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1122. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Il avait pris ses filles pour secrétaires, et leur faisait lire des langues qu’elles n’entendaient pas, tâche rebutante dont elles se plaignaient amèrement. […] Tous les matins il se faisait lire en hébreu un chapitre de la Bible, et demeurait quelque temps en silence, grave, afin de méditer sur ce qu’il avait entendu. […] Par-dessus la clameur de la révolution protestante, on entendit sa voix qui tonnait contre la tradition et l’obéissance. […] J’écoute, et j’entends un ménage anglais, deux raisonneurs du temps, le colonel Hutchinson et sa femme. […] Sont-ce là « les choses que l’œil n’a point vues, que l’oreille n’a point entendues, que le cœur n’a point rêvées ? 

1123. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

À chaque accident politique, on entend un grondement d’émeute, on voit des bousculades, des coups de poing, des têtes cassées. […] Ainsi entendue, la religion est une révolution morale ; ainsi simplifiée, la religion n’est qu’une révolution morale. […] Ils n’entendent ni leurs textes ni leurs formules. […] Reid n’entend même pas les systèmes qu’il discute ; il lève les bras au ciel quand il essaye d’exposer Aristote et Leibnitz. […] Lord Chesterfield remarque qu’un Français d’alors n’entend point le mot de patrie ; qu’il faut lui parler de son prince.

1124. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Tu n’entendras longtemps que mes ailes craintives S’ébruiter sur ton sort…….. […] voilà un génie charmant, léger, plaintif, rêveur, désolé, le génie de l’élégie et de la romance, qui se fait entendre sur ces tons pour la première fois : il ne doit rien qu’à son propre cœur. […] Autrefois dès que tu entendais ma plainte d’amante (et tu l’entendais fréquemment), tu venais à moi, quittant aussitôt le beau palais de ton père. […] Elle s’était mise au latin et était arrivée à entendre les odes d’Horace ; elle lisait l’anglais et avait traduit en vers quelques pièces de William Cowper, notamment celle-ci dans les Olney Hymns : God moves in… etc. […] Mme Valmore ne peut s’empêcher d’y applaudir ; elle ne se raisonne pas, elle suit son élan ; elle a l’âme populaire ; elle était pour les souffrants, pour les opprimés et les mitraillés à Lyon, en 1834 ; elle était de tout temps pour les condamnés politiques, sans distinction de parti, que ce fût M. de Peyronnet ou Raspail, pour tous ceux dont elle entendait la plainte à travers les barreaux ; elle est pour eux encore le jour où elle se figure que le peuple triomphe et se délivre ; elle a son hymne du lendemain : « (1er mars 1848)… L’orage était trop sublime pour avoir peur ; nous ne pensions plus à nous, haletants devant ce peuple qui se faisait tuer pour nous.

1125. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Tous ces dehors ne sont que des avenues qui se réunissent en un centre, et vous ne vous y engagez que pour arriver à ce centre ; là est l’homme véritable, j’entends le groupe de facultés et de sentiments que produit le reste. […] Ces grands ressorts donnés font peu à peu leur effet, j’entends qu’au bout de quelques siècles ils mettent la nation dans un état nouveau, religieux, littéraire, social, économique ; condition nouvelle qui, combinée avec leur effort renouvelé, produit une autre condition, tantôt bonne, tantôt mauvaise, tantôt lentement, tantôt vite, et ainsi de suite ; en sorte que l’on peut considérer le mouvement total de chaque civilisation distincte comme l’effet d’une force permanente qui, à chaque instant, varie son œuvre en modifiant les circonstances où elle agit. […] C’est d’après cette loi que se forment les grands courants historiques, j’entends par là les longs règnes d’une forme d’esprit ou d’une idée maîtresse, comme cette période de créations spontanées qu’on appelle la Renaissance, ou cette période de classifications oratoires qu’on appelle l’âge classique, ou cette série de synthèses mystiques qu’on appelle l’époque alexandrine et chrétienne, ou cette série de floraisons mythologiques, qui se rencontre aux origines de la Germanie de l’Inde et de la Grèce. […] Ce qui la règle dans une civilisation, c’est la présence dans chaque grande création humaine d’un élément producteur également présent dans les autres créations environnantes, j’entends par là quelque faculté, aptitude, disposition efficace et notable qui, ayant un caractère propre, l’introduit avec elle dans toutes les opérations auxquelles elle participe, et selon ses variations fait varier toutes les œuvres auxquelles elle concourt. […] Un seul homme, Stendhal, par une tournure d’esprit et d’éducation singulière, l’a entrepris, et encore aujourd’hui la plupart des lecteurs trouvent ses livres paradoxaux et obscurs ; son talent et ses idées étaient prématurés ; on n’a pas compris ses admirables divinations, ses mots profonds jetés en passant, la justesse étonnante de ses notations et de sa logique ; on n’a pas vu que sous des apparences de causeur et d’homme du monde, il expliquait les plus compliqués des mécanismes internes, qu’il mettait le doigt sur les grands ressorts, qu’il importait dans l’histoire du cœur les procédés scientifiques, l’art de chiffrer, de décomposer et de déduire, que le premier il marquait les causes fondamentales, j’entends les nationalités, les climats et les tempéraments ; bref, qu’il traitait des sentiments comme on doit en traiter, c’est-à-dire en naturaliste et en physicien, en faisant des classifications et en pesant des forces.

1126. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

La postérité a entendu battre leur cœur de femme et a pénétré malgré elles dans ce secret de leur génie qui n’était, comme il sied à des femmes, que le génie de leur amour. […] La jeune femme, habituée de bonne heure au monologue par l’exercice quotidien de sa plume et par l’éloquence des hommes supérieurs entendus dès l’enfance chez son père, se laissait emporter par son enthousiasme ; la charmante timidité de son sexe et de son âge, cette pudeur de l’âme, aussi rougissante que celle du corps, n’était jamais née en elle. […] Elle faisait silence, cependant, de peur d’être entendue des Jacobins et de Robespierre, le Marius des idées dont J. […] « Mais malheur au peuple qui aurait entendu ses cris en vain ! […] Il n’y avait, selon elle, que deux grands hommes dans la république, faits pour s’entendre et se compléter, elle et lui.

1127. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Elle parle de lui comme pourrait faire de sa femme un mari d’actrice, j’entends un mari amoureux. « Il est certain, mon bon ange, que je ne te connais pas de rival au théâtre. […] Je n’ai plus la force ni les moyens de consoler cette pauvreté qui augmente et fait frémir, entends-tu ? […] Elle prête à tous ceux qui l’approchent la beauté de son âme, à travers laquelle elle les voit et les entend. — À cause de sa profession première et de celle de son mari, cette très honnête femme, d’une scrupuleuse vertu, a toujours eu une partie du moins de ses relations dans un monde forcément mêlé. […] La littérature, le latin, la poésie anglaise, un même dédain des « extériorités » (Sainte-Beuve était encore dans la période religieuse de sa vie)… que de raisons de s’entendre ! […] Ici, on oublie tout, on se plaint par genre, mais sans amertume ; on dort, on mange, on n’entend point de sonnette.

1128. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Maintenant que les non-sens des dénominations ont disparu, il sera facile de s’entendre. […] la poésie, non dramatique s’entend, (car le public assemblé est presque la postérité) se trouve étrangement compromise entre les hommes à idées positives et la frivolité des salons. […] — Nous répondrons d’abord que rien ne serait plus original et plus neuf pour le public, que la représentation naïve sur notre théâtre d’une grande tragédie de Shakespeare, avec toute la pompe d’une mise en scène soignée ; car les représentations anglaises où les trois quarts et demi des spectateurs n’entendent pas un mot, et les traductions en prose, privées de la magie du style et du jeu des acteurs, ne donnent du grand poète qu’une idée toujours imparfaite et quelquefois très fausse. […] Autrement, et si le Théâtre-Français persiste dans son inaction ou dans son activité mal entendue, il n’est pas possible que l’autorité actuelle qui a si sagement détruit tant de monopoles, épargne longtemps encore le plus intolérable de tous, et reste sourde aux réclamations qui vont s’élever de toutes parts. […] Que peut dire un poète, quand il s’entend reprocher des contrastes comme des dissonances, et des choses étudiées comme des négligences ou des distractions ?

1129. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Les uns ont entendu par discours vrai une science qui établit la vraie filiation des mots. Les autres ont entendu par discours vrai une science qui établit le vrai rapport ou le rapport primitif des mots avec les choses. […] Dans ce sens, le mot étymologie voudrait dire la science de la vérité, et je pense que c’est ce que les anciens entendaient. […] Remarquons en même temps qu’à cette époque sinistre, où, pour me servir d’une expression énergique employée par nos vieux traducteurs de la Bible en parlant du déluge, remarquons, dis-je, qu’à cette époque où le génie antisocial avait résolu de racler toutes les institutions humaines, la voix des traditions anciennes se faisait encore entendre. […] Ce qu’il y a de merveilleux dans tout ceci, c’est qu’en effet on n’a pas besoin de définitions pour s’entendre.

1130. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Il n’y a pas moyen de ne point entendre cette vibration, ce coup de gorge de l’oiseau bleu, à la poitrine sanglante, qui, en passant, jette là son cri, et auquel personne parmi ceux qui ont le talent plus large que Daudet, plus étoffé, plus robuste, plus tout ce que vous voudrez, n’est capable, en l’imitant, de faire écho. […] Des jugeurs, que j’ai quelquefois entendus chiffonner ce talent délicat, ne niaient pas son originalité, mais disaient qu’il n’en avait qu’une goutte, comme si une goutte ne suffisait pas ! […] C’est la profondeur, en effet, — non pas dans les détails, entendons-nous bien ! […] Mais est-ce moi ou lui, dans sa conscience de poète, qu’il a entendu ? […] Cela dura ainsi quelques minutes, — puis on entendit, à son souffle plus fort, qu’elle se fatiguait. — “Assez, assieds-toi”, dit Félicia.

1131. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

À sept ou huit ans, j’avais déjà entendu une bataille, j’avais été dans une ville assiégée (Bruxelles), et de ma fenêtre j’avais vu trois sièges. […] Rappelez-vous ce que vous leur avez entendu dire de vous dans leurs tentes ou au bivouac après la bataille. […] Le 17 mai 1757, il vit pour la première fois les postes avancés ; il entendit siffler les premières balles : « J’étais heureux comme un roi. » Son impatience s’accommode assez peu en tout temps de la lenteur méthodique du maréchal Daun ; on chante, après chaque succès, des Te Deum qui font perdre le temps. […] Mais on n’aime pas à donner un avis là-dessus. » Voulant faire entendre qu’on aime mieux rester exposé à un péril, même inutile. — Je ne cite ces passages que pour donner idée du ton du prince de Ligne parlant de ces choses de guerre avec rapidité et avec goût.

1132. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Cet ouvrage ne verra jamais le jour, et ne sera lu que cette fois seulement de tout ce qui sera chez moi ; je suis la seule indigne de l’entendre ; c’est un secret que je vous confie au moins. […] Nul n’expliquait mieux que lui et d’une manière plus lumineuse (au moins pendant le temps où on l’entendait) ce que c’était que la grâce, que le quiétisme, et toutes ces subtilités et ces hérésies des oisifs et des doctes : il brillait à développer tous ces labyrinthes de l’esprit. […] Parmi les adversaires qu’il combat, il en est toutefois contre lesquels Bourdaloue a trop manifestement raison, et d’une manière qui paraît encore tout à fait piquante : ce sont ces jansénistes de mode et de langage, non de conviction, ces incrédules et libertins du monde (comme il y en avait déjà bon nombre alors) qui faisaient les rigoristes en parole, prenaient parti en matière de dogme, et ne plaçaient si haut la perfection du christianisme et la rigidité de la pénitence que pour mieux s’en passer : « Ou tout ou rien, dit-on ; mais bien entendu qu’on s’en tiendra toujours au rien, et qu’on n’aura garde de se charger jamais du tout. » Le travers, l’inconséquence de ces épicuriens mondains, jansénistes par raffinement et en théorie, a trouvé dans Bourdaloue un railleur sévère. […] [NdA] Bourdaloue devait prêcher l’Avent de 1685 à la Cour ; lorsqu’il dut partir pour Montpellier, le roi lui dit : « Les courtisans entendront peut-être des sermons médiocres, mais les Languedociens apprendront une bonne doctrine et une belle morale. » (Journal de Dangeau, 16 octobre 1685.)

1133. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

: Pendant la nuit, le tonnerre se fil entendre de trois côtés différents, et les lames couvraient quelquefois le vaisseau dans toute sa longueur. […] Pendant que je m’amusais à calmer cet animal, je vis un éclair par un faux jour de mon sabord et j’entendis le bruit du tonnerre. […] Enfin, un troisième éclair suivi d’un troisième coup succéda presque aussitôt, et j’entendis crier sous le gaillard que quelque vaisseau se trouvait en danger ; en effet, ce bruit fut semblable à un coup de canon tiré près de nous, il ne roula point. […] Le vent faisait tant de bruit dans les cordages qu’il était impossible de s’entendre.

1134. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

La forme est assez fine, ainsi qu’on doit l’attendre de Franklin ; le fond est d’une crudité et d’un radicalisme qui égale tout ce que nous avons pu entendre à ce sujet. […] Le monde a changé de tour et de manière de voir ; il est devenu positif, comme on dit : je le répète sans idée de blâme : car, si par positif on entend disposé à tenir compte avant tout des faits, y compris même les intérêts, — disposé à ne pas donner à la théorie le pas sur l’expérience, — disposé à l’étude patiente avant la généralisation empressée et brillante, — disposé au travail et même à la discipline plutôt que tourné à la fougue sonore et au rêve ; si par positif on entend toutes ces choses et d’autres qui peuvent devenir d’essentielles qualités, au milieu de tout ce que laisserait de regrettable l’espèce des qualités et des défauts contraires, il y aurait encore de quoi se raffermir et se consoler. […] Bientôt l’accès en est devenu facile aux commençants eux-mêmes, par la découverte de cette nomenclature précise comme l’algèbre, pure et sonore comme une langue antique, qu’on aime à entendre appeler la nomenclature française.

1135. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Qui serait le premier étonné de s’entendre expliquer et commenter de la sorte ? ce serait La Fontaine. — Un jour que, devant une toile de Raphaël, un de nos peintres modernes, grand esthéticien encore plus que peintre, homme à vastes idées et à plans grandioses, avait développé devant quelques élèves une de ces théories sur l’art chrétien et sur l’art de la Renaissance, où le nom de Raphaël sans cesse invoqué sert de prétexte, il se retourna tout d’un coup en s’éloignant, et, en homme d’esprit qu’il est, il s’écria : « Et dire que s’il nous avait entendus, il n’y aurait rien compris !  […] Aussi aimerais-je que, lorsqu’on écrit sur un auteur (et j’entends surtout parler d’un poète ou d’un artiste, d’un auteur de sentiment ou d’imagination), on se le figurât présent et écoutant ce que nous en disons. […] Il avait dit ailleurs, en parlant de l’action dans les fables du poète, de cette action qui semble si éparse et qui se rattache toute à une idée, à un but : « Poésie et système sont des mots qui semblent s’exclure, et qui ont le même sens. » — Oui assurément, si l’on entend par système un tout vivant, animé, coloré ; oui, si ce mot de système a le même sens que cosmos et que monde ; mais chez nous (et cela tient peut-être à notre peu de goût pour la chose), le mot de système se prend dans une acception moins entière et moins belle ; il implique la dissection, l’abstraction.

1136. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

C’est ainsi qu’il l’entend, et il le confesse : « Je suis beaucoup plus chrétien qu’on ne le suppose, écrivait-il un jour à l’abbé de Pradt (un prélat très coulant, il est vrai) ; on ne me traiterait pas d’antichrétien, si on ne faisait du christianisme un moyen politique. » — « Pour douter de ce que beaucoup de gens croient, disait-il encore, il n’en résulte pas que je ne croie à rien. » A vingt ans, il faisait maigre le vendredi saint, quoique le maigre l’incommodât ; non pas qu’il s’en tînt à la conclusion un peu vague du Vicaire savoyard, qui laisse la porte entr’ouverte à l’idée de révélation, mais il rendait hommage à la mort la plus touchante du meilleur d’entre les fils des hommes. […] Quand je dis critique, entendons-nous bien : il y a différentes manières de l’être, et Béranger, d’une certaine manière, l’était peu ou ne l’était pas du tout. […] Au contraire, le critique liseur, si je puis dire, celui qui, dans son fauteuil, reprenait pour la centième fois de vieux écrits et se mettait à penser tout haut en refermant le livre, c’est celui-là qu’il y avait plaisir à entendre et à faire causer : idées justes, idées fines ou hardies, boutades légères et inspirées, lui sortaient en foule à la fois. […] Cependant, on se serait rapproché dans le détail, et on se serait entendu pour ce qui est de l’exécution littéraire ; car il est le premier à reconnaître que les idées les plus utiles, sans l’art qui les met en œuvre, sont comme non avenues : « La perfection du style doit être recherchée de tous ceux qui se croient appelés à répandre des idées utiles.

1137. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Il les acquiert et les crée, soit qu’il se concilie le grand Condé en lui faisant rendre le commandement des armées, soit qu’il s’entende presque en camarade avec Luxembourg, brillant capitaine, homme corrompu : il y a, dès le principe, partie liée entre eux, bien que l’alliance ne doive pas tenir jusqu’au bout. […] Ce n’est pas à réussir sur l’heure et pour un jour qu’il vise, comme cela suffit aux charlatans, c’est à s’acquérir l’estime des connaisseurs et de ceux qui en jugeront plus tard à l’usage : « Ce n’est pas ici un jeu d’enfants, écrivait-il à propos de ce même Dunkerque, et j’aimerais mieux perdre la vie que d’entendre dire un jour de moi ce que j’entends des gens qui m’ont devancé. » Plein de bonnes raisons, et de celles qu’il donne, et de celles qu’il garde par devers lui dans un art qui a ses secrets, il s’impatiente et s’irrite même des chicanes et des objections qu’on élève quand il a le dos tourné ; il s’en plaint au ministre et d’un ton parfois un peu brusque. […] Louvois n’était pas indigne de les entendre.

1138. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Il faut l’entendre, avant tout, parler de la chose sur laquelle il a le plus droit d’être écouté, de celle qu’il a le mieux sue et qu’il avait le plus à cœur de posséder et de faire dignement, l’office et la fonction de la royauté ; soit qu’il songe à son fils dans ses instructions, soit que plus tard il s’adresse à son petit-fils partant pour régner en Espagne, il excelle à définir dans toutes ses parties ce personnage qu’il a su le mieux être, qu’il a été le plus naturellement et comme par une vocation spéciale, le personnage de souverain et de roi. il faut l’entendre encore dans cette Conversation devant Lille (qui se lit dans les Œuvres de Pellisson), parlant dans l’intimité, mais non sans quelque solennité selon sa noble habitude, de son amour pour la gloire, du sentiment généreux qui l’a poussé à s’exposer et à paraître à la tranchée et à l’attaque comme un simple mortel, comme un soldat : « Il n’y a point de roi, pour peu qu’il ait le cœur bien fait, disait-il, qui voie tant de braves gens faire litière de leur vie pour son service, et qui puisse demeurer les bras croisés. » On retrouve là à l’avance, dans la bouche du monarque, quelques-unes des belles pensées de Vauvenargues sur la gloire, avec un peu plus d’emphase, mais non moins de sincérité. […] disait-il ; je crois que j’entends venir le roi » Louis XIV ne l’entendait jamais venir, car il l’était et le restait toujours.

1139. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

La vie n’est qu’une ombre qui marche ; un pauvre comédien qui piaffe et trépigne, son heure durant, sur ses tréteaux, et puis on n’en entend plus parler ; c’est un conte raconté par un idiot, plein de bruit et de fracas, qui ne signifie rien !  […] Pourquoi, Monsieur, ne vous ai-je point vu, ne vous ai-je point entendu ! […] La Harpe le jugeait bien, mais comme il jugeait trop souvent, avec sécheresse et d’un ton rogue ; écoutez plutôt le petit dialogue suivant (1784) : « Ducis n’entend rien à la combinaison d’un plan. […] Ducis est sur le point de lire son OEdipe aux comédiens (février 1775) et il n’attend pour cela que le Carême : « Me voilà toujours ici, en attendant que la cendre du saint mercredi qui s’approche fasse tomber toute cette fureur de fêtes et de danses qui tournent les têtes : on ne pourrait pas entendre mon Œdipe avec des oreilles pleines du bruit des orchestres et du tumulte des bals. » Cependant, déjà revenu de la Grèce à ses dieux du Nord et à Shakespeare, il a choisi Macbeth pour sujet de pièce nouvelle : « Tout le monde me gronde ici, mon cher ami, écrit-il de Versailles à Delevre, à cause du genre terrible que j’ai adopté.

1140. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

une sentinelle, un grenadier de la garde la bouche ouverte ; on entend le cri. 1818. — Scènes diverses de guerre, et aussi un débarquement de troupes de marine. — Les Fourrageurs, 1818. — 1817. […] Fallait-il continuer le genre académique, ce qu’on entendait sous ce nom ? […] Horace est-il à la chasse, monte-t-il à cheval, se trouve-t-il dans son atelier avec des amis aussi gais et aussi vifs que lui, voit-il une revue, s’échauffe-t-il au récit de nos derniers exploits de Montmirail, va-t-il voyager sur les bords de la mer, entend-il répéter les charmantes plaisanteries de nos vieux soldats, assiste-t-il à quelque scène populaire, M.  […] Il se figurait donc le peintre comme devant être absorbé dans l’étude de son art, et il se dirigeait d’un pas respectueux vers l’atelier : « Cependant, à mesure que j’avançais, raconte-t-il, j’entendais un bruit confus ; il augmentait à chaque pas ; et en approchant du sanctuaire, c’était un tapage plus bizarre et plus incohérent que le célèbre concert de Jean-Jacques.

1141. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Tout s’est passé d’ailleurs avec égards et ainsi qu’il sied entre gens comme il faut, et M. de Barthélémy, en jouissant des honneurs de la priorité, entend bien ne préjudicier nullement à l’édition prochaine qui profitera de ses découvertes. […] En quelque fâcheuse condition où sa destinée le réduise, vous le verrez également éloigné de la faiblesse et de la fausse fermeté, se possédant sans crainte dans l’état le plus dangereux, mais ne s’opiniâtrant pas dans une affaire ruineuse, par l’aigreur d’un ressentiment, ou par quelque fierté mal entendue. […] Si cela même vérifie ma maxime que « chacun mesure le prochain à son aune », j’entends et je demande que ce soit du moins dans un sens un peu plus délicat. […] Je n’ai point pris parti systématiquement, comme le donne à entendre M. de Barthélémy, pour aucune des religieuses, ni pour aucun des solitaires.

1142. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Si vous m’aimiez, le bonheur serait pour vous, le plaisir pour moi. » Cette belle n’entend pas avoir affaire au désir ; elle le trouve vulgaire et grossier ; il faut qu’elle en prenne son parti pourtant : « Le désir, vous me l’avez donné, vous le savez, ma reine ! […] Vous savez si je mérite d’avoir le poing coupé. « L’homme a deux mains », a dit Victor Hugo, et il entend que c’est pour faire le bien. […] … Mais vous confondez : vous dites respect, vous entendez estime. […] Et maintenant qu’on sait comment Gavarni entendait le sentiment dans sa jeunesse, lorsqu’on verra ensuite tel de ses dessins, et pour n’en citer qu’un seul, cette aquarelle, par exemple, — véritable élégie, — où une châtelaine penchée au bord d’une terrasse attend impatiemment et semble appeler une lettre, apportée par le messager qui s’avance à pas lents et lourds dans un chemin couvert ; à ce moment de fièvre et de désir où elle croit distinguer le bruit de ses pas sans l’apercevoir encore, et où visiblement elle hâte de ses vœux, de son geste et comme de toute l’attitude de son corps, la marche du bonhomme qui ne se presse guère, on comprendra qu’il ne faisait que rendre là une de ces images de tout temps familières à sa fantaisie et à sa sensibilité gracieuse.

1143. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Gavarni, en ses années de jeunesse, était comme le centre d’un tourbillon ; il vivait dans un monde d’artistes, de joyeux amis ; — joyeux, entendons-nous bien, et n’exagérons pas. […] Ce Vireloque, au reste, comme il l’entend, exprime bien moins la haine des hommes que la haine de tous les mensonges humains. […] Gavarni entend si bien la physionomie humaine qu’il nous fait d’abord reconnaître la nation au visage. […] Sa nomination, proclamée avec d’autres en séance solennelle au Louvre, fut accueillie par une double salve d’applaudissements, Quelque temps après, Gavarni, qui s’entend peu aux compliments, alla chez M. de Nieuwerkerke : « J’ai voulu voir, lui dit-il, celui qui a eu l’idée de décorer Gavarni. » Arrivé à la plénitude de la vie, à la conscience du talent satisfait qui désormais peut indifféremment continuer ou se reposer, et qui a fait sa course, — après bien des traverses et une de ces douleurs cruelles qui éprouvent à fond le cœur de l’homme35, — Gavarni ne formait plus qu’un souhait : rêver, travailler encore, et trouver son dernier bonheur, comme Candide, à cultiver son jardin.

1144. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

La politique de Mazarin et de Lionne, qui était d’exercer sur le Piémont une influence habile et encore plus réelle qu’apparente, était dépassée ; Louis XIV et Louvois voulaient plus : ils entendaient avoir le Piémont dans leur main, à leur dévotion, pour leurs projets sur la Péninsule et contre le Milanais. […] Le duc entendait bien profiter des bons conseils de ses ennemis, mais il commençait par se défaire d’eux et par les sacrifier. […] A l’entendre, si sa mère le poussait trop loin et prétendait lui imposer plus que des conseils, lesquels il serait toujours ravi de recevoir ; si l’on oubliait pourtant qu’il était majeur enfin et voulait être maître, il ne demandait pour juge et arbitre en ce conflit que le roi lui-même, ajoutant : « Qu’il ne pouvait, croire que le roi voulût empêcher un prince légitime de gouverner ses États ; qu’il lui enverrait quelqu’un de confiance pour lui marquer son zèle et son respect ; qu’il n’entrerait jamais dans d’autres intérêts que les siens ; qu’il ne se marierait que de sa main, et que, se tenant dans ces termes et que faisant encore plus pour son service que n’avait fait Madame Royale, il était persuadé de n’être point désapprouvé de lui dans les démarches qui pouvaient lui donner à lui-même un peu de considération. » Il allait plus loin à certains moments, et comme s’il avait obéi à un élan de son cœur : « Eh bien ! […] Vous entendez bien, sans vous en dire davantage, ce que cela signifie. » On n’oserait affirmer que, sans Louis XIV et ses procédés écrasants, Victor-Amédée, né comme il était, eût eu une conduite toute différente, moins retorse et moins subtile ; il suivait la politique obligée de sa position géographique et de sa maison.

1145. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Marie-Antoinette (suite et fin.) »

Necker ; des manifestations populaires entouraient son hôtel, et lorsqu’il offrait sa démission le jour même, le roi dut insister pour qu’il restât à son poste ; la reine, qui pour la première fois entendait de près ces sortes de clameurs, déjà menaçantes, ajouta que « la sûreté personnelle du roi y était intéressée. » Necker céda aux royales instances ; et aussitôt après, dès le lendemain, on recommençait le même jeu ; la cabale du comte d’Artois reprenait le dessus ; on faisait un rassemblement de troupes ; on menaçait l’Assemblée nationale. […] Mirabeau a été mis d’abord en rapport avec le comte de Mercy, qui m’a dit en avoir été complètement satisfait, et a même ajouté que depuis longtemps Mirabeau, dégoûté de la marche des affaires, se sentait en disposition de s’entendre avec la Cour et s’attendait à des ouvertures de ce genre ; qu’on pouvait voir d’ailleurs, par ses travaux dans l’Assemblée, qu’au fond il avait toujours été l’homme des principes monarchiques. […] J’avoue que le frisson d’horreur me reprit plus que jamais à cette idée ; mais comme, en le voyant, on pouvait résumer en une demi-heure beaucoup d’idées dont il faudrait rechercher le détail en cent lettres éparses, et qu’on pouvait s’entendre et se concerter sur toute chose une bonne fois pour toutes, j’ai consenti à une entrevue secrète, j’ai donc vu le monstre ces jours derniers avec une émotion à être malade, mais que son langage a bien vite contre-balancée sur le moment. […] Je suis prête à tout événement, et j’entends aujourd’hui de sang-froid demander ma tête.

1146. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

nous y voilà bien avec ces sérieuses et ces vertueuses qui ne soupçonnent pas le ridicule ou qui le bravent, qui n’entendent rien aux malins sourires ! […] Les dames de la bande, des protestantes bien entendu, se sont hasardées après quelque hésitation à sonner à la porte du couvent ; elles se présentent comme pour faire des emplettes (on sait que les religieuses occupent leurs loisirs à mille petits travaux et à des objets de dévotion qui se vendent au profit de la communauté ou au profit des pauvres) : on fait monter les dames au premier étage. […] Derrière la grille, on soupçonne une salle immense et noire… Après un moment d’attente, on entend crier les verrous : une porte doit s’ouvrir à l’extrémité de la salle, on ne la voit pas, tout est plein de ténèbres ; seulement un souffle glacé frappe nos visages et deux formes blanches s’approchent à pas lents. […] mais permettez-moi (je m’y entends, vous le savez) de faire un peu craquer et sauter le moule du type dans lequel vous m’avez enfermée.

1147. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

Flammarion, s’entendrait à merveille à ce genre d’inductions légitimes, s’il ne préférait d’en sortir parfois, et s’il ne se plaisait à y mêler des considérations d’une autre nature. […] Qui dit Pluralité des mondes entend Pluralité des mondes habités ou habitables. […] Flammarion ajoute : « Nous regrettons de dire que l’on sent de temps en temps dans tout Fontenelle des assertions blâmables comme celle-là, qui déparent son récit et en affaiblissent l’autorité. » Entendons-nous bien. […] Vialart, évêque de Châlons ; il les entendait raconter en dînant à l’archevêché, et lui-même au retour les rapportait à ses amis sans élever un seul doute.

1148. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

. — La vérité, sur ce point historique, c’est que la pénitence du maréchal de Broglie ne fut que bien peu de chose ; on peut dire qu’elle ne compta pas et ne fut prise au sérieux ni à la Cour ni dans une partie du public : on vient d’entendre Mme de Tencin ; Barbier, dans son Journal, dit positivement : « On croit que la disgrâce n’est qu’une feinte. » De là l’erreur de Frédéric, très excusable. […] Le maréchal de Noailles avait surnommé Du Verney, cet habile munitionnaire des armées, « le général des farines76 » ; et un jour qu’on citait ce mot chez Mme de Pompadour, le comte de Saxe présent ne put s’empêcher de dire que ce général des farines s’entendait mieux aux choses de la guerre et en savait plus long sur le métier que le vieux maréchal. […] Commandant l’armée d’Allemagne, il s’entendait assez mal pour les vues avec le maréchal de Coigny qui, lui, commandait en Alsace et qu’il n’y aurait point voulu. […] « Pâris du Verney, très bon munitionnaire, très entendu dans le détail des subsistances, mais dont le faible est de vouloir faire des projets de guerre » ; c’est ainsi que le maréchal de Noailles étend et paraphrase son bon mot dans une lettre au roi (27 mars 1743).

1149. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Napoléon avait été informé d’un rapprochement de Talleyrand avec Fouché pendant son absence, et il le soupçonnait de s’être également entendu avec Murat en cas d’accident et en prévision de ce qui pouvait soudainement résulter, dans cette aventure espagnole, d’une balle de guérillas ou d’un poignard de moine visant droit à sa personne. […] Ici deux points de vue, deux façons de sentir, qui avaient l’une et l’autre leur raison d’être et leur légitimité, sont en présence, et l’histoire ne peut que les constater sans trancher le différend : il y avait la manière héroïque et patriotiquement guerrière d’entendre la défense du sol, la résistance nationale ; de faire un appel aux armes comme aux premiers jours de la Révolution, et, ainsi que Napoléon l’écrivait à Augereau, de « reprendre ses bottes et sa résolution de 93 » ; mais il y avait aussi chez la plupart, et chez les hommes de guerre tout les premiers, fatigue, épuisement, rassasiement comme après excès ; il y avait partout découragement et dégoût, besoin de repos, et, dans le pays tout entier, un immense désir de paix, de travail régulier, de retour à la vie de famille, aux transactions libres, et, après tant de sang versé, une soif de réparation salutaire et bienfaisante. […] Dans toutes les pièces, dans tous les coins de l’entre-sol, des groupes et des pelotons bourdonnaient et bruissaient à ne pas s’entendre. […] mais ce n’est rien pour débarrasser le monde d’un tel fléau. » Ces paroles ont été dites, entendues et répétées.

1150. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Cette gloire, dont on a presque fait un reproche à notre nation, est assez féconde et assez belle pour qui sait l’entendre et l’interpréter. […] Elle aime à se promener aux rayons de la belle maîtresse d’Endymion, à passer deux heures seule avec les hamadryades ; ses arbres sont décorés d’inscriptions et d’ingénieuses devises, comme dans les paysages du Pastor fido et de l’Aminta : « Bella cosa far niente, dit un de mes arbres ; l’autre lui répond : Amor odit inertes ; on ne sait auquel entendre. » — Et ailleurs : « Pour nos sentences, elles ne sont point défigurées ; je les visite souvent : elles sont même augmentées, et deux arbres voisins disent quelquefois les deux contraires : La lontananza ogni gran piaga salda, et Piaga d’amor non si sana mai. […] Seulement il est besoin de s’entendre : elle ne rêvait pas sous ses longues avenues épaisses et sombres, dans le goût de Delphine ou comme l’amante d’Oswald ; cette rêverie-là n’était pas inventée encore9 ; il a fallu 93, pour que Mme de Staël écrivît son admirable livre de l’Influence des Passions sur le Bonheur. […] Et nous entendons par lire, non point parcourir au hasard un choix de ses lettres, non point s’attacher aux deux ou trois qui jouissent d’une renommée classique, au mariage de Mademoiselle, à la mort de Vatel, de M. de Turenne, de M. de Longueville ; mais entrer et cheminer pas à pas dans les dix volumes de lettres (et c’est surtout l’édition de MM.

1151. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

Zola ne peut entendre sans colère). […] Il ne voit plus rien, n’entend plus rien. […] Après ça, entends-tu ? […] Hubert et Hubertine, vous vous le rappelez, se lamentent de n’avoir pas d’enfant, et, toutes les vingt ou trente pages, l’auteur nous fait entendre délicatement que ça n’est vraiment pas leur faute… « C’était le mois où ils avaient perdu leur enfant ; et chaque année, à cette date, ramenait chez eux les mêmes désirs… lui tremblant à ses pieds… elle se donnant toute… Et ce redoublement d’amour sortait du silence de leur chambre, se dégageait de leur personne » (page 143).

1152. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

comment notre langue, si philosophique, si exacte, si précise, a-t-elle pu se prêter à cette violence, se revêtir d’une teinte de mystère, et consentir à faire entendre au lieu de dire ? […] Prenons une comparaison célèbre qui s’y trouve :         Ô bienheureux mille fois             L’enfant que le Seigneur aime,             Qui de bonne heure entend sa voix,     Et que ce dieu daigne instruire lui-même ! […] Hugo un exemple de comparaison symbolique : Il (Napoléon) a bâti si haut son aire impériale, Qu’il nous semble habiter cette sphère idéale Où jamais on n’entend un orage éclater ; Ce n’est plus qu’à ses pieds que gronde la tempête ;         Il faudrait pour frapper sa tête         Que la foudre pût remonter. […] Si nous nous sommes bien fait entendre, on doit distinguer nettement le trope qui, suivant nous, est devenu l’élément d’un style commun aujourd’hui, style qui ne développe jamais l’idée morale en termes abstraits, mais prend toujours un emblème de cette idée, et pour elle donne un symbole, en un mot procède par allégorie, dans le sens restreint que nous avons donné à ce mot.

1153. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Entendons-nous bien : j’admire cette force d’esprit étendue et ingénieuse qui refait, qui restaure du passé tout ce qui peut se refaire, qui y donne un sens, sinon le vrai, du moins un sens plausible et vraisemblable, qui maîtrise le désordre dans l’histoire, et qui procure à l’étude des points d’appui utiles et des directions. […] Guizot excelle à exposer, ce sont les débats, les discussions, les tiraillements des partis, le côté parlementaire de l’histoire, la situation des idées dans les divers groupes à un moment donné : il entend supérieurement cette manœuvre des idées. […] Longtemps j’ai entendu dire que M.  […] » C’est le même moraliste, contemporain de Cromwell, qui a dit cet autre mot si vrai et qu’oublient trop les historiens systématiques : « La fortune et l’humeur gouvernent le monde. » Entendez par humeur le tempérament et le caractère des hommes, l’entêtement des princes, la complaisance et la présomption des ministres, l’irritation et le dépit des chefs de parti, la disposition turbulente des populations, et dites, vous qui avez passé par les affaires, et qui ne parlez plus sur le devant de la scène, si ce n’est pas là en très grande partie la vérité.

1154. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Voilà des millions d’hommes qui n’ont jamais entendu parler de vous, qui n’en entendront jamais parler, et qui s’en passent. […] Le sultan professait pour lui une admiration passionnée, et se plaisait à dire qu’il avait souvent entendu ces mêmes histoires, mais que la poésie de Ferdousi les rendait comme neuves, et qu’elle inspirait aux auditeurs de l’éloquence, de la bravoure et de la pitié. […] Enfin, croyant les choses apaisées et oubliées, il était revenu dans sa ville natale, lorsqu’un jour, passant par le bazar, il entendit un enfant réciter un vers sanglant de cette même satire qui avait couru le monde. […] Elle avait entendu faire de lui maint récit fabuleux, comme Médée de Jason, Ariane de Thésée, comme Desdémone d’Othello.

1155. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Chacun fait l’entendu, comme s’il était immortel ; le monde n’est qu’une cohue de gens vivants, faibles, faux et prêts à pourrir ; la plus éclatante fortune n’est qu’un songe flatteur. […] Rien ne serait plus sot et plus déplacé ; mais j’ai appris à connaître les hommes en vieillissant, et je crois que le meilleur est de se passer d’eux sans faire l’entendu. — J’ai pitié des hommes, dit-il encore, quoiqu’ils ne soient guère bons. […] La mort du duc de Beauvilliers (31 août 1714) acheva de briser les derniers liens étroits qui rattachaient Fénelon à l’avenir : « Les vrais amis, écrivait-il en cette occasion à Destouches, font toute la douceur et toute l’amertume de la vie. » C’est à Destouches aussi qu’il écrivait cette admirable lettre, déjà citée par M. de Bausset, sur ce qu’il serait à désirer « que tous les bons amis s’entendissent pour mourir ensemble le même jour », et il cite à ce sujet Philémon et Baucis ; tant il est vrai qu’il y a un rapport réel, et que nous n’avons pas rêvé, entre l’âme de Fénelon et celle de La Fontaine. […] Je ne les entendais point, les glaces étaient levées.

1156. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Rulhière. » pp. 567-586

Rulhière termine son épître par une comparaison de la poésie avec le miel des abeilles ; mais on n’entend pas chez lui le bourdonnement des abeilles. […] Rulhière, de retour de ses voyages dans le Nord, vivait donc à Paris sur le meilleur pied, très goûté pour des opuscules qu’on regardait comme une faveur de pouvoir entendre, pour de jolis vers tels que L’À-propos, Le Don du contre-temps, qu’il récitait avec des applaudissements sûrs, pour des épigrammes très mordantes qu’il laissait courir et qu’il n’avouait pas, mais dont il avait tout l’honneur. […] Mon homme est marié ; la femme qu’il a placée la troisième est sûrement la sienne, et il m’a appris son nom en la nommant. » En nous racontant cette preuve de la sagacité un peu méthodique et raffinée de Rulhière, Diderot donne à entendre que toutes ces choses déliées, conçues en des termes fort déliés, l’étaient trop pour lui, bonhomme tout uni et rond, et qui, à chaque fois, demandait des exemples : « les esprits bornés ont besoin d’exemples ». […] Nous venons de le voir et de l’entendre, il n’est pas envieux, il est content.

1157. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

J’entendis donc la défaite de l’armée ennemie, et retournai souper de fort bonne humeur. […] Il est curieux de comparer cette différence qui tient à celle des humeurs et comme au tempérament des deux esprits : Tout ce que vous me représentez, madame (écrit la princesse des Ursins), depuis que l’officier des gardes vint annoncer la venue de M. de Chamillart qui conduisait M. de Silly dans votre petite chambre de Marly, pendant que vous soupiez dans votre cabinet, jusqu’à ce que Sa Majesté vînt dire elle-même à la porte cette grande nouvelle, me paraît si naturel, que je crois vous avoir vue jeter votre serviette par terre, courant pour entendre ce que l’on disait ; Mme de Dangeau voler pour aller écrire à monsieur son mari ; Mme d’Heudicourt marcher comme si elle avait eu de bonnes jambes, sans savoir presque ce qu’elle faisait ; M. de Marsan sauter sur un siège pour se faire voir, malgré sa goutte, avec la même facilité que l’eût pu faire un danseur de corde. […] Dans cette chute foudroyante, Mme des Ursins, après les premiers moments de surprise, retrouva toute sa force, tout son sang-froid, sa modération apparente ; on n’entendit de sa bouche ni une plainte ni un reproche inconvenant, ni une parole de faiblesse. […] Sur quoi Mme de Maintenon, avec sa rigidité la plus piquante et sa rectitude la plus ornée, répond (et il est bien entendu que ce qui suit ne saurait s’appliquer ni à Mme de Caylus ni à Mme de Noailles) : Vous me tyrannisez sur les étrangers et sur mes parents ; je vous avoue, madame, que les femmes de ce temps-ci me sont insupportables : leur habillement insensé et immodeste, leur tabac, leur vin, leur gourmandise, leur grossièreté, leur paresse, tout cela est si opposé à mon goût et, ce me semble, à la raison, que je ne puis le souffrir.

1158. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

Le mérite original de Nicolas Boileau, étant de cette famille gaie, moqueuse et satirique, fut de joindre à la malice héréditaire le coin du bon sens, de manière à faire dire à ceux qui sortaient d’auprès de lui ce que disait l’avocat Mathieu Marais : « Il y a plaisir à entendre cet homme-là, c’est la raison incarnée. » Le dirai-je ? […] Les Montausier, les Huet, les Pellisson, les Scudéry en frémirent ; mais il suffit que Colbert comprît, qu’il distinguât entre tous le judicieux téméraire, qu’il se déridât à le lire et à l’entendre, et qu’au milieu de ses graves labeurs, la seule vue de Despréaux lui inspirât jusqu’à la fin de l’allégresse. […] Ils crièrent par les fenêtres, mais on ne les entendit point. […] Boileau, vieillissant et morose, jugeait déjà le bon goût très compromis et déclarait à qui voulait l’entendre la poésie française en pleine décadence.

1159. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Il y étudia en philosophie chez les Jésuites au collège de Clermont, et y entendit aussi les leçons qui se donnaient en Sorbonne. […] Ceux qui l’ont suivi de près dans cette période ont pu remarquer qu’au milieu des armes toutes spirituelles qu’il emploie, il entendait très bien aussi certains ménagements politiques, et qu’il faisait à propos intervenir le prince. […] Franklin, lui aussi, est riant, il est aimable, il est badin dans son bon sens ; il a bien de l’esprit et de l’imagination dans son expression ; mais, au milieu de toutes ses lumières physiques et positives supérieures, il y a une lumière qui lui manque ou qui semble presque absente, non pas celle qui brille et qui serait fausse, mais celle qui échauffe en rayonnant, une fleur d’éclat qui ne vient pas de la surface, mais du foyer même, une douce, légère et divine ivresse mêlée à la pratique bien entendue des choses, et qui communique son ravissement. […] Voici, à une première vue, ce qui m’a semblé : saint François de Sales, jusque dans ses élévations, est moins métaphysicien à proprement parler, et moins raisonneur que saint Anselme ; il est plus actif comme missionnaire, et plus entendu, ce me semble, comme évêque, plus naturellement habile dans ses relations, également délicates, avec les puissants.

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