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419. (1857) Articles justificatifs pour Charles Baudelaire, auteur des « Fleurs du mal » pp. 1-33

Il a voulu développer les plantes funestes et qui portent le signe du mal dans leurs formes inquiétantes. […] En rattacherai-je la forme au souvenir de quelque forme littéraire ? […] « Ce nom même de cadavre ne lui reste pas longtemps, parce qu’il exprime encore quelque forme humaine. […] Baudelaire rappelle la forme de M.  […] Ce qui chez l’un découle d’un amour savant et puissant de la forme est produit chez l’autre par l’intensité et par la spontanéité de la passion.

420. (1888) Portraits de maîtres

Il y a résumé les dernières méditations de sa vie sous une forme définitive. […] Guizot, en son opuscule sur lady Russell, est pour elle le terme de la vie et la forme même de la perfection. […] C’est la forme la plus classique de la chanson. […] De plus l’originalité résidait dans l’imprévu de la forme autant que dans l’inattendu de la pensée. […] Sous la forme plus accessible des romanceros l’antique Épopée renaissait dans son éclat et sa gloire.

421. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

C’est celui qui fait, qui crée, et selon une certaine forme. Être poëte, créer, et avoir une forme dont votre création, grande ou petite, ne se sépare pas, tout cela se tient au fond, et les classifications reçues doivent, bon gré malgré, s’y ranger. […] Scribe possède à la fois la fertilité dramatique et une forme qui n’est qu’à lui. […] Homme heureux, il a compris de bonne heure que ce n’était plus le temps de l’élévation ni de la grande gloire, et il s’est mis à le dire sous toutes les formes les plus agréables, les plus flattées. […] Scribe, comme tous, a sa forme favorite sans doute, mais il la dissimule mieux que personne, et il déjoue par sa variété.

422. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Puis de nos jours, sous une autre forme, la discussion a été reprise, et l’on peut dire que le tournoi a recommencé. […] Ce fond continu de la vieille Rome au sein de la nouvelle s’est empreint jusque dans les formes et dans l’attitude : la pensée du Vatican en a gardé aussi des allures. […] Sans entrer dans le fond du débat, et en laissant aux maîtres le soin, s’il y a lieu, de relever le gant, il faut reconnaître que toute cette forme de discussion est de bonne guerre, de bonne et légitime méthode. […] Vers ce temps, en effet, l’Espagne et la Lombardie étaient d’un mauvais exemple pour les Franks, la Lombardie avec ses trente-cinq ducs et ses formes précoces de féodalité, l’Espagne avec ses conciles de Tolède et sa royauté soumise aux évêques. […] Plus la forme était différente et plus le terrain des deux sujets éloigné, plus aussi la noble lutte avait tout son jeu.

423. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

La forme du drame cornélien Le principe fondamental du théâtre de Corneille, c’est la vérité, la ressemblance avec la vie. […] Mais, dès ces premiers temps, il avait créé à son usage une forme de comédie, sobre, sérieuse, vraie, sur laquelle nous reviendrons. […] Cette conception a sa vérité : elle représente, en leur forme idéale, les âmes fortes et dures, qui raisonnent leurs passions, les âmes des Richelieu317 et des Retz, des grands ambitieux lucides et actifs. […] Elle reste « la volonté », admirable par le degré d’intensité, abstraction faite de la qualité, de la forme des actes. […] Il la possède à fond, et la manie avec une aisance, une habileté uniques, comme il maniait le vers : c’est un des plus étonnants écrivains en vers que nous ayons ; il semble que cette forme lui soit plus naturelle que la prose.

424. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Son jugement tient compte de tout, et vient finalement se résumer sous une forme à la fois complexe et ingénieuse. […] Il est, pour tout esprit qui se forme, un régime et un climat qui lui conviennent : évidemment l’Empire n’était pas le climat le plus favorable et le plus propice à la tournure d’esprit morale et un peu idéologique du jeune Victor de Broglie. […] Au milieu de toutes les parties sérieuses et élevées de ce discours, je remarque un exemple d’une des qualités et des formes de l’esprit de M. de Broglie, la raillerie et l’ironie. […] Il parle avec clarté, avec déduction et suite, et, mieux que cela, avec élégance, avec une élégance qui ne serait pas naturelle chez un autre, qui chez lui ne semble pas cherchée, et qui est la forme précise de sa pensée. […] Sa pensée lui naît toute rédigée, dans cette forme rare, savante et assez imprévue, qui est la sienne.

425. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Et non seulement l’état émotif est un tout, mais il est inséparable de l’état représentatif, avec lequel il forme encore un tout. […] L’ensemble des changements ayant ainsi leur condition dans la conscience antérieure forme un tout continu, par opposition à la vicissitude discontinue des sensations adventices. […] Si vous placez la réaction, sous une forme quelconque, dans le plaisir et la peine, vous pourrez ne pas la mettre à part sous le nom de volonté, mais ce ne sera plus alors qu’une question de mots. […] Or, outre le contraste d’intensité, il y a entre les deux phénomènes un contraste évident de forme et de résultats corporels. […] Par l’habitude, il se forme des voies de communication directes et faciles, par cela même des centres relativement moteurs, correspondant aux divers membres.

426. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Dans un cas comme dans l’autre il serait établi que les formes sociales n’exercent sur lui aucune action appréciable. […] À quel résultat nous conduit en effet l’histoire des partis et des formes politiques au xixe  siècle dans les différents pays d’Europe ? […] Maine, que tous ces, changements ne sont que des changements de forme gouvernementale — peut-être éphémères, peut-être superficiels : c’est l’ensemble de leurs institutions que les sociétés occidentales transforment, d’un même mouvement, dans le même sens. […] L’égalité est au départ comme à l’arrivée. — Thèse qui ruinerait la nôtre par avance : comment chercher encore un rapport entre les formes sociales et l’égalitarisme s’il est préalablement démontré que les sociétés les plus différentes de toutes — comme ces hordes primitives et nos États modernes — sont précisément, les unes comme les autres, égalitaires ? […] Avant de fixer, s’il y a lieu, l’ordre de succession de leurs formes, nous voulons d’abord observer en fonction de quelles conditions ces formes varient.

427. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

Ce serait là, sous une autre forme, la ruine du principe de relativité. […] La première étude de ces distributions fait songer aux harmoniques que l’on rencontre en acoustique ; mais la différence est grande ; non seulement les nombres de vibrations ne sont pas les multiples successifs d’un même nombre ; mais nous ne retrouvons même rien d’analogue aux racines de ces équations transcendantes auxquelles nous conduisent tant de problèmes de Physique Mathématique : celui des vibrations d’un corps élastique de forme quelconque, celui des oscillations hertziennes dans un excitateur de forme quelconque, le problème de Fourier pour le refroidissement d’un corps solide. […] Le radium seul leur prendrait un peu de leur énergie et il nous la rendrait ensuite sous diverses formes.

428. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

Il faut que l’indomptable pensée française se réveille et combatte sous toutes les formes. […] La civilisation, sous sa forme la plus haute, qui est la République, a été terrassée par la barbarie sous sa forme la plus ténébreuse, qui est l’Empire germanique. […] On en est toujours à la forme didactique.

429. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative I. […] La faculté d’inventer des formes originales, ce qui est proprement la génialité, y fut poussée au plus haut point, tant chez quelques grands hommes que parmi la foule anonyme. […] Fondant les débris des idiomes barbares dans les formes latines, elles composent un dialecte qui est, à cette époque et à la suite de la conquête normande, la langue littéraire de la Grande-Bretagne aussi bien que de la France et d’une partie des pays germaniques. […] Les écrivains du xviie  siècle réformèrent, la fausse conception que l’on s’était faite de nos nécessités verbales sous l’empire d’un enthousiasme aveugle ; les mots mal venus et qui n’étaient point en harmonie avec nos formes sonores furent en partie chassés du langage.

430. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Tantôt c’est le rapport d’une qualité à son sujet, fortitudo regis ; tantôt du sujet à la qualité, puer egregiae indolis : quelquefois c’est le rapport de la forme à la matiere, vas auri ; d’autre fois de la matiere à la forme, aurum vasis. […] On donne communément le nom de figures aux divers changemens qui arrivent à la forme matérielle des mots. […] Celles ci sont les diverses altérations que les usages des langues autorisent dans la forme de la proposition. […] (Gram.) on dit le sens impératif, la forme impérative. […] Mode), & que la forme indicative exprime en effet la même relation temporelle que la forme impérative.

431. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Fermez les yeux, tout un monde de formes et de couleurs s’anéantit en un instant. […] En faisant le triage de ce qui, dans la lutte pour la vie, peut protéger l’être, chaque organe des sens prend pour son domaine une certaine forme de mouvements et ignore les autres formes aussi complètement que si elles n’existaient pas. […] Un coup, par exemple, est une forme de résistance et de conflit ; or, la résistance ne peut se sentir seule, puisqu’elle implique deux termes et un rapport. […] Une foule d’éléments vibrent donc à la fois dans la plus simple excitation lumineuse, et les éléments de la sensation, ici, sont présents à la conscience sous la forme de l’effet total, quoique non séparés les uns des autres. […] On peut bien admettre que le raisonnement est la forme naturelle de la synthèse logique, mais non de toute synthèse en général.

432. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Des livres, aussi vieux que les fondements de l’Himalaya, nous parlent de l’homme, de ses sens, de ses formes, de sa stature, de son état physique et moral. […] Mais nous flottons encore, comme l’antiquité, entre cinq ou six formes politiques de gouvernement énumérées par Aristote, formes qui se combattent ou qui se succèdent avec une égale impuissance de durée et de stabilité. […] « Mais ce dépouillement de la forme infirme et mortelle », poursuit le philosophe divin, « ne peut s’accomplir dans l’inaction. […] Combats ton ennemi, qui prend en toi la forme du désir !  […] Le dieu lui répond par l’énumération des millions de formes sous lesquelles il se manifeste à la nature dans ses créations et dans sa providence.

433. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Cette harmonie des Hellènes, si mélodieuse dans ses formes les plus connues, si complexe dans la variété de ses strophes, se réduisait à de simples versets de longueur à peu près égale. […] Sous cette forme, Grégoire de Nazianze a été poëte original ; et, dans le volumineux recueil de ses vers, y a quelques méditations élégiaques d’un charme impérissable. […] « Source unique, racine unique, là resplendit la triple forme de Dieu. […] Mais cet enthousiasme, dernière forme de la poésie antique, il l’exhale d’un cœur ému, sous l’invocation, sous la présence du Christ. […] Synésius n’est pas un imitateur de formes élégantes, un travailleur industrieux en poésie, comme il s’en rencontre dans les siècles de décadence.

434. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Mais l’important est que ce nouveau marque un progrès soit par une acquisition de fond, soit par un perfectionnement de la forme. […] Le tout présenté sous une forme tantôt d’un prosaïsme banal et cru, tantôt d’un lyrisme hors de propos. […] C’est la forme qui les enrage en moi, la phrase écrite, l’image, la vie du style. […] Voici un laissez-passer en bonnes formes donné à toutes les gravelures et obscénités décrites. […] Sous toutes les formes, nous rencontrons des sous-Zola.

435. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre I. De la sélection des images, pour la représentation. Le rôle du corps »

J’aperçois une multitude d’objets dans l’espace ; chacun d’eux, en tant que forme visuelle, sollicite mon activité. […] Veut-on mettre cette argumentation sous une autre forme ? […] La matière vivante, sous sa forme la plus simple et à l’état homogène, accomplit déjà cette fonction, en même temps qu’elle se nourrit ou se répare. […] Disons la même chose sous une forme plus claire. […] De là nous concluons que le corps vivant en général, le système nerveux en particulier, ne sont que des lieux de passage pour les mouvements, qui, reçus sous forme d’excitation, sont transmis sous forme d’action réflexe ou volontaire.

436. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Quoi qu’il en soit, même sous cette forme brute, l’ouvrage est d’un grand prix. […] Je me souvins alors que la duchesse de Buckingham avait vu son mari, sous la forme d’un oiseau, le jour de son assassinat, et l’idée me vint que vous étiez peut-être morte et que vous aviez pris cette forme pour me voir. […] Mais il y a plusieurs formes de l’art, et l’art de George Sand, fondé sur un principe contraire, est aussi d’espèce supérieure. […] Pour lui, ce sont des figures manquées, des ébauches mal venues, il n’y a de réel que les formes dessillées ou modelées par les maîtres. […] Bref, toutes tes formes se sont ennoblies et ont pu fournir des modèles au statuaire.

437. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

Krantz, c’est l’esprit cartésien qui lui a donné sa forme rationnelle. » Et cette forme rationnelle, en quoi consiste-t-elle ? […] Mais en quoi consiste cette part d’invention que l’on met dans la forme ? […] Voilà pour la forme. […] C’est une forme d’éloge que Marivaux eût sans doute goûtée. […] Il fallait désormais quelque forme plus souple.

438. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

L’intelligence, qui a une forme générale et commune, en a une particulière en chaque homme. […] Une niasse ignorante forme chez un peuple une magnifique réserve de vie. […] Il a paru que l’occasion s’offrait assez bonne de les rédiger, de leur donner une forme. […] Cependant la femme, c’est la forme de sa liberté intellectuelle, a l’esprit de contradiction. […] On peut ainsi concevoir l’intelligence comme une forme initiale de l’instinct.

439. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

C’est alors que le poème épique peut être empreint de couleurs primitives et revêtu de formes grandioses. […] Il voulut rechercher comment les lois positives dépendent des mœurs des peuples, de la forme du gouvernement, des circonstances physiques du pays, des événements historiques, enfin de tout ce qui forme l’ensemble de chaque nation : ce fut le travail de sa vie. […] Quelle que soit la forme qu’on donne à une inspiration réelle, on est sûr de réussir. […] Au fond, c’était bien toujours la même direction, mais les assertions devaient varier beaucoup dans leur forme. […] Les formes du gouvernement rendaient aussi cette science oiseuse et inapplicable.

440. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

— nous ne reconnaissons là que du bavardage et du bruit, c’est la forme vide du mystère. […] Bourget la forme supérieure du roman. […] La probité de la matière et celle de la forme n’en font qu’une. […] Barrès souder en son héros ces deux formes d’hérésie qui s’y rejoignent mal. […] Les îles constituent, on le sait, des conservatoires de formes vivantes anciennes.

441. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Cette manie est une des formes les plus répandues du mal d’écrire. […] La forme est ce qui change et passe le plus vite. […] Zola il faut une irréprochable forme. […] La question d’éloquence emporte la question de forme. […] Qui a plus travaillé sa forme que Boileau ?

442. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Il a pleinement démontré que la forme de chaque cellule dépend de la présence d’autres cellules contiguës ; et ce que j’ai à dire n’est qu’une modification de sa théorie. […] D’autres fois ils construisent aussi des cellules isolées, d’une forme globuleuse irrégulière. […] On sait que chacune de ces cellules a la forme d’un prisme hexagone avec les bases de ses six côtés taillés en biseau, de manière à permettre l’adaptation d’un pointement pyramidal formé par trois rhombes. […] De plus, les mâchoires de ces Fourmis ouvrières différaient étonnamment de forme chez les individus de différentes tailles, de même que la forme et le nombre des dents. […] Il sera à jamais impossible de rendre complétement compte du travail des Abeilles, tant qu’on leur refusera toute intelligence, toute liberté d’action et surtout le sentiment esthétique de la forme et de la mesure.

443. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Je cherche des noms pour te nommer, des formes pour t’incarner, des limites pour te contenir, des couleurs pour te peindre, et, n’en trouvant point que tu ne dépasses, je me tais, je me confonds, je reste ébloui et muet de ton incorporéité ! […] Elle scrute la nature sous sa double forme matérielle et morale. […] Sous la forme matière, cette œuvre est très grande et assez belle pour que ses investigateurs lui aient donné à faux le nom de science. […] Le grand obstacle provient des halliers, qui remplissent tous les intervalles d’un arbre à l’autre dans une zone où toutes les formes végétales ont une tendance à devenir arborescentes. […] Les feuilles pinnées, comme dans le reste de la famille, que cette forme caractérise, sortent du stipe à de grands intervalles, au lieu de se réunir en couronne, et portent, à la pointe terminale, de longues et nombreuses épines courbes.

444. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

Cette insistance verbale, cette formidable obstination à échafauder mots sur mots, formule sur formule, à revenir et s’appesantir, à enserrer chaque idée sous de triples rangs de phrases, caractérise la forme de M.  […] A ces deux formes de son style, la répétition et l’image, M.  […] En cette antithèse fondamentale et inaperçue du poète : la nudité du fond et la richesse de la forme, l’œuvre de M.  […] Si nous reprenons les résultats de notre analyse, résumés en ces deux termes : simplicité de la pensée et richesse de la forme, le choix de celui qui précède et détermine l’autre, ne peut-être douteux. […] Il y a joui de l’énorme bonheur de ne différer de ses contemporains et de ses compatriotes que par la forme où il a jeté des idées traditionnellement nationales.

445. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Quelles qu’on en suppose la forme, l’inspiration et l’humeur, ils se réduisent toujours à être une excursion d’assez longue haleine dans le monde et dans la vie. […] C’est une étude piquante et profitable à faire que de rapprocher l’une de l’autre ces deux productions, dont le fond essentiel et la forme, restés les mêmes, ont subi pourtant bien des intercalations et des refontes, à six ans de distance, dans un âge où chaque année, pour le poëte, est une révolution, et lui amène, comme pour l’oiseau, une mue dans la voix et dans les couleurs. […] Les développements considérables que reçut Bug-Jargal sous sa dernière forme ont amené quelques défauts de proportion qui jurent avec l’encadrement primitif du récit, lequel, on ne doit pas l’oublier, se débite de vive voix, en cercle, à un bivouac. […] Cet autre roman étrange, moins brillant, moins haut en couleur que le Bug-Jargal définitif, et plus analogue à la manière sobre et précise des premières odes dont il forme le lien avec les secondes, fut compris de travers à sa naissance, et on y chercha je ne sais quelle inspiration désordonnée, au lieu de le classer parmi les romans chevaleresques dont il remplissait à la rigueur toutes les conditions. […] Mais style et magie de l’art, facilité, souplesse et abondance pour tout dire, regard scrutateur pour beaucoup démêler, connaissance profonde de la foule, de la cohue, de l’homme vain, vide, glorieux, mendiant, vagabond, savant, sensuel ; intelligence inouïe de la forme, expression sans égale de la grâce, de la beauté matérielle et de la grandeur ; reproduction équivalente et indestructible d’un gigantesque monument ; gentillesse, babil, gazouillement de jeune fille et d’ondine, entrailles de louve et de mère, bouillonnement dans un cerveau viril de passions poussées au délire, l’auteur possède et manie à son gré tout cela.

446. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre III. Les dieux »

Jupiter descend en pluie dans la puissante terre qu’il féconde, et les grandes formes des pins vivants et des montagnes ondulent sous la lune dans la nuit « pleine de dieux. » Aujourd’hui dans cet abattis universel des dogmes, parmi l’encombrement des idées entassées par la philosophie, l’histoire et les sciences, parmi les désirs excessifs et les dégoûts prématurés, la paix ne nous revient que par le sentiment des choses divines. […] Ils sont le peuple lui-même, qui s’apparaît sous une forme plus brillante et plus pure. […] Le premier est la faculté d’imiter intérieurement et de reproduire en soi-même tout sentiment, tout geste, toute forme, toute chose particulière et sensible, tout détail de la vie et de l’action. […] C’est par ce tact toujours éveillé qu’il forme des ensembles ou plutôt que les ensembles se forment en lui. […] Les anciens n’avaient point tort de l’appeler divine, et de trouver dans l’étrange puissance qui la forme une image des puissances immortelles qui opèrent dans l’univers.

447. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XII. L’antinomie morale » pp. 253-269

Au fond, on n’évoque l’idée de personnalité que pour la forme. […] Les formes de l’astuce des moralistes sont inépuisables. […] Il laissera à chacun sa souffrance grande ou petite, humble ou tragique, intolérable ou légère, durable ou fugitive ; car aucun des intérêts dont il a la garde n’est engagé dans la forme que peut prendre une douleur individuelle109. » Cette réserve faite en faveur du for intérieur de l’individu témoigne de l’esprit libéral de M.  […] Contre les visées sociocratiques des morales, la protestation de l’individu qui veut être lui-même, qui veut tirer de lui-même ses sentiments et ses raisons d’agir et non les demander à des croyances religieuses ou à des impératifs sociaux, la protestation de l’individualité peut prendre deux formes. — Il y a un individualisme négatif qui est l’immoralisme pur et simple, la négation de toute idée morale considérée comme un préjugé destiné à asservir l’individu. […] Cet individualisme nie la morale sociale régnante et peut-être même toute morale sociale ; il la nie comme étant une morale de faibles, de médiocres, de lâches, de fourbes, d’hypocrites et de traîtres, la fourberie et la traîtrise étant une forme de la faiblesse (se rappeler la traîtrise de la femme.

448. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre V. L’Analyse et la Physique. »

Ils admirent la délicate harmonie des nombres et des formes ; ils s’émerveillent quand une découverte nouvelle leur ouvre une perspective inattendue ; et la joie qu’ils éprouvent ainsi n’a-t-elle pas le caractère esthétique, bien que les sens n’y prennent aucune part ? […] C’est l’esprit mathématique, qui dédaigne la matière pour ne s’attacher qu’à la forme pure. […] Or, en ce qui concerne ce mouvement, les deux lois ne diffèrent que par la forme ; on passe de l’une à l’autre par une simple différenciation. […] Si l’on veut me permettre de poursuivre ma comparaison avec les beaux-arts, le mathématicien pur qui oublierait l’existence du monde extérieur, serait semblable à un peintre qui saurait harmonieusement combiner les couleurs et les formes, mais à qui les modèles feraient défaut. […] Mais elle peut prendre bien des formes ; car une pareille équation ne suffit pas pour déterminer la fonction inconnue, il faut y adjoindre des conditions complémentaires qu’on appelle conditions aux limites ; d’où bien des problèmes différents.

449. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

Chez beaucoup de races, il ne dépassa point la croyance aux sorciers sous la forme grossière où nous la trouvons encore dans certaines parties de l’Océanie. […] Les éléments qui, dans la religion d’un chrétien, viennent, à travers mille transformations, d’Égypte et de Syrie sont des formes extérieures sans beaucoup de conséquence, ou des scories telles que les cultes les plus épurés en retiennent toujours. […] Le druidisme resta une forme exclusivement nationale et sans portée universelle. […] Mélange de morale patriarcale et de dévotion ardente, d’intuitions primitives et de raffinements pieux comme ceux qui remplissaient l’âme d’un Ézéchias, d’un Josias, d’un Jérémie, le Pentateuque se fixe ainsi dans la forme où nous le voyons, et devient pour des siècles la règle absolue de l’esprit national. […] Ce fut comme une renaissance du prophétisme, mais sous une forme très — différente de l’ancienne et avec un sentiment bien plus large des destinées du monde.

450. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Quelquefois c’était le soir ; au moment où le crépuscule ôtait leur forme aux collines et donnait au Rhin la blancheur sinistre de l’acier, il prenait, lui, le sentier de la montagne, coupé de temps en temps par quelque escalier de lave et d’ardoise, et il montait jusqu’au burg démantelé. […] Puis, l’heure passait, et quelquefois minuit avait sonné à tous les clochers de la vallée qu’il était encore là, debout dans quelque brèche du donjon, songeant, regardant, examinant l’attitude de la ruine ; étudiant, témoin importun peut-être, ce que la nature fait dans la solitude et dans les ténèbres ; écoutant, au milieu du fourmillement des animaux nocturnes, tous ces bruits singuliers dont la légende a fait des voix ; contemplant, dans l’angle des salles et dans la profondeur des corridors, toutes ces formes vaguement dessinées par la lune et par la nuit, dont la légende a fait des spectres. […] Après avoir, comme il vient de l’indiquer et sans dissimuler d’ailleurs son infériorité, ébauché ce poëme dans sa pensée, l’auteur se demanda quelle forme il lui donnerait. Selon lui, le poème doit avoir la forme même du sujet. […] La division et la forme du drame une fois arrêtées, l’auteur résolut d’écrire sur le frontispice de l’œuvre, quand elle serait terminée, le mot trilogie.

451. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

Comment croire qu’il n’eût pas montré que ces institutions ayant seules rendu l’ordre à une société qui le demandait à toutes les formes de l’élection depuis dix ans, le triomphe du Consulat était précisément, et devait être, de placer le pouvoir exécutif en dehors de l’élection et de ses erreurs ? […] en raison de la forme républicaine qu’eut un jour son gouvernement, mais, au contraire, pour une raison souverainement monarchique. […] Forme d’un instant dans la durée, la République ne fut, à Rome, rien de ce qu’elle avait été pour la Grèce, et cependant, grâce à cette forme plus ou moins anarchique, de la chute des rois à l’Empire, l’histoire de Rome pourrait bien ne s’appeler que l’histoire des révolutions romaines. […] Sans cela, qui sait si Rome elle-même, malgré la force de la famille, abandonnée aux déchirements de sa forme républicaine, n’aurait pas enfin succombé ?

452. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XI. MM. Mignet et Pichot. Charles Quint, son abdication, son séjour et sa mort au monastère de Yuste. — Charles V, chronique de sa vie intérieure dans le cloître de Yuste » pp. 267-281

Or, malgré ses formes politiques et le jeu extérieur de ses institutions, l’ancien gouvernement de l’Espagne était, en réalité, il faut bien l’avouer, une théocratie. […] Même après Yuste, ce sacrifice à l’opinion religieuse de l’Espagne, il ne fallut rien moins que l’Inquisition, c’est-à-dire l’Espagne tout entière sous sa forme la plus concentrée, pour rappeler les devoirs de la Majesté Catholique aux passions invétérées du vieil Empereur. […] Sans doute, la chronique est encore une forme intéressante de l’histoire, mais Charles-Quint, comme tous les personnages qui font question dans les Annales du monde, échappe à la chronique par la profondeur de son caractère ; et quelque dévoué que l’on soit à ramasser les épingles que l’histoire laisse parfois tomber, il y a mieux pourtant que ce travail de bésicles et de flambeau par terre, quand il s’agit d’un homme qu’il faut regarder en plein visage pour le pénétrer. […] Si l’esprit de l’histoire n’est pas dans son livre, les formes y sont du moins, les formes classiques et sévères.

453. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Sabran et le chevalier de Boufflers »

La lettre était une forme de la pensée qu’il adorait. […] Et comme les âmes, viriles par le fait seul de leur union dans une idée plus grande que chacune d’elles, s’étaient efféminées en se préférant à cette idée trop générale et devenue pour eux trop abstraite (la religion, par exemple, la patrie ou la royauté), hommes et femmes s’échappèrent et se ruèrent en correspondances, dans cette forme de lettres où le moi se roule comme le mulet dans l’herbe et peut se vautrer tout son saoul. […] la forme de la lettre fut comme un joug jeté sur la pensée. […] Même l’histoire littéraire du xviiie  siècle prit cette forme de la lettre, le moule forcené du temps ; car cette histoire, c’est la Correspondance de Voltaire et la Correspondance de Grimm. […] Après la Nouvelle Héloïse, d’autres romans affectèrent la forme épistolaire qui s’était imposée à Rousseau, laquais toujours, alors de Richardson… Quand Laclos finissait ses Liaisons dangereuses, cette pourriture sociale brassée et tripotée d’une main si puissante, Madame de Genlis écrivait, sous forme de lettres, son traité d’éducation, Adèle et Théodore, pour refaire des mœurs perdues, et Madame de Staël ce chef-d’œuvre de Delphine, où passe, idées et mœurs, toute la société du xviiie  siècle dans ce qu’elle avait de sain encore, dans ce qui avait échappé aux gangrènes décrites par Laclos.

454. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « II. Jean Reynaud »

Seulement voici où l’embarras commence… Si la Critique prend au sérieux ce gros livre de Terre et Ciel que d’aucuns regardent comme un monument ; si elle se croit obligée d’entrer dans les discussions qu’il provoque et d’accepter ces formes préméditées d’un langage scientifique assez semblable au latin de Sganarelle, mais moins gai, la voilà exposée à asphyxier d’ennui le lecteur, comme elle a été elle-même asphyxiée ; — et cependant, d’un autre côté, si on touche légèrement à une chose si pesante, d’honnêtes esprits s’imagineront, sans doute, que c’est difficulté de la manier ! […] La forme de son exposition se recommande aux esprits modérés par je ne sais quelle fausse bonhomie, et jusqu’à son talent d’écrivain, trop empâté pour être mordant, — trop mollusque pour être serpent, — rien n’avertit, et tout l’assure, quand il se dit chrétien, comme la plupart des hérétiques, du reste, qui n’ont jamais manqué de se dire chrétiens pour mieux atteindre le christianisme en plein cœur ! […] Et nous ne parlons pas encore ici de la forme la plus extérieure de ce livre, de sa conformation littéraire ! […] Le sophisme épicurien, le plus compromis des sophismes grecs, qui donnait à la Divinité la forme de l’homme, parce qu’on n’en connaît pas de plus belle, est le genre de preuves le plus familier de M.  […] En effet, c’est l’opposition et la caricature de ces Soirées de Saint-Pétersbourg, dans lesquelles l’auteur esquive aussi la difficulté d’une exposition méthodique par cette forme trop aisée du dialogue, mais, du moins, en sait racheter l’infériorité par l’éclat de la discussion, le montant de la répartie, la beauté de la thèse et de l’antithèse et une charmante variété de tons, depuis la bonhomie accablante du théologien jusqu’à la sveltesse militaire ; depuis l’aplomb du grand seigneur qui badine avec la science comme il badinerait avec le ruban de son crachat, jusqu’au génie de la plaisanterie, comme l’avait Voltaire !

455. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Ajoutez que le roman est bien réellement une forme, et non la moindre, de l’histoire des mœurs. […] Car le meilleur support d’une forme plastique, c’est encore l’observation passionnée du monde réel. […] C’est partout, sous des formes diverses, une recherche du rare, du raffiné, du brutal ou du poignant. […] Le roman d’ailleurs, est le plus libre des genres et souffre toutes les formes. […] La forme de Charles Demailly (le premier de leurs romans qui ait paru) était beaucoup plus exubérante et parfois singulière.

456. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

La forme, comme le fond, rappelait bien M. de Vignyou. […] Cela ne fait pas sans doute un poète très-varié, très-émouvant, très-divertissant, mais c’est encore, et sous une de ses plus nobles formes, un poète. […] Je suis dans le vrai du faible et du travers de M. de Laprade critique, dans le plein de sa théorie favorite, en la dégageant des précautions de forme. […] Il met le monde des idées pures d’une part et celui des formes sensibles de l’autre ; il condescend à ce dernier avec peine. Il admet des idées en l’air, sans forme : comprenne qui pourra !

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