confesse homme faible, ignorant, borné comme nous ; seulement, à l’aide de cette clarté purement intellectuelle et toute humaine qui vient pour la vérité de l’intelligence et pour la morale de la conscience, il recherche le vrai et conseille le bien.

853. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Ses doges, conseillers temporaires de cette Rome des eaux, conquirent tout ce qui se détachait de l’empire gréco-romain sur les bords de la Méditerranée, de l’Adriatique, de la mer Noire ; la Syrie, Chypre, Rhodes, les îles de l’Archipel grec et ionien, Scio, Samos, Mytilène, Andros. […] Puissance plus orientale qu’occidentale, les Vénitiens avaient contracté quelque chose des patriarcats de l’Église grecque. […] Les Génois en occupaient les ports fortifiés ; les Vénitiens leur disputaient la clef de cette mer dans un quartier de Constantinople fortifié à leur usage ; ces deux flottes italiennes rivales se livrèrent une bataille navale indécise et meurtrière, sous les yeux des Grecs spectateurs, dans le canal du Bosphore. […] La colonie génoise de Constantinople s’immisçait dans les affaires de l’empire grec, délivrait des princes de captivité, en inaugurait d’autres, fortifiait un quartier et un port de Byzance, y élevait la tour génoise, de Galata, qui subsiste encore comme une colonne rostrale de cette puissance maritime ; on lui cédait l’île de Ténédos, qui leur livrait les Dardanelles, leur ouvrait la mer Noire ; ils disputaient en même temps le royaume opulent de Chypre aux Vénitiens : des Vêpres siciliennes de Chypre les y exterminèrent tous, excepté un seul, pour en porter la nouvelle à Constantinople.

854. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

Le philosophe grec, quatre siècles avant notre ère, a vu tout aussi bien que les deux mathématiciens du dix-septième siècle, que c’est par l’étude du mouvement qu’il convient d’expliquer le système du monde. […] Entre la science grecque et la science moderne, il y a bien une différence de degré ; mais il n’y a pas une différence de nature ; et, pour rappeler une très équitable opinion de Leibniz, Aristote n’est pas du tout inconciliable avec des successeurs dont les travaux n’eussent peut-être point été aussi heureux, si les siens ne les eussent précédés. […] Dans les choses de cet ordre, c’est le privilège de l’esprit grec que d’avoir surpassé le nôtre et de l’avoir instruit. […] L’esprit grec est à son apogée avant Philippe et Alexandre ; et la Grèce, qui est sur le point de perdre sa liberté, va commencer cette longue décadence qui, de chute en chute, durera encore plus de mille ans, et toujours au grand profit de l’intelligence humaine.

855. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

Ces Amériques espagnoles ressemblent à ces colonies grecques de l’Asie, devenues libres par la distance, mais restées grecques par la vigueur des caractères et par l’élégance du génie natal. […] Cette langue russe, combinée d’énergie tartare, de mélodie grecque, de mollesse slave, de rêverie allemande, de clarté française, instrument à mille voix, comme l’orgue des basiliques, est éminemment propre au lyrisme, au gémissement de la mélancolie du Nord, comme à l’enthousiasme religieux du Midi. […] Ces livres tant de fois feuilletés par une main magistrale, cette table sur laquelle quelques volumes grecs et quelques pages de la même langue non achevées attestaient que la mort l’avait surpris dans ces fortes études, le lit où il avait rêvé, la plume avec laquelle il avait écrit, tous ces meubles qui semblaient attendre leur maître, cette ombre de la chambre sur les murs, dans laquelle on pouvait s’imaginer voir encore l’ombre colossale du poète (Alfieri était un géant), enfin ce tapis usé par ses pas pendant ses longues insomnies poétiques, me remplissaient de stupeur et de silence.

856. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

La veille de Noël, il envoie par un sien trompette à Montluc « la moitié d’un cerf, six chapons, six perdrix, six flacons de vin excellent et six pains blancs, pour faire le lendemain la fête. » Montluc ne trouve point cette courtoisie étrange, d’autant que dans sa grande maladie trois ou quatre mois auparavant, le même marquis lui avait envoyé pareillement quelque gibier et avait laissé entrer un mulet chargé de petits flacons de vin grec. Nous verrons à quoi un reste de vin grec servira.

857. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Quant au fond, il recommande tout ce que son maître a également recommandé, de ne point laisser les valets ni servantes embabouiner cette tendre jeunesse de sots contes ni de fadaises ; de ne pas croire que l’esprit des enfants ne se puisse appliquer aux bonnes choses aussi aisément qu’aux inutiles et vaines : « Il ne faut pas plus d’esprit à entendre les beaux exemples de Valère Maxime et toute l’histoire grecque et romaine, qui est la plus belle science et leçon du monde, qu’à entendre Amadis de Gaule… Il ne se faut pas délier de la portée et suffisance de l’esprit, mais il le faut savoir bien conduire et manier. » Il s’élève contre la coutume, alors presque universelle, de battre et fouetter les enfants ; c’est le moyen de leur rendre l’esprit bas et servile, car alors « s’ils font ce que l’on requiert d’eux, c’est parce qu’on les regarde, c’est par crainte et non gaiement et noblement, et ainsi non honnêtement. » Dans l’instruction proprement dite, il veut qu’en tout on vise bien plutôt au jugement et au développement du bon sens naturel qu’à l’art et à la science acquise ou à la mémoire ; c’est à cette occasion qu’il établit tous les caractères qui séparent la raison et la sagesse d’avec la fausse science. […] Mais l’humanité va, incessamment, apprenant et oubliant tour à tour : et vous avez vu que l’éloquence aussi et le souffle n’avaient pas manqué dans le conseil donné par un philosophe et un sage gaulois parlant en grec à un Romain de ses amis, par Favorin, né à Arles, l’une des lumières du siècle des Antonins.

858. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

On ajoute qu’il méprisait les langues anciennes, latin et grec ; il était avide des choses plus que des mots. […] Il lisait aussi, comme avait fait Henri IV, le Plutarque d’Amiot, et s’enflammait pour les héros grecs et romains ; Épaminondas et Scipion étaient ses modèles.

859. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

En argumentant contre lui, Rigault l’amena peu à peu sur le terrain qu’il jugeait commode, et tout d’un coup il lui demanda à brûle-pourpoint de vouloir bien conjuguer, dans ses différentes formes, le verbe grec, κλέπτω, je dérobe. […] C’était le temps héroïque des études classiques, messieurs, le temps où Ronsard et son ami Baïf, couchant dans la même chambre, se levaient l’un après l’autre, minuit déjà sonné, et, comme le dit un vieux biographe, Jean Dorât, se passaient la chandelle pour étudier le grec sans laisser refroidir la place.

860. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

si l’on fait pareille étude sur les origines du Théâtre des Grecs, on est sûr d’y trouver son compte, d’être bientôt récompensé de la sécheresse des débuts. […] Que l’auteur du mystère ait ou non connu Sophocle, il a fait preuve de goût et d’habileté en donnant à Judas une autre position qu’au héros grec.

861. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Mais, en attendant, et à part toute discussion, pourquoi, dans ce ramas d’hommes de guerre et d’assiégeants, l’auteur n’a-t-il pas eu l’idée de nous faire rencontrer un Grec, un seul, animé de l’esprit de Gélon, un disciple, par la pensée, des Xénophon, des Aristote, des anciens sages de son pays, un jeune Achéen contemporain d’Aratus, ayant déjà en soi le germe des sentiments humains de Térence, ayant lu Ménandre, et qui, fourvoyé dans cette affreuse guerre, la jugeant, sentant comme nous et comme beaucoup d’honnêtes gens d’alors en présence de ces horreurs, nous aiderait peut-être à les supporter ? […] Chateaubriand lui-même, dans ce sujet incomplet des Martyrs, avait chance de nous toucher par la fibre grecque ou romaine, qui vit en nous, et à la fois par la fibre chrétienne qui n’est pas morte.

862. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

L’Antiquité grecque, son théâtre avec son génie et son style, mieux compris, ont donné les points nécessaires, les hauteurs essentielles pour les mesures comparées. […] C’est ce qui faisait dire à Saint-Évremond encore, lorsqu’il voulait marquer le contraste étrange qu’il y avait de Corneille composant et s’exprimant avec sublimité au nom de ses personnages, à ce même Corneille conversant assez brusquement ou platement pour son compte dans la vie commune : « Il ose tout penser pour un Grec ou pour un Romain : un Français ou un Espagnol diminue sa confiance ; et quand il parle pour lui, elle se trouve tout à fait ruinée.

863. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Ce goût pour les lettres proprement dites, quand on n’a que des études de l’antiquité fort faibles, qu’on sait à peine du latin et pas du tout de grec, est un des traits qui caractérisent le Français, surtout celui d’alors, et qui le différencient profondément des hommes politiques de l’Angleterre. […] Chabanon était un créole spirituel et d’une jolie figure, qui unissait des études sérieuses à des talents d’agrément, helléniste et bon violon, lisant en grec Homère, que Suard n’avait jamais pu lire en entier, même en français ; homme de société et sensible, d’un tour romanesque, qui ressentit et inspira de vives tendresses et des sympathies délicates ; qui fut cher à d’Alembert et à Chamfort.

864. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

C’est alors, vers l’an de Rome 617, qu’un jeune homme d’une famille plébéienne, mais illustre, un élève formé de la main des philosophes grecs, Tibérius Sempronius Gracchus, « dont le caractère bon et humain n’avait pu être corrompu par l’orgueil exclusif de sa nation, » comme il traversait l’Étrurie pour aller servir en qualité de questeur dans l’armée qui s’assemblait contre Numance, fut frappé de l’aspect désolé de ce pays, célèbre autrefois par sa richesse ; il s’en demanda les causes, il songea aux grands remèdes : de là plus tard ses tentatives de tribun et sa catastrophe. […] Pourtant, dans la pièce grecque également, tout parle de vengeance, d’immolation : l’oracle d’Apollon, consulté par Oreste, l’a ordonnée.

865. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

D’abord, par exemple, on étudiait peu ou du moins on entendait mal le théâtre grec ; on l’admirait pour des qualités qu’il n’avait pas ; puis, quand, y jetant un coup d’œil rapide, on s’est aperçu que ces qualités qu’on estimait indispensables manquaient souvent, on l’a traité assez à la légère : témoin Voltaire et La Harpe. […] Il a écrit dans sa Vie d’Ésope : « Comme Planudes vivoit dans un siècle où la mémoire des choses arrivées à Ésope ne devoit pas être encore éteinte, j’ai cru qu’il savoit par tradition ce qu’il a laissé. » En écrivant ceci, il oubliait que dix-neuf siècles s’étaient écoulés entre le Phrygien et celui qu’on lui donne pour biographe, et que le moine grec ne vivait guère plus de deux siècles avant le règne de Louis-le-Grand.

866. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Il dévore toutes sortes de livres, il apprend le grec, malgré les cordeliers. […] Despériers, très savant en grec et en latin, collabore avec Olivetan pour la Bible française (1535), avec Dolet pour les Commentaires de la langue latine (1536).

867. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

A la philologie se rattache la fine et suggestive Histoire de la littérature grecque 935 de MM.  […] Parmi tant de remarquables travaux qui font concourir la philologie, l’histoire et la critique à l’explication des œuvres grecques ou romaines, il faut nous arrêter aux études diverses de M. 

868. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Le divin Sphérus d’Empédocle, où tout existe d’abord à l’état syncrétique sous l’empire de la [en grec], avant de passer sous celui de la Discorde, [en grec] (analyse), offre une belle image de cette grande loi de l’évolution divine.

869. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

J’ai là sur mon bureau des livres qui sont fort dignes qu’on s’en occupe et qu’on les recommande aux lecteurs studieux : et, par exemple, un Essai sur l’histoire de la critique chez les Grecs, dans lequel M.  […] Au chapitre sur les météores et les principaux souffles des vents, il faut l’entendre parler des anciens observateurs grecs et de leur supériorité relative : Mon étonnement est extrême, dit-il, quand je vois que dans le monde, autrefois si plein de discordes et divisé en royaumes comme en autant de membres, un aussi grand nombre d’hommes s’est livré à la recherche de choses si difficiles à trouver, et cela sans en être empêchés par les guerres, par les hospitalités infidèles, par les pirates ennemis de tous, et interceptant presque les passages ; et cela avec un tel succès, que, pour des lieux où ils ne sont jamais allés, on en apprend plus sur certains points, à faire de leurs livres, que par toutes les connaissances des habitants.

870. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

Lui qui, pendant dix ans, du couchant à l’aurore, Erra chez le Lapon, ou rama sous le Maure, Lui qui ne sut jamais ni le grec ni l’hébreu, Qui joua jour et nuit, fit grand chère et bon feu ! […] … Évidemment, dans tout ceci, il y avait une méprise : Regnard jugeait Boileau plus grec et plus suranné qu’il n’était, et Boileau se figurait Regnard un peu trop mauvais sujet.

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