Les noms des trente mille dieux latins recueillis par Varron, ceux des Grecs non moins nombreux, formaient le vocabulaire divin de ces deux peuples. […] On peut l’observer dans le latin, langue plus héroïque, moins raffinée que le grec ; tous les mots y sont tirés par figures d’objets agrestes et sauvages. […] Pourquoi tous les peuples grecs se sont-ils disputé sa naissance, l’ont-ils revendiqué pour citoyen ? […] Le plus considérable des morceaux que nous n’avons pas cru devoir traduire, est une explication historique de la mythologie grecque et latine. […] Défense historique des lois grecques venues à Rome contre l’opinion moderne de M.
Vers l’âge de douze ans, il jouait la tragédie en grec à sa pension, dans les exercices de la fin de l’année ; il sait encore et récite aujourd’hui à nos oreilles un peu déconcertées tout son rôle d’Ulysse, de la tragédie de Philoctète. Geoffroy avait été invité à l’une de ces représentations qui ne rappelaient pas mal, dans l’Université renaissante, les thèses en grec de MM. […] Racine, dans la prairie de Port-Royal, lisait et savait par cœur Théagène en grec, comme nous écoliers, aux heures printanières, nous lisions Estelle et Numa ; mais, le livre jeté ou confisqué, il lui restait de plus le grec qu’il savait à toujours, l’accès direct et perpétuel d’Euripide et de Pindare. […] Déjà maître de l’antiquité et des sources grecques si mal fréquentées en général, ayant derrière lui pour fond de scène ces cimes sacrées, il s’était fait dans l’étude des Pères un autre fonds d’antiquité plus rapproché, et d’une comparaison plus neuve. […] Après l’antiquité grecque ou chrétienne, après son moyen âge et Shakspeare, il est un lieu où M.
Il voulait introduire le génie antique, le génie grec, dans la poésie française, sur des idées ou des sentiments modernes : tel fut son vœu constant, son but réfléchi ; tout l’atteste. […] Les Analecta de Brunck, qui avaient paru en 1776, et qui contiennent toute la fleur grecque en ce qu’elle a d’exquis, de simple, même de mignard ou de sauvage, devinrent la lecture la plus habituelle d’André ; c’était son livre de chevet et son bréviaire. […] C’est une de ces petites chansons que les Grecs appellent scholies : Quand le soleil commence sa course, je me mets au travail ; et quand il descend sous l’horizon, je me laisse tomber dans les bras du sommeil. […] Une note qu’il me communique m’apprend quelques particularités de plus sur la mère des Chénier, cette spirituelle et belle Grecque, qui marqua à jamais aux mers de Byzance l’étoile d’André. […] Thurii, colonie grecque fondée aux environs de Sybaris, dans le golfe de Tarente, par les Athéniens.
M. l’Abbé Roussier y expose le principe de divers systêmes de Musique chez les Grecs, les Chinois, les Egyptiens, & y met le systême de ces derniers en parallele avec celui des Modernes. […] Quel dommage, disois-je en moi-même, que M. l’Abbé Roussier n’ait pas pu fouiller dans les antiquités des Chinois, comme il l’a fait dans celles des Egyptiens & des Grecs !
L’Orateur Grec y conserve à peine quelques traits de cette éloquence mâle, rapide & pressante qui lui étoit si familiere. […] Il est étonnant que de plus de deux mille Traductions d’Auteurs Grecs & Latins, qui ont été faites en notre Langue, on en trouve à peine dix qu’on puisse regarder comme bonnes.
Rien n’est moins exact que de représenter le théâtre français comme une imitation du théâtre grec. […] Ajoutez à ce premier caractère que ce théâtre est à la fois religieux et national : ce sont des légendes sacrées et toutes grecques, mais touchantes et effroyables, que le génie d’un Eschyle ou d’un Sophocle développait dans une action simple, relevée et animée par le mélange des chœurs et de la musique. Tel est le théâtre grec, forme merveilleuse et sublime, mais non unique, du génie dramatique. […] Ce n’est pas tout : la terreur et la pitié, qui étaient tout dans le drame grec, ne sont plus le principal objet du théâtre français. […] En Grèce, les unités avaient leur origine dans la simplicité du génie grec.
Les Grecs ont eu un autre Rhéteur, non moins profond qu’Aristote, & plus agréable ; c’est Longin. […] Si des Grecs nous passons aux Latins, nous trouvons d’abord Ciceron qui fut le maître, ainsi que le modèle ; de la véritable éloquence. […] Admirateur des Grecs & des Romains, il en devint l’heureux interprête. […] Je n’aime pas non plus les termes techniques écorchés du Grec ; il falloit en substituer de plus intelligibles. […] Et si l’éloquence des Philippiques de l’Orateur grec & de l’Orateur romain est une fausse éloquence, il n’y en eut jamais de vraie.
Les tentatives grecques de réforme, l’orphisme, les mystères, ne suffirent pas pour donner aux âmes un aliment solide. […] Cette Thora n’a rien de commun avec les « Lois » grecques ou romaines, lesquelles, ne s’occupant guère que du droit abstrait, entrent peu dans les questions de bonheur et de moralité privés. […] Israël devient vraiment et par excellence le peuple de Dieu, pendant qu’autour de lui les religions païennes se réduisent de plus en plus, en Perse et en Babylonie, à un charlatanisme officiel, en Égypte et en Syrie, à une grossière idolâtrie, dans le monde grec et latin, à des parades. […] Leur dispersion sur tout le littoral de la Méditerranée et l’usage de la langue grecque, qu’ils adoptèrent hors de la Palestine, préparèrent les voies à une propagande dont les sociétés anciennes, coupées en petites nationalités, n’avaient encore offert aucun exemple.
Un admirable hasard nous a conservé l’Orestie, la seule trilogie complète qui soit restée du théâtre grec. […] La fable grecque n’a pas de race plus sinistre ; celle des Labdacides ne l’égale pas en horreur. […] On se rappelle Thémistocle contraint d’immoler à Bacchus trois prisonniers perses, avant Salamine. — Un siècle plus tard, une étrange histoire contée par Plutarque nous montre le Molochisme grec redressé d’un suprême effort, et réclamant une dernière proie. […] Durant le trajet, Myrtilos tenta de faire violence à Hippodamie ; l’aurige aimait, cette « dompteuse de chevaux » : c’est le sens grec de son nom.
L’an de Rome 591, le sénat rendit un décret pour bannir les philosophes de la ville ; et, six ans après, Caton se hâta de faire renvoyer Carnéade, ambassadeur des Athéniens, « de peur, disait-il, que la jeunesse, en prenant du goût pour les subtilités des Grecs, ne perdit la simplicité des mœurs antiques ». Si le système de Copernic fut méconnu de la cour de Rome, n’éprouva-t-il pas un pareil sort chez les Grecs ? « Aristarchus, dit Plutarque, estimoit que les Grecs devoient mettre en justice Cléanthe le Samien, et le condamner de blasphème encontre les Dieux, comme remuant le foyer du monde ; d’autant que cest homme taschant à sauver les apparences, supposoit que le ciel demeuroit immobile, et que c’estoit la terre qui se mouvoit par le cercle oblique du zodiaque, tournant à l’entour de son aixieu147. » Encore est-il vrai que Rome moderne se montra plus sage, puisque le même tribunal ecclésiastique qui condamna d’abord le système de Copernic, permit, six ans après, de l’enseigner comme hypothèse148. […] Les Grecs poussèrent cette haine des philosophes jusqu’au crime, puisqu’ils firent mourir Socrate.
La Révolution française, ses arts et sa littérature, attestent avec une assez triste éloquence que si l’esprit grec avait charmé ceux qui firent cette révolution à deux faces, — par un côté si grandiosement originale, par l’autre si grotesquement postiche, — l’esprit romain les avait aussi enivrés. […] Ce n’est ni dans Montesquieu, ni dans Vertot, ni dans les fausses tragédies de Voltaire, que nous trouverons le mot de la civilisation romaine, pas plus, du reste, que nous n’avons découvert, dans l’abbé Barthélemy ou la législation du draconien Saint-Just, le secret de la civilisation grecque. […] Nous avons parcouru rapidement, mais assez pour donner envie de les lire aux esprits sérieux, les deux ouvrages de ce temps qui ouvrent une vue parallèle sur deux sociétés : la société romaine et la société grecque. […] Maintenant, un seul mot de conseil : Que ceux-là qui, depuis un siècle, troublent la France, la nouvelle Europe romaine, d’utopies demandées à l’antiquité grecque, lisent l’œuvre de Lerminier.
Sophocle et Euripide furent éminemment romantiques ; ils donnèrent, aux Grecs rassemblés au théâtre d’Athènes, les tragédies qui, d’après les habitudes morales de ce peuple » sa religion, ses préjugés sur ce qui fait la dignité de l’homme, devaient lui procurer le plus grand plaisir possible. […] Cette dignité-là n’est nullement dans les Grecs, et c’est à cause de cette dignité qui nous glace aujourd’hui, que Racine a été romantique. […] Voir l’analyse du théâtre grec, par Métastase.
Quel fait immense dans l’histoire de l’esprit humain que l’initiation du monde latin à la connaissance de la littérature grecque ! […] La plupart des Grecs émigrés qui ont joué un rôle si important dans le développement de l’esprit européen étaient des hommes plus que médiocres, de vrais manœuvres, qui tiraient parti, per alcuni denari, de la connaissance qu’ils possédaient de la langue grecque.
L’art grec produisait pour la patrie, pour la pensée nationale, l’art au XVIIe siècle produisait pour le roi, ce qui était aussi, en un sens, produire pour la nation. […] Cela posé, je soutiens que tous les vices de notre développement intellectuel viennent de la ploutocratie et que c’est par là surtout que nos sociétés modernes sont inférieures à la société grecque. […] La profonde vérité de l’esprit grec vient, ce me semble, de ce que la richesse ne constituait, dans cette belle civilisation, qu’un mobile à part, mais non une condition nécessaire de toute autre ambition.
Il fut successivement régent de collège, charlatan, vendeur de drogues à Avignon, poëte, avocat, & professeur royal à Paris, en langue Grecque. […] Il avoit de l’esprit, de la vivacité, mais point de goût ; une mémoire prodigieuse, mais aucune invention ; une immense littérature Grecque & Latine mais qu’il ne tourna point au profit de notre langue. […] Ménage ne finissoit point toutes les fois qu’il se mettoit à citer des vers Grecs, Latins, Italiens & François.
Milton devint aveugle & pauvre, comme Homère ; mais on ne l’égala jamais, de son vivant, au poëte Grec. […] Beaucoup d’érudition Grecque & Latine, mais une érudition sans choix, très-peu de discernement, une présomption sans bornes, un fonds caché de jalousie d’auteur, un penchant insurmontable à les vouloir tous régenter ; voilà ce qui caractérise le fameux Aristarque de son siècle. […] Un sçavant, hérissé de Grec, d’Hébreu & d’Arabe, entreprendre de triompher d’un génie tel que celui de Milton !
Cet auteur avoit la réputation de surpasser les sçavans, ses confrères, beaucoup moins en Grec & en Latin, quoiqu’il possédât supérieurement ces langues, qu’en grossièretés, en ridicule amour-propre, en prétentions de toutes les espèces, en esprit d’envie & de tracasserie, en penchant pour la calomnie, la satyre & les libèles. […] De peur de gâter la leur, les cardinaux Bembe & Sadolet obtinrent du pape une permission de dire leur bréviaire en grec. […] Le stile d’Ovide & celui de Phèdre a été attaqué très-vivement, ainsi que celui de Plutarque chez les Grecs.
Personne n’entendoit mieux le Grec & le Latin. Ses Traductions de l’Iliade & de l’Odissée, des Poésies d’Anacréon & de Sapho, du Plutus & des Nuées d’Aristophane, de l’Amphitrion, de l’Epidicus, du Rudens de Plaute, de toutes les Comédies qui nous restent de Térence ; ses Commentaires sur plusieurs Auteurs Grecs & Latins, établiroient solidement la réputation d’un docte & excellent Ecrivain ; à plus forte raison doivent-ils immortaliser une femme qui a rendu de si grands services à la Littérature.
C’est le défaut d’Homère imaginant un Achille qui s’emporte, et qui pour une captive enlevée refuse aux Grecs le secours de son bras. […] Il n’est pas besoin de lire Sophocle et Euripide dans le grec ; Garnier et Hardi en donnent une idée très satisfaisante. […] L’Iliade et l’Odyssée ont eu plus d’un admirateur qui ne savait pas le grec. […] Le beau de sa tactique, c’est de mettre les Latins au-dessus des Grecs à titre de modernes, afin d’encourager les modernes à se croire supérieurs, par le bénéfice des siècles, aux Latins et aux Grecs à la fois. […] Traité pour juger des poètes grecs et latins.
Toutes sont à lui, il est tout à toutes ; ses maîtresses asiatiques et grecques tariraient la force d’Hercule. […] Le beau Dieu grec, si merveilleusement parvenu, aurait méprisé sans doute ce rite de pasteurs à demi barbares. […] Les Géants, comme dans la Bible, virent que les filles de l’Olympe grec étaient belles, « ils eurent commerce avec elles, et ils en eurent des enfants ». […] Cet amant, c’est Adonaï, dont les Grecs feront Adonis, le fils incestueux de Myrrha changée en l’arbre qui porte son nom, né de son écorce entr’ouverte humide de parfums. […] Ce fut comme si Praxitèle avait retouché de son ciseau et ramené au type grec une bizarre idole orientale.
Théophile Gautier Nourri de l’antiquité grecque et latine, des Essarts la mélange dans les proportions les plus heureuses avec la modernité la plus récente. Parfois la robe à la mode dont sa muse est revêtue dans les Poésies parisiennes prend des plis de tunique et appelle quelque chaste statue grecque.
Mais un mot d’abord sur l’origine antique et mystérieuse des belles et saintes idées que Socrate et Platon vont développer dans ce dialogue ; car rien ne vient de rien, et la philosophie grecque, qui devait bientôt, après Platon, servir d’ancêtre à la philosophie des écoles chrétiennes de Byzance et d’Alexandrie, avait certainement elle-même des ancêtres. […] Les deux philosophes grecs, Timée et Pythagore, qui avaient voyagé aussi en Égypte, ont dans leurs doctrines les mêmes analogies avec les dogmes de ce livre. […] Il y a parenté évidente entre ces philosophies orientales, grecques, hébraïques, bien qu’il n’y ait pas similitude dans les dogmes. […] (C’était un signe de deuil chez les Grecs.) […] Elle paraîtrait plus belle encore si elle était plus simplement exposée par Platon, non dans le style de l’école et de l’académie grecques, mais dans le style simple, naïf, limpide et populaire des paraboles évangéliques.
Sa mémoire, aussi heureuse que son imagination était émue, s’imprégnait de ces belles harmonies de la poésie grecque, de cette musique passionnée du cœur humain. […] Il se renferma dans la solitude de ses pensées et de ses poètes grecs, et il ébaucha, à l’insu de son oncle, la tragédie de la Thébaïde ou des Frères ennemis ; il méditait de la donner au théâtre à son retour à Paris. […] Tout le génie grec et tragique de Racine n’éclata dans sa plénitude que dans Andromaque. […] Nous montrerons ce que ce génie éclectique et appropriateur a emprunté à ses émules de l’antiquité grecque et latine, et en quoi le sublime imitateur a égalé et surpassé ses modèles. […] Les chœurs, que Racine, à l’imitation des Grecs, avait toujours en vue de remettre sur la scène, se trouvaient placés naturellement dans Esther ; et il était ravi d’avoir eu cette occasion de les faire connaître et d’en donner le goût.
La mythologie des Grecs et des Romains est une composition beaucoup plus simple. […] L’Italie possédait les monuments anciens, et avait des rapports immédiats avec les Grecs de Constantinople ; elle tira de l’Espagne le genre oriental, que les Maures y avaient porté, et que négligeaient les Espagnols. On peut distinguer très facilement dans la littérature italienne ce qui appartient à l’influence des Grecs, ou à celle de la poésie et des traditions arabes. L’affectation et la recherche dérivent de la subtilité des Grecs, de leurs sophismes et de leur théologie ; les tableaux et l’invention poétique dérivent de l’imagination orientale. […] Toutes les poésies de l’école de Pétrarque, et il faut mettre de ce nombre l’Aminta du Tasse et le Pastor fîdo de Guarini, ont puisé leurs défauts dans la subtilité des Grecs du moyen âge.
Aristote n’avait pu faire, et sans doute n’avait voulu faire que la poétique des Grecs, et des Grecs de son temps. […] À présent, il a le costume grec, une cuirasse et un casque. […] Si elle avait été trop grecque, elle n’aurait pu être goûtée, de même que l’Iphigénie de Goethe, que par un petit nombre d’initiés. […] Le jeune homme s’est épris de l’antiquité grecque, et particulièrement de l’Antigone. […] Fontenelle, Remarques sur le théâtre grec.
GALLOIS, [Jean] Professeur en Grec au Collége Royal, de l’Académie Françoise & de celle des Sciences, né à Paris en 1632, mort dans la même ville en 1707. […] Il savoit le Grec, l’Hébreu, le Latin, l’Espagnol, l’Italien, l’Allemand, l’Anglois, & les Langues Orientales ; il étoit tout à la fois Géometre, Physicien, Littérateur, Théologien, versé dans l’Histoire, Philosophe, & excellent Critique.
Malgré son vœu, malgré la résistance d’une partie des croisés, malgré les menaces du pape Innocent III, il fut des premiers qui conçurent le projet de détourner l’expédition de la Terre-Sainte sur l’empire grec : il fut de ceux qui travaillèrent le plus obstinément, le plus adroitement à employer contre des chrétiens les armes prises contre les infidèles. […] Aucune grande pensée ne le mène, lui ni ceux qui vont î Constantinople : il n’y a pas trace en eux d’une conception universelle et désintéressée, le rétablissement de l’unité chrétienne par la soumission de l’empire grec à l’autorité du pape n’est qu’un prétexte pour fermer la bouche aux malveillants. […] Il ne faut pas qu’on sache que cet abbé des Vaux de Cernay qui ne veut pas aller ailleurs qu’en Terre Sainte ou en Egypte, parle au nom du pape, et avoué par lui : il faut qu’on croie que Home n’a eu que des pardons et de la joie pour ses enfants qui lui ont rendu l’empire grec. […] Les évangiles apocryphes furent préférés à la Bible et à l’Evangile ; les saints romains, gallo-romains, ou français, avec leurs maigres légendes et leurs figures presque réelles, ne soutinrent pas la concurrence des saints grecs, orientaux, celtiques, saints fantastiques, prestigieux, qui souvent n’avaient pas vécu, ou qui n’avaient jamais reçu le baptême que de l’affection populaire. […] Par là, si inférieur qu’il soit à Hérodote en intelligence, en réflexion, en sens esthétique, ce chevalier inhabile à penser a dans son récit enfantin des impressions d’une fraîcheur, d’une vivacité qui font penser au premier des historiens grecs.
La grâce, ce fut pour André Chénier d’être né d’une mère grecque, belle et spirituelle, sur les rives de Bosphore, en face du beau pays où la tradition fait naître Homère. Il suça le grec avec le lait maternel. […] La tradition vint ensuite cultiver ses instincts, et les maîtres divins de l’antiquité grecque et latine le reçurent des bras de sa mère, l’oreille déjà accoutumée à leur langue sonore, l’esprit ouvert à leurs doux enseignements. Les lettres grecques lui étaient comme une littérature maternelle ; de sévères études l’y rendirent savant. […] Tandis que la jeunesse d’André Chénier était doucement occupée de ces trois amours, la lecture des bucoliques grecs l’avertit de son génie pour l’idylle.
L’art grec, pour conquérir sa liberté merveilleuse, eut longtemps à lutter contre l’archaïsme et la routine de ses Sages ; l’Egypte avait chez lui une école. […] Ses contours grecs sont tourmentés par l’hyperbole asiatique. […] Il la voit après les naufrages des Grecs revenant de Troie, « toute fleurie de cadavres ». […] Avec des trésors de génie, une masse de mythes, de traditions, de légendes, remontant, par-delà Hésiode et Homère, aux origines de la pensée grecque, a disparu dans ce grand désastre. […] Sept drames nous restent de cette défaite de chefs-d’œuvre, et ce sont encore les « Sept Chefs » du théâtre grec.
Ainsi donc le critique, tranchant sur le tout, ne fait nulle difficulté de condamner d’un trait de plume le poète et la nation grecque. […] Je séparai la première espèce, dont les exemples ne se trouvent que dans le théâtre grec, des cinq autres dont nos auteurs nous ont fourni des modèles. […] Telles sont les sept conditions spéciales de l’ancienne comédie grecque. […] Cet endroit a paru fort plaisant à Fontenelle, quelque rigoureux qu’il se soit d’ailleurs montré pour le comique grec. […] Cette seule pièce, déposant contre les mœurs grecques, atteste en notre honneur la différence des Athéniennes et des Françaises.
Les Grecs n’ont point eu de personnage plus recommandable : c’est leur sage par excellence. […] Nous n’avons rien en Europe qui nous donne une idée juste de la comédie des Grecs. […] La comédie Angloise n’a rien de commun avec la Grecque que son obscénité dans l’action & dans le dialogue.
Isocrate ajoute qu’il eut le talent de gouverner ; qu’avant lui les habitants de l’île de Chypre, entièrement séparés des Grecs, étaient tout à la fois efféminés et sauvages, ignorant également la guerre et les arts, et joignant la barbarie à la mollesse ; que ce roi leur donna et le courage qui élève l’âme, et les arts qui l’adoucissent ; qu’il créa parmi eux un commerce et une marine, et de ces barbares voluptueux, fit tout à la fois des guerriers et des hommes instruits. […] L’orateur entreprend de prouver, en faisant l’éloge d’Athènes, que c’est à elle qu’appartient naturellement l’empire, et il exhorte les Grecs à s’unir tous ensemble, pour porter la guerre chez leurs communs ennemis. […] D’abord, un des principaux mérites d’Isocrate, était l’harmonie ; on sait combien les Grecs y étaient sensibles ; nés avec une prodigieuse délicatesse d’organes, leur âme s’ouvrait par tous les sens à des impressions vives et rapides ; la mélodie des sons excitait chez eux le même enthousiasme que la vue de la beauté ; la musique faisait partie de leurs institutions politiques et morales ; le courage même et la vertu s’inspiraient par les sons.
Les formes catholique, arienne, nestorienne, grecque et protestante témoignent de l’action secrète de physiologies sociales distinctes s’assimilant l’idée selon des procédés différents, selon des quantités variables et appropriées à leurs besoins particuliers. […] Telle est déjà, selon la version du maître historien, la situation des Grecs et des Romains, vis-à-vis de leurs coutumes et de leurs lois, dès qu’il nous est donné de les connaître. […] Cette religion des Grecs et des Romains fut à son origine essentiellement particulariste. […] Le beau livre de Fustel de Coulanges nous montre en effet les Grecs et les Romains dominés sur les deux points que l’on vient de dire par la croyance ancienne, alors que cette croyance n’est plus pour eux qu’un argument poétique. […] Ainsi, à l’instigation d’une idée abstraite qui les dominait et qui puisait encore son autorité dans la loi, les Grecs et les Romains se conçurent, durant une longue période, autres qu’ils n’étaient.
Hugo apprécie peu et qu’il heurte volontiers dans sa manière ; il se soucie médiocrement, j’imagine, de l’aimable simplicité des Grecs, de ce qu’eux-mêmes appelaient aphéleia, mot que le poëte Gray a traduit quelque part heureusement par tenuem illum Græcorum spiritum , qualité délicate et transparente qui décore chez eux depuis l’ode à la Cigale d’Anacréon jusqu’aux chastes douleurs de leur Antigone. […] Hugo, loin d’avoir en rien l’organisation grecque, est plutôt comme un Franc énergique et subtil, devenu vite habile et passé maître aux richesses latines de la décadence, un Goth revenu d’Espagne, qui s’est fait Romain, très-raffiné même en grammaire, savant au style du Bas-Empire et à toute l’ornementation byzantine . […] Un poëte, qui aurait senti tout à l’heure Anacréon dans la pureté grecque, n’aurait pas ici commis pareille faute. […] Le poëte, par manque de ce tact que j’appellerai grec ou attique, et qui n’est pas moins français, ne recule jamais devant le choquant de l’expression, quand il doit en résulter quelque similitude matérielle plus rigoureuse qu’il pousse à outrance.
Shakespeare n’a point imité les anciens ; il ne s’est point nourri, comme Racine, des tragédies grecques. Il a fait une pièce sur un sujet grec, Troïle et Cresside, et les mœurs d’Homère n’y sont point observées. […] Depuis les Grecs jusqu’à lui, nous voyons toutes les littératures dériver les unes des autres, en partant de la même source. […] Ses pièces sont supérieures aux tragédies grecques, pour la philosophie des passions et la connaissance des hommes47 ; mais elles sont beaucoup plus reculées sous le rapport de la perfection de l’art.
Quintilien après avoir rapporté les raisons morales qu’on donnoit de la difference qui étoit entre l’éloquence des atheniens et l’éloquence des grecs asiatiques, dit qu’il faut la chercher dans le caractere naturel des uns et des autres. […] Je ne veux pas citer les éloges que les écrivains grecs ont fait du goût et de l’esprit des atheniens. […] Mais Ciceron qui connoissoit les atheniens pour avoir long-temps demeuré avec eux, et qu’on ne sçauroit soupçonner d’avoir voulu flatter servilement des hommes qui étoient sujets de sa république, rend le même témoignage que les grecs en leur faveur. […] Au contraire, les grecs établis à Marseille contracterent avec le temps l’audace et le mépris de la mort particulier aux gaulois.
Amyot et les auteurs latins ont créé Montaigne, et les tragiques grecs Racine. […] La lecture des traductions d’auteurs grecs est une nécessité pour celui qui veut approfondir notre littérature classique, parce qu’elle est directement sortie des Latins et des Grecs. […] Les Grecs eux-mêmes ont exploité leurs traditions et leurs légendes nationales. Les Latins ont imité les Grecs. […] La nuit parfois il recevait des Grecs pour les interroger.
Les autres sont presque devenus pour nous les évenemens d’une histoire étrangere, d’autant plus que nous n’avons pas le soin de perpetuer le souvenir des jours heureux à la nation par des fêtes et par des jeux annuels, ni celui d’éterniser la memoire de nos heros, ainsi que le pratiquoient les grecs et les romains. […] Que ceux qui ne voudroient pas faire le choix du sujet d’un poëme épique, tel que je le propose, alleguent donc leur veritable excuse : c’est que le secours de la poësie des anciens leur étant necessaire, pour rendre leur verve feconde, ils aiment mieux traiter les mêmes sujets que les poëtes grecs et les poëtes latins ont traitez, que des sujets modernes où ils ne pourroient pas s’aider aussi facilement de la poësie du stile et de l’invention des premiers.