Dans la réalité, Pindare, né d’un père dont le nom est rapporté diversement, Daïphante ou Scopelinos, fut dès l’enfance formé par lui à l’art de la musique, et plus tard élève de Lasos d’Hermione, le plus renommé de son temps pour la lyre et le chant.
Sans doute les Métamorphoses d’Ovide, où les faits se suivent historiquement, ne forment point une épopée, mais ce livre est le rudiment des épisodes épiques. […] L’ancien et le nouveau Testaments forment un ample magasin d’aventures, dont l’Orient a légué l’héritage aux muses. […] Le plan formé par le Dante n’admettait que trois divisions principales. […] Le dialogue épique veut à la fois être noble et simple : il faut que des images vraies et frappantes en animent les passions, et que les détails qu’amènent les idées y forment, autant que possible, des tableaux courts et passagers, qui enrichissent le fonds de vives couleurs. […] Leurs chantres et leurs prêtres ayant réglé leur hiérarchie selon leur influence présumée, on s’en forma l’idée sur les attributs de leurs puissances ; et l’opinion courante adoptant leur image et leur culte, autorisa le docte Homère à supposer les dieux en commerce avec les héros.
Convient-il surtout à une Chinoise, formée dès l’enfance à la soumission ? […] Rousseau a raison de dire que la pièce est plus propre à former des Mahomets que des Zopires. […] Galimatias propre à former des originaux, des brouillons, des extravagants, de mauvaises têtes. […] La liante opinion qu’on se formait de l’original pouvait nuire à la gloire de la copie. […] C’est alors qu’on lui révèle le complot formé pour le déterminer à marier sa sœur, dont il a toute la fortune entre les mains, dans l’espoir d’écarter, par ce mariage, les galants qui faisaient la cour à sa femme.
Un geste saisi au vol, un pli heureux formé par une étoffe, rien n’est perdu ; tout cela pourra se retrouver dans une composition future. […] Je trouve que les deux sensations s’accordent si bien, qu’elles forment une harmonie. […] Cela semble former des équations assez compliquées. […] Dans l’art moderne, tel semble bien avoir été l’idéal de Raphaël et des peintres formés à son école. […] Former l’œil et la main, apprendre à voir et à reproduire exactement ce que l’on a vu, certes c’est une chose indispensable.
Conçue dans un moment d’intense volupté intellectuelle, lentement formés et caressés en imagination, mis au jour avec plus ou moins de peine et d’efforts, ils peuvent nous inspirer à la fois un paternel orgueil et une tendresse maternelle. […] Mais, en attendant, l’éducation littéraire contribue, pour une part énorme, à former et à entretenir les rêves chimériques qu’interdit la science. […] et, si « les petits corps » qui d’Ernest Renan ont formé « l’assemblage » s’étaient rapprochés sous saint Louis, quel étrange avorton ils nous auraient donné ! […] Paul Bourget, se distingue de l’homme de génie, lequel peut être assez inintelligent, et de l’homme de talent, lequel n’est souvent qu’un spécialiste, par la capacité de se former sur toutes choses des idées générales. […] Celles qui me plaisent, je les garde dans ma tête et je les fredonne… Une fois que je tiens mon air, un autre vient bientôt s’ajouter au premier… et tous ces morceaux finissent par former le pâté.
Rabelais ne forma pas une école de romanciers, comme l’auteur de Don Quichotte. […] Il se compose de gens qui demandent au roman un honnête délassement et les clames en forment la majeure partie. […] Valera, quoique idéaliste, est un romancier à part, qui ne formera pas d’école, parce qu’il est difficile à imiter, comme on le comprend facilement, si l’on songe aux qualités qu’il réunit. […] Depuis cette date, mes opinions littéraires se sont assez modifiées, et mon critérium esthétique s’est formé, comme se forme celui de tout le monde, au moyen de la lecture et de la réflexion. […] Je ne crois pas, pourtant, qu’il faille plus de deux cent cinquante francs pour former une bibliothèque complète des romanciers espagnols contemporains.
Et, en attendant qu’ils forment une espèce de « corps », ou presque d’État dans l’État, la fortune et la naissance s’étonnent un peu d’abord, font mine de s’irriter, mais au fond ne s’effarouchent pas, et finalement s’arrangent d’être traitées par eux avec autant de désinvolture et d’agréable impertinence qu’elles se permettaient de les traiter autrefois. […] Montesquieu avait débuté par des discours sur l’Usage des glandes rénales, 1718, sur la Cause de la pesanteur des corps ; et le premier grand ouvrage dont il eut formé le projet c’était une Histoire physique de la terre. […] Et, parce qu’ils le verront bien, ou plutôt, et avant de le voir, c’est parce qu’ils s’en doutent, c’est pour cela que tous ensemble, les Marmontel et les Morellet, les Grimm et les Diderot, d’Alembert, la société du baron d’Holbach et celle de Mme d’Épinay, Voltaire lui-même, à dater de la Lettre sur les spectacles, 1758, — qui est la déclaration de guerre du « citoyen de Genève », — ils vont former contre lui la plus compacte et la plus acharnée des coalitions. […] Avons-nous besoin de faire observer que c’est ici le renversement de l’ancienne discipline, celle qui se proposait avant tout de former l’homme pour la société ? […] 3º Les Œuvres. — On a eu le tort, dans toutes les éditions de Buffon, y compris la première [Paris, 1749-1804], de vouloir remplir le titre qu’il avait choisi lui-même pour son grand ouvrage ; et ainsi de confondre son œuvre avec celle de ses continuateurs, pour en former un Cours complet d’histoire naturelle.
Avec cela, on pouvait former une critique qui ne se perdrait point dans le vague oratoire ni dans la logique abstraite. […] C’était là pour le tiers état une éducation qui remplaçait les camps et les campagnes où se formaient les âmes des gentilshommes. […] Puisque les conditions naturelles de la vie sont telles que les caractères ne s’y forment ni ne s’y trempent, il faudra recourir aux moyens artificiels. […] Tout cela n’est pas amalgamé, fondu, pour former cette combinaison, ou si l’on veut cette réussite unique, originale, qu’est la plus commune des âmes humaines. Et puis le hasard seul assemble et enchaîne les accidents qu’on prétend former et modifier Gil Blas : le hasard — ou la volonté d’instruire et d’amuser, qui est dans l’auteur.
« Les hommes sont faits pour vivre ensemble et pour former des corps et des sociétés civiles. […] Bien loin que notre Moi soit le juge des autres, comme l’a cru l’éclectisme, au contraire, c’est la connaissance que nous avons des autres qui nous sert à rectifier l’idée que nous nous formons de nous. […] « Combien de sots faut-il pour former un public ? […] G. de Beaumont en 1861 forment les cinquième et sixième tomes. […] Les Souvenirs d’enfance et de jeunesse, 1876-1882, avec les parties parues de la Correspondance, forment une dernière catégorie.
Ajoutez-y tous ceux de Paris, tous ceux qui, à dix lieues à la ronde, à Sceaux, à Gennevilliers, à Brunoy, à l’Isle-Adam, au Raincy, à Saint-Ouen, à Colombes, à Saint-Germain, à Marly, à Bellevue, en cent endroits, forment une couronne de fleurs architecturales d’où s’élancent chaque matin autant de guêpes dorées pour briller et butiner à Versailles, centre de toute abondance et de tout éclat. […] Lorsqu’il s’agit de former une maison à Madame Royale, âgée d’un mois, « la reine, écrit l’ambassadeur d’Autriche, veut supprimer une mollesse nuisible, une affluence inutile de gens de service, et tout usage propre à faire naître des sentiments d’orgueil. […] Les paniers des dames rangées en cercle ou étagées sur les banquettes « forment un riche espalier couvert de perles, d’or, d’argent, de pierreries, de paillons, de fleurs, de fruits avec leurs fleurs, groseilles, cerises, fraises artificielles » ; c’est un gigantesque bouquet vivant dont l’œil a peine à soutenir l’éclat Point d’habits noirs comme aujourd’hui pour faire disparate. […] Véritablement cela ressemble au carnaval italien ; rien n’y manque, ni les masques, ni la comédie de société : on joue, on rit, on danse, on dîne, on écoute de la musique, on se costume, on fait des parties champêtres, on dit des galanteries et des médisances. « La chanson nouvelle190, dit une femme de chambre instruite et sérieuse, le bon mot du jour, les petites anecdotes scandaleuses formaient les seuls entretiens du cercle intime de la reine. » — Pour le roi, qui est un peu lourd et qui a besoin d’exercice corporel, la chasse est sa grande affaire.
Ces traditions de 1789 formaient alors le fond de la diplomatie de M. de Talleyrand : c’était celle du Directoire. […] La Russie éclata de réprobation ; l’Autriche se tut d’horreur : mais le frémissement irrité de tous les cabinets rompit tous les liens déjà formés du système diplomatique français dans toute l’Europe. […] Six mois après, un plan de coalition générale contre la France est formé par la Russie, revu et approuvé par M. […] Le plan de ce traité secret entre le premier ministre d’Espagne Godoy et le gouvernement français consistait à s’emparer du Portugal, devenu vassal de l’Angleterre, au moyen d’une armée combinée, moitié française, moitié espagnole ; à donner à l’Espagne, pour prix de ce concours, deux principautés souveraines formées du démembrement du Portugal : l’une pour Marie-Louise, fille du roi d’Espagne, en indemnité du royaume d’Étrurie (la Toscane), dont Napoléon voulait doter sa sœur Élisa Bonaparte ; l’autre pour Manuel Godoy lui-même, premier ministre et favori de la reine d’Espagne ; enfin on réserva Lisbonne et ses provinces limitrophes à la France, pour y instituer un trône de famille française.
Évidemment elle ne peut être que la forme du corps, non pas du premier corps venu, comme l’ont dit les Pythagoriciens et quelques autres, mais d’un corps formé par la nature, et doué par elle d’organes qui le rendent capable de vivre. […] Mais, selon Aristote, les sens et le corps sont indispensables pour former l’universel, collection de ce qu’il y a de commun dans chacun des phénomènes. […] « Ceux qui verraient Glaucus le marin, disait-il encore, auraient peine à reconnaître sa première forme, parce que les anciennes parties de son corps ont été, les unes brisées, les autres usées et totalement défigurées par les flots, et qu’il s’en est formé de nouvelles de coquillages, d’herbes marines et de cailloux, de sorte qu’il ressemble plutôt à un monstre qu’à un homme tel qu’il était auparavant. […] Maintenant, je le demande, si former ces croyances dans l’esprit humain, qui ne doit point vivre sans elles, c’est l’objet véritable de la philosophie ; si ces croyances sont bien le but supérieur que poursuit la pensée humaine, quelle valeur aura l’étude des faits de l’âme ?
Et ainsi, d’une part, la peur de lui déplaire et la nécessité continuelle de la conquérir tenaient son amour en haleine ; et, d’autre part, les deux cents lieues qui la séparaient de cette sèche personne lui permettaient de l’embellir plus aisément, d’adorer l’image qu’elle s’en formait et de ne pas se brouiller avec le modèle. […] Il fut le Doudan alangui de deux ou trois petits salons aristocratiques qui se formèrent à Paris au commencement de l’Empire et où régnèrent, avec l’ancienne politesse, la religiosité la plus élégante. […] La théorie qui est censée former le support de l’Histoire de la littérature anglaise ne rend bien compte que des individus médiocres ; elle n’éclaircit par conséquent que ce qui nous intéresse le moins. […] Et nul peut-être ne diffère plus profondément de l’image que le public s’est formée de lui.
VI, 377) des trois drames précédents, pour former une symphonie immense, le viol de Brünnhilde, la mort de Siegfried, le crépuscule des Dieux, « la fin de l’éternel Devenir », comme disait Brünnhilde dans les vers supprimés de la fin … Or, cette musique, comme nous venons de le constater, se meut — en partie — sur une base poétique inadéquate ; de là des secousses, des sensations mixtes et contradictoires chez l’auditeur, et, le plus souvent, une impression totale assez confuse. […] On y voit apparaître le rhythme extraordinaire qui, dans le morceau d’ensemble suivant, alors que les assistants, frappés de cette sublime intervention, n’osent résister à une aussi céleste manifestation de l’amour, semble être formé par le contre coup du battement irrégulier de ces cœurs saisis, exaltés, et accablés à la fois. […] Elles se sont encore limitées : des groupes furent formés, séparés, abstraits : la perception fréquente d’objets rouges a porté l’âme à imaginer un nouvel objet, dont le rouge était la qualité dominante. […] Les Grecs, après les clameurs et les peines des initiales batailles, avaient formé une race de raisonneurs, épris des notions claires et des enchaînements harmonieux, ils n’avaient point des sensations vives et n’étaient guère portés à l’émotion : nulle fougue passionnée ne secoue l’ordonnance tranquille de leurs discours, non plus que la froide sérénité de leurs faces.
Ces développements, en effet, qui aujourd’hui et de si loin nous semblent des hors-d’œuvre et des digressions dans les odes de Pindare, étaient précisément ce qui, à l’origine, et dans le temps où les souvenirs étaient vivants, formait l’à-propos le plus heureux de ses sujets et qui en devenait l’enrichissement le plus fertile : c’était le contraire du lieu commun vague, de ce qui domine trop fréquemment dans notre ode classique. […] L’air ne formera plus ni grêles, ni tonnerres ; Et l’univers, qui, dans son large tour, Voit courir tant de mers et fleurir tant de terres.
Dès sa sortie du collège, Roederer eut un caractère marqué ; il se forma, d’après l’ensemble de ses lectures et de ses réflexions, une idée (sans doute trop embellie) de la vie sociale et des moyens de la réaliser ; il comprit vite, dans son premier contact avec les gens réputés mûrs et sensés, que cette manière de voir était peu agréée ; il se contint et resta enthousiaste au-dedans. […] L’anarchie est l’absence du gouvernement et la volonté de chacun substituée à la volonté générale ; en 1792, il y avait une volonté générale, unanime ; il y avait une organisation terrible pour la former, la confirmer, la manifester, la faire exécuter ; en un mot, il existait une démocratie, ou, si l’on veut, une ochlocratie52 redoutable, résidant en vingt-six mille clubs correspondant ensemble et soutenus par un million de gardes nationales.
À sa sortie du collège et de retour à Montpellier dans sa famille, il forma avec quelques jeunes gens diversement connus depuis, Fabre (de l’Hérault), Nougarède, etc., une espèce de petite académie qui se réunissait deux fois par semaine, et où l’on traitait des questions de littérature et de philosophie. […] Devenu commissaire ordonnateur, il fut employé en cette qualité dans l’armée qu’on avait formée, en 1792, sur les côtes de Bretagne, et qui était destinée à agir au cas d’une descente des Anglais.
Il est étonnant que personne n’ait songé à traduire, à extraire de là de quoi former deux volumes en français, qui seraient ce qu’il y aurait de plus neuf et de plus honnêtement récréant. […] C’est bien alors qu’on peut dire que nous formons de nos mains notre destinée, et que nous amassons pour nous-mêmes une suite de succès futurs ou de mécomptes. » Au sortir de l’étude de M.
Je me complaisais dans les espérances qu’il me donnait ; il avait la sagesse d’un homme formé, avec le feu de son âge ; il avait le cœur noble et plein d’émulation, se poussant à tout de lui-même, apprenant ce qu’il ne savait pas avec passion. […] Frédéric en rapporta toujours à son frère l’initiative et la première idée : L’honneur des événements que nous prévoyons (il parle à son point de vue d’égoïsme national) vous sera dû, mon cher frère, lui écrit-il, car c’est vous qui avez placé le premier la pierre angulaire de cet édifice ; et sans vous je n’aurais pas cru pouvoir former de tels projets, ne sachant pas bien, avant votre voyage de Pétersbourg, dans quelles dispositions cette cour se trouvait en ma faveur.
Née et vivant dans la haute société, elle s’y fit de bonne heure son coin de retraite à elle ; elle ne fut, en aucun temps, mondaine, et dans sa vieillesse, jetant un regard en arrière, elle pouvait dire : « Le temps d’être dans le monde n’est jamais venu pour moi, mais en revanche celui de m’y montrer est absolument passé. » Sérieuse, instruite, ayant du temps à donner à la lecture, Mme de Créqui encore jeune désira voir les littérateurs célèbres de son temps et se former dans leur familiarité. Ils avaient de quoi se former à leur tour auprès d’elle et au contact de son esprit si vrai, de sa parole si ferme et si aiguisée.
J’aimerais la santé, la force, un enjouement naturel, les richesses, l’indépendance, et une société douce ; mais comme tous ces biens sont loin de moi, et que les autres me touchent fort peu, tous mes désirs se concentrent, et forment une humeur sombre que j’essaye d’adoucir par toute sorte de moyens. […] Mes goûts, mon caractère, ma conduite, mes volontés, mes passions, tout était décidé avant moi ; mon cœur, mon esprit et mon tempérament ont été faits ensemble, sans que j’y aie rien pu, et, dans leur assortiment, on aurait pu voir ma pauvre santé, mes faiblesses, mes erreurs, avant qu’elles fussent formées, si l’on avait eu de bons yeux.
Il y a, il y avait du temps de Pellisson deux sortes d’élégance et d’urbanité, soit en causant, soit en écrivant : l’une plus vive, plus naturelle, plus aisée et plus familière, plus colorée aussi, puisée dans le commerce du grand monde et de la Cour, par ceux qui y avaient été nourris et rompus dès l’enfance ; c’était celle des Saint-Évremond, des Bussy, des Clérembault, des La Rochefoucauld, des Retz ; — l’autre plus étudiée, plus formée dans le cabinet et par la lecture, ou par l’assiduité dans certains cercles illustres et par le commerce des personnages littéraires les plus qualifiés ; cette dernière urbanité est celle des Conrart, des Vaugelas, c’est celle surtout de Pellisson qui y excelle, et qui en est le parfait modèle en son temps. […] De tels jugements formeraient aujourd’hui une suite et comme une jurisprudence critique bien mémorable, et n’auraient pas été sans action certainement sur les vicissitudes et les variations du goût public.
Jeune et dans son intendance, il nous paraît tout à son avantage ; ce pouvait être un homme d’État pratique, qui se débrouillait et se formait pour une plus grande carrière. […] Il suppose un souverain qui adopte tout ce qu’il a donné pour vrai et qui s’y conforme en tout : « Ses sujets seront plus heureux de jour en jour… Il serait aisé de démontrer, au contraire, que les sujets de tout souverain qui suivra en même temps des principes ou opposés, ou moins bien liés les uns avec les autres, seront moins heureux. » Il en conclut que les sujets de ce dernier souverain le quitteront, viendront en foule chez l’autre, et que celui-ci, sans tirer l’épée, dépeuplera avec le temps tous les États voisins au profit du sien. » II ne s’agit plus que de trouver ou de former le souverain modèle ; ainsi se réalisera l’utopie.
Il fit observer qu’on excluait les protestants de tous les avantages dont jouissent les sujets d’un État ; qu’un protestant ne pouvait pas contracter de mariage valide ; que ses enfants étaient réputés illégitimes ; qu’il ne pouvait exercer aucun emploi ni dans l’épée, ni dans la robe, ni dans l’Église ; qu’il faut cependant que chaque homme ait une patrie, et que, s’il ne la trouve pas où il est né, il a droit d’en chercher une ailleurs : de là, la résolution qu’il avait formée dès l’âge de quinze ans, et qu’il avait exécutée quelques années après en passant en Angleterre. […] Mais oui, vous pouvez aisément vous l’imaginer ; vous avez formé vous-même le même dessein ; vous étiez résolue, cet été, à renouer le Fil brisé de vos études et amusements littéraires.
Il est comme le parti auquel il appartient et qui se formait peu à peu en s’essayant ; il ne sait pas très bien ce qu’il veut ; mais ce à quoi il tend est, en somme, généreux, humain, libéral. […] Le maréchal Soult me félicita chez le premier, parce que le ministère était déjà formé (et qu’il n’en était pas).
Depuis trois années le champ de la poésie est libre d’écoles ; celles qui s’étaient formées plus ou moins naturellement sous la Restauration ayant pris fin, il ne s’en est pas reformé d’autres, et l’on ne voit pas que, dans ces trois ans, le champ soit devenu moins fertile, ni qu’au milieu de tant de distractions puissantes les belles et douces œuvres aient moins sûrement cheminé vers leur public choisi, bien qu’avec moins d’éclat peut-être et de bruit alentour. […] Telle est parmi nous la situation des femmes, et, malgré l’exception qu’a formée le nouveau récipiendaire de l’Académie, je crois que, généralement parlant, il est vrai de dire que, pour atteindre maintenant au degré d’intérêt dont elle est susceptible, l’Élégie doit parler par la bouche des femmes, ou du moins en leur nom ; elles seules, dit-on, savent donner de la grâce aux passions malheureuses : en vérité, on peut leur laisser cet avantage-là. » Nulle femme ne se trouva plus que Mme Valmore dans la situation supposée par Mme Guizot, et aucun poëte élégiaque n’a tiré en effet de son cœur des accents plus plaintifs et plus déchirants.
De 1819 à 1824, sous la double influence directe d’André Chénier et des Méditations, sous le retentissement des chefs-d’œuvre de Byron et de Scott, au bruit des cris de la Grèce, au fort des illusions religieuses et monarchiques de la Restauration, il se forma un ensemble de préludes, où dominaient une mélancolie vague, idéale, l’accent chevaleresque, et une grâce de détails curieuse et souvent exquise. […] De plus, grâce à l’emploi des rimes entre-croisées comme dans Tancrède, on croirait de temps à autre lire des vers blancs ; on peut trouver en effet quatre vers de suite qui forment un sens complet sans rimer.
A l’extérieur, les rimes peuvent se détacher de celles qui précèdent et qui suivent, comme la phrase peut se séparer de celles qui l’entourent, comme la pensée peut se mettre à part de celles qui lui sont jointes, et la musique, la grammaire et la logique sont d’accord pour en former un tout distinct. […] D’où il suit que les sons s’appellent comme les idées et comme les phrases ; la logique, la grammaire et la musique s’accordent pour former un tout indissoluble.
Toutes ces émotions éparses ou réunies forment pour l’homme la poésie de la mer, elles finissent par donner au contemplateur le vertige de tant d’impressions, qu’il s’assoit sur le rivage élevé des mers, comme dit Homère, et qu’il demeure immobile et muet à regarder et à écouter les flots ; et s’il essaye, en présence d’un tel spectacle, de se parler à lui-même, il cherche involontairement une langue qui lui rappelle la grandeur, la profondeur, la mobilité, le sommeil, le réveil, la colère, le mugissement, la cadence de l’élément dont son âme, à force d’émotions montées de l’abîme à ses sens, contracte un moment l’infini. […] Il forma la résolution de s’enrôler parmi les missionnaires qui allaient convertir le Canada au christianisme, et de se consacrer, comme les premiers apôtres de l’Évangile, à la poursuite des âmes parmi les idolâtres, dans les forêts du nouveau monde.
En réalité, elles ne sont ni de l’un ni de l’autre et forment un groupe à part : il y a là une vingtaine d’années et une dizaine d’écrivains, qui nous font assister à la transformation de l’esprit de la Renaissance, à la formation de l’esprit classique. […] Réminiscence, hérédité, l’antiquité, l’Italie, la France, tout cela se mêle pour former la substance de ce sain et robuste talent, qui ne saura fausser ni forcer sa sensation.
Les deux plantes mâle et femelle qui ont formé son berceau, deviennent son père et sa mère terrestres. […] Des épithètes se détachent, comme des fragments d’astres, de ces divinités essentielles, et forment, à leur tour, des êtres divins.
Il y a, en Chine, un proverbe que les mères apprennent à leurs fils dès le berceau, et qui est le fond de la langue chinoise, comme goddam est celui de la langue anglaise, — Siao sin, — « Rapetisse ton cœur. » Formé par ce dicton, le jeune Chinois acquiert bientôt cette souplesse d’échine et de tête que nous admirons dans les magots de porcelaine du Céleste-Empire. […] Elle rapproche ces deux indices et s’aperçoit, avec effroi, qu’ils forment presque une preuve ; elle pâlit, elle frissonne comme à l’approche d’un péril.
Il trouve à Mme de La Tour l’esprit net et lumineux ; mais il avait remarqué dès l’abord dans ses lettres un caractère d’écriture trop lié et trop formé, une régularité extrême d’orthographe, une ponctuation « plus exacte que celle d’un prote d’imprimerie », quelque chose enfin qui, à lui soupçonneux, lui avait fait croire un moment que ce pouvait être un homme qui se déguisait ainsi pour lui jouer un tour. […] Son amour était celui de l’idéale beauté, du fantôme auquel lui-même prêtait, vie et flamme : c’était ce fantôme seul, tiré de son sein, et formé d’un ardent nuage, qu’il aimait, qu’il embrassait sans cesse, à qui il donnait chaque matin ses baisers de feu, sur qui il plaçait, en les rassemblant, ses rares souvenirs de bonheur ; et quand il se présenta une femme réelle qui eut l’orgueil de lui montrer l’objet terrestre de son idéal et de lui dire : Je suis Julie, il ne daigna point la reconnaître ; il lui en voulut presque d’avoir espéré se substituer à l’objet du divin songe.
On vous a dupée ; la d’Ette est une coquine, je vous l’ai toujours dit. » Plus âgé de vingt ans au moins que Mme d’Épinay, Duclos, caustique, mordant, poussant la franchise jusqu’à la brutalité, et se servant de sa brutalité avec finesse, s’accommoderait très volontiers de cette jeune femme enjouée, spirituelle et vive ; il passerait volontiers chez elle toutes ses soirées, et croirait lui faire honneur de la dominer et de la former. […] Grimm, tel qu’il ressort pour moi du témoignage de ses amis (les seuls qui soient en droit de l’apprécier, disait Mme d’Épinay, car il n’est lui qu’avec eux), Grimm est un homme judicieux, droit, sûr, ferme, formé de bonne heure au monde, estimant peu les hommes en général, les jugeant, n’ayant rien des fausses vues et des illusions philanthropiques du temps.
Ce gros amoureux, appelé sir Marmaduke, avait formé un projet des plus galants : « C’est dans quinze jours les courses d’Ipswich, écrivait miss Marianne à Lauzun ; il a fait faire une coupe d’or plus lourde que moi, qui sera gagnée par un cheval qui lui a coûté deux mille louis. » Il ne demandait que la faveur de mettre la coupe d’or aux pieds de sa belle. […] C’est vous seule que je veux servir, vous êtes mon unique souveraine… » À travers mille échecs et mille traverses qu’il rencontrait à chaque pas, il continuait de jouir, selon son expression de fat, « de la plus ridicule faveur dont on puisse se former une idée ».
Cette première idée, fondée sur des preuves si légères, en vérité, que les gens de bon sens et neufs à la question souriraient si je pouvais les leur exposer ; cette première idée lui fut si précieuse, qu’il imagina là-dessus tout un système, à savoir que du vie au ixe siècle, dans l’intervalle de la domination des Wisigoths à celle de Charlemagne, il s’était formé et parlé en France une langue romane unique, type et matrice de toutes les autres qui se sont produites depuis, et servant comme de médiateur entre le latin et elles toutes. Ainsi la langue du midi de la France, celle des Provençaux, celle de Brignoles, aurait commencé par être la mère du vieux français tout entier, la mère aussi du catalan, de l’espagnol, de l’italien, du portugais, au lieu d’être tout simplement une sœur un peu plus tôt formée si l’on veut, et plus précocement dotée, mais nullement investie de cette dignité génératrice et maternelle.
C’est cet air de grandeur que Retz prisait le plus, qu’il ambitionna d’abord en tout, dans ses paroles, dans ses actions, et qu’il porta dans tous ses projets ; mais, s’il affectait la gloire, il avait en lui bien des qualités de premier ordre pour en former le fonds. […] Il était persuadé « qu’il faut de plus grandes qualités pour former un bon chef de parti que pour faire un bon empereur de l’univers ».
Michaud, dans les opuscules qu’on lui reproche et où il flétrit la tyrannie de Robespierre, se rattachait surtout à Rousseau, comme à l’adversaire du matérialisme, au maître et au patron de ce qui formait alors le groupe des hommes sensibles ou de ce que nous appellerions l’école de la rêverie. […] Si l’on joint à ces dix volumes les sept qui forment la Correspondance d’Orient, et qui ne sont bien souvent qu’un commentaire et une discussion de quelques points importants de cette Histoire, on verra que M.