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581. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Il nous faut en prendre décidément notre parti, écrivains et gens de lettres : tout homme d’esprit qui est d’une profession, s’il a à s’en expliquer devant le public, surpasse d’emblée les lettrés, même par l’expression ; il a des termes plus propres et tirés des entrailles mêmes du sujet. […] Malgré ces heureux ravitaillements, il est bien clair qu’auprès de la plupart, en cette société moderne, l’école du style, soit académique, soit non académique, perd en crédit, en importance, qu’on l’apprécie moins et qu’on s’en passe ; qu’à voir tant de gens se jeter à l’eau d’abord et apprendre ensuite d’eux-mêmes à nager, on en estime moins les préceptes de la natation, et qu’un moment viendra où (je le répète), sans être pourtant insensible à un certain tour et à un certain éclat d’expression, on ira surtout aux faits, aux idées, aux notions que portera le bien dire ou le style. […] Dire qu’il existe sous le ciel des gens qui s’adonnent avec passion à l’horticulture, qui aiment les fleurs jusqu’à la manie, et qui n’aiment point les enfants ! […] Deschanel est en grande partie la mienne : prétendre qu’un lecteur ne doit être, à l’égard des livres anciens ou nouveaux, que comme le convive pour le fruit qu’on lui offre et qu’il trouve bon ou mauvais, qu’il savoure ou qu’il rejette sans en connaître la nature ni la provenance, c’est trop nous traiter en gens paresseux et délicats.

582. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

La ruine de l’empire grec avait envoyé en Occident de savants hommes, mais aussi toute sorte de gens, qui n’avaient de grec que le nom, et, s’ils savaient à peu près leur langue nationale, étaient tout à fait incapables de l’enseigner. […] Il était naturel que ces gens qui’s’étaient faits eux-mêmes, eussent foi en leur esprit, dans la raison humaine qui, en eux, soutenue par la volonté, réglée par la méthode, avait été à la science à travers tous les obstacles. […] Il ne faut pas s’arrêter non plus à ce qu’il fut arrêté en 1526, poursuivi en 1532, décrété et obligé de fuir à la fin de 1534 : il y a des exemples de gens persécutés pour des opinions qu’ils n’ont pas ; et c’était peut-être la riposte des théologiens aux épigrammes, des gens de justice à l’Enfer.

583. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Il a vu passer des gens en blouse ou en redingote, gesticuler des bras, étinceler des yeux, râler ou saigner des corps : et il s’est demandé ce que cela signifiait. […] Dans leur œuvre laborieuse, ils ont réussi surtout à exprimer certains types de détraqués et de déclassés, gens de lettres, artistes, acrobates ; ils ont rendu avec une singulière originalité les formes d’âmes les plus factices qu’une civilisation trop raffinée fait éclore, la jeune fille du grand monde parisien, par exemple, dans ce roman de Renée Mauperin, qui demeurera, je pense, l’une des œuvres caractéristiques de notre temps. […] Ayant vécu à Lyon et à Paris, dans les quartiers populeux, parmi la petite bourgeoisie, ayant peiné, et longtemps coudoyé les gens qui peinent, commerçants, employés, ouvrières, il a représenté les vieilles maisons, les rues bruyantes de Lyon et de Paris, la vie laborieuse et tumultueuse des fabriques, les durs combats pour arriver aux échéances ou atteindre le jour de paye, l’effort journalier, épuisant, contre la misère : le Petit Chose, Jack, Fromont jeune et Risler aîné, des coins du Nabab et de l’Évangéliste sont d’exquises et fortes peintures de la vie bourgeoise et presque populaire. […] Les gens et les maigres, du Ventre de Paris.

584. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Dès cette pièce de Crispin commence l’attaque aux gens de finance : on voit poindre Turcaret. […] Quand Laure le fait passer pour son frère et qu’elle le présente sur ce pied à toute la troupe, le respect avec lequel il est reçu par tous, depuis les premiers sujets jusqu’au souffleur, la curiosité et la civilité avec lesquelles on le considère, touchent de près à l’une des prétentions les plus sensibles de ce monde des comédiens d’autrefois : « Il semblait, dit-il, que tous ces gens-là fussent des enfants trouvés qui n’avaient jamais vu de frère. » C’est qu’en effet les comédiens (je parle toujours de ceux d’autrefois), précisément parce qu’ils étaient le plus souvent peu pourvus du côté de la famille, étaient d’autant plus fiers et attentifs quand ils en pouvaient montrer quelques membres comme échantillon. […] Il était obligé, pour converser, de se servir d’un cornet ; il appelait ce cornet son bienfaiteur, en ce qu’il s’en servait pour communiquer avec les gens d’esprit, et qu’il n’avait qu’à le poser pour ne pas entendre les ennuyeux et les sots25. […] [NdA] Cette veine de Turcaret était neuve au théâtre et encore intacte même après Molière : « C’est une chose remarquable, dit Chamfort, que Molière, qui n’épargnait rien, n’a pas lancé un seul trait contre les gens de finance.

585. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Elle eut l’habileté de gagner ses procès, de conquérir en quelque sorte son bien et celui de ses enfants, et c’est alors qu’elle se livra à ses goûts, en établissant à Paris une maison qui rassemblait des gens de lettres, des gens du monde, et qui, insensiblement, se trouva l’une des premières et la plus en vue vers la date de 1710-1733, durant plus de vingt ans. […] Boileau et La Fontaine attendirent longtemps avant d’être de l’Académie ; et, lors même qu’ils en furent, il y restait beaucoup de gens de l’ancien goût, et il s’en glissait déjà quelques-uns d’un goût nouveau, lequel n’était pas le plus pur. […] En voyant les gens de lettres si assidus chez elle, et Messieurs de l’Académie y dîner deux fois par semaine, ses envieux ne manquèrent pas de l’accuser de tenir bureau d’esprit : C’était, dit Fontenelle, à un petit nombre d’exceptions près, la seule maison qui se fût préservée de la maladie épidémique du jeu, la seule où l’on se trouvât pour se parler raisonnablement les uns les autres, et même avec esprit selon l’occasion. […] C’est là qu’elle réunissait, le mardi et le mercredi de chaque semaine, une société choisie de grands seigneurs et d’hommes de lettres ou de gens lettrés. » (Frédéric Lock, Documents pour l’histoire de la Bibliothèque impériale.)

586. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Le peintre ému se reconnaît pourtant dès les premières lignes ; les descriptions ne sont pas sèches ; le paysage n’est là que pour se mettre en rapport avec les personnages vivants : « Un paysage, dit-il, est le fond du tableau de la vie humaine. » Avant de s’embarquer à Lorient, et sans avoir encore quitté le port, en s’y promenant et en nous y montrant le marché aux poissons avec tout ce qui s’y remue de fraîche marée, l’auteur nous rend une petite toile hollandaise ; en nous peignant avec vérité le retour des pêcheurs par un gros temps, il y mêle le côté sensible dont il abusera : « C’est donc parmi les gens de peine que l’on trouve encore quelques vertus. » On reconnaît le petit couplet philosophique qui commence, mais il ne le prolonge pas trop, et cela ne va pas encore jusqu’au sermon56. […] Il s’occupa de rédiger son Voyage ; il vit quelques gens de lettres, Rousseau, d’Alembert ; il eut quelque temps du succès dans le monde des encyclopédistes. […] Hennin lui obtient de M. de Vergennes (29 novembre 1780) une gratification de trois cents livres sur les fonds destinés aux gens de lettres : « C’est peu de chose, mais il s’agit de débuter. » D’ailleurs ces gratifications sur les fonds littéraires sont annuelles et équivalent à une pension à vie, quoiqu’on ne l’annonce pas formellement. […] Quand M. le baron de Breteuil, qui vous a toujours voulu du bien, quoique vous vous soyez éloigné de lui, aurait imaginé de vous en faire sans que vous lui en demandassiez, sans vous en prévenir ; quand, en lui parlant souvent de vous, je serais la cause indirecte de ce surcroît de bien-être, peut-il y avoir rien d’humiliant pour vous à être placé au rang des gens de lettres, puisque vous avez imprimé ?

587. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Mais bien des gens trouvoient qu’il n’avoit de modeste que le propos ; que ses manières ne l’étoient point ; que l’ambition de règner sur les esprits, étoit sa passion dominante ; que, gouvernant la république d’Athènes, il croyoit devoir être également obéi dans celle des lettres. […] Il étoit devenu le plastron de mille gens qui n’avoient aucun de ses talens.

588. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Il y a une vingtaine d’années que quelques gens de lettres, réunis en société, annoncerent au monde savant qu’ils alloient exécuter dans tous ces points le projet de Bacon, sous le titre d’Encyclopédie, ou de Dictionnaire raisonné des sciences, des arts & des métiers, en dix-sept vol. […] Ce livre trop fameux & trop digne de l’être, a été proscrit par les deux Puissances, & l’on peut citer contre lui les Arrêts du Conseil & des Parlemens, les comptes rendus des gens du Roi, les Mandemens de plusieurs Evêques, &c.

589. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Deuxième cours des études d’une Université » pp. 489-494

L’objet du premier cours est de préparer des savants ; l’objet de celui-ci est de faire des gens de bien : deux tâches qu’il ne faut point séparer. […] (La morale particulière, ou le droit naturel et celui des gens.)

590. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

Les romains ne ressemblent plus, continuera-t-on, aux anciens romains si fameux par leurs vertus militaires et que Tacite définit, des gens ennemis de toutes ces vaines démonstrations de respect qui ne sont que des céremonies. Des gens qui ne se soucioient que de l’autorité.

591. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

Les progrez que l’art des pantomimes né sous le regne d’Auguste, aura fait durant les deux siecles écoulez depuis le temps d’Aristides jusques au temps de Porphyre, avoient engagé les gens de théatre à subdiviser l’art rithmique, et par consequent à en faire deux arts differens. […] En un mot, tous les écrits des anciens font foi, que la musique passoit de leur temps pour un art necessaire aux personnes polies, et qu’on regardoit alors comme des gens sans éducation, et comme on regarde aujourd’hui ceux qui ne sçavent point lire, les personnes qui ne sçavoient pas la musique.

592. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Comme les gens de théatre ne devoient gueres se servir des gestes d’institution, en un mot, comme leur saltation étoit d’une espece particuliere, il étoit naturel qu’ils eussent des écoles et des professeurs à part. […] Ce dernier étoit composé uniquement des gestes et des démonstrations de gens que le froid saisit.

593. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

» Relire est, en effet, une occupation de gens peu occupés. […] Les professeurs de littérature sont gens très intelligents, quelques-uns du moins, en choses de lettres.

594. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « IV »

» Il n’y a ici de sotte attitude que celle des gens qui nous font dire sciemment le contraire de ce que nous avons dit. […] Ces évidences sont trop claires pour certaines gens. « Il faut donc, nous fait-on conclure, que Flaubert, ayant de la couleur, manque d’idées, et que Taine, ayant des idées, manque de couleur.

595. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

On dirait parfois que Ronsard et Montaigne n’ont écrit que pour les gens de collège. […] Car, en plusieurs occasions, et au lendemain même de la fondation de son Académie, Richelieu s’était bien aperçu, — par l’affaire de Corneille et de la critique du Cid, — qu’il ne gouvernerait pas les gens de lettres comme il faisait ses « intendants ». Les gens de lettres n’ont pas toujours cet « esprit de suite » que le cardinal exigeait de ses protégés ; et leur obéissance, qui peut d’ailleurs très bien aller jusqu’à la bassesse, n’en a pas moins toujours quelque chose de capricieux et d’intermittent. […] Nous sommes les gens de maintenant ! […] On y reconnaît les gens de son quartier.

596. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

L’on ne voit que des gens qui courent. […] Et nous flânerons, quelquefois, comme des gens qui n’ont point à se presser outre mesure, et non comme des gens fatigués. […] Ce sont, comme dit Fantasio, des gens qui n’ont pas de métier. […] Ces gens ne méritent que la moquerie. […] Je ne fuirai pas devant ces gens-là !

597. (1925) Comment on devient écrivain

Mistral déclarait qu’il ne chantait que « pour les pâtres et les gens des bastides ». […] Il y a encore des gens qui n’aiment pas notre grand Molière. […] Les gens du métier sont injustes pour leurs rivaux. […] MM. les critiques sont, en général, des gens irritables. […] Peu de gens sont capables de juger leurs propres ouvrages.

598. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

On lui a reproché de l’inconséquence, et l’inconséquence est une des choses qui trouvent le moins grâce aux yeux de bien des gens. […] Aux yeux de beaucoup de gens il se produisait plutôt comme une nuance, une réforme à côté de la religion anciennement établie. […] Non, mais aux gens qui se trompent si grossièrement que de prendre pour vertu l’absence même de la vertu. […] Vous me montrez, il est vrai, des gens qui repoussent la louange ; montrez-moi des gens qui l’évitent. […] Beaucoup de gens n’ont vu dans ce livre qu’une raison de plus pour mépriser les hommes ; pauvre instruction !

599. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Jacques Chaumié l’avait mis en fureur, qui affirme, dans Les Marges, que les grands poètes français ne sont point gens du Midi. […] Le provençal serait-il plus attachant que le roumain, ou les Flamands seraient-ils plus perméables au génie français que les gens de Languedoc ? […] Au xvie  siècle déjà, ainsi que de nos jours, Paris était habité surtout par des gens de province et les Méridionaux n’y devaient pas manquer. […] Évidemment pas que les méridionaux sont moins sensibles à la poésie que les gens du Nord. […] Les gens des diverses provinces se mêlent depuis bien des siècles et n’ont pas attendu pour cela l’invention des chemins de fer.

600. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Pour beaucoup de gens qui n’étaient pas tout à fait des imbéciles, la véritable raison de la défaite, c’était l’infériorité des officiers français en géographie ! […] Évidemment, la science ne pouvait exercer une telle séduction que sur des gens très ignorants, car c’est le propre du savoir humain lorsqu’il est raisonnable, de voir les limites de son maigre royaume ; mais pour cette génération française de la fin de l’Empire, la science était une fatalité tangible, une divinité souverainement bienfaisante, qu’il suffisait de toucher pour être sauvé. […] Il y a des gens à qui cela donne l’idée de la force, à moi cela me donne surtout l’idée de l’impuissance. […] Il me semble, à moi, que rien ne fait mieux comprendre un être que ses actes, mais M. de Goncourt estime qu’un homme est surtout intéressant lorsqu’il ne lui arrive rien ; il supprime toute intrigue, même le plus léger événement ; il veut connaître la sensibilité des gens lorsqu’ils ne sentent pas ; comme certains pianistes, il adore les difficultés, il cherche l’impossibilité. […] Mais cet écrivain qui passe six ans avec des êtres qu’il méprise, six ans à créer de vilaines gens comme son Homais, dans quelle classe de maniaque pourrait-on le ranger !

601. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1883 » pp. 236-282

» * * * — Fabriquer de la vertu, je ne dis pas que cela n’arrive pas quelquefois à des écrivains propres, mais j’affirme que tous les écrivains qui ont fait des chaussons de lisières à Clairvaux, ou de vilaines choses, pour lesquelles il n’y a pas de gendarmes, n’inventent dans leurs livres, que des gens honnêtes. […] » * * * — Tous des timides ou des lâches — même les gens d’église… est-ce que le président Grévy, le chef de ce gouvernement qui a déchristianisé la France, aurait dû trouver un prêtre pour baptiser sa petite-fille ? […] Et la tentation de cet habit, est donnée aux gens qui en ont besoin, par un mannequin de la plus jolie figure qui soit, en carton rose, avec des yeux bleus, des cheveux blonds frisés, des moustaches noires : un mannequin à cravate blanche et à gants jaunes. […] autrefois on avait déjà la théorie… maintenant on a les deux : la théorie et la pratique. » Samedi 11 août Dans Saint-Simon à la peinture, à l’admirable peinture des gens, manque malheureusement la peinture des choses. […] Pour les gens qui veulent bien accepter la matérialité du théâtre, l’acte de la couronne démontée pour le Mont-de-Piété, est une émotionnante chose, un clou puissant.

602. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Le meilleur reméde à cela est de consulter des oreilles sçavantes, sans trop s’inquiéter pour satisfaire ceux à qui la langue et les idées poëtiques ne sont pas assez familiéres ; car enfin un poëte ne prétend parler qu’aux gens d’esprit ; et à moins que d’en dire trop pour eux, il n’en dira jamais assez pour les autres. […] Il est vrai qu’aujourd’hui peu de gens sont capables de l’étudier dans sa langue ; que ceux même qui le lisent dans la traduction latine, avoüent la plûpart ingénument, qu’ils ne le trouvent pas encore trop intelligible, et que nos plus habiles ecrivains auroient peine à en faire une traduction françoise, exacte et en même tems agréable. […] Ses ouvrages ne sont plus lûs, et je ne crois pas que beaucoup de gens veuillent juger par leurs yeux de ce que j’en vais dire. […] S’il met quelque feu dans un ouvrage, et s’il fait regarder à de certaines gens les poëtes comme des hommes inspirés, il les avilit à des yeux plus philosophes, qui les regardent comme des fous yvres de leur art et d’eux-mêmes. […] Quelques gens pourroient croire d’abord que j’y manque de respect aux anciens, et j’avoüe que cela me siéroit moins qu’à aucun autre.

603. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Et ce qu’il y a de charmant dans cette fable, c’est précisément le contraste parfaitement voulu, parfaitement médité et concerté, le contraste entre la jeunesse présomptueuse qui n’accorde même pas au vieillard la liberté, la licence de travailler en quelque sorte à long terme ; et, tout au contraire, cette sorte de méditation du futur qui accompagne le vieillard dans son labeur et qui lui fait dire : Voilà des jeunes gens qui me suppriment dans leur pensée, et moi, c’est à des gens qui ne sont pas encore, c’est à mes arrière-neveux que je songe déjà   Voilà une très jolie leçon de sagesse, tout à fait dans la manière d’Horace en même temps que dans la manière de Virgile, une très jolie leçon de sagesse antique avec quelque chose, je crois, de plus attendri, de plus doux, de plus mouillé de la tendresse moderne et de la tendresse, j’allais dire chrétienne, mais il ne faut pas dire chrétienne, en parlant de La Fontaine, ce serait trop une erreur, enfin d’une tendresse qui avoisine déjà le christianisme et qui en a senti quelque légère influence. […] Quoi, ces gens-là ! […] Après les bons partis, les médiocres gens Vinrent se mettre sur les rangs. […] Jusqu’à la dernière page (du moins de ce qui nous est parvenu), cette marque subsiste de lettres confidentielles où deux personnes s’entendent à demi-mot : « Je vous donne les gens de Limoges pour aussi fins et aussi polis que peuple de France : les hommes ont de l’esprit en ce pays-là, et les femmes de la blancheur ; mais leurs coutumes, façon de vivre, occupations, compliments surtout, ne me plaisent point. […] On ne trouve exactement, parmi ses compagnons de voyage et tous les gens qu’il a rencontrés, on ne trouve exactement dans ses lettres que le notaire, d’abord, la comtesse, les bohémiens, sa cousine de Châtellerault et, il faut bien le dire, une fille d’auberge.

604. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

Il y a des gens qui vous disent, sans se déferrer, — car ils sont ferrés, je le crois !  […] Elle n’est point, comme celle de tant de gens, la bâtarde de l’esprit, née de ses jouissances et de ses manières de sentir. […] Gens de forme littéraire tous les deux, l’un est une sensibilité, l’autre n’est qu’une mémoire. […] Vous verrez qu’à propos de ce commentaire sur Pindare, écrit par un homme dont le seul mérite net et vrai fut de savoir bien le latin dans son temps, il est des gens qui parleront encore longtemps de la gloire de collège de Villemain ; et ils auront raison, car cette gloire a fait son heureuse position dans les lettres, et tous les livres qu’il a écrits depuis n’y ont pas beaucoup ajouté. […] C’étaient comme lui des gens de Juste Milieu, des moitiés de royalistes et de révolutionnaires.

605. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Émile Zola »

Tous plus ou moins déboulonneurs de colonnes, ces gens-là. […] Les roquefort, eux aussi, sous des cloches de cristal, prenaient des mines princières, des faces marbrées et grasses, veinées de bleu et de jaune, comme attaqués d’une maladie honteuse de gens riches qui ont trop mangé de truffes (encore un détail friand et affriolant !)  […] Tout ces gens qui ne comprennent rien au catholicisme, qu’ils ne savent pas et qu’ils n’ont point étudié, n’ont qu’une seule façon de procéder contre lui, mais cette façon ne manque jamais son coup sur les imbéciles. […] Zola, puisqu’il en trouve, des gens qui diront que ce veau est sublime. […] Voici un roman qui, dans l’estime de beaucoup de gens, — les avancés ou les faisandés en littérature, — doit passer pour un livre étonnant, un coup de pistolet dans une poudrière, une nouveauté foudroyante, un chef-d’œuvre !

606. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

Des gens sages, qui savaient ce que c’est que l’honneur, veillaient sur lui. […] « Les gens s’étonnèrent de ce qui se passait. […] La bête voulait retourner au bois, ce qui effraya les gens. […] Les cris des gens faisaient retentir toute la montagne. […] Les nobles gens de la ville accoururent en hâte.

607. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Comme instruments de gouvernement, il ne vent plus employer que ses parents, puissante aristocratie de princes du sang, assez égoïstes, et des gens de loi ou d’administration anoblis (milites regis ), serviteurs complaisants du pouvoir absolu. […] La plupart des gens n’y demandent guère qu’une seule chose, c’est qu’on les laisse tranquillement faire fortune. […] Il y a en France autant de gens de cœur et de gens d’esprit que dans aucun autre pays ; mais tout cela n’est pas mis en valeur. […] Les Normands ont été en Europe les créateurs de la propriété ; car, le lendemain du jour où ces bandits eurent des terres, ils s’établirent pour eux et pour tous les gens de leur domaine un ordre social et une sécurité qu’on n’avait pas vus jusque-là. […] Ces sociétés, en effet, impliquent des catégories entières de sacrifies, de gens qui doivent se résigner à une vie triste sans espoir d’amélioration.

608. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Pour beaucoup de gens, la vie n’est plus qu’un méchant bout de rôle, à jouer avec des comparses médiocres, entre deux coulisses mystérieuses. […] La foule aimera toujours les gens qui affirment et qui décident. […] À voir tant de gens agir si mal ou si sottement, il prit un grand dégoût de l’action. […] Il est obligé d’écouter plus qu’il ne le voudrait ces sortes de gens que Molière appelait des « fâcheux » et que nous désignons d’un nom moins élégant. […] diront les gens pratiques, expéditifs et nigauds, qui n’aiment pas ce qu’il y a de meilleur dans l’amour.

609. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

où affluèrent gratuitement telles gens qui eussent pu payer le lendemain leur loge ou leur fauteuil. […] Avis aux gens paisibles, au Sobre et naïf homme de bien avide de quelque sommeil et curieux d’un peu de tranquillité. […] Plus encore de cordialité, de bonhomie, s’il est permis de parler de l’une et de l’autre quand il s’agit de gens de lettres. […] nous en provenons, découlants ou rayonnants, selon les cas et les gens, et ce terme « que de droit », pardieu et de par Dieu ! […] Il est vrai qu’on a traité aussi de bonapartistes les pauvres gens par trentaine de mille qui se firent tuer pour trente sous par jour !

610. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Connaître le vrai pour le communiquer, voilà la nouvelle rhétorique ; c’est l’art des honnêtes gens remplaçant l’art des gens habiles : l’emploi d’une telle méthode est le commencement de la vertu. […] Quant aux habiles gens qui en auraient fait un mélange, se composant une foi de la réunion de ces deux ordres de preuves, on n’en avait pas même l’idée à cette époque, et l’on n’y eût vu que le calcul d’esprits médiocres, aussi incapables d’être philosophes que d’être chrétiens. […] Noble exemple, dans ce monde où tant d’habiles gens, qui n’ont rien à donner, invitent néanmoins les autres à les aimer, afin de les avoir plus sous la main pour le service de leur fortune ! […] Mais, du moins, cet esprit paraît jouir encore de lui-même ; l’habileté du travail, les premières caresses de la réputation qui le découvre derrière l’anonyme, quelque reste des idées du monde qui l’ont suivi dans sa retraite à Port-Royal, la vivacité de la polémique, le désir de n’avoir pas le dessous, la joie secrète de voir les gens de bon sens et les rieurs de son côté, toutes ces choses qui ont leur douceur honnête et permise, même pour les parfaits, le tiennent dans une disposition qui nous paraît heureuse, comparée à l’ardeur fébrile des Pensées. […] Ainsi, dans la sixième lettre, après l’anecdote de Jean d’Alba, ce valet des jésuites qui, devant le Châtelet, se défendait par les maximes des pères d’avoir volé leur vaisselle, l’interlocuteur fait remarquer au père que c’est peu d’avoir mis les gens en assurance à l’égard de Dieu, de leur conscience et du confesseur, si l’on n’est pas parvenu encore à les mettre en assurance du côté des magistrats ; et il ajoute : « Votre pouvoir est de grande étendue : obligez-les d’absoudre les criminels qui ont une opinion probable, à peine d’être exclus des sacrements. — Il y faudra songer, reprend le père : cela n’est pas à négliger.

611. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Nous ne le croyions guère, sachant toute la répugnance des directeurs à accepter une pièce de gens accusés de littérature, de style et d’art. […] Seulement, nous demandions encore deux épreuves, celle de ce soir-là, et celle du lundi suivant : nous espérions, pour cette représentation du lundi, l’effet de notre brochure qu’on allait mettre en vente à quatre heures et qui nous semblait destinée à faire revenir les gens de cœur sur le compte de notre dignité et de notre indépendance. « Lundi, c’est impossible !  […] Les quinze jours se passaient dans l’attente anxieuse de gens qui ont une pièce, et une première pièce présentée à un théâtre. […] Une autre pièce a un certain intérêt pour les gens qui sont curieux de l’histoire littéraire des auteurs qu’ils aiment. […] De cruels jours pour le système nerveux des gens, et des jours éternels, que ces jours d’attente ; et je donne ici une note que je retrouve écrite sur un bout de papier : « Mercredi 21 octobre 1857. — Un mauvais sommeil et le matin la bouche sèche comme après une nuit de jeu.

612. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre V. Des orateurs anciens et Modernes. » pp. 223-293

L’éloquence de ces misérables étoit venale ; le desir de parvenir à quelque place les portoit à la Tribune pour défendre sans pudeur des scélérats puissans, ou pour accuser des gens de bien sans appui. […] On l’a accusé pourtant d’être plus Avocat que Prédicateur, plus propre à convaincre des gens d’esprit qu’à émouvoir le peuple. […] Si vous allez par le chemin du bel esprit, vous trouverez ici des gens qui en mettront plus dans un seul couplet de chanson, que vous dans tout un Sermon. […] D’ailleurs le livre du Pere Houdry renferme vingt-deux gros volumes in-4°., & il y a bien peu de gens, sur-tout parmi les Curés de la campagne, qui soient en état de se le procurer ; cela emporteroit une année du revenu de leur Cure. […] Ne pouvant trouver des pensées nouvelles, ils ont cherché des tours nouveaux, & ont parlé sans penser, comme des gens qui mangeroient à vuide, & feroient semblant de manger en périssant d’inanition.

613. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Mais voilà qu’en route, vers la hauteur du cap Malée, la flotte magnifique rencontre tout à point deux vaisseaux chargés de chevaliers et de gens de pied, qui étaient de ceux qui avaient précédemment faussé compagnie, et qui au lieu de venir, comme c’était convenu, au rendez-vous de Venise, s’étaient petitement embarqués à Marseille, étaient allés en toute hâte en Syrie, n’y avaient fait que maigre besogne, et s’en revenaient dégagés de leur vœu à la rigueur, mais chétifs et confus. […] Quand ils virent ces hauts murs et ces riches tours dont elle était close, et ces riches palais et ces hautes églises dont il y avait tant que personne ne l’eût pu croire, s’il ne l’eût vu proprement à l’œil ; et quand ils virent le long et le large de la ville, qui de toutes les autres était souveraine, sachez qu’il n’y eut homme si hardi à qui la chair ne frémît par tout le corps ; et ce ne fut merveille s’ils s’en effrayèrent, car jamais si grande affaire ne fut entreprise d’aucunes gens depuis que le monde fut créé. […] Ils ne ressemblent pas en ce point-là à nos gens qui abandonnent leur chemise au premier qui la veut prendre, et qui secouent la poussière de leurs pieds lorsqu’on les chasse de leur patrie… Un tel aveu dispense de tout commentaire, et l’on voit encore par là de quel côté était alors la moralité, la vertu sociale ; pour être à l’état brut, elle n’en existait pas moins ; et l’on conçoit que les vainqueurs, parodiant les vaincus dans une mascarade de triomphe, se soient promenés dans les rues de Constantinople vêtus de robes, coiffés à la byzantine, et tenant en main pour toutes armes du papier, de l’encre et des écritoires.

614. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Fidèle à ces principes, suivez votre goût pour les lettres, et vous obtiendrez des gens de bien une sanction sans laquelle les plus grands talents n’ont rien qui soit digne d’être envié. » Certes, celui qui fait ainsi parler les grands esprits, et qui met dans leur bouche un sens si juste avec des paroles si complètes, est lui-même de leur postérité à bien des égards, et, si on ne le cite qu’au second rang, il ne fait pas d’injure au premier. […] Une leçon littéraire à tirer de ceci, c’est que bien des gens, tribuns ou poètes, veulent se donner des airs féroces en temps de révolution, ils ne sont qu’ampoulés. […] Dans le transport de la fièvre, il ne cessait de parler du Tribunal révolutionnaire ; il croyait voir Bailly, Lavoisier, tous ses amis immolés l’appeler sur l’échafaud : « Ce délire d’un mourant, a dit éloquemment Lémontey, montra au jour ce qu’était alors en France le sommeil des gens de bien. » Vicq d’Azyr est trop oublié, ou du moins, si son nom reste connu, ses ouvrages le sont trop peu.

615. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Rabelais nous a donné la liste complète de ceux de Gargantua enfant après ses repas et les grâces dites : Puis… se la voit les mains de vin frais, s’écuroit les dents avec un pied de porc, et devisoit joyeusement avec ses gens. […] Un Courtenay mousquetaire y fut tué, un descendant légitime de Louis le Gros et, à sa manière, un petit-fils de France. « Je voyais toute l’attaque fort à mon aise, écrit Racine à Boileau, d’un peu loin à la vérité ; mais j’avais de fort bonnes lunettes, que je ne pouvais presque tenir ferme tant le cœur me battait à voir tant de braves gens dans le péril. » Le roi, à ce siège de Mons comme l’année suivante à celui de Namur, s’offre bien à nous dans l’attitude sinon héroïque, du moins royale, et il satisfait à l’honneur, au courage, à tous ses devoirs, y compris l’humanité : « Jeudi 5 avril. — Le roi, en faisant le tour des lignes, a passé à l’hôpital pour voir si l’on avait bien soin des blessés et des malades, si les bouillons étaient bons, s’il en mourait beaucoup, et si les chirurgiens faisaient bien leur devoir. » La ville a demandé à capituler après seize jours de tranchée ouverte : « Le roi, dit Dangeau, a donné ce matin (9 avril) à Vauban 100000 francs, et l’a prié à dîner, honneur dont il a été plus touché que de l’argent. […] À une action, pendant le siège du château, il reste toujours à cheval à une demi-portée de mousquet de la place, et quelques gens sont blessés fort loin derrière lui.

616. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

On a fort discuté sur le christianisme de Vauvenargues, et d’habiles gens en ont fait le sujet d’un examen particulier. […] Émile Chasles n’a pas manqué de relever dans son étude intitulée Les Confessions de Vauvenargues : Ce qu’il y a de plus avisé pour l’emprunt qui me regarde, écrit Vauvenargues à Saint-Vincens, c’est de battre à plusieurs portes, de savoir qui a de l’argent, et de sonder tout le monde ; pauvres, riches, domestiques, vieux prêtres, gens de métier, tout est bon, tout peut produire ; et, si l’on ne trouvait pas dans une seule bourse tout l’argent dont j’ai besoin, on pourrait le prendre en plusieurs, et cela reviendrait au même. […] Je ne doute pas que beaucoup de gens ne me condamnent de l’avoir donné au public ; on ne pardonne guère dans le monde cette espèce de présomption, mais j’espère de supporter avec patience le tort qu’elle pourra me faire, si on me devine.

617. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Il raconte que, dans une de ses tournées de début, un consul de Nogaro, qui était à la fois médecin, lui dit dans sa harangue « que le roi l’avait envoyé dans la province pour la purger de tous les fainéants et gens de mauvaise vie, et qu’au sentiment d’Hippocrate ce qui formait les humeurs peccantes était l’oisiveté. » L’idée, en un sens, n’était pas aussi fausse que l’expression était ridicule. — « Je gardai mon sérieux, ajoute Foucault, mai les assistants ne se crurent pas obligés à la-même gravité. » Foucault, comme autrefois Fléchier aux Grands Jours d’Auvergne, se moque des harangueurs surannés de la province ; il est un homme, de goût par rapport à ce consul. […] Il nous apprend, dans une circonstance assez singulière où il était placé entre les deux, et, comme on dit, entre le marteau et l’enclume, comment il s’y prit pour esquiver le choc, pour ne pas déplaire ni désobéir : « Au mois de décembre 1674, j’ai proposé à M. de Louvois de ne point mettre des gens de guerre en quartier d’hiver dans Négrepelisse, appartenant à M. de Turenne ; il m’a mandé que l’intention du roi était que, sans distinction, je distribuasse les troupes dans toutes les paroisses, il était brouillé avec M. de Turenne. […] La méthode la plus douce était de convertir les gens avec promesse de pension du roi.

618. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

Le Dey d’Alger disait de lui que « quand il tenait sous bonne garde le manchot espagnol, il tenait en sûreté ses esclaves, ses galères et même toute la ville. » Dans l’Histoire du Captif, Cervantes, faisant raconter à ce personnage réel ou fictif bien des choses dont lui-même avait été témoin et les horreurs qui avaient affligé sous ses yeux l’humanité, lui fait dire encore : « Un seul captif s’en tira bien avec lui (avec le Dey) ; c’est un soldat espagnol, nommé un tel de Saavedra, lequel fit des choses qui resteront de longues années dans la mémoire des gens de ce pays, et toutes pour recouvrer sa liberté. […] Mais la probité, chez les gens de lettres, les artistes et les hommes d’imagination, comme chez les anciens soldats (et Cervantes réunissait tous ces titres), est certes compatible avec quelque négligence. […] C’est dans les loisirs de cette prison qu’il aurait commencé son Don Quichotte, et il se serait vengé, bien doucement d’ailleurs, des gens du lieu par ces premiers mots du livre immortel : « Dans une bourgade de la Manche, dont je ne veux pas me rappeler le nom, vivait il n’y a pas longtemps un hidalgo… » Établi ensuite avec sa famille à Valladodid, où était alors la Cour, il y vivait si pauvrement que sa sœur doña Andréa aidait à la subsistance commune par le travail de son aiguille ; on a retrouvé la note d’un raccommodage qu’elle fit pour les hardes d’un seigneur.

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