Maurice du Plessys, esprit ferme et lucide, toujours en quête de beaux modèles, venait de quitter La Fontaine pour s’engager à l’école de Jean-Baptiste Rousseau, dernier dépositaire de la lyre d’Alcée. […] Elle est si belle ! […] Je déteste la nature où l’homme n’a pas mêlé son artifice. » Wilde m’entraînait vers les étalages de luxe, les éventaires coûteux, les bijouteries. « Je raffole des bijoux, énonçait-il encore, comme de toutes les choses futiles et belles dont l’inutilité rehausse le prix. […] Regardez ces diamants d’une si belle eau, disposés en diadème, qu’on rêverait au front d’une jeune impératrice et qui ne serviront peut-être qu’à parer quelque tripière enrichie dont elles accentueront la vulgarité et la laideur. […] Je connais le prix d’un beau vers, mais aussi d’une rose, d’un vin de cru, d’une cravate adaptée et d’un mets délicat. » Je résume ainsi les propos d’Oscar Wilde, mais ce que je n’en puis rendre c’est le tour et l’expression.
Mais deux factions désolaient surtout ce beau pays : l’une des Gibelins, attachée aux empereurs, et l’autre des Guelfes1, qui soutenait les prétentions des papes. […] Dante, à la fois guerrier, négociateur et poëte, eut sans doute des succès et quelques beaux moments ; mais pour avoir passé la moitié de sa vie dans l’exil et l’indigence, il doit augmenter la liste des grands hommes malheureux. […] Il est difficile de se figurer qu’on puisse faire un beau poëme avec de telles idées, et ce qui doit nous mettre en garde contre ces sortes d’explications, c’est qu’il n’est rien qu’on ne puisse plier sous l’allégorie avec plus ou moins de bonheur. […] Dante a versifié par tercets ou à rimes triplées, et c’est de tous les poëtes celui qui, pour mieux porter le joug, s’est permis le plus d’expressions impropres et bizarres ; mais aussi, quand il est beau, rien ne lui est comparable. […] Énée, faisant des libations à son père, voit sortir du mausolée un beau serpent, emblème de la haute sagesse de ce héros.
Aujourd’hui, il me plairait d’en détacher la plus belle et la plus intéressante figure, celle de Madame, à laquelle Cosnac eut l’honneur de se dévouer par un libre choix et pour laquelle il eut la gloire de souffrir. […] À côté de Monsieur, il y avait un jeune seigneur qui, en ce temps-là, était son favori : c’était le comte de Guiche, le plus beau jeune homme de la Cour, le mieux fait, hardi, fier, avec un certain air avantageux qui ne déplaît pas aux jeunes femmes, et qui accomplit à leurs yeux le héros de roman. […] Le roi, qui précédemment avait peu souri à l’idée de l’épouser, « connut, en la voyant de plus près, combien il avait été injuste en ne la trouvant pas la plus belle personne du monde ». […] Cet attachement pour Madame est certainement le plus bel et le plus honorable endroit de la vie de Cosnac. […] Morte à vingt-six ans, et ayant été pendant neuf ans le centre de l’agrément et des plaisirs, Madame marque le plus beau ou du moins le plus gracieux moment de la cour de Louis XIV.
Là le génie de Young a retrouvé cette voix de la patrie, ces cris de cœur d’une nation belliqueuse qui avaient retenti jusque dans les accents du courtisan Waller, et inspiré de si beaux vers à Thompson. […] Cette belle poésie grecque, si négligée alors, hormis par quelques éditeurs allemands, si mal jugée et si défigurée dans les préfaces ou les imitations tragiques de Voltaire, il la connut à fond, en antiquaire, en artiste, en poëte. […] Il ne fut qu’un contemplateur studieux ; il n’entretint jamais le beau monde de ses pensées ou de ses passions intimes, dans un temps où le génie faisait volontiers de ses petits secrets personnels des événements publics. […] Telle est la puissance du vrai beau et de la poésie durable. […] Entourés de maints barons hardis, ils portent haut leurs fronts parés d’étoiles ; et l’on voit apparaître belles dames, et vieux hommes d’État aux barbes majestueuses.
Ce fut vraiment un beau et grand spectacle. […] c’est plus beau qu’Homère, qu’Ossian ! […] Sa tête était belle, et il la portait haut. […] mes amis quelle belle tête il a ! […] Quelle belle idée !!!
» Je n’indique que quelques-uns de ces paysages ; il y en a bien d’autres non moins poétiques et beaux que ceux-là. […] Elles sont encore très diverses, très nombreuses et très belles. […] J’ai connu, j’ai senti, j’ai rêvé des choses beaucoup plus belles. […] Avec lui, nulle variation dans la température de l’affection : son cœur était au beau fixe perpétuel. […] Un beau soir de printemps, un frisson le saisit.
Que me fait Lara ou le Corsaire, ou cette belle sultane Missouf qui, dans un conte de Voltaire, quelque soir me parut si voluptueuse ! […] Belles, belles, plutôt pleurer sur votre mort Que de voir s’effeuiller vos quarantaines pâles, Lorsqu’arrachant le sceptre à vos mains triomphales, La vieillesse vous prend à la gorge et vous tord. […] N’est-ce pas plutôt curiosité qui nous retient un instant, parce qu’elle contredit la Nature, mais, pour des yeux d’artiste, ne vaudra jamais le bel élan spontané du fauve sur sa proie ? […] N’est-ce pas qu’elle trouve prétexte à un beau cri, à un anathème littéraire ? […] Il savait, sans les voir, combien ces yeux étaient beaux.
Horace, du coup, en prend une idée de l’Andalousie, des belles Andalouses, du boléro dansé sur place, et d’un combat de taureaux. […] J’ai beau plaider pour tout ce qui rapproche et concilie ; je le sens et je le reconnais, il y a une limite qu’on ne franchit pas. […] L’année 1855 lui ménagea un beau et flatteur triomphe. […] Le beau portrait du frère Philippe, supérieur des Écoles chrétiennes, qui eut beaucoup de succès en 1815 et depuis, avait montré qu’il avait de la sympathie pour toute nature sincère. […] maintenant que nous vous tenons, vous allez en entendre de belles !
La maturité de ces écrivains répond ou au commencement ou aux plus belles années du règne auquel on les rapporte, mais elle se produisait en vertu d’une force et d’une nourriture antérieures. […] La chaleur modérée de tant de nobles œuvres, l’épuration continue qui s’en était suivie, la constance enfin des astres et de la saison, avaient amené l’atmosphère des esprits à un état tellement limpide et lumineux, que du prochain beau livre qui saurait naître, pas un mot immanquablement ne serait perdu, pas une pensée ne resterait dans l’ombre, et que tout naîtrait dans son vrai jour. […] Un fragment de lettre ou de conversation ; imaginé ou simplement encadré au chapitre des Jugements : Il disoit que l’esprit dans cette belle personne étroit un diamant bien mis en œuvre, etc., est lui-même un adorable joyau que tout le goût d’un André Chénier n’aurait pas mis en œuvre et en valeur plus artistement. […] Je ne saurais dire combien il en résulte, à mon sens, jusqu’au sein des plus grands talents, dans les plus beaux poèmes, dans les plus belles pages en prose, — oh ! […] Ce qu’il y a de chique dans les plus belles productions du jour est effrayant, et je ne l’ose dire ici que parce que, parlant au général, l’application ne saurait tomber sur aucun illustre en particulier.
Le plus sûr est encore de faire de belles choses, suivant une formule médiocre ou bonne. […] Elle s’est faite belle et provocante ; elle attend en vain, la peur la prend, puis le désespoir, puis la faim. […] Le romantisme avait peut-être peint les hommes et les femmes plus beaux qu’ils ne le sont. […] On en pourrait trouver la preuve jusque dans les faits divers de la troisième page des journaux, qui n’ont pas cependant pour mandat de rapporter surtout les belles actions. […] le beau mot et qu’il fait bien dans un programme !
Il est certain que la belle, la naturelle poésie était encore possible au siècle des Ptolémées, puisque Théocrite de Sicile a traversé impunément leur cour et qu’il a écrit son éloquente idylle de la Magicienne. […] On y verrait, avec le faux goût d’une époque tardive et d’une littérature transplantée, à quel point cette belle imagination des temps héroïques de la Grèce avait mis son empreinte sur les esprits studieux du Muséum. […] N’en devait-il pas sortir quelque chose de ces belles maximes de la sagesse divine ou de ces chants sublimes du prophète, de ces images lamentables ou de ces prophéties triomphantes, dont Israël dispersé nourrissait en tous lieux la foi de ses enfants ? […] que le beau narcisse fleurisse sur les épines ! […] « Comme l’aurore naissante a montré son beau visage, lorsque s’en va la nuit sainte, comme paraît le blanc printemps, quand l’hiver se retire, ainsi Hélène aux cheveux d’or a brillé parmi nous, forte et grande.
S’ils vivaient assez vieux malgré tant de traverses, ils étaient récompensés par la plus belle joie, celle de voir leurs idées s’imposer à la vie. […] Il était beau et grave, il était digne et pieux. […] Le type même de la construction de leurs plus belles pièces n’est-il pas celui de la période oratoire ? […] Dans sa jeunesse, il visita les plus belles parties de l’Irlande et de l’Angleterre. […] mon amie, une belle sottise pourtant !
Chaque jour de la semaine est défini en ces pages selon sa caractéristique, chaque jour y a sa chanson : lundi, où chôment les établis ; mardi, toute la blancheur des toiles et des langes ; mercredi, le « grand jour des jardiniers » et des marchés où sonnent les carillons ; jeudi, le jeudi des amoureux, baisers donnés, baisers à rendre ; vendredi, « l’heure des bouches », et samedi, « avec votre bel habit noir », ce sont les six jours de non-repos évoqués l’un après l’antre, et c’est la vie honorée plus simplement, s’il se peut, que dans En symbole vers l’apostolat, honorée en pensée humble, en paroles portant modeste robe de bure… Et voici : les quatre volumes que signa M. […] Dominical, c’est la belle prière enseignée par le Christ, c’est le pain demandé, c’est l’existence conduite aux bonnes voies. […] Je vous le demande : est-il plus belle gloire et destine plus enviable ?
Voici le fatras pédantesque qu’il me remit : « Le Beau, seul est l’objet du poème. […] « Le Beau étant la Variété dans l’Unité, plus un poème offrira de motifs à l’émotion esthétique dans une rigoureuse unité de but, plus il se rapprochera de l’idéal poursuivi. […] « Le poème symbolique est celui qui, évoquant par le vers des formes esthétiques logiquement reliées entre elles dans l’unité d’un sujet de composition, a pour objet la réalisation du Beau.
Nous n’étions pas revenus de notre surprise, elle augmenta encore lorsque nous vîmes entrer le président, dont l’aspect et les manières étaient tout à fait opposés à l’idée que nous nous étions faite de lui : au lieu d’un grave et austère philosophe dont la présence aurait pu intimider des enfants comme nous étions, la personne qui s’adressait à nous était un Français gai, poli, plein de vivacité, qui, après mille agréables compliments et mille remerciements pour l’honneur que nous lui faisions, désira savoir si nous ne voudrions pas déjeuner ; et comme nous nous excusions (car nous avions déjà mangé en route) : « Venez donc, nous dit-il, promenons-nous ; il fait une belle journée, et je désire vous montrer comme j’ai tâché de pratiquer ici le goût de votre pays et d’arranger mon habitation à l’anglaise. » Nous le suivîmes, et, du côté de la ferme, nous arrivâmes bientôt à la lisière d’un beau bois coupé en allées, clos de palissades, et dont l’entrée était fermée d’une barrière mobile d’environ trois pieds de haut, attachée avec un cadenas : « Venez, dit-il après avoir cherché dans sa poche ; ce n’est pas la peine d’attendre la clef ; vous pouvez, j’en suis sûr, sauter aussi bien que moi, et ce n’est pas cette barrière qui me gêne. » Ainsi disant, il courut à la barrière et sauta par-dessus le plus lestement du monde. […] Que de belles, que d’agréables choses j’ai entendues !
Raphaël est plus beau que Vénus, Éden plus enchanté que les bois de Carthage, et Énée est un froid et triste personnage auprès du majestueux Adam. […] Une de ses pensées est belle comme l’âme entière de l’homme, lorsque, digne de son immortalité, elle médite profondément. Son regard est plus beau que le matin d’un printemps, plus doux que la clarté des étoiles, lorsque, brillantes de jeunesse, elles se balancèrent près du trône céleste avec tous leurs flots de lumière.
Si l’on désapprouve l’imitation d’Homère, en revanche on veut bien nous permettre d’imiter les auteurs du onzième siècle, qu’on nous accuse naturellement de n’avoir pas lus » « Quelles belles leçons de simplicité et de force M. […] J’y ai noté de belles pages, des tableaux réussis, un ton de naïveté incomparable, Ce qu’elles contiennent de meilleur ne m’a pourtant point paru surpasser Homère, qui seul incarne la continuité de la perfection et le don suprême de la vie. […] On va jusqu’à trouver la Chanson de Roland « plus réaliste qu’Homère »… « C’est, dit-on, de la réalité toute crue », La Chanson de Roland est, certes, un beau poème, pour l’élan, le souffle, l’accent héroïque, le ton de vérité émouvante et de grandeur continue. […] Mais on trouve d’aussi beaux passages à peu près dans toutes les chansons de geste. […] On a beau crier, pourtant, — les exemples de notre dernier livre le prouvent — les meilleurs écrivains n’ont pas eu d’autre méthode, qu’ils imitent Homère ou qu’ils transposent directement la réalité, comme Virgile, Chateaubriand ou Flaubert.
Jules Girard est un de ces esprits qui ne sont pas encore les plus mauvais parmi les esprits modernes, car du moins ils ont le goût, l’atticisme, l’imitation réfléchie et savante pour orner leur sécheresse ou cacher leur stérilité, mais qui se payent de tout ce que leur a coûté leur archaïsme en ne concevant rien de plus beau que l’art et la civilisation des Grecs. […] En d’autres termes, il n’a pas senti que si des harangues, telles que les conçoit et les réalise Thucydide dans son histoire, donnent à cette histoire quelque chose de plus dramatique, de plus vivant, de plus intense, de cela seul, l’histoire est plus belle et l’historien littérairement justifié. […] Girard comme l’idéal du génie même dans Thucydide, puisque le plus beau génie humain, c’est le génie grec, et le plus beau génie parmi les Grecs, Thucydide. Et, de fait, il doit avoir raison encore, notre très logique commentateur : si le génie grec est le plus beau génie qu’il puisse y avoir parmi les hommes, sa poétique doit participer de la beauté incomparable de ce génie.
Ce héros de bal masqué, tué en plein bal masqué, par une de ces permissions providentielles qui semblent l’ironie du sort et parachèvent toute une destinée, ressemblait beaucoup à ces masques qui figurent deux personnes à la fois et réunissent, dans une opposition piquante, par exemple le profil d’un bel officier, à l’étincelant uniforme et au mâle visage, et le profil d’une femme en tous ses atours, pleine de langueur ou de coquetterie… Tel il fut dans sa vie, tel il apparaît dans l’histoire, cet homme plus étrange que grand à coup sûr, mais qui prend l’imagination par son étrangeté même ! […] il y a en Gustave III deux physionomies très distinctes et très différentes, et ces physionomies ont presque au même degré les deux sexes… Ce beau Sardanapale du Nord, qui, comme l’autre Sardanapale, aimait à s’habiller en femme dès son enfance et continua de pratiquer ce travestissement (qui ne le travestissait déjà pas tant !) […] C’est là ce qui explique tout dans la vie de cet incroyable roi, que Catherine, en belle mauvaise humeur, comparait spirituellement à « un comédien en voyage », et justement c’est ce qui explique ses ribambelles de voyages qui n’étaient que de la coquetterie étouffant dans cette toute petite Suède, et qui voulait déborder sur le monde et y régner sur tous les cœurs ! […] Ainsi, il vendit des biens d’Église, et devint distillateur et marchand d’eau-de-vie dans les proportions d’un monopole immense, pour faire vivre dans leur luxe effréné ceux-là que Léouzon-Leduc appelle hardiment ses mignons… L’un des plus comiques de ces spectacles fut sa coquetterie avec les Francs-Maçons et le prétendant d’Angleterre, qui était grand-maître de l’Ordre, auquel, dans des vues de conquête politique, il voulut succéder ; et surtout ce fut sa réclamation, comme Maçon, de la Livonie, qui avait jadis, comme on sait, appartenu aux Templiers… Extravagant, mais d’une extravagance qui passait comme un coup de vent, il rêva tour à tour qu’il prendrait la Norvège, qu’il confisquerait le Danemark, qu’il entamerait la Russie ; et il intrigua, brouilla, remua, mais stérilement, dans le sens de tous ces rêves, lesquels n’eurent de réel qu’une superbe bataille navale qu’il gagna lui-même en personne, — belle inutilité de plus ! […] car il eut beau être équivoque en bien des points, cet homme-femme par la vanité, le mensonge, la parure et l’inconsistance, il était et resta un homme par l’audace.
Mais après cette belle édition de Blanchemain, impossible ! […] Un jour, on l’avait vu la familiarité des Princes, et un autre jour l’amitié de Charles IX, qui lui adressa des vers ronsardiens, tant ils étaient beaux ! […] Quant à moi, j’oserai l’affirmer, le poète qui nous a fait pour la première fois en français de la grande poésie pittoresque, — dans des odes-poèmes qui ont leurs strophes, leurs antistrophes, leurs épodes, leurs chœurs, leurs groupes mythologiques, — le tout-puissant descripteur des trente-neuf strophes, de douze vers chaque, de l’Hymne triomphal sur le trépas de la Reine de Navarre, et de l’Églogue au duc de Lorraine où se trouvent des coups de pinceau comme ceux-ci : Achille était ainsi que toi formé, Dedans tes yeux sont Vénus et Bellone ; Tu sembles Mars quand tu es tout armé Et désarmé, une belle amazone ! […] L’incroyable magie de Ronsard est précisément que sa poésie est d’autant plus charmante et quelquefois plus belle que sa langue n’est pas encore une langue venue, à contours pleins, arrêtés et purs. […] Frisottaient, mignottaient, aguignaient, sont des mots enfants, qui s’en sont allés où vont les charmes de l’enfance, ces charmes inouïs que jamais on ne retrouve plus, dans les femmes les plus accomplies et les plus belles, comme ils furent, deux jours, en ces petites filles inachevées qui, moins elles sont dans la vie, nous paraissent plus près du ciel !
Sully, au milieu de ses pesanteurs, a bien des parties réellement belles, d’une solidité attachante, et que le sourire de Henri IV éclaire. […] Le jeune Saint-Simon fut donc élevé auprès d’une mère, personne de mérite, et d’un père qui aimait à se souvenir du passé et à raconter mainte anecdote de la vieille Cour : de bonne heure il dut lui sembler qu’il n’y avait rien de plus beau que de se ressouvenir. […] Quant aux autres, il a beau être sévère et dur, il a des compensations. […] On a de Saint-Simon et de sa femme vers cette époque de leur mariage, deux beaux portraits par Rigaud, que possède M. le duc actuel de Saint-Simon. […] Un rideau se levait tour d’un coup de dessus la plus belle époque monarchique de la France, et l’on assistait à tout comme si l’on y était.
Les Latins, avant Horace, ignoraient ce beau désordre de l’enthousiasme qui n’est que l’ordre suprême de l’inspiration ; celui qui voit tout, abrège tout ! […] Le poète justifiait à ses propres yeux son ralliement au maître du monde par les salutaires inspirations qu’il lui insinuait en si beaux vers. […] Souvenez-vous de Voltaire saluant le lac Léman du haut de la terrasse de Ferney : vous retrouverez dans ce salut poétique la belle description d’Horace à Quinctius. […] Le bon sens exquis jouant avec la sagesse est le caractère de cette épître, la plus belle de toutes les poésies qui portent ce nom. […] Coccéius et Muréna, leurs compagnons de voyage, possédaient des maisons de campagne dans ce beau site de la Campanie ; ils durent entrevoir à Formies, chez Varron, cette belle Terentia, sa sœur, qui devint plus tard la femme de Mécène.
La belle petite donnait envie de mordre dans les pommes de ses joues. […] Était-elle belle ? […] « Le rire montre les belles dents quand on en a ; mais elle ne riait point. […] Madeleine a fait plus difficile et plus beau que le suicide de Brutus ! […] Comme cela eût été plus beau, si cela pouvait être plus vrai !
Il a beau être inachevé, incomplet ; le texte, que nous en a transmis une tradition trop peu attentive, a beau être altéré de mille manières, la pensée n’en est pas moins en général éclatante et sûre. […] Du bon il va au beau. Le beau est l’éclat du vrai. […] S’il ne pouvait point étudier toute l’humanité, il étudiait du moins l’humanité dans ce qu’elle a de plus beau. […] Mais, il faut bien le remarquer : on a beau prétendre traiter de l’âme en général, c’est surtout de l’âme humaine qu’on s’occupera.
Ses tragédies sont de belles déclamations en vers très imparfaits, dont la scène française n’a gardé que le nom. […] « Elle laisse jeter un coup d’œil sur le printemps d’une belle âme », dit Goethe. […] « David, dit-il, m’a par cet envoi préparé de belles journées. […] L’Allemagne a attendu longtemps, mais sa patience a été récompensée par la plus belle œuvre théâtrale de tous les temps. […] Remercions ce fervent disciple, et adorons, sans espérer de jamais le revoir sur la terre, le divin maître du beau !
D’artiste en belles œuvres, devenir un artisan de tortures, meurtrir et broyer la chair de la même main qui cisèle les vases des banquets célestes, quelle contrainte et quelle déchéance ! […] Les poètes, quand ils voulaient célébrer la beauté d’un fleuve, lui décernaient l’épithète de Calliparthenos, « aux belles vierges ». […] Dans sa septième Isthmique, le poète thébain raconte que Zeus et Poséidon se disputaient Thétis, la belle nymphe marine, que chacun d’eux voulait épouser. […] Ses premières effigies en faisaient un homme mûr, aux membres robustes, à la barbe épaisse et pointue ; l’art de la belle époque le refit et le rajeunit d’après le modèle accompli de l’adolescent. […] » — Une tradition merveilleuse encourageait par son exemple, aux jeux de la force, prélude des belles actions héroïques.
Pour un homme de l’organisation supérieure de Féval, à la double nature aristocratique et artiste, pour cet homme d’esprit qui échappe à tout par le don précieux de l’ironie et n’est dupe de rien, pas même peut-être de ses propres inventions, ne voilà-t-il pas une belle position et une belle gloire que d’être le Dennery du roman et de trôner comme roi d’un genre dans lequel Ponson du Terrail est évidemment le dauphin ! […] Son regard, qui semble éteint, couve sa puissance comme un foyer, endormi sous la cendre, disperse en gerbes, dès qu’on le remue, le soudain réveil de ses éclairs… « Il avait été très beau. […] Elles sont si belles qu’elles tentent même ceux qui ne croient pas. […] L’utilitarisme, en religion, est aussi bas qu’en autre chose… Il n’y a de beau et même d’utile, puisqu’on aime ce mot et cette idée-là, mais d’utile dans le sens infini, que ce qui est beau, toujours plus beau, que ce qui se rapproche le plus de la Beauté Éternelle ! […] Mais le catholicisme a cela de beau qu’il peut, sans ingratitude, se décharger sur Dieu du soin de payer les services qu’on lui rend : Dieu reconnaîtra les siens !
Or ce n’est rien de beau que la réalité toute nue. […] Il s’est toujours tenu en belle humeur et en belle santé. […] Partout la singerie du beau et du riche ! […] Ce paysage qu’il admire, quel beau décor ! […] C’était beau.
Voilà le dessous de toutes les belles choses du monde. […] * * * — Il y a un Beau, un beau ennuyeux, qui ressemble à un pensum du Beau. […] Les beaux décor ! […] Nous avons de beaux monstres comme Lekain, Mirabeau. […] Et beau comme un camée, et rappelant un empereur romain !
Il puisa dans sa famille des sentiments de fierté assez habituels en cette belle et généreuse province. […] Au moment où il causait le mieux peinture, musique ; où Haydn le conduisait à Milton ; où il venait de réciter avec sentiment de beaux vers de Dante ou de Pétrarque, tout d’un coup il se ravisait et mettait à son chapeau une petite cocarde d’impiété. […] « Les Français ont donné leur démission en 1814 », disait-il souvent avec le regret et le découragement d’un homme qui avait vu un plus beau soleil et des jours plus glorieux. […] Ce temps que vous perdez en vaines discussions compte dans votre vie ; la vieillesse arrive, vos beaux jours s’écoulent : Amiamo, or quando, etc. […] Il regrette surtout l’âge d’or de l’Italie, celui des Laurent le Magnifique et des Léon X, les jeunes et beaux cardinaux de dix-sept ans, et le catholicisme d’avant Luther, si splendide, si à l’aise chez soi, si favorable à l’épanouissement des beaux-arts ; il a le culte du beau et l’adoration de cette contrée où, à la vue de tout ce qui en est digne, on prononce avec un accent qui ne s’entend point ailleurs : « O Dio !
De son vivant, il a été parfaitement jugé et connu, tant pour ses bonnes qualités que pour ses défauts, pour ses belles et charmantes parties que pour ses folies et ses détestables travers, par des personnes de sa société, et, jusqu’à un certain point, de ses amis. […] Seulement il y joignait bien du bel air. […] Biot se plaisait à citer, comme le plus fidèle et le plus vivant résumé de la théorie de la lumière, ces beaux vers de l’épître à Mme du Châtelet Sur la philosophie de Newton : Il déploie à mes yeux par une main savante De l’astre des saisons la robe étincelante ; L’émeraude, l’azur, le pourpre, le rubis, Sont l’immortel tissu dont brillent ses habits. […] Cette tragédie, dans laquelle il n’y a pas un seul mot d’amour ni d’intrigue, a été trouvée si belle, que M. de Voltaire, qui parut après la pièce dans une première loge, fut claqué personnellement pendant un quart d’heure, tant par le théâtre que par le parterre ; on n’a jamais vu rendre à aucun auteur des honneurs aussi marqués. […] Je crois voir, en un mot, dans ces travaux de Voltaire, sinon le germe, tout au moins un élément très essentiel de l’action qu’il a exercée sur son siècle… » — Nous autres, Français, nous sommes un peu lestes dans nos conclusions, et nous avons beau faire, nous ressemblons plus ou moins à ce seigneur Pococurante que Voltaire lui-même a introduit dans Candide.
Comme il est capable de tout ce qu’il veut entreprendre, il est extrêmement louable d’avoir employé quelques heures de son loisir à la traduction des anciens poètes latins, qui contiennent tant de belles et rares choses où les curieux et les savants trouvent leur satisfaction. […] Le fait est qu’il y avait beau jour qu’on ne regardait pas plus à lui, écrivain, que s’il n’existait pas. […] Je ne puis qu’admirer la patience, le soin, l’industrie, le bel ordre qu’il a mis dans le rassemblement et la distribution de ces pièces innombrables dont il discernait et goûtait les grandes et maîtresses parties, et dont il sentait aussi l’utilité continuelle pour l’éclaircissement de l’histoire. […] » — « Je fais tout ce que je peux, lui répondit Marolles, pour allonger la vie et les jours, mais j’ai beau faire, ils me paraissent s’enfuir comme une ombre. […] Il mourut à Paris le 6 mars 1681, à l’âge de quatre-vingt-un ans ; il fut inhumé, en personnage illustre, dans l’église de Saint-Sulpice, avec une belle épitaphe très en vue, et un médaillon en marbre blanc contenant son portrait et surmonté d’un génie pleurant qui tient son flambeau renversé.
La belle, la sainte vocation ! […] Il a des lettres fort belles à un de leurs amis, l’abbé Bruté, qui sen était allé missionnaire apostolique en Amérique. […] il aura beau jeu bientôt à le maudire ; la société ! […] Ces passages sont beaux ; je ne pouvais que les indiquer en écrivant dans le Moniteur, ce n’était pas le lieu pour les citer. […] Que cela est beau !
Voilà, selon nous, toute l’origine et toute l’explication du vers, cette transcendance de l’expression, ce verbe du beau, non dans la pensée, mais dans le sentiment et dans l’imagination. […] J’y vois bien la richesse, j’y vois bien l’utile, mais le beau, mais l’impression, mais le sentiment, mais l’enthousiasme, où sont-ils ? […] À talent égal, le son que rend l’émotion du bien et du beau est mille fois plus intime et plus sonore que le son qu’ils tirent des passions légères ou mauvaises de l’homme ; plus il y a de Dieu dans une poésie, plus il y a de poésie, car la poésie suprême, c’est Dieu. […] Je me vois transporté dans ces belles contrées, et parmi ces ruines sacrées pour y recueillir, avec les plus curieux monuments, l’esprit même de l’antiquité. […] Ce furent les plus belles années de Fénelon ; il était loin de supposer que les foudres sortiraient bientôt pour lui de ce cénacle où il ne respirait que la paix, la modestie et le bonheur.
Il y eut peu d’âmes plus belles, plus fortes, que celle de ce magistrat, qui mourut évêque : il eut, de ses deux états, la justice et la charité. […] Il n’inventait pas une fiction, quand il donnait le siège de Paris pour cadre à son beau dialogue cicéronien de la Constance, et qu’une prise d’armes, au second livre, en rassemblait les interlocuteurs dans un corps de garde. […] Du Vair est un orateur moraliste : lorsqu’il prend son thème dans la Bible, il donne de beaux modèles d’éloquence religieuse, dans un genre auquel le siècle classique devra un de ses chefs-d’œuvre247. […] Si l’on rassemble la belle suite des harangues de Du Vair, son curieux traité de l’Éloquence Française, ses œuvres morales, et ses discours chrétiens, on se convaincra que ce remarquable orateur n’a pas encore reçu la place à laquelle il a droit. […] Il affectait de ne voir en Malherbe qu’un regratteur de mots et syllabes ; il lui reprochait de faire de la poésie une coquette fardée : il s’imaginait que Ronsard et Desportes, c’était le beau naturel, facile et nu !
Ce ne sont plus les sentences rigoureusement déduites et l’enchainement de théorèmes dont le type le plus parfait se trouve dans Spinosa ; l’œuvre de Spinosa est belle, d’une beauté sombre, glacée, sans plastique, mais elle n’arrive à la Beauté que par la Vérité dont elle contient quelques reflets. […] Je pourrais ajouter étourdiment : comme la déesse Vénus suscitant l’idée de Beauté par ses seules formes merveilleuses ; mais on objecterait avec raison à ce dernier exemple que toute œuvre d’art est donc symbolique, puisque, étant belle, elle doit susciter l’idée de beauté…, cela est vrai, tout juste comme la tour Eiffel est le symbole de la hauteur. […] Mais, outre que le nombre est par nature l’intermédiaire du monde idéal au monde des apparences, dans les belles cathédrales le détail du monument est si bien fondu avec les grandes lignes et celles-ci expriment si naturellement l’idée religieuse que chaque courbe est véritablement subordonnée à la perfection harmonieuse d’une unité. […] Au degré le plus bas, qu’on se rappelle les personnages du romant de la Rose : « Bel accueil », « Beau semblant », ou dans la Henriade, la Discorde personnifiée. […] Le beau plastique est produit, — dans l’attitude d’un travailleur, par exemple, — par l’équilibre d’un rythme, par l’adaptation parfaite de ce rythme à son but, par un minimum d’effort pour un résultat à obtenir ; chaque muscle tendu prête aux autres son appui dans la stricte mesure de la force qu’il faut déployer.
On a beau être misanthrope et ours, on est toujours sensible à ces engageantes avances d’une admiration nouvelle et mystérieuse encore. […] D’après ce portrait, qui est pourtant bien le mien, vous allez me croire belle comme un ange ? […] » Ce fut là le plus bel instant : Savez-vous bien qu’elle est charmante votre lettre, répond Mme de La Tour, et que, pour ne pas vous trouver trop charmant vous-même, j’ai été obligée de me rappeler de combien de nuages vous avez obscurci les beaux jours que vous m’avez quelquefois procurés ? […] Rousseau est de petite taille, et serait plutôt laid s’il n’avait pas la plus belle physionomie du monde, ou du moins la plus expressive. […] Les belles années pour elle avaient fui ; vinrent celles du retour et du malheur.
Il a ces deux caractères : il change peu de place, et en tient peu. » Tel Fontenelle se décelait de son propre aveu, tel nous le montre Mme Geoffrin : « Quand il entrait dans un logement, il laissait les choses comme il les trouvait ; il n’aurait pas ajouté ni ôté un clou. » Rien ne lui faisait de ce qui prend et divertit les autres hommes ; belle musique, beau tableau, il ne se tournait à rien. […] Dans ce singulier ouvrage, et qui reste agréable et encore utile malgré tout, il fit entrer les vérités de Copernic dans une enveloppe à la Scudéry ; mais ici le mauvais goût a beau faire, la vérité l’emporte et prend le dessus. […] Fontenelle, en ces Entretiens, se suppose, comme on sait, à la campagne après souper, dans un beau parc avec une belle marquise. […] En s’adressant à sa belle marquise, il s’adresse à l’esprit de tous les ignorants, et à la fois il aime à se les figurer sous cette forme coquette et à y mêler ce jeu perpétuel qui va autoriser toutes ses finesses. […] Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, dit Fontenelle, sinon qu’il fût vrai que la dent était d’or.