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44. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

On peut d’abord en juger par l’invocation de la Henriade, dont la tournure est la même que celle de Clovis : Muse, qui ceins ton front d’une immortelle gloire, Qui, plaçant les grands noms au Temple de Mémoire, Des outrages du temps affranchis les Guerriers, Couronne mon Héros de tes plus beaux lauriers. […] Dans le huitieme Chant de Clovis, un vénérable Druide conduit ce premier Roi des Francs dans le Temple de la Gloire, & le fait passer, pour y aller, par un antre mystérieux, où, Sur les pas de Clovis s’offrent de toutes parts Des Monstres dont l’aspect étonne ses regards. […] D’autant plus dangereux, qu’il est moins redouté, Une feinte douceur cache sa cruauté ; Le perside amollit les plus fermes courages, Du Temple de la Gloire assiége les passages, Et soufflant dans le sein une coupable ardeur, Des grandes actions obscurcit la splendeur ; Il dort entre les bras d’une oisive mollesse ; Les Remords dévorans, la Douleur vengeresse, Implacables Enfans des lâches Voluptés, Cherchent à s’emparer des cœurs qu’il a domptés. […] C’est le cœur qui contre eux doit livrer des combats : L’homme porte par-tout ces monstres dans lui-même : Il faut, pour les dompter, une vertu suprême, C’est-là l’unique gloire ; un Prince généreux Doit, par de tels combats, rendre son Peuple heureux. […] C’est dans cette plaine qu’est situé le Temple de la Gloire.

45. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Théodore de Banville »

Les plus grands sont las De gloire, Et, comme un hochet, Ont jeté l’archet D’ivoire ! […] Il était fort malade alors, et, désespérant de sa santé, il soignait sa gloire en s’arrangeant dans ses œuvres. […] Nous le souhaitons beaucoup pour sa santé, — et un peu aussi pour sa gloire. […] Et quand nous disons qu’on ne les lit plus, nous ne parlons pas des curieux qui lisent tout ou des poètes qui cherchent des manières à renouveler parce qu’ils n’ont pas d’inspiration personnelle, nous parlons de cette masse lisante qui dispense la gloire et qui la fait. […] Mais comme le cataclysme en question n’est pas excessivement probable, il est à craindre que Hugo et Alfred de Musset, les cariatides des Cariatides, ne dévorent toute la gloire sur laquelle Banville avait compté.

46. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Rousseau et M. de Voltaire. » pp. 47-58

Il n’a plus qu’à jouir de sa gloire. […] La passion de la gloire lui fit regarder cette occasion comme un très-grand avantage. […] De toutes les gloires celle du théâtre est une des plus flatteuses. […] Ceux qui n’étoient pas prévenus en sa faveur, le soupçonnèrent de n’employer des personnalités, que parce qu’il se croyoit offusqué par la gloire de son rival. […] Un trait à sa gloire, & dont la postérité parlera, ce sont les regrets qu’il ne put s’empêcher de témoigner avec toute la France, lorsqu’elle apprit la mort de Rousseau.

47. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

Cette gloire, arrachée par la torture, n’aurait-elle pas été au contraire la flétrissure éternelle d’Alphonse, devenu le bourreau de son poète ? […] Ce Mosti était un de ces vils envieux de la gloire vivante, qui ne pardonnent pas à un de leurs contemporains de rivaliser avec les grands hommes ensevelis et consacrés dans leur gloire acquise. […] À vous, en qui brillent dans une si parfaite harmonie l’honnêteté, le génie, l’honneur, la beauté, la gloire ! […] Le Tasse jouissait complètement de sa gloire ; l’envie ne l’avait pas poursuivi jusque-là ; sa mélancolie s’affaiblissait en lui avec l’âge et avec la vie. […] Il ne me convient plus, dans un tel état, de parler de ma mauvaise fortune obstinée, ou de me plaindre de l’ingratitude du monde qui a remporté sa victoire en me conduisant indigent à ma tombe, tandis que j’avais toujours espéré que cette gloire (quelque chose que soit la gloire) que mon siècle va tirer de mes écrits ne m’aurait pas laissé mourir sans récompense.

48. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Blé de l’esprit que trop souvent on mange en herbe, c’est la gloire rétrospective des sots. […] Si Bossuet fit des fautes, du moins il ne les paya pas, comme Louis XIV, à même sa gloire et son bonheur. […] Ni la lecture des œuvres de Bossuet, ni ses lettres, ni ses Élévations, ni ses écrits mystiques, ni cent passages de ses sermons, n’ont pu modifier ce jugement faux, coulé en plomb dans le moule à bêtises de la tête des sots, lequel jugement vient de la gloire de Bossuet et de l’éclat extérieur de sa vie, mais qu’une autre partie de cette vie pourrait réfuter, comme ses œuvres, si l’on prenait la peine de l’invoquer ! […] L’historien, obligé de revenir aux vulgarités d’une gloire qui force d’unir ces deux mots ensemble : « la popularité du respect », l’historien n’est plus que l’historiographe de cette gloire ouverte à tout venant. […] Quand Bossuet sera devenu un grand évêque, quand la gloire l’aura apporté à la puissance, quand il sera presque un homme d’État, presque un ministre, l’intermédiaire entre Rome et la France, nous rentrerons dans les conditions de l’histoire générale et nous saurons si l’excellent biographe s’élèvera jusqu’à l’historien.

49. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

» Quel était ce Titius promis à tant de gloire ? […] a Le siècle de nos pères, pire que nos aïeux, nous a produits plus méchants encore, pour donner une descendance plus vicieuse que nous188. » Quelle que fût la bonne intention d’Horace pour la gloire d’Auguste, peut-on, dans le tour original même de cette ode, ne pas apercevoir ce qui manquait à cette gloire ? […] Dans quelles grottes entendra-t-on mes préludes associant aux astres et aux conseils de Jupiter la gloire éternelle de l’illustre César ? […] On lui demande, pour un des héritiers de l’empire, pour un des fils de Livie, cette gloire des armes qui avait fait la grandeur de Rome. […] Lui-même192, se promettant une gloire sans terme, associait la durée de ses chants à celle du culte de Vesta et des processions du pontife montant au Capitole.

50. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Ils réduisent à chercher la gloire, ceux qui se seraient contentés des affections : eh bien ! […] C’est dans ce genre seul que la gloire littéraire a été acquise, et qu’on peut reconnaître sa véritable influence. […] De la littérature dans ses rapports avec la gloire Si la littérature peut servir utilement à la morale, elle influe par cela seul puissamment aussi sur la gloire ; car il n’y a point de gloire durable dans un pays où il n’existerait point de morale publique. […] La morale pose les fondements sur lesquels la gloire peut s’élever ; et la littérature, indépendamment de son alliance avec la morale, contribue encore, d’une manière plus directe, à l’existence de cette gloire, noble encouragement de toutes les vertus publiques. […] La gloire militaire a existé chez les peuples barbares.

51. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Bruyère » pp. 111-122

Ce mouvement rétrospectif, reconnaissant, réfléchi, qui nous fait revenir sur de grandes œuvres éclatantes ou replacer dans une juste lumière des ouvrages oubliés ou méconnus, doit être d’autant plus encouragé par la Critique qu’il n’est pas dans la nature du Génie français, lequel, en toutes choses, se porte en avant avec sa proverbiale furie, et mêle si joliment l’ingratitude à ses distributions de gloire. […] Mais, en attendant ses publications ultérieures, voici un ouvrage qu’elle offre au public, marqué du caractère qui provoque la réimpression et la justifie : Les Caractères de La Bruyère 14, d’une grande gloire acquise. […] Pour employer une de ses expressions en parlant de la gloire, la sienne, en paraissant et en s’étendant, ne fit aucun remue-ménage. […] Deux ou trois sots, que le sort lui devait bien pour adversaires, et qu’il châtia, en passant, de sa noble plume, comme l’aigle secoue de sa grande aile les crottes tombées de l’escarbot sur la robe de Jupiter, constituèrent tous les malheurs de ce favori de la gloire, qui, avec deux volumes à peine, et mourant à quarante ans, honoré comme s’il ne le méritait pas, s’établissait, avec la sereine majesté d’un grand homme qui rentre dans sa demeure après sa journée, dans la plus solide et la plus tranquille immortalité. […] Or, pour la transition, un seul rapport suffit ; mais pour l’agrégation, il en faut mille ; car il faut une convenance naturelle, profonde et complète. » Ainsi défendu, quoiqu’il n’eut pas besoin de défense, La Bruyère, accepté et magnifié à tous les titres de moraliste, de philosophe, d’observateur et d’écrivain, manquait de cette page de critique qui épure la gloire d’un homme en la passant au feu d’un ferme regard, car dans la gloire, dans ce lacryma-christi de la gloire, telle que les hommes la font et la versent, il y a encore des choses qu’il faut rejeter du verre, — pour que l’ivresse en soit divine !

52. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « I. Saint Thomas d’Aquin »

Son livre immense, — qui s’appelle la Somme, et qui assomme, — sifflotait un voltairien au siècle dernier, — serait majestueusement resté dans cette gloire rongée d’oubli, où le nom de l’homme se voit encore, mais où ses idées ne se voient plus. […] fut un philosophe plus et mieux que Kant et Hegel, par exemple, les Veaux non pas d’or, mais d’idées, de la philosophie contemporaine ; montrer qu’on peut très bien dégager de son œuvre théologique une philosophie complète avec tous ses compartiments, et que le monde d’un instant qui l’a pris pour une tête énorme, ce grand Bœuf de Sicile dont les mugissements ont ébranlé l’univers, ne fut dupe ni de l’illusion ni de l’ignorance, demander enfin pardon au dix-neuvième siècle pour une telle gloire, voilà le programme de l’Académie et le livre de son lauréat. […] C’est un philosophe qui chasse de race, un philosophe de père en fils, dont le père eut autrefois aussi son prix d’académie, et qui a voulu continuer cette gloire paternelle… Certes, ce n’est pas avec de telles préoccupations que l’on peut dépasser par la fierté ou la soudaineté de l’aperçu, par l’indépendance, par un style vivant et anti-officiel, les conditions du programme de l’Académie, cet établissement de haute bienfaisance littéraire qui n’existe que pour mettre en lumière les talents qui, tout seuls, ne s’y mettraient pas. […] La gloire de celui qui fut appelé l’Ange de l’école, son influence inouïe sur un temps où la foi primait encore la raison, sa préoccupation perpétuelle et absorbante des intérêts de l’Église, et jusqu’à son genre de génie, qui ne fut vraiment original que par sa souveraine certitude et la toute-puissante clarté de son orthodoxie, furent une gloire, une influence, une préoccupation et un génie, essentiellement théologiques. […] Aussi sa gloire, sa gloire réelle, est bien moins de s’être élevé que de n’être jamais tombé.

53. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIe Entretien. Le 16 juillet 1857, ou œuvres et caractère de Béranger » pp. 161-252

Le culte de la gloire rétrospective, c’était la guerre ; ce n’était pas la révolution. […] Aux Bourbons, qui sont là pour recevoir toutes les imprécations de la gloire trompée, de l’ambition déçue ! […] Ce n’est qu’une ombre, mais c’est l’ombre de notre ambition, de notre gloire et de notre fortune !  […] Il n’accepta rien que la gloire. […] Or il était pressé de gloire et de pain ; il ne devait pas tarder à changer de note : le poète devait se faire chansonnier.

54. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 6-7

Racan est le premier qui ait su faire rendre aux chalumeaux François ces sons doux & naïfs qui firent autrefois les délices & la gloire de l’Italie. […] On est fâché, pour sa gloire, que trop de confiance dans sa facilité l’ait jeté dans la négligence ; c’est pourquoi Malherbe disoit que de Racan & de Maynard on auroit fait un grand Poëte. En effet, il y a des morceaux dans les Odes de Racan, qui ne le cedent point aux plus beaux Vers de Malherbe ; telles sont les deux Strophes que voici : Que te sert de chercher les tempêtes de Mars, Pour mourir tout en vie au milieu des hasards Où la gloire te mene ? […] La gloire qui les suit, après tant de travaux, Se passe en moins de temp que la poudre qui vole Du pied de leurs chevaux.

55. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Jacques Cœur et Charles VII »

Qui ne se rappelle qu’avec sa seule Vie de Nelson Robert Southey fixa définitivement sa fortune et sa gloire ? […] L’Histoire a noyé les petitesses et les viletés de l’âme du « Bien-Servi » dans la plus grande gloire qu’elle puisse allumer sur un nom, — la gloire d’avoir sauvé la nationalité d’un peuple ! […] Il chargeait les mers du Levant de vaisseaux français, étonnait l’Angleterre et Venise, et portait au loin la gloire du maître qui devait reconnaître tant de services par le déshonneur et l’exil. […] Homme à destinée complète, peut-être aurait-il attaché, s’il avait vécu, un éclat de plus, la gloire militaire, à son nom ; mais il mourut à Chio, et, à ce qu’il paraît, des suites d’une blessure reçue dans un combat de mer resté obscur. […] qu’importe qu’il manque quelque chose aux petites procédures des hommes, quand la Gloire a prononcé son arrêt !

56. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Mais, enfin, quels que soient ses mérites, — et ce chapitre dira s’ils sont grands, — il n’est pourtant pas un de ces hommes qui, comme de Maistre, par exemple, ont trouvé dans l’histoire une place irréductible et cette gloire lente à venir, mais toujours grandissant une fois qu’elle est venue ; car la vraie gloire grandit dans l’éloignement, tandis que tout, ce qui n’est pas elle diminue. […] Mais cette gloire qui sort de l’obscurité et de l’obstacle, peu à peu, comme un chêne sort de terre, et sur le gland duquel, les racines et les premières pousses, des troupeaux de bêtes ont passé, cette gloire, qui fut celle de Joseph de Maistre, ce génie de trempe immortelle qui pouvait attendre et qui attendit, je ne crois point que Crétineau-Joly l’ait jamais, et peut-être n’était-il pas fait pour elle. […] Ce grand de Maistre, qui passa sa vie dans la société des empereurs et des rois sans y rabaisser son génie ; qui commença en la société intellectuelle par les Considérations sur la France, et ne trouva pas, après trente ans de services de génie, un prêtre ou un évêque pour rendre compte du livre du Pape, ce chef-d’œuvre consacré à Rome, et qui mourut, frappé au cœur, de l’ingratitude du sacerdoce, aussi grande alors que celle des gouvernements ; ce grand de Maistre a été vengé de tout cela par sa gloire… Crétineau, moins grand et moins infortuné, eut tout de suite ce qui lui revenait. […] C’est presque de la gloire aussi, mais c’est de la gloire de combat, qui ne dure que pendant la guerre. Il avait les qualités qui servent au combat, mais il n’avait pas celles qui subsisteraient sans la guerre, et qui éterniseraient la gloire de ceux qui les ont en dehors de la bataille.

57. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Sicard a recueilli la gloire et perfectionné la découverte. […] Aujourd’hui la gloire militaire brille d’un plus vif éclat, et dans tous les pays la gloire des beaux-arts s’est presque éclipsée. […] Condorcet a pleinement raison en restituant à Voltaire ce genre de gloire. […] Le public eut raison, car cet éloge respire l’enthousiasme de la gloire. […] Mais, si ce dévouement courageux fit sa gloire, il n’a pas fait son bonheur.

58. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Enrichis de leurs veilles, nous faisons gloire de posséder ce que nous voulons qu’ils ayent acquis sans gloire. […] Il s’agit bien là de partager la gloire ! […] Nous avons observé qu’il sembloit y avoir une sorte de gloire accordée au merveilleux agréable ; mais ce n’est qu’une participation a la gloire attachée au merveilleux utile : telle est la gloire des beaux Arts. […] Les plus humbles des hommes ne renoncent à une gloire périssable, qu’en échange d’une gloire immortelle. […] Hé joüit-on jamais de sa gloire autrement qu’en songe ?

59. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVII. Des éloges en Italie, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Russie. »

Cependant, une Renommée planait sur le cercueil, et semblait emporter la réputation et la gloire de Michel-Ange vers les siècles à venir. […] L’orateur était le Varchi : il avait la plus grande réputation, et l’on regarda comme une partie considérable de la gloire de Michel-Ange d’avoir pu être célébré par un homme si éloquent83. […] Mais les vrais monuments de la gloire de Michel-Ange sont ses ouvrages, et surtout la fameuse coupole de Saint-Pierre. […] (si quelque chose de cette poussière de la terre peut encore monter jusqu’à toi) pardonne un vain éloge inutile de ta gloire. […] Les Russes ont un esprit facile et souple ; leur langue est, après l’italien, la langue la plus douce de l’Europe ; et si une législation nouvelle élevant les esprits, fait disparaître enfin les longues traces du despotisme et de la servitude ; si elle donne au corps même de la nation une sorte d’activité qui n’a été jusqu’à présent que dans les souverains et la noblesse ; si de grands succès continuent à frapper, à réveiller les imaginations, et que l’idée de la gloire nationale fasse naître pour les particuliers l’idée d’une gloire personnelle, alors le génie qu’on y a vu plus d’une fois sur le trône, descendra peu à peu sur l’empire ; et les arts même d’imagination, transplantés dans ces climats, pourront peut-être y prendre racine, et être un jour cultivés avec succès, 82.

60. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIe entretien. L’Imitation de Jésus-Christ » pp. 97-176

Gloire aux derniers ! […] que la gloire du monde passe vite ! […] Souvent cela sert à nous rendre humble et à nous prémunir contre la vaine gloire. […] Pleins de la vérité et de la gloire céleste, ils ne sont pas avides d’une gloire vaine. […] Vous êtes ma gloire et la joie de mon cœur.

61. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

Ces Pieces mirent le comble à sa gloire, & firent connoître que Corneille & Racine avoient trouvé un successeur. […] N’y a-t-il pas de l’injustice à chercher à obscurcir la gloire des Hommes de génie, en relevant avec affectation & avec amertume, de légeres imperfections, presque inévitables dans le genre tragique, celui de tous qui offre le plus à une critique même raisonnable ? […] Que pouvoit-il se proposer dans un pareil Libelle, d’autant plus odieux, qu’il parut au moment que la Nation étoit occupée à élever un Monument à la gloire de ce célebre Tragique ? […] N’eût-il pas mieux fait de se rappeler que, dans la carriere du Théatre, il avoit suivi la route que son génie lui permettoit de suivre, & que M. de Crébillon, en se livrant au sien, étoit digne d’un genre de gloire, auquel il ne pouvoit prétendre lui-même, malgré ses efforts ?

62. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

Quel que fût le poète, en effet, nous ne pouvions laisser passer, sans le signaler, un livre qui portait sur sa première page un titre à la hauteur duquel ce serait assez, pour la gloire d’un homme, de monter et de se maintenir ! […] L’Empire, qui, plus qu’aucune époque de l’Histoire, eut cette gloire du sang généreusement versé, qui est la grande gloire, est mieux cependant qu’un fumant panorama de batailles : c’est tout un monde émergeant du chaos et prenant possession de la lumière ! […] Parce qu’il n’a jamais eu, lui, — et son livre l’atteste, — que des inspirations sociales ; parce que l’Empire l’a créé poète en le touchant de son rayon de feu et qu’il ne se détache jamais de la gloire ou des malheurs de l’Empire en se repliant sur lui-même, il nie l’inspiration la plus profonde de l’humanité, son inspiration éternelle, qui va de Job jusqu’à lord Byron… Franchement, n’est-ce pas abuser de sa propre préoccupation personnelle ? […] Aujourd’hui, Belmontet vient à son tour se placer parmi tous ces poètes que la grandeur des gloires ou des mélancolies de l’Empire a fait chanter comme malgré eux. […] , et où nous pétrissons ce qui dépend le moins de nous — jusqu’à la gloire de nos grands hommes !

63. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

On entendait des bruits d’écroulements dans leur gloire. […] Ils ont été glorieux, certes, mais d’une gloire fondante. […] Gloires tambourinées qu’un haussement d’épaules accueille. […] Longtemps on a ignoré le prix d’achat de ce genre de gloire. […] La gloire guerrière a désormais son doit et avoir.

64. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

cette agréable gloire, la révolution littéraire de 1830, qui ne l’avait pas faite, l’épargna. […] Pour Villemain, il n’y a rien sous la sienne, et c’est là sa gloire. […] Vous verrez qu’à propos de ce commentaire sur Pindare, écrit par un homme dont le seul mérite net et vrai fut de savoir bien le latin dans son temps, il est des gens qui parleront encore longtemps de la gloire de collège de Villemain ; et ils auront raison, car cette gloire a fait son heureuse position dans les lettres, et tous les livres qu’il a écrits depuis n’y ont pas beaucoup ajouté. […] Le bataillon des hommes de gloire n’est jamais sorti de ces enfants ! […] comme la plus grande gloire de « la tribune moderne » en Angleterre, puisque dans son livre il n’a parlé que de ces deux-là !

65. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Cette reprise hardie de la tradition catholique où le génie de Bossuet l’avait laissée, cette reprise sans fausse honte, sans embarras, dans la simplicité d’une foi profonde, voilà ce qui devra faire autour du livre en question plus de bruit que l’intérêt d’une gloire, placée trop haut pour nous toucher ! […] Dieu, qui ne doit à ses serviteurs que des épreuves, lui donna le bonheur du cœur aussi tard que la gloire, — cette gloire si triste, malgré son éclat, qui se lève sur nous, quand nous, nous baissons vers la tombe ! […] Si le Saint-Esprit est quelquefois descendu parmi les hommes, sous forme de colombe, les hommes purent croire qu’il était descendu, sous ce nom, encore une fois parmi eux, tant Colomb garda toute sa vie les commandements de Dieu, dans ses malheurs et dans sa gloire ! […] Élevée à la gloire de Colomb, l’œuvre de M. Roselly de Lorgues est autant élevée à la gloire de l’Église, car il n’y a que l’Église romaine dans le monde qui puisse faire des grands hommes d’une telle beauté de perfection !

66. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Ce livre, publié après sa mort, eut sa récompense dans l’engouement du jour, cette contrefaçon courte et fausse de la vraie gloire. […] Tout semblait conspirer alors au triomphe de sa politique, à la gloire de son nom, à la félicité de sa vie. […] Semblable à Mirabeau, elle n’avait pas voulu, en changeant de nom, désorienter la gloire. […] C’est là la vraie gloire de madame de Staël. […] C’est moins et plus que de la gloire littéraire, c’est de l’écho, mais c’est un écho romain.

67. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 16, de quelques tragedies dont le sujet est mal choisi » pp. 120-123

Un prince de quarante ans qu’on nous répresente au désespoir et dans la disposition d’attenter sur lui-même, parce que sa gloire et ses interêts l’obligent à se separer d’une femme dont il est amoureux et aimé depuis douze ans, ne nous rend gueres compatissant à son malheur. […] Un heros, obligé par sa gloire et par l’interêt de son autorité à rompre cette habitude, n’en doit pas être assez affligé pour devenir un personnage tragique : il cesse d’avoir la dignité requise aux personnages de la tragedie, si son affliction va jusqu’au desespoir. […] La gloire, dira-t-on, l’emporte à la fin, et Titus, de qui l’on voit bien que vous voulez parler, renvoïe Berenice chez elle. […] La gloire du succès ne répare pas toujours la honte d’un combat où nous devions remporter l’avantage d’abord.

68. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Est-ce besoin incessant de l’écho et de l’applaudissement de ces salons qui lui renvoyaient tous les soirs la gloire et l’enthousiasme pour chaque phrase ? […] L’exil, il est vrai, lui laissait le génie et la gloire des lettres ; on ne pouvait exiler sa pensée ; mais la gloire des lettres n’était que la moitié de son existence. […] C’est ainsi que des Français désignaient le petit-fils des héros qui ont fait la gloire de leur patrie. […] Elle perd l’amour et la vie pour avoir conquis le bruit et la gloire. […] Elle revint jouir de sa gloire à Coppet, à Genève, à Rouen, à Auxerre, enfin dans une terre de M. de Castellane, à douze lieues de Paris, sans oser s’en rapprocher davantage.

69. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

L’idée de gloire, qui est inséparable de Louis XIV, s’y mêle, et, comme l’avenir aura un jour à s’occuper de ses actions, comme la passion et le génie des divers écrivains devront s’y exercer, il veut que son fils trouve là de quoi redresser l’histoire si elle vient à se méprendre. […] Jusque dans les affaires de guerre et dans les sièges qu’il entreprend, il se rend aux difficultés qu’on lui oppose, « persuadé, dit-il, que quelque envie qu’on ait de se signaler, le plus sûr chemin de la gloire est toujours celui que montre la raison ». […] C’est un discours sur la gloire et sur les mobiles qui remplissaient l’âme de ce prince à ce moment. […] Si nous le poussions par ces côtés de gloire vaine, il nous serait trop aisé aujourd’hui d’être léger et irrévérent à son égard. […] Ainsi La Fontaine, dans une épître à Mme de Thianges, a dit : Chacun attend sa gloire ainsi que sa fortune        Du suffrage de Saint-Germain.

70. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Il y avait là une gloire joviale, facile, enivrante, gloire de table qu’on se renvoyait au dessert de convive à convive, qui ne coûtait que l’écot d’un dîner et un refrain grivois ou gastronomique, et qui cependant se répandait assez promptement de la salle à manger dans la rue, par la voix des chanteurs publics. […] Sans plus songer à la gloire, Dormons au sein des plaisirs. […] Béranger, en faisant vibrer la corde de la gloire, faisait vibrer du même doigt la corde de cet innombrable parti. […] Ô Gloire ! […] Je n’y crois plus : toutes mes gloires ont menti, ainsi que toutes mes fortunes ; mais je croirai toujours à leur amitié.

71. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 497-500

Ce fut lui qui en inspira le goût & en apprit les regles à Madame Deshoulieres ; peut-être même a-t-il sacrifié, à la gloire de cette Dame, quelques morceaux dont il auroit pu lui-même se faire honneur. […] Quoi qu’il en soit, il étoit peu jaloux de la gloire que donnent les talens, comme il le paroît par une Lettre adressée à son Eleve, pour l’exhorter à ne pas tant s’appliquer à l’étude. […] Pour moi, je ne suis point la dupe de la Gloire ; Je vous cede ma place au Temple de Mémoire, &c. […] C’est elle qui, de l’homme augmentant les besoins, Multip ie avec eux ses travaux & ses soins ; Qui, lui faisant haïr le repos & la joie, Aux avares soucis livre son ame en proie ; Qui lui fait de la Gloire ensanglanter l’Autel, Et courir à la mort, pour se rendre immortel.

72. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Oscar de Vallée » pp. 275-289

Il a pensé et il a dit — en d’autres termes peut-être, mais il a positivement dit, — que l’André Chénier qu’on trouverait dans son livre serait moins le Chénier poète, dont la gloire est faite et n’a plus besoin qu’on y touche, que le Chénier politique, — l’homme d’action et de courage qui a presque disparu dans l’absorbante gloire du poète, et qui était pourtant dans le poète, dans cet être charmant d’une imagination si divine ! […] Car voilà, pour moi, la seule tache d’ombre que je trouve à la gloire, pure comme la lumière, d’André Chénier ! […] Oscar de Vallée, qui doit être religieux, a regretté pour son Chénier et pour sa gloire qu’il ne le fût pas. […] Le génie du poète, quand réellement il existe, est si extraordinairement beau, qu’on ne voit plus rien à côté : tout s’y fond et tout s’y efface… et la gloire, bête presque toujours, ne l’est point quand elle ne voit que le poète dans le poète ! Ce sont ses jours d’esprit, à la gloire… Je m’en vais même, ici, dire une chose qui fera trembler les moralistes, si elle ne les révolte pas, Est-ce parce que les vertus, le courage, l’héroïsme sont plus communs que le génie, que le génie les fait oublier ?

73. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

, c’est l’esprit gaulois, c’est l’homme de la vis comica capable de tourner le large vers de Molière, que Balzac, le grand Balzac, qui filait alors dans son cocon la chrysalide de sa gloire, voulut un jour embaucher et s’associer pour le Théâtre. […] Dans un temps où la gloire n’était pas difficile et où Victor Cousin disait : « On a trois ou quatre amis. On les prie de vous faire de la gloire, et tout aussitôt, on en a !  […] Ce Gaulois oubliait sa framée… L’Apollon d’Amédée Pommier, qui avait son carquois plein de flèches, ne fit tomber que des rayons sur les jaloux de son talent ou sur les traîtres à sa gloire. […] Mais, au bout du compte, il avait ce que n’eût pas Byron avec toute sa gloire et dans toute sa gloire, et dont le regret lui avait fait verser tant de pleurs dans des vers immortels !

74. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

Il apportait avec lui le malheur avec la gloire en naissant, triste et commune compensation des vœux satisfaits. […] Tels furent les instincts qui portèrent le Tasse à choisir pour gloire l’épopée, et pour sujet les croisades. […] Ces princesses accueillirent le jeune favori de leur frère, dont elles connaissaient déjà les vers par le Rinaldo, comme un homme qui mériterait bientôt la faveur du monde, et qui promettait un rayon de plus à la gloire de leur maison. […] La gloire n’était plus seulement pour lui dans une vaine et froide renommée, mais dans l’applaudissement d’une femme adorée qui donnait un cœur à cette gloire. […] Mais la jeunesse, l’amour et la passion de la gloire pour mériter l’amour, osent tout et triomphent de tout.

75. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Voltaire a perdu de sa gloire le faux, et gardé le vrai. […] quelle gloire pour la nation ! […] Il est vrai qu’il met dans une gloire Aulu-Gelle et Restif de la Bretonne. […] Que peut le bronze là où est la gloire ? […] Les anglais se réveillent enfin du côté de leur gloire.

76. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Voilà toute l’histoire de Joubert, — de Jοubert qui mourut sans gloire, comme le roi d’Yvetot, mais qui n’eut ni bonnet de coton ni Jeanneton dans son affaire, car, tout comme le Cherubini d’Ingres, avec son petit carrick à collet et son jonc entre ses deux jambes, c’est une Muse qui doit le couronner ! La Gloire, cette boiteuse plus boiteuse que la Prière, la Gloire, qui ne vint pas dans sa vie, arrivera un jour sur son tombeau, avec ses pieds tardifs. Si elle est, en définitive, toujours du côté du talent, comme le Bruit, sa canaille de frère, est toujours du côté de la sottise, la Gloire viendrait plutôt sur la tête que de ne pas venir à Joubert. […] Certes, ce n’est pas pour le bruit, qu’il évita toujours, mais c’est pour la gloire comme il l’a souhaitée, s’il a jamais souhaité quelque chose, c’est pour la gloire épurée, réduite, concentrée, rectifiée, essence d’une tonne de feuilles de roses dans un flacon d’un pouce, qu’il a été créé et mis au monde, cet homme d’idées, cet adorable concentrateur ! […] Cela paraîtrait-il hors de toute proportion, cette comparaison que je fais entre Platon, cette gloire de deux mille ans, et Joubert, cette violette, ce muguet à peine décoiffé de sa feuille, sur sa plate-bande d’obscurité ?

77. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Sand »

Le premier volume dégoûtera de ceux qui vont suivre, et c’est la gloire de Madame Sand qui paiera les frais de cette triste spéculation. Pour des écrivains perspicaces qui n’ont jamais été éblouis par cette gloire sans proportion avec le talent qui ne l’a pas faite, mais bien le sexe de l’auteur, Madame Sand était jugée déjà un peu à l’envers de sa gloire, et à travers ses œuvres nombreuses on avait pénétré jusqu’à la nature de son esprit et jusqu’au mystère d’une inspiration qui n’a aucun des caractères de l’inspiration du génie. Seulement, le public, le gros public, ce Cyclope aveugle qui forge la gloire et qui prend pour elle le bruit que fait son marteau en tombant sur l’enclume, à côté, le public ne le savait pas. […] Mais aux tous les jours de cette Correspondance qu’on nous étale et qu’on eût mieux fait de cacher, elle se montre à nous dans un déshabillé et un négligé terribles pour sa gloire et pour la naïveté sans distinction d’un esprit qui, par lui-même et primesautièrement, n’existe pas. […] Ce n’est point pour la gloire qu’elle se promettait d’écrire et qu’elle a écrit, c’est pour le magot.

78. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Il falloit que tous ses plaisirs, tous ses amusemens fussent subordonnés à son amour extrême de la gloire. […] Depuis les journées si brillantes de Platée, de Salamine & de Marathon, Athènes étoit déchue de sa gloire. […] Celui-ci, bassement jaloux de ce comble de gloire, désespéré de la seule idée de l’appareil, se croit perdu d’honneur, s’il n’empêche l’exécution de la fête. […] Quelle tache néanmoins pour la gloire de ce grand homme, que les invectives grossières dans lesquelles il se répand contre son rival ! […] Ce fléau de Philippe & des rois ne recouvra sa gloire qu’à la mort.

79. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le voltairianisme contemporain »

Voltaire est bien homme à emporter, sur la croupe de sa gloire et dans le bruit éternel de son nom, un livre mal fait, frivole ou ennuyeux. […] Sans le voltairianisme et la libre pensée, peut-être même les plus badauds parmi les admirateurs à fond de train du Roi Voltaire ne s’abuseraient pas complètement sur le compte de ce caméléon moral, âme desséchée, jalouse de gloire, qui cracha sur la figure de quiconque le suivit ou le précéda, et qui se serait pris en exécration s’il se fût rencontré sur son propre chemin lui-même ; lâche pour tout braver, brave au milieu des lâches, grand dans les petites questions, petit dans les grandes ; qui réduisit tout à rien pour être quelque chose, et qui grimpa, comme un écureuil, jusqu’à la gloire, en passant par tous les degrés du mépris ! […] Ils ont été fidèles à la gloire de Voltaire. […] Il y a bien dans l’arche de cette gloire, çà et là, quelques hommes d’esprit, pour les orner, aux encoignures, mais ceux qui en soutiennent le lourd entablement, ce sont vraiment les sots !

80. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Pendant que les Allemands nous prouvent que Molière n’est pas un bon poète comique, nous n’avons pas cessé d’entendre les Français chanter sa gloire : Gloire à Molière, le plus grand des poètes comiques ! […] Gloire à lui ! gloire à Molière, le premier des poêles comiques !

81. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « III »

Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire (j’entends de la véritable), voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. […] Dans le passé, un héritage de gloire et de regrets à partager, dans l’avenir un même programme à réaliser ; avoir souffert joui, espéré ensemble, voilà ce qui vaut mieux que des douanes communes et des frontières conformes aux idées stratégiques ; voilà ce que l’on comprend malgré les diversités de race et de langue. […] Je me dis souvent qu’un individu qui aurait les défauts tenus chez les nations pour des qualités, qui se nourrirait de vaine gloire ; qui serait à ce point jaloux, égoïste, querelleur ; qui ne pourrait rien supporter sans dégainer, serait le plus insupportable des hommes.

82. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Guy de Maupassant »

En voici un : « Quelle vanité que la gloire !  […] Viagère, elle reste douteuse, puisqu’elle n’est vraiment la gloire que lorsque le temps l’a consacrée ; et d’ailleurs nous voyons que la « notoriété » de très grands artistes est surpassée, de leur vivant, par celle de simples histrions. […] Songez qu’Homère n’est peut-être pas le nom de l’auteur de l’Iliade, et dès lors qu’est-ce que la gloire du chantre d’Achille ? […] Or, pour en revenir à l’auteur de Bel Ami, sans doute la gloire de son œuvre sera de longue durée ; mais nous voyons que pour lui, la jouissance n’en aura même pas été viagère. Qu’a été, pendant dix-huit mois, pour Maupassant dément, la gloire de Maupassant ?

83. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Du grand Dieu le Père est né le Verbe, le Fils éternel, image archétype, essence égale à son auteur ; car la grandeur du Fils est la gloire du Père, et il a brillé d’une gloire telle que la conçoit le Père seul, ou celui qui resplendit égal au Père. […] La Triade que j’adore n’a qu’une même force, une même pensée, une même gloire, une même puissance. […] Toutes choses parlantes ou muettes te célèbrent ; toutes choses intelligentes ou non le rente dent gloire. […] À toi la gloire et la reconnaissance, à travers le temps infini !  […] Ô Dieu de paix, gloire à toi, quand même j’aurais pis à souffrir !

84. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Goethe »

D’abord, ces lettres sont de Goethe, dont la gloire n’est point encore dans cette période de décroissance que la gloire subit à son tour, comme toutes les choses de ce monde fini. […] … En effet, telle est, dépouillée de tout artifice et de toute mise en scène romanesque, l’histoire constatée par la publication du petit-fils de Kestner ; tel est le lieu commun de cœur qui est devenu Werther, ce soi-disant chef-d’œuvre auquel la Mode a mis un jour l’estampille de la Gloire, que le Temps saura bien effacer. […] Le héraut d’armes de la gloire de Goethe, qui la sonne dans une trompette d’or, un poète qui a plus fait pour Goethe que Goethe lui-même, Henri Heine, n’a pu s’empêcher d’en convenir : « Goethe — dit-il — traita, en général, l’enthousiasme d’une façon tout historique, comme quelque chose de donné, comme une étoffe qu’il faut travailler, et c’est ainsi que l’esprit devient matière sous ses mains. » L’entendez-vous ? […] Au bonheur d’une félicité non interrompue il fallait ajouter l’honneur d’avoir souffert quelques jours, et on a inventé cette gloire du malheur pour que le bonheur de Goethe fût plus grand, son illustration plus complète, et que tous les genres d’intérêt, cet enfant gâté de la destinée les inspirât… Après cela, dira-t-on que la Fortune n’est pas une chienne fidèle, — et qu’elle n’a pas payé dans les mains de Goethe tout ce qu’elle doit depuis des siècles aux hommes de génie malheureux ? […] Ce n’est pas ce que j’ai appelé souvent, avec un dédain mérité, une de ces paraphrases que nous donnent perpétuellement sur de grands esprits et leurs chefs-d’œuvre, à la gloire desquels ils n’ajoutent pas un iota, ces critiques secs et sans idées qu’on pourrait appeler les Scholiastes de la médiocrité.

85. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre X. Des Romains ; de leurs éloges, du temps de la république ; de Cicéron. »

S’il sacrifia ses sentiments et sa gloire à l’intérêt de Rome, il faut l’admirer : s’il redouta César, il faut l’excuser et le plaindre ; mais ce qui prouve que son âme n’était pas flétrie par la servitude, c’est l’éloge de Caton, qu’il composa dans le même temps. […] Il comparaît la gloire avec la vie, et le devoir au danger ; alors il se faisait un système de courage ; sa probité devenait de la vigueur, et son esprit donnait du ressort à son âme. […] La mort pour vous n’a rien de honteux : pour qui fuit, la mort est un opprobre ; pour qui est vainqueur, elle est le sceau de la gloire, car ce sont toujours les plus braves que le dieu des combats choisit pour victimes. […] La nature, il est vrai, ne nous donne que peu d’instants pour vivre, mais le souvenir d’une mort illustre est éternel : et si la gloire n’avait que la durée rapide et passagère de la vie, quel serait l’homme assez insensé pour l’acheter aux dépens de tant de périls et de travaux ? […] On sait qu’il aimait la gloire et qu’il ne l’attendait pas toujours ; il se précipitait vers elle, comme s’il eût été moins sûr de l’obtenir.

86. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

Silence et bruit lointain, gloire en plein régnante et perspective d’un mausolée, confins du siècle orageux et d’une retraite ensevelie, le lieu de la scène était bien trouvé. […] » C’est vers 1800 que M. de Chateaubriand entra du premier pas dans la gloire. […] Mais, chemin faisant, au milieu des peintures et des caractères, des récits enjoués ou des idéales rêveries, les indications abondent : on y sent passer les secrets voilés ; on saisit surtout cette continuité essentielle du héros, qui s’étend du berceau jusqu’à la gloire, qui persiste de dessous la gloire jusqu’à la tombe. […] Tout, dans la gloire du moins et dans le concert des louanges, ne lui sourit-il pas ? […] Toute gloire humaine est chanceuse, mais c’est la Muse encore qui trompe le moins. 

87. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Non qu’il ait jamais donné une vie actuelle et puissante aux grands souvenirs qui font la gloire et l’illusion de l’Italie. […] Mais une gloire renaissait pour elle, dans son malheur, et la trompait sur sa propre faiblesse : c’était la gloire des arts, l’inspiration et la science sortant de l’Église et des tombeaux, l’éclat prochain d’un âge tout littéraire. […] tu es notre droite, notre salut et noire gloire. […] qui ne souffres pas que ta gloire soit usurpée par celui qui mesure sa propre force au gré de son orgueil et de sa colère. […] Ce fut la gloire, et ce doit être l’immortalité de Malherbe.

88. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

C’est une certaine lumière de gloire et un certain caractère de grandeur que la vertu héroïque imprimée sur le visage des à omet mes ; elles défendent la solitude et la nudité d’une personne exposée aux outrages de la fortune, accablée sous les ruines d’un parti détruit, abandonnée de ses propres vœux et de sa propre espérance. […] L’auteur annonce, au début, qui y reprend ce qui a déjà été dit entre eux, pour en faire un tout avec ce qu’il va ajouter, « La gloire et les triomphes de Rome, lui dit, l’auteur, ne suffisent pas à votre curiosité ; elle me demande quelque chose de plus particulier et de moins connu ; après voir vu les Romains en cérémonie, vous les voudriez voir en conversation et dans la vie commune… Je croyais, en être quitte pour vous avoir choisi des livres et marqué les endroits qui pouvaient satisfaire votre curiosité ; mais vous prétendez que j’ajoute aux livres… La volupté qui monte plus haut que les sens, cette volupté toute chaste et tout innocente, qui agit sur l’âme sans l’altérer, et la remue ou avec tant de douceur qu’elle ne la fait point sortir de sa place, ou avec tant d’adresse qu’elle la met en une meilleure, cette volupté, madame, n’a pas été une passion indigne de vos Romains. […] Tyron avait fait un recueil des bons mots de Cicéron ; et un ancien grammairien parle de deux livres de Tacite, qui avaient pour titre Les Facéties. » Le troisième discours de Balzac à la marquise de Rambouillet est intitulé de la Gloire. […] L’auteur y oppose l’amour de la gloire qui, chez les peuples anciens, à Rome surtout, payait les plus grands services ; il s’exalte de nouveau et avec une éloquente chaleur au souvenir de ces grands hommes de la république romaine, dont il sent si bien la dignité. […] Vous croyez que la vertu se tient lieu de digne et de suffisante récompense, mais qu’elle accepte la gloire sans l’exiger ; que la gloire n’est pas tant une dette dont s’acquitte le public, qu’un aveu de ce qu’il doit, et tout ensemble une protestation qu’il est solvable. » Plusieurs trouveront les conversations rappelées par Balzac d’une gravité qui va jusqu’au ridicule ; les sujets qu’elles traitaient seraient ridicules, sans doute, dans la société d’une bourgeoise de petite fortune qui aurait à soigner elle-même son ménage et ses enfants.

89. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Un prince disait à son fils en mourant : « Je te lègue tout, mes armées, mes États, mes trésors, et le souvenir de ce que j’ai fait de bien ; mais je ne puis te léguer ma gloire ; si tu n’en as une qui te soit personnelle, la mienne n’est qu’un fardeau pour toi. » C’est ce que Henri IV mourant aurait dû dire à Louis XIII. […] On peut dire que sous ce règne la gloire environna le trône sans parvenir jusqu’au prince. Cette gloire se porta tout entière vers Richelieu. […] La haine est à côté de la gloire, et ces caractères, dont l’ascendant subjugue tout, sont, par leur vigueur même, voisins de l’excès. […] D’un autre côté, ceux qui diminuent sa gloire, en convenant qu’il mérita une partie de ces éloges, discutent le reste.

90. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Fils de Phalanor, et toi aussi, comme un coq guerroyant au logis, tu voyais au coin du foyer domestique se perdre, feuille flétrie, la gloire de tes pieds rapides, si une sédition meurtrière ne t’eut chassé de Gnosse, ta patrie. […] Avec vous, toute chose aimable et douce vient aux mortels, soit la sagesse, soit la beauté, soit la gloire : et les dieux mêmes ne président pas, sans les Grâces majestueuses, aux danses et aux banquets ; mais, intendantes de tout ce qui se fait aux Cieux, sur leurs trônes qu’elles ont placés près d’Apollon à l’arc d’or, elles adorent l’éternelle gloire du père de l’Olympe. […] L’évêque de Meaux n’a pas toujours pour inspiration et pour appui la gloire d’un Condé, les calamités d’une Henriette d’Angleterre ou de France. […] 19 » La gloire même des temps où il vécut, cette gloire si réelle et si célébrée de Platée, de Mycale, de Salamine, cet amour d’une liberté si bien défendue contre les barbares d’Asie, et dont le triomphe, enlevé surtout par le courage des matelots d’Athènes, accroissait si puissamment l’orgueil démocratique, le laissa fidèle à sa préférence pour des Institutions plus paisibles. […] Revient-il vers Athènes, qui brillait par-dessus toute la Grèce, et dont Eschyle alors doublait la gloire, en mettant sur la scène cette gloire toute sanglante encore, et en répétant au théâtre, dans les fêtes de sa patrie victorieuse, les chants de douleur d’Ecbatane sur Xerxès fugitif qui repasse la mer dans une barque, avec un carquois vide, il semble plutôt un conseiller qu’un flatteur de la cité triomphante.

91. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

« Ma force, la gloire de mon chant, c’est le Seigneur. […] le roi de gloire est près d’entrer. Quel est ce roi de gloire ? […] Le roi de gloire est près d’entrer. Quel est ce roi de gloire ?

92. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Amour, politique, indépendance, chevalerie et religion, pauvreté et gloire, étude opiniâtre, lutte contre le sort en vertu d’une volonté de fer, tout en lui apparut et grandit à la fois à ce degré de hauteur qui constitue le génie. […] Dans cette crise délicate, il demeura opiniâtrément fidèle à la dignité morale, à la gloire, à la poésie, à l’avenir. […] Telles sont les réponses de Victor Hugo aux  détracteurs que sa gloire croissante a soulevés ; telles sont les marques de ses pas infatigables dans la carrière. […] L’autre public, le vrai, le définitif, et aussi le plus lent à émouvoir, se dégrossissait durant ce temps, et il en était encore aux quolibets avec nos poètes, ou, qui mieux est, à ne pas même les connaître de nom, que déjà ceux-ci avaient une gloire. Ils durent à cette gloire précoce et restreinte de prendre patience, d’avoir foi et de poursuivre.

93. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nous aimons à revoir passer devant nous, rajeunis par le récit et par les détails de la biographie, les hommes dont la gloire a grandi ou bien s’est fixée sous nos yeux. Parmi ces hommes, les uns sont morts, laissant leur gloire diminuée des passions de leur temps, éteintes, et de cet éclat tout personnel qui s’en va souvent avant la vie ! […] Mais ce reproche à peine risqué, l’historien l’éteint bien vite dans ce qu’il appelle avec complaisance « la gloire du spiritualisme de M.  […] Nettement, c’est-à-dire d’un adorateur du Dieu personnel de la croix, le spiritualisme de la Philosophie avec sa Providence sans visage pouvait jamais constituer un titre de gloire à quelqu’un ! […] et comment salue-t-il sa gloire ?

94. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Leopardi »

Quelle appellation superbe et commode pour les cent mille bouches de la Gloire ! […] Elle n’était pas mauvaise… Sa gloire mijotait… La gloire se fait comme du bouillon, quand elle n’éclate pas comme la poudre. […] Vernier nomme plusieurs, essaya de lui composer une petite gloire posthume ; mais cet élégiaque artificiel, au désespoir mollasse et terne, répugnait à ce peuple italien, amoureux de concetti et de mots sonores. Cette gloire essayée se perdit bientôt dans des phrases absurdes : « Leopardi chanta l’enfer avec les mélodies du paradis », ce qui devait, par parenthèse, donner de l’enfer une fameuse idée !

95. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 263-264

Il seroit plus difficile de lui assigner un rang parmi ceux qui ont travaillé pour le Théatre, que parmi les Citoyens jaloux de la gloire de leur Patrie. […] En qualité de Poëte, sa gloire ne seroit point à l’épreuve de la critique ; une versification dure & négligée, peu de sentiment, point de pathétique, aucun de ces grands mouvemens qui excitent les passions & annoncent le génie, des ressorts plus dignes de Thalie que de Melpomene, seroient des défauts qui le rendroient inférieur à plusieurs de nos Poëtes Tragiques, qui n’ont pas cependant réussi comme lui. Malgré cela, il aura au dessus d’eux la gloire d’avoir rappelé parmi nous la Tragédie à sa véritable destination, en y retraçant, comme chez les Grecs, des événemens nationaux, & en offrant à ses compatriotes des Héros propres à les attendrir & à exciter leur émulation.

96. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

forte, si incontestée et si tranquille, que personne ne s’étonne et ne réclame maintenant quand les plumes des petits jeunes gens et des éditeurs écrivent sérieusement « la gloire de Mme George Sand » La gloire  …… C’est quelque chose qui reste. —  Mlle Scudéry a-t-elle de la gloire ? — Mme Cottin a-t-elle de la gloire ? […] Mme Cottin le fut sous l’Empire. — Mme Sand, — talent relativement supérieur, je l’accorde, — durera-t-elle assez pour que cette argile de la célébrité se durcisse au souffle du temps et devienne le marbre de la gloire ? […] Comme on dit à cette heure « la gloire de Mme Sand », on dit aussi « la gloire de M.  […] Les rapports sautent aux yeux entre ces deux talents et ces deux gloires ; seulement ils n’auront pas la même destinée.

97. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IX et dernier. Conclusion » pp. 586-601

La valeur guerrière, cette qualité qui produit toujours un enthousiasme nouveau, cette qualité qui réunit tout ce qui peut frapper l’imagination, enivrer l’âme, la valeur guerrière que vous appelez à l’aide du despotisme, inspire l’amour de la gloire, et l’amour de la gloire devient bientôt le plus terrible ennemi de ce despotisme. […] Il faut à toutes les carrières un avenir lumineux vers lequel l’âme s’élance ; il faut aux guerriers la gloire, aux penseurs la liberté, aux hommes sensibles un Dieu. Il ne faut point étouffer ces mouvements d’enthousiasme, il ne faut rabaisser aucun genre d’exaltation ; le législateur doit se proposer pour but de réunir ce qui est bien dans une carrière, à ce qui est bien encore dans une autre, de contenir la liberté par la vertu, l’ambition par la gloire. […] Ce que l’on admire dans les grands hommes, ce n’est jamais que la vertu sous la forme de la gloire. […] Oui, tout est moralité dans les sources de l’enthousiasme ; le courage militaire, c’est le sacrifice de soi ; l’amour de la gloire, c’est le besoin exalté de l’estime ; l’exercice des hautes facultés de l’esprit, c’est le bonheur des hommes qu’il a pour but ; car on ne trouve que dans le bien un espace suffisant pour la pensée.

98. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 272-292

N’eût-il fait que le Télémaque, les premiers rangs de la gloire lui seroient assurés dans la postérité. […] Avant lui, notre Nation étoit réduite à admirer chez les Anciens ou les Etrangers les beautés du Poëme épique : Fénélon parut, & nous lui dûmes la gloire de pouvoir offrir un chef-d’œuvre capable de surpasser peut-être, ou du moins de balancer la gloire de ceux qui l’avoient précédé. […] En cachant au jeune Télémaque l’assistance d’une Divinité toujours présente, il a l’art de ne rien dérober à sa gloire ; la vertu du jeune Grec en est plus vigilante & plus ferme, ses triomphes en sont plus glorieux & plus solides, ses dangers plus intéressans, ses succès plus flatteurs. […] Que les ennemis de sa gloire apprennent que dans ses autres Ouvrages il a de nouveaux titres pour exciter leur jalousie, & les humilier par sa supériorité. […] Ce genre de triomphe, si glorieux pour sa mémoire, prouve que, si l’esprit peut s’égarer parce qu’il est faillible, la droiture des sentimens, l’élévation de l’ame, la générosité du cœur, sont des ressources puissantes pour contenir l’amour-propre, & faire naître la véritable gloire du sein même de ce que les hommes vulgaires seroient tentés de regarder comme une humiliation.

99. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Alfred de Musset3, Victor Hugo, Lamartine et Auguste Barbier, sont, de fait, en possession, tous les quatre encore, de cette gloire acquise qu’on ne perd pas en France une fois qu’on l’a et quand même on ferait tout ce qu’il faut pour la perdre, les moutons de Panurge ne revenant jamais de la route qu’ils ont une fois enfilée ! Il est vrai que cette gloire, qui, vu l’esprit de l’époque, tendrait un peu à devenir momie, Hugo et Lamartine, pour la raviver et pour la rajeunir, l’ont plongée, comme le vieil Éson, dans la cuve bouillante de la politique, tandis qu’Auguste Barbier, qui est sorti de cette cuve-là comme le bronze de la fournaise, n’y est pas rentré, et s’est — comme les morts — froidi à l’écart. […] Après ce seul morceau de La Curée, qui fit au poète complet une gloire complète, Auguste Barbier aurait pu mourir, il n’était pas moins immortel qu’après toute une vie de chefs-d’œuvre… Il ne mourut pas, et nous y gagnâmes. […] On chercha Barbier (on disait déjà Barbier comme d’un homme entré dans la gloire) ; on ne le trouva plus. […] Aussi fut-ce alors pour Barbier une entrée d’artiste consommé dans la gloire.

100. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

S’il est coupable, pourquoi donc la gloire demeure-t-elle attachée à ses pas & devient-elle le prix de sa noble audace ? c’est que la gloire qui ne connoît ni les tems, ni les lieux, ni les conventions arbitraires des hommes, juge d’avance comme la postérité. […] Ainsi parmi nous Condé honoroit Corneille ; c’étoit la gloire qui faisoit sa cour au génie : Ainsi dans tous les tems les grands dignes de ce nom ont fait les premiers pas vers les Ecrivains qui arrêtoient les regards de leur siécle. […] Elles se sont avilies à nos yeux à force d’être l’instrument du crime, & d’appartenir à des hommes méprisables ; que l’or, germe de tous les maux, soit pour eux, la médiocrité & la gloire seront pour nous. […] On veut dire que quiconque a rampé pour l’interet de sa fortune n’a rien à prétendre à la gloire.

101. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

Elle était une république ; elle avait des institutions libres, des partis politiques, des guerres civiles ; et, quand elle fut lasse de tant d’épreuves, elle eut pour maîtres, d’abord un sage, puis, longtemps après, le peuple athénien, qui, dans sa victoire, l’admit au partage de ses lois généralement humaines et modérées, et lui rendit plus, en exemples de grandeur, en amour du travail et de la gloire, qu’il ne lui ôtait en stérile indépendance. […] Malheureusement pour le succès et la gloire d’Alcée, le vainqueur dont il eut à combattre la dictature était un sage, dit-on, et en a gardé le titre dans la postérité. […] Mais cette gloire poétique n’est plus qu’un symbole ; il ne reste de ce génie que quelques lettres éparses de l’inscription brisée sur son tombeau perdu. […] À part deux comédies, sous le titre de Phaon, l’une de Platon le poëte, l’autre d’Antiphane ; il part une comédie, la Leucadienne, par Ménandre, et une pièce d’Antiphane, le Leucadien, on joua dans Athènes six comédies de différents auteurs, portant toutes le titre de Sapho, et pleines d’allusions à sa gloire poétique et aux événements fabuleux ou vrais de sa vie. […] Il semble qu’avec ou après la passion de l’amour, Sapho avait eu celle de la gloire.

102. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

La gloire des troubadours a trouvé sa juste fin dans les dessus-de-pendule empire. […] Mais ce n’était pas en ces temps anciens qu’une telle gloire devait nous être permise ; l’effort premier n’a pas abouti. […] Mais quelles vivantes gloires s’allumèrent à cette aube issue de l’universel trépas ! […] Mais la presque gloire de Louis Bouilhet ne suffisait point à réveiller l’atonie universelle. […] René Ghil réalise quelque jour, pour la gloire de l’humanité, ses vastes chimères.

103. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Or, l’Évangile et le bon sens disent : « Si je me glorifie, ma gloire n’est plus rien. » Le bon sens, même le plus vulgaire, dit encore : « On ne s’endosse point soi-même. […] ce que c’est que la conscience d’un scélérat ; mais je sais ce que c’est que celle d’un honnête homme, et c’est abominable. » Ceci n’est pas flatteur pour les honnêtes gens ; car de Maistre fut la pureté, l’honneur et la sainteté dans leur triple gloire. […] Et voilà la gloire de la critique du journal des honnêtes gens et de celle du xixe  siècle ! Sa gloire ? […] Personne n’avait dit qu’être évasif dans les questions du bien et du mal littéraire, du bien et du mal moral, — car tout livre pose le double problème, — était le devoir, la fonction et la gloire de la critique !

104. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine de Boileau »

Fier de suivre à mon tour des hôtes dont le nom N’a rien qui cède en gloire au nom de Lamoignon, J’ai visité les lieux, et la tour, et l’allée Où des fâcheux ta muse épiait la volée ; Le berceau plus couvert qui recueillait tes pas ; La fontaine surtout, chère au vallon d’en bas, La fontaine en tes vers Polycrène épanchée, Que le vieux villageois nomme aussi la Rachée 12, Mais que plus volontiers, pour ennoblir son eau, Chacun salue encor Fontaine de Boileau. […] Moi, comme un converti, plus dévot à ta gloire. […] Est-ce que des talents aussi la gloire s’use, Et que, reverdissant en plus d’une saison, On finit, à son tour, par joncher le gazon, Par tomber de vieillesse, ou de chute plus rude, Sous les coups des neveux dans leur ingratitude ? […] Et riant, conversant de rien, de toute chose, Retenant la pensée au calme qui repose, On voyait le soleil vers le couchant rougir, Des saules non plantés les ombres s’élargir, Et sous les longs rayons de cette heure plus sûre S’éclairer les vergers en salles de verdure, Jusqu’à ce que, tournant par un dernier coteau, Nous eûmes retrouvé la route du château, Où d’abord, en entrant, la pelouse apparue Nous offrit du plus loin une enfant accourue13, Jeune fille demain en sa tendre saison, Orgueil et cher appui de l’antique maison, Fleur de tout un passé majestueux et grave, Rejeton précieux où plus d’un nom se grave, Qui refait l’espérance et les fraîches couleurs, Qui sait les souvenirs et non pas les douleurs, Et dont, chaque matin, l’heureuse et blonde tête, Après les jours chargés de gloire et de tempête, Porte légèrement tout ce poids des aïeux, Et court sur le gazon, le vent dans ses cheveux.

105. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Enfin, Sophocle & Euripide faisoient la gloire & les délices d’Athènes. […] Ne croyant pas que sa gloire pût jamais être balancée, il la mit à encourager Euripide dès son entrée dans la carrière. […] Il avoit jusques-là très-bien joué le héros, l’auteur qui méprise sa gloire particulière, qui n’aime que le progrès de l’art, son repos & sa liberté, la paix & l’union entre les gens de lettres. […] Jamais accusé ne fut absous plus promptement, ni renvoyé avec tant d’acclamations & de gloire.

106. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Avec vous notre jeune France s’est mise à l’œuvre ; avec vous elle a voulu détruire ces grands monuments littéraires auxquels nous autres auteurs de l’empire avions enchaîné notre gloire et notre fortune. J’ai dit notre gloire, Monsieur, parce qu’il est bien convenu entre nous que tout auteur a de la gloire. […] Après avoir attaqué timidement les gloires passées et les célébrités présentes, ils ont fini, comme je l’ai déjà dit, par disputer à nos grands hommes leurs brevets d’immortalité. […] ce beau triomphe bien ordonné en vous couvrant de gloire est devenu pour nous, pauvres auteurs du temps de l’empire, un arrêt de proscription. […] Quel est l’Anglais qui oserait ternir la gloire des Shakespeare, des Milton, des Pope, etc. ?

107. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 366-368

Cet art de complimenter de tant de façons différentes, devoit lui donner une grande considération dans un Corps complimenteur comme celui dont il étoit membre ; mais cette distinction est une pauvre gloire pour quiconque prétendroit s’y borner. […] Mais pour cela, outre la souplesse du génie, il faut de la patience : vertu qui manque plus que le génie aux François, & qui manque sur-tout aux Traducteurs ; car tout Ecrivain ne fait effort qu’à proportion de la gloire qu’il se promet de son Ouvrage ; & comme les Traducteurs savent que le préjugé du Public n’attache qu’une gloire médiocre à leur travail, aussi sont-ils sujets à ne faire que des efforts médiocres pour y réussir. » Après avoir condamné la maniere de traduire de Tourreil, on doit rendre justice aux deux Préfaces excellentes qu’il a mises à la tête de sa Traduction.

108. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Homme du monde avant tout, hanteur des bureaux d’esprit, précepteur de cour, jésuite de l’école des accommodements, en même temps qu’il aime le précieux aisé dans Voiture, et qu’il ne le hait pas aiguisé et subtil dans Gracian, il honore Boileau et loue Bossuet, en homme qui sait être de l’avis de la gloire. […] Les grands esprits d’alors savaient que s’attacher aux ornements, c’est prouver qu’on doute de l’excellence du vrai, ou qu’on veut avoir pour soi tout seul la gloire de ce qu’on écrit. […] Le même travers s’était aggravé de l’abus de l’esprit d’analyse, la gloire et le faible de cette époque. […] Est-ce Massillon ou Marivaux qui a dit des mobiles de la gloire humaine, « que ce sont souvent les plus vils ressorts qui nous font marcher vers la gloire, et que presque toujours les voies qui nous y ont conduits nous en dégradent elles-mêmes ? » Si Lamotte s’était plus mêlé de moraliser, je croirais le reconnaître dans cette image de vertus humaines, qui, « nées le plus souvent dans l’orgueil et dans l’amour de la gloire, y trouvent un moment après leur tombeau », ou qui, « formées par les regards publics, vont s’éteindre le lendemain, comme ces feux passagers, dans le secret et les ténèbres19. » Suis-je même bien sûr de ne pas faire tort à Lamotte, en le supposant capable de ces figures ?

109. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

I En 1865 il parut, à la librairie de Germer-Baillière, un premier volume de l’Histoire de la Révolution française de Carlyle, traduit de manière à attirer l’attention… À cette époque, Thomas Carlyle, qui maintenant commence de faire sa gloire en France, — car la gloire est comme les chênes : elle vient lentement, — Thomas Carlyle était peu connu. […] Et ce signe de la bête est peut-être ce qu’il a de plus précieux aux yeux de Barot, qui doit à peu près croire, comme Darwin, que l’homme n’est qu’un singe qui présentement reprend ses droits… Selon lui, la gloire de lord Byron s’en va baissant ; la gloire de Shelley grandit au contraire, et, comme pour ces fiers penseurs de la démocratie, si comiquement optimistes, qui trouvent que l’humanité, composée de toutes les canailles, a toujours raison dans ce qu’elle pense et quoi qu’elle pense, Odysse Barot pense comme toute l’Angleterre actuelle sur Byron (en supposant qu’elle pense ce qu’il atteste), et sans façon il lui rogne sa gloire… C’est à Shelley qu’est l’avenir, dit-il. […] III Mais la démocratie a déshonoré jusqu’à la gloire.

110. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le roi René »

Par ce temps de ruée vers une publicité insolente, il y a quelque chose de virginal dans l’obscurité que je ne puis m’empêcher d’aimer, et quelque chose aussi toujours d’un peu prostitué dans la gloire, qui me la gâte et me pousse à la mépriser. […] Ainsi, la défaite, la captivité et la trahison, voilà les auspices sous lesquels s’ouvrit et s’inaugura le règne de ce roi René, qui semblait né et élevé pour la gloire, et qui n’a pas même la gloire du malheur. […] Mais sa fille, Marguerite d’Anjou, les effaça, sous le voisinage écrasant de son caractère, de sa gloire orageuse, du pathétique de ses malheurs. Marguerite d’Anjou, l’héroïne de la guerre des Roses, — de la Rose pâle et de la Rose sanglante, — cette détrônée destinée à devenir un type de Shakespeare, fut la parricide involontaire et innocente de la gloire de son père. […] … V Eh bien, c’est contre ce malheur si cruellement immérité et tenace, c’est contre cette malchance plus forte que tout, plus forte que la bravoure, la loyauté, la vertu, la beauté, l’agrément, la gloire, c’est contre cette affreuse injustice de l’Histoire, achevant celle du sort, que Lecoy a voulu protester.

111. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

Le titre du livre de Renée ne dit pas assez de laquelle de ces femmes, couchées et perdues sous la gloire de leur maison comme sous un marbre massif qui les accable de son poids et de son silence, il va nous parler. Il ne nous indique point, avec l’étincelante netteté que doit avoir un titre, la Montmorency, héroïque ou charmante, qu’il s’en va tirer de la gloire de famille où elle est ensevelie et où, si fameuse en son temps, elle est maintenant trop oubliée ! […] Née des Ursins, de race pontificale, et Montmorency par mariage, cette femme, qui ne fut jamais qu’une épouse et une veuve chrétienne, a plus attiré son délicat biographe que les gloires tapageuses d’une époque où les femmes se dessinaient, avec plus ou moins de prétentions ambitieuses, des rôles politiques et littéraires. […] Elle aima son mari, voilà toute sa gloire ; mais elle l’aima avec l’abandon, la résignation, la grandeur, la simplicité et la fidélité après la mort d’une héroïne de Corneille. […] L’impérieux génie de Richelieu a traité la gloire comme la France.

112. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Michelet » pp. 259-274

C’est l’enthousiasme et un sentiment véritablement religieux pour quelques gloires pures que ne maculèrent jamais ni la boue ni le sang révolutionnaires, qui communiquent à son livre le charme d’un accent qu’on aime, parmi tant de choses qu’on n’aime pas. […] Ayant refusé de s’humilier, il a refusé toutes les gloires qui étaient suspendues en l’air, prêtes à tomber sur sa tête !  […] La pointe de la flèche trempée dans le miel de cette bonté attendrie, ne pénétra pas dans un cœur sur lequel il y avait l’obduration de la haine et le calus d’un succès qu’à son éclat, on pouvait prendre pour de la gloire. […] Mais je suis moins sûr de celui-là que de ces trois, dont, avant Michelet, l’Histoire, écrite par tous, avait dit les mérites et la gloire. […] L’homme de parti, chauffé en lui par une révolution contemporaine, m’est terriblement suspect, et il me faut, pour la gloire de Mameli, dressée par Michelet à côté de ces grandes figures écrasantes, autre chose que sa garantie.

113. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « III. Donoso Cortès »

Ils se sont donc strictement renfermés dans l’œuvre catholique de Donoso, trouvant le reste de peu de signifiance, même pour sa gloire. […] Les éditeurs de Donoso ont publié avec son ouvrage principal, l’Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, qui a fixé sa gloire et qui la gardera, beaucoup de discours, d’articles de journaux, de lettres datées de diverses époques, et il en est plusieurs de celle-là où comme tant de ses contemporains, Donoso Cortès, trop fort d’esprit pour n’avoir pas le respect du catholicisme, reculait encore devant la pratique, cet effroi des lâches, sans laquelle il est impossible au penseur le plus fort de se justifier tout son respect. […] Il se soucie peu de la gloire. […] Évidemment la gloire vraie de Donoso Cortès n’est point dans des perspicacités de cet ordre. […] Blanc-Saint-Bonnet (une autre gloire catholique qui se fait présentement devant Dieu et qui, un jour, saisira l’attention des hommes), la théologie est la seule science qui explique l’histoire, qui la prépare et puisse la gouverner, et il le prouva en en appliquant les notions à tous les problèmes soulevés dans son livre.

114. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

Excepté des curieux de bibliothèque, cherchant partout des détails de mœurs et d’Histoire, on ne lisait plus guères le Baron de Fœneste et la Conversion de Sancy, ni non plus les Tragiques, le principal ouvrage de d’Aubigné pourtant, le seul qui puisse justifier la gloire posthume qu’en ce moment on cherche à lui faire. […] … Toujours est-il que les éditeurs qui les ont retrouvés ont mis l’Histoire littéraire et la Critique à même de juger un homme seulement entrevu par la postérité, et sur lequel la Gloire, cette ignorante bâtarde de tout le monde, s’était tue longtemps — comme elle va parler — sans trop savoir pourquoi. La Gloire ! […] Il ne s’agit plus que de savoir si le souffle de la Critique fera ce que fit le souffle du Prophète, et communiquera à ces ossements assez de vie dans la Gloire pour devenir une Immortalité, Toute la question est là maintenant. […] La Critique, qui pèse la gloire au poids du chef-d’œuvre, ne voit que le chef-d’œuvre, et à ses inflexibles yeux les plus grandes puissances intellectuelles qui, pour une raison ou pour une autre, ont manqué le chef-d’œuvre, ne comptent pas !

115. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

La Postérité est également à l’abri de la séduction & de la partialité ; elle sait apprécier les beautés, démêler les défauts, modérer les louanges, fixer les degrés de gloire & de blâme. […] N'eût-ce pas été assez pour sa gloire, & pour celle de leur jugement, de se contenter de dire, qu'il a donné le premier Poëme héroïque, en vers, qui ait réussi dans notre Langue ? […] Ses Drames lyriques sont de la plus pauvre invention, & d'un style entiérement opposé à celui qui convient à ces sortes de Pieces : Samsom, Pandore, le Temple de la Gloire, n'ont servi qu'à le mettre un peu au dessus de l'Abbé Pellegrin, quand il ne s'agira pas de Jephté. […] Nous ne renouvellerons pas ici les reproches qu'on lui a faits tant de fois, reproches qu'on lui a faits tant de fois, reproches dont la discussion seroit si capable d'ensevelir la gloire des talens, sous l'opprobre des travers de l'esprit & du cœur : ce détail n'est pas de notre ressort. […] De là, ami & admirateur de Crébillon, il a publié, du vivant de ce Poëte, des Critiques anonymes contre lui, parce qu'il étoit jaloux de sa gloire ; & des Libelles, après sa mort, parce que le Monarque lui élevoit un monument.

116. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Ces combats sont retranchés de ta gloire. […] Fingal restera le dernier de sa race ; la gloire que j’ai acquise passera. […] Ossian, porte-moi sur mes collines ; élève le monument de ma gloire. […] ô ma gloire ! […] La douleur, la gloire et la guerre étaient devenues les muses sévères de ce temps.

117. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Nous ne sommes pas de ces hommes jaloux de la gloire et de la nourriture intellectuelle des autres peuples que le nôtre. […] Ce sont là de ces gloires dont on se repent ; il faut se les refuser, sinon par respect pour ses ennemis, du moins par respect pour soi-même. […] Il fut recherché de la cour sans s’y livrer ; il honora dans Louis XIV l’autorité souveraine et la majesté du règne sans flatter dans le roi d’autre faiblesse que celle de la gloire. […] Louis XIV sentit qu’il fallait tout accorder à un jeune poète qui se montrait si supérieur à ses rivaux, et qui dispensait d’une main si magistrale le dédain au mauvais goût, la gloire au grand règne. […] Il promit la gloire durable à Corneille, à Racine, à Molière, à Bossuet.

118. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Ne savons-nous pas que, pour les chefs politiques comme pour les chefs de guerre, la gloire est la même, et que cette gloire est de résister longtemps ? […] C’est cette étude à double aspect qui devait être la gloire d’Audin et sa destinée. […] La vraie gloire, comme la lumière et comme la royauté, ne vient point d’en bas, mais d’en haut… Commencée par le sacerdoce, la gloire d’Audin s’achèvera comme elle pourra. […] Elles ajouteraient à nos regrets, elles n’ajouteraient pas à sa gloire. […] Sa modestie aimait la gloire avec décence et même les distinctions qui ne sont pas la gloire, — cette grande dignité sans livrée.

119. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

Il contentait la première ardeur de gloire du jeune prince par toutes les réformes et toutes les créations de la paix. […] Qu’on aille plus loin encore, pour ne rien diminuer de leur gloire ; qu’on réduise l’influence de Louis XIV à des ressemblances heureuses entre ses contemporains et lui. […] En cherchant dans la gloire de ces grands hommes ce qui leur est venu de Louis XIV, loin de les diminuer, on les fait voir dans leur vrai jour, et l’on explique leur admiration. […] Et si, en louant une gloire si solide, l’excès eût été possible, à qui était-il plus permis qu’à un Français et à un poète ! […] Au reste, c’est à la gloire de ce prince que plus les témoins de son règne sont illustres, plus leur témoignage est favorable.

120. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

Elle aimait à deviner la gloire dans l’obscurité. […] Ils gardaient la porte de la gloire et de l’opinion. […] conserve-nous Pertinax… Gloire aux prétoriens !… gloire au sénat ! gloire aux soldats !

121. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Il était enterré dans sa gloire, et les fidèles chantaient ses hymnes sans savoir qu’elles fussent de lui. Pour le déplacer, il a bien fallu le nommer, le prendre à partie ; on l’a attaqué comme au premier jour, et d’autres aussi l’ont défendu : c’est bien là de la gloire. […] Il y avait des moments où il se disait bien pourtant qu’il s’élevait d’autres gloires que la sienne, et que la poésie latine n’avait plus la faveur dont elle avait joui autrefois auprès des grands ; il sentait d’une manière confuse qu’en étalant sa denrée de vers latins à cette heure où tout présageait la grande saison de la langue française, il s’était fait, comme on dit, poissonnier la veille de Pâques. […] La vanité faisait ce que la charité devait faire. » Dans une seconde lettre, il relève quelques expressions d’une oraison que Santeul avait faite à Jésus-Christ : il lui marque qu’à sa place il n’oserait pas se nommer le poète de Jésus-Christ : Vous avouez, lui dit-il, que la vaine gloire vous a fait faire des hymnes ; par où osez-vous croire que c’est lui qui vous les a inspirées ? […] Ce malheureux démon de gloire poétique, qu’on avait cru un moment exorcisé, le possédait et l’agitait de plus belle : « Les autres font leur salut dans l’église, disait-il ; mais moi c’est le contraire : pour faire le mien il faut que j’en sorte, de peur d’entendre mes hymnes avec trop d’orgueil. » Il les envoyait cependant à M. de Rancé et aurait voulu qu’on les chantât à la Trappe.

122. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villiers de L'Isle-Adam, Auguste de (1838-1889) »

Une série de pièces : Les Demoiselles de Bienfilâtre, l’Affichage céleste, la Machine à gloire, le Plus Beau dîner du monde, décelaient un esprit de goguenardise singulièrement inventif et âcre. […] Villiers, sois envié comme il aurait fallu Par tes frères impatients du jour suprême Où saluer en toi la gloire d’un élu. […] Remy de Gourmont Comme littérature, Axël est le grand œuvre de Villiers, d’une radieuse gloire verbale, d’une richesse d’art plus éblouissante que toutes les pierreries qui ruissellent dans les cryptes du burg d’Avërsperg. […] De grandioses symboles comme Vox populi, l’Impatience de la foule, s’y dressent tout à coup à côté de profondes visions d’au-delà de Véra, de l’Intersigne, des railleries aiguës, sinistres ou gravement lyriques des Demoiselles de Bienfilâtre, de la Machine à gloire, du fantaisiste humour qui distingue le Plus Beau Dîner du monde, l’Affichage céleste, etc… Les Contes cruels signalent avec une admirable netteté les deux courants que suit la pensée de Villiers : l’un positif, affirmant les croyances mystiques, les aspirations idéales ; l’autre négatif, dissolvant, aux acides d’une raillerie puissante, la dureté du temps présent abhorré du rêveur… Par sa fidélité, jamais démentie, aux formules de l’idéal romantique, Villiers de l’Isle-Adam s’est condamné à rester étranger aux courants novateurs de la littérature.

123. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Homme aussi grand qu’universel, il fit partie de la grandeur et de la gloire des Médicis : un grand homme féconde un grand siècle. […] Michel-Ange décora plus tard ces sépulcres où manqua celui de Laurent. « Ce grand homme, s’écria le roi de Naples en apprenant sa fin, a vécu assez pour sa gloire, pas assez pour le bonheur de l’Italie. […] — Le voilà gisant dans la poussière, et frappé par la foudre redoutable, ce laurier naguère la gloire de nos campagnes, cher à la troupe sacrée des Muses, aux chœurs des nymphes. […] Les Médicis ne voulaient ni de cette gloire soldée, ni de ces chutes honteuses ; ils préféraient leur rôle civique et leur croissance régulière par l’estime publique dans un pays prospère et libre. […] Si notre siècle en a produit un autre et un pareil, il peut hardiment, et par l’éclat et par la gloire du nom, lutter avec tout ce que l’antiquité nous a offert.

124. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre neuvième »

Il en eut la pensée dans le temps où il aima la gloire avec candeur, alors qu’elle lui apparaissait sous les traits des jeunes Français de l’âge futur apprenant de lui à admirer, dans l’époque où régna Louis XIV, toutes les grandeurs de leur pays. […] Il pouvait craindre, en élevant un monument à la gloire de Louis XIV, de déplaire à l’Europe sans plaire à sa patrie. […] Il aimait toutes les grandes choses ; il ne confondait pas la gloire avec le bruit de son nom ; il ne pensait pas encore à recommander Dieu comme une institution de police. […] Ses craintes intermittentes pour la gloire de ses tragédies le rendent injuste pour Boileau, comme si l’Art poétique avait prédit et préparé leur décadence93. […] L’amour de la gloire est l’âme de ces deux recueils, et ce que Voltaire fait dire au Cicéron de sa Rome sauvée : Romains, j’aime la gloire et ne veux pas m’en taire, est aussi vrai du poète que de son héros.

125. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Le volume que nous publiâmes ne contenait que quelques feuilles de cette rose de correspondance, soufflées par le vent autour de nous et que nous avions, ramassées ; mais Mlle de Guérin n’y apparaît pas moins dans toute sa stature et aux yeux de ceux qui rêvent pour son frère une renommée, ainsi que l’Ange Annonciateur de sa gloire. […] Ces larmes ont fécondé la tombe sur laquelle elle pleure et en ont fait sortir cette fleur de gloire, plus rare que jamais pour les poëtes ! […] Cette jeunesse et cette vieillesse n’ont point fait beaucoup plus de pas l’une que l’autre, et, si le vieux Milton nous touche davantage, ce n’est pas que la gloire ait une magie dont nous ne puissions nous défendre, mais c’est qu’il était méconnu quand la fleur du Cayla n’était qu’ignorée, et qu’avec la supériorité du génie, il avait la supériorité du malheur. […] Sans doute elle pensait à, la gloire de son frère, et elle l’avait sacrifiée ! […] Et c’est pour cela qu’elle est mise ici, dans ce livre sur les bas-bleus, pour montrer que la vraie gloire du talent chez les femmes, c’est surtout de ne pas faire partie de cet abominable bataillon !

126. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

Richelieu, dans ses vastes idées d’ambition, dans son projet de faire triompher la France, & par la gloire des armes & par celle des lettres, étoit trop heureux de voir s’élever un homme du mérite de Corneille. […] La gloire d’écrivain & d’artiste le flattoit. […] Jusques-là Corneille avoit beaucoup fait pour sa gloire particulière, mais rien encore pour la perfection du théâtre. […] Mais l’auteur préféra la gloire à toutes les richesses qui lui furent offertes, & brava celui qui l’avoit cru capable de penser autrement. […] Corneille aimoit la gloire ; mais il dédaignoit le faste.

127. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Philippiques de la Grange-Chancel »

Les Philippiques de la Grange-Chancel35 I Voici une publication curieusement entreprise et de nature à faire trembler sur la destinée de toute gloire faite, en un tour de main, par les engoûments de haine ou d’amour d’une époque qui dispensent de tout, même de talent. […] Les badauds contemporains qui virent passer cette gloire l’avaient-ils crue éternelle ? […] Il ne manque pas une carte à ce château de cartes d’une gloire qui croula silencieusement un jour, — comme un château de cartes abattu sans que personne ait soufflé ! […] Ils les avaient lavées, brossées vigoureusement et étendues comme des gloires aux yeux du public, ces hontes restées telles. […] II Le nom attaché à cette édition des Philippiques fait écho à une gloire si militaire et si chrétienne qu’il est impossible de ne pas le remarquer, et qu’on se demande si ce de Lescure est un descendant du pieux héros de la Vendée.

128. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre cinquième. De l’influence de certaines institutions sur le perfectionnement de l’esprit français et sur la langue. »

L’Académie française a seule été un corps fondateur ; et c’est peut-être parce qu’elle a eu la gloire d’établir les règles, qu’elle n’a pas toujours assez estimé le modeste honneur de les maintenir. […] Celui qui ne verrait dans ces altérations du texte original que des gages de paix donnés aux jésuites, aux dépens de la gloire d’un mort, calomnierait Port-Royal. […] , est aujourd’hui presque toute la gloire d’Arnauld. […] La gloire de bien écrire ne paraît point le toucher, et il songe bien moins à ce qu’on dira de lui qu’au dommage que pourrait souffrir la vérité de l’insuffisance de l’écrivain. […] Les auteurs n’ont pas signé leurs ouvrages ; pourquoi vouloir y mettre des noms, au risque de diminuer la vertu de tous pour ajouter à la gloire de quelques-uns ?

129. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Mais ils auraient craint, en le disant, de paraître trop peu soucieux de la gloire de la nation, et, pour rester bons Français, ils se montraient juges faciles. […] Nous qui sommes juges dans un procès fait à un homme de génie, nous ne prenons de ces preuves que ce qu’il en suffit pour donner raison à la vérité contre Voltaire, sans toucher à sa gloire. […] Tout en a passé de mode, la gloire de Voltaire y aidant du reste, car, dans son œuvre prodigieuse, on abandonne d’autant plus aisément le médiocre qu’on y trouve à admirer l’excellent. […] C’était bien véritablement de la gloire. […] La gloire n’est que la même louange donnée aux œuvres supérieures par tous ceux qui sont capables de les goûter ; il n’y a de différent et de personnel que l’accent de chacun.

130. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Universels par leur gloire, ce sont les César et les Alexandre de la littérature ; ils ont asservi de vastes provinces de la pensée humaine. […] Cette œuvre éleva du premier coup le jeune poëte à une hauteur de renommée qui l’isola dans une gloire précoce et unique. […] C’était son appel au peuple et son appel à la gloire. […] Cette gloire même ressembla au sacrilége ; elle laissa une tache indélébile sur sa vie littéraire. […] Il apportait au théâtre une dernière tragédie, Irène, pièce peu digne de son génie, mais occasion de couronner dans l’auteur tant d’autres gloires.

131. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

Victor Hugo assurent que le poète est venu, que ce troisième astre de gloire et de liberté a lui sur la patrie. […] À plus forte raison, pour les races futures en sera-t-il ainsi de notre génération qui vénère Hugo dans le splendide épanouissement d’une gloire impérissable. […] Tous les partis et tous les peuples applaudissent ensemble à sa gloire. […] Mais dans Victor Hugo doit-on compter les ans, Puisque sa gloire et lui sont vieux d’une vieillesse         Que rajeunit chaque printemps ? […] Leconte de Lisle Dors, Maître, dans la paix de ta gloire !

132. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

« — Fils de Morni, répondit Fingal, je chéris ta gloire. […] Retire-toi aussi, va joindre le roi de Morven, et cède-moi ta gloire. […] Connal, ne me parle plus d’armes ni de combats : ma gloire est morte. […] Où donc es-tu, Ryno, jeune enfant de la gloire ? […] « Quel est le guerrier dont cette tombe consacre la gloire ?

133. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

mais toi, tu es mon bouclier, tu es ma gloire ! […] que le Roi de gloire entre dans ses empires ! « Qui est donc le Roi de gloire ? […] portes de l’éternité, ouvrez-vous, que le Roi de gloire entre ! […] C’est lui qui est le Roi de gloire !

134. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. (Suite et fin) »

Il faut l’entendre, avant tout, parler de la chose sur laquelle il a le plus droit d’être écouté, de celle qu’il a le mieux sue et qu’il avait le plus à cœur de posséder et de faire dignement, l’office et la fonction de la royauté ; soit qu’il songe à son fils dans ses instructions, soit que plus tard il s’adresse à son petit-fils partant pour régner en Espagne, il excelle à définir dans toutes ses parties ce personnage qu’il a su le mieux être, qu’il a été le plus naturellement et comme par une vocation spéciale, le personnage de souverain et de roi. il faut l’entendre encore dans cette Conversation devant Lille (qui se lit dans les Œuvres de Pellisson), parlant dans l’intimité, mais non sans quelque solennité selon sa noble habitude, de son amour pour la gloire, du sentiment généreux qui l’a poussé à s’exposer et à paraître à la tranchée et à l’attaque comme un simple mortel, comme un soldat : « Il n’y a point de roi, pour peu qu’il ait le cœur bien fait, disait-il, qui voie tant de braves gens faire litière de leur vie pour son service, et qui puisse demeurer les bras croisés. » On retrouve là à l’avance, dans la bouche du monarque, quelques-unes des belles pensées de Vauvenargues sur la gloire, avec un peu plus d’emphase, mais non moins de sincérité. […] Rousset nous fait si heureusement profiter, me paraît être bien plus dans le vrai quand il nous montre Louis XIV, toutes les fois qu’il dicte ou qu’il écrit, « parlant en roi passionné pour la gloire, appliqué à ses affaires, qui agit par lui-même, qui prend connaissance et qui juge sainement de tout, et qui n’est pas tellement conduit par ses ministres qu’il n’influe beaucoup dans leurs résolutions, par son attention a les examiner et sa fermeté à les soutenir. » Cette conclusion mesurée est moins piquante que l’autre, qui suppose un Louis XIV. toujours maître et souverain en idée, et en réalité toujours dupe. […] Je fis passer brusquement des troupes, afin de fortifier le corps du prince de Condé ; je fis travailler diligemment à un pont de bateaux sur le Rhin, et je demeurai avec mon frère, le vicomte de Turenne, et le reste de l’armée sur les bords du Rhin, pour m’opposer au prince d’Orange, en cas que, sur l’avis du passage forcé du Rhin, il eût pris le parti de passer brusquement l’Yssel et de marcher à moi pour tomber sur l’armée à demi passée et attaquer mon arrière-garde », Vous aurez remarqué ces mots : « le passage qui fut glorieux pour la nation… » ; Louis XIV ne se donne que comme ayant été présent et reporte la gloire sur la nation même. […] Y a-t-il du regret à avoir, en effet, que Louis XIV n’ait obtenu que la gloire des sièges et non celle d’une victoire en bataille rangée, cette gloire que son frère, si peu aguerri d’ailleurs, rencontra et saisit vaillamment à la journée de Cassel ? […] Je pourrais insister sur d’autres parties de ce Mémoire si digne de son auteur ; j’aimerais à y remarquer une justice rendue en passant à ce modeste et utile officier, Martinet, tué au siège de Doesbourg, à qui Louis XIV accorde, au moment où il le perd, un tribut d’estime et de regret ; je pourrais relever aussi un certain air de satisfaction et de gloire répandu sur l’ensemble et qui couronne la récapitulation, l’espèce d’examen de conscience par où le roi termine le récit de cette magnifique année 1672.

135. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Le métier des armes lui plaisait, il croyait que l’homme est fait pour l’action ; dans un siècle où les frivolités, la mollesse et la corruption envahissaient la jeune noblesse, il attachait un sens précis, un sens antique à ces mots de vertu et de gloire : « La gloire embellit les héros, se disait-il. Il n’y a point de gloire achevée sans celle des armes. » Il servit aussi longtemps qu’il put, fit des campagnes en Italie, en Allemagne, et ne renonça à la carrière active que quand sa frêle santé, épuisée par les fatigues, le trahit. […] Les images chez lui sont rares et sobres ; on a souvent cité ces mots charmants : Les feux de l’aurore ne sont pas si doux que les premiers regards de la gloire. […] Il avait en horreur et en mépris la fatuité et la frivolité si en vogue à cette date, ce ton de légèreté et de persiflage à la mode, que Gresset a pris sur le fait dans Le Méchant, et qui faisait la gloire des brillants Stainville. […] Lui qui a tant souffert et si peu réussi, il croit que le plus sûr moyen de faire sa fortune, c’est encore de la mériter ; qu’il n’y a que le mérite réel pour aller directement à la gloire !

136. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Au sortir de la guerre de Sept Ans, quand d’Alembert alla visiter Frédéric à Potsdam et qu’il lui parlait de sa gloire : « Il m’a dit avec la plus grande simplicité, écrit d’Alembert, qu’il y avait furieusement à rabattre de cette gloire ; que le hasard y était presque pour tout, et qu’il aimerait bien mieux avoir fait Athalie que toute cette guerre. » Il y a certes du philosophe dans cette manière de juger les triomphes militaires ; mais il y a aussi de l’homme de lettres dans cette préférence donnée à Athalie. […] Ce désir de gloire que nourrissait la jeune âme de Frédéric et qui cherchait encore son objet, lui faisait tourner naturellement ses regards vers la France. […] Jamais on n’a mieux senti que ce jeune prince ce que les lettres pourraient être dans leur plus haute inspiration, ce qu’elles ont en elles d’élevé et d’utile, ce que leur gloire a de durable et d’immortel. […] Il n’y a que mon application qui pourra peut-être un jour me rendre utile à ma patrie ; et c’est là toute la gloire que j’ambitionne. […] D’Alembert avait déjà vu Frédéric plusieurs années auparavant ; en le revoyant, il est frappé de le retrouver supérieur à sa gloire même.

137. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Cela est triste à dire, mais cela est, et la Critique qui pèse la gloire, parce que c’est une manière de plus de peser l’œuvre dont elle est le prix, ne peut le passer sous silence. […] Les connaisseurs seuls en parleront de cette voix qui ne fait pas tapage, comme on parle des chefs-d’œuvre de Mozart, de Raphaël et de Goethe, mais la fanfare de la gloire, par toutes les trompettes, n’existera plus ! […] Louis XIV inaugura, il est vrai, la cravache à la main, cette royauté personnelle pour laquelle Louis XI et Richelieu avaient combattu contre des aristocraties turbulentes, mais voilà justement sa gloire ! […] Dans le secret de cette royale intelligence qui, comme celle de Newton, pensa toujours à la même chose, et c’était la gloire et le bien-être de son État, Louis XIV avait pesé Saint-Simon, et il avait trouvé qu’il pesait peu. […] Elle ne fut guère que la femme sans royauté du grand roi et la servante dévouée et vigilante de sa gloire.

138. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Qu’on ne l’accuse point de malignité : il est si naturel à un esprit droit & juste, à un cœur ferme & généreux, d’éprouver les mouvemens du dépit, à la vue des usurpations ; le zele pour la gloire des Lettres & les intérêts de l’équité est si prompt à s’enflammer contre des injustices absurdes & multipliées, que l’esprit vient comme de lui-même au secours de la raison outragée ; & du mélange de sa vivacité unie à la sensibilité du cœur, naissent ces traits vigoureux qui impriment tantôt le ridicule, tantôt l’opprobre sur les travers ou sur les vices. […] Ce seul Poëme, que nous regardons comme son chef-d’œuvre, aura toujours pour garans de son immortalité, la gloire des difficultés vaincues, & celle d’une utilité générale. […] Après avoir vengé sa gloire poétique, nous pourrions nous étendre encore sur celle qui lui est due en qualité de Prosateur. […] Finissons cet article, en déclarant encore à tous les Aristarques du nouveau Monde Littéraire, que, malgré leurs efforts, leurs Dissertations, leurs Sentences, leurs Satires, Despréaux n’en sera pas moins celui de tous nos Poëtes dont on a retenu & dont on citera toujours le plus de vers ; celui qui, le premier, a déployé les richesses de notre Langue, & qui l’a portée, par ses Ouvrages, au degré d’estime où elle est parvenue depuis ; celui qui a fait le plus régner le bon goût, & a le plus fortement attaqué le mauvais ; celui qui a su le mieux réunir l’exactitude de la méthode & la vivacité de l’imagination ; le sel de la bonne plaisanterie, & le respect dû à la Religion & aux mœurs ; l’art de lancer le ridicule, & celui de louer avec délicatesse ; le talent d’imiter, en paroissant original ; la distinction unique d’être tout à la fois Législateur & Modele ; &, pour tout dire enfin, il ajoutera à tous ces genres de gloire, ce qui donne le plus de droit aux hommages de la vertu, les qualités du cœur. […] Ce ne fut donc pas la malignité du cœur, la haine ou la vengeance qui enfanta ses Satires ; ce fut une équité inflexible, jointe à la vigueur du génie & au zele pour la gloire des Beaux-Arts.

139. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Henri Heine »

La première cocotte à cheval, au bois, et même le cheval sans la drôlesse dessus, les intéresse bien plus qu’un homme de génie mort il y a déjà trente ans, et dont la gloire, comme toutes les gloires, dans ce plat monde de bavarderie superficielle, n’est plus qu’une silencieuse momie. […] Je n’hésite point à l’affirmer, Henri Heine est certainement le plus grand poète que l’Europe ait vu depuis la mort de lord Byron, Lamartine excepté, et à sa gloire acquise, consentie, s’ajoute encore cette autre gloire de n’avoir pas pour le moment de successeur. […] Tel est Henri Heine, dans sa gloire immuable.

140. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Virgile, et Bavius, Mœvius, Bathille, &c. &c. » pp. 53-62

Une différence bien remarquable entre les écrivains d’Athènes & ceux de Rome, c’est qu’on voit les premiers, ainsi que les nôtres, dévorés de jalousie, tourmentés d’un ver rongeur, se faisant une éternelle guerre ; au lieu que les grands auteurs Latins n’ont jamais eu leur gloire obscurcie par cette tache. […] Sa gloire l’embarrassoit en bien des occasions. […] Il s’en acquitta de cette sorte* : C’est moi qui fis ces vers ; un autre en a la gloire. […] A l’égard de Virgile, il fut au comble de la gloire : mais l’envie le poursuivit à proportion des honneurs qu’il s’attiroit.

141. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

C’est un des hommes de lettres qui a le plus joui de sa gloire. […] Uranie ne le vit qu’après moi ; & tout chaud qu’il étoit, immédiatement après sa production, je le portai au bonhomme M. de Malherbe. » Balzac, après avoir dit que Malherbe en devint jaloux, ajoute : « Je m’intéressai, avec chaleur, à ce qui regardoit la gloire de mon ami. […] J’ai trouvé le sonnet encore beau, mais non pas si beau qu’auparavant. » Si tous les Uranistes étoient revenus de leur prévention, comme Balzac, ils se fussent couverts de gloire. […] Benserade, excité par un nouveau desir de gloire, voulut mettre en rondeaux les métamorphoses d’Ovide ; mais son entreprise fut malheureuse.

142. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre II. Quelques traditions sur Pindare. »

Il reçut aussi les leçons ou partagea les études d’une femme célèbre, Myrto ; mais ce nom s’efface devant celui de Corinne, la gloire presque unique d’une ville voisine de Thèbes, Tanagre, que fréquentait Pindare. […] Nulle fiction semblable n’allait suivre la gloire de Sophocle ou de tel autre génie de la Grèce, devenue philosophe autant que guerrière et poétique. Quelques vers grecs, d’une date inconnue mais ancienne, consacrent par de touchants détails la fin du poëte dans les fêtes d’Argos32 : « Protomaque et Eumétis33 aux douces voix pleuraient, filles ingénieuses de Pindare, alors qu’elles revenaient d’Argos, rapportant dans une urne ses cendres retirées des flammes d’un bûcher étranger. » La gloire du poëte grandit sur sa tombe, placée dans le lieu le plus remarquable de Thèbes, près de l’amphithéâtre des jeux publics. […] Plutarque, dans sa naïve jalousie pour la gloire de Thèbes, ne faisait-il pas une erreur étrange ?

143. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

A moins de venir à quelque époque encore brute, inégale et demi-barbare, à moins d’être un de ces hommes quasi fabuleux (Homère, Dante,… Shakspeare en est le dernier) qui obscurcissent, éteignent leurs contemporains, les engloutissent tous et les confisquent, pour ainsi dire, en une seule gloire ; à moins d’être cela, ce qui, j’en conviens, est incomparable, il y a avantage encore, même au point de vue de la gloire, à naître à une époque peuplée de noms et de chaque coin éclairée. […] Plus l’équipage est nombreux, brillant dans son ensemble, composé de héros qu’on peut nommer, plus aussi la gloire de chacun y gagne, et plus il est avantageux d’en faire partie. […] J’ai nommé Victorin Fabre, et cet écrivain honorable, qui s’annonçait avec tant de promesses, que tant de bons juges désignaient sans hésiter à la gloire, et qui s’est éteint tout entier oublié, mérite bien un mot de moi. […] Son inspiration, sa gloire, c’est d’étudier, de ranimer et d’éclairer les monuments accomplis des âges. […] Non, l’auteur de Michaël ou du Vieux Mendiant du Cumberland (pour prendre au hasard de courts et enchanteurs poëmes) n’est pas inférieur à Byron en génie simple, en peinture naturelle et profonde, comme il l’est en gloire.

144. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Peu s’en fallut que Ronsard n’eût de son vivant, la gloire de Dante après sa mort, et qu’il ne vît des chaires instituées pour interpréter ses poésies. […] On dit pourtant qu’il eut, vers la fin de sa vie, quelques doutes sur la solidité de sa gloire. Exemple unique d’une faveur si universelle et si constante, pensa-t-il donc que la gloire qui doit durer ne s’acquiert pas si facilement ? […] Là, dans une ode à Calliope, il reconnaît qu’elle l’avait prédestiné pour la gloire de la poésie : Certainement, avant que né je fusse Pour te chanter tu m’avois ordonné Le ciel voulut que ceste gloire j’eusse, Estre ton chantre avant que d’estre né105. […] N’oublions pas que Ronsard s’est le premier essayé dans l’ode ; qu’il y fut le prédécesseur de Malherbe, qui perfectionna ce qu’il avait inventé qu’il eut la gloire d’indiquer le genre qui devait régénérer la poésie française.

145. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Rabelais et Calvin avaient eu la gloire de faire les premières applications heureuses des idées anciennes à la société moderne. […] La gloire de cet événement appartient au fils d’un boucher de Melun129. […] Dans cette traduction célèbre, la seule qui ait eu la gloire des ouvrages originaux, il mit l’esprit français en présence de l’esprit ancien, et notre langue en regard de la plus riche des deux langues de l’antiquité. […] C’est au nombre de ceux qui profitent de leurs écrits qu’il faut mesurer leur gloire ; car plus il en est qui ont part à cette nourriture de l’âme, plus les hommes de génie ressemblent à Dieu, dont ils sont les créatures privilégiées. […] Il est dans la destinée de Montaigne que plus il vieillit, plus sa gloire augmente.

146. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Tous les excès, toutes les ambitions, toutes les démences de gloire que M.  […] Mais je suis certain que l’expérience n’a pas glacé en moi les sentiments généreux de ma jeunesse ; je suis certain d’aimer, comme je les aimais, la liberté et la gloire de la France. » La gloire, oui ! […] La gloire de la journée lui sera justement contestée, la gloire de l’expédition lui appartiendra toujours. […] Il parcourait ces champs, théâtre d’une immortelle gloire, lorsqu’il rencontra sans le chercher le général en chef de l’armée d’Italie et se prit pour lui d’un attachement passionné. […] Bien que légère, elle aimait cet homme qui la couvrait de gloire, elle l’aimait davantage depuis qu’elle en était moins aimée.

147. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

L’ennui que répand Gœthe est grand comme sa gloire, et sa gloire littéraire — il faut bien en convenir — est la plus grande des gloires modernes. Depuis Voltaire, — qui n’était pas un ennuyeux, lui, — depuis Voltaire, à la gloire encyclopédique, on n’a acclamé personne en Europe de plus encyclopédiquement grand que Wolfgang Gœthe ; et même sa gloire est plus grande que celle de Voltaire, car l’esprit de parti, qui fut la cuiller acharnée avec laquelle on a tant agité et fait flamber le punch de la gloire de Voltaire, n’est pour rien dans la gloire de Goethe. […] Cette gloire est froide comme la convention, comme l’éloignement, comme le talent même de Gœthe. […] La gloire de Voltaire, plus ancienne que celle de Gœthe, est chaude encore. […] Elle est pour dégoûter de la gloire les esprits fiers (s’il en est) qui pourraient l’aimer !

148. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (2e partie) » pp. 177-248

Un guerrier couvert de gloire peut fonder un empire, il ne saurait fonder une religion. […] Et il ne fallait pas moins que sa gloire pour une telle œuvre ! […] Ainsi, en toutes choses, la France était destinée à servir d’enseignement à l’univers : grand malheur et grande gloire pour une nation !  […] Génie militaire d’une grande portée, politique nul, caractère faible, incapable de porter sa gloire, M.  […] Arrêtons-nous à cet apogée de sa gloire, qui n’est pas encore l’apogée du mouvement historique de M. 

149. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 94-98

Plein de discernement & de zele pour la gloire des Lettres, il peint avec des couleurs énergiques les ravages du faux bel-esprit & la dégradation dans laquelle il nous a précipités. […] Rigoley de Juvigny l'a obtenue cette estime & l'obtiendra toujours de quiconque sentira combien il est essentiel pour nous de conserver la gloire littéraire & la gloire nationale.

150. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

César, Alexandre ont eu de la gloire. […] Un prince qui mettra son honneur à se venger, cherchera une gloire fausse plûtôt qu’une gloire vaine. […] On dit également, il fait gloire, il fait vanité, il se fait honneur de son luxe, de ses excès : alors gloire signifie fausse gloire. […] La gloire est prise pour le ciel ; il est au séjour de la gloire. […] … à la mort ... à la gloire.

151. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Je m’attache à caractériser les principales différences que ces deux situations politiques doivent produire dans la destinée des femmes qui aspirent à la célébrité littéraire, et je considère ensuite d’une manière générale quel bonheur la gloire peut promettre aux femmes qui veulent y prétendre. […] La jalousie naturelle à tous les hommes ne s’apaise que si vous pouvez vous excuser, pour ainsi dire, d’un succès par un devoir ; mais si vous ne couvrez pas la gloire même du prétexte de votre situation et de votre intérêt, si l’on vous croit pour unique motif le besoin de vous distinguer, vous importunerez ceux que l’ambition amène sur la même route que vous. […] Une seule chance véritablement malheureuse pourrait résulter de l’éducation cultivée qu’on doit leur donner : ce serait si quelques-unes d’entre elles acquéraient des facultés assez distinguées pour éprouver le besoin de la gloire ; mais ce hasard même ne porterait aucun préjudice à la société, et ne serait funeste qu’au très petit nombre de femmes que la nature dévouerait au tourment d’une importune supériorité. […] La gloire même peut être reprochée à une femme, parce qu’il y a contraste entre la gloire et sa destinée naturelle.

152. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Ch. de Barthélémy ne remplacera pas l’édition qui manque, et qui sortirait la gloire et les travaux de Fréron de la crypte des bibliothèques où ils gisent ensevelis, — comme dans la crypte des monastères mérovingiens, les cadavres des fils de Roi assassinés ! […] Journaliste qui défendit pendant toute une vie, qui fut longue, la Religion, la Royauté, la Morale dont on ne voulait plus, dans la démence universelle, on lui coupa, on lui hacha son journal avec les ciseaux d’une censure qui a déshonoré Malesherbes, lequel tenait, pour le compte des encyclopédistes, et faisait aller ces ciseaux, tombés depuis et lavés dans son sang, heureusement pour sa gloire ! […] On ne le connut guère que par les outrages immortels de Voltaire, mais la Gloire, qu’il méritait, resta comme prise sous les deux cents volumes qu’il a écrits. […] La Vérité se moque bien de la Gloire ! C’est une loi supérieure de la Providence, qu’il doive y avoir en ce monde des gloires perdue ?

153. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Collé »

D’ailleurs, selon moi, la gloire est là, comme partout, mal répartie. […] Vadé, Piron, Favart, Panard et Collé, n’en sont que les grands-pères, et ç’a été comme à la Chine : la gloire a remonté ! C’est la gloire des fils qui a fait la gloire des ancêtres. […] Je n’ai pas peur de ce que j’avance : c’était un critique que Collé, et c’est aux facultés du critique qui étaient en lui qu’il aurait dû demander sa gloire… s’il eût cru à cette vanité.

154. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Ce livre de moine, écrit dans le clair et profond silence d’une cellule, a rencontré la Gloire, cette fille de la foule et qui passe comme sa mère (Sic transit gloria mundi), mais qui, pour lui, s’est arrêtée. […] De la gloire à la popularité, il n’y a que quelques marches… à descendre. […] Or, le lieu commun, cette chose respectée, c’est la gloire devenue momie, c’est son embaumement pour l’immortalité, et qui y touche semble faire du paradoxe et du sacrilège. […] Nous oserons regarder dans cette gloire pour en chercher le mot, s’il y en a un au succès d’un livre universellement accepté par les gens pieux et même par les impies. […] Ces hommes, qui vivaient les yeux au ciel ou baissés sur la poussière de leurs sandales, se souciaient bien de cette bavarderie qu’on appelle la Gloire, et des commérages que l’Avenir devait faire, un jour, sur leur tombeau !

155. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Changer les figures de côté, mettre à gauche ce qui était à droite, à droite ce qui était à gauche, intervertir l’ordre des groupes, distraire un personnage de la scène ou du milieu dans lequel il était placé pour le placer dans une autre scène et quelquefois sous un autre costume, toutes ces choses, et bien d’autres que j’omets, se font et se sont faites, et la Gloire elle-même y a été prise… La Gloire un peu trop vite venue, fille du sentiment exalté d’une époque, a transformé parfois en grand peintre tel grand archéologue, qui avait assez d’exécution et de rétorsion dans la main pour cacher aux ignorants ses… butins, et c’est le critique d’art qui doit réviser ces méprises de la Gloire. […] Mais s’il avait aussi, lui, découvert son Amérique, il n’aurait pas eu moins la gloire d’être allé la chercher pour l’avoir découverte, et il aurait eu une gloire de plus !

156. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XII. »

Quelles merveilles suivirent, quel monde nouveau s’ouvrit à l’imagination des Hellènes, quelle gloire consola leur défaite intérieure et leur asservissement, quel simulacre de liberté leur resta, par l’absence chaque jour plus lointaine de leur puissant vainqueur, qui semblait leur général délégué dans l’Asie, il n’appartient pas à notre sujet de multiplier ici ces grands souvenirs d’une prodigieuse fortune. Deux choses à remarquer, cependant : le siècle d’Alexandre, si l’on peut appeler ainsi la course de dix ans du jeune héros, et les fondations d’empires qui, jetées sur son passage, s’achevèrent après lui, le siècle d’Alexandre fut bien loin d’atteindre, dans l’ordre des arts et du génie, à la gloire du siècle de Périclès, ou plutôt d’Athènes, dans sa période la plus étendue, de la naissance d’Eschyle à la mort de Platon. […] Les chefs-d’œuvre qu’elle avait laissés, ces marbres antédiluviens que la génération moderne ne pouvait reproduire, n’en étaient que plus admirés ; et on sait quelle gloire obtenait, en les interprétant, l’esprit encyclopédique d’Aristote. […] Pour ta beauté qui lui était chère, le nourrisson d’Atarné a quitté la lumière du jour : aussi sera-t-il à jamais célébré ; et les Muses, filles de Mnémosyne, augmenteront son immortel renom, attentives à célébrer en lui le culte de Jupiter hospitalier, et la gloire de l’amitié fidèle. » Ces courtes paroles littéralement traduites ne semblent-elles pas garder encore la marque ineffaçable du grave et lumineux esprit qui leur avait donné la mélodie de sa langue et celle des vers ? […] Mais, loin de là, ils courent, sans souci du beau, à des termes divers, les uns poursuivant la gloire avec une hâtive ardeur, les autres tournés à l’avidité du gain, sans nulle pudeur, les autres à la mollesse et aux plaisirs du corps, recherchant ainsi le contraire même de ce que poursuivent les premiers.

157. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

La gloire, on sait ce que c’est ; la gloire littéraire, tout écrivain se l’imagine. […] Telle est la gloire, que Gerbert est inconnu. […] La gloire, c’est la vie dans la mémoire des hommes. […] La gloire littéraire est une illusion. […] La gloire littéraire est nominale ; la vie littéraire est personnelle.

158. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre X. Zola embêté par les jeunes » pp. 136-144

« Le naturalisme, dit-il, avec le genre de gloire qu’il comporte, se manifeste à peu près en M. Émile Zola, Alphonse Daudet et Edmond de Goncourt. » En un article, il soupèse les gloires de ces messieurs. […] De Edmond de Goncourt on indique, comme il sied, le talent hors de pair, la gloire étriquée. […] D’entre ces reconnaissances de sa gloire, j’en mettrais pourtant deux à part, non suspectes : l’une de M. 

159. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Strada, José de (1821-1902) »

Mais J. de Strada n’atteindra pas à la gloire dont vous parlez, à la gloire imminente. […] Aujourd’hui, se disputant la palme de gloire, je ne vois que des glorioleux.

160. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 34-39

Quand les affaires publiques font le fil de l’Histoire, il est toujours suivi : quand les Rois n’y sont considérés qu’autant qu’ils ont servi à les faire changer, on les y fait entrer avec bien plus d’agrément, que lorsqu’on se met en tête de ne parler des affaires que selon qu’elles servent à relever ou diminuer la gloire des Rois. […] Il faut insinuer dans l’Histoire un amour de vertu, & de quoi donner un honnête désir de gloire ; sur-tout faire connoître avec adresse, en quoi consiste la véritable gloire.

161. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « H. Forneron » pp. 149-199

Il a analysé, épluché, trié sur le volet ces gloires aveuglantes, qui ne l’ont pas aveuglé. […] » Audin, qu’il faut nommer le premier parmi les catholiques modernes, Audin, l’auteur du Luther, du Calvin, du Léon X, que je n’appellerai point illustre parce qu’il ne l’est pas et que sa gloire est encore à venir pour sa peine d’être catholique, a écrit une histoire de la Saint-Barthélemy qui tache en lui l’historien. […] Or, malgré leurs entraînantes gloires militaires, cette femme paraît plus homme que ces hommes, parce qu’elle a l’unité de son ambition et qu’eux sont entre leur ambition et leur foi. […] Or l’amour est une chose si rare et si belle qu’il suffit à la gloire de la vie, et qu’il a suffi à la sienne… Ainsi, l’amour, le croirait-on ? […] — qui puisse faire comprendre qu’il ait toute sa vie voulu la même chose : la gloire de Dieu, son triomphe, son règne, et qu’il ait vengé son honneur — l’honneur de Dieu outragé ! 

162. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Quel chant de triomphe et de gloire, quel rayon de poésie et d’espérance, quelle aube d’un jour céleste levée sur la Grèce d’Europe et d’Asie devaient animer les chœurs du Prométhée porte-flamme ! […] Il n’y eut que la Grèce pour offrir au génie cette éducation de la gloire assaillant les âmes, et ce spectacle du beau qui partout les environne. […] Mais, j’ai encore à célébrer une autre gloire de cette ville, le don magnifique d’un Dieu puissant, l’orgueil de cette terre si riche de ses coursiers, de ses jeunes poulains et des flots de la mer. […] tu l’as élevée toi-même à cette gloire, en ayant, pour la première fois, forgé dans ses rues le mors qui dompte les coursiers. […] En est-il plus merveilleux exemple que ce Chœur des Guêpes s’adressant aux spectateurs, et, après mille coups d’aiguillon, leur bourdonnant cet hymne de gloire ?

163. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Au prince de Conti succèdent le comte de Vaudreuil et M. de Calonne, puis Robespierre, puis Bonaparte ; et pourtant, au milieu de ces servitudes diverses, Le Brun demeure ce qu’il a été tout d’abord, méprisant les bassesses du temps, vivant d’avenir, effréné de gloire, plein de sa mission de poëte, croyant en son génie, rachetant une action plate par une belle ode, ou se vengeant d’une ode contre son cœur par une épigramme sanglante. […] Au lieu de négliger simplement les salons littéraires et philosophiques, pour vaquer avec plus de liberté à son génie et à sa gloire, il les attaqua en toute occasion, sans mesure et en masse. […] Il faut voir encore comme en toute occasion le poëte a conscience de lui-même, comme il a foi en sa gloire, et avec quelle sécurité sincère, du milieu de la tourbe qui l’importune, il se fonde sur la justice des âges : Ceux dont le présent est l’idole Ne laissent point de souvenir ; Dans un succès vain et frivole Ils ont usé leur avenir. […] Quoi qu’il en soit, la gloire de Le Brun, dans l’avenir, ne sera pas séparée de celle d’André Chénier. […] On lui tiendra compte de ses efforts, de ses veilles, de sa poursuite infatigable de la gloire, de la tradition lyrique qu’il soutint avec éclat, de cette flamme intérieure enfin, qui ne lui échappait que par accès, et qui minait sa vie.

164. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Les premières impressions que le roi avait faites sur madame Scarron, à son entrée dans Paris, étaient peut-être de celles que la beauté et la jeunesse font sur les sens d’une femme jeune et sympathique ; mais l’auréole de gloire qui environnait cette belle tête de Louis XIV, la douce et noble fierté de son attitude soumirent aussitôt les sympathies physiques aux sympathies morales. La pompe, l’appareil dans lequel le jeune roi se montrait, cette grandeur empreinte sur toute sa personne, manifestaient en lui cette passion de gloire, ce besoin de respect et d’admiration qu’il est si agréable aux Français de satisfaire dans leur prince. Combien de séduction pour cette femme dont la considération, seule gloire des femmes, avait été la première idole ! […] Elle sentait d’avance que fixer les regards d’un roi aimable et aimé des français, d’un roi amant de la gloire, gage de leurs respects et de leur admiration, ce serait trouver lotis les bonheurs en un seul. […] Madame Scarron n’était pas plus hypocrite quand elle invoquait la religion au secours de l’honnêteté de ses mœurs que Bossuet n’était un charlatan et un mondain, quand, plus tard, voulant ramener le roi à la soumission aux lois de l’Église, il invoquait, en faveur de la foi conjugale violée parce prince, les lois de l’honneur elles intérêts de la gloire qu’il s’était acquise.

165. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Il a retrouvé les champs, il a repris l’étude, et le voilà qui resonge à la belle gloire. […] Cette gloire est déjà en sûreté, grâce à vos exploits militaires. […] Ce qui augmenta sa considération de son vivant ne saurait servir également sa gloire. […] Est-ce que vous croyez que je veux faire un Temple de la Gloire… ? […] Forcé de renoncer à une gloire poétique plus prochaine par des publications courantes, il se rejetait en imagination vers la grande gloire, vers la haute palme des Virgile et des Homère, et y fondait son recours.

166. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mikhaël, Éphraïm (1866-1890) »

Edmond Pilon Le Parnasse fut une école de forme, et, dans cette forme, Mikhaël eut la gloire de modeler une pensée nouvelle ; il eut la noble intuition d’en ôter toutes les images extérieures, de s’affranchir de toutes les mythologies et d’y couler, comme un bronze divin, l’émotion de son rêve, la poignante sensation de ses désirs et de ses espoirs. […] Pierre Quillard Écarter le voile d’ombre, rompre par des paroles de gloire le sépulcral silence où dort celui qui jugeait également futiles, en présence de l’éternité, l’ostentation de l’orgueil et la plainte lâche de l’ennui, quelle main l’oserait, et quelle voix profanatrice ? […] Emmanuel Delbousquet Il fut de ceux-là que la mort arrête en pleine conquête et qui tombent sans avoir connu leur gloire.

167. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — Q — Quillard, Pierre (1864-1912) »

. — La Gloire du Verbe (1890). — L’Antre des nymphes, de Porphyre, trad […] Depuis lors, Pierre Quillard a donné La Gloire du Verbe, un recueil de beaux poèmes qui symbolisent la suite des idées et des visions d’un homme qui rêve et qui pense. […] Pierre Quillard a réuni ses premières poésies sous un titre qui serait, pour plus d’un, présomptueux : La Gloire du Verbe.

168. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre huitième »

Quant à le surpasser, la gloire n’en était possible à personne. […] C’est même la partie solide de la gloire des écrivains à la mode, d’avoir contenté le goût raisonnable, avant de se mettre au service de l’excès. […] Si elle parlait de mourir, Pyrrhus pourrait ne pas la croire, et elle aurait compromis sa gloire sans le persuader. […] Racine en a eu la gloire. […] Si le récit peut en être à la gloire de Racine, on me pardonnera de citer une anecdote personnelle.

169. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre X. Mme A. Craven »

À exactement parler, ce n’est pas un livre, et c’est sa gloire comme son caractère, de n’être pas un livre. […] Elle était restée une patricienne irréprochable, racontant les gloires domestiques de sa maison. […] Les romans de Mme Craven ne sont point destinés à vivre, tandis que le Récit d’une sœur est destiné à ne pas périr… La vérité, qu’elle n’a pas faite, est plus puissante et plus durable que les pauvres fictions qu’elle a inventées… Mme Craven a trouvé presque la gloire sans la chercher, le jour où elle a rassemblé des souvenirs qui méritaient d’être immortels ; mais à présent qu’elle la cherche opiniâtrement et dans des voies où la vanité littéraire la promène, elle ne la trouvera plus. […] Mme de Staël a dit que la gloire était pour les femmes « un deuil éclatant du bonheur ». Mme Craven avait dans sa vie un deuil plus beau que celui de la gloire.

170. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de la Révolution » pp. 73-87

Pourquoi ce Livre d’Or d’une noblesse recherchée et retrouvée dans cette foule, que le poète Barbier appelle une sainte canaille, et qui est bien au-dessus de tous les blasons du génie, de la gloire et du caractère, privilèges insolents de toutes les grandes personnalités de l’Histoire ? […] Il ne donne pas les femmes de la Révolution, mais quelques héroïnes, quelques femmes plus ou moins célèbres… Il dit telles vertus éclatantes, et il tait un monde de sacrifices obscurs d’autant plus méritants que la gloire ne les soutint pas. » Mais pourquoi ce remords tardif ? […] À côté de ces figures d’une gloire officielle, l’historien des Femmes de la Révolution nous en montre d’autres entourées d’un nimbe moins éclatant et moins large. […] Lacordaire à une gloire vraie. Quant à l’historien de saint Dominique, le faux romancier de Marie-Madeleine, et l’écrivain, — partout ailleurs que dans ces Conférences d’une si étonnante médiocrité, — ils ont trouvé tous les trois la gloire qui leur convenait eu entrant à l’Académie.

171. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

Le pauvre Baudelaire, qu’on faisait souffrir alors jusque dans sa propre originalité, mais qui n’en restait pas moins imperturbablement sûr de la gloire future de son auteur, souscrivit à tout, en frémissant, pour faire passer en France son ballot de génie, n’importe sous quel nom, et il passa sous le nom d’Histoires extraordinaires. […] Par une contradiction que j’ose lui reprocher, par un de ces entrelacements étranges qui font de lui la plus inattendue des arabesques humaines, Ernest Hello a l’ambition extérieure de ses facultés et en voudrait, avec fureur, la gloire… Un penseur de sa force aurait de la grandeur à dédaigner la gloire, et un mystique comme lui devrait l’oublier ou ne pas même se douter qu’elle existe, et il raffole de cette misère ! Il est impatient des applaudissements de ce temps dégradé, où la gloire n’est plus maintenant que là où Héliogabale mourut, — derrière une porte de latrines. […] Cette méconnaissance, cet aveuglement, devraient bien guérir Ernest Hello de sa maladie de la gloire, mais l’en guériront-ils ?

172. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

C’est l’intelligence de l’amour que d’avoir épargné l’honneur vulgaire et retentissant d’une biographie à la femme la plus femme de talent et dont le talent seul doit faire la gloire. […] Quand on relit le volume de 1820, inouï de niaiserie et de platitude, mais où ça et là, pourtant, on rencontre un accent juste dans l’ardeur ou la profondeur de l’amour, on se demande comment le bruit put venir à ce nom de Valmore, si ce nom qui pouvait faire rêver « comme les orangers de Grenade » n’avait pas encapricé cette faiseuse de musique, la Gloire ! […] Mme Desbordes-Valmore, qui n’avait commencé qu’avec de l’âme et qui a fini par avoir réellement du talent, montre bien, par ce talent même, que la femme, dont la gloire est de refléter ceux qu’elle aime, ne peut jamais avoir de profonde ou de saisissante originalité. […] N’ouvrez pas votre aile aux gloires défendues, De tous les lointains juge-t-on la couleur ? […] Vous êtes la nuit, voilé dans votre gloire, Vous êtes le jour et vous brillez pour nous !

173. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Jules Sandeau est un romancier d’un talent, d’une fécondité et même d’une moralité relatives ; mais, en France, il est plus utile, au point de vue des facilités et des aises de la gloire (quand la gloire ne doit être que ce viager charmant qui s’éteint avec nous, mais sur lequel on a vécu), de posséder des facultés mitoyennes que des facultés d’extrémité et d’intensité qui dérangent le train des cerveaux et font battre trop vivement les cœurs. […] Sèche d’ailleurs, creuse comme une écorce de sureau vidée par le couteau d’un enfant, cette femme, qui devrait, pour être grande, avoir un cœur qu’elle tiendrait sous elle et qu’elle sacrifierait à la gloire et à la pensée des aïeux, n’est que la dernière venue de tous les livres modernes, qui nous ont donné mieux que ce carton-pâte, depuis Flora Mac Ivor, cousant le suaire de son frère, dans Walter Scott, jusqu’à la Mathilde de la Môle, du roman de Beyle, et la Laurence de Cinq-Cygne, de Balzac. […] Sandeau, qui a été en prose un Alfred de Musset, bourgeois et rangé, la passera-t-il, et deviendra-t-il un vieux conteur dont la vieillesse est un avantage, une gloire et un charme de plus pour le conteur ? […] La tête qui a dit cela est certainement spirituelle, mais c’était elle qui était en bas… laissons-la dans cette position, et laissons Balzac en paix dans sa gloire bien gagnée ; ne lui comparons jamais personne.

174. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Les hommes pris en masse ne s’intéressent qu’à ce qui les touche, aux choses d’hier, à celles qui retentissent encore, aux grands noms qu’une gloire favorable n’a pas cessé de rendre présents. […] « On n’est pas né pour la gloire lorsqu’on ne connaît pas le prix du temps. » Cette pensée de Vauvenargues semble avoir été la règle de conduite de Pline. […] Ce n’est pas que je lui compte à titre de gloire un tel méfait, fût-il commis par nécessité, contre le genre humain : et il en est convenu lui-même, en ne donnant pas le chiffre du carnage des guerres civiles. […] La gloire du génie le préoccupe et y tient une grande place. […] Jamais le sentiment littéraire proprement dit, la passion des belles études et de l’honneur qu’elles procurent, jamais l’amour de l’honnête louange, le culte de la gloire et de la postérité, n’a été poussé plus loin et plus heureusement cultivé que chez Pline le Jeune.

175. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

puisqu’il y est déposé, je voudrais dire mon mot aussi sur cet homme oublié, sur ce journaliste qui n’aura qu’une gloire de journal pour sa peine de n’avoir été que cela. […] Au lieu de les continuer, on a publié un livre posthume de Chasles qui n’ajoutera pas beaucoup à sa gloire. […] Il a eu toute sa vie la prétention d’en être un, et sa gloire, s’il en était un, serait de le rester. […] C’est de l’à peu près historique mal assuré comme on en fait dans ces revues, que Chasles, dont la gloire fut les Revues, a pourtant dans ce livre si courageusement caractérisées ! […] La politique, qui a fait sa fortune, — cette fortune dont ne se soucie aucunement la postérité, — aura abaissé son talent et nuira à sa gloire.

176. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Tout fut exagéré en lui, même sa gloire. […] Eh bien, franchement, la gloire d’un homme doit coûter un peu plus cher que ça !… Et voilà, quand je pense à Diderot, ce qui me fait trouver de l’impertinence dans sa gloire. […] Les ouvriers de l’Encyclopédie, dont Diderot et d’Alembert furent les premiers par le talent, ne s’oublièrent pas dans la gloire coupable de leurs doctrines. […] ; Tous les refrains à sa gloire ont été chantés sur Diderot.

177. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — I »

Cette fois, ils pourraient rencontrer la gloire et mériter la reconnaissance du public : car, il ne faut pas s’y tromper, malgré ses goûts positifs et ses dédains apparents, le public a besoin et surtout avant peu de temps aura besoin de poésie ; rassasié de réalités historiques, il reviendra à l’idéal avec passion ; las de ses excursions éternelles à travers tous les siècles et tous les pays, il aimera à se reposer, quelques instants du moins, pour reprendre haleine, dans la région aujourd’hui délaissée des rêves, et à s’asseoir en voyageur aux fêtes où le conviera l’imagination. […] C’étaient des élans belliqueux, des accès de ferveur sainte : M. de Chateaubriand lui prédisait la gloire. […] Hugo ne s’élève pas jusqu’aux hauteurs de l’ode, il se délasse souvent dans les rêveries les plus suaves, dont nul souffle étranger n’altère la fraîcheur : il se plaira, par exemple, à montrer à son amie le nuage doré qui traverse le ciel, à le suivre de la pensée, à y lire ses destinées de gloire ou d’amour, puis tout à coup à le voir s’évanouir en brouillard ou éclater en tonnerre. […] Un sentiment bien touchant qui respire dans ce même volume est celui de la tristesse et de la défaillance du poète à la vue des amertumes qu’il a rencontrées sur le chemin de la gloire.

178. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hebel »

Quoiqu’il fût né à Bâle, à quelques lieues de la frontière de France, nous ne connaissions pas plus Hebel que s’il avait été quelque poète norvégien ou danois, un de ces vaporeux génies des Fiords solitaires, comme il y en a, sans nul doute, de perdus, excepté pour Dieu seul, qui les écoute penser, dans ces pays silencieux où les neiges polaires semblent assourdir jusqu’aux pas de la Gloire, et où Byron mourrait sans écho comme Manfred ! […] L’Allemagne, cette Pénélope de renommées, qui les fait et qui les défait également vite dans le caprice de sa rêverie, l’Allemagne lui en a tissé une qui durera plus que toutes les gloires de ses philosophes, usées, déchirées et déteintes tous les trente ans. […] Pendant que la prude Angleterre n’osait faire qu’un baronnet de Walter Scott et chicanait le titre de Lord à ce magnifique génie, qui ne chicanait pas, lui, à l’Angleterre, la gloire qu’il versait sur son écusson, Hebel, commandeur du Lion de Zœhringen, était revêtu de la dignité de prélat, la plus éminente dans la hiérarchie protestante, et pouvait siéger dans la Chambre haute du grand-duché. […] Quant à Hebel, ce frère cadet de La Fontaine, il aura produit un de ces petits livres qui suffisent peut-être à la gloire d’un homme et d’un pays, mais derrière lequel la Critique voit l’idéal encore, l’idéal qu’elle ne voit plus derrière le livre de Burns, tant il est complet et tant il est exquis !

179. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Le scandale a été de moitié dans la gloire de Proudhon. […] Voilà la vraie gloire de style qui lui restera, et dont se souviendra la Critique quand le mépris aura chassé de l’attention des hommes les chimères qu’il nous donne comme les réalités de l’avenir. […] La gloire éternelle du premier des Bonaparte, c’est d’avoir étouffé toute la métaphysique révolutionnaire dans sa main pratique et sensée. […] En cela, il reprend la tradition interrompue, et c’est ainsi qu’il fonde plus que sa gloire, mais sa légitimité.

180. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

La France, comme à l’ordinaire, n’entend plus rien que le bronze, quand ce bronze sonne de la gloire. […] Quelle renommée, quelle gloire digne de tes vœux, prétends-tu acquérir parmi les hommes ? […] Quelle gloire espérer de ceux pour qui l’on n’est pas ? […] « Élève tes vœux au-dessus des récompenses humaines ; que la vertu seule te montre le chemin de la véritable gloire, et t’y attire pour elle-même. […] Ils ne voient pas, les petits, les insensés, les envieux, que sa gloire se compose précisément de tous ces reproches.

181. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « III. M. Michelet » pp. 47-96

Fait par elle et créé pour elle, cet enfant ingrat et terrible manque perpétuellement à sa mère, — à cette mère dont il tient sa renommée, et dont, s’il eût voulu, il aurait pu tenir sa gloire ! […] c’est assurément là de la grandeur et de la gloire pour plus d’un homme ; mais il y a deux hommes pourtant qui ne se contentent pas à un tel prix, c’est M.  […] Qu’il se console dans son cercueil de cette misérable gloire. […] À côté de ces figures d’une gloire officielle, l’historien des Femmes de la Révolution nous en montre d’autres entourées d’un nimbe moins éclatant et moins large. […] Lacordaire à une gloire vraie.

182. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 317-322

En envisageant M. de Fontenelle comme Poëte, il faut oublier, pour sa gloire, qu’il a fait des Tragédies, des Comédies, &c. […] Si l’Ecrivain dont nous parlons étoit réduit à la seule gloire d’avoir mis au jour de pareilles Productions, sa célébrité auroit fini avec sa vie, & même avant. […] Le talent particulier qu’il a eu de mettre à la portée de tout le monde les matieres les plus abstraites, de revêtir de la clarté & des agrémens du style les sujets les plus ingrats ; de répandre dans ses Ouvrages les connoissances les plus étendues sans affectation, avec ordre & dans la plus grande précision ; de dominer, par l’aisance de son esprit, tout ce qui se présentoit sous sa plume, dans les genres les plus opposés & les plus difficiles ; lui assure la gloire d’une intelligence prompte, fine, profonde, & celle du mérite rare d’avoir su communiquer aux autres, sans effort, ce qui paroissoit, avant lui, au dessus de la pénétration du commun des Lecteurs.

183. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Le nom seul de Leopardi est connu en France ; ses œuvres elles-mêmes le sont très-peu, tellement qu’aucune idée précise ne s’attache à ce nom résonnant et si bien frappé pour la gloire. […] Tout le contraste de la nature fut rompu par toi, et une terre inconnue, immense, servit de trophée de gloire à ton voyage et aux périls de ton retour. […] Sa santé s’altérant de plus en plus, et les études philologiques lui devenant presque impossibles, la douleur et la solitude lui inspirèrent un redoublement de révolte et de plainte ; sa poésie en prit un plus haut essor, et son malheur, comme à tant d’autres, fit sa gloire. […] Or, vertu et gloire, chez les Anciens, c’étaient deux noms divers pour désigner à peu près le même objet idéal, but des grandes âmes. […] Une autre cause encore, très-essentielle, de la moindre réputation d’Horace à l’origine : il imitait et reproduisait, comme lyrique, les Grecs (Sapho, Alcée, Bacchylide, Simonide, et tous les autres) ; et c’était même sa gloire.

184. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Le géant de l’autre siècle est un nain, à cette heure, pendant que ce pauvre homme oublié, méconnu, méprisé, brille, à cent ans de distance, d’une gloire incontestée. […] Il dit, de la gloire, qu’elle expose ses amoureux à la calomnie, et des plaisirs, qu’ils donnent, trop de peine. […] D’avoir tendu une main secourable à tous les petits beaux-esprits qui ont tenté, chez vous, la comédie, malingres génies que j’ai fait grandir sous mon souffle ; renommées chancelantes que j’ai appuyées de ma renommée ; gloires éphémères que j’ai abritées sous ma gloire… des êtres qui ont vécu par moi, de par moi, qui mourront avant moi ! […] Que de gloires se sont brisées à la borne ardente de la cinquantième année, et que de génie immolé sur cet autel de feu ! […] Grande consolation, véritablement, pour la gloire consolée, et merveilleuse fortune pour la critique exposée, elle aussi, aux oublis de la foule indifférente, lorsqu’avant de mourir à son tour, elle se met à ressusciter cette gloire éteinte, à rappeler cette idole à la douce clarté de ses beaux jours !

185. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Tout ceci, qui suffirait seul à la gloire du plus grand des poètes, n’a pas cependant été tout pour Shakespeare. […] Eux, qu’est-ce que cela leur fait qu’on protège de la main et du respect cette petite fleur de leur tombeau qu’on appelle la gloire ? […] Pour François Hugo, en effet, pour le fils d’un homme qui a écrit des drames, lesquels ont plus tapagé dans leur temps que ceux de Shakespeare, ce qui prouve, par parenthèse, en faveur de la gloire dramatique, — la plus bête des gloires !  […] Ce qui suffit pour sa gloire, c’est qu’il les exprima. […] Est-ce la préoccupation du génie de son père qui lui aura caché cette gloire shakespearienne de Balzac ?

186. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Féval » pp. 107-174

Il n’eût pas écrit davantage Les Parents pauvres de Balzac (cette gloire !) […] Quoi que Féval ait produit, ce n’est pas le nombre des livres, mais leur qualité, qui rapporte à son auteur l’estime ou la gloire. […] Il n’a laissé ni œuvre devant les hommes, ni gloire faite par eux, les ingrats ! […] Nous nous en affligerons pour eux, mais c’est la gloire des Jésuites que cela ne leur fera rien du tout. […] Toute la gloire et le salut du Mont et de son monastère appartiennent surtout à Dieu et à son archange, et c’est ce que Paul Féval a voulu surtout prouver.

187. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Pierre de Rozières, et de laisser croire à quelque infatuation chez un jeune héros qui aimait la gloire, pour ce qu’elle a de magnifique dans l’âme, mais qui dédaignait et fuyait tout l’extérieur du succès. […] Je reste debout pour récolter à nouveau la gloire que me vaut l’héroïque sacrifice de mes braves. […] … » Et ailleurs encore ce cri : « Malheureuse génération qui ne trouve la gloire qu’en perdant la vie !  […] En novembre 1914, dans la forêt d’Apremont, il composait son dernier sonnet à la gloire de Déroulède et le dédiait à Marcel Habert, qui combattait à coté de lui.‌ […] Celui-ci, dans une allocution, nous raconte qu’un colonel de cavalerie est venu le trouver en lui disant : « Monsieur, combien je vous envie et quelle gloire pour vous de commander un tel régiment !

188. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — M. de Voltaire, et M. de Maupertuis. » pp. 73-93

Kœnig, ainsi que d’autres mathématiciens, a écrit contre cette assertion étrange ; & il a cité, entr’autres choses, un fragment d’une lettre de Léibnitz, où ce grand homme disoit avoir remarqué que, dans les modifications du mouvement, l’action devient ordinairement un maximum, ou un minimum.M. de Maupertuis crut qu’en produisant ce fragment, on vouloit lui enlever la gloire de sa prétendue découverte, quoique Léibnitz eut dit précisément le contraire de ce qu’il avance. […] Kœnig coupable d’avoir attenté à la gloire du sieur Moreau de Maupertuis, en supposant une fausse lettre. […] M. de Maupertuis appréhenda que sa gloire ne fut compromise, « il écrivit, & fit écrire à madame la princesse d’Orange, pour l’engager à faire supprimer, par son autorité, les réponses que M. […] M. de Voltaire, qui s’intéressoit à la gloire de l’académie, crut qu’elle alloit directement contre ses droits, qu’elle s’avilissoit & oublioit le plus beau partage des gens de lettres, la liberté & l’égalité. […] Ce globe, mal connu, qu’il a sçu mésurer, Devient un monument où sa gloire se fonde.

189. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Ce fut sa destinée, à cet homme qui avait réellement du génie, mais pour qui le génie fut toujours une force perdue, de mériter dix gloires pour une, et toutes ces dix, de les manquer ! […] Et, maintenant que ses plus illustres contemporains sont morts, — ceux-là qui, par leur admiration, auraient pu le montrer du doigt à la Gloire, — à cette bête de Gloire qui s’en détournait, — combien, à présent, y en a-t-il qui la demandent pour lui, cette gloire, non pas comme une aumône, ah ! […] Il masquait son nom et sa personne avec des chefs-d’œuvre qu’il ne signait pas, et l’Angleterre se mourait de curiosité, de cette curiosité plus piquante et plus enivrante pour l’âme choisie qui l’inspire, que la gloire elle-même et ses bruyantes admirations !

190. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Paul Féval » pp. 145-158

Seulement, est-ce à une gloire de journal, c’est-à-dire de journée ; est-ce à cette fonction littéraire de Conteur pour le plaisir de l’imagination du plus grand nombre, qui est toujours une imagination vulgaire ; est-ce au rôle de Perrault pour les grandes personnes que M.  […] Il n’eût pas écrit davantage Les Parents pauvres de Balzac (cette gloire), lesquels faillirent bien d’être interrompus dans le journal, qui s’était oublié au point de les accepter, et tant il ennuya messieurs les abonnés, ce chef-d’œuvre ! […] Féval ait produit, ce n’est pas le nombre des livres, mais leur qualité, qui rapporte à son auteur l’estime ou la gloire. […] Féval, comme tout le monde, et qui n’est plus un mérite, pour que la Critique vienne à lui en attendant la gloire ! […] Féval, à la double nature, aristocratique et artiste, pour cet homme d’esprit qui échappe à tout par le don précieux de l’ironie et n’est dupe de rien, pas même peut-être de ses propres inventions, ne voilà-t-il pas une belle position et une belle gloire que d’être le Dennery du roman et de trôner comme roi d’un genre dans lequel M. 

191. (1890) L’avenir de la science « XII »

C’est le caractère et la gloire de la science moderne d’arriver aux plus hauts résultats par la plus scrupuleuse expérimentation et d’atteindre les lois les plus élevées de la nature, la main posée sur ses appareils. Elle laisse au vieil a priori le chimérique honneur de ne chercher qu’en lui-même son point d’appui ; elle se fait gloire de n’être que l’écho des faits et de ne mêler en rien son invention propre dans ses découvertes. […] C’est pour cela que l’homme du peuple est bien plus sensible à la gloire patriotique que l’homme plus réfléchi, qui a une individualité prononcée. […] L’homme du peuple, au contraire, qui n’a rien de tout cela, s’attribue comme un patrimoine la gloire nationale et s’identifie avec la masse qui a fait ces grandes choses. […] La gloire de Napoléon est la gloire de ceux qui n’en ont pas d’autres.

192. (1887) Essais sur l’école romantique

Respect et gloire aux monuments de la vieille école ! […] Heureux qui toute avec succès un concours dont le prix est toujours la gloire ! […] En Angleterre, lord Byron lui a déjà fait une gloire. […] vous savez ce que cela signifie dans le vocabulaire de nos gloires contemporaines ! […] Victor Hugo était porté aux succès précoces et à la gloire factice des Académies.

193. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXIV » pp. 294-298

Saint-Marc Girardin, vers la fin de son discours, avait assez délicatement touché cette situation en disant : « Et pardonnez-moi, messieurs, si le souvenir de nos jeunes princes50me ramène naturellement vers ces écoles d’où ils sont sortis, vers ces lieux où j’ai mes plus doux devoirs, où il m’est donné de vivre avec les jeunes gens, et d’observer l’avenir de la patrie à travers le leur ; là aussi je vois la jeunesse toujours favorable aux bons sentiments et aux nobles pensées, toujours aisément émue quand on lui parle des saintes obligations de la famille ou de la gloire de la France ; bienveillante, j’ai droit de le croire, pour ceux qui l’instruisent, pour ceux même qui l’avertissent. […] Dans nos écoles, messieurs, nous croyons à la gloire littéraire du xixe  siècle, et nous en sommes fiers, nous admirons beaucoup et nous espérons beaucoup, mais nous faisons en sorte d’élever l’admiration par la critique et de féconder l’espérance par l’étude. » M. […] En entrant dans cette compagnie séculaire que tant de grands noms ont honorée, où il y a tant de gloire et par conséquent tant de calme, chacun dépose sa passion personnelle, et prend la passion de tous, la vérité.

194. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Le cardinal, jaloux du poète qui lui échappait, et envieux en même temps de sa gloire, imposa à l’Académie la critique du Cid. […] C’était l’époque la plus brillante de l’hôtel de Rambouillet ; c’était aussi l’époque où commença la gloire du grand Corneille. […] J’observe, en finissant ce chapitre, que vers la fin de la période dont il traite (en 1637) parut le premier ouvrage de Descartes, celui qui l’ait son plus incontestable titre de gloire ; je parle de son Discours sur la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences.

195. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DISCOURS DE RÉCEPTION A L’ACADÉMIE FRANÇAISE, Prononcé le 27 février 1845, en venant prendre séance à la place de M. Casimir Delavigne. » pp. 169-192

C’est marcher tout d’abord dans cette voie, Messieurs, que de venir retracer devant vous un caractère et un talent comme celui de Casimir Delavigne : il a eu dès le premier jour la célébrité, il a obtenu la gloire, et il n’a pas cessé un seul instant depuis d’y joindre l’estime. […] C’est ainsi qu’en un temps où d’autres talents élevés poursuivaient et atteignaient, ou manquaient la gloire, en d’autres régions plus orageuses de la sphère et sur d’autres confins, lui, il suivait sa belle et large voie, populaire d’une popularité légitime, heureux d’un bonheur possible : en un mot il réalisait dans toute sa vie une sorte d’idéal tempéré et continu, sans aucune tache. […] On le conçoit, le théâtre, c’est l’arène de tous les cœurs amoureux de la grande gloire littéraire, de tous ceux qui briguent hautement la palme et qui croient à la rémunération publique du talent. […] En tout, c’était là je ne dirai pas un spectacle touchant (il n’y avait pas spectacle), mais une touchante manière de jouir de sa gloire et de la mériter d’autant mieux, en s’y dérobant. […] Tous ces souvenirs émus, reconnaissants, se rassemblaient ici une dernière fois, et montaient avec quelque chose de plus doux que la voix même de la gloire.

196. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Alors Pisistrate, général des Athéniens, désirant s’acquérir de la gloire et faire revivre les poèmes d’Homère, prit la résolution suivante. […] Son enfant vint au monde au milieu d’une procession à la gloire des divinités dont il devait répandre le culte, au chant des hymnes, sous un platane, sur l’herbe, au bord du ruisseau. […] La gloire d’un enfant remonte pour l’éclairer jusqu’au brin d’herbe où il fut couché en tombant du sein de sa mère. […] Les dieux lui destinaient à son insu moins de bonheur et une autre gloire : le monde à enseigner, et la gloire immortelle pour héritage. […] Il lui apprend ensuite la gloire, cette passion de l’estime mutuelle et de l’estime éternelle, donnée aux hommes comme l’instinct le plus rapproché de la vertu.

197. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Balzac. » pp. 443-463

Comment l’artiste serait-il resté insensible et sourd à ces mille échos de la célébrité, et n’y aurait-il pas entendu l’accent de la gloire ? […] M. de Balzac avait le corps d’un athlète et le feu d’un artiste épris de la gloire ; il ne lui fallut pas moins pour suffire à sa tâche immense. […] Pour lui, « un grand artiste aujourd’hui, c’est un prince qui n’est pas titré ; c’est la gloire et la fortune ». […] Quand on lui parlait de la gloire, il en acceptait le mot et mieux que l’augure ; il en parlait lui-même quelquefois agréablement : La gloire, disait-il un jour, à qui en parlez-vous ? […] N’est-ce pas là la gloire ?

198. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Il y avait de la gloire à décider cet être ; et ce sentiment fut sûrement un de ceux qui fortifièrent le roi dans les grandes entreprises où tant de motifs l’engageaient. […] L’amour de la gloire était la seule chose dont il ne plaisantait jamais17. […] car si l’espèce humaine est si sotte et si digne de mépris, et s’il n’y a rien ni personne en-dessus d’elle, pourquoi s’aller dévouer corps et âme à l’idée de gloire, qui n’est autre que le désir et l’attente de la plus haute estime parmi les hommes ? […] Mais, même l’intérêt du souverain mis de côté, il répugne de voir un grand homme se salir à des plaisanteries de ce genre contre des objets respectables aux yeux du grand nombre ; c’était jusqu’à un certain point violer cette tolérance hospitalière dont il se faisait gloire, que de mépriser ainsi tout haut ce qu’il prétendait accueillir et tolérer. […] Il s’étend sur ce règne avec complaisance ; il va même jusqu’à oser établir un parallèle entre ce petit prince du Nord et Louis XIV dans sa gloire : sauf deux ou trois traits un peu fleuris et trop mythologiques, sauf un léger accent oratoire qui perce çà et là, cette comparaison fournit à une belle page historique et d’une véritable élévation.

199. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Avoir raison de Beaumarchais, qui avait eu raison de tant d’adversaires, était une ambition et une gloire qui devaient tenter de plus jeunes, et il l’éprouva. […] Énonçant les motifs, réels ou non, qu’il avait eus pour entrer dans la discussion, il alla droit, avant tout, à l’adversaire, et le frappant de l’épée au visage, selon le conseil de César, il le raillait sur cette prétention au patriotisme, au désintéressement et au bien public, de laquelle Beaumarchais aimait (et assez sincèrement, je le crois) à recouvrir ses propres affaires et ses spéculations d’intérêt : Tels furent mes motifs, s’écriait-il déjà en orateur, en maître puissant dans la réplique et dans l’invective ; et peut-être ne sont-ils pas dignes du siècle où tout se fait pour l’honneur, pour la gloire, et rien pour l’argent ; où les chevaliers d’industrie, les charlatans, les baladins, les proxénètes n’eurent jamais d’autre ambition que la gloire sans la moindre considération de profit ; où le trafic à la ville, l’agiotage à la Cour, l’intrigue qui vit d’exactions et de prodigalités, n’ont d’autre but que l’honneur sans aucune vue d’intérêt ; où l’on arme pour l’Amérique trente vaisseaux chargés de fournitures avariées, de munitions éventées, de vieux fusils que l’on revend pour neufs, le tout pour la gloire de contribuer à rendre libre un des mondes, et nullement pour les retours de cette expédition désintéressée… ; où l’on profane les chefs-d’œuvre d’un grand homme (allusion à l’édition de Voltaire par Beaumarchais), en leur associant tous les juvenilia, tous les senilia, toutes les rêveries qui, dans sa longue carrière, lui sont échappées ; le tout pour la gloire et nullement pour le profit d’être l’éditeur de cette collection monstrueuse ; où pour faire un peu de bruit, et, par conséquent, par amour de la gloire et haine du profit, on change le Théâtre-Français en tréteaux, et la scène comique en école de mauvaises mœurs ; on déchire, on insulte, on outrage tous les ordres de l’État, toutes les classes de citoyens, toutes les lois, toutes les règles, toutes les bienséances… Voilà donc Mirabeau devenu le vengeur des bienséances et des bonnes mœurs contre Beaumarchais, et Figaro passant mal son temps entre les mains du puissant athlète, qui le retourne et l’enlève de terre au premier choc. […] En rabattant de l’exaltation bien naturelle à un vieillard, plein d’imagination, qui se souvient de son plus beau moment de gloire, on sent en plus d’un passage l’accent de la conviction et d’une sincérité persuasive Beaumarchais, dans ses souvenirs, oubliait sans doute bien des détails qui eussent apporté de l’ombre au tableau, mais il avait raison en parlant de cet intérêt public, de cet aspect patriotique et général sous lequel avait toujours eu soin de placer et de voir même son intérêt particulier.

200. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Ce n’est pas la guerre pour la guerre qu’aime Frédéric, ce n’est pas même la guerre pour la conquête : « J’aime la guerre pour la gloire, dit-il ; mais si je n’étais pas prince, je ne serais que philosophe. […] Mon âge, le feu des passions, le désir de la gloire, la curiosité même (pour ne te rien cacher), enfin un instinct secret m’ont arraché à la douceur du repos que je goûtais, et la satisfaction de voir mon nom dans les gazettes et ensuite dans l’histoire m’a séduit. […] Dès l’entrée en campagne, le roi a confiance en ses troupes ; il a su les animer de sa passion de gloire : « Mes troupes en ont le cœur enflé, et je te réponds du succès. » Au camp de la Neisse (15 septembre 1741), au moment où il espère encore amener M. de Neipperg à une bataille, le roi écrit : « Nous avons le plus beau camp du monde, et ces deux armées qu’on aperçoit d’un coup d’œil semblent deux furieux lions couchés tranquillement chacun dans leur repaire. » Un jour, trois ou quatre mille hommes de la garnison de Brünn, dans une sortie, attaquent un régiment de quatre cents Prussiens logés dans un village ; le village est brûlé, mais les ennemis sont repoussés et chassés sans avoir gagné le moindre avantage : Truchsess (le colonel), Varenne et quelques officiers, écrit le roi, ont été légèrement blessés ; mais rien ne peut égaler la gloire que cette journée leur vaut. […] Nous avons fait de plus six cents prisonniers hongrois, et nos braves soldats, qui ne savent que vaincre ou mourir, ne me font rien redouter pour ma gloire. […] À Berlin, lorsque Jordan n’était pas malade, il voyait le roi tous les jours, de sorte que celui-ci pouvait dire avec regret, après l’avoir perdu : « Nous avons vécu sans cesse ensemble. » La première guerre de Silésie terminée (juin 1742), Frédéric n’a plus qu’un désir, revenir administrer en bon et sage roi ses peuples : J’ai fait ce que j’ai cru devoir à la gloire de ma nation ; je fais à présent ce que je dois à son bonheur.

201. (1896) Le livre des masques

Pierre Quillard a réuni ses premières poésies sous un titre qui serait, pour plus d’un, présomptueux : La Gloire du Verbe. […] Il y a même à Paris deux ou trois « machines à gloire » qui s’arrogèrent le droit de prononcer seules ce mot qu’elles exilaient du dictionnaire. […] Paul Adam est dans tout son rayonnement et à la veille même de la gloire. […] Il mérite la gloire, si aucun la mérita (la gloire est toujours injuste), puisqu’à l’originalité du talent le maître des esprits a voulu qu’en cet être singulier se joignît l’originalité de l’âme. […] Leur gloire finalement est d’être aimés un peu de loin et compris presque, comme vus et lus des parchemins dans le coffre aux vitres scellées.

202. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

Ce sera donc un autre livre qui lui donnera la gloire. […] Il a souffert de sa gloire même. […] Ce sentiment, c’est l’amour de la gloire. […] Non, l’on n’est plus assez naïf pour désirer la gloire. […] Chateaubriand était captif de son rôle et captif de sa gloire.

203. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

La Poésie Françoise, portée au plus haut point de noblesse, d’élégance, de sentiment, & de pureté, a consacré sans réserve son nom à une gloire immortelle. […] S’il n’a point eu, comme Corneille, la gloire de tirer la Tragédie du chaos, de lui imprimer le premier ce caractere de noblesse & de dignité qui lui est essentiel, d’en fixer les regles & les beautés parmi nous ; qui osera lui disputer celle de s’être fait un genre qui lui est propre, d’avoir égalé, surpassé même, à quelques égards, les chef-d’œuvres de son prédécesseur ? […] Voilà Racine, qui, venant après Sophocle, Euripide, Corneille, se forme sur leurs différens caracteres, &, sans être ni Copiste ni Original, partage la gloire des plus grands Originaux. […] C’est ainsi que les vrais Grands Hommes ont la gloire de se former des successeurs, au lieu que tant de louanges prodiguées si mal à propos aux jeunes gens qui commencent, & dont on veut se faire des Panégyristes, ne sont propres qu’à produire des hommes vains & médiocres.

204. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Est-il étonnant qu’une si magnifique gratification dans la gloire, Dieu ne l’y ajoute pas toujours ? […] ce n’est pas une loi de la nature et de notre misère qu’une grande gloire morte ait ses vers qu’elle engraisse de sa lumière comme les cadavres ont les leurs, et il est bien temps, pour l’honneur de l’esprit en France, que la critique enfin proteste contre toutes ces profanations ! […] N’était-ce pas méconnaître le meilleur de sa gloire ? […] Elle oubliait qu’au sortir de la Révolution française Napoléon ne s’était pas contenté de relever l’autorité, sans laquelle nul gouvernement n’est possible, mais que ce grand passager du pouvoir et de la gloire avait créé tout un ensemble d’institutions, et que c’est par là, justement, qu’il ne passerait pas, et qu’au contraire il confondrait sa destinée avec l’avenir de la France !

205. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Soit cette admiration naïve comme en ont souvent les esprits qui vivent sur les idées d’un grand homme, car la moyenne de l’humanité n’est guère plus qu’une plèbe servile de rabâcheurs, soit la spéculation qui déchiquète à son profit toute célébrité nouvelle, les imitateurs de Cervantes se levèrent de toutes parts au premier coup de cloche de sa gloire. […] Bientôt, pour la gloire du vieux Cervantes, comme pour le gouvernement de Louis XIV, il n’y eut plus de Pyrénées. […] Mais Avellaneda, le continuateur de Cervantes, qu’il ait été un laïque ou un prêtre, un spéculateur qui veut gagner sa poignée de ducats ou un envieux qui ait tenté de voler sa gloire à un homme qui n’avait que de la gloire à voler, qu’importe à la postérité, qui ne juge les hommes que sur leurs œuvres et qui ne s’intéresse qu’à un seul genre d’incognito, — celui des rois ou des empereurs de la pensée !

206. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

L’admirable public que Balzac avait contribué à rendre plus difficile, même pour lui, ne fut pas dupe de ces secrètes caresses qu’il se faisait à lui-même, ni de ce soin laborieux de sa gloire. […] On y retrouvait cette même complaisance du rhéteur, tournant toute chose à sa gloire, aimant sans doute la vérité, mais d’une bien moindre affection que sa réputation d’esprit. […] Ces misères de la gloire littéraire firent tourner son esprit à la dévotion. […] Balzac avait donné le goût de quelque chose de meilleur que ses écrits ; c‘est la première gloire après celle de contenter ce goût. […] Au moment où la vogue quitte Balzac et Voiture, la gloire de Mme de Sévigné commence18.

207. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

Elles se concertèrent pour obtenir d’Alphonse II, leur frère, qu’il attachât à sa personne le jeune Torquato, gloire future de leur maison, et déjà souci secret de leur cœur. […] C’est là qu’il convoquait tous les poètes et tous les artistes de l’Italie à jouir des magnificences et à concourir à la gloire de la maison d’Este. […] Un peintre, un architecte, un sculpteur, un poète faisait pencher la balance entre Rome, Florence, Ferrare, Naples, Milan ; c’était le génie qui donnait la supériorité et la gloire. […] Ce coup parut abattre son courage ; il s’adressa au duc de Ferrare pour prévenir ce larcin de sa gloire et de sa fortune. […] Le Tasse, dans sa réponse pleine de sens, de modestie et d’admiration pour l’Arioste, son modèle et son maître, décline cette gloire.

208. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Voilà comme je parlerais à Mme de Staël sous le rapport de la gloire. […] Ils réduisent à chercher la gloire ceux qui se seraient contentés des affections ; eh bien ! […] » La gloire en effet entra dès lors en partage ouvert dans son cœur avec le sentiment. […] Avec Corinne elle est décidément entrée dans la gloire et dans l’empire. […] comme elle lui eût fait aimer la vie, la gloire !

209. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

On pressent que nous allons parler de sa passion pour Laure, passion qui fut sa vie, sa faute et sa gloire. […] Je ne m’en glorifie pas, car il n’y a point de gloire dans le hasard ; mais je m’en suis toujours félicité, car la poésie et la beauté ont été toujours à mes yeux les vraies noblesses des femmes. […] Un tel amour divinisé par de tels vers était, à cette époque, une gloire et non un affront pour une famille. […] Séduit par la vaine gloire que la poésie promet à ceux qui la cultivent, vous avez renoncé aux solides honneurs que procure la science des lois. […] Je ne sais si je dois rire ou pleurer, quand je pense qu’ils trouvent indigne d’eux ce nom de citoyen romain que tant de héros ont fait gloire de porter !

210. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Ils se conseillent au lieu de se critiquer ; la gloire de l’un et la gloire de l’autre ne semblent être qu’une même gloire. […] Goethe ne s’offensait pas, comme on va le voir, de cette promiscuité de gloire entre son ami et lui. […] La pièce réussit et devient la gloire immortelle de Schiller. Goethe la goûte comme sa propre gloire. […] La beauté est la tentation de l’homme, la gloire est la séduction de la femme.

211. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Telle est la gloire quand on l’approche de trop près : absente on la désire, présente elle pèse. […] Le fait est que tous les bonapartistes détestent les Russes, contre lesquels la puissance de leur maître est venue se briser.… et un capucin balaye maintenant toute cette poussière restée de la gloire et de la liberté de Rome !  […] Je me chargerais encore de donner une grande gloire à la France, comme j’ai contribué à lui faire obtenir une grande liberté ; mais me ferait-on table rase ? […] Vous me dites des choses charmantes sur ma gloire. […] Ce fut sa dernière gloire devant son siècle.

212. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Il en fera toujours sa beauté, sa force et sa gloire. […] Aussi la noble gloire n’est-elle plus possible dans cet ergastule révolté ! […] C’est la gloire et c’est le danger de parler à la multitude. […] C’est sa gloire et c’est son deuil. […] L’un est en danger pour sa gloire et l’autre pour son autorité.

213. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

On conçoit à peine les travaux immenses qu’il entreprit pour se préparer à cette gloire. […] Il revoyait le théâtre de sa gloire ; il reprenait le chemin de l’empire. […] La vertu du jeune prince le contenait ; et il avait peur de sa gloire. […] Les lettres semblaient mises sous la protection de la gloire et de la liberté. […] Ce n’est pas qu’il paraisse toujours ignorant ou insouciant de sa gloire, comme on l’a cru.

214. (1857) Cours familier de littérature. III « XIVe entretien. Racine. — Athalie (suite) » pp. 81-159

La première était une tragédie de Médée, dans le genre de celle qui vient de donner récemment une triple gloire à M.  […] Les noms des rois de nos dynasties et la gloire des lettres se trouvaient partout confondus dans une inséparable solidarité de rayons. […] Venez dans mon palais, vous y verrez ma gloire. […] Lève, Jérusalem, lève ta tête altière ; Regarde tous ces rois de ta gloire étonnés ! […] Il aimait la gloire présente, et il ne savait pas l’attendre.

215. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Le barbier lui paya bien sa gloire usurpée. […] Michel-Ange s’indigna contre Bramante, qui voulait atténuer une gloire par une autre ; Raphaël éluda modestement lui-même ce défi, le pape ne consentit pas à dégrader le talent qui faisait l’éclat de son règne. […] La terre donne des empires ; le ciel seul donne la gloire aux règnes. Cette gloire est dans les grands hommes qui les illustrèrent. […] L’histoire ne doit dérober ni à San Gallo ni à Bramante la gloire d’avoir conçu, exhaussé sur ses premières assises et fondé le plus vaste, le plus magnifique temple du culte moderne.

216. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Ils ont vécu au jour le jour, en épicuriens de la gloire, heureux des roses et des faveurs de chaque matin, gaspillant à des riens mille grâces. […] Les trois quarts de sa longue vie, toute diaprée de madrigaux et de conseils à Iris, se passèrent dans les jouissances littéraires sans envie, dans la goutte sans aigreur : il eut de la gloire dans sa chambre. […] On a son Epitre à Sapho, dans laquelle il s’attache à lui déconseiller la gloire, et à l’édifier sur l’amour : c’est une très-ingénieuse pièce contre l’immortalité poétique. […] Après avoir démontré, fort joliment, que la gloire après la mort n’est rien, il continue : Cessez donc, ô Sapho, de vous en faire accroire ; Dans un monde nouveau ne cherchez plus la gloire, Et faites succéder, au soin de l’acquérir, Le soin de la connoître et de vous en guérir. […] Au commencement de ce siècle on se retourna encore pour regarder un moment ces petites gloires près de disparaître : Mlle de Meulan, qui n’était pas sans quelque rapport de bel-esprit moraliste avec Mme Des Houlières, a parlé d’elle plus d’une fois et assez bien.

217. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Ceux qui sont allés jusqu’au bout de ses romans licencieux y ont appris, entre autres choses, qu’il y a de la mode jusque dans la licence, et que l’écrivain qui va le plus loin en ce genre ne peut pas même se promettre la gloire de n’être pas surpassé. […] La gloire des explications hardies, des vues fécondes mêlées d’erreurs réparables, est restée tout entière à Buffon. […] Je ne suis pas si inquiet sur la gloire de Bernardin de Saint-Pierre que cet apologiste qui, trouvant sans doute Paul et Virginie un trop petit bagage, nous renvoie aux Études, « non pour y voir le grand peintre, dit-il, ce qui est n’y rien voir, mais pour y admirer la pensée supérieure qui unit l’homme aux nations, les nations au monde, et le monde à Dieu125. » Si Bernardin de Saint-Pierre avait à attendre sa gloire jusqu’au jour où le monde sera d’accord avec son apologiste sur « la pensée supérieure » des Études, il l’attendrait longtemps. […] Par malheur, il arriva un jour où la politique fit briller aux yeux de Chateaubriand une autre gloire que celle des lettres, la gloire de l’homme d’Etat. […] Cette dispute a commencé, et dût-elle ne pas finir, c’est de la gloire.

218. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

C’est un chant destiné à traduire et à exprimer l’ivresse publique, la gloire des vainqueurs, la pompe des noces solennelles ou le deuil des grandes funérailles, quelque sentiment général qui transporte à un moment une nation. […] Telles étaient essentiellement celles de Pindare, la couronne et la gloire des Jeux de la Grèce. […] Cet usage de lire en public et sur la scène des ouvrages nouveaux existait chez les Grecs et les Latins : c’était une source de gloire et d’émulation ;’ j’ai vu M. de Voltaire regretter qu’il soit aboli. […] C’est ainsi qu’il a dit encore des « âmes de gloire effrénées », des « navires effrénés », et tant d’autres expressions qui lui ont été reprochées si souvent. […] « Le Brun-Pindare entre ; on lui ôte sa poudre, on défait ses boucles de côté, et je lui ajuste sur la tête, dit Mme Le Brun, une couronne de laurier, avec laquelle je venais de peindre le jeune prince Henri Lubomirski en Amour de la Gloire.

219. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

comme je fuirais la capitale si j’avais la centième partie de la gloire de M. de Voltaire, avec ses quatre-vingt-quatre ans ! […] Cette soif insatiable de gloire au bord du tombeau, cette inquiétude fiévreuse, cette complexion voltairienne, je ne comprends rien de tout cela. […]  » — Je m’arrête dans ma citation, car, dans le reste du discours que Ducis prête à sa mère, ou qu’il poursuit en son propre nom, il est question du « service des Muses » et du « fantôme de la gloire ». […] C’était le temps où Bonaparte, qui avait fort goûté Ducis, et qui lui avait fait beaucoup d’avances pendant son séjour à Paris après la première campagne d’Italie, jusqu’à vouloir l’emmener avec lui dans l’expédition d’Égypte, fondait un gouvernement nouveau et cherchait à y rattacher tout ce qui avait nom et gloire. […] Dans ces pages de Ducis, on sent comme la saveur de la solitude ; il y avait un idéal de chartreux au fond de l’âme de ce tragique ; il y avait même quelque chose de plus doux : « Vous êtes, écrivait-il à Talma en 1809, vous êtes dans la force de votre âge, de votre talent et de votre gloire.

220. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Sera-t-il plus heureux que Guérin, qui n’a pas vu sa gloire ? […] Il n’a pas cette identité absolue avec le grand poète d’hier, qui a, pour sa gloire, le bonheur d’être mort et dont il est fanatique. […] Ils ont, enfin, à force de génie, violé cette gloire qui longtemps avait fait la bégueule avec eux, et ils l’ont maintenant, comme une maîtresse esclave. […] Je le regrette pour la gloire de son livre. J’aimerais donc cette gloire mieux que lui !

221. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

Les peuples libres ont un esprit de propriété pour tous les genres de gloire qui illustrent leur patrie ; et ce sentiment doit inspirer une admiration qui exclut toute espèce de critique. […] Mais lorsqu’on représente des hommes d’une âme faible et d’une destinée sans gloire, tels que Henri VI, Richard II, le roi Lear, condamnés à périr, le grand débat de la nature entre l’existence et le néant absorbe seul l’attention des spectateurs. […] Shakespeare vous fait pénétrer intimement dans la gloire qu’il vous peint ; vous passez, en l’écoutant, par toutes les nuances, par toutes les gradations qui mènent à l’héroïsme ; et votre âme arrive à cette hauteur sans être sortie d’elle-même. […] La protection tutélaire qu’ils peuvent accorder au timide objet de leur choix, la gloire qu’ils peuvent réfléchir sur une faible vie, est leur charme le plus irrésistible. […] La découverte de l’imprimerie a nécessairement diminué la condescendance des auteurs pour le goût national : ils pensent davantage à l’opinion de l’Europe ; et quoiqu’il importe que les pièces qui doivent être jouées aient avant tout du succès à la représentation, depuis que leur gloire peut s’étendre aux autres nations, les écrivains évitent davantage les allusions, les plaisanteries, les personnages qui ne peuvent plaire qu’au peuple de leur pays.

222. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

I Il y a quelque chose de plus beau que les gloires heureuses, ce sont les gloires infortunées. […] Cette idée, qui est celle de tous ceux qui ont aspiré à la plus grande gloire qu’il y ait parmi les hommes, depuis Fernand Cortès jusqu’à Raousset, depuis Christophe Colomb jusqu’à Lapérouse, — car découvrir des mondes, c’est toujours les prendre à quelqu’un, — cette idée que Raousset manqua, mais qui lui eût donné taille d’histoire s’il l’avait réussie, ne lui vint point comme ces bouffées d’ambition qui passent dans la tête des aventuriers et y portent parfois l’éclair… Le comte Gaston est un singulier mélange de justesse d’esprit et d’audace, d’imagination et de bon sens, de positivisme et de grandiose. […] » Qu’importe qu’il eût pu être comme nous, en travaillant, un écrivain, et gagner ainsi son morceau de pain et sa miette de gloire ! […] La gloire de Raousset est plus haut.

223. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « EUPHORION ou DE L’INJURE DES TEMPS. » pp. 445-455

Bizarrerie de la gloire ! […] Et puisque c’est un rêve qui se dessine à ma pensée en ce moment, qu’on me laisse continuer d’y rêver. — C’était, je vous assure, un lamentable spectacle que celui de toutes ces ombres une fois illustres, et qui elles-mêmes en leur temps, à des époques éclairées et florissantes, avaient paru distribuer la gloire et l’immortalité, — de les voir aujourd’hui découronnées de tout rayon, privées de toute parole sonore, et essayant vainement, d’un souffle grêle, d’articuler leur propre nom, pour qu’au moins le passant pût le retenir et peut-être le répéter. Leur folie de gloire semblait d’autant plus incurable et plus amère, qu’elle avait été satisfaite en son temps et qu’elle n’avait pas toujours été folie. […] Je crois bien que si, à de certains moments, on avait été dire en pleine Memphis, en pleine Rome, en pleine Athènes, à la face de ces civilisations jusqu’alors incomparables : « Vous mourrez, et d’autres, en d’autres lieux, succéderont à votre gloire, à vos plaisirs, à vos lumières », je crois bien qu’on eût été mal venu, médiocrement écouté, et sifflé, sinon lapidé d’importance.

224. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 140-155

Malgré ses singularités, ses paradoxes ; ses erreurs, on ne peut lui disputer la gloire de l’éloquence & du génie, & d’être l’Ecrivain le plus mâle, le plus profond, le plus sublime de ce Siecle. […] La raison de cette supériorité n’est pas difficile à trouver ; elle est toute à sa gloire. […] La gloire est médiocre à ne prouver que ce qui est vrai ; laissons agir la Nature, cédons aux impressions même momentanées, & soyons singulier, pour devenir célebre ». […] Est-ce enfin au milieu d’une dégradation sensible & journaliere, qu’ils pourront prétendre au respect & à la gloire destinée à payer les travaux du génie & des talens ?

225. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Th. Gautier. Émaux et Camées »

Gautier (il faut bien en convenir) tourne actuellement à la gloire, et on ne touche point à cette reine. […] Frapper sur une gloire, c’est la faire retentir ! […] Sa gloire littéraire est très-légitime et c’est sa légitimité que nous voulons montrer aujourd’hui. […] Gautier un tel phénomène d’expression et de style, que la gloire littéraire, ce talent du talent, n’est certes pas trop pour le payer.

226. (1874) Premiers lundis. Tome I « Œuvres de Rabaut-Saint-Étienne. précédées d’une notice sur sa vie, par M. Collin de Plancy. »

On reproche à notre jeune siècle d’être irrespectueux envers le passé, de ne rendre hommage qu’aux gloires modernes, et de jeter à peine quelques regards en arrière sur les hommes honorables et utiles qui ont fait sa destinée. Et cependant jamais le passé ne fut plus étudié qu’aujourd’hui ; jamais les gloires anciennes ne furent plus envisagées face à face ; jamais les hommes qui ont bien mérité de la postérité ne furent mieux appréciés et connus. […] Tel est le mérite des Lettres sur l’histoire primitive de la Grèce, adressées à Bailly, qu’unissait dès lors à l’auteur une sympathie d’opinions et de vertus, présage d’une communauté prochaine de gloire et de malheurs.

227. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponsard, François (1814-1867) »

Voilà qui est assez peu logique pour un homme de tant de bon sens : on peut écrire en métaphores très rassises, on peut ne pas hanter la Place-Royale, et n’en pas moins refuser son suffrage à son Agnès qui n’a point succombé, comme il le voudrait établir, sous les attaques intolérables de l’école nouvelle, mais qui a péri très justement par l’absence des qualités qui donnent la vie et font la gloire. […] L’originalité et la gloire de son œuvre est justement d’avoir ramené vers les vérités fortes et salubres nos esprits égarés dans l’invraisemblable, le paradoxal et l’impossible, d’avoir exprimé ces vérités immortelles dans un style ferme, net, franc, de bonne école et de bonne race, d’avoir fait circuler dans les veines de la comédie moderne, après tant de fièvres et de langueurs, un reste de ce sang vigoureux et pur qui semblait tari depuis les maîtres, et de n’avoir pas craint de nous paraître banal pour être plus sûr d’être vrai. […] Que n’eût pas été cet ouvrage, qui abonde, d’ailleurs en beautés de premier ordre et à qui toute justice n’a pas été rendue, si le poète, en l’écrivant, n’eût pas senti peser sur lui sa précoce gloire de chef de l’école de bon sens ?

228. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Les écrivains qui accréditent cette erreur ne remarquent pas que si leur opinion était juste, la gloire de Molière, qu’ils croient rehausser, serait au contraire rabaissée : car, s’il était vrai qu’il eut fait la guerre à la marquise de Rambouillet, à sa fille Julie, aux Sévigné, aux La Fayette, aux La Suze, au lieu de la faire seulement aux Scudéry, on pourrait dire qu’il est sorti vaincu d’un côté, étant vainqueur de l’autre, un effet, s’il a purgé la langue et les mœurs des affectations hypocrites et ridicules des Peckes, d’un autre côté les femmes illustres, qui ont survécu à l’hôtel de Rambouillet et en avaient fait partie, ont banni du langage et des mœurs des grossièretés et des scandales qu’il protégeait, et y ont apporté des délicatesses et des larmes dont elles ont eu les premières le sentiment. La gloire de Molière et celle des femmes illustres du temps sont intéressées à ce que la postérité reconnaisse la différence de leur tâche, qui n’avait rien d’opposé, l’une étant de purger la société d’un ridicule, l’autre d’y introduire un mérite nouveau ; cette tâche, il faut leur savoir gré de l’avoir également bien remplie. […] La même méprise, qui fait imputer à l’hôtel de Rambouillet la préciosité des manières et du langage, fait méconnaître les services qu’il a rendus aux mœurs, à la langue même et à la littérature, et lui dérobe une gloire qui lui appartient.

229. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Mais, du moins, n’oublions point nos gloires d’hier, si nous voulons voir demain fleurir des gloires inconnues. […] En est-il un seul parmi nos contemporains qui échangeât volontiers sa gloire contre leur existence ? […] Mais là encore ce n’était ni la gloire, ni la fortune. […] Et peut-être, sans gloire, sans rayons, sans fracas, sont-ils plus heureux que Molière. […] Riches, faites faire des statues à sa gloire.

230. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Girac, et Costar. » pp. 208-216

Costar, transporté de joie, se félicita d’avoir réfuté Girac, lui fit faire des remercimens de lui avoir ouvert le chemin de la fortune & de la gloire, & publia qu’il avoit plus d’obligation à son adversaire qu’à tous ses amis. […] Costar, animé par le succès, par la protection de plusieurs grands, par la gloire de défendre un bel-esprit dans un ancien ami, profita de sa supériorité, répliqua promptement. […] « Quel avantage, s’écrie Girac, & quelle gloire puis-je prétendre de tout ce démêlé ?

231. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

      Quel précoce amant de la gloire,       Dans ses yeux portant la victoire, Rompt tes vieux bataillons jusqu’alors si vaillants ? […] Accorder hautement sa protection à un ennemi déclaré, tombé dans la disgrâce, abandonné de tous, devenu l’objet du mépris et de la haine publics ; montrer à son égard une tendresse plus que maternelle ; s’opposer en même temps et à la colère du prince et à l’aveugle fureur du peuple : voilà ce qui fait la gloire de notre sainte religion. […] Le riche, en entrant ici, n’a qu’à ouvrir les yeux pour reconnaître la vérité de cette parole : Toute chair n’est que de l’herbe, et toute sa gloire est comme la fleur des champs. […] C’était M. de Colbert, me direz-vous ; je l’avoue, et je prétends bien que le ministre doit partager la gloire du maître. […] Souffrez donc, Mylord, que je tâche d’élever à sa gloire un monument, que je consacre encore plus à l’utilité du genre humain.

232. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Les systèmes métaphysiques et politiques de Platon ont bien moins contribué à sa gloire, que la beauté de son langage et la noblesse de son style. […] La gloire moderne n’eût pas suffi pour récompenser de tels efforts ; il ne fallait pas moins que la gloire antique, pour donner la force de soulever de si grands obstacles. […] Aristote cependant, qui vécut dans le troisième siècle grec, par conséquent dans le siècle supérieur pour la pensée aux deux précédents, Aristote a mis l’esprit d’observation à la place de l’esprit de système ; et cette différence suffit pour assurer sa gloire.

233. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

A un siecle de génie, de raison, de grandeur & de gloire, ont succédé des temps de frivolité, de foiblesse, de vertige & d’absurdité. […] Mais si la multitude est une fois instruite des ressorts qu’ils ont mis en œuvre pour faire réussir leurs Ouvrages, enfler leur réputation, accréditer leurs maximes, augmenter leur crédit, multiplier le nombre de leurs partisans ; si on lui fait voir une ligue offensive & défensive, établie dans leur Secte, pour la rendre dominante ; l’encens brûlant sans cesse, pour parfumer les Membres qui la composent ; des bouches gagées pour crier à l’apothéose en faveur de ses Chefs, & leur départir les triomphes de la gloire & du génie ; des nuages malignement répandus sur le talent capable de les offusquer : alors elle cessera bientôt de nous trouver extraordinaires. […] De petits objets, de petites vues, de petits motifs, de petits moyens, de petites inventions, de petits amusemens ont remplacé, dans les ames Françoises, cette chaleur & cette élévation qui firent la gloire de nos Ancêtres, qui ont été supérieurs en tout, parce qu’ils n’étoient pas Philosophes. […] Il seroit inutile de leur dire, qu’en Littérateurs zélés & en bon Citoyens, nous préférons l’intérêt des Lettres & du Public, à celui de leur vanité ; qu’avec les mêmes sentimens, ils devroient être plus dociles, & ne pas s’offenser ; que tant de penchant à se révolter contre la censure, est la preuve la plus certaine d’un talent médiocre & d’une gloire usurpée ; que rien ne nous assujettit ni ne peut nous assujettir à louer ce qui ne nous paroît pas louable ; que nous leur permettons la critique de nos jugemens, sauf à y répondre, s’ils n’apportent pas de bonnes raisons : nous nous contenterons de les assurer que l’impartialité a été notre premiere regle.

234. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

Il aimoit la gloire & la célébrité autant que personne. […] S’il fut cause de la mort de tant de milliers de gens qui se croisèrent sur la foi de ses prophéties, on lui doit aussi la gloire d’avoir sauvé la vie à une multitude innombrable de juifs innocens, qu’un moine, nommé Raoul, vouloit faire exterminer. […] Il regarda cette rétractation, comme la marque d’une foiblesse, comme une atteinte à sa gloire littéraire. […] Sa gloire n’étant plus balancée, il en jetta plus d’éclat : mais il mourut lui-même quelques années après, dans la soixante-troisième année de son âge.

235. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Sa gloire était toute nationale et péninsulaire… Elle paraissait détachée de l’histoire générale de l’Europe comme son pays, entouré par la mer de trois côtés à la fois. C’est une observation qui n’a pas été faite, que les gloires espagnoles manquent de la grande popularité historique, et lorsque l’exception a eu lieu, comme pour Charles-Quint, Philippe II et Fernand Cortez, c’est qu’ils s’épanchèrent par la puissance et par les armes et qu’ils furent plus Européens qu’Espagnols. Ximénès, qui fut Espagnol, et qui, de plus, fut moine, gisait dans un in pace de sa gloire, chaque jour plus muette. […] Isabelle la Catholique, que le docteur Hefele a comparée aussi à Élisabeth d’Angleterre en prouvant par des faits nombreux que la grande Espagnole l’emportait sur la grande Anglaise, Isabelle a laissé dans l’histoire trois témoins qui déposeront éternellement pour elle et seront comme les parrains de sa gloire : Christophe Colomb, le capitaine Gonzalve de Cordoue et Ximénès !

236. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Ces lettres, qui n’ont plus, comme le livre célèbre des Prisons, le beau cadre noir des Piombi pour faire repoussoir à leurs teintes douces, emporteront, ce n’est pas douteux, ce qui reste encore de l’espèce de gloire que les partis avaient arrangée à Silvio Pellico bien plus qu’il ne l’avait véritablement méritée. […] Nous préférons au Silvio Pellico de la commisération publique le Silvio qui ne la demande pas, le Silvio humble, sévère pour lui, et surtout repentant de sa faute que l’on a travestie en gloire. […] Pour eux, en effet, par ces lettres, Silvio Pellico aura trahi sa propre mémoire, cette gloire qu’ils lui avaient faite de leurs mains ! […] Il s’agit d’un livre, le moins livre des livres, qui, en quelques pages d’une simplicité infinie, éteint une gloire dangereuse qu’on avait allumée, comme un phare, sur le donjon du Spielberg.

237. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Ces lettres qui n’ont plus, comme le livre, célèbre des Prisons, le beau cadre noir des Piombi pour faire repoussoir à leurs teintes douces, emporteront, ce n’est pas douteux, ce qui reste encore de l’espèce de gloire que les partis avaient arrangée à Silvio Pellico, bien plus qu’il ne l’avait véritablement méritée. […] Nous préférons au Silvio Pellico de la commisération publique le Silvio qui ne la demande pas, le Silvio humble, sévère pour lui et surtout repentant de sa faute que l’on a travestie en gloire ; mais nous, nous n’avons jamais travaillé à la statue de ce pauvre poëte dont le doux nom a servi à tant de tapages ! […] Pour eux, en effet, par ces lettres, Silvio Pellico aura trahi sa propre mémoire, cette gloire qu’ils lui avaient faite de leurs mains ! […] Il s’agit d’un livre, le moins livre des livres, qui, en quelques pages, d’une simplicité infinie, éteint une gloire dangereuse qu’on avait allumée, comme un phare, sur le donjon du Spielberg.

238. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

… Telle est la question que nous ne craignons pas de poser devant sa jeune gloire… Comme les diverses manifestations de l’esprit n’en changent jamais la nature, la place d’Augier dans la poésie lyrique et élégiaque nous semble devoir être identiquement la même que dans la poésie dramatique, — moins les retentissements d’un succès, toujours plus sonores à la scène qu’ailleurs ! […] La gloire d’Alfred de Musset, c’est d’avoir hérité du crâne joyeux et triste des orgies de Newstead et d’y avoir pleuré, tout en y buvant, les plus belles larmes qui aient jamais été versées dans une coupe pleine d’ivresses, depuis les larmes du roi de Thulé. […] La gloire de son génie est d’avoir toujours fait bon ménage avec elle. […] Or, pour Reboul, et même pour Jasmin, qui a plus de terroir que Reboul, la gloire se fabrique à Paris.

239. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Vigny. Œuvres complètes. — Les Poèmes. »

Mais je ne veux pas traiter la question de savoir lequel est, absolument, le premier de ces deux hommes, occupé uniquement que je suis de faire saillir les ressemblances de leur génie, ce qui suffira, du reste, encore, pour la gloire de celui qui n’est pas le premier des deux. […] ………………………………………………… J’ai marché devant vous, triste et seul dans ma gloire, Et j’ai dit dans mon cœur : Que vouloir à présent ? […] C’est le sublime de la bonté conçue, presque égal à celui de la bonté de l’action… Seulement, comme un palais qui serait taillé dans une perle, il faut voir les détails de cette création inexprimable à tout autre qu’au poète qui a su en faire trois chants, qu’on n’oubliera plus tant qu’il y aura un cœur tendre et un esprit poétique dans l’univers, mais qui n’en sont pas moins trop purs et trop beaux pour cette grossièreté de lumière, de bruit et d’éclat qu’on appelle la Gloire ! […] Il eut une autre gloire… mais il y a plus beau peut-être que notre puissance littéraire, c’est la pureté immaculée de notre première originalité.

240. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Mirabeau, dans sa première jeunesse, s’était cru d’abord destiné à la guerre et à la gloire des armes : Élevé, dit-il, dans le préjugé du service, bouillant d’ambition, avide de gloire, robuste, audacieux, ardent, et cependant très flegmatique, comme je l’ai éprouvé dans tous les dangers où je me suis trouvé ; ayant reçu, de la nature, un coup d’œil excellent et rapide, je devais me croire fait pour le service. […] Il serait curieux, et je le ferai peut-être un autre jour, de suivre les variations, les luttes, les contradictions violentes de ce père à la fois irrité, humilié, et, à de rares instants, enorgueilli de son fils, durant ces années d’une célébrité si mélangée et encore douteuse, par où celui-ci préludait à la gloire. Pourtant ce mot de gloire, le père implacable, vaincu dans ses derniers jours, a fini par le proférer de loin sur la tête radieuse de son fils. Lorsque, décidément, le Mirabeau pamphlétaire eut cessé et que l’orateur eut levé la tête, quand il eut pris son grand rôle dans les assemblées des États de Provence et qu’il s’y fut dessiné comme tribun déjà et comme pacificateur tout ensemble, le vieillard, lisant la relation de ces scènes mémorables, s’écria : « Voilà de la gloire, de la vraie gloire !  […] Je l’ai vérifié par moi-même, et, dans quelques conversations et communications, j’ai aperçu vraiment du génie. » Génie et gloire, voilà le dernier mot de ce père si longtemps impitoyable et inexpugnable : c’est la bénédiction finale qu’il envoie à son fils.

241. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

La guerre éclata entre l’Empire et la Turquie ; le prince Eugène commandait l’armée impériale en Hongrie, et Bonneval s’y couvrit de gloire. […] Il est bien juste que je tire quelque avantage d’une gloire que vous acquérez à un prix si cher pour mon âme et pour toute ma tranquillité. Mme de Bonneval est digne de ses aïeux ; elle sent ce que c’est que la gloire des armes. […] Je crains toujours que la gloire ne soit une rivale bien redoutable pour moi. […] S’en prenant au protecteur même de l’insulte du protégé, il va adresser de La Haye une lettre au prince Eugène sur le ton d’égal à égal et en lui proposant une sorte de cartel, toujours pour le plus grand honneur et la plus grande gloire de cette reine d’Espagne, fille du Régent.

242. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Il a ruiné et pulvérisé, les unes après les autres, toutes ces gloires posthumes et postiches faites à distance par la niaiserie ou le fanatisme, et, de l’infecte poussière de ces gloires dissoutes, il a pétri un puissant engrais de mépris qui ne sera pas perdu pour le cœur des générations futures. […] Il sait que le plus souvent c’est le creux de la tête des hommes qui fait la sonorité de la gloire, comme, dans les théâtres antiques, c’était le vide des vases d’airain qui doublait le son de la voix. Et de même qu’en remplissant ces vases d’airain on diminuait la voix, Cassagnac a pensé qu’en mettant des raisons et des faits dans le creux de la tête des hommes, la gloire qu’ils font diminuerait. […] Cassagnac a regardé en face le fabuleux basilic, et il a eu l’honneur, je ne dis pas de rétablir, mais d’établir la vérité sur un homme à qui on avait fait une gloire dépravante : car, il ne faut pas s’y méprendre, dans un moment donné ceux qui l’admirent s’efforceraient de l’imiter. […] Il n’est pas un seul de ces imposteurs de vertu et de conviction républicaine, qui ont volé la gloire comme ils ont volé l’État, dont l’auteur de l’Histoire des Causes ne nous découvre le néant de génie, de probité et de croyance.

243. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Je n’ai dessein pour cette fois encore que de continuer ma vue de Bossuet considéré dans sa première carrière, non pas avant sa renommée (car elle commença de bonne heure), mais avant sa gloire. […] Allons ensemble, mes frères ; entrons en cet abîme de gloire et de majesté. […] Cousin, l’a tout d’un coup renouvelée, et a voulu encore une fois dépouiller Louis XIV de sa meilleure gloire pour la reporter tout entière sur l’époque antérieure. […] Les orateurs qui argumentent sont plus facilement compris par la foule que les orateurs qui s’enthousiasment ; il faut des ailes pour suivre l’orateur lyrique… Cette théorie faite toute exprès à la plus grande gloire des orateurs lyriques et des hommes démesurés est ici en défaut. […] Nous qui ne sommes pas de la maison de Navarre, nous ne pouvons entrer ainsi à toutes voiles dans cette gloire de Nicolas Cornet et dans cette apostrophe à ses grandes Mânes.

244. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Une telle lettre suffirait à faire la gloire du Plutarque d’Amyot, dont elle a toute la fraîcheur et les grâces souriantes, et elle y joint, comme écrite en mer par une douce brise, un reflet de la lumière et de la sérénité des flots. […] nous avions pour gage de succès le zèle attentif qu’inspire l’ambition de vous satisfaire et la gloire de vous obéir. […] Votre patience, le courage que vous montrez au milieu de ces rochers, sont admirables ; mais ils ne vous procurent aucune gloire, aucun éclat ne rejaillit sur vous. […] De riches provinces, de grandes villes seront en votre pouvoir ; vous y trouverez honneur, gloire et richesses. […] Cet acte sera le plus grand que nous ayons fait : la gloire en demeurera à Dieu, le service au roi, notre souverain seigneur, l’honneur à nous, et le salut à l’État.

245. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

. — Notre Lebrun reçut donc en plein le coup de soleil de l’Empire, et du premier jour il se consacra d’un cœur tout français et reconnaissant à en célébrer les gloires : Aigle, je m’attache à ton aile : Emporte-moi dans l’avenir ! […] Lebrun, dans sa jeunesse, sans précisément s’endormir, perdit, en effet, du temps à rêver et à être heureux : il faut en tout genre, quand on aime la gloire, être prompt à saisir, à remplir sa destinée. […] Dès 1818 l’Italie, la Grèce, l’Écosse, le Verront successivement accomplir tous les pèlerinages de la gloire et de la poésie ; il produit chemin faisant et dans les intervalles ; il prépare surtout et toujours. […] Lorsqu’on remonte au jour, du Paris souterrain, Gloire, richesse, honneurs, que suit la foule avide. […] La gloire !

246. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Quelle gloire pour l’un & l’autre Philippe, en parlant de son fils, écrivoit au philosophe : « Je rends moins grace aux dieux de me l’avoir donné, que de l’avoir fait naître pendant votre vie. » Paroles bien remarquables, ainsi que celles d’Alexandre, qui sont l’expression de la reconnoissance la plus vive : « Je dois le jour à mon père : mais, je dois à mon précepteur l’art de me conduire. Si je règne avec quelque gloire, je lui en ai toute l’obligation. » L’opposition de caractère & de génie, entre Aristote & Platon, produisit bientôt les effets qu’on devoit en attendre. […] Platon avoit des disciples qui prenoient un vif intérêt à sa gloire, entr’autres, Xénocrate, Speusippe, Amiclas.

247. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » p. 227

Les Ouvrages de celui-ci annoncent le Citoyen jaloux de la gloire de sa Nation, autant qu’un Littérateur formé par l’étude des bons modeles. […] On peut dire encore, à la gloire des connoissances de M.

248. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il n’est pas une époque où cet à-propos paraisse plus manifestement une loi de l’esprit français, qu’au lendemain de la gloire de Balzac. […] Ces grands hommes ont eu la gloire d’aller plus loin que Descartes dans ce profond spiritualisme. […] Aussi lui doit-on donner la gloire d’avoir été le premier écrivain français qui ait sérieusement cherché la vérité. […] La gloire en était si extraordinaire, qu’elle a pu, sur ce point, troubler son grand sens. […] Descartes a eu la gloire d’apprendre aux Français leur véritable génie ; cette gloire durera tant que ce génie se souviendra de ce qu’il a été.

249. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre troisième »

Mais qui les suit meurt sans gloire et sans argent. […] Aucun écrivain ne s’est examiné avec plus de désir véritable de connaître ses défauts, et d’en faire tourner la critique à la gloire de l’art. […] La gloire de Corneille est donc toute dans ces quatre années (1636-1640) ; quatre années dans une vie de septuagénaire ! […] Voilà pourquoi l’on peut remarquer utilement pour l’art les imperfections de Corneille, sans manquer à sa gloire. […] Enfin, il était d’un intérêt pressant de réparer la langue des mauvaises pièces de Corneille, autorisée par la gloire de ses chefs-d’œuvre.

250. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Entre les femmes honnêtes, spirituel les et polies, que nous avons remarquées à la fin de la période précédente, une doit faire la gloire des autres et assurer leur triomphe. […] L’amour de la considération est, comme l’amour de la gloire, une passion peu définissable, La considération, comme la gloire, n’a ni bornes, ni contour, ni confins, ni domaines déterminés. La gloire promet beaucoup et ne garantit rien. […] Donnez à un soldat du talent, du courage, l’amour de la gloire, et une occasion : voilà un maréchal de France.

251. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Pour développer et apprécier en même temps cet avantage, il est nécessaire de remonter plus haut, et d’examiner d’abord sur quels principes, et de quelle manière on tâche de se procurer cette espèce de gloire qui est fondée sur les talents. […] L’amour-propre avide de gloire cherche à se concilier ceux d’entre les grands qui ont le plus de ces sortes d’échos à leurs ordres ; une vanité moins délicate se contente de pouvoir placer un ou deux grands noms dans la liste de ses approbateurs. […] Je ne prêcherai point ici aux gens de lettres tous ces lieux communs sur le mépris de la gloire, si souvent et si peu sincèrement recommandé par les philosophes. […] Écrivez, peut-on dire à tous les gens de lettres, comme si vous aimiez la gloire ; conduisez-vous comme si elle vous était indifférente. […] Dans la seconde classe des Mécènes sont ceux qui aspirent eux-mêmes à la gloire d’être auteurs.

252. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Conclusion de ce livre » p. 247

C’est elle qui fonda l’humanité chez les Gentils, gloire que la vanité des nations et des savants a voulu lui assurer, et lui aurait plutôt enlevée. […] L’autre gloire lui a été attribuée jusqu’à nous par une tradition vulgaire ; c’est que la sagesse antique, par une même inspiration, rendait ses sages également grands comme philosophes, comme législateurs et capitaines, comme historiens, orateurs et poètes.

253. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Il n’a rien manqué à la gloire du dix-septième siècle. […] C’est une de leurs gloires, et, pour en bien juger, il suffit d’être mère, il suffit d’être femme. […] Cette gloire ne le tenta pas ; il ne s’y croyait pas propre. […] S’il compte sur quelque gloire, ce fut plutôt sur la gloire d’avoir été le dernier des grands seigneurs de France, que sur une des premières places parmi ce qu’il appelait les lettrés du dix-septième siècle. […] La Gloire du dôme du Val-de-Grâce.

254. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

L’historien monarchique, qu’il a été si longtemps, ne fut plus dans ce panégyrique de Louis XV qu’un homme lige, l’historien lige du roi qui a le mieux résumé, en sa personne, les vices qui ont flétri la gloire de toute sa race et qui l’ont renversée du trône ! […] tout ceci est plus grave que le livre même et que l’historien ; mais que ce soit du moins pour nous une occasion de proclamer bien haut l’imprudence des écrivains qui seraient tentés de l’imiter, en essayant d’identifier les mœurs d’un peuple avec sa gloire. […] Seulement, pour les rois comme pour les peuples, la Gloire ne vaut contre les Mœurs. […] Quand, au lieu du rayon de Fontenoy, Louis XV aurait eu de la gloire, à périr par elle, comme Napoléon, dans une hémorragie sublime, ces torrents d’un noble sang versé par le glaive n’auraient pas guéri du mal de ses mœurs la famille de ces rois très-chrétiens dont la conduite avait été païenne, hélas ! […] Ceux qui disent qu’un peu de gloire lave tout pour les races que Dieu a punies, malgré la gloire de leurs pères, demandent, sans le savoir, pour elles plus que l’échafaud de Louis XVI, c’est-à-dire leur effacement absolu de l’Histoire, dans un exil sans épée et sans repentir !

255. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

… Le dégoût l’avait-il pris de la scandaleuse gloire qui se fit un jour autour de son nom, et qui s’en est allée de plus en plus s’éteignant à chacun de ses livres qui suivirent le premier ? […] … La science philosophique, ou ce qu’on appelle de ce nom, n’aboutissant, par tous ses rayons, qu’à un scepticisme inévitable, les philosophes ne sont guère plus que des gymnastes dans un exercice de l’esprit… Leur effort seul et la mesure de leur force, font tout leur mérite et leur gloire. […] Comme philosophe, il n’ajoutera point à sa renommée d’historien, à cette honte éclatante qui a fait plus de bruit que la gloire. […] Renan exalte la gloire et la puissance futures, ne s’est pas montré très chaud. […] La gloire — puisqu’un grand bruit s’appelle la gloire — s’éteignait peu à peu pour M. 

256. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Ainsi commença cette époque des Ptolémées, qu’il ne faut pas nommer un siècle nouveau, comme celui des Médicis ou de Louis XIV, mais qui, avec moins de gloire et de génie, dans une durée plus longue, eut un caractère précieux à noter dans les annales humaines. […] Moi, Théocrite, qui écrivis ces vers, je suis du peuple de Syracuse, fils de Proxagoras et de l’illustre Philine ; et je n’ai jamais détourné vers moi la gloire d’une muse étrangère. » Né sous le règne de Hiéron jeune, au temps du déclin de la Grèce, devant la fortune croissante de Rome, il trouvait dans Syracuse de grands souvenirs des lettres, l’hospitalité donnée à Pindare, à Platon, la comédie d’Épicharme ; et il se sentit de bonne heure sans doute appelé à renouveler, sous une autre forme, cette gloire poétique. […] Rien peut-être ne montrera mieux l’illusion que peut faire le talent, et ce langage trompeur qui se compose d’un grand souvenir de gloire, d’une flatterie présente et d’une reconnaissance intéressée. […] Nulle vertu civile, nul souvenir de gloire et de liberté n’est rappelé, dans cette langue encore si pure, à ce peuple grec transplanté depuis moins d’un siècle. […] Sur le nombre, douze sont choisies de noble race, gloire de Lacédémone, qui le soir, dans la chambre nuptiale, chanteront l’épithalame et mèneront les chœurs de danse.

257. (1901) Figures et caractères

Cette gloire latente est belle. […] La gloire est hâtive ou léthargique. […] La gloire lui vient, les honneurs l’appellent, l’argent arrive. […] Né du caprice d’un homme, il représente la gloire d’un temps. […] Napoléon hésita à y camper sa brusque gloire.

258. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Tous se firent une gloire de contribuer à la gloire du monarque. […] Un tel combat suffirait pour perpétuer la gloire de ce nom. […] Il nous a fait oublier que la France avait une gloire plus antique et plus solennelle que celle de ce siècle d’élégance. […] Ils n’atteignent pas jusqu’à ces hautes gloires qui brillent à travers les siècles. […] Qu’ils ont été heureux ceux qui ont pu voir Bossuet, orné de ses cheveux blancs et du souvenir de ses vertus, s’élever dans la chaire en face du cercueil du grand Condé, et consacrer les louanges de la gloire périssable en les associant aux louanges de la gloire éternelle !

259. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XXI. Le littérateur chez les peintres » pp. 269-282

D’abord elle fait un peu de gloire, donc elle fabrique du bonheur. […] Le plus louable critique, en ce sens, demeurera Huysmans, qui, il y a douze et quinze ans, sonnait la gloire d’artistes qu’on croit trop, ici ou là, avoir découverts hier… Ces bons écrivains pratiquent la bonne méthode ; avec le minimum de préjugés, ou avec des préjugés qui me plaisent, ils disent le sentiment qui devant tel tableau les retint ; leur dire vaut par la délicatesse de leur tact, et la grâce de leurs racontars les plus philosophes intercalent quelques théories d’ensemble, intéressantes puisqu’ils sont intelligents. […] Il acquiert la gloire par surcroît. […] Si ces artistes n’avaient rien apporté de nouveau, ils n’auraient pas gagné la curiosité, l’admiration et la gloire.

260. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

ses ridicules sont noyés dans la gloire, une nappe de lumière bien tranquille. […] Je suis sûr qu’elle montait mal à cheval… Femme avant tout, — après tout, — toujours femme, même après sa gloire ! Sa gloire qu’elle eût donnée pour la beauté et pour le bonheur dans le mariage, la vraie gloire de la femme, les deux seules choses que les femmes doivent préférer à tout et qu’Ève eut dans son Paradis !

261. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Gustave III »

Élevé, par les uns, pour des qualités très réelles et dont quelques-unes furent brillantes, et abaissé, par les autres, pour des vices tout aussi réels et une inconsistance peut-être pire encore, Gustave III attend toujours sa gloire. Il n’a eu que son bruit, et le bruit le plus éclatant peut expirer très bien dans une gloire qui n’aura pas le verbe très haut. Diapason à prendre et à nous donner de la gloire de Gustave III, c’était là ce qu’on aurait pu attendre de Léouzon-Leduc s’il avait eu la vocation de l’historien, et s’il avait vu dans l’histoire autre chose que l’intérêt matérialiste d’une même catastrophe et l’amusette tragique d’un mélodrame, — de toutes manières, infiniment trop répété ! […] Ce chef-d’œuvre de bonne humeur dans l’audace et l’exécution, qui refit un roi en Suède, rétablit la tradition historique, et arracha le pays aux oligarques corrompus qui le vendaient, morceau par morceau, aux enchérisseurs étrangers, fut la grande leçon donnée pour jamais aux Pouvoirs faibles qui savent oser… Et ce restera la gloire de Gustave III de l’avoir donnée, cette leçon.

262. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Le grand jeu de la gloire est difficile à préparer ; un tapis vert, des dés y suppléent. […] Les mots qui servent aux autres passions, sont très souvent empruntés de celle-là, parce qu’elle est une image matérielle de tous les sentiments qui s’appliquent à de plus grandes circonstances ; ainsi, l’amour du jeu aide à comprendre l’amour de la gloire, et l’amour de la gloire à son tour explique l’amour du jeu.

263. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Aimée d’un grand écrivain, ce grand écrivain l’avait transportée avec lui dans l’empyrée des lettres et de la gloire ; elle avait ce qu’on appelle un salon ; ce salon était un sanctuaire plutôt qu’une exposition d’esprit et de célébrités, un culte plutôt qu’une cour. […] Toute la gloire et tout le charme de la France étaient là. […] Victor Hugo, Balzac, Nodier, Sainte-Beuve, madame Malibran, Vigny, y dominaient de la tête la foule d’élite d’hommes et de femmes qui cherchaient la gloire dans l’amitié. […] Il redescendait dans une nouvelle arène par une insatiabilité de gloire littéraire ; son amie s’agitait d’un groupe du salon à l’autre pour donner le mot d’ordre du jour à tous les conviés ; ce mot d’ordre était silence, attention, enthousiasme, pour tout le monde, et pour les journalistes en particulier, écho complaisant chargé de reporter le lendemain à toute l’Europe un tonnerre d’applaudissements convenus et pas une critique. C’était un spectacle touchant et triste à la fois que cette beauté célèbre devenue sœur de charité d’une vanité vieillie et malade, et allant quêter de groupe en groupe une fausse monnaie de gloire auprès de toutes les plumes qui dispensent les renommées d’une soirée.

264. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

Il passa grand homme avant quarante ans, et s’ensevelit dans une gloire morose, au fond d’une élégante maison, sur le quai de l’Arno, qu’habitait avec lui la comtesse d’Albany. […] Je veux parler de lord Byron, ce proscrit volontaire de sa famille et de sa patrie, qui avait eu le courage, comme le Renaud du Tasse, de quitter mieux qu’Armide, pour voler au secours d’une ombre de peuple par amour pour l’humanité et pour ce que nous appelions alors la gloire. […] Tout, jusqu’aux souvenirs de ton antique histoire, Qui te feraient du moins rougir devant ta gloire ! […] … Mais non : briguant une gloire frivole, Triomphe ! […] Sur des bords où la gloire a ranimé leurs os, Je vais chercher ailleurs (pardonne, ombre romaine !)

265. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — N. — article » pp. 400-401

Des personnes qui ont vécu familiérement avec lui, nous ont assuré qu’il avoit un talent singulier pour la Poésie ; mais qu’il eut la sagesse de sacrifier la gloire qu’il auroit pu acquérir sur le Parnasse, à la gloire plus solide d’instruire ses Diocésains, conformément aux devoirs de l’Episcopat.

266. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « À mon illustre ami, le comte Roselly de Lorgues » p. 

En ce livre des Œuvres et des Hommes, j’ai eu le bonheur de parler le premier de votre belle Histoire de Christophe Colomb, ce monument élevé à la gloire du plus grand des hommes, payé du Nouveau Monde, qu’il donna à l’Ancien, par l’ingratitude universelle. Vous seul, parmi les historiens des Deux Mondes, vous avec dissipé, au souffle tout-puissant de votre histoire, les brumes entassées par les plus basses fumées des hommes sur une gloire qu’il n’est pas plus possible d’abolir que d’arracher une étoile du ciel.

267. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

Quel sont les ouvrages qui font déjà sa gloire ? — Pour répondre à ces questions, il ne faut qu’examiner en quoi consiste notre gloire littéraire dans les époques précédentes, et quels sont les genres où nos hommes de génie ont excellé. […] Parlez-lui donc de gloire et de sagesse, de discipline et de liberté, d’enthousiasme et de raison, il vous comprendra et vous obéira. […] L’innovation est toujours le seul moyen de gloire. […] De là, cette indifférence du public pour le Théâtre-Français, qui fut si longtemps notre gloire et notre plus noble plaisir.

268. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Ainsi finit au comble de sa gloire, dit-il, non seulement le plus grand homme de guerre de ce siècle et de plusieurs autres, mais aussi le plus homme de bien et le meilleur citoyen ; et, pour moi, j’avouerai que, de tous les hommes que j’ai connus, c’est celui qui m’a paru approcher le plus de la perfection. […] Cicéron, Chateaubriand, Vauvenargues, venez-nous en aide avec vos nobles images de la gloire ! Non, tout n’y est pas illusion et idole ; c’est elle qui nourrit et incite, qui entretient les flammes généreuses ; sans elle tout languit, s’abat et s’abaisse : Après tout, dit Chateaubriand mettant le pied sur les ruines de l’antique Sparte, après tout, ne dédaignons pas trop la gloire ; rien n’est plus beau qu’elle, si ce n’est la vertu. […] » — « La gloire est la preuve de la vertu », a dit Vauvenargues ; et dans un admirable Discours adressé à un jeune ami il expose toute une noble doctrine que je voudrais mettre en regard de cette lettre du chevalier de Bouillon à Chaulieu, et qui la réfute par une éloquence victorieuse : « Insensés que nous sommes, nous craignons toujours d’être dupes ou de l’activité, ou de la gloire, ou de la vertu ! […] [NdA] Il y a bien du mélange dans ces Poésies de La Fare, mélange de bon et de mauvais, mélange de ce qui est de lui et de ce qui lui a été à tort attribué : on cite toujours comme de sa meilleur façon ces jolis vers sous le titre de madrigal : Présents de la seule nature, Enfantement de mon loisir, Vers aisés par qui je m’assure Moins de gloire que de plaisir, Coulez, enfants de ma Paresse : Mais, si d’abord on vous caresse, Refusez-vous à ce bonheur ; Dites qu’échappés de ma veine Par hasard, sans force et sans peine, Vous méritez peu cet honneur !

269. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

s’écriait-il aussitôt ; son air charmant et majestueux se répand sur toutes ses actions ; sa maison royale emprunte quelques rayons de sa gloire ; son âge est mûr et parfait ; le travail infatigable lui est devenu naturel… Son amour extrême pour nous sacrifie toutes ses veilles à notre repos, et s’il abrège et méprise le temps du sommeil, c’est parce qu’il le passe sans nous… Ne vous étonnez pas, messieurs, du zèle de ce discours : chaque mot est un trait de flamme… Cela paraissait ridicule, dit de ce ton, même alors, — surtout alors62. […] Vous le prenez, vous le quittez selon qu’il vous convient, et il est de l’intérêt de votre gloire de vous en détacher quelquefois, afin que les honneurs qu’on vous rend ne soient attribués qu’à votre seul mérite. […] … On applaudit à outrance ; M. de Noyon resplendit dans son nuage de gloire. […] L’éclat d’une maison qui a donné par ses alliances augustes tant de princes à la France, tant de saints à l’Église, tant de souverains à de grands pays, semble encore au-dessous de la gloire d’avoir acquis un si rare mérite par votre propre application. […] IV. p. 479) les folies du cardinalat, pour les honneurs attachés à la dignité de cardinal ; il a dû dire les gloires du cardinalat, ou peut-être simplement les droits. — Je ne sais (t.

270. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Il a eu son rayonnement dans quelques esprits trop peu nombreux qu’il a frappés par les qualités transcendantes dont il brille ; mais parmi les Critiques d’état, les journalistes, doseurs de gloire, on en a très peu parlé. […] la gloire d’un homme comme Saint-Bonnet n’est point une gloire à l’heure. […] Saint-Bonnet, — pour qui, depuis des années, je brûle vainement dans les journaux l’amadou de mes pauvres articles, sans avoir jamais pu allumer la torche à laquelle il a droit et qui devrait marcher devant lui comme la flûte devant le triomphateur romain, — Saint-Bonnet, l’auteur de l’Unité spirituelle, de la Restauration française, de l’Infaillibilité, de l’Affaiblissement de la Raison en Europe, de la Légitimité, de la Chute, etc., n’a pas (comme vous le voyez) que ce livre de la Douleur au riche budget de ses œuvres· Malheureusement, ces œuvres, qui devraient éclater de gloire, n’ont pas fait le bruit de la moindre sottise, et c’est nonobstant appuyé sur elles qu’il reste tranquillement, attendant patiemment la Postérité. […] Le mérite est la forme qui rend l’homme visible au milieu de la gloire, et l’amour est le signe de race qui doit le réunir à Dieu… » Est-ce assez plein, assez carré, assez cubique, pour qui sait comprendre ? […] Mais ce n’est pas dans cette tourbe d’hommes qui ne veulent plus être des âmes, qui ne veulent plus être que des esprits, et des esprits déchaînés contre la spiritualité même de leur substance, qui était leur gloire autrefois !

271. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Le roi était tout-puissant sur la nation par sa gloire, par le noble usage qu’il faisait de sa gloire même : Molière était tout-puissant près du roi par le plaisir qu’il donnait à la cour, par la louange, par le concert de louanges que Racine et Boileau, ses jeunes amis, guidés par ses conseils et son exemple, prodiguaient à l’envi au monarque. […] C’est céder eu même temps à trois séductions, celle de la puissance, celle de la gloire, celle des femmes.

272. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Addisson, et Pope. » pp. 17-27

Rarement les anciens favoris d’Apollon, ainsi que ceux de Mars, voient sans dépit leur gloire balancée. […] Ce fut le temps de la plus grande gloire de Pope ; mais ce fut également celui où l’envie lui suscita le plus d’ennemis. […] Après l’amour de la gloire & de cette vaine fumée ordinaire aux poëtes, sa passion dominante étoit la liberté.

273. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 525-526

Sans ambitionner d’autre gloire que celle d’être utile, il a acquis des droits à une juste réputation. […] Pluche aura la gloire d’avoir contribué à faire naître, parmi nous, le goût de la Physique & de l’Histoire Naturelle ; ce qui suppose l’art de communiquer ses connoissances d’une maniere intéressante, & de les rendre, en quelque sorte, familieres à tous les esprits.

274. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Je ne mettrai de sa réponse que deux ou trois strophes dans lesquelles elle réclamait avec confusion contre le mot de gloire que lui avait jeté magnifiquement le grand poète : Mais dans ces chants que ma mémoire Et mon cœur s’apprennent tout bas, Doux à lire, plus doux à croire, Oh ! n’as-tu pas dit le mot gloire ? […] Mais non, ils sont faits pour la gloire du poète, pour montrer son âme dans ce qu’elle a de sublime et de gracieuse pitié. […] « Mais j’allais vous parler de ce que vous connaissez mieux que moi, vous qui jadis avez été Flamande comme j’en vois dans les tableaux de Yan Eyck et de Yan Dyck, avant de devenir une des gloires de l’Hélicon de France.

275. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IV. Mme Émile de Girardin »

On le trouve dans le volume des Poëtes (3e volume des Œuvres et des Hommes, 1re série, les poëtes), car, avant d’écrire en prose, Mme de Girardin était poëte et c’est là même sa meilleure gloire. C’est toujours la meilleure gloire de ceux qui le sont. […] Comme il eût partagé, pour les rubans, son goût idolâtre, car jamais nulle femme n’eut l’amour et la science des rubans autant que Mme de Girardin, et c’est sa gloire, une gloire qui ressemble à un arc-en-ciel !

276. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

Eh bien, disons-le à sa gloire ! […] — la guerre pour l’honneur, et l’Église, l’Église, la raison divine sur la terre, blâmait ce luxe de la gloire pour la gloire, trouvait que c’était trop, et, à travers les glaives, étendait sa main. […] un peintre d’hommes, et qu’il porte l’esprit d’un jurisconsulte dans l’histoire, il a trouvé, enterrée sous sa correspondance et ses mandements épiscopaux, la figure d’un évêque, d’un grand homme oublié par la gloire, mais payé de Dieu, maintenant, dans le ciel, et il l’a restituée à la mémoire superficielle de notre temps.

277. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Armand Carrel » pp. 15-29

… Il a respiré sa petite pincée de gloire. […] Qui se donne exclusivement au journalisme y perd son talent, s’il en a, et mange en herbe le blé de sa gloire, s’il était vraiment fait pour recueillir cette noble moisson. […] La gloire de ce Président des États-Unis, Carrel la rêvait comme son héritage. […] Elle aurait vu sur ce nom les quelques gouttes de sang résolument versé qui, dans l’opinion française, passeront toujours pour de la pourpre, et cela eût suffi pour parer une gloire imméritée, qu’elle est capable de lui retirer tout entière si on vient lui demander d’y ajouter encore, — si on vient quêter sur ce tombeau !

278. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Probablement ce furent les émotions et les applaudissements sur place de la tribune qui empêchèrent, pendant vingt années, M. de Montalembert de publier son Saint Bernard et de prétendre à une gloire moins instantanée et plus sévère. […] La misère de la gloire qui vient par la parole, c’est que de toutes les gloires qui s’altèrent et qui passent, elle est celle-là qui passe et qui s’altère le plus. […] devant Dieu par la foi, par l’abnégation, par l’œuvre collective, ils ont comme l’identité de la même vertu, de la même sagesse, de la même sainteté, et on pourrait tous les prendre les uns pour les autres, si Dieu n’avait pas donné à quelques-uns d’entre eux la différence qui compte devant l’Histoire, la différence ou d’un de ces caractères ou d’un de ces génies qui, en attendant l’égalité du Ciel, font la gloire et l’originalité parmi nous !

279. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

L’auteur s’était particulièrement attaché à ressaisir et à démontrer sous la ligne idéale du premier Vauvenargues assez vaguement défini l’homme réel, ambitieux d’une carrière, soit militaire, soit politique, avide d’éloquence, d’action, d’une grande gloire supérieure encore dans sa pensée à celle des lettres. […] Il avait mis d’ailleurs dans tout son jour et en pleine lumière le côté tendre, affectueux, de Vauvenargues, ce côté le plus connu, la beauté de sa nature morale, et avait parfaitement marqué le trait dominant de son caractère, la sérénité dans la douleur ; et il concluait en disant que l’espèce de gloire réservée à Vauvenargues était celle qui peut sembler le plus désirable aux natures d’élite, l’amitié des bons esprits et des bons cœurs. […] Il risque la tirade, il la pousse et la place où il le peut. — Ô Nil, que l’on a bien fait pour ta plus grande gloire d’ignorer longtemps tes sources ! […] Il s’en faut de beaucoup, mon cher ami, que la gloire soit attachée à si peu de chose ; vous vous moquez de moi quand vous me parlez là-dessus, comme vous faites. […] Qu’on ne vienne point parler de gloire ; l’attrait propre à la carrière littéraire en demeure flétri.

280. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers (tome xviie ) » pp. 338-354

On avait eu toutes les gloires ; il en restait une dernière à acquérir qui complète toutes les autres et les surpasse, celle de résister à la mauvaise fortune et d’en triompher ; après quoi on se reposerait dans ses foyers, et on vieillirait tous ensemble dans cette France qui, grâce à ses héroïques soldats, après tant de phases diverses, aurait sauvé sa vraie grandeur, celle des frontières naturelles, et de plus une gloire impérissable. — En disant ces nobles paroles, Napoléon se montrait serein, caressant, rajeuni… Il n’y avait, malheureusement, de vrai dans sa conclusion que la gloire. […] Ce n’est plus en Italie pourtant, si l’on a retrouvé tout entier le jeune général d’Italie, c’est en France que l’on combat, sur un sol plus cher encore, plus sacré et tout palpitant : et c’est ce qui fait que même ces dernières journées de gloire sont déchirantes, en ce que l’on sent qu’elles sont fugitives et qu’elles vont finir. […] Mais qu’on mette en regard, d’un côté ce livre si souverainement conduit et si harmonieusement terminé, et, de l’autre, quelques années d’un pouvoir semblable à ce qu’on voyait trop souvent par le passé, — d’un pouvoir partagé, disputé, insulté, parfois calomnié d’en bas, parfois déjoué d’en haut et du côté où l’on devait le moins s’y attendre, — d’un pouvoir le plus souvent aussi paralysé dans l’action que magnifique et brillant par le discours, mais par un discours encore qui s’envolait et ne se fixait pas en des pages durables : — et qu’on me dise, au point de vue de la gloire solide, ce qui vaut le mieux !

281. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Pendant les horribles saturnales qui coûtèrent tant de larmes à la patrie, les traditions de l’honneur et de la gloire continuaient de se perpétuer parmi nous. […] Nos armées, sur les frontières, étendaient un rideau de gloire sur tant de calamités, sur des forfaits qu’elles ne protégèrent jamais de leurs armes victorieuses : elles ressemblèrent aux deux enfants de Noé jetant un voile sur l’ivresse de leur père. […] Comment Bonaparte l’a-t-il séduite, si ce n’est en s’entourant lui-même des grandes illusions de la gloire militaire, et en l’abreuvant du vertige des conquêtes ? […] réunissons-nous du moins dans la noble et touchante confraternité du malheur ; car elles nous ont été aussi enlevées à leur tour, ces dépouilles opimes du monde, ces brillants trophées de la gloire que nous avions achetés par tant de travaux, par tant de sang et tant de larmes. […] Louis XVIII, en rentrant parmi nous, ne nous promettait point d’éclatantes conquêtes, la gloire de vastes et funèbres triomphes, le silence des rois et des peuples devant un sceptre formidable ; il ne se présentait que comme le ministre de la paix et de la réconciliation, le gage de l’indépendance et de la liberté.

282. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barthélemy, Auguste (1796-1867) »

Elle nous dit la malheureuse passion qui dévora sa vie et, par ses insatiables exigences, fit continuellement échec à ce que le poète aurait pu mériter d’honorabilité et de gloire. […] Maurice Tourneux La vénalité de l’homme et les défauts inhérents aux facultés mêmes de l’improvisateur ont singulièrement nui à la gloire littéraire de Barthélemy, que protège seul aujourd’hui le souvenir de la première Némésis ; il y a également dans Napoléon en Égypte et dans les Douze journées de la Révolution des pages qui mériteraient de se fixer dans la mémoire des nouvelles générations.

283. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 490-491

Il est fâcheux, pour la gloire de ce Poëte ingénieux, que la Jeunesse ne puisse lire ses Ouvrages sans danger, & les gens sages sans indignation. […] Au contraire, elle l’étend, le préconise, & ne craint pas de sacrifier ainsi sa gloire à l’envie de se procurer des partisans, qui oublient ce qui leur en coute pour figurer dans la société des ames foibles & des esprits forts.

284. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 256-257

Sans rien ôter de sa gloire littéraire, on auroit pu retrancher du Recueil de ses Œuvres un grand nombre de Pieces, & les réduire à trois ou quatre qui méritoient seules d’être recueillies. […] Les hommes, en général, n’approfondissent jamais rien ; l’illusion, la flatterie, les décident ; & par-là le bon goût & la Littérature trouvent leurs premiers destructeurs dans ceux qui pourroient le plus aisément en soutenir les droits & en perpétuer la gloire.

285. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 222-223

Malgré ces défauts, on ne peut refuser à l’Abbé de Saint-Réal. la gloire d’avoir écrit en Homme d’esprit, d’avoir su répandre dans son style un prestige séducteur, qui fait regretter de ne pouvoir joindre le suffrage de conviction à l’intérêt qu’il fait naître dans l’ame du Lecteur. […] Nous ne parlons pas des autres Ouvrages de M. de Saint-Réal. ; en exceptant son Traité de la valeur, qui est un chef-d’œuvre de raison & de bon goût, le reste ne vaut pas mieux que son Eloge de Madame de Mazarin, composé plutôt pour la gloire de cette Dame, que pour celle de l’Ecrivain.

286. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

C’est le propre des écrivains de cet ordre d’avoir pour eux la presque unanimité des suffrages, tandis que leurs illustres adversaires qui, plus hauts qu’eux en mérite, les dominent même en gloire, sont à chaque siècle remis en question par une certaine classe de critiques. […] Animé par la jeunesse et l’amour de la gloire, aiguillonné à la fois par ses admirateurs et ses envieux, il se livra tout entier au développement de son génie. […] Il ne dit pas comme Lamartine : Osias n’était plus ; Dieu m’apparut : je vis Adonaï vêtu de gloire et d’épouvante ; Les bords éblouissants de sa robe flottante     Remplissaient le sacré parvis. […]     Toute la terre est pleine de sa gloire ! […] Il mourut en 1699 dans sa soixantième année, vénéré et pleuré de tous, comblé de gloire, mais laissant, il faut le dire, une postérité littéraire peu virile, et bien intentionnée plutôt que capable : ce furent les Rollin, les d’Olivet en critique, les Duché et les Campistron au théâtre, les Jean-Baptiste et les Racine fils dans l’ode et dans le poëme.

287. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Il copiera les autres, se copiera lui-même, ruinera son originalité au profit de son succès, et escomptera la gloire pour la vogue. […] L’homme ne vit pas seulement de gloire, la bouche la plus éloquente ne peut se passer du pain de chaque jour. […] Qu’il y paraisse avec le prestige, d’un noble caractère, et, s’il le peut, avec l’éclat de la gloire : le monde estimera celui qui pourrait conquérir la richesse et qui sait s’en passer. […] Ne faites pas pour gagner du pain, ce qu’on ne doit faire que pour gagner de la gloire. […] Une nation n’est pas suspecte de camaraderie : la gloire ne sait pas mentir.

288. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Nettement envers ses princes. — Les gloires pour faire nombre. — Revendication des vraies gloires. […] L’écho, c’est assez pour la gloire. […] Là était la gloire, la renommée, la fortune, l’enivrement poétique ! […] gloire à César ! […] Dans cette redoutable rivalité de la gloire, à qui tenir ?

289. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 541-542

Il a la double gloire d’avoir enrichi les Lettres par ses Productions & par les Eleves qu’il eut le talent de former. […] Et ne seroit-ce que par l’obscurité qu’on pourroit prétendre à la gloire de bien écrire dans une Langue dont les plus célebres Ecrivains ont fait de la clarté leur objet principal ?

290. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Son génie, encore énigmatique, jouissait d’être compris par anticipation sur sa gloire. […] La gloire est un isoloir qui sépare l’artiste de son humble berceau, qui l’élève dans la sphère des abstractions, qui confond tous les rangs à une hauteur où il n’y a plus de mesure humaine pour discerner les distances ; la gloire seule est au-dessus des distinctions sociales, parce qu’elle est la distinction divine, l’ennoblissement par la nature, le sacre d’en haut. […] Il mourut sans gloire, quoique né pour la gloire : il se pressa trop de la saisir là où il crut apercevoir son ombre ; le Ciel lui devait peut-être une meilleure occasion, et une meilleure mort. […] C’est son adieu au monde ou c’est le chef-d’œuvre qu’il veut faire acclamer par l’univers, pour que l’excès de sa gloire lui mérite l’excès du bonheur dans la possession de ce qu’il aime. […] Il s’était frappé à la gorge d’un seul coup qui avait tranché sa destinée, son amour, sa gloire : malade, comme il l’avait dit une fois lui-même, de la maladie de ceux qui ont aspiré trop haut !

291. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gide, André (1869-1951) »

Gide est devenu, après maintes œuvres spirituelles, l’un des plus lumineux lévites de l’église, avec autour du front et dans les yeux toutes visibles les flammes de l’intelligence et de la grâce, les temps sont proches où d’audacieux révélateurs inventeront son génie… Il mérite la gloire, si aucun la mérita (la gloire est toujours injuste), puisqu’à l’originalité du talent le maître des esprits a voulu qu’en cet être singulier se joignit l’originalité de l’âme.

292. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 334-336

Qu’on les lise, & on apprendra à connoître la solide gloire, & l’usage qu’on doit faire des talens. […] L’amour de l’ordre prévaut toujours contre les secousses turbulentes de la nouveauté : ceux-là seuls qui ont travaillé à le maintenir ou à le rappeler, peuvent être regardés comme la gloire & les vrais bienfaiteurs du genre humain.

293. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 424-425

Il faut sur-tout renvoyer nos ingénieux Mécréans à celle d'un prétendu Militaire à un jeune Impie, placée à la fin de l'Ouvrage, pour les mettre à portée de juger sainement du cas qu'on doit faire de la déplorable gloire attachée à la Philosophie. […] Vernes à le faire disparoître entiérement, & pour le succès de ses bonnes intentions, & pour l'intérêt de sa gloire.

294. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

C’est ainsi que le modeste et mélancolique Xavier de Maistre, toujours doutant de lui et toujours ajournant sa gloire, publiait à un petit nombre d’exemplaires, pour quelques amis de régiment et pour quelques voisins de campagne, le Lépreux de la cité d’Aoste, cet évangile des infirmes, ce manuel des lits de douleur, la plus chaude larme qui soit tombée dans la nuit du cœur désespéré et résigné d’un misérable, pour arracher des ruisseaux d’autres larmes sympathiques aux yeux des hommes sensibles dans ce siècle. […] Dans un tel état de l’âme en équilibre sur son bonheur, on aimerait assez la gloire, autant qu’elle pourrait s’associer au repos et à l’amour : ce serait une décoration domestique qui ornerait le fronton du foyer, comme ces plantes grimpantes et aromatiques qui festonnent l’humble toit de chaume ou d’ardoise, qui font pénétrer leurs bouffées enivrantes par les fenêtres de la chambre à coucher et qui font envier au passant cette paix. Mais, si la gloire a quelques inconvénients inséparables des retentissements souvent importuns qu’elle donne au nom du poète, alors on n’en veut plus, ou bien on n’en veut qu’à sa mesure, c’est-à-dire une gloire commode, silencieuse, intime, pour ainsi dire, chuchotée à l’oreille de quelques amis et qui fait dire au coin du feu de la famille : « Tenez, lisez, jugez, jouissez ; mais ne faites pas de bruit de peur d’éveiller l’enfant et la mère, et surtout de peur d’éveiller la jalousie des rivaux. […] Tu ne porteras jamais un pareil message ; à la loterie de la gloire, ce sont les enfants qui tirent les bons lots. […] J’avais peu de souci de la gloire des vers : j’en avais un immense de la politique.

295. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Entre ces deux sortes de lecteurs passionnés, il peut se trouver un homme qui voit bien, qui, sans être indifférent, est impartial, qui, quoique prévenu pour ou contre les personnes, peut rester témoin véridique des œuvres ; un esprit capable de regarder la gloire elle-même, comme l’aigle le soleil, sans en être ébloui. […] En revanche, ils liront et goûteront plus d’une pièce que nous n’avons point chantée, où la poésie politique fait place à la poésie personnelle, où de belles strophes parlent à l’homme de tous les temps de la vie de tous les jours, à la France de sa gloire militaire et du grand homme qui lui en a le plus donné. […] On cherche quel nom donner à cette histoire, et si c’est de l’histoire ; on le cherchera encore après nous, et ce sera une sorte de gloire à laquelle contribueront les gens de goût, même en y résistant142. […] Les pièces en vers, pourvu qu’il n’y manque pas un poète, ont plus de chance de durée, parce qu’il y a là un travail supérieur qui élève l’écrivain au-dessus du temps présent, qui l’excite à chercher dans le rôle le caractère, dans le personnage le type, qui le préoccupe d’idéal, qui le met en commerce avec les maîtres de l’art et le fait penser à la gloire. […] Arrivé au terme de cette trop rapide revue, la gloire de mon temps m’attire vers d’autres côtés, et je me sens pris d’un dernier doute sur le mérite d’un plan qui me force d’omettre tout ce qui n’est pas de pure littérature.

296. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

pas, comme le lui disent les terrassiers de son génie, les travailleurs au chemin de fer de sa gloire et de son immortalité, le plus grand poète du xixe  siècle et de la planète ; mais c’est un grand poète, après tout ! […] Il était trop glorieux pour écouter l’intérêt de sa gloire… En ce temps-là, c’était le moment de s’élever le premier dans l’ordre des Poètes ; mais, malgré ses facultés soi-disant immortelles, il laissa passer ce moment-là. […] C’est un des privilèges de la Gloire de forcer le monde à s’occuper d’elle, même quand l’homme de cette gloire ne la mérite plus. […] Je n’insisterai point, mais ai-je besoin d’insister pour qu’on sente que l’énormité est la vie même de Hugo, de Hugo, la plus grande gloire contemporaine, — non la plus pure, non la plus justifiée, mais la plus… énorme ! […] Victor Hugo voulait-il, oui ou non, atteindre à sa gloire définitive et donner à sa patrie non plus des ouvrages, mais un monument, et, ce qui eut été digne de lui, le monument jusqu’alors impossible ?

297. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Ce secret sert puissamment contre l’orgueil et les préjugés ; mais il faut que la liberté, il faut que la vertu patriotique se soutiennent par un intérêt très actif pour le bonheur et la gloire de la nation, et vous flétrissez la vivacité de ce sentiment ; si vous inspirez aux hommes distingués cette sorte d’appréciation dédaigneuse de toutes les choses humaines, qui porte à l’indifférence pour le bien comme pour le mal. […] Un écrivain ne mérite de gloire véritable, que lorsqu’il fait servir l’émotion à quelques grandes vérités morales. […] Je ne sais si la gloire même, seule pompe de la vie que l’esprit philosophique puisse honorer, je ne sais si le tableau de la gloire même remuerait aussi puissamment des spectateurs républicains, que la peinture des émotions qui répondent à tout notre être par leur analogie avec la nature humaine. […] Le dégoût de l’existence, quand il ne porte pas au découragement, quand il laisse subsister une belle inconséquence, l’amour de la gloire, le dégoût de l’existence peut inspirer de grandes beautés de sentiment ; c’est d’une certaine hauteur que tout se contemple ; c’est avec une teinte forte que tout se peint. […] À l’époque où nous vivons, la mélancolie est la véritable inspiration du talent : qui ne se sent pas atteint par ce sentiment, ne peut prétendre à une grande gloire comme écrivain ; c’est à ce prix qu’elle est achetée.

298. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

C’est cet air de grandeur que Retz prisait le plus, qu’il ambitionna d’abord en tout, dans ses paroles, dans ses actions, et qu’il porta dans tous ses projets ; mais, s’il affectait la gloire, il avait en lui bien des qualités de premier ordre pour en former le fonds. […] Mais, dans ses Mémoires, Retz, évincé de l’action et de la pratique, n’est de plus en plus qu’un écrivain, un peintre, un grand artiste ; il lui est impossible désormais d’être autre chose, et l’on s’arme aisément contre lui-même, contre ce qu’il aurait pu être et devenir autrefois, de cette qualité dernière qui fait à jamais sa gloire. […] Au retour de l’armée, voyant le Parlement aux prises avec la Cour, la gloire de restaurateur du public fut la première idée du prince, celle de conservateur de l’autorité royale fut la seconde. […] Cette galerie, dont les traits cent fois répétés et reproduits depuis remplissent toutes nos histoires, est la gloire du pinceau français, et on peut dire qu’avant Saint-Simon il ne s’était rien écrit de plus vif, de plus éclatant, de plus merveilleusement animé. […] il a toujours eu en tout, comme en son parler, de certaines obscurités qui ne se sont développées que dans les occasions, mais qui ne se sont jamais développées qu’à sa gloire » ; Mme de Longueville qui « avait une langueur dans ses manières qui touchait plus que le brillant de celles mêmes qui étaient plus belles.

299. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Il fallait, de plus, apprendre à toute la terre ce que les savants et les historiens savaient seuls, c’est que, depuis plus de cent ans, d’énormes manuscrits, laissés par un homme de génie et dont la gloire a ce côté grandiose et pur d’avoir été posthume, confisqués par l’État et traités comme de vieilles momies égyptiennes, dormaient d’un sommeil qu’on pouvait croire éternel, sous leurs tristes pyramides de cartons incommunicables, au ministère des affaires étrangères, qu’on avait bien le droit d’appeler, à ce propos, des affaires étranges ! […] Il y avait le hardi faquin, le coquin héroïque, qui, avant d’être prêtre, n’eut que la seule qualité d’être brave au feu du canon comme il l’était au feu des filles ; mais prêtre et cardinal, et cardinal pour son argent, pour que cela fût plus miraculeux, le faquin et le coquin disparurent, et le ministre qui se mit alors à pousser sous cette majestueuse barrette que Richelieu avait portée, le ministre aurait été grand, s’il avait vécu, — si la mort n’avait coupé l’herbe sous le pied à sa gloire naissante, avec une faulx longtemps aiguisée par ses vices… Seulement, cet homme-là, dans Dubois, le passionné, le haineux, l’ambitieux, le jaloux Saint-Simon, ne pouvait pas le voir, et ni Drumont non plus, puisqu’il émet le doute qui ferait de Dubois le satanique que tiennent à voir en lui tous les superficiels de l’Histoire, c’est-à-dire que, par une haine d’une machiavélique profondeur contre Saint-Simon, Dubois aurait subi, sans protester, l’ambassade donnée à Saint-Simon par le Régent, parce que Saint-Simon, son ennemi, devait immanquablement s’y ruiner… Ni Saint-Simon ni son publicateur ne révèlent donc la vérité sur les étonnantes, les renversantes dépêches à Dubois ; et le mot de l’énigme sur l’homme le plus entier qui fut jamais et qui semble se rompre tout à coup en deux dans une contradiction mortelle, est un mot qui reste encore à deviner. […] c’est la gloire de l’Histoire. […] Ils éclairent même rétrospectivement ces incomparables Mémoires, dont la gloire de Saint-Simon est sortie, et ils vont ajouter aux rayons de cette gloire. […] Ils y étaient restés des bâtards, et quelques-uns, qui se sont vengés de leur naissance par de la gloire, en ont gardé le nom.

300. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Toujours est-il qu’aucun des échassiers connus en fait de style, ni Dubartas, ni Gongora, ni Cyrano de Bergerac, ni aucun des exagérateurs qui ont laissé derrière eux le souvenir de vessies enflées et crevées à force d’être enflées, n’ont empilé à la gloire de personne autant de grands mots vides que M. Henri Lasserre à la gloire de Hello lequel, ma foi ! […] De son vivant, il eut trop l’impatience de la gloire ; il ne savait pas s’attendre. […] Les Bollandistes, à qui, grâce à Dieu, on revient maintenant, étaient délaissés ou pillés par des écrivains sans valeur qui les affadissaient… Nul homme de génie ou de talent ne se levait pour la gloire des Saints méconnus. […] Au milieu des tonnerres et des canons, elle célèbre l’invincible gloire des pacifiques, et elle la célèbre en la chantant.

301. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Feuilles d'automne, (1831) »

Celle-ci n’a pas la décision du temps pour se diriger dans ses choix ; c’est elle-même qui choisit, qui devine, qui improvise ; parmi les candidats en foule et le tumulte de la lice, elle doit nommer ses héros, ses poètes ; elle doit s’attacher à eux de préférence, les entourer de son amour et de ses conseils, leur jeter hardiment les mots de gloire et de génie dont les assistants se scandalisent, faire honte à la médiocrité qui les coudoie, crier place autour d’eux comme le héraut d’armes, marcher devant leur char comme l’écuyer : Nous tiendrons, pour lutter dans l’arène lyrique, Toi la lance, moi les coursiers. […] Il faut leur en savoir gré, car on en pourrait trouver qui s’obstinent à nier le soleil, parce qu’ils ne l’ont pas prévu ; mais pourtant si le poëte, qui a besoin de la gloire, ou du moins d’être confirmé dans sa certitude de l’obtenir, s’en remettait à ces agiles intelligences dont l’approbation marche comme l’antique châtiment, pede pæna claudo, il y aurait lieu pour lui de défaillir, de se désespérer en chemin, de jeter bas le fardeau avant la première borne, comme ont fait Gilbert, Chatterton et Keats. […] Si un seul conquérant use plusieurs générations de braves, une vie de grand poëte use aussi, en quelque sorte, plusieurs générations d’admirateurs ; il se fait presque toujours de lustre en lustre comme un renouvellement autour de sa gloire. […] Assis dans sa gloire au foyer domestique, croyant pour dernière et unique religion à la famille, à la paternité, il accepte les doutes et les angoisses inséparables d’un esprit ardent, comme on subit une loi de l’atmosphère ; il reste l’heureux et le sage dans ce qui l’entoure, avec des anxiétés mortelles aux extrémités de son génie ; c’est une plénitude entourée de vide.

302. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « JULES LEFÈVRE. Confidences, poésies, 1833. » pp. 249-261

Quel que soit le jugement définitif qu’on porte à ce propos, il faut rendre hommage à tant de conscience et d’étude dans un homme qui est, du reste, évidemment poëte, qui a un sentiment profond des choses, l’amour de la gloire, et le foyer des fortes passions. […] Je voudrais pouvoir citer tout le morceau intitulé Déception ; c’est un des plus irréprochables ; en voici le début : Quoique bien jeune encor, j’ai longtemps, loin du bruit, Des langages du monde interrogé la nuit, Et, de leur mine abstraite explorant les merveilles, Ma lampe curieuse a pâli dans les veilles ; Mais lorsque, sous mes pas, ses lumineux secours Des sentiers de l’étude éclairaient les détours, Je n’ai pas, de la gloire évoquant la richesse, Vu son manteau de pourpre en cacher la rudesse. […] Il en gémit, il s’en irrite ; il revient souvent sur l’idée de la gloire, tantôt pour la repousser, la maudire avec amertume, tantôt avec regrets et remords pour tâcher de la ressaisir. […] J’ignore si ce peut être un adoucissement pour les défaites du poëte ; mais je sais qu’en le lisant on se console de ne pas obtenir la gloire dans les arts, lorsqu’on voit combien ont souvent de génie enfoui et rebelle, combien de laborieuses douleurs subissent ceux même qu’elle ne devra pas couronner.

303. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. Vitet à l’Académie française. »

Poëte d’un vrai talent, doué par la nature de qualités riches et rares, amoureux de la gloire immortelle et capable de longues entreprises, il ne lui a manqué peut-être au début qu’une de ces disciplines saines, et fortes qui ouvrent les accès du grand par les côtés solides, et qui tarissent dans sa source, et sans lui laisser le temps de grossir, la veine du faux goût. […] Non hic Centauros, non Gorgonas Harpyiasque Invenies ; hominem pagina nostra sapit. » Dans l’intérêt même des poëtes généreux et déçus qui, en des âges tardifs, ont visé à recommencer ces grandes gloires, une fois trouvées, des Sophocle et des Homère, dans l’intérêt de ceux qui étaient comme Ponticus du temps de Properce, ou comme M.  […] Il eut d’ailleurs la justesse de reconnaître tout d’abord que, dans ce genre mixte, où l’auteur n’est ni franchement poëte dramatique ni historien, mais quelque chose entre deux, on pouvait très-bien réussir, sans qu’il y eût pour cela une grande palme à cueillir au bout de la carrière : l’auteur n’a devant lui, disait-il, ni la gloire des Corneille, ni celle des Tite-Live. […] il est des talents jactancieux qui se font gloire d’étaler et de produire au jour les tristes objets dont ils ont rempli leur vie.

304. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Les titres de ses volumes marquent bien cette préoccupation : l’Écume de Paris, Paris capitale de l’art, la Gloire à Paris. […] Un jeune romancier a récemment consacré à sa gloire un livre tout entier, qui est bien un des libres les plus extraordinairement bouffons qu’on ait jamais écrits sans le savoir. […] Or ce montreur et cet émule des gloires parisiennes, ce Parisien qui a le dépôt de l’esprit de Paris, est né à Cologne ; et je n’ai pu parvenir à comprendre, dans le récit de M.  […] Rochefort (La Gloire à Paris) : 1° « L’action très grande de Rochefort est dans cette belle gaieté qui est le fond de son tempérament vraiment français »   2° « Rochefort est un des rares Parisiens de l’ancien temps qui ait conservé dans l’âge mûr cette belle insouciance et cette bonne humeur qui furent autrefois les qualités maîtresses de la race française. » (Je pense qu’il faut entendre : « Rochefort est un Parisien le l’ancien temps, un des rares Parisiens qui aient conservé », etc. )   3° « Chacun dans sa sphère plisse le front… Je ne vois plus guère que Rochefort qui ait conservé la gaieté de la vieille race française »   4° « Après avoir exaspéré beaucoup de ses contemporains par la violence excessive de ses écrits, il les ramène aussitôt à lui par les éclats de sa gaieté si française. » Pour Offenbach, le refrain est : « Quel artiste ! 

305. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXVIII. Caractère essentiel de l’œuvre de Jésus. »

La gloire éternelle, dans tous les ordres de grandeurs, est d’avoir posé la première pierre. […] Ne disons pas davantage que la gloire de la fondation du christianisme doit revenir à la foule des premiers chrétiens, et non à celui que la légende a déifié. […] La grande originalité du fondateur reste donc entière ; sa gloire n’admet aucun légitime partageant. […] Tout favorise ceux qui sont marqués d’un signe ; ils vont à la gloire par une sorte d’entraînement invincible et d’ordre fatal.

306. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé d’Aubignac, avec Ménage, Pierre Corneille, Mademoiselle de Scudéri et Richelet. » pp. 217-236

L’auteur avoit en vue la gloire du théâtre François, l’espérance d’être utile aux jeunes poëtes, de développer le germe des talens dramatiques. […] Il avoit l’ame indépendante & fière, & ne se croyoit redevable à personne de la moindre portion de sa gloire. […] Le grand Corneille en fit quelques-unes qui ne sont pas à sa gloire. […] Elle n’eut pas vu tranquillement sa gloire partagée.

307. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Mais passons aux temps modernes, et hâtons-nous d’arriver à l’époque la plus mémorable de notre gloire dramatique, à l’apparition de Molière. […] De grands généraux, de grands écrivains en ont immortalisé la gloire : Molière en a immortalisé les ridicules et les vices. […] Le temps où parut Le Misanthrope était, à coup sûr, celui de la politesse et de l’élégance ; la cour où l’on s’exprimait avec cette pureté de langage était l’asile de l’esprit et des grâces ; le pays qui produisait de pareils chefs-d’œuvre était parvenu à un haut degré de gloire et de civilisation. […] Le souverain qui associe tous les talents à la gloire de son règne est l’appui de l’écrivain qui en accroît la splendeur ; le législateur qui réforme son siècle est le soutien du moraliste qui l’éclaire.

308. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Guizot » pp. 201-215

Lui qui avait mis comme un bienfait peut-être une telle obscurité sous une telle gloire, n’a pas permis que cette gloire fût comme un flambeau qu’on retourne pour voir dans cette obscurité. […] — enfin, revenant, sans gloire (si la gloire est le bruit), mourir dans sa bourgade, jeune encore d’âge et inépuisable de génie, et même — ce dernier coup de l’ironie ! 

309. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes d’Amérique » pp. 95-110

En effet, son admiration a des manières tellement ingénieuses de se traduire et de s’affirmer, que très souvent on se demande, en le lisant, si l’homme qui a écrit de telles pages, qui brûle un encens de ce fumet pour la plus grande gloire des dames américaines, s’entend lui-même, ou s’il ne serait pas plutôt un mystificateur de premier ordre, un ironique profond, un Masque-de-Fer d’ironie, comme on a prétendu que l’avait été Machiavel-le-Sphinx quand il écrivit la tactique de la Tyrannie. […] La gloire et la force du peuple américain, c’est la bâtardise : « La transplantation des races européennes — dit-il, l’anti-Européen, — a eu pour premier effet sinon de dissoudre entièrement, au moins d’affaiblir le principe de la famille. » Et plus bas, devenant plus explicite, il ajoute : « Le passage de l’Européen outre-mer a toujours eu pour cause une protestation contre l’autorité paternelle, une déclaration d’indépendance individuelle, une sorte d’assimilation à l’état de bâtardise. » Et le singulier penseur, qui lit l’histoire les yeux retournés, non seulement ne voit pas les conséquences éloignées du vice originel de l’Amérique, mais, lui qui parle tant de réalité, il ne voit pas même les réalités présentes ; car, à l’heure qu’il est, tout le monde sait, sans avoir eu besoin d’aller en Amérique, que le peuple américain est un peu gêné en ce moment par son heureuse bâtardise ; que la question de l’indigénat est une des plus grosses questions qui aient jamais été agitées dans les États de l’Union, et que cette question n’est pas autre chose que la nécessité — sous peine de dissolution complète — de se faire une espèce de légitimité contre l’envahissement croissant de toutes les bâtardises de l’Europe, contre le flot montant des immondices qu’elle rejette ! Les Américains, que Bellegarrigue a des manières très particulières à lui d’adorer, ne pensent donc pas, sur ce qui fait leur force et leur gloire, comme leur audacieux et compromettant panégyriste. […] Quant aux Américains, que depuis longtemps les philosophes de l’École radicale s’obstinent à regarder comme le peuple de l’avenir qui doit renouveler tous les autres, s’ils sont peints ressemblants dans ce livre scandaleux, écrit à leur gloire, l’Europe peut être bien tranquille.

310. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « La Papesse Jeanne » pp. 325-340

Mais le traducteur du livre que voici, et qui a déjà eu tant de traducteurs, n’a pas signé la sienne… et, franchement, ce n’est pas aimable pour son grand homme à lui, — pour Emmanuel Rhoïdis, — un nom mélodieux, par parenthèse, très facile à répéter pour la Gloire, si la Gloire était une mijaurée qui zézéyât comme Alcibiade, et n’avait pas cette bouche d’airain capable de tout prononcer ! […] Voilà ce qui fait présentement la gloire de la Grèce, de ce pays de Démosthène, d’Aristophane et de Platon ! […] Nous pouvons nous sentir une noble jalousie pour cette gloire de la Grèce moderne qui doit exciter entre peuples une émulation généreuse, dans l’intérêt de la multiplication des chefs-d’œuvre !

311. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Même en critique littéraire, qui est son métier et dont on voudrait faire sa gloire, ses idées générales, quand il en ose, sont de ces platitudes ineffables que le premier venu rencontrerait. […] III Ai-je montré assez de ces Entretiens d’Eckermann pour affirmer, comme je me permets de le faire, qu’il vaudrait mieux pour la gloire de Gœthe qu’ils n’eussent pas été publiés ? […] Prenez les jugements de celui qu’il appelle le plus grand des critiques sur lord Byron, Molière, Voltaire, Shakespeare, Diderot, etc., tous ces esprits éclairés de tant de côtés à la fois par leur propre gloire, et sur lesquels on est tenu, pour être un grand elle plus grand critique, de dire un mot qui n’a pas été dit, démontrer une qualité ou un défaut qu’on n’avait pas vu jusque-là, et demandez-vous si toutes ces gloses de Gœthe au bon Eckermann ne sont pas faites avec des idées qui sont dans la circulation, ou qui, si elles n’y étaient pas, pourraient y être mises par la première plume moyenne venue, la première plume honnête et modérée. […] qui n’a pas fini avec la vie de Gœthe et qui continue jusqu’après la tombe, jusqu’après même ce livre d’Eckermann, que je maintiens, moi, une ignorante et aveugle déposition contre Gœthe, et qu’on interprète en faveur de son génie et de sa gloire… Je me demande toujours pourquoi… 7.

312. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIII. M. Nicolardot. Ménage et Finances de Voltaire » pp. 297-310

Nous pensons trop que de ce siècle, qui n’est pas jugé, puisqu’on le loue encore, tout est radicalement mauvais, — mauvais par l’erreur de l’esprit, par le vice du cœur et même par les contre-sens de la gloire, pour ne pas accueillir avec applaudissement un livre qui fait la preuve, souveraine et multiple, de la perversité de doctrine, de mœurs et de renommée de ce siècle déperdition. […] Nicolardot ne connaît pas ce sentiment qu’on pourrait appeler l’importunité de la gloire, mais il n’en connaît pas non plus la servilité. […] Jusqu’ici Voltaire n’avait été vu, il n’avait été contemplé qu’à travers sa gloire et les crimes de son génie. […] Seul, Joseph de Maistre, écartant et déchirant cette pourpre de la gloire, jetée parfois comme un voile splendide sur des fronts coupables, avait peint, résolument Voltaire et il l’avait peint si horrible que son portrait, quoi qu’il fût ressemblant, parut une charge sublime de la Haine… Eh bien !

313. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

Il n’était point dédaigneux de la gloire, mais il était bon enfant avec elle, qui devait le prendre au lit, comme l’homme de la fortune, dans La Fontaine, si elle le prenait un jour. […] De temps en temps, une Revue, à laquelle il faut rendre cette justice qu’elle n’a pas cessé d’être littéraire quand la littérature véritable, la littérature désintéressée n’avait pas une pierre pour reposer sa tête, L’Artiste, publiait des vers charmants à faire presque croire qu’Alfred de Musset vivait toujours… Ces vers, qui, d’ailleurs, ne jouaient ni au pastiche, ni au mystère, ces vers sincères, étaient sincèrement signés de ce nom euphonique de Saint-Maur, qui, du moins, n’écorchera pas la bouche de la gloire, si cette renchérie se donne la peine de le prononcer ! […] Bientôt, le poète de L’Artiste eut ses quarante personnes auxquelles Stendhal, l’homme de goût, noblement dégoûté, bornait la gloire. […] Elles n’oublieront pas la manière dont il a chanté en pleurant sa fille morte, et c’est elles qui commenceront sa gloire.

314. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Honoré de Balzac » pp. 1-15

Honoré de Balzac2 I On s’occupe beaucoup de Balzac, et, amis ou ennemis, on s’en occupera longtemps encore, car, à trois pas d’une tombe, une grande gloire est presque une importunité. […] Nous n’en craignons pas même les Archiloques, s’il s’en rencontre, car les limes de la gloire sont plus dures que la dent des gracieux animaux qui les rongent, et c’est toujours quelque chose, c’est encore un profil pour l’intelligence que le talent, fût-il dans l’injustice. […] Plus la gloire et le talent semblent de bon aloi, plus le peseur de tout cet or fin doit avoir la main sûre et le tact exquis. […] Buloz, passée dans la manche d’un lauréat d’académie, pour rendre plus solennels les coups que l’on veut porter à l’une des plus grandes gloires littéraires du dix-neuvième siècle ?

315. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Contre une légende »

La gloire qu’il pouvait espérer, c’était une gloire sévère, la même, si vous voulez, que son illustre ami M.  […] Or, il s’est trouvé que, tout à coup et contre son attente, cet hébraïsant, cet homme voué aux plus austères études, a connu, outre la gloire, la popularité, je dis la popularité la plus retentissante, quelque chose en vérité comme celle de M. 

316. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XV. De Tacite. D’un éloge qu’il prononça étant consul ; de son éloge historique d’Agricola. »

« Il a joui trente ans de sa gloire, nous dit-il ; il a vu des poèmes composés en son honneur, il a lu lui-même son histoire, et la postérité a commencé pour lui de son vivant. […] « En attendant, dit-il, je consacre ce livre en l’honneur d’Agricola mon beau-père ; et dans ce projet ma tendresse pour lui me servira ou d’excuse, ou d’éloge45. » Alors il parcourt les différentes époques de la vie de son héros, peignant partout comme il sait peindre, et montrant un grand homme à la cour d’un tyran, coupable par ses services même, forcé de remercier son maître de ses injustices, et obligé d’employer plus d’art pour faire oublier sa gloire, qu’il n’en avait fallu pour conquérir des provinces et vaincre des armées. […] Domitien, naturellement féroce, et d’autant plus implacable dans sa haine qu’elle était plus cachée, était cependant retenu par la prudence et la modération d’Agricola ; car il n’affectait point ce faste de vertu et ce vain fanatisme qui, en bravant tout, veut attirer sur soi l’œil de la renommée ; que ceux qui n’admirent que l’excès sachent que même sous de mauvais princes, il peut y avoir de grands hommes, et qu’une vertu calme et modeste, soutenue par la fermeté et les talents, peut parvenir à la gloire, comme ces hommes qui n’y marchent qu’à travers les précipices, et achèvent la célébrité par une mort éclatante, mais inutile à la patrie46. » Toutes les fois que Tacite parle des vertus d’Agricola, son âme fière et ardente paraît s’adoucir un peu ; mais il reprend la mâle sévérité de son pinceau pour peindre le tyran soupçonné d’avoir fait empoisonner ce grand homme, s’informant avec une curiosité inquiète des progrès de sa maladie, attendant sa mort de moment en moment, et osant feindre de la douleur, lorsqu’assuré qu’Agricola n’est plus, il est enfin tranquille sur l’objet de sa haine.

317. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 418-420

Ce n’est pas une petite gloire pour M. de Cahusac, d’avoir réussi dans un genre de poésie où tant de Poëtes célebres, & M. de Voltaire lui-même, ont échoué. […] Des Héros efféminés, des images licencieuses, des madrigaux emmiellés, ne sont propres ni à former ni à divertir une Nation jalouse de la véritable gloire.

318. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 84-86

N'eût-il que la gloire d'avoir fondé des Colléges, favorisé le progrès des Lettres, donné l'existence & de sages loix à l'Académie Françoise, il mériteroit une place dans cet Ouvrage : il y a encore des droits en qualité de Littérateur. […] Un Auteur, dont la gloire & la fortune eussent dépendu du succès d'une Piece, ne se seroit pas livré à des démonstrations aussi peu mesurées.

319. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 353-355

Peu d'Hommes ont eu un goût plus vif pour les Lettres & les Arts, & ont été aussi jaloux de la gloire de ceux qui les ont cultivés. […] de Voltaire, qui devoit, en son particulier, lui savoir gré de l'avoir si bien partagé dans les honneurs qu'il a accordés à nos grands Poëtes ; mais la gloire ne le touche qu'autant qu'elle est exclusive, & M.

320. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Depuis que, laissant la gloire pour la popularité par la politique, il a repris sa voix de tête pour chanter le refrain tout contraire de la haine au prêtre et au roi, je me donne le plaisir mélancolique de relire ses poésies de désillusionné, écrites pour la seule gloire, et que la gloire a consacrées. […] Où manque cet accord, il n’y a, au lieu de gloire, qu’une réputation à débattre entre érudits. […] Si ce n’est plus qu’un nom, ce nom signifie quelque chose dans la langue de la gloire. […] Nous nous lassons plus vite des réputations que nous avons faites, que des gloires qui se font sans nous. […] Est-ce donc qu’on ne leur enseigne pas, dans leurs écoles si vantées, ce que c’est que la gloire ?

321. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 115-117

Nous ignorons s’il est vraiment un des parens de cet Auteur ingénieux & ordurier ; mais nous pouvons assurer qu’il n’a rien de commun avec lui que la licence scandaleuse de ses Vers, plus pitoyables encore que sa Prose ; ce qui a fait dire à bien des gens, qu’il eût mieux valu, pour sa gloire, qu’il se fût uniquement attaché à la Médecine, où il auroit pu cacher plus facilement ses fautes. Nous ajouterons, encore que cette gloire exigeoit qu’il se garantît de la démangeaison de faire des Epigrammes.

322. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 412-415

Il faut cependant rendre justice à quelques Strophes, & sur-tout à celle-ci, dont le quatrieme Vers paroîtra très-heureux : Qu’on te bénisse dans les Cieux, Où ta gloire éblouit les yeux, Où tes beautés n’ont point de voiles, Où l’on voit ce que nous croyons, Où tu marches sur les étoiles, Et d’où jusqu’aux Enfers tu lances tes rayons. […] Mais leur gloire tombe par terre ; Et comme elle a l’éclat du verre, Elle en a la fragilité.

323. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 277-279

Nous n’ignorons pas que les Philosophes & leurs partisans en pensent ou en parlent bien différemment ; mais nous nous faisons gloire de manifester ce que nous pensons du mérite des Auteurs, & nous invitons celui-ci à ne point se laisser aveugler sur les qualités qui lui manquent, par les applaudissemens des Sectateurs d’une Morale ennemie de celle qu’il prêche : leur suffrage n’est propre qu’à humilier l’Orateur Evangélique & Chrétien. Avec de la modestie, le vrai talent se défie de la fausse gloire ; avec de la docilité, il profite des avis qui l’éclairent, & parvient, sans intrigue, à la véritable.

324. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 115-117

Ainsi, pourvu qu'ils viennent à bout de se procurer une gloire éphémere, ils ne craignent pas de dégrader le talent, en détruisant l'Art même, qui se perd quand il sort de ses limites. […] Rochon de Chabannes, qui a le talent de saisir les ridicules, mais qui se contente de les effleurer, auroit pu prétendre à la gloire de réussir dans le haut comique, s'il ne se fût pas laissé trop entraîner au ton dominant.

325. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 392-394

On diroit qu’il travaille moins pour la gloire, que pour satisfaire l’avidité des Libraires, ou de ceux qui ont recours à sa plume. […] « Forcé par la fortune à être avare de mon temps, je suis souvent réduit à le consacrer à ces hommes qui, nés avec plus de fortune que de talent, aspirent à la gloire littéraire, quoique la Nature leur ait refusé les moyens d’en acquérir.

326. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque (2e partie) » pp. 81-155

Ce dont on l’accuse le couvre de gloire selon moi. […] Ces montagnes, dira-t-il, renferment dans leurs entrailles ce grand poète qui fait la gloire du monde. […] L’âme est le principe de toute gloire durable dans les lettres comme dans les actes des vrais grands hommes. […] apaise les mânes des hommes qui ont fait ta gloire ! […] Ils ont tenu à avoir l’infâme gloire de me conduire toujours mendiant, comme Homère, à ma sépulture !

327. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

Il aimait la gloire, mais pas si naïvement que l’ont bien voulu dire ceux qui ne peuvent marquer un trait saillant d’un grand homme sans pousser aussitôt à la caricature. Lorsqu’on lui érigea de son vivant cette statue à laquelle il consentit sans l’avoir désirée, et qu’il aurait souhaité qu’on ne fît placer qu’après sa mort : « J’ai toujours pensé, écrivait-il à son vieil ami le président de Ruffey, qu’un homme sage doit plus craindre l’envie que faire cas de la gloire, et tout cela s’est fait sans qu’on m’ait consulté. » Cette statue, notez-le bien, lui fut érigée en manière de consolation et de dédommagement honorifique par ceux qui lui avaient fait un tort réel en obtenant sous main la survivance de sa charge d’intendant du Jardin du roi. Il disait encore, et du ton de la sincérité, au terme de sa carrière : « Je ne cherche point la gloire ; je ne l’ai jamais cherchée, et, depuis qu’elle est venue me trouver, elle me plaît moins qu’elle ne m’incommode. […] Je vous supplie donc à genoux, ma divine amie, de venir en effet illuminer de vos rayons célestes de gloire et de vertu cette voûte antique où je réside et rêve huit heures chaque jour. […] Le jeune magistrat, fort instruit des choses littéraires, a pris à cœur cette gloire domestique dont il relève, et s’est fait une piété et une ambition d’y ajouter.

328. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Conclusion. »

Depuis la gloire, qui a besoin du suffrage de l’univers, jusqu’à l’amour, qui rend nécessaire le dévouement d’un seul objet, c’est en raison de l’influence des hommes sur nous que le malheur doit se calculer ; et le seul système vrai pour éviter la douleur, c’est de ne diriger sa vie que d’après ce qu’on peut faire pour les autres, mais non d’après ce qu’on attend d’eux. […] Il faut compter dans chaque caractère les douleurs qui naissent des contrastes de bonheur ou d’infortune, de gloire ou de revers dont une même destinée offre l’exemple ; il faut compter les défauts au rang des malheurs, les passions parmi les coups du sort, et plus même, les caractères peuvent être accusés de singularité, plus ils commandent l’attention du philosophe ; les moralistes doivent être comme cet ordre de religieux placés sur le sommet du mont St. […] Si vous êtes traversés dans vos projets pour acquérir et conserver la gloire, votre esprit peut s’attacher à l’événement qui, tout à coup, a interrompu votre carrière, et se repaître d’illusions, plus faciles encore dans le passé que dans l’avenir. […] Vos ennemis sont vaincus, ils n’offrent plus aucune résistance, ils ne serviront plus à votre gloire, même par leurs défaites ; voulez-vous encore étonner ? […] Attachez-vous à l’avenir par la vertu, fixez la reconnaissance par les bienfaits qui durent ; il n’est point de capitole, il n’est point de triomphes qui puissent ajouter à votre éclat ; vous êtes au pinacle de la gloire militaire, la générosité seule plane encore au-dessus de vos têtes.

329. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Ronsard : sa gloire. […] Ce fut une gloire européenne : Elisabeth, Marie Stuart, le Tasse, souverains et poètes l’encensaient ; l’Angleterre, l’Italie, l’Allemagne, jusqu’à la Pologne enviaient à la France le rival d’Homère et de Virgile. […] Les troubles civils tireront de lui une manifestation originale et considérable, les Discours, dont nous parlerons en leur lieu ; auprès des contemporains, ils ont plus nui que servi à sa gloire, en lui aliénant les protestants. […] La gloire épique de Ronsard réside dans l’opinion qui précéda, qui attendit son œuvre, et non dans l’œuvre même, qui, somme toute, fit un médiocre bruit. […] La dernière édition de Ronsard est de 1630 : c’est vers ce moment, entre 1630 et 1640, qu’il s’enfonce décidément dans l’oubli, où il se perdra, quand seront morts les derniers représentants des générations qui avaient assisté à sa gloire.

330. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

N’ayant plus d’espoir d’être employé, réduit bientôt après à l’inaction par la maladie, alors l’ambition qui bout en lui prend un autre cours, et tend à la gloire par d’autres efforts. […] Ce qui remplit ses ouvrages, ce sont ses désirs, ses aspirations, ses inclinations, ses dégoûts, ses haines, ses idées de gloire et de combat ; ce sont des confidences échappées dans la fièvre de l’ennui ou le désespoir de l’impuissance. […] Irréligieux sans tapage et sans raillerie, déiste avec gravité, Vauvenargues ne connaît d’immortalité que celle de la gloire, et comme il l’a dit, les hommes, la vie présente sont l’unique fin de ses actions. […] Il y avait aussi les ministres et le roi : des lettres de cachet envoyaient à la Bastille, à Vincennes, au For-l’Évêque, Voltaire, Diderot, Marmontel, Morellet, Beaumarchais : douces et commodes prisons qui donnaient à peu de frais la gloire du martyre ! […] Il y a quelques-uns de leurs contemporains qui eurent leur heure de gloire ou de tapage.

331. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

L’esprit humain ne vient-il pas de traverser, sans en éprouver aucun retardement, tout le despotisme de Bonaparte, c’est-à-dire le despotisme le mieux conçu et le plus savant qui ait jamais existé, puisqu’il était décoré de la gloire militaire, toujours si séduisante pour les hommes, et qu’il avait forgé ses chaînes avec le secours de tous les arts et de toutes les industries d’une civilisation avancée ? […] Les poètes conduisaient aux combats, et chantaient la gloire des héros après la victoire. Les palmes des jeux olympiques étaient égales aux trophées de la gloire. […] Ainsi encore ces mêmes peuples de la Grèce, souvent dispersés par des malheurs qui sont devenus l’héritage exclusif des muses, jettent à toutes les époques et sur tous les rivages de fabuleuses ou d’héroïques colonies destinées à perpétuer les souvenirs brillants de la gloire ou les rêves aimables de l’imagination. […] À chaque âge il y a des rois qui gouvernent, des généraux qui gagnent de grandes batailles, des poètes et des philosophes qui laissent un nom, des savants qui étendent le domaine des sciences ; et, autour des rois, des générations obscures qui s’éteignent au pied du trône ; et, autour des grands capitaines, des soldats sans renommée qui ont acheté de leur vie la gloire de leur général ; et, autour des poètes, des philosophes, des savants, une multitude vaine et tumultueuse qui a honoré de ses suffrages le fruit de tant de veilles, sans laisser elle-même aucune trace dans la mémoire des hommes.

332. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Il suffit de rappeler cette monodie de Shirley, dans son Ajax furieux : « Les gloires de notre vie mortelle sont des ombres, non des réalités ; il n’y a pas d’armure à l’épreuve du destin. […] Ce fut celle de Gray, parvenu à une gloire éminente, dans le siècle dernier, avec de rares et courts essais de poésie, et célèbre encore de nos jours, après le grand éclat de poésie moderne qui lui a succédé et qui semblait devoir l’ensevelir. […] De ce fond sortit un chant et la gloire des anciens bardes calédoniens, où brille bien mieux que dans l’Ossian de Macpherson lu flamme vraie du patriotisme et de la poésie. […] Visions de gloire, épargnez ma vue souffrante ! […] Je vois avec allégresse la fin différente que nos destinées nous amènent : à toi le désespoir et les soucis du sceptre ; à moi, de triompher et de mourir. » « Il dit ; et, la tête en bas, lancé du haut de la montagne dans le cours mugissant du torrent, il plongea jusqu’à la nuit éternelle. » Voilà, sous la langueur de la prose, cette ode célèbre qui fit tressaillir l’imagination anglaise, et qui suffit, depuis un siècle, à la gloire nationale d’un poëte !

333. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Gloire à ceux qui sont morts pour elle ! […] Merveilleuse correspondance, antithèse toute faite pour Hugo : la colonne de la Victoire, la colonne de la Liberté ; la colonne de la Gloire militaire, la colonne de la Gloire civile. […] Une gloire propre. […] Je n’usurperai point une gloire vaine. […] Les trahit officiellement, formellement, et s’en fait gloire et honneur.

334. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’amour de la gloire et la vertu, qu’il trouvait si absents dans le train de vie moderne, lui paraissaient avec raison l’âme du monde antique en ses beaux temps. […] Les anciens peuples ont commencé par la pauvreté et l’égalité ; la gloire les a enivrés, menés aux richesses et au pouvoir absolu. […] On est tenté de croire que M. de Meilhan a songé à lui dans ce portrait d’Aladin qui nous représente assez bien son propre idéal et ce qu’il aurait voulu être dans la jeunesse : Aladin était éloquent, passionné pour la liberté ; il était épris de la gloire et sentait qu’on ne pouvait s’élever dans une cour qu’en rampant, et que l’assiduité tenait lieu de mérite. […] L’aspect des monuments le porte à la réflexion, ranime ses désirs de gloire et réveille aussi sa sensibilité en lui rappelant la multitude des races disparues. […] En songeant à cette foule d’écrivains du temps dont vous parlez, je crois voir une troupe de nains montés sur les épaules les uns des autres, qui s’applaudissent d’être parvenus à une grande hauteur : l’homme qui aurait eu la force d’y atteindre seul et d’un même élan dédaignera une gloire dont chaque nain peut revendiquer une partie.

335. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Il fut ensuite à Paris, s’y laissa aller, bien qu’avec décence, à l’entraînement des amitiés et de la jeunesse, distrait de ses principes, obscurci dans ses croyances, jamais impie ni raisonneur systématique ; versifiant beaucoup dès lors, jusque dans ses lettres familières, songeant à la gloire poétique, à celle du théâtre en particulier ; d’ailleurs assez mécontent du sort et trouvant mal de quoi satisfaire à ses goûts innés de noble aisance et de grandeur. […] De retour à Paris après sept ans, je crois, De soleils de Toscane ou d’ombre sous tes bois, Comptant trop sur l’oubli, comme durant l’absence, Tu retrouvais la gloire avec reconnaissance.  […] C’est la loi : tout poëte à la gloire arrivé, À mesure qu’au jour son astre s’est levé, A pâli dans son cœur. […] L’or et ses dons pesants, la Gloire qui fait roi, T’ont laissé bon, sensible, et loin autour de toi  Répandant la douceur, l’aumône et l’indulgence. […] Elle exhale enfin, elle exprime dans Novissima Verba ces quarts d’heure de navrante agonie, qui, comme une horrible tentation ou un avertissement salutaire, s’emparent souvent des plus nobles mortels au sommet de l’existence, et les inondent d’une sueur froide, rapetissés soudain et criant grâce, au sein des félicités et de la gloire !

336. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

C’est l’expiation des hommes supérieurs qui ne surent pas aimer, de n’être pas aimés après eux dans leur gloire. […] Le temps l’appelait : les chances de la gloire, de la tyrannie, de la servitude et des malheurs des peuples à la suite des guerres de Louis XIV, avaient soufflé dans toutes les âmes, en Europe, une sorte de pressentiment de ce livre. […] C’est à Cambrai, pendant les tristes années où l’Europe liguée faisait expier à Louis XIV l’éclat dominateur, les longues prospérités, la gloire hautaine de tout son règne, qu’il faut surtout admirer Fénelon. […] Au moment où notre armée sans subsistance allait mourir de faim, il eut la gloire de la sauver. […] Fénelon aima, ce fut son génie ; il fut aimé, ce sera sa gloire.

337. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

» Toutefois elle est ravie de ce que tout le monde loue le roi, et voudrait qu’il en rapportât la gloire à Dieu seul. […] J’ai voulu seulement montrer, dans le plus grand événement de sa vie, le triomphe d’une des plus illustres personnes de la société polie, et de cette société elle-même dont elle fut l’ornement et la gloire. […] Encore une fois, ce n’est point le mariage qui est la gloire de madame de Maintenon, c’est le désintéressement, c’est le sacrifice de son amour, c’est le vertueux usage de l’empire qu’il lui donnait sur le cœur du roi pour le remettre dans ses devoirs : et c’est à l’honnêteté morale de madame de Maintenon, à celle de sa société tout entière, à la considération et aux aimables qualités qu’elle tenait de ses nobles amies, qu’est due la gloire que j’ai pris plaisir à célébrer. […] La cour était florissante ; la gloire y déguisait le désordre des mœurs, ou le rachetait. […] Victorieux depuis qu’il régnait, n’ayant assiégé aucune place qu’il n’eut prise, supérieur en tout genre à ses ennemis réunis, la terreur « de l’Europe pendant six années de suite, enfin son arbitre et son pacificateur, ajoutant à ses états la Franche-Comté, Dunkerque et la moitié de la Flandre ; et ce qu’il devait compter pour le plus grand de ses avantages, roi d’une nation alors heureuse et alors le modèle des autres nations. » Les armées qui avaient conquis les pays dont sa longanimité rendait la plus grande partie par la paix de Nimègue, étaient florissantes, pleines de gloire et de confiance.

338. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Parmi les mots et les idées qui reviennent le plus souvent sous sa plume quand elle se mit à écrire, je distingue surtout les mots mœurs, innocence et gloire. […] Cette modestie est une langueur de l’âme, qui l’empêche de prendre l’essor et de se porter avec rapidité vers la gloire. […] Les conseils à son fils parurent pour la première fois en 1726 dans les Mémoires de littérature du père Desmolets, sous le titre de Lettre d’une dame à son fils sur la vraie gloire. […] J’ai dit que la gloire est le but ouvertement proposé par le moraliste, qui, en ceci, est plus antique que moderne et plus d’accord avec Plutarque qu’avec l’Évangile. […] Il faut donc que les femmes se résignent aux vertus paisibles, et ces vertus sont difficiles « parce que la gloire n’aide pas à les pratiquer ».

339. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Toute réussite pratique et toute œuvre admirée, toute gloire de tout ordre, littéraire, artistique, militaire, religieuse, politique, industrielle, comprend donc les mêmes éléments, le même accord entre esprits supérieurs et inférieurs : l’œuvre, l’entreprise, est d’abord une conception, résultant, de plus en plus profondément, de l’intelligence acquise et originelle de son auteur, de la constitution de son cerveau, de tout son corps, des influences obscures encore qui l’ont formé tel : elle est ensuite cette conception détachée pour ainsi dire de son auteur et y tenant, comme un germe issu d’un être, passée de ce cerveau à d’autres, où elle se répercute, se reproduit, renaît, redevient efficace et cause des actes ou des émotions analogues à ceux qui existent dans l’âme primitive : cette reproduction, son degré marquent la similitude entre l’âme réceptrice et l’âme émettrice, en vertu du fait que les phénomènes psychiques d’un individu forment une série cohérente, en vertu encore du fait qu’une conception suppose la coopération de toute une série de rouages mentaux et qu’ainsi le fait de partager pleinement une conception montre ta similitude de ces rouages. […] La gloire d’un artiste et la victoire d’un héros sont des phénomènes analogues, et se décomposent en deux faits : l’un d’individuation qui réalise et érige dans la masse un type ; le second d’imitation, d’adhésion, d’approbation, d’admiration, qui agrège à ce type tous ses similaires inférieurs ; ceux-ci s’associent à ceux-là en vertu de la force élémentaire et universelle d’attraction qui unit tous les semblables et les groupe autour du plus semblable. […] La gloire, le pouvoir, la richesse, le succès ne s’acquièrent en dernière analyse qu’en suscitant dans des âmes étrangères, des images, des enchaînements de pensées et de sentiments, qui, remplaçant ou doublant les états d’esprit appartenant en propre à ces êtres subjugués, donnent à leur volonté, à leurs muscles, à leur sensibilité, des impulsions qui sont utiles à leur maître. […] La biographie pure, si clic suffit à nous expliquer un Alcibiade ou un Alexandre, un César même et à peine, ne parvient déjà plus à nous donner le sens intime ni de Frédéric le Grand, ni de Napoléon Ier, ni de M. de Bismarck ; il faut la correspondance et les œuvres littéraires de l’un, le mémorial, les bulletins, les lettres, les paroles de l’autre ; la correspondance ou les discours parlementaires du chancelier ; or le recours à ces ressources est du domaine de la critique scientifique, qui demeure ainsi, en somme, avec tous les auxiliaires dont elle s’entoure, le moyen le plus efficace de connaître tout entiers les esprits dont l’existence a compté et dont la gloire consiste à se survivre. […] Son œuvre de sociologue sera éclipsée par celle de l’école durkheimienne, puis tombera dans l’oubli, avant de connaître une deuxième heure de gloire internationale depuis quelques décennies, en particulier, dans le cas de la France, à cause de Gilles Deleuze.

340. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) «  Chapitre treizième.  »

Il ne faut pas donner à Bossuet une gloire qu’il n’a pas, et dont il n’a pas besoin. […] Nul écrivain chrétien n’a fait à Dieu plus d’holocaustes de la gloire humaine, et nul n’en a tracé des images plus propres à la faire aimer. […] Cette monarchie donnait à la France, au prix d’imperfections inévitables, les deux biens que notre nation prise le plus haut : la gloire au dehors et l’unité au dedans. […] Orthodoxe dans la doctrine, Bossuet ne le fut pas moins dans la méthode ; il eut pour lui, avec la gloire du bon exemple, la supériorité du talent. […] Leur gloire est de rendre immortelles par l’expression les vérités fondamentales qui servent comme d’assises à toutes les sociétés, quel qu’en doive être le couronnement.

341. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

L’ode pure, celle qui se voue exclusivement à la peinture de l’enthousiasme en présence de la gloire ou de la beauté. […] Barbier ; c’est dans la combinaison de ces deux éléments que se trouve la gloire. […] Il assiste à la gloire de son ami avec un entier désintéressement. […] Aujourd’hui la gloire, en le touchant du doigt, a fait de lui un autre homme. […] Il a connu la gloire et la popularité, il ne lui reste plus à subir que l’apothéose, il devient dieu.

342. (1874) Premiers lundis. Tome I « A. de Lamartine : Harmonies poétiques et religieuses — I »

Le spectacle de la nature et des montagnes dans les tempêtes, les miracles de la végétation, et en particulier le chêne qui en est le roi, enfin l’humanité et la femme, ce chef-d’œuvre de la création, y sont tour à tour célébrés comme racontant le nom et la gloire du Créateur. […] Cependant il n’est pas encore arrivé au terme de la vie ; il n’a pas encore épuisé la gloire, l’amour, l’avenir. […] qu’est-ce que la gloire ?

343. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

Méditant ce petit traité littéraire et didactique, il était encore dans cette mystérieuse ivresse de la composition, instant bien court, où l’auteur, croyant saisir une idéale perfection qu’il n’atteindra pas, est intimement ravi de son ouvrage à faire ; il était, disons-nous, dans cette heure d’extase intérieure, où le travail est un délice, où la possession secrète de la muse semble bien plus douce que l’éclatante poursuite de la gloire, lorsqu’un de ses amis les plus sages est venu l’arracher brusquement à cette possession, à cette extase, à cette ivresse, en lui assurant que plusieurs hommes de lettres très hauts, très populaires et très puissants, trouvaient la dissertation qu’il préparait tout à fait méchante, insipide et fastidieuse ; que le douloureux apostolat de la critique dont ils se sont chargés dans diverses feuilles publiques, leur imposant le devoir pénible de poursuivre impitoyablement le monstre du romantisme et du mauvais goût, ils s’occupaient, dans le moment même, de rédiger pour certains journaux impartiaux et éclairés une critique consciencieuse, raisonnée et surtout piquante de la susdite dissertation future. […] Il eût pu, à la vérité, emprunter d’autres couleurs sur la même palette, et jeter ici quelques bonnes pages bien philanthropiques, dans lesquelles — en côtoyant toutefois avec prudence un banc dangereux, caché sous les mers de la philosophie, qu’on nomme le banc du tribunal correctionnel — il eût avancé quelques-unes de ces vérités découvertes par nos sages pour la gloire de l’homme et la consolation du mourant ; savoir : que l’homme n’est qu’une brute, que l’âme n’est qu’un peu de gaz plus ou moins dense, et que Dieu n’est rien ; mais il a pensé que ces vérités incontestables étaient déjà bien triviales et bien usées, et qu’il ajouterait à peine une goutte d’eau à ce déluge de morales raisonnables, de religions athées, de maximes, de doctrines, de principes qui nous inondent pour notre bonheur, depuis trente ans, d’une si prodigieuse façon qu’on pourrait — s’il n’y avait irrévérence — leur appliquer les vers de Regnier sur une averse : Des nuages en eau tombait un tel degoust, Que les chiens altérés pouvaient boire debout. […] Il faut avouer qu’outre l’agrément de voir les sept ou huit caractères romains qui forment ce qu’on appelle son nom, ressortir en belles lettres noires sur de beau papier blanc, il y a bien un certain charme à le faire briller isolément sur le dos de la couverture imprimée, comme si l’ouvrage qu’il revêt, loin d’être le seul monument du génie de l’auteur, n’était que l’une des colonnes du temple imposant où doit s’élever un jour son immortalité, qu’un mince échantillon de son talent caché et de sa gloire inédite.

344. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Gabrille d’Estrées et Henri IV »

Et je doute qu’après ce portrait, si peu chargé et si peu fidèle, de cet heureux de la gloire, on continue de nous donner ce triple Gascon, qui gasconnait avec ses amis, avec les femmes, avec Dieu même, pour le modèle des rois français. […] Bon, il la tue de désespoir, puis il l’oublie ; grand, il meurt du coup de couteau qu’une politique qui allait de l’abjuration à l’Édit de Nantes aiguisa sur les deux tranchants ; et il trouve sa gloire dans des projets de gloire, l’intention — et c’est la première fois en histoire — étant réputée pour le fait !

345. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Il n’est ni assez profond, ni assez élevé, ni assez original, — cette cause d’isolement parmi les hommes, — pour dépayser cette moyenne des esprits et des âmes qui font les succès immédiats et travaillent à la gloire d’un homme comme les ouvriers des Gobelins à leur morceau de tapisserie, — sans voir ce qu’ils font. […] C’est le peintre de paysages qui a été aperçu d’abord, — qui a été goûté, vanté, et qui peut être considéré comme l’occasion de la gloire des deux autres, répondant moins aux préoccupations de l’époque et plus difficiles à apprécier. […] Rappeler Buffon après avoir rappelé Montaigne, et avec cela rester très individuel, très soi-même, un vrai humouriste, qu’on aime à lire, qui séchera suavement nos larmes ou reposera délicieusement nos yeux, quand nous les aurons mouillés par Sterne ou éblouis par Jean-Paul, n’est-ce donc pas assez pour la gloire d’un homme, fût-il même le compatriote de Rousseau ?

346. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

Tous ces exemples seront pourtant beaux et convenables aux mœurs des nations et des époques, où éclata leur gloire pareille en trois causes différentes. […] L’indignation de Pyrrhus, attaqué dans ce qui le touche le plus, dans sa gloire et dans son orgueil à la fois, rend plus excusable l’atrocité de sa vengeance. […] Avec quelle noblesse il les accuse de l’abandonner dans la misère et le mépris, de le proscrire et de le repousser des lieux dont il fit la gloire. […] quels cœurs généreux, puisqu’ils récompensent par de telles faveurs celui dont les chants font leur gloire ! […] Il démontre avec chaleur que le plus remarquable principe des hautes inspirations de Camoëns, fut l’amour brûlant de la patrie et de la vraie gloire.

347. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Il y a plus : dans l’admiration d’école qu’on avait pour Homère et Virgile, la gloire du premier offusquait le second et le jetait dans l’ombre ; car il faut être le premier en France pour être quelque chose. […] Après avoir expliqué l’influence de la race et de la patrie sur le génie de Virgile, il nous a fait voir la même influence sur sa gloire, sur cette spontanéité d’applaudissement qui porta si haut et si vite le nom de ce poétique Phidias qui avait, pour sculpter sa statue, pris son marbre dans l’orgueil national et la mémoire de tous. […] Sainte-Beuve, l’abeille de la critique qui en eut souvent la grâce et le dard, et le vol ondoyant, Sainte-Beuve, obéissant à ses facultés mobiles d’insecte ailé, a laissé là un sujet qui eût été, s’il l’avait traité à fond, le meilleur de sa gloire. […] Et voilà la première quille que j’abats dans le jeu de ce joueur heureux avec la Gloire ! […] Quand on tient par l’affection ou par l’admiration à la gloire d’un homme ou au charme incontesté d’une femme, il n’est permis, sous aucun prétexte, de publier des choses si évidemment, si manifestement inférieures que cette gloire et ce charme en reçoivent une profonde atteinte.

348. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Mme de Longueville n’avait laissé d’elle qu’une médaille, burinée par la main de ce fin et profond ciseleur, le cardinal de Retz, et cela suffisait à l’exigence des imaginations et à la justice même de la Gloire. […] Cousin, on se demande ce qu’on peut admirer en elle, et quelle gloire un écrivain croit se tailler dans le jupon de cette extravagante ! […] Certes, elle était fort capable de tremper son gant de Suède dans le sang d’un assassinat, elle qui n’avait vécu que de trames, de complots et de trahisons ; mais enfin, cette abominable gloire, elle ne l’a pas plus que toutes les autres. […] Cousin, le hérault d’armes de la gloire. […] Il compterait volontiers ; pour lui faire une gloire, le nombre des sonnets qu’on lui adressait, le nombre des ballets où elle figura !

349. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — [Note.] » pp. 444-445

Robert a cru trouver le bonheur dans la gloire et la réputation. […] Robert dit souvent que la gloire n’est qu’une vaine fumée.

350. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 150-153

Nous connoissons de lui plusieurs Ouvrages de Poésie qui nous ont paru très-estimables, mais dont la gloire semble le toucher peu. […] Il y a déjà acquis une juste gloire ; mais les temps critiques ne sont pas encore arrivés.

351. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Ses plus profondes impressions, lui-même s’en fait gloire, datent d’alors et donnent le sens vrai de son talent. […] ce mot là est une chiquenaude à la gloire. […] Lebrun, où il rendait un hommage à Delille, lui valut une visite du vieux poëte, ce qui était alors une gloire. […] Que puisse ma muse fidèle A sa gloire à jamais s’unir ! […] Et quelquefois même il arrive que le char va tout lentement et presque au pas, comme pour mieux montrer chaque diamant. — Gloire pourtant et merveille !

352. (1874) Premiers lundis. Tome II « Hippolyte Fortoul. Grandeur de la vie privée. »

J’aimerais autant qu’on inscrivît au frontispice de l’ouvrage ; la Gloire de l’Humilité, le Sublime de la Médiocrité. […] Au milieu d’un remarquable soin d’écrire et de peindre, une certaine précision de ligne et une certaine gloire de couleur lui manquent. […] Mais Simiane, une dernière fois, a triomphé des désirs de gloire masqués en projets généreux. […] Ce personnage de Simiane à côté de Rousseau est vrai ; celui-ci a eu de tels amis, ses égaux d’esprit et d’âme, et obscurs ; on peut relire l’éloquente page qu’il consacre à la mémoire de l’un d’eux : « Ignacio Emmanuel de Altuna était un de ces hommes rares que l’Espagne seule produit, et dont elle produit trop peu pour sa gloire…31. » Simiane est un de ces Emmanuels de Jean-Jacques, restés inconnus.

353. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Si ces ennemis parviennent (comme je ne le crains que trop) à briser dans ma main cette plume de l’homme de lettres, mille fois plus respectable quand elle cherche le salaire par honneur que quand elle cherche la gloire par vanité, ces ennemis apprendront trop tard (et avec regret, je n’en doute pas) que ce qu’ils appellent la mendicité du travail n’était que le devoir de la stricte probité. […] Aujourd’hui, je ne succombe pas, mais je chancelle sous le poids de beaucoup de choses plus lourdes que les années : je suis pauvre des besoins d’autrui ; sous ma fausse apparence de bien-être je ne suis pas heureux ; je n’éblouis personne de tous mes prestiges éteints ou éclipsés ; je dispute des proches, des amis, des clients, un berceau, un sépulcre, à l’encan des revendeurs de tombes ; je suis désarmé, je veux l’être ; il n’y a ni mérite, ni force, ni gloire à m’outrager ; il y en aurait à m’aider dans mon travail si l’on avait un autre cœur ! […] Le sort nous a réduits à compter nos salaires, Toi des jours, moi des nuits, tous les deux mercenaires ; Mais le pain bien gagné craque mieux sous la dent : Gloire à qui mange libre un sel indépendant ! […] Ainsi mourut, au site où se plaisait sa vie, La gloire des Romains, l’ennemi de Fulvie !

354. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

Théodore de Banville célèbre uniquement, sans arrière-pensée — et même sans pensée — la gloire et la beauté des choses dans des rythmes magnifiques et joyeux. […] Théodore de Banville a été un des premiers poètes de ce temps qui aient suivi les traces de Chénier aux pentes fleuries de l’Hymette où Béranger n’éveilla pas les abeilles, un des premiers à faire sur des sujets antiques des vers nouveaux, ce qui fut la gloire vraie de Chénier. […] Ô poésie, ô ma mère mourante, chantait le pauvre cher maître, car il ne voyait plus, autour de lui, s’échapper des touffes prophétiques la gloire vivante comme au temps de Ronsard ; les larmes amoureuses que recueillait Racine ne brillaient plus sur la face de la Patrie ; on ne songeait pas à Vigny ; Lamartine venait de s’endormir dans son cercueil d’ivoire. […] Au furtif baiser des amants sous les treilles, À l’admiration des jeunes gens — ô Maître Qui viennent quelquefois songer, devant ton ombre, À la gloire, à l’amour, aux danses, aux cadences D’une poésie pure et radieuse comme toi-même.

355. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Pouchkine, il est vrai, a commencé de jeter sur le tambour des journaux français son nom cymbalique, un de ces noms, par parenthèse, que la gloire aimerait à faire sonner ! […] Il est des gloires à bon marché. Pierre le Grand, Catherine II la Grande, et qu’on a appelée le Grand, comme si ce n’était pas assez que la Grande, sont de ces gloires qui diminuent beaucoup à l’examen. […] Ils avaient sous eux une colossale obéissance… Il n’y a que les peuples de ce côté-ci de l’Europe, si vite cabrés, qu’il soit difficile de gouverner et qui nous donnent, par conséquent, la véritable idée de la force de celui qui les gouverne et la justification de sa gloire.

356. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VIII. M. de Chalambert. Histoire de la Ligue sous le règne de Henri III et de Henri IV, ou Quinze ans de l’histoire de France » pp. 195-211

II Certes, quand on parcourt toutes ces histoires où la Ligue est en jeu, on a le droit de s’étonner de l’éternel oubli qui devrait pourtant être impossible, de l’organisation populaire telle que le catholicisme l’avait créée, de cette gloire du Moyen Âge à laquelle le monde moderne, qui l’insulte, n’a rien encore à opposer, des confréries dans les églises, des spécialités d’états, des corporations des arts et métiers et de leurs luttes, dès les premiers jours du Protestantisme, contre l’industrie protestante. […] Et pourtant quelle meilleure occasion qu’une histoire qui va de 1584 à 1598 pour peser cette gloire faite et surfaite par des cadets de famille en guerre contre leurs aînés (car voilà tout le secret du protestantisme de la noblesse de Henri IV !) […] Pour notre compte, à nous, nous ne savons pas de gloire à meilleur marché que celle de ce capitaine d’aventure, qu’on nous donne pour un grand capitaine parce qu’il allait gaiement au feu avec les autres, et, malgré le vaudeville qui obstrue l’histoire, nous n’en savons pas de moins française. […] Même son amour des femmes, qu’il a transmis, comme sa politique, à sa descendance si riche en bâtardises, son amour des femmes, cette gracieuse faiblesse que les femmes, qui travaillent à la gloire en France, ont la bonté de pardonner, a quelque chose d’égoïste, de superficiel et de grossier, qui devrait choquer davantage leurs instincts délicats et fiers ; mais on passe tout à ce gendarme !

357. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 358-361

Il s’en faut bien que ses Successeurs actuels dans le Ministere Evangélique suivent une semblable route : aussi sont-ils bien éloignés de rendre les mêmes services à la Religion, & de pouvoir prétendre à la même gloire. […] Le Christianisme ne doit donc reconnoître ses Défenseurs que dans ces Orateurs qui savent employer des armes convenables à sa gloire & à son appui.

358. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

Huet, Evêque d’Avranches, c’est au beau sexe qu’il faut en attribuer l’honneur ; & voici les preuves qu’il en donne : « Madame de la Fayette négligea si fort la gloire qu’elle méritoit, qu’elle laissa sa Zaïde paroître sous le nom de Segrais ; mais lorsque j’eus rapporté cette anecdote, quelques amis de Segrais, qui ne savoient pas la vérité, se plaignirent de ce trait, comme d’un outrage fait à sa mémoire. […] Ce seroit toujours beaucoup pour la gloire de Madame de la Fayette, d’y avoir mis le coloris après que Segrais en eut tracé le dessein.

359. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre V. Suite du Père. — Lusignan. »

Voltaire lui-même ne se défend pas d’avoir cherché son succès dans la puissance de ce charme, puisqu’il écrit, en parlant de Zaïre : « Je tâcherai de jeter dans cet ouvrage tout ce que la religion chrétienne semble avoir de plus pathétique et de plus intéressant 17. » Un antique Croisé, chargé de malheur et de gloire, le vieux Lusignan, resté fidèle à sa religion au fond des cachots, supplie une jeune fille amoureuse d’écouter la voix du Dieu de ses pères : scène merveilleuse, dont le ressort gît tout entier dans la morale évangélique et dans les sentiments chrétiens : Mon Dieu ! j’ai combattu soixante ans pour ta gloire ; J’ai vu tomber ton temple et périr ta mémoire ; Dans un cachot affreux abandonné vingt ans, Mes larmes t’imploroient pour mes tristes enfants : Et lorsque ma famille est par toi réunie, Quand je trouve une fille, elle est ton ennemie !

360. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Il nous dira juste auquel de ces deux hommes nous devons l’étonnement, la direction, la gloire. […] Mais les détails de ce simple roman sont vrais comme l’histoire et mille fois plus vrais que les histoires de l’Empire, dont des hommes de grand talent flattent la gloire pour grandir leur héros. […] au moins en voilà un qui n’est pas fâché de partir : l’amour de la gloire éclate dans ses yeux. » Et me posant la main sur l’épaule : « C’est bien, Joseph, fit-il, je te prédis qu’à la fin de la campagne, tu seras caporal. […] — Non, répondit-il, je n’aime pas les guerres, surtout celles où des cent mille hommes perdent la vie pour la gloire d’un seul. […] Si des gens raisonnables me disent que j’ai bien fait d’écrire ma campagne de 1813, que cela peut éclairer la jeunesse sur les vanités de la gloire militaire, et lui montrer qu’on n’est jamais plus heureux que par la paix, la liberté et le travail ; eh bien !

361. (1856) Cours familier de littérature. II « VIIe entretien » pp. 5-85

» Le vent, en ravissant tes os à ton cercueil, Semble outrager la gloire et profaner le deuil ! […] La liberté lui mettait ces armes dans la main, mais il lui fallait un peuple soldat et vétéran de gloire comme la France pour lui en apprendre l’usage. […] Pour la première fois de ma vie, j’eus le sentiment de la gloire, et je crus que la vie entière était assez bien employée à mériter un tel tombeau. […] je ne savais pas encore que le marbre n’est pas plus chaud que l’herbe sur un cercueil ; qu’aucun bruit ne retentit sous la terre ; que la dernière de nos vanités, c’est la vanité de nos mémoires, et que le vrai juge de nos œuvres ici-bas n’est pas la gloire, mais la conscience. […] Elle survivait à son poète ; elle habitait Florence ; j’étais à quelques pas de son palais ; j’avais un accès naturel et presque obligé auprès d’elle, et je pouvais voir, le soir même, celle dont la beauté, le cœur, les aventures, les disgrâces et la gloire poétique avaient tant occupé ma première imagination.

362. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Ces erreurs-là font une partie de la gloire de l’esprit humain, et provoquent incessamment la curiosité, ainsi que la recherche qui les engendre. […] Une paix heureuse, une paix supportable, comme celle d’Utrecht, laisserait à Louis XIV quelque gloire ; il la faut très chèrement achetée, c’est-à-dire par des cessions de territoire et par le sacrifice sanglant de quelques membres de la France. […] Il a fait lui-même la règle qu’il applique, et la stricte exécution de cette règle est sa gloire personnelle. […] Mais s’il est tombé dans toutes les erreurs attachées au sens propre, il a toute la gloire d’invention et de nouveautés solides que le sens propre pouvait donner de son temps. […] Sa vertu n’est pas une moindre gloire pour notre nation que son esprit.

363. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pioch, Georges (1874-1953) »

J’ai ressenti une joie d’âme, une beauté de cœur, une sincérité de gestes, d’actes, de grâce devant ce petit livre qu’est Toi, de beauté et de bonté si pure, douce et grave… Si nous passons à la Légende blasphémée, le chant du poète se change en un cri d’orgueil et de gloire, en une force et une vaillance de son être rebelle aux codes, aux lois, aux disciplines. […] C’est le Génie qui se fait Verbe, et dans son vers l’on sent une force d’airain, l’on sent le glaive qu’accompagne une lyre d’or, son flamboiement qui s’écarlate, qui devient rouge de sang, rouge de Vie, et le poète passe, la tête altière, la gloire dans les yeux, splendide, à la conquête des Paradis futurs où viendront se rafraîchir de pureté et se baigner de beauté les souffrants, les esclaves, ceux qui demain seront les Hommes !

364. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 230-234

L’investigateur infatigable ne leur laisse pas même la triste gloire d’avoir enfanté les premiers, les erreurs qu’ils se sont efforcés d’accréditer. […] viennent réclamer, à l’aide de sa plume, la gloire de nous avoir appris tout ce que nous savons en matiere d’Astronomie, de Physique, d’Anatomie, de Chirurgie, de Médecine, de Mathématique, d’Optique, de Métaphysique, de Morale, &c.

365. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 343-347

[Pierre de] On ne sait pas où est né cet Auteur, mais c’est une bien petite gloire perdue pour sa patrie. […] Freret, & le zele de ses Editeurs a moins contribué à la gloire de ce Savant, qu’a fournir un répertoire aux Incrédules, à l’Auteur du Dictionnaire philosophique, entre autres, qui s’est souvent paré de son érudition.

366. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mistral, Frédéric (1830-1914) »

Mistral est resté fidèle aux mœurs patriarcales de ses aïeux : et bien de ceux qui l’ont rencontré entre Château-Renard et Saint-Rémy, courant les champs avec sa badine et son feutre à larges bords, ont pu ne pas se douter qu’ils croisaient un poète dont la gloire est universelle. […] Léon Daudet Et la grande gloire de ce siècle sera non pas le romantisme, exaltation certes, mais exaltation trop verbale, exaltation à lacunes, exaltation congestive où la trajectoire des mots dépasse la trajectoire des idées. La grande gloire de ce siècle sera le lyrisme, fécond et fort, qui ferme l’anneau de la science et de l’art, de la tradition et de l’analyse, de la race et de l’individu, le lyrisme éperdu de leur Goethe, de notre Frédéric Mistral.

367. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Cependant, comme un nom accrédité dans la Littérature n’est que trop capable aujourd’hui d’en imposer à la multitude ; comme les Esprits foibles & légers se laissent aisément ébranler par le persiflage ; comme la plupart d’entre eux cessent d’admirer, dès que la mode le commande, ou que le ridicule les effraie : il est nécessaire de défendre la gloire d’un des premiers Poëtes de la Nation. […] Lafontaine, à qui appartient cette maxime, a la gloire de s’être fait un genre à lui-même, & de ne rien devoir à personne. […] Ne seroit-il pas honteux pour la gloire des Lettres, que la modestie de Lafontaine, la simplicité de son caractere & de ses mœurs, eussent affoibli l’estime de ses talens aux yeux des deux hommes le plus en état de les apprécier ?

368. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Deux ou trois voix, élevées dans le parterre, procurent aisément la gloire de se donner en spectacle sur le théâtre, la tête ombragée de faux lauriers, & qui sont bientôt flétris. […] C’est à la faveur de quelques clefs de meute, que Pradon eut la gloire de balancer Racine, & même de paroître quelque temps avec plus d’éclat. […] Le temps seul a vengé l’auteur ; mais il n’emporta point dans le tombeau la satisfaction de jouir de sa gloire.

369. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Il est des réputations qui finissent par prendre, au bout d’un certain temps, la solidité de la gloire, et qu’il est difficile d’entamer. […] pourquoi… Faites dire ses petits secrets à la Gloire, et vous aurez éclairé le côté le plus profond de la Critique. […] Pour celles de Pascal, la Haine se chargeait de leur gloire, et elle leur en coulait une dans un tel bronze qu’aujourd’hui même nous ne conseillerions point à la Critique, si elle ne voulait pas se voir jeter dans sa propre fournaise, de toucher à ce livre accepté comme un chef-d’œuvre, quoiqu’il soit vrai pourtant de dire que le comique en a vieilli et qu’on n’y trouve jamais que la même ironie, ramenée et répétée… le croira-t-on ?

370. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Pierre Dupont, qui a peut-être pensé à se saisir en temps utile de la succession de Béranger expirant, aura pris le bruit des contemporains pour la vraie gloire. La vraie gloire de Béranger, dans la postérité, sera quelques romances, d’un sentiment éternel, auxquelles personne ne pense que les âmes tendres qu’elles font rêver et qui, pour cette raison, n’en parlent pas. […] Le meilleur produit pour un peuple, c’est encore la gloire, et toutes les chimies et les industries de la terre ne remplaceront pas cette marchandise-là demain !

371. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Cette institution était conforme à l’esprit républicain ; mais quand le gouvernement vint à changer, quand le monde entier fut dans la main d’un empereur, et que cet empereur qui n’était presque jamais appelé au trône par droit de succession, craignant à chaque instant ou des rivaux ou des rebelles, eut l’intérêt funeste de tout écraser ; quand on vint à redouter les talents, quand la renommée fut un crime, et qu’il fallut cacher sa gloire, comme dans d’autres temps on cachait sa honte, on sent bien qu’alors il ne s’agissait pas de louer les citoyens : les grandes familles aimaient mieux la sûreté et l’oubli, que l’éclat et le danger. […] On dit qu’à la fin de ce dernier éloge, il demanda aux dieux la faveur de mourir comme ce jeune prince, en combattant avec gloire pour le peuple romain. […] L’orateur était Septime Sévère, qui avait cultivé la philosophie et les lettres, homme d’état, homme de guerre, aussi actif que César, aussi implacable dans ses vengeances que Sylla, enfin l’un de ces hommes qui, nés pour le malheur et la gloire de leur pays, ont été tout à la fois grands et cruels.

372. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Nerva et Trajan le chérirent ; et ce qui met le comble à sa gloire, il fut le rival et l’ami de Tacite. Tous deux également célèbres, et tous deux jouissant de la gloire l’un de l’autre, ils goûtaient ensemble dans le commerce de l’amitié et des lettres, ce bonheur si pur que ne donnent ni les dignités, ni la gloire, et qu’on trouve encore moins dans ce commerce d’amour-propre et de caresses, d’affection apparente et d’indifférence réelle, qu’on a nommé si faussement du nom de société, commerce trompeur qui peut satisfaire les âmes vaines, qui amuse les âmes indifférentes et légères, mais repousse les âmes sensibles, et qui sépare et isole les hommes, bien plus encore qu’il ne paraît les unir.

373. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

C’est un je ne sais quoi dont on est transporté ; Et moins on le comprend, plus on est enchanté,      J’en ai fait l’autre jour une épreuve cruelle : J’étais dans un salon, dont la dame encor belle Depuis dix ou trente ans tient un bureau d’esprit, Et fait de nos auteurs la gloire ou le crédit. […] Je prétends qu’à tout prix on me fasse une gloire ; Que dans tous les journaux on chante ma victoire. […] L’argent et les honneurs valent mieux que la gloire : Il faut soigner sa vie et non pas sa mémoire.

374. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Il venait d’écraser, du haut de sa gloire inattaquable et sereine, la versification haineuse et méchante de Barthélemy. […] — ont une influence plus immédiate, une gloire plus prompte, un rôle plus décisif. […] Il faut avoir entendu des contemporains, jeunes alors et d’une imagination sensible à la gloire, pour se faire quelque idée de cette apothéose ! […] Albert de Broglie, et qui l’a bercé sur ses genoux comme son enfant le plus cher, comme la meilleure de ses gloires futures ? […] Et les héros de cette troupe comique dont il fut la fortune et la gloire !

375. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Il était bien amoureux et bien jaloux, il était au plus fort de sa gloire et de sa passion ; — il rencontre un pauvre, il lui donne un louis d’or […] Oui, dit-elle en relevant fièrement la tête, oui, je suis la pauvreté, et je m’en fais gloire ! […] Il est impossible, en effet, d’insulter plus sérieusement et plus innocemment la gloire et les amours du plus grand roi qui ait honoré un trône. […] quel orgueil, quelle gloire, même quand toute la terre crierait : Honte ! […]  » Mais, au contraire, ce fut là une des gloires de Louis XIV, de faire respecter sa puissance royale, même par le souverain pontife.

376. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

Thomas, quel plus beau titre de gloire ! […] La gloire doit donc payer des travaux aussi nobles, aussi désintéressés. […] Il y auroit plus de véritable gloire pour eux de se montrer indifférens à de petites attaques, que de déployer une sensibilité qui dégénere en sorties puériles. […] Tout genre est bon, tout genre lui est ouvert, pourvù que, dans son but, on voye plus l’ami de la vertu que celui de la gloire. […] Et Fielding & Marivaux me semblent mériter la gloire la plus étendue, par leur Philosophie toute en image, en action, en sentiment.

377. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Des brigands sont toujours plus sensibles à leurs intérêts qu’à la gloire de leur pays, et nous voyons ces premiers Romains préférer la gloire et la patrie à leurs plus chers intérêts. […] Voltaire et La Harpe ont accumulé les plus mauvais raisonnements, les critiques les plus insidieuses contre ce monument éternel de la gloire de notre théâtre ; mais ils n’ont pu l’ébranler. […] Pendant près d’un demi-siècle, Voltaire et ses sectateurs n’ont cessé de conspirer contre la gloire de Corneille. […] D’Alembert avait un véritable zèle ; il rapportait tout à la cause qu’il avait embrassée ; tout ce qu’il faisait était pour la plus grande gloire de la philosophie. […] Le Menteur de Corneille n’est donc point un escroc, un fourbe odieux ; c’est un jeune homme aimable, mais extravagant, qui met sa gloire et son plaisir à forger des histoires.

378. (1888) Portraits de maîtres

Sa gloire était assez belle et assez sûre pour qu’il n’eût pas à contester la gloire d’autrui. […]     Adieu donc, pauvre gloire ! […] À nos yeux, Quinet n’a pas de plus beau titre pour assurer sa gloire de professeur. […] Sous la forme plus accessible des romanceros l’antique Épopée renaissait dans son éclat et sa gloire. […] Ce mort d’hier, ce vivant de l’immortalité, nous a prodigué toutes les gloires.

379. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Il faut que je sorte de la position où je suis, ou que je tombe avec quelque gloire. » L’occasion, une occasion ! […] L’armée d’Afrique était une des gloires de ce régime, et cependant elle lui reprochait tout bas et lui en voulait un peu de ne pas aimer assez la gloire. […] Nous, nous avons un mobile, la gloire, l’ambition, et, par-dessus le marché, nous sommes bien vêtus et bien nourris ; mais eux, rien, rien, et chantant au moindre rayon de soleil. […] vive la gloire ! […] C’est un mauvais moment à passer, je m’en sortirai ; mais j’avais rêvé une grande gloire pour mon pays, et le cœur me saigne en la voyant près de s’échapper.

380. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

M. de Latouche, dans son édition de 1819, a fait des manuscrits tout l’usage qui était possible et désirable alors ; en choisissant, en élaguant avec goût, en étant sobre surtout de fragments et d’ébauches, il a agi dans l’intérêt du poète et comme dans son intention, il a servi sa gloire. […] Cela est si vrai, et c’était tellement le mouvement et la pente d’alors de solliciter un tel poète, que, vers 1780 et dans les années qui suivent, nous trouvons trois talents occupés du même sujet et visant chacun à la gloire difficile d’un poëme sur la nature des choses. […] Viendrait alors la notice que M. de Latouche a mise dans l’édition de 1819, et d’autres morceaux écrits depuis, dans lesquels ce serait une gloire pour nous que d’entrer pour une part, mais où surtout il ne faudrait pas omettre quelques pages de M.  […] Il y aurait là, peut-être, une gloire de commentateur à saisir encore ; on ferait son œuvre et son nom, à bord d’un autre, à bord d’un charmant navire d’ivoire. […] … Non ; mais voici une source d’erreur bien ordinaire : beaucoup d’hommes, invinciblement attachés aux préjugés de leur enfance, mettent leur gloire, leur piété, à prouver aux autres un système avant de se le prouver à eux-mêmes.

381. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

La gloire la plus haute, c’est de fonder ce qui dure ; et ce qui n’est fait que pour un seul ne dure pas. […] L’empereur aimait dans la France sa propre gloire, dont elle était l’indispensable instrument. […] Napoléon nous a donné la gloire. […] La gloire militaire ne l’éblouit pas : car, partout ailleurs que dans la guerre défensive, elle n’est que la gloire d’opprimer et de dépouiller les autres, et ce qu’elle satisfait chez le vainqueur, ce sont les instincts les plus cupides et le plus brutal orgueil. Cette gloire, c’est la pire de ces « grandeurs de chair » dont Pascal parle avec mépris.

382. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Les ballons rouges ne méditent pas ; ils finissent par éclater vainement, quand ils ne se dégonflent pas sans gloire. […] L’unité française réalisée ou sur le point de l’être, les gloires poétiques se sont développées, à de très rares exceptions près, dans l’atmosphère de serre chaude de la cour et le rayonnement du roi. […] Chaumié, dans son article, ne tient pas assez compte des gloires éphémères, que la mode, une sensibilité nouvelle, ou de nouvelles conceptions rendront peut-être caduques. […] Ainsi, il cite comme faisant exception à sa loi, Clément Marot né à Cahors ; mais le père de Clément Marot, lui-même bon poète mais dont la gloire a été éclipsée par celle de son fils, était originaire de Caen, ce qui prouve qu’au xve  siècle, on voyageait déjà. […] Enfin, l’un des plus grands poètes français, un élève de Malherbe qui égale souvent le maître, — et c’est une gloire dont bien peu peuvent se parer ! 

383. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Convaincre est le dessein des grands écrivains au dix-septième siècle : aussi la méthode est-elle une de leurs gloires. […] Il est de ceux qui songent à se payer de deux façons de l’emploi qu’ils font de leur esprit, par le plaisir qu’ils y prennent et par la gloire. […] Sa gloire se fait sans aide, et son nom égale tout à coup les plus grands, sans que personne s’y emploie, ni que la mode s’en mêle. […] Sa gloire a trop peu coûté à son repos. […] On en a fait des volumes, sans compter ce commentaire où Voltaire semble par moments s’impatienter plutôt contre la gloire de Montesquieu que contre ses erreurs.

384. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

On pourroit dire cependant au Philosophe, qu’autant les gens sages sont prêts à condamner les guerres d’ambition, autant il est nécessaire de soutenir quelquefois des guerres justes, soit pour la défense de l’Etat, soit pour le maintien de sa gloire. […] Si se déclarer pour l’amour de l’ordre, pour l’intérêt général, pour la soumission à l’autorité, pour le maintien des regles, pour les principes du goût, pour la gloire de la Nation, c’est être partial contre les Philosophes, on avoue donc que les Philosophes sont les ennemis de toutes choses* ? […] Qu’y a-t-il de plus aisé que de se procurer une approbation qui coute si peu à acquérir, qui donne si peu de gloire à qui la possede, qui dure si peu après qu’on l’a acquise ? […] La gloire du génie François est établie, dans l’Europe, par des Ouvrages dignes de plaire à tous les Peuples éclairés : les grands Ecrivains du siecle dernier, les bons Ecrivains de celui-ci ne nous laissent rien à envier aux autres Nations. […] A mesure que j’ai découvert des noms estimables, je me suis fait un plaisir de les faire connoître ; & ceux de nos Auteurs vivans qui ont ajouté par de nouveaux Ouvrages, soit à la gloire qu’ils s’étoient déjà faite, soit à la séduction dangereuse contre laquelle les Esprits droits doivent se tenir en garde, verront que je n’ai perdu de vue aucun moyen de rendre justice aux talens, ni négligé aucune des précautions qui peuvent en prévenir l’abus.

385. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Mais, cette gloire que vous aimiez (pourrait-on vous dire), dont le goût était né avec vous, l’a-t-on dépouillée de ses charmes ? […] … L’on sait assez que la gloire ne rend pas un homme plus grand ; personne ne nie cela ; mais, du moins, elle l’assure de sa grandeur, elle voile sa misère, elle rassasie son âme, enfin elle le rend heureux. Elle n’est pas également sensible à tous les hommes ; il faut qu’elle trouve certaines dispositions dans leur cœur : la musique et la poésie ne flattent pas tous les goûts, ni la gloire ; mais cela n’empêche pas qu’elle ne soit réelle… Je crains que le goût de la littérature n’arrête trop vos pensées. Et il lui cite l’exemple de Voltaire ; ne croyez pas que ce soit comme une preuve éclatante et rare de la gloire littéraire ; il le lui cite pour lui montrer le néant de cette gloire contestée et troublée des grands écrivains : « Je songe quelquefois à Voltaire, dont le goût est si vif, si brillant, si étendu, et que je vois méprisé tous les jours par des hommes qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Henriade, mais les préfaces de ses tragédies. » Racine, Molière, « qui sont pourtant des hommes excellents », n’ont pas été plus heureux pendant leur vie ; ils n’ont pas joui plus paisiblement de la renommée due à leurs œuvres : « Et croyez-vous que la plupart des gens de lettres n’en eussent pas cherché une autre, si leur condition l’eût permis ? 

386. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le père Lacordaire orateur. » pp. 221-240

Quand, sur un fonds d’organisation héréditaire aussi ferme et aussi nettement tracé, un talent singulier vient à se poser et à éclore, quand un grand don de gloire vient à éclater, quand l’éloquence, par exemple, la parole de feu descend, elle trouve de quoi la porter et l’encadrer : c’est comme l’encens qui d’avance a son autel, c’est comme l’holocauste qui s’allume sur le rocher. […] Les sermons de Bossuet ne sont appréciés que depuis qu’on les a imprimés, et, de son vivant, ils étaient comme perdus dans le reste de sa gloire. […] À entendre ce dominicain de nos jours, on croirait parfois retrouver le poète qui a dit de la patrie : J’ai des chants pour toutes ses gloires, Des larmes pour tous ses malheurs. […] Mais quand la foudre eut grondé, quand il fallut se dévouer à l’erreur ou à la vérité, donner à l’une ou à l’autre sa parole, sa gloire et son sang, ce bonhomme eut le courage de demeurer académicien, et s’éteignit dans Rotterdam, au bout d’une phrase élégante encore, mais méprisée. […] Je laisse à cette grande renommée d’Érasme la gloire de la science et de l’esprit, mais je ne cesserai jamais de revendiquer sous ce nom le droit du bon sens fin et mitigé, de la raison qui regarde, qui observe, qui choisit, qui ne veut point paraître croire plus qu’elle ne croit ; en un mot, je ne cesserai jamais, en face des philosophies altières et devant la foi même armée du talent, de stipuler le droit, je ne dis pas des tièdes, mais des neutres.

387. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Du bord de mon navire, les regards attachés sur l’étoile du soir, je lui demandais des vents pour cingler plus vite, de la gloire pour me faire aimer. […] Une personne qu’il aimait et poursuivait vivement alors, une enchanteresse lui avait dit : « Songez à votre gloire avant tout, faites votre voyage d’abord, et après… après… nous verrons !  […] Je serais également fatigué de la gloire et du génie, du travail et du loisir, de la prospérité et de l’infortune. […] Il la plaint naïvement de n’être pas venue : « Oui, vous avez perdu une partie de votre gloire en me quittant (c’est-à-dire en ne venant pas) ; il fallait m’aimer, ne fût-ce que par amour de votre talent et intérêt de votre renommée. » Voilà, du moins, qui est sincère. […] Je ne fais rien ; je ne crois plus ni à la gloire ni à l’avenir, ni au pouvoir ni à la liberté, ni aux rois ni aux peuples.

388. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

De Brosses fut séduit par ce noble et grave exemple ; il oublia trop que le président Bouhier, comme l’évêque d’Avranches Huet, était déjà un oracle d’un autre âge, et qu’il regardait le passé ; il oublia que le xviie  siècle, dans toute sa gloire moderne et désormais vulgaire, était venu. […] Amateur déclaré de la science et de son accroissement, zélateur de la gloire de sa patrie et du bien de l’humanité, il procédait, dans ses plans généreux, de la libre impulsion de Bacon, et nullement de l’Encyclopédie ; il était patriote comme on l’eût été encore du temps de Colbert. […] Là-dessus il m’arrêta en me disant que César entendait mieux le dénouement que Molière ; qu’il avait eu l’esprit de se faire tuer au moment du comble de sa gloire, dans le temps qu’il allait peut-être la risquer contre les Parthes, et qu’il était mort la montre à la main. […] C’est que Molière, lui aussi, est mort la montre à la main, au comble de sa gloire et sans déclin, après Le Misanthrope, le Tartuffe et Les Femmes savantes. […] La dispersion d’études chez le président de Brosses n’était donc pas celle d’un érudit ordinaire qui ne gouverne pas ses idées et que la poursuite même égare, mais plutôt le signe d’activité d’un amateur ardent et libre, qui travaillait selon l’occasion et la veine, pour son plaisir et non pour la gloire.

389. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

Après sa mort, qui limita ses œuvres, en les interrompant, et les fit complètes, on pensait tout tenir de cet esprit puissant, qui s’était concentré, dans une époque où presque personne ne se concentre, mais où tout le monde s’avachit ; et, de fait, ce qu’il avait publié suffisait à la plus grande gloire religieuse du xixe  siècle et à une des grandes de tous les siècles ! […] Si le livre que voici avait une origine suspecte, s’il avait été publié par un homme opposé d’opinion ou de religion au comte de Maistre, dans le but d’abaisser sa gloire ou de la lui voler, ah ! […] C’est le comte Rodolphe de Maistre, fils de l’illustre comte Joseph, qui a édité lui-même les Quatre chapitres inédits sur la Russie, et qui a bien fait d’ajouter encore cela à la gloire paternelle. […] Mais Joseph de Maistre, dont la gloire est d’avoir laissé des aperçus sur tout et de n’avoir fait de théorie sur rien, est un historien et non un philosophe. […] Ils ont refait une gloire à de Maistre en précisant celle qu’on lui doit, en empêchant la vermine des idées communes de ronger les belles et pures lignes de cette noble et lumineuse figure.

390. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Mais avec cela on gagne le ciel, et la Gloire elle-même peut s’acheter à ce prix : pourquoi Brizeux n’aurait-il pas eu sa gloire ? […] Ce rude et joyeux jaugeur, au bonnet bleu et à la branche de houx, ce chanteur de chansons, le soir, dans les granges, ce joueur de violon et de cornemuse — qui ne l’est pas qu’en vers — et qui faisait réellement danser dans leurs sabots les meunières et les batelières de l’Écosse, a toujours vécu sur le cœur de son pays, et il y a trouvé sa force et sa gloire. […] Dans des poésies du genre de celles de Brizeux, précisément, la couleur locale devrait avoir un profond, un bistré, un ton d’or noir, qui eût rappelé l’intérieur enfumé de ces fermes et de ces cabanes, qu’il n’aurait jamais dû quitter, et à la porte desquelles il aurait pu un jour trouver la gloire que Burns y trouva, l’heureux homme ! […] et leur voracité de gloire pour cet Impassible du tombeau, ils ont fait deux volumes épais de ces choses légères.

391. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Les bonnes qualités, chez la femme-poëte surtout, sont comme des mères tendres et prévoyantes qui retiennent à temps l’enfant prodigue près de s’échapper, et cet enfant prodigue s’en irait sans cela par le monde, accroissant son renom et gagnant la gloire. Ne perdons point ceci de vue, en appréciant un talent à demi voilé, qui n’est allé qu’à une gloire décente sous le contrôle du devoir. […] plusieurs sont ainsi, plusieurs, je le veux croire, De ceux qu’autour de toi charmaient tes anciens vers, De ceux qui, dans la course en commun à la gloire, T’offraient leurs rangs ouverts. […] N’envions point leur gloire aux fortunés génies, Que tout orne à la fois !

392. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Ils réunissaient le double avantage des petits états et des grands théâtres : l’émulation qui naît de la certitude de se faire connaître au milieu des siens, et celle que doit produire la possibilité d’une gloire sans bornes. […] Tout ce qui peut ajouter à l’éclat des noms fameux, tout ce qui peut exciter l’ambition de la gloire, cette nation le prodiguait. […] Il était permis au génie de se nommer, à la vertu de s’offrir, et tous les hommes qui se croyaient dignes de quelque renommée, pouvaient s’annoncer sans crainte comme les candidats de la gloire. […] Il faut se glisser dans la gloire, il faut dérober aux hommes leur admiration à leur insu.

393. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VIII. De l’éloquence » pp. 563-585

Les efforts s’accroissent toujours en proportion de la récompense ; et lorsque la nature du gouvernement promet à l’homme de génie la puissance et la gloire, des vainqueurs dignes de remporter un tel prix ne tardent point à se présenter. […] Que fera l’éloquence au milieu de tels sentiments, l’éloquence à laquelle il faut, pour être touchante et sublime, un péril à braver, un malheureux à défendre, et la gloire pour prix du courage ? […] Les meilleurs citoyens reposent dans la tombe, et la multitude qui reste ne vit plus ni pour l’enthousiasme, ni pour la gloire, ni pour la morale ; elle vit pour le repos que troubleraient presque également et les fureurs du crime, et les généreux élans de la vertu. […] Si vous interdisiez l’éloquence, vous détruiriez la gloire ; il faut que l’on puisse s’abandonner à l’expression de l’enthousiasme pour faire naître ce sentiment dans les autres ; il faut que tout soit libre pour que la louange le soit, pour qu’elle ait ce caractère qui commande à la raison et à la postérité.

394. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre I. Les théories de la Pléiade »

Dispensateur de la gloire, il ne doit chercher d’autre salaire pour lui que la gloire. Il respectera son œuvre : il n’aura souci que de la faire belle ; de cette beauté la gloire sera le prix. […] Sous Henri III, il fut de cette Académie du Palais que le roi tenta d’établir : mais le poète de la cour est Desportes ; la gloire de Ronsard ne pâlit pas cependant, et reste entière dans les provinces et à l’étranger.

395. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Il suffisait tout simplement de dire pour sa gloire la place que Janin a eue et gardera dans la littérature française, et de ne pas le déplacer pour lui donner une autre place qui n’est pas la sienne. […] J’ai vu dans ma jeunesse des professeurs de rhétorique — des Cuvillier-Fleury du temps — traiter de germanico-savoyard le style romain du grand de Maistre, — en retard de gloire, ce grand homme, parce que, de génie, il avançait trop ! […] Parfois ce n’était qu’un bluet, petite étoile de sa gloire naissante. […] Les Nymphes latines ne l’y dévorèrent point… de caresses, et après une longue accointance elles nous le renvoyèrent, l’esprit troublé, latinisant toujours, ne voulant pas démordre de ce diable de latin, radotant du latin, comme Panurge, dans ce français qu’il parlait si bien et qui suffisait à sa gloire… C’est là le seul échec de la partie qu’il joua contre la vie, cette horrible joueuse qui nous triche !

396. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

Il y a des avortements même dans la gloire ! […] Il est chrétien comme on est sauvage ; mais son parti qui n’est pas chrétien, lui, et qui ne veut pas qu’on le soit, à quelque degré que ce puisse être, a bien senti qu’il l’était profondément, jusque dans cette Histoire de la Liberté religieuse, et voilà pourquoi il s’en est détourné en silence, trompé sans doute dans l’espérance qu’il avait de ne pas trouver dans ce livre cet accent qui en fera la gloire et en assurera la durée. […] La beauté et la laideur morale tiennent une telle place dans les hommes, même les plus éclatants par le génie et par la gloire, que toutes ces figures qui passent rayonnantes, ténébreuses ou indécises, dans cette étendue du xvie  siècle, lequel semble plus grand par l’effet de tout ce qu’il contient dans sa longueur encombrée, paraissent, sous la main de ce grand connaisseur en beauté morale, avoir des lumières ou des ombres de plus ! […] J’ai déjà parlé de Coligny, ce sage d’épée, et de François de Guise, ce César de moins de gloire que l’autre César, mais qui avait la corruption en moins et le catholicisme en plus : mais Catherine de Médicis, Charles IX, Henri III, Machiavel, Rabelais, Montaigne, sont des figures sur lesquelles il n’y a plus désormais de méprises possibles pour l’histoire, et sur la plupart, jusqu’à ce jour, il y en avait !

397. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. A. Thiers : Histoire de la Révolution française — II. La Convention après le 1er prairal. — Le commencement du Directoire. »

Elle était resplendissante d’une gloire immortelle. […] Nous allions retrouver l’opulence avec le repos : quant à la liberté et à la gloire, nous les avions ! […] Français, qui avons vu depuis notre liberté étouffée, notre patrie envahie, nos héros fusillés ou infidèles à leur gloire, n’oublions jamais ces jours immortels de liberté, de grandeur et d’espérance ! 

398. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

La ligne des collines se chantourne dans une gloire. […] Tel est l’enseignement qui se dégage de la première série de cette plaquette des Poètes maudits, dont la gloire fut de susciter, en France, avec la sonnerie des beaux vers, le réveil du sentiment poétique endormi sous de pernicieuses influences. […] Quant à Pauvre Lélian (Paul Verlaine, pour mieux dire), l’École dont il est le chef l’a mis en pleine lumière et a donné à sa gloire une impulsion telle qu’il est impossible que ce mouvement ne se continue pas, en sa faveur, dans l’Avenir.

399. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Lefèvre-Deumier »

il avait plongé plus avant que cela dans ces sources âpres et cachées sur lesquelles la gloire ne fait pas même tomber le rayon qui dit la source au fond des bois. […] Parti de lord Byron avec la fougue que lord Byron communique à tous ceux qui l’aiment, il a fini par aboutir, dans son ralentissement d’ardeur, à Gray et à sa mélancolie ; mais, dans ce détiédissement d’un rayon qui n’est plus que doux et qui avait été brûlant, il n’a jamais dépouillé cet air que j’appelle l’air poétique anglais, et qu’il a encore dans les cendres de son Couvre-feu quand il caresse la tête de ses deux enfants et qu’il rabat jusqu’à eux et à leur souvenir cette hautaine idée de la gloire comme nous l’avons dans la jeunesse. […] Lefèvre-Deumier a encore cet avantage sur beaucoup de ses contemporains, mieux que lui pourtant avec la gloire, de n’avoir pas fait des vers pour des vers !

400. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tailhède (Raymond de la) = La Tailhède, Raymond de (1867-1938) »

Une sylve du Pèlerin passionné le salue en ces termes : « Gentil esprit, l’honneur des muses bien parées… » Maurice Du Plessys lui voue un sonnet, dont ce premier vers : « La gloire t’a béni dès l’aube de tes ailes… » Ernest Raynaud, dans son récent Bocage, dit ses louanges plusieurs fois, et maint critique — Anatole France, par exemple — a écrit en son honneur. […] Quant aux hymnes, je louerai d’abord M. de La Tailhède de ce qu’il a relevé, de chez nos maîtres de la Pléiade, ce mode héroïque perdu. — Il l’a fait avec gloire.

401. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 145-150

C’est par ces éclipses sagement présentées, qu’on instruit les autres hommes, sans nuire à la gloire des Héros qui les ont éprouvées. […] Une chose qui contribue à augmenter la gloire de Desportes, est l’usage qu’il fit de la fortune que son mérite lui avoit procurée.

402. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 293-297

Un Panégyriste si estimable, si zélé pour la gloire des Lettres, méritoit lui-même un Panégyrique. […] « De tout temps, la reconnoissance publique accompagnant le nom des Grands Hommes au delà du trépas, leur rendit des honneurs avoués de l'Envie même, soit pour les dédommager, par une gloire qui leur survit, des fatigues qu'elle leur avoit coutées, soit pour encourager les autres à supporter les mêmes travaux par l'espoir des mêmes récompenses.

403. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Tandis que Shakespeare et Byron restaient pour les lecteurs français de vagues noms vénérables d’inconnus, Lamartine, Hugo et Musset allaient à la gloire. […] Le grand homme en tout ordre est celui qui, en vertu de lui-même et par suite de son accord avec l’âme des générations contemporaines ou postérieures, sans limites de temps, parvient à gagner à sa personne ou aux manifestations sensibles qui l’expriment, un nombre, proportionnel à sa gloire, de partisans, de croyants, d’admirateurs, qui, reconnaissant en lui leur type exemplaire, amplifient pour ainsi dire et répandent son être en consentant à faire ses volontés, à éprouver ses émotions, à concevoir ses pensées, à ressentir ses croyances.

404. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Homère, et le grammairien Thestorides. » pp. 2-6

Mais ce même poëme, le sujet de sa gloire, fut également celui de ses malheurs. […] L’appas d’un peu de gloire, ou de quelque gain sordide, les portoit à des atrocités.

405. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Quel néant que la gloire ! […] Ces noms-là sont admirés par les intelligences sévères : ils n’ont pas la vogue, ils auront la gloire. […] Oui, mais ni la gloire, ni la fortune ne lui manquaient. […] Cette erreur, si d’aventure elle était réelle, ne pourrait entamer la gloire poétique de M.  […] Hugo, dans l’intérêt de sa gloire, n’aurait jamais dû tirer de la poussière où il était enseveli.

406. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Le premier mobile de La Fayette est l’opinion dans le sens honorable, la gloire dans le sens antique, le los honnête. […] « Bonaparte, mieux organisé pour le bonheur public et pour le sien, eût pu, avec moins de frais et plus de gloire, fixer les destinées du monde et se placer à la tête du genre humain. […] Tout ce qui précède n’a été qu’un prélude ; le plus sérieux et le plus mûr commence ; la gloire, jusque-là si pure et incontestée, du jeune général va subir de terribles épreuves. […] J’omets vite Mirabeau, dont on voudrait absoudre la conscience du même mouvement par lequel on salue son génie et sa gloire ; mais Danton, mais Dumouriez, mais Barrère, on ose compter avec eux. […] Vous l’avez toujours vue associée de cœur et d’esprit à mes sentiments, à mes vœux politiques, jouissant de tout ce qui pouvait être de quelque gloire pour moi, plus encore de ce qui me faisait, comme elle le disait, connaître tout entier ; jouissant surtout lorsqu’elle me voyait sacrifier des occasions de gloire à un bon sentiment

407. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il se prépare ardemment, sérieusement, patiemment à la gloire. […] Racine, à vingt-cinq ans, est plein d’un grand désir de gloire, et, en attendant la gloire, d’un désir enragé de succès. […] Autrefois, oui, je n’aimais que la gloire. […] Vos vertus, je l’avoue, égalent votre gloire. […] Il avait la gloire ; il était dans toute la force de son génie.

408. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVII » pp. 153-157

Voilà donc où mène le comble de la gloire et du triomphe, à être traité avec révérence de vieux bonhomme. […] ô vanité de la gloire humaine !

409. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 527-532

Cochin sont le meilleur préservatif qu’on puisse opposer à ces abus ; & en faisant sa gloire, elles seront la condamnation de quiconque s’écartera des routes qu’il a suivies. […] Vous êtes, Monsieur, si supérieur aux autres hommes, lui dit une autre fois une femme de qualité, pour qui il venoit de plaider, que si c’étoit le temps du Paganisme, je vous adorerois comme le Dieu de l’Eloquence. — Dans la vérité du Christianisme, Madame, lui répondit le sage Orateur, l’homme n’a rien dont il puisse s’approprier la gloire.

410. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 223-229

Ceux qui ont osé comparer ce Conte à Télémaque, ont outragé, tout à la fois, la raison & la gloire de la Nation Françoise. […] Et tandis qu’au milieu de l’alarme générale, le Philosophe murmuroit peut-être contre la Nature, ou ne songeoit qu’à sa gloire en préparant le froid projet d’un nouvel Edifice, le Peuple, ce Peuple qui ne raisonne pas, mais qui fait toujours agir efficacement pour le bien général, exposoit sa vie, la sacrifioit, afin de retarder, de quelques momens, le trépas de tant d’Infortunés.

411. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Le père Bouhours, et Barbier d’Aucour. » pp. 290-296

Il mit le comble à sa gloire, par la manière de bien penser dans les ouvrages d’esprit ; livre très-utile aux jeunes gens, pour leur former le goût, & leur apprendre à fuir l’enflure, l’obscurité, les pensées fausses & recherchées. […] Le jésuite fut au désespoir, & crut toute sa gloire éclipsée.

412. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre IX. Application des principes établis dans les chapitres précédents. Caractère de Satan. »

Le conseil infernal étant assemblé, le poète représente Satan au milieu de son sénat : « Ses formes conservaient une partie de leur primitive splendeur ; ce n’était rien moins encore qu’un Archange tombé, une Gloire un peu obscurcie : comme lorsque le soleil levant, dépouillé de ses rayons, jette un regard horizontal à travers les brouillards du matin ; ou tel que dans une éclipse, cet astre, caché derrière la lune, répand sur une moitié des peuples un crépuscule funeste, et tourmente les rois par la frayeur des révolutions. […] « Ô toi qui, couronné d’une gloire immense, laisses, du haut de ta domination solitaire, tomber tes regards comme le Dieu de ce nouvel univers ; toi, devant qui les étoiles cachent leurs têtes humiliées, j’élève une voix vers toi, mais non pas une voix amie ; je ne prononce ton nom, ô soleil !

413. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Pour mieux m’expliquer là-dessus, je n’ai qu’à transcrire les lignes suivantes que je trouve dans un volume inédit de Pensées : « Quand on critique aujourd’hui un auteur, un poëte, un romancier, il semble qu’on lui retire le pain, qu’on l’empêche de vivre de son industrie honnête, et l’on est près de s’attendrir alors, de ménager un écrivain qui ne produit que pour le vivre et non pour la gloire. Mais, au moment même où l’on adoucit la critique et où l’on essaye quelque éloge mitigé, ce mendiant si humble se relève et veut la gloire, — oui, la gloire, et la première, la suprême, pas la seconde, car il se croit in petto le génie de son siècle.

414. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Fontenelle, et le père Baltus. » pp. 2-16

On ne voit pas qu’il ait fait de ses talens aucun abus déplorable, qu’il ait ambitionné d’aller à la gloire par des écrits contre la religion. […] Du Marsais prouve qu’attribuer les oracles au malins esprits, n’est pas une vérité fondée sur la tradition ; que les prêtres, pour tromper le peuple, se servoient de statues creuses ; que ce n’est point affoiblir, mais confirmer la gloire de Jésus-Christ, que de réduire les oracles à des causes naturelles ; que les permissions particulières accordées au démons, suivant le témoignage de l’écriture, ne donnent pas droit d’en supposer d’autres ; que ce prodige n’étoit pas nécessaire à l’établissement du christianisme ; qu’admettre de faux miracles, ce seroit, s’il étoit possible, rendre suspects les véritables. […] Mais, pourquoi lui contester la gloire d’un changement sincère & d’un retour édifiant ?

415. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre III. Mme Sophie Gay »

En province, où elle vécut d’abord ; à Paris, où elle vint plus tard, elle n’aspira jamais qu’à être la Philaminte d’un cercle mieux composé que celui des Femmes savantes, et dont les Vadius et les Trissotin ne furent rien moins que Soumet, alors dans toute sa gloire, — Soumet, sur le corps de qui ont passé Lamartine et Victor Hugo, — Guiraud, Émile Deschamps et le marquis de Custine, un grand artiste à peu près inconnu, très grand seigneur avec la gloire qu’il n’a pas courtisée, et dont le marquis de Foudras, l’héritier de son immense fortune, a oublié de publier les œuvres complètes, quand on imprime celles de Mme Gay ! […] Il n’est rien d’impatientant comme la fausse gloire à tous les degrés… Mme Gay a vécu quatre-vingts ans à l’état de petite puissance littéraire… On la croyait presque une étoile, et ce n’était qu’un rat-de-cave, dont nous allons souffler le lumignon !

416. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

Monselet n’a pas appris son métier à la gloire. […] Le ramasseur d’oubliés et de dédaignés, ensevelis pêle-mêle dans l’ombre des vieux murs en ruines de l’Histoire, et qui les prend dans son tombereau, a bien senti qu’il ne pouvait traiter le Génie et la Gloire comme l’infortune des petits talents malheureux. […] Il parle de Chateaubriand avec un accent presque émané de Chateaubriand lui-même, avec une mélancolie prise à la source de la sienne et qui n’a rien de la mièvrerie des tristesses de crème fouettée que je trouve dans les élégies de son recueil du Plaisir et de l’Amour, ni de celle-là, moins noble encore, qui pourrait venir de l’estomac de ce dîneur, abîmé (comme il dit) de champagne ; et ce sentiment, si étrange ici sous cette plume légère qui n’a jamais aspiré qu’à la gloire d’être de bonne humeur : Entre les noms dont se contente, Avec grand’peine, maint rimeur, Il n’en est qu’un seul qui me tente : Poète de la bonne humeur !

417. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Pélisson et d’Olivet »

La gloire est une abréviatrice. […] En rééditant leurs histoires avec un impayable sérieux, en les accompagnant d’une introduction animée, d’un enthousiasme presque tendre, en devenant mélancolique lorsque son livre finit et qu’il est obligé de renoncer à cette douce familiarité avec des hommes l’orgueil, à juste titre, de la littérature, Livet, qui a quêté partout des annotations pour la plus grande gloire de l’Académie, a cru évidemment que cette assemblée discoureuse, fondée pour discourir et ouvrir ou fermer la porte aux mots nouveaux qui se risqueraient dans la langue, enfin que cet hôtel de Rambouillet sans femmes avait le privilège de créer véritablement des grands hommes, parce qu’il pouvait, pour le récompenser de son zèle, le faire un jour académicien, lui, Livet ! […] À toute page du livre que voici le souvenir de Boileau s’élève, et la lecture de cette longue fadeur rappelle, par le contraste, la sévérité de ces satires dans lesquelles il a buriné la plupart de ces noms d’académiciens, qui pour la première fois frapperaient nos regards s’il ne nous les avait appris et s’il n’avait versé sur quelques-uns la gloire d’un ridicule ineffaçable.

418. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

C’est la gloire des gens d’esprit et leur vengeance. […] Dans cette vie de feuilletoniste dramatique qui lui a fait une gloire qu’avant lui le feuilleton n’avait faite à personne, il a toujours été moins un critique qu’un raconteur et un commentateur des plus éloquents. […] Cet homme, mort sans la gloire et d’autant plus qu’il était fait pour elle, est Édelestand du Méril, l’auteur d’une Histoire de la comédie chez tous les peuples, livre énorme d’érudition et de sagacité littéraire, et que malheureusement la mort de l’auteur interrompit.

419. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

Sa vie eût été différente, et sa gloire, dans la mémoire des hommes, serait mieux que ce trait de feu qui l’a traversée, mais qui a passé, et que le but de cette Correspondance est de raviver. […] L’abbé Galiani démontrait, en effet, par la petitesse de sa personne, que l’esprit n’a pas besoin d’espace comme la matière, et que toutes ses puissances accumulées peuvent tenir dans une imperceptibilité… Et c’est bien là la beauté de l’esprit, sa force et sa gloire ! […] malheureusement pour eux comme pour Galiani, ce petit abbé qui a manqué la grande gloire, c’est Arlequin qui emporte toujours Machiavel !

420. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Et c’est le coup de ce rayon que j’ai reçu de cette pierre précieuse qui s’appelle Maurice Bouchor, — par parenthèse, un nom fait pour résonner comme un clairon d’or sur les lèvres de la publicité, en attendant celles de la gloire… Sterne croyait à la providence des noms. […] En réalité, c’est là le tout du livre, le reste n’étant que détails, et il y en a de charmants de grâce descriptive, de tendresse et de mélancolie… Je sais bien qu’on a dit, en thèse générale, que le poète n’existe que par les détails ; mais, selon moi, c’est trop vite conclure en faveur d’un poète à qui n’appartient pas la conception première de son poème, et qui a manqué, tout en la voulant, cette unité qui est la gloire de tout poème, et qu’avait même cet Homère qu’on a cru plusieurs ! […] Mort du fait de Bouchor, je ne souhaite pas, pour ma part, que Faust ressuscite sous des plumes de poètes qui probablement ne vaudraient pas la sienne ; et puisque, pour ces jeunes gens, c’est une si grande gloire que d’être moderne, qu’ils nous donnent quelque chose de plus moderne que ce vieux Faust modernisé !

421. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Elle était resplendissante d’une gloire immortelle. […] Nous allions retrouver l’opulence avec le repos ; quant à la liberté et à la gloire, nous les avions ! […] Français qui avons vu depuis notre liberté étouffée, notre patrie envahie, nos héros fusillés ou infidèles à leur gloire, n’oublions jamais ces jours immortels de liberté, de grandeur et d’espérance !  […] Il y a là comme une mélancolie rapide qui ajoute à l’émotion heureuse et qui se mêle, pour l’aiguiser, à l’ivresse de la gloire non moins qu’à celle du plaisir. […] Ce second livre, que termine avec convenance la cérémonie de l’Éloge de Washington, appartient sans partage à l’inauguration de la gloire civile.

422. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Le poète exilé et couronné de lauriers, le poète triomphant dans la vénération du monde, ce sont deux attitudes, et Dante a plus grandi dans sa douleur que Ronsard dans son officielle gloire. […] Ce don enfin du génie et de la gloire. […] Jésus en reprenant sa place au sommet de la montagne humaine n’a pas perdu sa gloire, ni son sceptre, ni sa couronne. […] La gloire n’est pas une récompense égoïste : c’est la condition sans laquelle le génie resterait stérile. L’artiste n’a pas plus le droit de se refuser à la gloire que le chrétien n’a le droit de se damner.

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