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857. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

L’homme absolu se fait un système et veut le réaliser sans délai : l’homme pratique a un but moins idéal et plus voisin ; il tourne les obstacles, quand il ne peut les franchir, et subordonne toutes ses pensées à la fin prochaine qu’il veut atteindre. […] Ensuite voici le but suprême de son ambition : un petit champ avec une source vive, un peu de bois, une modeste maison, et surtout la liberté d’y vivre à ses heures, à sa guise, la permission de ne pas vous voir, quand il lui prend fantaisie d’être seul.

858. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Comme l’invention purement personnelle et sans but, comme l’invention vraiment impersonnelle qui tend à la vérité, l’invention reproductrice, si l’on peut ainsi l’appeler, a son processus et son progrès, à chaque moment duquel elle s’accompagne spontanément d’une expression toujours adéquate. […] Nous citerons plus loin les passages d’Horace dont Boileau s’est inspiré. — Quintilien (X, 1) est plus pénétrant que Boileau ; il comprend que l’expression peut être en retard sur la pensée ; mais, si les nombreuses analyses psychologiques de cet auteur sont très fines, elles sont aussi très vagues ; nulle part il ne distingue dans la mémoire verbale la puissance (conservation) et l’acte (reproduction, parole intérieure) ; puis la parole est pour lui le but, et la pensée le moyen : ce faux point de vue est l’erreur fondamentale de son livre.

859. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Une tortue qui sait quelles sont ses ressources, quels sont ses pouvoirs, quelles sont ses puissances, arrivera au but avant un lièvre étourdi et flâneur. […] Approche-t-il du but, quitte-t-il ce séjour, Rien ne trouble sa fin : c’est le soir d’un beau jour.

860. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Une réflexion prématurée de l’esprit sur lui-même le découragera d’avancer, alors qu’en avançant purement et simplement il se fût rapproché du but et se fût aperçu, par surcroît, que les obstacles signalés étaient pour la plupart des effets de mirage. […] Seules, les sociétés humaines tiennent fixés devant leurs yeux les deux buts à atteindre.

861. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

C’est la divine Providence qui règle les sociétés, et qui a fondé le droit naturel des gens En voyant les sociétés naître ainsi dans l’âge divin, avec le gouvernement théocratique, pour se développer sous le gouvernement héroïque, qui conserve l’esprit du premier, on éprouve une admiration profonde pour la sagesse avec laquelle la Providence conduisit l’homme à un but tout autre que celui qu’il se proposait, lui imprima la crainte de la Divinité, et fonda la société sur la religion. […] Les hommes n’ayant encore que des idées très particulières, et ne pouvant comprendre ce que c’est que le bien commun, la Providence sut, au moyen de cette forme de gouvernement, les conduire à s’unir à leur patrie, dans le but de conserver un objet d’intérêt privé, aussi important pour eux que leur monarchie domestique ; de cette manière, sans aucun dessein, ils s’accordèrent dans cette généralité du bien social, qu’on appelle république.

862. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Oberman, édition nouvelle, 1833 »

Mais si Oberman ne répondait que vaguement à la biographie de l’auteur, il répondait en plein à sa psychologie, à sa disposition mélancolique et souffrante, à l’effort fatigué de ses facultés sans but, à son étreinte de l’impossible, à son ennui.

863. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Dites que l’art de nos jours est sans but, sans foi en lui-même, sans suite et sans longue haleine en ses entreprises ; et l’on vous objectera, parmi nos poëtes, le plus célèbre et le plus opiniâtre exemple, toute une vie donnée à la restauration de l’art.

864. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Elles jouent à la grande comédie, et l’on n’y sent rien qu’un faiseur qui spécule sur la vulgarité intellectuelle et morale de son public, sans donner d’autre but à son art que de faire cent ou deux cents fois salle comble.

865. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VI. L’Astronomie. »

Mais enfin il n’est pas indifférent de remarquer qu’entre les deux points de vue il n’y a pas de désaccord, et que l’homme ayant poursuivi un but désintéressé, tout le reste lui est venu par surcroît.

866. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Avec votre système vous en arriverez bientôt à juxtaposer des vocables, sans rien qui les enrégimente ou les lie, dans le seul but de provoquer une émotion, de sorte qu’une ligne construite ainsi : Sicile !

867. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre II. Enfance et jeunesse de Jésus. Ses premières impressions. »

Là aussi, sur cette terre où dorment le charpentier Joseph et des milliers de Nazaréens oubliés, qui n’ont pas franchi l’horizon de leur vallée, le philosophe serait mieux placé qu’en aucun lieu du monde pour contempler le cours des choses humaines, se consoler de leur contingence, se rassurer sur le but divin que le monde poursuit à travers d’innombrables défaillances et nonobstant l’universelle vanité.

868. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre XI. Troisième partie. Conséquences de l’émancipation de la pensée dans la sphère des idées politiques. » pp. 350-362

La guerre, qui fut un moyen de civilisation et de perfectionnement pour le genre humain, ne peut plus avoir ce noble et honorable but ; et il est permis d’espérer que ce terrible engrais de sang ne sera plus nécessaire pour fertiliser les vastes champs de l’intelligence ; le courage, le dévouement, la générosité, le génie lui-même, trouveront peut-être d’autres emplois non moins admirables sans entraîner tant de calamités.

869. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Notre critique et la leur »

Ce sont des recueils littéraires dont on peut apprécier diversement les mérites ; mais la critique est-elle entrée pour quelque chose dans le but de leur institution ?

870. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

nous ne savons pas ce que ce petit galimatias d’une donnée qui se dégage d’un livre et qui en fait changer le titre et le caractère, malgré le genre de talent, la fonction, l’idée et le but de l’auteur, exprimés clairement dans un autre titre approprié et lucide, a dû coûter à la sincérité de M. 

871. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

Ozanam, en écrivant son livre, avait plutôt pour but de découronner le Dante que de le couronner, et il le découronne pour planter son laurier sur la tête du Moyen Âge tout entier, — du Moyen Âge qui n’a pas besoin de cela !

872. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Swift »

Cette instruction, divisée par chapitres et où nul n’est oublié du personnel de la valetaille : le butler (sommelier), la cuisinière, le laquais, le cocher, le groom, l’intendant, le portier, la femme de chambre, la fille de service, la fille de laiterie, la bonne d’enfants, la nourrice, la femme de charge et la gouvernante ; ce mandement d’un doyen que Mascarille, après boire, refuserait de signer, ne peut être évidemment qu’une mystification immense et même une mystification à commencer par l’auteur lui-même, — car rien ne doit équivaloir, non seulement pour un esprit élevé, mais pour un esprit quelconque, au dégoût d’écrire, dans quelque but de raillerie que ce soit, ces conseils de friponnerie et de bassesse où tout le sens est dans la grosseur de l’ironie et dans une impudence égale entre l’idée et le langage… Et ce n’est pas tout.

873. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

On sent qu’il ne l’emploie que dans un noble but, cette plaisanterie qui, d’elle-même, tend en bas, et à laquelle il faut donner, comme il l’a fait, de plus hautes destinations.

874. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « V. Saint-René Taillandier »

. — Mais ce que nous en avons déjà pourra servir à nous en faire avoir encore ; et c’est là le but grandiose auquel le devoir ou l’honneur du dix-neuvième siècle est de pousser de toutes ses forces réunies.

875. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

Poète de vocation intellectuelle, je le veux bien, il n’a pas été cependant uniquement préoccupé de son but d’art, de système ou d’école.

876. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Nous l’ignorons, seulement elle s’est développée dans ce livre où le poète n’avait pour but, croyait-il, que de se resserrer, que de se tasser dans un petit espace, et où l’idée panthéistique lui a imposé un horizon qui n’est pas l’Infini encore, — cette sphère où toute grande poésie doit franchement monter, — mais qui pourtant parle déjà d’Infini à la pensée, comme la jonction lointaine de la terre et du ciel, qui est une limite aussi, nous en parle silencieusement, le soir.

877. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Conclusion »

Ces brèves indications suffisent à notre but : dans leur pauvreté même, elles révèlent la multiplicité des recherches qu’il faudrait entreprendre pour rassembler, des quatre coins de l’horizon historique, toutes les conditions des transformations sociales que nous avons classées.

878. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre VIII. De Platon considéré comme panégyriste de Socrate. »

Elle anime ses images, elle préside à son harmonie, elle répand la vie et une grâce sublime sur les fonds qui représentent ses idées ; souvent elle donne à son style ce caractère céleste que les artistes grecs donnaient à leurs divinités ; comme l’Apollon du Vatican, comme le Jupiter olympien de Phidias, son expression est grande et calme ; son élévation paraît tranquille comme celle des cieux : on dirait qu’il en a le langage ; son style ne s’élance point, ne s’arrête point ; les idées s’enchaînent aux idées, les mots qui composent les phrases, les phrases qui composent les discours, tout s’attire et se déploie ensemble ; tout se développe avec rapidité et avec mesure, comme une armée bien ordonnée qui n’est ni tumultueuse, ni lente, et dont tous les soldats se meuvent d’un pas égal et harmonieux pour s’avancer au même but.

879. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

Si donc, comme le dit Aristote, de bonnes lois sont des volontés sans passion, en d’autres termes, des volontés dignes du sage, du héros de la morale qui commande aux passions, c’est dans les républiques populaires que naquit la philosophie ; la nature même de ces républiques conduisait la philosophie à former le sage, et dans ce but à chercher la vérité.

880. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Le Breton n’ait point indiquées, allaient achever de l’y diriger comme à son véritable but. […] Si son but a été d’opérer la séparation de l’Église et du monde, qui ne voit qu’il n’en avait pas de meilleur moyen, ni surtout de plus légitime, que celui qu’il a pris ? […] Il ne me reste plus maintenant qu’à voir s’il a touché le but, et quelles ont été dans l’histoire les conséquences des Provinciales. […] et, comme les religions, toutes les disciplines qui ne mettent pas dans la vie même et dans le plaisir de vivre l’objet et le but de la vie ? […] Écrivant tous les trois pour un public différent, et ne s’étant proposé le même but qu’en gros, si l’on peut ainsi dire, il n’y a pas lieu de comparer l’édition de M. 

881. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Les intelligences positives conclurent que cet effort n’avait pas de but, si son utilité n’était pas matérielle. […] On a voulu combattre l’ancienne école et élargir l’analyse, sans remarquer qu’on allait peut-être manquer le but. […] Elle n’a pas de but, elle ne prouve rien ; elle est, comme la nature, éparse, sans dénouement ; incohérente et superbe. […] On se préoccupe peu d’embellissements quand le but vous absorbe. […] Les ouvrages conçus dans un but moral sont-ils, comme on le dit, en danger de rester au-dessous de la réputation des ouvrages de l’école indépendante ?

882. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Au bout de chacun de ses baisers se trouvait la pensée de l’enfant ; car tout amour qui n’avait pas l’enfant pour but lui semblait inutile et vilain. […] Au milieu de son agonie, il apprend que cet enfant tant souhaité, le but, l’excuse de son amour, est sur le point de naître. […] Deux époux divorcés, réconciliés par leur fille, tout le roman est là, et c’est plaisir de la voir arriver à son but, n’ayant pour agents diplomatiques que son bon vouloir et sa naïveté. […] Ils réclament la liberté pour eux, mais dans le but d’opprimer les autres et eux-mêmes réciproquement. […] Dans ce but, l’Empereur envoya secrètement le marquis de Sassenay en ambassade pour amener Liniers à l’idée de solliciter le consentement des populations à l’acceptation du changement de dynastie.

883. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

C’est bien une révolution, et une révolution fondamentale, car ni l’antiquité ni les temps modernes n’avaient compris de cette façon la mission de l’art dramatique et le but de la comédie. […] Mais, bien loin de là, comme intention, comme exécution et comme but, ce volume a une portée toute différente de celle attribuée généralement aux recueils lyriques qui sont jusqu’ici l’orgueil de la poésie moderne. […] Le poète se fait le centre et le motif de son œuvre ; il en devient la cause et le but. — Société, humanité, univers, les sujets les plus vastes ne sont pour lui qu’un moyen d’étaler de plus haut son génie et son orgueil. […] » Toutefois, bien que tendant au même but, la pensée n’est pas constamment la même, et l’inspiration toujours identique dans ces deux recueils. […] Champfleury, un coureur qui fait souvent la culbute dans le fossé ou le plongeon dans la rivière, mais qui ramasse toujours ses jambes et touche quelquefois le but.

884. (1895) Les confessions littéraires : le vers libre et les poètes. Figaro pp. 101-162

Mais le poète scientifique et sociologique dont le but est la capture d’une noble chimère joint aimablement à sa lettre un fragment inédit du Volume II du Livre V de Œuvre  ; lisons et nous verrons l’étrange réalisation des bizarres théories de M.  […] … Et pour vous, Madame, le but de la Poésie sera ? […] Par les vallons, par les coteaux, Et sur la crête des plateaux, Près des étangs et sur les branches, Toujours sans but, toujours sans bruit, Elle file, glisse, et s’enfuit Et le vent fait battre ses manches, Si bien qu’elle a l’air, dans son vol, D’un grand cygne rasant le sol Du vol blanc de ses ailes blanches. […] Il repose essentiellement sur la rime, sur la rime et sur le rythme régulier — j’entends par là un nombre indéterminé de cadences, non pas arbitrairement élues, mais, comme l’a si bien démontré Sully Prudhomme, sélectionnées entre les innombrables cadenas de la prose par un impérieux besoin de l’oreille, obéissant à une loi certaine ; — rime et rythme chargés de procurer à qui lit ou entend des vers la double jouissance de la surprise dans la sécurité, qui est le but de toutes les prosodies et la raison même de la forme versifiée. […] Bruneau est un enthousiaste ; aussi, à peine lui avions-nous exposé le but de notre enquête qu’il nous fit, le plus aimablement du monde, cette courte et si docte conférence : « Le vers ?

885. (1894) Critique de combat

« Ici, dit le prince Renaud, tous mangent et quelques-uns pensent noblement… Si l’humanité n’est pas née en vain, Si elle a une œuvre à faire, un but à atteindre, et Si ce but doit être atteint, c’est ici qu’il le sera d’abord. » Que de si ! […] Un conte de Voltaire ou de Diderot avait un but, une idée maîtresse ; c’était un acte ; il forçait à réfléchir ; il combattait un abus, un préjugé, une erreur. […] Il se peut que quelque théoricien excessif, comme il s’en trouve dans toute école, lui ait donné pour but unique le bien matériel de l’humanité ou encore ait restreint à tort le nom de travailleurs aux travailleurs manuels. […] Mais je me suis laissé dire qu’on n’a même pas pour but unique d’en faire des soldats, comme au temps du premier empire. […] Il n’en est pas moins vrai que la suppression du militarisme, et, en attendant, son amélioration par des réformes radicales reste à ses yeux un but qu’il faut poursuivre sans relâche pour le plus grand bien de l’humanité.

886. (1802) Études sur Molière pp. -355

J’aurais pris la liberté de dire à Molière lui-même, ces quatre derniers vers sont bien persuasifs dans la bouche d’un fourbe qui veut faire accepter ses bons offices par un jeune étourdi ; les deux, qui les précèdent, plus immoraux et sans finesse, remplissent-ils aussi bien le but de Mascarille ? […] Le but. — Celui de se venger, va-t-on s’écrier ; que répondre ? […] Le dialogue. — Coupé lorsqu’il le faut, non interrompu quand la situation ou le caractère des interlocuteurs l’exige, mais toujours rapide et toujours marchant au but. […] Le but moral. — Je vois bien celui que s’est proposé l’auteur, en faisant couvrir de mépris une coquette, en persiflant une prude, en tournant en ridicule un bel esprit de cour ; mais, que nous apprend Alceste ? […] Le but moral. — Molière l’a porté au plus haut degré, en faisant de Tartuffe, non seulement un hypocrite, mais encore un suborneur qui, tout en parlant vertu, veut séduire la femme de son ami ; un monstre enfin qui dénonce son bienfaiteur.

887. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Ce privilège de l’image sonore a deux motifs : le premier, c’est que le son est peut-être plus agréable à l’âme que le tactum buccal ; le second, qui est décisif, c’est que la parole d’autrui n’est pour nous qu’un son : quand l’enfant commence à parler, il n’invente pas la parole, il imite celle qui entend, il veut faire comme les autres ; le son est donc le but, le mouvement buccal n’est qu’un moyen ; or il est de règle que, dans une série de fins et moyens, l’attention porte de préférence sur le phénomène final. L’enfant grandit et perfectionne son langage ; ce qu’il veut, c’est toujours se faire entendre ; il juge s’il a bien dit ce qu’il voulait d’après les sons qu’il émet et qu’il entend, et non d’après les tacta buccaux ; et ceux-ci lui deviennent de plus en plus indifférents à mesure que son langage devient plus facile et plus correct, c’est-à-dire à mesure que ses organes vocaux sont mieux assouplis, mieux adaptés à toutes les variétés du langage audible ; alors, en effet, il n’est aucunement besoin de réfléchir aux moyens, il lui suffit de vouloir le but. […] Nous ne faisons pas un pas dans la rue sans nous refuser le sol où nos pieds s’appuient, les maisons qui passent sous notre regard, le but que notre œil aperçoit devant lui. […] Quant au second jugement, il est peu à peu infirmé par les observations suivantes : petites émotions sans réaction sur les mouvements du cœur ; alliance intime de tout sentiment avec la pensée de ses causes, de son but, de sa nature ; en définitive, on localise le sentiment dans la tête avec la pensée.

888. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers, Tome xix. (L’île d’Elbe, — L’acte additionnel. — Le champ de mai.) » pp. 275-284

Le but de l’art n’est pas de s’étaler.

889. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Comme témoignage de lui-même, comme déploiement de sa force et de son talent, si l’auteur n’avait visé qu’à cela, Lélia atteindrait certes le but.

890. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Mais la traduction diffère notablement de l’églogue latine, et en altère plus d’une fois le sens en le tirant vers le but nouveau qu’on se propose.

891. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Je dois cependant considérer d’abord la philosophie des Grecs séparément de leur éloquence : mon but est d’observer les progrès de l’esprit humain, et la philosophie peut seule les indiquer avec certitude.

892. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XI. De la littérature du Nord » pp. 256-269

La perfection de quelques-unes de ces poésies prouve, sans doute, le génie de leurs auteurs ; mais il n’en est pas moins certain qu’en Italie les mêmes hommes n’auraient pas composé les mêmes écrits, quand ils auraient ressenti la même passion ; tant il est vrai que les ouvrages littéraires ayant le succès pour but, l’on y retrouve communément moins de traces du caractère personnel de l’écrivain, que de l’esprit général de sa nation et de son siècle.

893. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Les explications dogmatiques et interprétations de l’Écriture tiennent une grande place chez lui, ainsi que la controverse : mais la morale est toujours le but et la conséquence.

894. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Dumas, Alexandre (1802-1870) »

Dumas est un remarquable conteur ; il sait intéresser le lecteur par les qualités d’une imagination brillante qui, au don heureux de l’invention dramatique, joint la verve, l’action, la rapidité du récit, l’agilité d’un style qui court à son but et s’arrête peu pour décrire, encore moins pour prouver, car l’auteur n’a pas de systèmes ; mais cependant avec tous ces avantages, ses succès n’auraient pas été aussi grands s’il ne s’était pas servi de ces trois mobiles : la glorification de la personnalité humaine, les peintures hardies qui troublent les sens, les lieux communs du scepticisme voltairien.

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