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1092. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Il devint l’âme de ce journal terrible et charmant qui, chez une nation organisée comme la France, devait faire le mal le plus profond, en dévastant tout par la plaisanterie.

1093. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVI. Des sophistes grecs ; du genre de leur éloquence et de leurs éloges ; panégyriques depuis Trajan jusqu’à Dioclétien. »

Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes.

1094. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVI. Des éloges académiques ; des éloges des savants, par M. de Fontenelle, et de quelques autres. »

Il consiste presque toujours dans des allusions fines, ou à des traits d’histoire connus, ou à des préjugés d’état et de rang, ou aux mœurs publiques, ou au caractère de la nation, ou à des faiblesses secrètes de l’homme, à des misères qu’on se déguise, à des prétentions qu’on ne s’avoue pas ; il indique d’un mot toute la logique d’une passion ; il met une vertu en contraste avec une faiblesse qui quelquefois paraît y toucher, mais qu’il en détache ; il joint presque toujours à un éloge fin une critique déliée ; il a l’air de contredire une vérité, et il l’établit en paraissant la combattre ; il fait voir ou qu’une chose dont on s’étonne était commune, ou qu’une dont on ne s’étonne pas était rare ; il crée des ressemblances qu’on n’avait point vues ; il saisit des différences qui avaient échappé ; enfin, presque tout son art est de surprendre, et il réussit presque toujours.

1095. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Il y a donc un nombre infini de bons styles ; il y en a autant que de siècles, de nations et de grands esprits. […] Il ne veut point « tenter pour une nation plus de bien qu’elle n’en peut supporter. […] Les esprits naissent ici disciplinés comme les caractères, et la littérature, autant que la nation, a besoin d’un gouvernement. […] Le gros de la nation, les laboureurs, tombèrent au-dessous des familles guerrières obligées de s’exercer aux armes, et des familles sacerdotales chargées de conserver et de pratiquer les rites sacrés. […] Les barrières de caste, de classe et de nation sont renversées ; Bouddha appelle au salut tous les hommes, rois et esclaves, brahmanes et tschandalas, purs et impurs, compatriotes et étrangers, hommes et femmes.

1096. (1885) L’Art romantique

Dans l’unité qui s’appelle nation, les professions, les castes, les siècles introduisent la variété, non seulement dans les gestes et les manières, mais aussi dans la forme positive du visage. […] À travers ces baraques, sur ces routes pierreuses ou neigeuses, dans ces défilés, circulent des uniformes de plusieurs nations, plus ou moins endommagés par la guerre ou altérés par l’adjonction de grosses pelisses et de lourdes chaussures. […] Les nations et les races se transmettent-elles des fables, comme les hommes se lèguent des héritages, des patrimoines ou des secrets scientifiques ? […] Excepté à l’aurore de la vie des nations, où la poésie est à la fois l’expression de leur âme et le répertoire de leurs connaissances, l’histoire mise en vers est une dérogation aux lois qui gouvernent les deux genres, l’histoire et la poésie ; c’est un outrage aux deux Muses. Dans les périodes extrêmement cultivées il se fait, dans le monde spirituel, une division du travail qui fortifie et perfectionne chaque partie ; et celui qui alors tente de créer le poème épique, tel que le comprenaient les nations plus jeunes, risque de diminuer l’effet magique de la poésie, ne fût-ce que par la longueur insupportable de l’œuvre, et en même temps d’enlever à l’histoire une partie de la sagesse et de la sévérité qu’exigent d’elle les nations âgées.

1097. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Cette république sera ouverte aux malheureux de toutes les nations ; il suffira d’être pauvre ou persécuté pour y trouver un asile. […] Il débarqua à Madagascar vers la mauvaise saison, qui commence à la mi-octobre ; et peu de temps après son arrivée il y mourut des fièvres pestilentielles, qui y règnent pendant six mois de l’année, et qui empêcheront toujours les nations européennes d’y faire des établissements fixes. […] Lorsqu’elle fut arrivée au lieu de sa sépulture, des négresses de Madagascar et des Cafres de Mosambique déposèrent autour d’elle des paniers de fruits, et suspendirent des pièces d’étoffes aux arbres voisins, suivant l’usage de leur pays ; des Indiennes du Bengale et de la côte Malabare apportèrent des cages pleines d’oiseaux, auxquels elles donnèrent la liberté sur son corps: tant la perte d’un objet aimable intéresse toutes les nations, et tant est grand le pouvoir de la vertu malheureuse, puisqu’elle réunit toutes les religions autour de son tombeau ! […] Il avait laissé parler son âme, et son âme, répondant à l’universalité des cœurs de toutes les nations, avait étouffé à l’instant toutes les chimères, toutes les fantaisies, tous les systèmes, et donné la parole à Dieu qui parle par le sentiment.

1098. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Qu’il ne doutait nullement que la partie la plus éclairée de la nation française ne contribuât grandement à l’exécution d’un pareil projet. […] Il prétend instruire, conduire, former et déformer la nation à son gré, modeler de son coup de pouce dévot la cervelle de l’enfance, tenir la femme sous son pouvoir, et par ces deux puissances faites de faiblesses, — la femme et l’enfant,  — guider l’homme à sa fantaisie et faire de la famille ce que bon lui semblera. […] L’heure se fit attendre où Molière devait être loué, non pas seulement sur ce ton hyperbolique, demi-sérieux, demi-badin, par un bel esprit qui l’aimait à moitié, mais encore par le pays, par l’Académie, par la nation tout entière. […] Il a sondé d’une main ferme la plaie éternelle de l’homme, il a démasqué le vice avec courage, et ce ne serait pas, à proprement parler, une nation qui devrait s’enorgueillir d’avoir produit un tel génie, c’est le genre humain. […] À ce jeu, une nation perdrait, en moins de cent ans, son originalité et son génie.

1099. (1892) Sur Goethe : études critiques de littérature allemande

Aussi personne n’était-il plus propre à nous initier aux idées et aux œuvres de l’Allemagne que ce fils de l’Alsace, qui tenait quelque chose des deux nations, bien que son cœur fût tout entier français. […] Pour la première fois, l’idylle allemande avait laissé là les bergers de fantaisie et pris ses personnages parmi ceux de la nation et du siècle à qui elle s’adressait. […] Assez longtemps nous avons demandé aux âges reculés et aux chefs des nations les seuls types parfaits que l’art sût nous créer. […] Par quel miracle formerait-elle en Occident des nations dignes d’être libres ? […] toute l’intelligence et tout le génie d’une grande nation, dépensés à construire des systèmes que les plus subtils peuvent à peine saisir et où l’on ne parvient à sauver les principes élémentaires de la morale que par des prodiges d’inconséquence et d’adresse !

1100. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

1835 Autrefois dans les temps antiques, ou même en tout temps, à un certain état de société commençante, la poésie, loin d’être une espèce de rêverie singulière et de noble maladie, comme on le voit dans les sociétés avancées, a été une faculté humaine, générale, populaire, aussi peu individuelle que possible, une œuvre sentie par tous, chantée par tous, inventée par quelques-uns sans doute, mais inspirée d’abord et bien vite possédée et remaniée par la masse de la tribu, de la nation. […] Si les œuvres de la poésie primitive, non encore arrivées à une culture régulière, peuvent se comparer à des fruits sauvages, assez âpres ou quelquefois fort doux, produits par des arbres francs et détachés au hasard sous la brise ; si, au milieu de cette nature agreste, quelques grands poëmes divins, formés on ne sait d’où, semblent tomber des jardins fabuleux des Hespérides ; si les œuvres de la poésie régulièrement cultivée sont comme ces magnifiques fruits savoureux, mûris et récoltés dans les vergers des nations puissantes et des rois, on peut prétendre que les œuvres de cette poésie des époques encombrées et déjà grêlées ne sont pas des fruits, à vrai dire ; ce sont des produits rares, précieux peut-être, mais non pas nourrissants.

1101. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Cet organe est « l’art de la parole, l’éloquence appliquée aux sujets les plus sérieux, le talent de tout éclaircir453 »  « Les bons écrivains de cette nation, dit leur grand adversaire, expriment les choses mieux que ceux de toute autre nation… » — « Leurs livres apprennent peu de chose aux véritables savants », mais « c’est par l’art de la parole qu’on règne sur les hommes », et « la masse des hommes, continuellement repoussée du sanctuaire des sciences par le style dur et le goût détestable des (autres) ouvrages scientifiques, ne résiste pas aux séductions du style et de la méthode française ».

1102. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

On ne peut contester à cet homme d’avoir merveilleusement présumé de la légèreté de la nation. […] Les vœux qu’elle formait, depuis douze cents ans, pour la prospérité de cet empire, seront encore entendus, et son autorité confirmera les nouvelles grandeurs de la France, au nom du Dieu qui, chez toutes les nations, est le premier auteur de tout pouvoir, le plus sûr appui de la morale, et par conséquent le seul gage de la félicité publique.

1103. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

Les arts sont les fleurs naturelles d’une nation. La nation est donc responsable de ses artistes.

1104. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Mais il vaut mieux encore revenir à la vérité et ne reconnaître d’autre majesté que celle de la nation et de l’idéal. […] Il faut avouer aussi que le catholicisme, avec ses formes dures, absolues, sa réglementation rigoureuse, sa centralisation parfaite, devait plaire à la nation qui y voyait le plus parfait modèle de son gouvernement.

1105. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Exemple à plus d’une nation moderne. […] L’esprit de nation est la meilleure muraille.

1106. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

(5) Enfin, une quatrième et dernière propriété fondamentale que je dois faire remarquer dès ce moment dans ce que j’ai appelé la philosophie positive, et qui doit sans doute lui mériter plus que toute autre l’attention générale, puisqu’elle est aujourd’hui la plus importante pour la pratique, c’est qu’elle peut être considérée comme la seule base solide de la réorganisation sociale qui doit terminer l’état de crise dans lequel se trouvent depuis si longtemps les nations les plus civilisées. […] Tant que les intelligences individuelles n’auront pas adhéré par un assentiment unanime à un certain nombre d’idées générales capables de former une doctrine sociale commune, on ne peut se dissimuler que l’état des nations restera, de toute nécessité, essentiellement révolutionnaire, malgré tous les palliatifs politiques qui pourront être adoptés, et ne comportera réellement que des institutions provisoires.

1107. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Alors ils auraient pu, avec toute leur science, trouver la raison de la filiation des langues et des transformations des mots lorsqu’ils passent d’une langue dans une autre ; ils auraient pu, après avoir remarqué que le son de la voix est un trait physiognomonique très important dans l’homme, peut-être le plus important de tous ; ils auraient pu, dis-je, remarquer combien est caractéristique aussi l’accent qui signale les peuples divers et qui anime leurs langues ; ils auraient pu remarquer qu’il y a des familles et des nations distinguées par l’analogie des sons de la voix comme par celle des lignes de la figure, ou des couleurs de la peau et par les habitudes des cheveux. […] Il part d’une pensée féconde, la distinction entre les langues domestiques ou de famille, et les langues des hommes réunis en corps de tribus ou de nations.

1108. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Jules César, le roi François et lui ont défait notre nation. » Cela me fit le suivre quelque temps pour apprendre de lui une partie de ce que j’en écris.

1109. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

Il n’entend rien à Colbert et ne lui tient nul compte des grandes et patriotiques entreprises qu’il eut l’adresse de faire adopter au jeune roi pour l’honneur de la nation.

1110. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Il comparait spontanément les écrivains des diverses nations, il les rapprochait d’une manière inattendue et avec une sorte de recherche ingénieuse qui chez lui était naïve ; ce qui aurait pu sembler de la subtilité n’était que la fleur suprême du goût.

1111. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre I. L’esprit gaulois »

Quelle opposition entre notre littérature du douzième siècle et celle des nations voisines !

1112. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Est-ce que nous avons allumé une de ces guerres révolutionnaires qui flattent un moment les passions militaires d’un peuple, mais qui font crier le sang des nations contre leurs auteurs longtemps après que ce sang est tari ?

1113. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Banville, Théodore de (1823-1891) »

. — Les Nations, opéra-ballet (1851). — Le Feuilleton d’Aristophane, avec Philoxène Boyer (1852). — Les Saltimbanques (1853). — Les Odelettes (1856). — Le Beau Léandre, un acte en vers (1865). — Odes funambulesques (Alençon, 1857). — Poésies complètes (1857)

1114. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Baudelaire, Charles (1821-1867) »

Georges Rodenbach Il semble que Baudelaire ait prévu son propre cas quand il écrivit : « Les nations sont comme les familles : elles n’ont de grands hommes que malgré elles ».

1115. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IV. Le théâtre des Gelosi » pp. 59-79

Niccolo Barbieri dit simplement à ce sujet : « Ces fictions ne peuvent corrompre l’âme des comédiennes, puisque c’est l’usage de l’art. » À une époque plus rapprochée de nous, le marquis d’Argens, remarquant aussi le contraste existant entre la liberté presque illimitée de la scène italienne et les mœurs souvent correctes des actrices de cette nation, l’expliquait par la considération même dont les comédiennes jouissent en Italie.

1116. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Montalembert orateur. » pp. 79-91

Flétrissant l’ancien partage de la Pologne, et posant en principe que l’injustice amène tôt ou tard après elle le châtiment, l’orateur fait voir « la nation opprimée qui s’attache aux flancs de la puissance opprimante comme une plaie vengeresse immortelle ».

1117. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Posnett, dans un livre tout récent : Comparative literature, envisage dans un esprit nouveau le problème de la morphologie artistique, et s’attache à démêler, dans une énumération malheureusement superficielle, quelle influence ont exercée sur la forme littéraire, sur l’individuation des personnages par exemple et la description de la nature, les différentes formes de la vie sociale, le clan, la communauté urbaine, la nation, le cosmopolitisme.

1118. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Nous rêvons pour les nations autre chose qu’une félicité uniquement composée d’obéissance.

1119. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 12, des masques des comédiens de l’antiquité » pp. 185-210

On introduisit aussi à l’aide de ces masques toutes sortes de nations étrangeres sur le théatre avec la phisionomie qui leur étoit particuliere.

1120. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Pour le philosophe, au contraire, tous ces groupements particuliers, que l’on appelle les tribus, les cités, les nations, ne sont que des combinaisons contingentes et provisoires sans réalité propre.

1121. (1864) De la critique littéraire pp. 1-13

Voyez les nations et la suite de leurs progrès : elles chantent d’abord, puis elles parlent, elles critiquent enfin ; c’est l’amusement de leur vieillesse, et quand on voit commencer ce radotage, mauvais signe, le génie s’en va.

1122. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Introduction. Du bas-bleuisme contemporain »

Le phénomène de la servante-maîtresse, si commun chez les vieux galants ; chez les dons Juans les plus superbes, les plus durs à la femme dans leur jeunesse, lorsque l’âge les a suffisamment attendris, peut se produire aussi chez les nations, et il semble que nous y touchions, à ce phénomène.

1123. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’empire russe depuis le congrès de vienne »

Or, s’il n’y en a pas en Russie, il n’y a pas d’histoire de Russie en Europe, car l’histoire d’une nation commence toujours de s’écrire entre ses quatre frontières.

1124. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte Gaston de Raousset-Boulbon »

II Vers la fin de 1854, au milieu des préoccupations inquiètes de l’Europe, à peine rassise des coups terribles que lui avaient portés les révolutions, on apprit qu’un Français venait d’être fusillé, comme un pirate, par le gouvernement mexicain, et que ce Français, ce jeune homme, qu’on appelait au Mexique le vainqueur d’Hermosillo, du nom de sa première bataille, gagnée avec deux cent cinquante hommes contre une armée et contre une ville, avait été jusqu’au dernier moment l’honneur de la France et avait donné d’elle la grande idée qu’elle n’a pas cessé de donner au monde quand, se détournant de ses misères intérieures, elle s’est retournée vers les autres nations et leur a montré un bout d’épée.

1125. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Léon XIII et le Vatican »

Il a beaucoup vécu en Italie, et son esprit a dû s’y italianiser, sans rien perdre de toutes ses qualités françaises… C’est un latin, — comme la France fut une nation latine.

1126. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Ce mariage fixa Colomb en Espagne, et c’est l’Espagne qui devait prendre l’aumône d’un monde qu’il offrait à la main de toutes les nations !

1127. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le comte de Gasparin » pp. 100-116

C’est, en effet, dans le bavardage, que s’évapore le génie littéraire des nations en décadence.

1128. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Le père Augustin Theiner »

Ces hommes inouïs et calomniés par l’esprit de parti ou par l’ignorance, ces hommes attachés immuablement à ce qui doit rester immuable dans les principes et les institutions, et qui ont en mourant dit d’eux-mêmes, par la bouche de leur général, à qui on proposait la vie : Sint ut sunt, aut non sint , avaient pourtant à un suprême degré ce qui distingue si éminemment l’aristocratie anglaise, — la plus politique des aristocraties, — l’entente de l’heure qui sonne, cet instinct du moment qui gagne les batailles et qui sauve aussi les nations.

1129. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

et que les mœurs d’une nation seraient bien faites, si elles ne se faisaient que sur de pareils tréteaux ! […] Au contraire, je trouve que cela est de bon goût pour une grande nation comme est la nôtre, de payer beaucoup trop les gens qui l’amusent, sauf à ne rien donner à ceux qui la servent. — Un histrion qui gagne cinquante mille livres par an, disait un lieutenant-général à Lekain. — Eh ! […] Il a été l’amuseur d’une nation tout occupée de s’égorger au dedans, de se battre au dehors. […] Voyez-vous le nom de la France qui manque sur cette liste de nations révolutionnaires ? […] Ce poète-là, convenez-en, vaut bien la peine qu’on s’y arrête, et qu’on l’étudie avec le zèle, avec le soin que méritent ces êtres à part dans l’esprit, dans la bonne humeur, dans les délassements d’une nation.

1130. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Mais c’était un mélange de toutes les nations. […] Car, entendez-moi bien, ce sont ces couches inférieures de la société qui, pour une grande part au moins, ont rapproché instinctivement les diverses nations de l’Europe. […] Oui, c’est bien là la clef du cœur de notre nation. […] je sais bien que dans notre histoire le citadin a joué aussi un rôle, mais c’est surtout dans notre nation qu’il a existé un contraste profond entre le campagnard et la tourbe des villes. […] Ce serait l’élite de la nation.

1131. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Baragnon est tout à fait remarquable : Dieu, qui régit monarchiquement l’Univers, qui disposa notre corps sous la domination d’un chef, qui à la tête de la première société humaine plaça le père comme un roi, et à la tête de l’Église un infaillible monarque, a voulu nous signifier par cette politique suprême que la perfection du gouvernement réside dans la monarchie et qu’une nation peut être dite raisonnable, juste et prospère, à proportion qu’elle se règle sur cet idéal. […] Pour montrer dans quel style est écrit Télémaque, Egger cite l’exemple suivant : « Mentor, qui avait pris plaisir à voir la tendresse avec laquelle Nestor venait de recevoir Télémaque, profita de cette heureuse disposition… avec ce gage qui est venu de lui-même s’offrir… — Toutes ces différentes nations frémissaient de courroux et croyaient perdu tout le temps où l’on retardait le combat… — Nation insensée, qui nous a réduits à prendre un parti de désespoir… (Liv. […] Mais, il faut l’avouer, un autre sentiment succède à ce premier transport ; après avoir pris une si grande opinion de la puissance de l’homme, quand on vient à méditer l’objet de son emploi, on ne jette plus qu’un œil de regret sur son ouvrage ; on s’afflige de penser que, pour construire un vain tombeau, il a fallu tourmenter vingt ans une nation entière ; on gémit sur la foule d’injustices et de vexations qu’ont dû coûter les corvées onéreuses et du transport, et de la coupe, et de l’entassement de tant de matériaux. […] souffrir les cruautés, non pas d’une armée, non pas d’un camp barbare, contre lequel il faudrait dépendre son sang et sa vie devant, mais d’un seul, non pas d’un Hercule ny d’un Samson, mais d’un seul homme, et le plus souvent du plus lasche et féminin de la nation ; non pas accoutumé à la poudre des batailles, mais encore à grand’-peine au sable des tournois… Comment a-t-il tant de mains pour vous frapper, s’il ne les prend de vous ? […] Loin de l’égaler aux héros, on l’appellera un fils dénaturé, un de ces hommes dont parle saint Paul, sans culte, sans affection et sans principes ; sa fausse gloire n’aura duré qu’un instant, et son opprobre ne finira qu’avec les siècles : la dernière postérité ne le connaîtra que par ses crimes, que par la piété filiale FOULEE AUX PIEDS à la face des rois et des nations qui ont eu la lâcheté d’applaudir à son usurpation ; enfin, que par l’attentat qui lui a fait détrôner un père et un roi juste, pour se mettre à sa place.

1132. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

. — Varron, dans son traité de l’Agriculture, cite un ouvrage d’Ératosthènes, perdu pour nous, dans lequel celui-ci cherchait à établir que le caractère de l’homme et de la nation, et la forme du gouvernement, dépendent de la distance plus ou moins grande du soleil. […] » Parfois on reconnaît au style, non seulement une femme de telle ou telle nation, mais une femme de tel ou tel siècle. […] Cela est si vrai, que certains économistes veulent que la production des métaux soit la mesure de la puissance des peuples, et n’hésitent point à poser cet axiome : « La puissance est aux nations qui produisent le plus de fer. » Il y a là, du moins, plus de vraisemblance que dans la boutade de Jean-Jacques. […] de distinguer le sexe chez les peuples ou les nations comme chez les individus. […] Dans une période de cent cinquante ans, la Grèce a produit plus de sculpteurs, de peintres, d’orateurs, de poètes, de philosophes célèbres, qu’aucune autre nation.

1133. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

À toi, Byron, prophète désolé, poète plus déchiré que Job et plus inspiré que Jérémie, les peuples de toutes les nations ouvriront le panthéon des libérateurs de la pensée et des amants de l’idéal ! […] Depuis les larmes et les imprécations des prophètes de Sion, aucune voix ne s’était élevée avec tant de force pour chanter un sujet aussi vaste que celui de la chute d’une nation. […] … Moi, j’aime toute une nation ; j’ai saisi dans mes bras toutes ses générations passées et à venir ; je les ai pressées ici sur le cœur, comme un ami, un amant, un époux, comme un père. […] Si tu me donnais sur les âmes un pareil pouvoir, je recréerais ma nation comme un chant vivant, et je ferais de plus grands prodiges que toi, j’entonnerais le chant du bonheur ! […] Je regarde ma patrie infortunée comme un fils regarde son père livré au supplice de la roue ; je sens les tourments de toute une nation, comme la mère ressent dans son sein les souffrances de son enfant.

1134. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Là, il réprimait la maltôte, il enchaînait la persécution religieuse, il relevait les finances, il raffermissait la monarchie chancelante, il sauvait la nation près de périr. […] La noblesse n’était plus la tête de la nation ; elle pouvait encore produire des conspirateurs ridicules, mais non plus donner des chefs à une révolte. […] Saint-Simon, mieux que personne, savait que, depuis quatre siècles, tous les efforts de la nation, toutes les fautes du clergé, toute la mauvaise conduite de la noblesse tendaient à ce résultat. […] On doutera que les détenteurs de fiefs sous Charlemagne et les pairs sous Philippe-Auguste aient possédé dans les conseils de la nation l’autorité souveraine qu’il leur attribue. […] il a pleuré plus longtemps qu’eux, et ce n’est pas à ce prix acheter trop cher le soulagement des maux du reste de la nation.

1135. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Tout cela est fait à la française ; mais aussi longtemps que nos auteurs dramatiques ne sauront pas peindre les mœurs des personnages qu’ils mettent sur la scène, ni l’esprit des peuples et des siècles dont ils empruntent leurs sujets, je regarderai leurs pièces comme des ouvrages faits pour amuser ou épouvanter des enfants ; mais jamais je ne les croirai dignes de servir d’instruction et de leçon aux souverains et aux nations ; c’est pourtant là le véritable but de la tragédie. » Il nous est impossible aujourd’hui, — à moi du moins, — de nous former une idée nette de ces pièces, surtout des tragédies d’alors, ni d’y saisir quelque différence à la lecture ; elles me semblent à peu près toutes pareillement insipides et d’un ennui uniforme. […] Cela s’est passé devant les Quatre Nations : vous voyez que ce n’est pas loin de chez vous (monsieur le comte, point de pommes !) […] Le goût a passé de Paris à Londres… « L’anglomanie est ici une maladie épidémique contractée exprès pour avilir les chefs-d’œuvre de l’autre siècle et se couronner à peu de frais de la nation rivale de Rome et d’Athènes.

1136. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

D’ailleurs, que m’importe la vaine multitude, si je puis lui opposer l’élite, si j’ai pour moi Aristophane, Shakespeare, et aussi (je le dis bien haut) un poète obscur et méprisé dans sa nation, parce qu’une raison pesante et froide ne recommande pas son théâtre au goût de la France, et que l’imagination et la gaieté en font seules tous les frais, Legrand, l’auteur du Roi de Cocagne 6, chef-d’œuvre méconnu que la critique allemande aura la gloire de rendre à l’immortalité ? […] J’arracherai le voile qui cache aux Français la vraie figure de leur poète favori, non pour faire tomber tout leur enthousiasme, mais pour l’éclairer et l’épurer, et s’ils continuent à appeler Molière le plus grand des poètes comiques, messieurs, sachons être indulgents pour une nation spirituelle qui ne connaît pas la véritable valeur des mots, parce que le ciel lui a envié l’esprit philosophique, je veux dire ce besoin de logique et de définitions qui est le commencement de la sagesse. […] La première, c’est qu’il est difficile de triompher d’un préjugé séculaire, surtout quand ce préjugé a ses racines dans les profondeurs mêmes de l’esprit d’une nation qui préfère, par tempérament, la prose à la poésie.

1137. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Dickens a la passion et la patience des peintres de sa nation : il compte un à un les détails, il note les couleurs différentes des vieux troncs d’arbres ; il voit le tonneau fendu, les dalles verdies et cassées, les crevasses des murs humides ; il distingue les singulières odeurs qui en sortent ; il marque la grosseur des taches de mousse, il lit les noms d’écoliers inscrits sur la porte et s’appesantit sur la forme des lettres. […] Vous n’écrirez que des vies, des aventures, des mémoires, des esquisses, des collections de scènes, et vous ne saurez pas composer une action. —  Mais si le goût littéraire de votre nation, joint à la direction naturelle de votre génie, vous impose des intentions morales, vous interdit la grande peinture des caractères, vous défend la composition des ensembles, il offre à votre observation, à votre sensibilité et à votre satire, une suite de figures originales qui n’appartiennent qu’à l’Angleterre, qui, dessinées par votre main, formeront une galerie unique, et qui, avec l’image de votre génie, offriront celle de votre pays et de votre temps. » 3. […] Après un intervalle, vous les retrouvez au seizième siècle, quand eut passé la littérature française importée de Normandie ; elles sont l’âme même de la nation.

1138. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

dit-il, pour un enfant qu’on lui vole, la Nation n’en mourra pas !  […] Il arrive enfin que, sous la monarchie de Juillet, et grâce au régime censitaire, le nom de bourgeois s’applique réellement à une classe distincte du reste de la nation ; et, comme cette classe se montre en effet égoïste, cupide et pusillanime, on conçoit assez la défaveur croissante du mot dont elle est étiquetée. […] C’est la partie de la nation où la vie est le plus intense, où fonctionnent les plus gros appétits et s’étalent les plus durs égoïsmes, mais où fleurissent aussi les aristocraties intellectuelles.

1139. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Ainsi divisée, la Grèce est conquise par des peuples demi-barbares, mais disciplinés, et l’indépendance de chaque cité aboutit à la servitude de la nation. […] Mais les principales sont les gymnopédies, grandes revues où figure toute la nation distribuée en chœurs. […] Non-seulement Hérodote est pieux, dévot même jusqu’à n’oser proférer tel nom sacré, révéler telle légende, mais encore toute la nation apporte dans son culte la gravité grandiose et passionnée qu’expriment au même moment les vers d’Eschyle et de Pindare. […] Mais Pallas elle-même rayonnait à l’entour dans tout l’espace ; il n’y avait pas besoin de réflexions et de science, il ne fallait que des yeux et un cœur de poëte ou d’artiste pour démêler l’affinité de la déesse et des choses, pour la sentir présente dans la splendeur de l’air illuminé, dans l’éclat de la lumière agile, dans la pureté de cet air léger auquel les Athéniens attribuaient la vivacité de leur invention et de leur génie ; elle-même était le génie du pays, l’esprit même de la nation ; c’étaient ses dons, son inspiration, son œuvre, qu’ils voyaient étalés de toutes parts aussi loin que leur vue pouvait porter, dans les champs d’oliviers et les versants diaprés de cultures, dans les trois ports où fumaient des arsenaux et s’entassaient des navires, dans les longues et puissantes murailles par lesquelles la ville venait de rejoindre la mer, dans la belle cité elle-même qui, de ses temples, de ses gymnases, de ses théâtres, de son Pnyx, de tous ses monuments rebâtis et de toutes ses maisons récentes, couvrait le dos et le penchant des collines, et qui, par ses arts, ses industries, ses fêtes, son invention, son courage infatigable, devenue « l’école de la Grèce », étendait son empire sur toute la mer et son ascendant sur toute la nation.

1140. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Cabanis s’y montre beaucoup plus disposé à l’étude des systèmes antérieurs qu’on ne l’était généralement au xviiie  siècle et autour de lui ; il est loin de prendre en pitié ces tâtonnements de l’esprit humain, il semble qu’en cela l’esprit historique de Fauriel l’ait déjà gagné : « Vous savez mieux que moi, mon ami, lui dit-il, combien de lumières jette sur l’histoire des nations et de l’esprit humain l’étude philosophique des cosmogonies et des théogonies. […] Manzoni sentit de bonne heure, et peut-être aussi il s’exagérait un peu cet inconvénient ; le fait est qu’il ne voyait jamais sans un plaisir mêlé d’envie le public de Paris applaudir en masse aux comédies de Molière ; cette communication immédiate et intelligente de tout un peuple avec les productions du génie, et qui, seule, peut attester à celui-ci sa vie réelle, lui semblait refusée à une nation trop partagée et comme cantonnée par dialectes ; lui qui devait réunir un jour toutes les intelligences élevées de son pays dans un sentiment unanime d’admiration, il ne croyait pas assez cette unanimité possible, et en tout cas il regrettait que la masse du public n’en fît pas le fond. […] Fauriel. » Et, à la fin de son travail, Jouffroy concluait : « Nous persistons à croire que, de tous les ouvrages publiés sur la Grèce moderne, aucun autre ne jette d’aussi vives lumières sur la question encore si incertaine de son émancipation ; il est le seul en effet qui nous fasse connaître les ressources morales et le génie de cette nation malheureuse, et l’on peut dire qu’à cet égard chaque page de ce précieux document est une révélation et, pour ainsi dire, un gage de plus que les espérances de l’Europe civilisée ne seront point déçues… Telle est la conviction consolante qui résulte de la publication de M. […] La nation franke, en danger de s’abâtardir avec les derniers fils de Clovis, se retrempe sous les premiers chefs de la branche carlovingienne. […] N’oublions pas que c’est un étranger qui écrit : l’image d’ailleurs est parfaitement exacte, et elle vient rappeler à propos combien en effet le goût des nations diffère.

1141. (1940) Quatre études pp. -154

Luttez, le triomphe est proche : l’Italie va reprendre sa place glorieuse au milieu des nations… Voilà ce qu’ils disaient tous : Alessandro Poerio, Goffredo Mameli, qui, cette même année 1849, moururent pour l’unité de leur patrie ; Giuseppe Giusti ; et leurs successeurs, Aleardo Aleardi, Giovanni Prati ; et tant d’autres : autant de poètes, autant de héros qu’il en fallut pour que retentît à la fin, sur le Capitole conquis, l’hymne triomphal de Rome. […] Les poètes heureux De la force, du prestige ; la grande flotte, et ces vaisseaux marchands qui sillonnent toutes les mers ; la Banque ; la Constitution ; une puissance industrielle et commerciale solidement établie ; de la richesse, du luxe paisible, de l’ordre, de la dignité, de la moralité, de la décence, de la religion ; la certitude que le juste ciel sait discerner les mérites d’une nation et récompenser ses vertus ; un contentement de soi qui reste discret, mais inébranlable : c’est l’Angleterre de la très sage et très glorieuse reine Victoria. […] Il professe pour la reine une admiration nuancée de respect et de tendresse ; il lui écrit, elle lui répond : elle est la nation, il est la parure de la nation. […] Ils gardent le contact avec les éléments cultivés de la nation, dont ils veulent être les guides. […] S’ils assimilent cette nourriture étrangère, nos génies créateurs n’en tirent que plus de vigueur originale ; ils gardent leur qualité spécifique, en vertu de leur individualité propre ; et, comme nous l’avons montré, en vertu des caractères ineffaçables de leur nation, qui vit en eux.

1142. (1890) Derniers essais de littérature et d’esthétique

En outre, si nous tenons à comprendre l’histoire d’une nation par le moyen de l’art, c’est aux arts de l’imagination et de l’idéal que nous devons recourir, et non aux arts qui sont franchement imitatifs. […] Crawford, dans sa très intéressante préface, revendique pour les Finlandais le mérite d’avoir commencé, avant toute autre nation européenne, à recueillir et conserver leur antique folklore. […] « Aucune nation ne peut conquérir, autrement que par les armes sur le champ de bataille, une liberté qui ne soit point un fléau pour elle. […] Pour le politicien professionnel, les affaires de la nation sont une manufacture, à laquelle il consacre son audace et son temps, et de laquelle il espère tirer sa vie durant, un certain tant pour cent. […] La doctrine de l’inutilité de toutes les choses utiles aurait pour effet non seulement de compromettre notre suprématie commerciale en tant que nation, mais encore de jeter le discrédit sur un grand nombre de membres prospères et sérieux de la classe des boutiquiers.

1143. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

La monarchie, d’abord soldatesque, puis féodale, puis religieuse, puis nationale, puis populaire, devait naturellement s’y transformer et s’y adapter aux époques et aux instincts des nations. […] Rousseau, constitutionnelle sous ses Mirabeau, démagogique sous ses Danton, républicaine et sanguinaire sous sa Convention, conquérante et despotique sous son Napoléon, insatiable de liberté sous sa dynastie légitime, agitée et indomptable sous sa dynastie élective de 1830, sublime, mais épouvantée d’elle-même, sous sa seconde république, rejetée par terreur de l’utopie sous l’épée d’un second empire ; prête à tout ce qui peut la grandir, la sauver, l’illustrer ou la perdre ; ni républicaine, ni constitutionnelle, ni monarchique, ni théocratique, mais changeante, révolutionnaire et contre-révolutionnaire selon les temps ; nation de volte-face pour faire face, sous toutes les formes, à tous les événements, pour rester grande !

1144. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Elle n’est point, comme on n’a cessé de le dire malgré les démentis successifs de toutes les époques, elle n’est pas seulement la langue de l’enfance des peuples, le balbutiement de l’intelligence humaine ; elle est la langue de tous les âges de l’humanité, naïve et simple au berceau des nations, conteuse et merveilleuse comme la nourrice au chevet de l’enfant, amoureuse et pastorale chez les peuples jeunes et pasteurs, guerrière et épique chez les hordes guerrières et conquérantes, mystique, lyrique, prophétique ou sentencieuse dans les théocraties de l’Égypte ou de la Judée ; grave, philosophique et corruptrice dans les civilisations avancées de Rome, de Florence ou de Louis XIV ; échevelée et hurlante aux époques de convulsions et de ruines, comme en 93 ; neuve, mélancolique, incertaine, timide et audacieuse, tout à la fois, aux jours de renaissance et de reconstruction sociale comme aujourd’hui ! […]   Cette scène jetée par hasard sous mes yeux, et recueillie dans un de mes mille souvenirs de voyages, me présenta les destinées et les phases presque complètes de toute poésie : les trois esclaves noires berçant les enfants avec les chansons naïves et sans pensée de leur pays, la poésie pastorale et instinctive de l’enfance des nations ; la jeune veuve turque, pleurant son mari en chantant ses sanglots à la terre, la poésie élégiaque et passionnée, la poésie du cœur.

1145. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Nous avons applaudi à cette dépendance, parce qu’elle était féconde ; c’était la dépendance du disciple à l’égard du maître, d’une nation jeune à l’égard du monde ancien, d’un esprit qui se développe à l’égard d’un esprit achevé. […] Et de même que chacun de nous n’acquiert toute sa force que le jour où il se connaît, et ne vaut tout son prix, que le jour où il sait exactement sa mesure ; de même une nation n’acquiert toute sa grandeur, dans les choses de l’esprit, que le jour où elle a une connaissance exacte de son génie.

1146. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Voilà la reconnaissance ordinaire des nations. […] Un pays qui contient des maîtres comme Villiers, Stanford, Cowen, Mackenzie et quantité d’autres, n’a pas à craindre des comparaisons avec aucune autre nation dans tout ce qui se rapporte à la science et au talent naturel.

1147. (1908) Dix années de roman français. Revue des deux mondes pp. 159-190

Dans la nation actuelle, issue de la Révolution, l’individu a tous les droits que le passé conférait seulement au groupe familial. […] Mis à même de calculer les forces du passé qui nous commandent, nous accepterions, pour en tirer profit, notre prédestination… Un jeune être isolé de sa nation ne vaut guère plus qu’un mot détaché d’un texte… » « Notre conscience individuelle nous vient de l’amour de notre terre et de nos morts. » Cette formule se trouve sans cesse sous la plume de M. 

1148. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

Dimanche 30 janvier L’élection Barodet, les élections sénatoriales de la chambre, l’élection de Hugo au second tour de scrutin, commencent à mettre très nettement en pratique, dans la politique et le gouvernement de la nation, la révolution dernière, théoriquement formulée dans les livres de Babeuf. […] Il déplore qu’à l’heure présente, tout homme qui écrit un article, vise à un siège au Sénat ou à la Chambre, et ménage les personnalités qui peuvent lui être utiles, sans souci de l’intérêt général, et il termine en disant que son rêve serait de fonder un journal qui ressemblerait au chœur des tragédies antiques, et avertirait la nation, au nom de l’intérêt de la chose publique.

1149. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Chez les nations vieillies, le mouvement des arts commence souvent par la critique. […] — Non ; le mouvement social n’étouffe point le sens littéraire : tout ce qui éveille l’intelligence d’une nation est moins pour la poésie un obstacle qu’un moyen.

1150. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Instituteurs, Peintres, Poètes, Chansonniers, Romanciers et Journalistes qui éclairez les Nations Par votre instruction… Vous êtes tous des hommes Agriculteurs, Cultivateurs et Jardiniers qui nourrissez les Peuples Vous êtes des hommes. […] Cette exhortation termine le discours prononcé le 2 septembre 1792 par Danton à l’Assemblée législative, destiné à soulever la nation contre les « ennemis de la République ».

1151. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Bossuet. Œuvres complètes publiées d’après les imprimés et les manuscrits originaux, par M. Lachat »

… » toutes vivacités et brusqueries grandioses, familières à l’orateur romain et à la nation qui porte la toge.

1152. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

sont-ce ses Contes, son Dictionnaire philosophique, son Essai sur les Mœurs des Nations, et cette multitude de pamphlets sans nom lancés à tout propos contre l’Évangile et l’Église ?

1153. (1874) Premiers lundis. Tome II « Jouffroy. Cours de philosophie moderne — II »

Jouffroy va s’efforcer d’y arriver à l’aide de l’observation psychologique et de l’induction ; car, dit-il, ce sont les idées qui gouvernent les individus, ce sont les idées qui gouvernent également les nations ; c’est par conséquent dans les idées du moi et dans la raison individuelle qu’on peut seulement trouver la solution du problème social.

1154. (1875) Premiers lundis. Tome III « Sur le sénatus-consulte »

vous n’avez pas tout le monde pour vous ; bien des fractions de l’opinion vous échappent ; la jeunesse des Écoles, par exemple, est demeurée récalcitrante et rebelle ; à trois cents pas du Louvre, vous ne régnez pas ; les hautes Écoles ne sont pas du tout pour vous : et c’est dans ces générations de 20 à 25 ans que se forme en grande partie l’avenir d’un pays, on répondait (combien de fois ne l’ai-je pas entendu :) : « Ah : les Écoles ont toujours été ainsi : ces mêmes jeunes gens dans quelques années penseront autrement ; et puis, ce n’est qu’une infiniment petite partie de la nation : nous avons pour nous la masse, les ouvriers des villes et des campagnes. — Les Écoles, le quartier Latin, qu’est-ce que cela nous fait ?  

1155. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre II. De l’ambition. »

Il n’y a plus dans une nation que des combattants, l’impartial pouvoir qu’on appelle le public, ne se montre nulle part.

1156. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Auguste Vacquerie Toi qu’on disait l’artiste ardent mais l’homme tiède, Le rimeur égoïste et sourd à tous nos cris, Le jour où l’Allemagne assiégea ce Paris Haï des nations parce qu’il les précède, Quand sachant que Paris difficilement cède Et que, criblé, haché, broyé sous les débris, Les obus n’obtiendraient de lui que son mépris, L’Allemagne appela la famine à son aide, Quand plusieurs étaient pris du goût de voyager, Toi qui dans ce moment étais à l’étranger, Chez des amis, avec une fille chérie, Dans un libre pays, au bord d’un lac divin, Pouvant vivre tranquille et manger à ta faim, Tu choisis de venir mourir pour la patrie.

1157. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Seconde partie. » pp. 35-56

Distingués du reste des mortels par vos lumières, montez votre ame au ton de votre génie, il en sera plus grand, plus fier, plus sublime, plus cher à la Nation, à l’humanité, & la foule envieuse ne saisira plus le prétexte de vous refuser son hommage pour exercer le triste droit de calomnier vos mœurs, & vous mépriserez les sourds complots du Fanatisme, & de l’ignorance, & affermis sur la colomne inébranlable de la probité jointe à l’honneur, vous verrez vos ennemis réduits à garder un silence qui fera leur supplice & leur honte.

1158. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VI. Jean-Baptiste  Voyage de Jésus vers Jean et son séjour au désert de Judée  Il adopte le baptême de Jean. »

Depuis que la nation juive s’était prise avec une sorte de désespoir à réfléchir sur sa destinée, l’imagination du peuple s’était reportée avec beaucoup de complaisance vers les anciens prophètes.

1159. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XV. Commencement de la légende de Jésus  Idée qu’il a lui-même de son rôle surnaturel. »

Mais depuis la fin des Asmonéens, le rêve d’un descendant inconnu des anciens rois, qui vengerait la nation de ses ennemis, travaillait toutes les têtes.

1160. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Le duc de Saint-Simon, dans sa juste animadversion pour l’injure que fit aux pairs, aux princes, à la nation entière, à son droit public, à ses mœurs, l’élévation du duc du Maine, fruit d’un double adultère, mais devenu digne d’une haute destinée par les soins de madame de Maintenon ; le duc de Saint-Simon, dis-je, comparant la naissance du duc du Maine avec les honneurs démesurés dont cet enfant fut comblé, se laissa aller au plus cruel et au plus injuste mépris pour madame de Maintenon, à qui le jeune prince devait le mérite précoce et distingué qui avait favorisé son élévation.

1161. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre II : Partie critique du spiritualisme »

C’est ce que firent à la fois en Allemagne et en France deux grands penseurs, Fichte et Biran, le premier plus porté au spéculatif suivant le goût et le génie de sa nation, le second plus psychologue, plus observateur, — le premier liant la métaphysique à la politique, passionné pour les idées du xviiie  siècle et de la révolution, le second royaliste dans la pratique, assez indifférent pour ces sortes de recherches et occupé d’une manière tout abstraite à l’étude de la vie intérieure, — tous deux enfin, par une rencontre singulière et selon toute apparence par des raisons analogues, ayant terminé leur carrière par le mysticisme, mais le premier par un mysticisme inclinant au panthéisme, le second par le mysticisme chrétien.

1162. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose que tout le monde ne sait pas » pp. 39-53

Dans une imagination forte, dans les auteurs, dans les nuages, dans les accidents du feu, dans les ruines, dans la nation où ils ont recueilli les premiers traits que la poésie a ensuite exagérés.

1163. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Paul de Molènes »

C’est le contraire de la vieille sagesse des nations : le vin est tiré, il faut le boire.

1164. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XX. De Libanius, et de tous les autres orateurs qui ont fait l’éloge de Julien. Jugement sur ce prince. »

C’était là le grand objet de toutes les nations ; et il se mêlait tantôt sourdement, tantôt avec éclat, aux malheurs de la guerre et aux fureurs politiques.

1165. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Les peuplades errantes épousent le sol et deviennent des nations ; mais que sont des nations, qu’est l’humanité sans des rêves célestes ? […] Les anges du jugement dernier rassemblent les nations autour d’eux. […] 135 » Les nations viennent à leur tour, et sont jugées. […] Il perce, pour arriver à Dieu, la foule des nations qui le maudissent, et sa famille, qui le reconnaît et le bénit. […] Ce n’est pas assez pour lui d’amener en jugement les nations, êtres fictifs dont aucun ne forme une personnalité, ni n’est chargé, devant Dieu, d’une responsabilité indivise.

1166. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Sagesse des Nations. […] Désormais, en dehors des corps constitués et des rouages d’État, il existe donc une puissance sociale et intellectuelle, composée de toutes les intelligences de la nation, dont le grand rôle est de préserver contre certaines tentatives rétrogrades les acquisitions de l’espèce humaine. […] Elle le débarrasserait de cette vermine de ratés sans talent ni caractère qui l’infectent et le discréditent… Une loi sur la direction des journaux, une loi sur le recrutement des journalistes, une organisation professionnelle de la presse, voilà ce que le pays réclame. » Mais les études les plus intéressantes qui composent ce recueil de critique sont assurément celles sur le Prolétariat intellectuel et sur l’Armée et la Nation. […] Dans le chapitre intitulé l’Armée et la Nation, M. 

1167. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Lisez donc ses chapitres sur le Pouvoir de l’air sur le corps humain prouvé par le caractère des nations, ou encore, sur l’Étendue des climats plus propres aux sciences et aux arts que les autres. […] Si donc nous voulons avoir une connaissance un peu étendue de ces arts, il faut nous informer de quelle manière on les cultive chez toutes les nations. […] Ce qu’il y a d’anglais dans Shakespeare, ce qui est de son temps et de sa nation, voilà ce qu’elle s’est proposé de démêler, comme encore ce qu’il y a de proprement allemand dans Werther ou dans Gœtz de Berlichingen. […] et quel plaisir de voir ainsi les idées naître l’une de l’autre sous la plume de cette femme qui pense en écrivant comme elle devait faire en causant : La nation française, la plus cultivée des nations latines, penche vers la poésie classique, imitée des Grecs et des Romains. La nation anglaise, la plus illustre des nations germaniques, aime la poésie romantique et se glorifie des chefs-d’œuvre qu’elle possède en ce genre.

1168. (1923) Nouvelles études et autres figures

Il y reconnaissait que « beaucoup de nations parlaient des langues plus agréables et plus utiles que celles des peuples latins ». […] Si le ballet qui termine la pièce, le Ballet des Nations, n’a aucun rapport avec le sujet, la Cérémonie turque, qui se place à la fin du quatrième acte et d’où M.  […] Du reste, quelle est la nation qui l’intéresse ? […] Nous n’avions éprouvé aucune curiosité de l’Allemagne que l’Italien Vico déclarait être en 1725 « la plus barbare des nations européennes ». […] « Elle était le Christ des nations. » On n’avait encore jamais vu chez un fils attendri ce désir de crucifier sa mère.

1169. (1892) Les idées morales du temps présent (3e éd.)

Progressant toujours dans la même direction, poursuivant l’idée entrevue dès ses débuts, s’efforçant de réduire à l’unité son œuvre d’écrivain, qu’il traitât des romanciers russes ou parcourût l’Exposition de 1887, il s’est, autant que possible, dégagé de lui-même ; il a chassé ou du moins réprimé le Moi moderne avec son cortège d’inapaisables exigences ; pendant que les plus distingués parmi ses contemporains livraient carrière à leurs curiosités psychologiques, il a dirigé ses pensées sur la nation, sur le peuple, sur l’âme collective, enfin, sur cette âme commune dont la nôtre n’est qu’une partie infime. Ainsi il a été amené à se préoccuper essentiellement de ces questions d’histoire, de politique et de politique religieuse, qui, depuis longtemps, n’avaient plus cours dans les lettres, et à les examiner à un point de vue également nouveau : celui de l’avenir de la race, ou du moins de la nation. […] Ces crises sont inévitables ou même nécessaires : il faut donc les supporter, les excuser peut-être, de même qu’il faut admirer les hommes providentiels qui, fût-ce à travers des moyens qui répugnent à la conscience privée, font avancer à grands pas la nation. […] Seul, il permet aux nations de vivre et de remplir leur tâche, qui est d’être fortes et de travailler pour les générations futures. […] C’est ensuite leur amour pour les petits, leur sentiment profond que l’œuvre essentielle des nations et de l’humanité est faite par le peuple, par les pauvres d’esprit qui marchent droit vers le royaume des cieux.

1170. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Jusqu’au seizième siècle, le corps de la nation, dit un vieil historien, ne se composa guère que de pâtres, gardeurs de bêtes à viande et à laine ; jusqu’à la fin du dix-huitième, l’ivrognerie fut le plaisir de la haute classe ; il est encore celui de la basse, et tous les raffinements des délicatesses et de l’humanité moderne n’ont point aboli chez eux l’usage des verges et des coups de poing. […] … Ils ont abattu dans la poursuite — la nation des Scots,  — et les hommes de vaisseaux,  — parmi le tumulte de la mêlée,  — et la sueur des combattants. —  Cependant le soleil là-haut,  — la grande étoile,  — le brillant luminaire de Dieu,  — de Dieu le seigneur éternel,  — à l’heure du matin,  — a passé par-dessus la terre,  — tant qu’enfin la noble créature — s’est précipitée vers son coucher. —  Là gisaient les soldats par multitudes,  — abattus par les dards ; — les hommes du Nord, frappés par-dessus leurs boucliers,  — et aussi les Scots — las de la rouge bataille… —  Athelstan a laissé derrière lui — les oiseaux criards de la guerre,  — le corbeau qui se repaîtra des morts,  — le milan funèbre,  — le corbeau noir — au bec crochu,  — et le crapeau rauque,  — et l’aigle qui bientôt — fera festin de la chair blanche — et le faucon vorace qui aime les batailles,  — et la bête grise,  — le loup du bois. » Tout est image ici. […] Il était roi de toute la nation anglaise, excepté de cette partie qui était sous le pouvoir des Danois.

1171. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Les marques constitutives de l’originalité d’esprit sont diamétralement différentes, en France, de celles admises par les autres nations, sauf la race chinoise peut-être. […] Les deux siècles qui viennent de s’écouler offrent en effet le complet épanouissement du génie littéraire de notre nation. […] Nous sommes une nation routinière et prude, ennemie née de l’art et de la poésie, déiste, grivoise et moraliste, fort ignare et vaniteuse au suprême degré.

1172. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Me plierai-je à toutes les extravagances des nations ? […] Une nation est vieille quand elle a du goût. […] Figure humaine de tous les âges, de tous les états, de toutes les nations ; arbres, animaux, paysages, marines, perspectives ; toute sorte de poésie, rochers imposans, montagnes éternelles, eaux dormantes, agitées, précipitées, torrens, mers tranquilles, mers en fureur, sites variés à l’infini, fabriques grecques, romaines, gothiques ; architecture civile, militaire, ancienne, moderne, ruines, palais, chaumières, constructions, gréemens, manœuvres, vaisseaux ; cieux, lointains, calme, temps orageux, temps serein, ciel de diverses saisons, lumières de diverses heures du jour, tempêtes, naufrages, situations déplorables, victimes et scènes pathétiques de toute espèce ; jour, nuit, lumières naturelles, artificielles, effets séparés ou confondus de ces lumières.

1173. (1900) La culture des idées

Sa dissociation est donc très peu avancée, si l’on a égard à la totalité de la nation. […] Il semble cependant qu’il ne serait pas absurde de ne considérer l’armée que comme la force extériorisée d’une nation ; et alors de ne demander à cette force que les qualités mêmes qu’on demande à la force. […] Mais les revers militaires et des difficultés sociales ont encore durci le caractère de l’Anglais, et les hommes comme la nation se sont enfermés dans un isolement cruel. […] Dès que les écrivains sont légion, dès que la culture littéraire s’épand sur la nation entière, substituant à la noblesse de l’inconscient la mesquinerie de l’action volontaire et préméditée, il se produit une déviation esthétique et un abaissement intellectuel. […] Discours à la nation allemande.

1174. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Alexandre Dumas père ayant passé sa vie à montrer son derrière aux nations, dans des débraillements augustes, — unique point commun, d’ailleurs, entre lui et le Patriarche vigneron, — Alexandre Dumas fils a voulu que cela fût immortalisé et coulé en bronze. […] Il court au plus pressé, qui est de s’informer de toutes choses et de travailler au salut politique de la nation française. […] Le Père Didon aime passionnément la France qui est, sans contredit la première nation du monde, puisqu’elle lui a donné le jour. […] Il sait très bien tout ce qu’on peut objecter : la lourdeur et la grossièreté allemandes, l’odieux égoïsme de ce peuple, l’impossibilité absolue de découvrir en lui une sympathie quelconque pour d’autres nations, toutes choses enfin qui sont dans un peuple comme dans un individu les signes évidents d’une congénitale infériorité. […] Il paraît que c’est une chose terriblement difficile à comprendre, puisque non seulement les imbéciles qui forment l’immense majorité de toute nation, mais encore bon nombre de gens d’esprit, ne sont pas encore parvenus à s’en pénétrer.

1175. (1899) Arabesques pp. 1-223

Pour les noircir, il falsifie l’histoire avec effronterie : d’après lui, la réforme en France serait le fait d’Allemands, et c’est pourquoi la nation l’aurait rejetée. […] Il est d’ailleurs nécessaire qu’il en soit ainsi, aucune nation ne pouvant se vanter de se suffire à elle-même en tout et pour tout, hormis les découvertes des nations voisines. […] Si enclins que ceux-ci soient à considérer, par tempérament ou par intérêt, l’état de guerre entre nations comme une nécessité sublime ; si louable qu’ils jugent le penchant à supprimer des hommes, sous prétexte qu’ils habitent de l’autre côté de la rivière ou sur l’autre versant de la montagne, ils sont pourtant obligés d’avouer que l’idée de paix universelle n’a cessé de progresser depuis un demi-siècle. […] Ainsi, les nations, quels que soient leurs éducateurs, quel que soit le joug qui les opprime, n’entendent prêcher officiellement que la violence et la destruction. […] Demain, les nations en récolteront la tempête qui balayera notre société décrépite et l’emportera aux abîmes.

1176. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Je ne sais qui l’a dit le premier : règle générale, la plaisanterie d’une nation ressemble à son mets ou à sa boisson favorite. […] Töpffer117, comme dans la plupart de ceux que la Bibliothèque universelle publie sur la littérature, je regrette de trouver la France traitée comme une nation étrangère, nos écrivains à la. mode pris à partie et entre-choqués, comme on le pourrait faire par delà le détroit.

1177. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Il y a encore des frontières entre les esprits comme il y en a entre les nations. […] Bien d’autres voudraient se ranger sous le drapeau glorieux ; mais tant que nous n’aurons point un théâtre national de drame musical, nos oratorios, nos antiennes, nos glees et nos cantates ne suffiront pas à nous élever au premier rang des nations musicales.

1178. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre III. Poëtes françois. » pp. 142-215

Mais ces observations critiques ayant été faites par des auteurs qui avoient intérêt de décrier les Poëmes en prose, parce qu’ils en ont fait en vers, la saine partie de la nation ne s’y est pas arrêtée ; & il est à souhaiter pour la consolation des Rois & pour le bonheur des peuples, que le Télémaque soit le bréviaire des Souverains. […] Notre nation est si riche en auteurs comiques, que nous avons oublié quelques piéces qui méritent l’estime du public, & qui auront celle de la postérité.

1179. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Il célébrait avec effusion en Louis XVI « le chef d’une nation éclairée, régnant sur un peuple de citoyens ; roi par la naissance, mais de plus, par la bonté de son cœur et par sa sagesse, le bienfaiteur de ses peuples et le restaurateur de ses États ».

1180. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Il l’expliqua un jour très gaiement, et avec beaucoup d’imagination et d’esprit, au roi Henri II, qui, au retour de ce siège, l’accueillit comme il devait et l’entretint longuement durant cinq heures d’horloge, se faisant tout raconter, et ses harangues, et ses ruses, et le détail des souffrances, mais le roi ne pouvait, malgré tout, concevoir encore comment il avait su s’accorder si bien et si longtemps avec une nation étrangère et délicate, surtout en de pareilles détresses.

1181. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

Il lui dit tout haut, dès qu’il l’aperçoit : « Je suis très content de vous et de toute la marine ; nous avons été battus, mais vous avez acquis de la gloire et pour vous et pour la nation.

1182. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

C’est bien, après tout, le roman extrême et d’arrière-saison, concevable chez une nation qui a eu Bérénice.

1183. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — II » pp. 107-121

Demandez aux plus grands de ceux qui ont gouverné les hommes et qui ont le plus fait avancer leur nation ou leur race, à quelques croyances religieuses et métaphysiques qu’ils appartiennent, — Mahomet, Cromwell, Richelieu —, ils se sont tous conduits en vertu de l’expérience pure et simple, comme gens qui connaissent à fond l’homme pour ce qu’il esth, et qui, s’ils n’avaient pas été les plus habiles des gouvernants, auraient été les moralistes perspicaces les plus sévères.

1184. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

J’ai vu de ces autres chrétiens et catholiques libéraux qu’on lui oppose et que j’honore, de ces hommes d’une certaine sagesse : les jours où l’on ne prenait pas le Mamelon-Vert, l’un d’eux me disait avec un petit ris sardonique : « Et cela prouve qu’il ne faut pas aller à Sébastopol. » Courte sagesse, qui tendrait à priver une nation de ses tressaillements les plus sublimes !

1185. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Ricardos, militaire éclairé et ouvert aux considérations politiques, avait compris, à la résistance acharnée des Français les jours mêmes de revers, et à l’alternative des gains et des pertes, que « derrière ces bataillons informes était une grande nation, armée tout entière pour son indépendance : « Ces sans-culottes de Peyrestortes et de Cerdagne, ces insurgés en guenilles, écrasés à Trouillas, mais non vaincus, c’était donc autre chose que ce qu’avait si dédaigneusement annoncé l’Émigration !

1186. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

C’est vers ce temps que le roi de Saxe, devenu grand-duc de Varsovie, crut devoir envoyer à Paris une députation de trois sénateurs du duché, pour présenter à l’Empereur l’expression renouvelée de sa reconnaissance et de celle de la nation polonaise.

1187. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Je le trouve dans une personne qui, sans être Française de nation, Test par la langue, dans une Genevoise qui a publié, depuis bien des années, quantité d’écrits remarquables, saisissants, éloquents avec une pointe d’étrangeté : il me faut bien la nommer, quoiqu’elle n’ait point inscrit son nom en tête de tous ses nombreux et piquants ouvrages ; elle voudra bien m’excuser de cette liberté, car je ne suis pas comme M. de Rémusat qui, dans la Revue des Deux Mondes, a pu parler d’elle hier à merveille et à fond, en toute discrétion cependant, pour des lecteurs déjà au fait et initiés aux sous-entendus.

1188. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite.) »

Ces diables d’animaux-là me feront tourner la tête ; ce qui fait bien voir combien il est difficile de concilier les différentes nations.

1189. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre IV. De l’amour. »

de nos jours, heureuse la nation, heureux les individus qui dépendraient des hommes susceptibles d’être entraînés par la sensibilité !

1190. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

La religion, jadis, drainait, canalisait dans la vie individuelle et dans le domaine littéraire, l’émotion et la pensée métaphysiques : quand, par le progrès de la philosophie, elle a cessé de faire son office pour les classes supérieures de la nation, alors tous les sentiments qu’elle enfermait dans certains actes de la vie et certains genres de littérature, ont inondé toute la vie et toute la littérature.

1191. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Il considère le fait d’écrire comme une carrière d’État, qui doit être utile à la nation, et le rôle du critique comme celui d’un fonctionnaire ; il est convaincu au même point que les professeurs de l’Académie des Beaux-Arts perpétuant l’enseignement de la peinture sans même admettre l’hypothèse que l’art ne s’enseigne pas.

1192. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Dominique, qui était homme d’esprit et de savoir, connaissant le génie de la nation française, qui aime l’esprit partout où elle le trouve, s’avisa de faire usage des pointes et des saillies convenables à l’Arlequin.

1193. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre VIII. Les écrivains qu’on ne comprend pas » pp. 90-110

Ils ne sont pas assez niais pour imaginer qu’on aiguille à son gré l’évolution des organismes que sont une littérature, une langue, une nation.

1194. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Un autre roman ou nouvelle de lui, intitulée Eugénie (1803), est aussi l’histoire d’une jeune Anglaise restée en France pendant la Révolution, et y aimant presque à contrecœur un jeune Français qu’elle finit par épouser à travers les discordes et les guerres qui séparent les deux nations.

1195. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Le systême de l’abbé Dubois peut être appuyé de l’exemple des nations septentrionales : leurs prédicateurs abandonnent les ornemens & le pathétique.

1196. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre douzième. »

Des nations étranges.

1197. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Les principaux évenemens de l’histoire des grecs et de celle des romains, ainsi que les avantures fabuleuses des dieux qu’adoroient ces nations, sont encore des sujets generalement connus.

1198. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Le héros de Daniel Defoe3 eut, presque tout de suite, des frères en quantité, de toutes nations, de tous les âges et de tous les métiers.

1199. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Il n’y a pas de cour d’arbitrage, de société de ces nations idéales qui puisse arranger leur conflit, et on ne peut souhaiter ni même supposer, qu’un des trois disparaisse.

1200. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

Il n’est pas indifférent d’en étudier la puissance chez une nation moins musicale que les Hellènes, moins née pour la spéculation et la poésie, mais partageant le même culte, attirée par la même gloire, et demeure le dernier modèle antique sur lequel devait se greffer et croître à l’avenir le génie moderne.

1201. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

La nation seule existait, et, avec elle, et en elle les mille partis qui l’agitaient et se déchiraient dans son sein. […] Ce contresens, qui n’en était un qu’à demi dans l’antiquité, où l’homme n’existait pas comme individu et n’avait pas de vie propre en dehors de la nation, s’est perpétué au théâtre jusqu’à nos jours. […] instruisez les nations !  […] En revanche, il exalte jusqu’à l’invraisemblable la nation juive. […] Elle donna le signal d’une réaction contre la corruption et l’aplatissement moral de la nation germanique ; elle agrandit et redressa l’âme allemande, et devint, aux mains de la jeunesse d’alors, un drapeau d’opposition contre les tendances matérialistes de cette époque.

1202. (1929) Amiel ou la part du rêve

Quand la durée d’une vie d’homme ou d’un peuple nous apparaît aussi microscopique que celle d’un moucheron, et, en revanche, la vie d’un éphémère aussi infinie que celle d’un corps céleste avec sa poussière de nations, on se sent bien petit et bien grand, et l’on domine de toute la hauteur des sphères sa propre existence et les petits tourbillons qui agitent notre petite Europe. […] Le jour où les concitoyens de Rousseau, de Mme de Staël, de Sismondi, de Dunant, composeront avec des écrits genevois un recueil analogue à celui que Paul Desjardins a formé sous le titre des Français à la recherche d’une Société des Nations, ils pourront, entre autres pages d’Amiel, y faire figurer celle-ci, qu’il écrivait le 9 août 1877, à ces bains d’Ems d’où huit ans auparavant était sortie la guerre entre les deux grandes nations auxquelles le liaient sa langue et sa culture. La justice consiste à reconnaître le droit des autres, le droit réciproque, ponctuel, équivalent, des autres nations, des peuples, des sociétés, le droit de l’humanité. […] Un Anglais, un Allemand, un Français, un Russe, un Américain, a toujours une arrière-pensée sur la suprématie, l’hégémonie de sa nation. […] Mais les architectes du Palais des Nations, à l’Ariana, n’agiraient point prudemment, tout de même, s’ils le prenaient pour modèle.

1203. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

. — Il connaît son public ; il sait qu’il réunit l’élite de la nation et la masse de la nation, l’homme de la cour et l’homme de la rue : il veut être entendu de tous. […] Si la nation ne s’est pas dissoute — le travail de vingt siècles ne se défait pas en cent ans — la société s’est décomposée. […] Les modes de sentir, les modes de penser, se sont multipliés sous la double influence de l’individualisme et des échanges entre les nations.

1204. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Il n’est pas étonnant que Coriolan ait été souvent reproduit sur le théâtre par les poètes de toutes les nations. […] Aussitôt qu’elles lui permirent de se rendre à la cour, il alla porter plainte à Duncan et il détermina enfin celui-ci à faire sommer les coupables de comparaître ; mais ils tuèrent le sergent d’armes qu’on leur avait envoyé et se préparèrent à la défense, excités par Macdowald, le plus considéré d’entre eux, qui, réunissant autour de lui ses parents et ses amis, leur représenta Duncan comme un lâche au cœur faible (taint hearted milksop), plus propre à gouverner des moines qu’à régner sur une nation aussi guerrière que les Écossais. […] Il est étonnant que Shakspeare soit considéré non seulement par les étrangers, mais par plusieurs des critiques de sa nation, comme un écrivain sombre et terrible qui ne peignit que des gorgones, des hydres et d’effrayantes chimères. […] Un règne où, dit Hume, « l’Angleterre se vit déjouée et humiliée dans toutes ses entreprises », ne pouvait être représenté dans toute sa vérité devant un public anglais et une cour anglaise ; et le seul souvenir du roi Jean auquel la nation doive attacher du prix, la grande Charte, n’était pas de ceux qui devaient intéresser vivement une reine telle qu’Élisabeth. […] Ce vers est un exemple du mauvais goût qui régnait alors chez toutes les nations de l’Europe.

1205. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Ces tristes fables d’Esope, qui se sont jouées dans l’imagination grecque pendant tant de siècles, n’ont pas rencontré dans leur nation un poëte qui les abritât sous son génie. […] « Certainement, Romains, votre gloire est grande pour les victoires que vous avez remportées et pour avoir triomphé de tant de nations ; sachez néanmoins qu’à l’avenir votre infamie sera encore bien plus grande à cause des cruautés que vous avez exercées.

1206. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

Ce sont là à peu près les seules nations antiques ou modernes et les seules époques qui aient eu des philosophies transcendantes ; les autres n’ont eu que des philosophies populaires. […] Mais, indépendamment de l’expression de la physionomie et du ton de plaisanterie que la parole écrite ne peut rendre dans le dialogue de Platon, physionomie et accent qui devaient donner leur véritable signification un peu railleuse à ces paroles du sage, il convient de se souvenir que Socrate ne rejetait pas, dans sa pensée, l’idée de ces dieux inférieurs, de ces divinités secondaires, de ces personnifications populaires des attributs du Dieu unique, nommés par toutes les nations de noms divins qui n’attentaient pas à la divinité unique et suprême.

1207. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Nous ne sommes point partisans de sa civilisation, que nous regardons comme trop élémentaire et trop brutale : si nous avions vécu du temps de Louis XVI, nous n’aurions pas conseillé à ce prince infortuné de déclarer la guerre aux Anglais pour favoriser à tout prix une nation anglaise d’insurgés contre leurs frères. […] Cette horreur du pouvoir capable, cette folie de l’envie, cette médiocrité des présidents, cette vulgarité des élus dans le congrès et dans les chambres, jointes à une ambition de grandir sans morale et à une vanité de supériorité sans fondement, faisaient prévoir depuis longtemps aux esprits sains de l’Europe et même à Jefferson une catastrophe telle que Rome elle-même n’en avait pas présenté au monde dans ses craquements, une leçon aux peuples trop démocratiques, donnée par Dieu lui-même pour leur apprendre qu’il n’y a point d’avenir pour les nations qui croient à la seule force du nombre et à la brutalité de la conquête !

1208. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

De pareils morceaux n’ont jamais rien prouvé, que le plus ou moins de talent de leurs auteurs à se pénétrer des couleurs de leur sujet, ou à exercer leur verve satirique sur des nations ou des époques, c’est-à-dire sur des abstractions inoffensives. […] Milton, le Dante, le Tasse, sont dans le même cas : toute fiction a été de tout temps permise aux poètes, et aucun siècle, aucune nation ne leur a imputé à crime un langage conforme à leur fiction.

1209. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Tristan et Yseult, l’Anneau du Nibelung, Parsifal, manifestations suprêmes du génie Wagnérien, sont acclamés par l’élite intellectuelle d’une nation : quoi ! […] En agissant de la sorte, vous ferez œuvre véritablement nationale, et le public vous comprendra, car il retrouvera dans votre drame, issu du cœur même de la nation, la vie, l’enthousiasme, la gaîté, tout ce qui constitue la personnalité de la race française.

1210. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Jadis, dans le tumulte des cités noires et batailleuses, haute en le ciel se tenait l’église cathédrale, lieu mystique et d’asile : là ce sera ce site, cathédral entre les nations, où l’idée aura son culte et son hospitalité. […] Puisque l’état de péché nous est si assidu que la miséricorde, par le fait d’être, porte la preuve de sa divinité ; puisque nous sommes ceints tellement de faiblesse charnelle que fut bénie une minute d’édification dans une vie humaine ; puisque nous sommes, oh chutés, les enfants prodigues de nos trésors, et, oh rachetés, les enfants du Père ; puisque le jour de sainteté est plus éloigné de nous que de nous les étoiles invisibles de l’immensité ; puisque nous vivons, les catholiques, pour le scandale des nations, en une tacite mélancolie, laissons que nous occupent les choses vaines, et l’art ; et bénissons encore si une œuvre vaut à élever les âmes hors nos misères, dans une voie féconde de mieux.

1211. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

À l’autre bout au contraire de la hiérarchie sociale, les riches, les hommes de professions libérales, la classe gouvernante, les gens de négoce, tous ceux qui, animés d’un égoïsme vivace, de quelque avidité d’argent ou de pouvoir, ou en vertu de leur situation acquise, se sont placés au sommet de la nation et pèsent de leurs poids sur la masse des misérables, les offensent de leur insolence et les oppriment de leur dureté, — paraissent à Dickens, haïssables, pervers et dignes de blâme ; leurs institutions sont condamnables ; on torture les enfants dans les écoles ; on a tort d’enfermer les criminels dans les prisons ; les tribunaux sont faits pour pressurer les plaideurs, les parlements pour pérorer d’inutiles bavardages, les ministères pour perdre l’argent et compromettre les intérêts de la nation, les hospices pour maltraiter les malheureux, les banques pour voler, les salons pour échanger de niais propos avec de ridicules cérémonies.

1212. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Le contact des nations fut suivi du contact des siècles.

1213. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

Le mot est piquant, un peu humiliant pour la nation (il faut en convenir), et singulièrement honorable pour le bonhomme.

1214. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

En France, au contraire, où il y a une Académie française et où surtout la nation est de sa nature assez académique, où le Suard, au moment où on le croit fini, recommence ; où il n’est pas d’homme comme il faut, dans son cercle, qui ne parle aussitôt de goût ; où il n’est pas de grisette qui, rendant son volume de roman au cabinet de lecture, ne dise pour premier mot : C’est bien écrit, on doit trouver qu’un tel style est une très grande nouveauté, et le succès qu’il a obtenu un événement : il a fallu bien des circonstances pour y préparer.

1215. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Il aura des termes encore plus effrayants quand il voudra signifier la sentence finale, la dispersion par le monde de la nation juive, et nous en étaler les membres écartelés : « Cette comparaison vous fait horreur », ajoute-t-il aussitôt, il est vrai ; et cependant il la pousse à bout et ne craint pas de s’y heurter.

1216. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Il lui faisait d’ailleurs la grâce d’y reconnaître, sans doute sur parole, « une foule de beautés de style et d’expressions qui devaient être vivement senties par les compatriotes du poète, et même quelques morceaux assez généralement beaux pour être admirés par toutes les nations. » On en était là au commencement de ce siècle.

1217. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Il n’y dit jamais de mal de lui, mais dans le bien qu’il en raconte, dans ses récits les plus avantageux, il y a tant d’esprit, de gaieté, de bons mots joints à l’action, de belle et vaillante humeur française, il est si bien un héros de notre nation, que ses défauts cessent d’y déplaire.

1218. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Il est d’une nation où, tôt ou tard, les gens de talent, s’ils veulent produire tout leur effet et toute leur action utile, doivent se résoudre à plaire.

1219. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

répliqua-t-il, il partageait la haine que la nation m’a jurée, et maintenant me voilà seul à la supporter ! 

1220. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Guizot, de l’interprétation toute contraire qui fut donnée aux événements de Juillet dans la sphère des politiques gouvernants et dans la masse du peuple et de la nation.

1221. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

… La question générale ainsi posée, en ces termes abstraits, serait d’une solution peut-être trop commode ; mais la vraie solution pratique consiste à savoir si telle nation, dans telles circonstances données, avec son humeur, son génie, son passé récent, son culte de souvenirs, ses besoins d’ordre et de réparation, ses autres besoins innés et non moins réels d’initiative, de prépondérance et de grandeur, peut et veut se gouverner de la première manière, si elle en est avide, désireuse et capable, si ce gouvernement de soi par soi-même n’aboutirait pas à la ruine de tout gouvernement, à l’anarchie et à la subversion.

1222. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Mais la nation des poètes est jalouse et presque aussi aisée à irriter que celle des abeilles.

1223. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les Saints Évangiles, traduction par Le Maistre de Saci. Paris, Imprimerie Impériale, 1862 »

Mais du jour où, dans une province de Judée éloignée de Jérusalem, sur une colline verdoyante, non loin de la mer de Galilée, au milieu d’une population de pauvres, de pêcheurs, de femmes et d’enfants, le Nazaréen, âgé de trente ans environ, simple particulier, sans autorité visible, nullement conducteur de nation, ne puisant qu’en lui-même le sentiment de la mission divine dont il se faisait l’organe inspiré comme un fils l’est par son père, se mit à parler en cette sorte, de cette manière pleine à la fois de douceur et de force, de tendresse et de hardiesse, « d’innocence et de vaillance », un nouvel âge moral commençait.

1224. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Il avait été reçu par M. de La Chapelle, directeur, qui ne parla pas mal non plus et qui dit même des choses assez neuves et très à propos à cette date de 1699, fin d’un siècle, sur les heures de perfection et de décadence littéraire pour les nations : il développa une pensée de l’historien Velleius Paterculus, et parla de cette sorte de fatalité qui fixe dans tous les arts, chez tous les peuples du monde, un point d’excellence qui ne s’avance ni ne s’étend jamais : « Ce même ordre immuable, disait-il, détermine un nombre certain d’hommes illustres, qui naissent, fleurissent, se trouvent ensemble dans un court espace de temps, où ils sont séparés du reste des hommes communs que les autres temps produisent, et comme enfermés dans un cercle, hors duquel il n’y a rien qui ne tienne ou de l’imperfection de ce qui commence ou de la corruption de ce qui vieillit. » C’était bien pensé et bien dit.

1225. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Keith le loue, entre autres qualités, d’avoir dérobé à sa nation « le simple bon sens anglais ».

1226. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Cependant Ronsard pouvait encore faire quelque chose de son sujet, s’il y avait versé les sentiments généraux de cette nation qui depuis un siècle et demi commençait à prendre conscience d’elle-même, s’il avait su imiter la « curieuse diligence » de Virgile, et jeté toute la France, ses souvenirs, son âme et son génie dans ce mythe érudit.

1227. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

ils te désireraient, mais ils ne peuvent t’atteindre. » En ce qui est du roman même, Turgot regrette que l’auteur ait mieux aimé faire une héroïne à la Marmontel, et qui renonce au mariage par un sentiment exagéré de délicatesse, que d’avoir conduit la passion à une conclusion plus légitime et plus naturelle : « Il y a longtemps que je pense, dit-il, que notre nation a besoin qu’on lui prêche le mariage et le bon mariage. » Il voudrait que l’auteur n’eût pas manqué ce sujet-là en terminant, et il lui conseille d’y revenir dans une suite dont il trace le plan lui-même.

1228. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Ce n’est pas que je mette Rabelais à côté d’Horace… Rabelais, quand il est bon, est le premier des bons bouffons : il ne faut pas qu’il y ait deux hommes de ce métier dans une nation, mais il faut qu’il y en ait un.

1229. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Tout change, tout meurt ou se renouvelle ; les races les plus antiques et les plus révérées ont leur fin ; les nations elles-mêmes, avant de tomber et de finir, ont leurs manières d’être successives et revêtent des formes diverses de gouvernement dans leurs divers âges ; ce qui était religion et fidélité dans un temps n’est plus que monument et commémoration du passé dans un autre ; mais à travers tout, tant que la dépravation n’est pas venue, il y a quelque chose qui reste : l’humanité et les sentiments naturels qui la distinguent, le respect pour la vertu, pour le malheur, surtout immérité et innocent, la pitié qui elle-même n’est que le nom de la piété envers Dieu en tant qu’elle se retourne vers les infortunes humaines.

1230. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Dans cette nouvelle mission, où l’envoyé de la Pennsylvanie devient bientôt l’agent général et le chargé d’affaires des autres principales colonies, il commence à exprimer les vœux et les plaintes d’une nation très humble d’abord et très filiale, mais qui sent déjà sa force et qui est décidée à ne point aliéner ses franchises.

1231. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Le point d’honneur, tel que le fixe la coutume de chaque nation, prend sur la plupart des consciences individuelles un empire souverain et on y voit l’opinion, glus forte que la nature, déformer et façonner ce qu’il y a de plus intime dans un être, ses instincts.

1232. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

Cette fausse conception d’elles-mêmes, leur a donc été utile à se former en nations ; mais on voit s’inscrire la réaction de ces jeunes énergies aux différences qu’elles imposent jusqu’à la Réforme, au gré de leurs convenances et de nécessités particulières, à la règle identique à laquelle elles avaient fait appel pour prendre forme sociale.

1233. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Les nations de l’Orient croient à la préexistence ; mais c’est là une pure croyance.

1234. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Pourvu qu’on conserve le caractère du lieu, il est permis de l’embellir de toutes les richesses de l’art ; les couleurs et la perspective en font toute la dépense : cependant il faut que les mœurs des acteurs soient peintes dans la même scène, qu’il y ait une juste proportion entre la demeure et le maître qui l’habite, qu’on y remarque les usages des temps, des pays, des nations.

1235. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Toutes les nations et les françois principalement, se lassent bientôt de chercher le sens des pensées d’un peintre qui l’enveloppe toujours.

1236. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une croisade universitaire » pp. 107-146

DE SUTTIÈRES PASSE, LE ROMANTISME RESTE (Sagesse des nations.)

1237. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Il ne pourra s’empêcher de remarquer que le talent de composition a été inégalement réparti, non seulement entre les hommes, mais entre les nations ; que le roman d’un Français est composé autrement que celui d’un Russe, d’un Anglais, d’un Allemand.

1238. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

Aucune classe aujourd’hui ne regarde l’État comme son domaine propre ; c’est une gloire pour la raison et c’est un progrès de la justice de l’avoir restitué à son légitime propriétaire, à la nation.

1239. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

D’ailleurs independammant du goût d’un sexe ou d’une nation particuliere, l’amour peut entrer dans la plûpart des évenemens, sans en blesser la vraisemblance : c’est une passion trop naturelle et trop générale, pour être absolument étrangere en quelque endroit. […] Eh quel reproche feroit-on au goût d’une nation, qui aimeroit mieux une étenduë de tems vraisemblable et proportionnée à la nature des sujets, que cette précipitation d’évenemens qui n’a aucun air de vérité ? […] Je ne sais quel voyageur nous parle d’une nation qui faisoit de la musique un de ses plus grands plaisirs. […] Une grande partie de la nation se souleva contre lui : on l’accusa de méconnoître les véritables idées des choses. […] Le caprice y a eu bonne part ; et l’habitude a fait le reste : ce qui prouve qu’aucune de ces institutions ne produit par elle-même un plaisir nécessaire et commun à tous les hommes : or quelques nations doivent avoir été moins heureuses les unes que les autres dans le choix de leurs vers.

1240. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Mais une nation douce & polie, où chacun se fait un devoir de conformer ses sentimens & ses idées aux mœurs de la société, où les préjugés sont des principes, où les usages sont des lois, où l’on est condamné à vivre seul dès qu’on veut vivre pour soi-même ; cette nation ne doit présenter que des caracteres adoucis par les égards, & que des vices palliés par les bienséances. […] Quant à l’origine du comique attendrissant, il faut n’avoir jamais lû les anciens pour en attribuer l’invention à notre siecle ; on ne conçoit même pas que cette erreur ait pu subsister un instant chez une nation accoûtumée à voir joüer l’Andrienne de Térence, où l’on pleure dès le premier acte. […] C’est un roi qui reconnoit que la gloire des nations est dans les mains des gens de Lettres. […] Mais Alexandre, enclin dès l’enfance à la rapine, fut le desolateur des nations, le fléau de ses amis & de ses ennemis. […] Mais la gloire, comme la lumiere, se communique sans s’affoiblir : celle du souverain se repand sur la nation ; & chacun des grands hommes dont les travaux y contribuent, brille en particulier du rayon qui émane de lui.

1241. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Ce qu’il y avait d’impur dans la nation française allait travailler pour lui et le rendre solidaire de tout le mal commis et à commettre. […] Homme à principes erronés, il gouverna une nation qui manquait de principes et qui mettait un idéal de prospérité romanesque à la place de la vraie civilisation ; le succès et la chance à la place du droit et de la justice. […] Le parti, d’abord minime, et tout à coup immense, qui le porta au faite du pouvoir ne fut même pas un parti, si, par là, on entend une fraction de nation obéissant à une doctrine, à un système, à une croyance quelconque. […] Cuvillier-Fleury, j’extrais cette page pleine d’élan patriotique : Au lieu de composer une pièce de théâtre comme j’aurais dû la composer selon vous, monsieur, comme j’aurais su le faire, croyez-le bien, s’il ne s’était agi que d’une moralité courante à glisser dans les loisirs d’une nation spirituelle, aimable, ayant toute la sécurité de ses intérêts et toute la quiétude de son esprit (mais nous n’en sommes plus là : les hommes vont mal et les choses vont vite) ; au lieu de faire une simple pièce de théâtre, je voulus pousser un cri d’alarme, tenter une reprise de conscience. […] Pourquoi ne l’ai-je pas dit tout de suite à quelle nation appartient cet homme, c’était bien plus simple, au théâtre surtout, où l’on n’a pas de temps à perdre ?

1242. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

À moins encore qu’il n’eût naïvement répondu, comme il l’a fait dans un curieux passage de sa seconde Instruction pastorale sur les promesses de l’Église : « S’il y a des particuliers qui ne croient pas à l’Évangile, qui doute qu’il y ait aussi des nations, puisqu’on en trouve même à qui l’esprit de Jésus ne permet pas de prêcher durant de certains moments ? […] En effet, comme l’histoire de chacun de nous, pareillement, l’histoire des nations est pleine de moments qui ne s’objectivent point, pour ainsi parler ; d’événements qui périssent en naissant ; d’accidents qui ne laissent point après eux de traces d’eux-mêmes ; et je sais bien que ce sont ceux que les chronographes ou les annalistes se complaisent à enregistrer, mais ce sont ceux aussi dont on a dit avec raison qu’il n’y avait rien de plus méprisable qu’un fait. […] C’est contre Spinosa qu’il s’est efforcé d’établir « la vocation du peuple de Dieu » ; et on lit, effectivement, dans le Traité théologico-politique : « Si quelqu’un persiste à soutenir que l’élection des juifs est une élection éternelle… Je n’y veux pas contredire, … pourvu qu’on demeure d’accord qu’à l’égard de l’intelligence et de la vertu véritable, toutes les nations sont égales, Dieu n’ayant sur ce point aucune sorte de préférence, ni d’élection pour personne. » Spinosa dit ailleurs : « Puisqu’il est bien établi que Dieu est également bon et miséricordieux pour tous les hommes, et que la mission des prophètes ne fut pas tant de donner à leur patrie des lois particulières que d’enseigner aux hommes la véritable vertu, il s’ensuit que toute nation a eu ses prophètes, et que le don de prophétie ne fut point propre au peuple juif. » Et Bossuet lui répond : « Les nations les plus éclairées et les plus sages, les Chaldéens, les Égyptiens, les Phéniciens, les Grecs, les Romains, étaient les plus ignorantes et les plus aveugles sur la religion : tant il est vrai qu’il y faut être élevé par une grâce particulière et par une sagesse plus qu’humaine !  […] Il nous suffira d’interroger encore l’abbé Dubos : « Il y a, d’ailleurs, parmi la nation des domestiques, beaucoup plus de savoir-vivre et d’éducation qu’autrefois… Un petit bourgeois ne recevra pas un laquais, même une cuisinière, qu’ils ne sachent lire et écrire… La musique est devenue la maladie de la nation… Un nouvel art est né, qu’on ignorait presque avant la guerre, celui de faire valoir son argent sur la place par billets payables au porteur… » Ce dernier trait nous explique la facilité que Law trouvera quelques années plus tard pour l’application de ses plans : il y avait vingt-cinq ans que « la place » y était préparée.

1243. (1802) Études sur Molière pp. -355

« Oui, mais épars, mais confondus avec ce que vous avez dit sur les comiques de toutes les nations ; et c’est du Ménandre, du Plaute, du Térence français que je vous invite à vous occuper uniquement. […] Pressé par les ordres du roi, Molière n’eut le temps de versifier sa pièce que jusqu’à la moitié de la première scène du second acte ; c’est, dit-on, pour faire sa cour aux deux reines, espagnoles de naissance, qu’il prit son sujet dans le théâtre de leur nation. […] Il n’est pas de nation qui n’ait sur son théâtre un Misanthrope peint à plus grands traits que le nôtre. […] Les ressemblances sont une mine si féconde pour la comédie, que toutes les nations ont un59 Amphitryon sur leur scène. […] Le ridicule versé à pleines mains sur la chicane ; le plus beau plaidoyer contre la plaidoirie ; des moralités qui, d’après l’auteur de La Philosophie de l’esprit, font regarder le théâtre de Molière comme l’école, comme le modèle de toutes les nations policées et l’excuse du libertinage ; un fourbe se permettant les atrocités les plus fortes ; un fils souffrant que des fripons volent, frappent son père, ce qui a porté vraisemblablement Jean-Jacques à soutenir que le théâtre de Molière était une école de vices et de mauvaises mœurs.

1244. (1927) Des romantiques à nous

Au point de vue littéraire, il y en a plusieurs (et c’est la richesse morale de notre nation) qui ont successivement tenu la scène historique et se sont tour à tour exprimées par la voix de nos grands orateurs et de nos grands poètes. […] Ces variétés demandent, une considération attentive dans l’étude de nos rapports littéraires avec les autres nations. […] Elle consiste à se replacer en idée dans une époque où la science était beaucoup moins encombrée de faits, où chaque partie de l’humanité ne connaissait qu’elle-même et une courte portion de l’histoire, où des nations beaucoup moins peuplées se prêtaient plus facilement à la formation d’une aristocratie ou oligarchie permanente et héréditaire, où le monde en un mot était moins grand et moins tumultueux. […] Dans tous les pays de l’Europe, l’œuvre de Saint-Saëns passait depuis longtemps pour le monument où dans ces cinquante dernières années le génie musical de notre nation a trouvé son expression la plus fidèle et la plus complète. […] Si peu enclin qu’on soit à des pessimismes définitifs, il est impossible de ne pas se demander, en présence de ce qui se passe et menace, si le temps d’accomplissement des prédictions de Chateaubriand, annonçant aux dernières pages de ses Mémoires d’outre-tombe, avec une force d’accent et d’argumentation si désolante, la décadence et la fin prochaine de la vieille civilisation commune des nations occidentales, n’est pas venu.

1245. (1888) Poètes et romanciers

Et l’écrivain, ne se consolant pas encore d’avoir été un soldat désœuvré, s’en venge par l’utopie, en hâtant de ses vœux l’époque où les Armées seront identifiées à la Nation, où les armées et la guerre ne seront plus, où le globe ne portera plus qu’une nation unanime, enfin, sur ses formes sociales. […] Il ne se juge ni assez illustre, ni assez repentant pour faire ses confessions à voix haute et pour intéresser toute une nation à ses péchés. […] nous dit éloquemment M. de Vigny, les nations manquent-elles à ce point de superflu ? […] On y sent vivre l’âme même de la nation, très distincte, après tout, et très indépendante des partis. […] Sa liberté, à lui, la seule conséquente avec elle-même, c’est celle de la nation tout entière.

1246. (1881) Le naturalisme au théatre

Toutes les nations voisines, depuis cinquante ans, ont pillé notre répertoire moderne et n’ont guère vécu que de nos miettes dramatiques. […] Nous ne sommes pas une nation assez mélomane pour qu’il n’y ait point à cela, en dehors de la musique, des particularités déterminantes. […] Depuis 1870, après une catastrophe épouvantable qui a retourné profondément la nation, nous vivons dans une époque nouvelle. […] Gelis, jouée au Théâtre des Nations, c’est un mélodrame noir qui arrive quarante ans trop tard. […] Bertrand, à son entrée comme directeur au Théâtre des Nations.

1247. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Les éléments très mêlés de la société qui se réunissait chez eux étaient à demi révolutionnaires, à demi royalistes, en mesure ainsi avec les deux partis qui luttaient dans la nation. […] « Ainsi courbé sous le poids de l’oppression commune, sans néanmoins me confesser vaincu, je restai dans cette villa avec un petit nombre de domestiques, et la douce moitié de moi-même, infatigablement occupés l’un et l’autre de l’étude des lettres ; car, assez forte sur l’allemand et sur l’anglais, également bien instruite dans l’italien et le français, elle connaît à merveille la littérature de ces quatre nations, et, de l’ancienne, les traductions qui en ont été faites dans ces quatre langues lui en ont appris tout ce qu’il faut savoir.

1248. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

À présent que l’époque semi-fabuleuse de l’épopée est passée pour les nations, le roman est devenu presque la seule littérature. […] car il n’y avait apparemment en ce temps-là ni Providence qui châtie la démence, ni nations qui sentent l’injure et qui vengent l’opprimé, ni vicissitudes humaines qui se retournent contre les iniquités des oppresseurs, ni histoire qui instruit les rois et les peuples !

1249. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Pour être juste envers Bossuet, il faut le faire passer du dernier rang au premier ; Bourdaloue restera au second, et cet ordre des grands noms de la prédication en France indiquera la marche et les changements de cet art, où, parmi les nations chrétiennes, la nôtre est sans rivale. […] Mais peut-être faut-il oublier ces différences, et savoir se placer au-dessus des scrupules du goût, pour porter un juste jugement sur ce magnifique recueil de nos sermonnaires, monument unique dans l’histoire des lettres, sans modèle comme sans égal chez les autres nations chrétiennes.

1250. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Il en résulte aussi que la lutte pour la préservation de l’existence est la seule loi des individus au sein de la nation, des nations diverses au sein de l’humanité.

1251. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Je songe, en dégustant ces succulences, avec le respect qu’on a pour ces choses d’art, quelle nation nous avons été, quel paradis est la France, et quels sauvages sont nos vainqueurs. Il y a vraiment dans cette vieille cuisine provinciale de la France, comme l’exquisité d’une civilisation, que les nations nouvelles ne referont plus !

1252. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Samedi 12 mars Le pourboire, cette générosité essentiellement française, prouve l’humanité d’une nation. […] Ce soir, chez la princesse, le capitaine Riffaut, qui a vu fusiller beaucoup de gens de toutes les nations, soutenait que les hommes montrant le plus stupéfiant dédain de la vie, devant le peloton d’exécution, étaient les Mexicains.

1253. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Lorsque le duc de Lorraine s’est porté du siège de Neuhaeusel qu’il est sur le point de prendre, au secours de Gran que les Turcs étaient près de forcer, on assiste à toute cette marche et à tous les accidents qui précédèrent la bataille ; la rapidité des Turcs, leur hardiesse à passer et repasser un ruisseau assez large et profond dont les bords sont escarpés, sous les yeux d’une armée ennemie de trente mille hommes, est bien rendue : « Il faut avouer que cette nation-là fait de belles diligences. » Pendant la bataille, les trois charges des Turcs, dont la première s’annonçait comme vive et dont la dernière est tout à fait molle, se dessinent aux yeux.

1254. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Il sent, avec tout son esprit et toute sa distinction de nature, quelles sont les qualités nécessaires à un roi, à un chef de nation, à un des maîtres du monde.

1255. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

C’est le mobile des Français : la nation est essentiellement ambitieuse et conquérante76.

1256. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Il y ajoutait trop de mots composés qui n’étaient point encore introduits dans le commerce de la nation : il parlait français en grec, malgré les Français mêmes.

1257. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Cela révolta contre lui la nation indocile des auteurs, autant impatiente de la servitude qu’aucune autre, et on lui donnait de temps à autres des marques de rébellion.

1258. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Grâce à Dieu, je n’ai pas eu cent hommes de morts. » Mais il avait le droit d’ajouter : « À présent je descendrai en paix dans la tombe, depuis que la réputation et l’honneur de ma nation est sauvé.

1259. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

À prendre l’ouvrage dans sa forme définitive, tel qu’il était déjà à partir de la cinquième édition, c’est, je l’ai dit, un des livres les plus substantiels, les plus consommés que l’on ait, et qu’on peut toujours relire sans jamais l’épuiser, un de ceux qui honorent le plus le génie de la nation qui les a produits.

1260. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

En même temps qu’il aimait cette reine française, il redoublait de prévention grossière et d’animosité contre notre nation.

1261. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

La nation est trop aveugle ou trop lâche pour vouloir et pouvoir en sortir.

1262. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

A d’autres moments, à considérer notre sérieux dans les discussions et les recherches les moins attrayantes et les plus ardues, c’était à croire que notre légèreté française proverbiale était en défaut, et qu’un nouvel élément s’était introduit dans le caractère de la nation.

1263. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid. »

Quant à Corneille, il n’y a qu’une manière de le bien apprécier, c’est de le voir à son moment, à son début, dans tout ce qu’il a fait éclater, aux yeux de notre nation, de soudain et d’imprévu, dans tout ce qu’il a su enfermer en peu d’années de charmant, de grandiose et de sublime.

1264. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Observations sur l’orthographe française, par M. Ambroise »

Didot propose, et qui est aussi ingénieuse que simple, c’est que, de même qu’on met une cédille sous le c pour avertir quand il doit se prononcer avec douceur, on en mette une aussi sous le t dans les cas où il est doux et où il doit se prononcer comme le c : nation, patience, plénipotentiaire, etc.

1265. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

et les hommes, la nation de 1789 ne pourraient-ils s’estimer calomniés par le rapprochement ?

1266. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Dans son œuvre impartiale et objective, il a porté un fin sentiment de l’originalité des hommes, des nations et des époques, une sûre intuition des mouvements intimes qui transforment incessamment les réalités en apparence les mieux fixées.

1267. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

D’autres vérités, au contraire, influent sur les sentiments des individus comme sur l’esprit des nations, et sont comme des forces immortelles qui, une fois créées, ne cessent pas d’agir.

1268. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Et l’individu, cet appareil de synthèse unique, comparable sur certains points à tous les êtres, et sur plus de points aux êtres de son espèce, de sa race, de sa nation, de son temps et de sa famille, reste absolument original dans son existence propre, dans son ensemble concret.

1269. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Il n’est pas indifférent, même au point de vue littéraire, qu’une nation traverse la série des vaches grasses ou des vaches maigres.

1270. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Mazarin est de la race des ministres comme Robert Walpole, plutôt que de celle des Richelieu ; il est de ceux (et nous en avons connu) qui ne haïssent pas un certain abaissement dans le génie de la nation qu’ils gouvernent, et qui, alors même qu’ils rendent les plus vrais services, n’élèvent pas.

1271. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Cette aimable Dauphine, image mobile de la nation, arborait en quelque sorte la cocarde même de Beaumarchais par une coiffure dite à la Ques-aco, ainsi nommée d’une des plaisanteries des Mémoires.

1272. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

La largeur de l’esprit et du goût en littérature comme en toutes choses a sans doute ses inconvénients, car elle peut dégénérer souvent en un éclectisme banal qui admire tout, ou un scepticisme blasé qui n’admire rien : en outre, elle peut faire perdre à une nation le sentiment de ses qualités propres et l’entraîner à la poursuite de qualités qui ne sont pas les siennes.

1273. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XII : Pourquoi l’éclectisme a-t-il réussi ? »

La sympathie, ignorée de Hume, a révélé les changements de l’âme, et Michelet, Thierry, Sainte-Beuve et tant d’autres ont écrit la psychologie des races, des individus, des siècles et des nations.

1274. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Portez-la dans le monde moral ; essayez de vous entendre quand vous parlez de la destinée d’un peuple, du génie d’une nation, des forces vives de la société, de l’influence d’un climat ou d’un siècle, de l’expansion d’une race, de la puissance des anciennes institutions.

1275. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre V. La philosophie. Stuart Mill. »

. —  Position de la métaphysique chez les trois nations pensantes. —  Une matinée à Oxford. […] Pourquoi vit une nation ou un siècle, sinon pour les former ? […] S’il y a une place entre les deux nations, c’est la nôtre.

1276. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Trois chiffres symbolisent une nation : le nombre de sa population, l’étendue de son terrain, l’intensité de son trafic. […] Ils veulent déguiser un de leurs parents devant la postérité ou l’attitude d’une nation à une minute donnée du cours des événements. […] Elles prouvent une compréhension plus forte du génie particulier à chaque artiste, à chaque nation, à chaque époque.

1277. (1902) Propos littéraires. Première série

Il n’y aura jamais un dévouement à la nation égal à ce que fut le dévouement à un roi, surtout, bien entendu, dans les grandes nations ; car, encore une fois, le patriotisme dans les petits États républicains anciens avait tout le caractère d’un dévouement personnel. […] Il en résulte que la France n’est pas une nation. Une nation n’est constituée que par des groupements très solides subordonnés à une direction générale. […] « L’esprit collectif d’une nation est généralement moins développé que les esprits individuels de ses membres. » Voilà encore une différence telle qu’elle équivaut à une contrariété. […] Oui, il y a solidarité nécessaire entre tous les citoyens d’une même nation ; oui, il y a, d’autre part, dette réelle du citoyen envers l’État.

1278. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Donnez vers cette Grèce menteresse, et y semez encore un coup la fameuse nation des gallo-grecs. […] Ainsi, par l’effet de quelque mystérieux atavisme, qui d’une nation se perpétue en sa descendante malgré les intrusions d’hymens étrangers, ou par la conformité du rythme avec l’haleine particulière de l’inspiration, l’alexandrin, notre hexamètre, compté et non mesuré, selon la nouvelle loi de races renouvelées, s’érige. […] Déjà, comme Molière va être lui-même, Mathurin Régnier apparaît, dans notre nation littéraire, exceptionnel. — Mais, même sans tenir compte des résistances opposées à sa victoire, Malherbe ne fit, en somme, que canaliser le torrent de la Pléiade. […] Elle engendrera prochainement, — fait de tous les éléments concentrés de notre race, — un mouvement littéraire qui ne ressemblera, tant il sera personnellement français dans sa multiplicité unifiée, à aucun moment de l’essor intellectuel d’aucune autre nation. […] Nos combats républicains pour la liberté de toutes les nations ressemblèrent à une valeureuse chanson de geste, à un aventureux roman de chevalerie libératrice, que l’Empire, il est vrai, régularisa, avec trop de pompe peut-être, par la précision de la discipline et les splendeurs de l’étiquette.

1279. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Cette religion, la plus spiritualiste et la plus miséricordieuse de toutes, est le symbole dont vit encore, après dix-huit siècles, la majeure partie des nations civilisées. […] L’Écriture raconte qu’il s’éleva en sagesse au-dessus de tous les hommes, au-dessus d’Ethan l’Ezrahite, de Hemandel de Calcol, de Denda fils de Mahol, et que son nom se répandit chez les nations environnantes. […] Et ce serait l’apanage de l’aristocratie intellectuelle de la nation. […] Il regarda les groupes sociaux, les familles, les nations, les races, comme Pasteur regarde des colonies de microbes. […] Depuis vingt ans, depuis le désastre où la nation française faillit succomber, Taine a étudié cette nation comme un médecin étudie un malade.

1280. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Platon était beaucoup plus poli que Voltaire, et il n’a jamais dit des Athéniens ce que Voltaire disait des Welches, à savoir que c’était une nation de singes et de tigres ; mais tenez pour certain qu’il l’a pensé et du reste qu’il l’a dit, moins brutalement. […] Dans le dessein, aussi, si vous êtes très nombreux qui vous serez ainsi développés et rendus intellectuellement forts et adroits, de constituer une nation supérieure, magnifique, qui dominera toutes les autres. […] En attendant, ce sont les sophistes qui étaient les corrupteurs et les pervertisseurs de la cité et amputaient la nation du sens moral. […] Car le communisme a été jugé chimérique pour le corps tout entier de la nation. Mais, en tant qu’il est l’idéal même, il peut être appliqué et doit l’être à une portion de la nation, c’est à savoir à la meilleure.

1281. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

La grande lignée de nos rois, les Louis IX, les Charles V, les Louis XII et même les François Ier, en rassemblant sous leur main la France et en augmentant le fonds de la nation, contribuaient cependant, de siècle en siècle, à jeter les fondements de l’idée de patrie.

1282. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

À ces causes, considérant que les sciences et les arts n’illustrent pas moins un grand État que font les armes, et que la nation française excelle autant en esprit comme en courage et en valeur ; d’ailleurs désirant favoriser le suppliant et lui donner le moyen de soutenir les grandes dépenses qu’il est obligé de faire incessamment dans l’exécution d’un si louable dessein, tant pour paiement de plusieurs personnes qu’il est obligé d’y employer que pour l’entretien des correspondances avec toutes les personnes de savoir et de mérite en divers et lointains pays ; nous lui avons permis de recueillir et amasser de foules parts et endroits qu’il advisera bon être les nouvelles lumières, connaissances et inventions qui paraîtront dans la physique, les mathématiques, l’astronomie, la médecine, anatomie et chirurgie, pharmacie et chimie ; dans la peinture, l’architecture, la navigation, l’agriculture, la texture, la teinture, la fabrique de toutes choses nécessaires à la vie et à l’usage des hommes, et généralement dans toutes les sciences et dans tous les arts, tant libéraux que mécaniques ; comme aussi de rechercher, indiquer et donner toutes les nouvelles pièces, monuments, titres, actes, sceaux, médailles qu’il pourra découvrir servant à l’illustration de l’histoire, à l’avancement des sciences et à la connaissance de la vérité ; toutes lesquelles choses, sous le titre susdit, nous lui permettons d’imprimer, faire imprimer, vendre et débiter soit toutes les semaines, soit de quinze en quinze jours, soit tous les mois ou tous les ans, et de ce qui aura été imprimé par parcelles d’en faire des recueils, si bon lui semble, et les donner au public ; comme aussi lui permettons de recueillir de la même sorte les titres de tous les livres et écrits qui s’imprimeront dans toutes les parties de l’Europe, sans que, néanmoins, il ait la liberté de faire aucun jugement ni réflexion sur ce qui sera de la morale, de la religion ou de la politique, et qui concernera en quelque sorte que ce puisse être les intérêts de notre État ou des autres princes chrétiens.

1283. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Au nombre des résultats bons ou fâcheux qu’il constate, il compte celui-ci, d’avoir cessé d’être un Anglais, c’est-à-dire un insulaire marqué au coin de sa nation et jeté dans un moule indélébile : cette forme en lui s’effaça alors et ne reprit jamais qu’imparfaitement depuis.

1284. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

[NdA] On m’indique dans la Revue d’Édimbourg (décembre 1826) un article sur « L’éloquence de la chaire », qui paraît être de lord Brougham : Bourdaloue y est mis fort au-dessus de Bossuet par une suite de raisons qui, toutes bien déduites qu’elles sont, prouvent seulement le genre de goût et de préférence de la nation et du juge : en France, c’est le sentiment immédiat qui nous décide, et dans le cas présent il n’hésite pas.

1285. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Instruction générale sur l’exécution du plan d’études des lycées, adressée à MM. les recteurs, par M. Fortoul, ministre de l’Instruction publique » pp. 271-288

Mieux vaut restreindre ces études aux grands objets et y faire pénétrer d’une main sûre la jeunesse de nos lycées, que de les étendre hors de propos sur des détails qu’aucun lien logique ne rattache au plan général… Aussi, les professeurs des lycées, convaincus que leur mission n’est pas de former quelques chimistes, mais bien de faire circuler dans la masse même de la nation les connaissances chimiques les plus générales et les plus utiles, ne s’élonneront pas d’avoir à revenir trois fois, en trois ans, sur l’exposition des principes.

1286. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Faire du courage n’est point, je le sais bien, une expression française ; mais je veux parler ma langue avant celle de ma nation, et nous devons souvent à l’irrégularité de nos pensées celle des expressions, pour les rendre telles qu’elles sont.

1287. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

A Mulhouse, alors ville suisse dépendant du canton de Bâle, il prend un plaisir infini à voir « la liberté et bonne police de cette nation. » Il en goûte l’esprit d’égalité.

1288. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Ce sont les effets qui se révèlent, et ils tendaient à empoisonner la nation.

1289. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Décidément il est entré non-seulement dans la gloire, mais dans le tempérament de la nation.

1290. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni (suite et fin.) »

Gavarni entend si bien la physionomie humaine qu’il nous fait d’abord reconnaître la nation au visage.

1291. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

La littérature classique bien conçue n’a pas seulement à s’occuper des chefs-d’œuvre de la langue, tragédies, épopées, odes, harangues et discours, elle ne néglige pas les victoires : je veux dire les victoires illustres, celles qui font époque dans la vie des nations.

1292. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’Audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. »

Il suffisait trop souvent d’un mot, dans le beau temps, pour rendre un personnage ridicule à Paris, à Athènes, à Rome, chez les nations bien disantes, parleuses et railleuses.

1293. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois par M. Camille Rousset. Victor-Amédée, duc de Savoie. (suite et fin.) »

Le mot de verges revient souvent dans les ordres et dépêches de ce temps : il y est question de montrer les verges aux nations et aux souverains, comme aux enfants, pour leur faire peur.

1294. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

Il nous la montre « aimable dans ses reparties, ingénieuse dans le détail de ses réponses et de ses propos ; ayant le cœur droit, excellent », très aimée, populaire même ; digne fille d’un vertueux père « qui avait répandu en elle toute la bonté et la candeur d’un monarque honnête homme ; ennemie de la dépense, souffrant des tourments réels et des supplices quand elle apprenait quelque calamité publique » ; une vraie mère des Français ; adoptant et admirant tout des grandeurs de la nation ; ne se considérant d’ailleurs que comme la première sujette de son époux : « Véridique avec le cardinal Fleury, hardie même auprès de lui plutôt que fausse, elle sortait, mais rarement, de cet état d’indifférence où elle s’était mise, et lui reprochait avec esprit et doucement les petites tracasseries qu’il lui faisait auprès du roi ; elle souriait un peu malignement, le déconcertait quelquefois et prenait alors le ton de reine de France ; elle lui disait que c’était à lui qu’elle était redevable d’une telle parole du roi.

1295. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

J’ai bien envie de me récuser sur le reste de l’historiette ; je ne me sens pas bon juge ; je ne suis pas de ceux qui regrettent que la France ne se soit pas faite protestante à de certains jours : chaque nation a son tempérament à elle : j’aime mieux, je l’avoue, une France catholique ou philosophique.

1296. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre (suite et fin) »

On aime peu à voir cette décadence de la nation, avouée et reconnue d’un roi jeune, et qui devrait protester contre, ne fût-ce que par son exemple.

1297. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

1837 On a beaucoup parlé, dans ces derniers temps, de poésie populaire ; on en a remis en honneur le règne et la floraison, trop oubliés jusqu’alors, et qui avaient orné un certain âge adolescent de la vie des nations ; on est même allé jusqu’à se figurer un temps privilégié où la poésie circulait comme dans l’air, où chacun plus ou moins y participait, et où l’œuvre admirée se formait du génie de tous.

1298. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Nombre de pages qu’il y a semées et qui me reviennent à la fois, par exemple, sur Ronsard pédant et poëte, sur le paganisme d’art au xvie  siècle, sur ce que les Français ne sont pas une nation poétique, sur ce que les poëtes ne sont que rarement musiciens et réciproquement, etc., toutes ces pages se lisent avec plaisir et se retiennent ; elles sont suffisamment vraies ou auraient peu à faire pour le devenir.

1299. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Cette gloire, dont on a presque fait un reproche à notre nation, est assez féconde et assez belle pour qui sait l’entendre et l’interpréter.

1300. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Institué pour la guerre quand la vie était militante, il peut servir dans la paix quand le régime est pacifique, et l’avantage est grand pour la nation en qui cette transformation s’accomplit ; car, gardant ses chefs, elle est dispensée de l’opération incertaine et redoutable qui consiste à s’en créer d’autres.

1301. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Mais le grand poète, d’après ce que je viens de dire, ne doit pas être doué seulement d’une mémoire vaste, d’une imagination riche, d’une sensibilité vive, d’un jugement sûr, d’une expression forte, d’un sens musical aussi harmonieux que cadencé ; il faut qu’il soit un suprême philosophe, car la sagesse est l’âme et la base de ses chants ; il faut qu’il soit législateur, car il doit comprendre les lois qui régissent les rapports des hommes entre eux, lois qui sont aux sociétés humaines et aux nations ce que le ciment est aux édifices ; il doit être guerrier, car il chante souvent les batailles rangées, les prises de villes, les invasions ou les défenses de territoires par les armées ; il doit avoir le cœur d’un héros, car il célèbre les grands exploits et les grands dévouements de l’héroïsme ; il doit être historien, car ses chants sont des récits ; il doit être éloquent, car il fait discuter et haranguer ses personnages ; il doit être voyageur, car il décrit la terre, la mer, les montagnes, les productions, les monuments, les mœurs des différents peuples ; il doit connaître la nature animée et inanimée, la géographie, l’astronomie, la navigation, l’agriculture, les arts, les métiers même les plus vulgaires de son temps, car il parcourt dans ses chants le ciel, la terre, l’océan, et il prend ses comparaisons, ses tableaux, ses images, dans la marche des astres, dans la manœuvre des vaisseaux, dans les formes et dans les habitudes des animaux les plus doux ou les plus féroces ; matelot avec les matelots, pasteur avec les pasteurs, laboureur avec les laboureurs, forgeron avec les forgerons, tisserand avec ceux qui filent les toisons des troupeaux ou qui tissent les toiles, mendiant même avec les mendiants aux portes des chaumières ou des palais.

1302. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Boileau ne le fit pas, et n’alla point au-delà des idées littéraires proprement dites : il ne regarda point les réalités psychologiques qui se cachent derrière ces abstractions, une langue, un genre : il n’y vit point les expressions de ces consciences collectives qu’on appelle des peuples, et ne se rendit pas compte que chaque nation façonne sa langue à son image, et que l’apparition et la disparition, la perfection et la décadence de ces formes organiques qui sont les genres, représentent la succession des états d’âme, la diversité des aptitudes intellectuelles et des aspirations morales des divers groupes de l’humanité.

1303. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

En comprenant la métaphore proprement dite, la comparaison, l’emblème, le symbole, l’allégorie, sous le nom général de métaphore, on pourrait dire hardiment que la poésie n’a pas d’autre élément que la métaphore, que poésie et métaphore sont une même chose, et qu’entre nations différentes, de même qu’entre différents âges d’un même peuple, l’ampleur de la métaphore est la mesure du génie poétique.

1304. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre XI. L’antinomie sociologique » pp. 223-252

Le mot de Renan est très juste : « Il est devenu trop clair, dit-il, que le bonheur de l’individu n’est pas en proportion de la grandeur de la nation à laquelle il appartient101. » La loi de différenciation sociale croissante, contrepartie de la loi d’intégration, n’est pas non plus un sûr garant de la liberté ni du bonheur des individus.

1305. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Guizot, après avoir embrassé avec sa supériorité de vues la révolution d’Angleterre et celle d’Amérique, y reconnaît trois grands hommes, Cromwell, Guillaume III et Washington, qui restent dans l’histoire comme les chefs et les représentants de ces crises souveraines qui ont fait le sort de deux puissantes nations.

1306. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Il se dérobe des moments pour lire ; il aime le mérite, il s’accommode à toutes les nations ; il inspire la confiance : voilà l’homme que vous allez voir.

1307. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Ce n’est pas à dire que Vauvenargues fût pour le maintien des abus ni pour l’immobilité de la société : il veut tout ce qui retrempe une nation, tout ce qui corrige utilement le vice de la décadence.

1308. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Tandis qu’il favorisait les entreprises de collections purement historiques ou érudites, il refusait, par exemple, un privilège à Voltaire pour les Éléments de la philosophie de Newton : « Ce demi-savant et demi-citoyen d’Aguesseau, écrivait Voltaire à d’Alembert en un jour de rancune, était un tyran : il voulait empêcher la nation de penser. » On assure que le scrupuleux chancelier ne donna jamais de privilège pour l’impression d’aucun roman nouveau, et qu’il n’accordait même de permission tacite que sous des conditions expresses ; qu’il ne donna à l’abbé Prévost la permission d’imprimer les premiers volumes de Cleveland que sous la condition que le héros se ferait catholique à la fin.

1309. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

l’Estaminet des nations.

1310. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Je veux espérer, madame, qu’il se réveillera dans les cœurs, et que notre nation, qui s’est acquis tant d’estime autrefois, reprendra à l’avenir sa première fierté, et qu’elle se ressouviendra qu’elle doit être vertueuse pour plaire au roi qui la commande.

1311. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

Il y a là de quoi faire quelque chose comme le Jugurtha de Salluste, et mieux, en y joignant un peu de la variété d’Hérodote, à quoi le pays prêterait fort ; scène variée, événements divers, différentes nations, divers personnages ; celui qui commandait était encore un homme, il avait des compagnons ; et puis, notez ceci, un sujet limité, séparé de tout le reste ; c’est un grand point selon les maîtres : peu de matière et beaucoup d’art.

1312. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Il goûte certes la gaieté italienne et le comique de Machiavel ; mais il ne trouve pas, comme Algarotti, qu’on puisse mettre sa Mandragore en comparaison avec les bonnes pièces de Molière « qui sont excellentes par toute l’Europe et des chefs-d’œuvre pour nous : En effet, s’écrie-t-il avec quelque chose de cet enthousiasme qu’il portait dans les Chambres du Vatican, quiconque, à jour et à jamais, voudra connaître à fond la nation française du siècle passé, n’aura qu’à lire Molière pour la savoir sur le bout du doigt ; aussi dans ma dispute avec Algarotti, lui soutins-je que nul homme n’était jamais allé aussi loin dans son art que Molière dans le sien, c’est-à-dire qu’il était encore plus grand comique qu’Homère n’était grand épique, que Corneille n’était grand tragique, que Raphaël n’était grand peintre, que César n’était grand capitaine.

1313. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

Rarement ils ont manqué chez les nations spirituelles, aux époques pacifiées et heureuses.

1314. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Il combat le Christianisme, qui est une cause d’affaiblissement cérébral chez les nations méditerranéennes et cherche à lui substituer le culte de la Beauté tel qu’on le pratiquait chez les Grecs.

1315. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

. — En vain du Méril épuise-t-il toutes les ressources du génie de la recherche et du renseignement sur les pays qui sont placés le plus loin de nous, comme, par exemple, la Chine et l’Inde, il écrit bien moins l’histoire de leurs théâtres que l’histoire des impossibilités d’avoir un théâtre chez ces nations immobiles, stupéfiées par des états sociaux monstrueux… J’ai parlé plus haut d’historien humain retrouvé dans l’historien des mots, dans l’anatomiste des langues.

1316. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Des improvisateurs de progrès, de fulminants ouvriers de révolutions, qui en soixante-six ans en ont dépêché six, ne comprennent pas plus, ne doivent pas plus comprendre que ce frondeur en retard, tombé après coup dans la monarchie de Richelieu, parachevée par Louis XIV, ce rayonnement de l’autorité unitaire qui calme et rassied les nations.

1317. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Or, que peut devenir, sans la morale, l’esthétique des nations très civilisées et très intellectuelles ?

1318. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

« Mais ce feu sacré qui anime les nations, — dit-il, à la fin d’un des plus beaux chapitres de son Étude sur la Souveraineté, que nous avons là sous les yeux, —  est-ce toi qui peux l’allumer, homme imperceptible ?

1319. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Là il n’était pas ridicule, il était admirable, il sortait du domaine comique, il devenait un acteur du grand drame qu’est la vie d’une nation : il était un bon serviteur de la France.

1320. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Si la philosophie de l’âme est antique en Angleterre, si la littérature y a choisi pour objet l’histoire du cœur, la cause en est dans le caractère réfléchi et concentré de la nation.

1321. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

L’Empire, pour lui, n’est qu’un tréteau colossal, où il parade devant un parterre de nations. […] La boule de neige s’est faite avalanche, la Barbarie s’est faite nation. […] De tous côtés, on n’entend plus que le fracas des villes qui tombent et le râle des nations qu’on égorge. […] L’or d’Amérique ne faisait que traverser l’Espagne pour aller enrichir les autres nations. […] Pour ne pas être sa victime, la nation se fit sa complice.

1322. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

Pourtant ici encore la diversité des nations a produit la diversité des poésies ; et puis, quelle différence dans les deux biographies ! […] Il avait pris et remplissait avec assez d’habileté le rôle d’entremetteur entre la cour et la nation. […] Voulait-il recueillir, sur la maladie de cette nation qui se décompose, des documents salutaires à la France ? […] Il a traversé au pas de course des nations entières, dont chacune, pour être dignement interprétée, demanderait plusieurs années d’étude. […] Il a vu l’or ruisseler sous ses doigts en flots abondants et pressés, il s’est vu riche à pouvoir acheter des nations, et le lendemain il n’avait pas un lit où poser sa tête, pas une table où s’asseoir.

1323. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Il est temps enfin de faire cesser les reproches très-fondés des autres nations jalouses de la gloire de la nôtre. » Accoutumés depuis longtemps à votre bienveillance, nous ne cesserons jamais de vous donner des preuves de notre empressement à vous offrir des productions dignes de vos suffrages. […] « La scène, lui disait-il, est en Cappadoce, il faut se transporter dans ce pays-là et entrer dans le génie de la nation. — Ah ! […] De cette parodie date en France ce genre bâtard qui prête aux lazzis et qui va du reste assez bien à l’esprit de la nation. […] L’une, disait-il, avait servi la nation juive, sa nation à elle, tandis que l’autre, loin d’empêcher la proscription des huguenots, ses frères, les avait poursuivis de sa haine en excitant le roi contre eux.

1324. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Les nations seraient-elles comme les individus, n’aimeraient-elles pas les aristocraties ? […] Je retrouve dans Paris, sur le boulevard, le découragement navré d’une grande nation, qui, par ses efforts, sa résignation, son moral, a beaucoup fait pour se sauver, et se sent perdue par l’inintelligence militaire. […] J’entends, aujourd’hui, ce juste adoptant la criminelle formule de Bismarck : La force prime le droit ; je l’entends déclarer que les nations et les individus qui ne peuvent pas défendre leurs propriétés, ne sont pas dignes de les conserver. […] L’un d’eux, déblatérant contre ces fausses anticailles, émet l’idée que l’argent consacré à ces achats stupides, est détourné d’une destination utilitaire et profitable au peuple, et conclut à la vente de ces bibelots au profit de la nation. […] Renan annonce qu’il vient de recevoir une lettre de Mommsen, déclarant qu’il serait temps de renouer des relations, de reprendre les travaux de l’intelligence communs aux deux nations.

1325. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

L’Enthousiasme, qualifié roman par son auteur, madame Marie Gjertz, est bien plutôt une œuvre philosophique embrassant toutes les questions : art, politique, religion, réformes ; c’est un livre militant où l’auteur, défendant par toutes armes la patrie norvégienne, veut la voir devenir la première des nations, régénérée par l’art infusé dans tout son organisme social. […] Mais le cercle Masséna de Nice bat son plein à cette heure, et les cercles de Paris donc, et ceux des départements et des nations voisines, sans compter les claque-dents, les tripots clandestins de tous genres… et, aux antipodes de la terre, où il fait jour maintenant, et dans l’univers entier tout le monde joue, les pauvres comme les riches, les filous comme les dupes. […] Cette disposition d’esprit était d’autant plus dangereuse qu’elle se compliquait d’une foi vivace au progrès indéfini, et que nous nous laissions peut-être aller à confondre deux choses distinctes : le progrès général de la race humaine et celui d’une nation. Or, les nations peuvent s’affaiblir et disparaître, ainsi que l’a fait l’empire romain lui-même, tandis que l’humanité continue sa course. […] « Et vous voyez, continue l’Empereur, que j’ai eu raison, puisque l’immense majorité de la nation l’a approuvé » : « C’était rigoureusement vrai, et ceux d’entre nous qui avaient déjà l’âge d’homme en 1851 devraient se souvenir que le coup d’État, désiré par tout le monde, fut acclamé comme une mesure de salut social.

1326. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Quelques-uns prétendaient que, ayant été renfermé dans une cage de fer, on l’y laissa dévorer par les poux ; d’autres, qu’on lui avait coupé le nez, les oreilles et d’autres membres, supplices usités chez les Orientaux et les nations barbares, qui ne comptent pour rien la plus grande peine que la société puisse infliger s’ils n’y ajoutent la durée et l’intensité de la douleur. […] L’association des villages forme l’État, la nation.

1327. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

Tous les temps, depuis le berceau du genre humain, toutes les nations posent devant elle ; et pour savoir ce que sont relativement leurs œuvres, elle n’a qu’à les faire comparaître et répondre tour à tour. […] C’est un privilège dont elle seule a joui entre les nations qui ont brillé à l’origine des temps.

1328. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Mais comme au parlement il a à peine parlé, il a conservé en lui tout ce qu’il avait sur le cœur contre sa nation, et pour s’en délivrer il ne lui est resté d’autre moyen que de le convertir et de l’exprimer en poésie. […] Aussi j’aime à considérer les nations étrangères et je conseille à chacun d’agir de même de son côté.

1329. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1890 » pp. 115-193

Puis pour moi, la France commençant à Avricourt, n’est plus la France, n’est plus une nation dans des conditions ethnographiques qui lui permettent de se défendre contre une invasion étrangère, et j’ai la conviction que fatalement, et malgré tout, il y aura un dernier duel entre les deux nations : duel qui décidera si la France redeviendra la France, ou si elle sera mangée par l’Allemagne.

1330. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Elle inventait le billet à La Châtre ; ce bon billet devenait proverbe et passait facilement dans la sagesse des nations. […] Que le tonnerre gronde au ciel ou dans les rues, Chaque jour vous revoit, penchés sur vos charrues, Confier aux sillons le pain des nations, Indifférents au bruit des révolutions !

1331. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

[NdA] Un sermonnaire et moraliste anglais, Henry Peacham, a dit, parlant de ce petit amas de boue : Cependant c’est ce point sur lequel nous avons promené le fer et le feu pour y établir les divisions qui le partagent entre tant de nations… Là nous avons nos dignités, nos armées, notre autorité ; là nous amassons des richesses, nous entretenons entre nous de perpétuelles guerres pour décider quel sera celui qui, comme le crapaud, s’endormira avec le plus de verve entre ses pattes.

1332. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Je remarquerai seulement qu’en Angleterre, la vie privée est plus close, plus abritée, mieux encadrée dans son ensemble, plus conforme par son esprit aux mœurs générales de la race et de la nation ; ainsi ornée et préservée, ainsi à demi enveloppée de son mystère comme le cottage l’est dans ses roses ou comme un nid dans le buisson, elle prête davantage à cette douce et poétique ferveur qu’elle inspire et dont on vient de voir tant de purs exemples.

1333. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Il fallait faire passer tous les peuples du monde sous les yeux de votre lecteur… Il fallait, si vous le pouviez, imiter Tacite qui n’annonce pas fastueusement le tableau des nations, mais qui, sous le titre modeste d’Annales, peint l’univers… Cela veut dire qu’il ne fallait pas être Voltaire ; mais Voltaire, qui était lui et pas un autre, a peint à sa manière ce grand siècle dont un souffle avait passé sur son berceau, et il en a donné à tout lecteur impartial un sentiment vif, juste et charmant.

1334. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — II » pp. 126-147

[NdA] Dans un écrit de Furetière, Nouvelle Allégorique, ou histoire des derniers troubles arrivés au royaume d’Éloquence (1659), on lit : « Il y vint (à l’armée du Bon Sens) un illustre abbé de Marolles, qui poussa ses conquêtes jusques dans les terres de Tibulle, Catulle, Properce, Stace, Lucrèce, Piaule, Térence et Martial ; terres auparavant inconnues à tous ceux de sa nation ; cependant il les dompta, et les mit sous le joug de ses sévères versions, et il les traita avec telle exactitude et rigueur, que de tous les mots qu’il y trouva, il n’y eut ni petit ni grand qu’il ne fît passer au fil de sa plume, et qu’il n’obligeât à parler français et à lui demander la vie… » Ce jugement ne ferait guère d’honneur à la critique de Furetière qui était d’ailleurs un homme d’esprit, mais il est à croire qu’il ne parlait pas sérieusement quand il écrivait cela.

1335. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

« En vérité, le monde n’est pas si corrompu que ces messieurs le prétendent ; la bonté n’est pas rare ; chaque nation offre à celui qui les cherche une infinité d’hommes estimables, portés par leurs principes ou par leur naturel à aimer, à servir ceux qui leur ressemblent ; partout le mérite et l’honneur trouvent de l’appui, des secours, des amis.

1336. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Gibbon, parlant des visites qu’il recevait en sa maison de Beauséjour à Lausanne, écrivait à lord Sheffield (30 septembre 1783) : « Hier, après midi, je me couchai ou m’assis du moins, et m’établis pour recevoir des visites ; et au même instant voilà quatre nations différentes qui remplissent ma chambre.

1337. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

c’est une nation éminemment poétique que la France !

1338. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Un excès, dans ces grands revirements des nations, en amène et en favorise toujours un autre contraire : le flux est égal au reflux.

1339. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Pourtant il se maintiendra toujours à son rang littéraire, comme une des œuvres les plus honorables dans ce genre de la comédie mitigée et de l’épître morale, dont le mérite, lorsqu’il est universellement goûté par l’élite d’une nation, donne la mesure certaine d’une qualité de civilisation bien polie et bien délicate35.

1340. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — II. » pp. 195-213

Et c’est parce que les générations finissantes de ce dix-huitième siècle tant dénigré croyaient fermement à ces principes dont Mme Roland nous offre la plus digne expression en pureté et en constance, c’est parce qu’elles y avaient été plus ou moins nourries et formées, que, dans les tourmentes affreuses qui sont survenues, la nation si ébranlée n’a pas péri90.

1341. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Il est alerte, comme les gens de sa nation, ennuyé quand on le maintient longtemps dans le même ton, prompt à regarder l’envers des choses, disposé à terminer un acte d’admiration par un bon mot.

1342. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Que l’on remarque aussi que plusieurs nations, qui ne semblent avoir eu aucun rapport entre elles, ont adopté pour base de leur numération dix (les dix doigts) ou cinq (les cinq doigts d’une main) ou vingt (les doigts et les orteils) ; ce qui montre que les doigts ont été l’unité originelle de numération.

1343. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

aux aimables personnes de notre nation : c’est une simple remarque que d’autres ont exprimée avant moi.

1344. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il se retrouve homme de lettres sur ce point : entre deux ridicules, selon lui, et deux inconvénients, il choisit le moindre, et, pour le coup, il dirait volontiers comme cet autre de ma connaissance : « J’ai, pour un homme de lettres, le malheur d’appartenir à une nation qui n’est jamais plus fière que quand elle a un pompon sur la tête, et qu’elle obéit au mot d’ordre d’un caporal. » Son bourgeois de Paris nous est présenté par lui comme ayant éprouvé aux affaires du mois de juin (1832) un double accident : « il a gagné une extinction de voix et la croix d’honneur, deux malheurs dans la vie d’un homme raisonnable, qui craint également la médecine et le ridicule ».

1345. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

Parlant de certaines pièces, de dépêches de Chamillart qu’il avait eues entre les mains et qui eussent été capables de déshonorer le ministère depuis 1701 jusqu’en 1709, Voltaire écrivait au maréchal de Noailles (1752) : « J’ai eu la discrétion de n’en faire aucun usage, plus occupé de ce qui peut être glorieux et utile à ma nation que de dire des vérités désagréables. » Ce point de vue est loin d’être celui de Saint-Simon, dont on a dit avec raison qu’il était « curieux comme Froissart, pénétrant comme La Bruyère, et passionné comme Alceste ».

1346. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

écrit Ninon ; je me passerais de toutes les nations.

1347. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

C’est un chant destiné à traduire et à exprimer l’ivresse publique, la gloire des vainqueurs, la pompe des noces solennelles ou le deuil des grandes funérailles, quelque sentiment général qui transporte à un moment une nation.

1348. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

En cela Louis XIV ne sut réussir qu’à demi ; il força évidemment dans ses pompes le caractère de la monarchie française, et, en vieillissant, il en vint à n’être plus en accord avec l’esprit public de la nation.

1349. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Au retour d’un voyage d’Espagne, qu’il avait entrepris pour les intérêts du prince de Condé, il mit à nu, dans le plus piquant détail, les habitudes de paresse, l’incurie et la pénurie financière de cette nation.

1350. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Le génie des deux nations et le caractère des deux chefs se dessinaient encore, même dans ces marches méthodiques et prudentes.

1351. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

[NdA] Voir notamment le chapitre 5 du livre xix, qui commence ainsi : « S’il y avait dans le monde une nation qui eût une humeur sociable, etc. » 17.

1352. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Le monarque parle, tout est peuple, et tout obéit » ; c’est-à-dire que, par suite du relâchement excessif des pouvoirs, de l’affaiblissement des mœurs et d’une sorte de dissolution lente et universelle, il n’y avait plus en France alors de digue véritable et solide entre la masse entière de la nation et le roi ; que les divers corps et ordres de l’État n’avaient plus de force pour subsister par eux-mêmes et pour résister, le jour où ils seraient mis sérieusement en question, et qu’il n’y avait plus qu’un trône debout, au milieu d’une plaine immense, d’une plaine mobile.

1353. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

En ce qui est de la tragédie, par exemple, il aspirait à quelque chose qu’on peut se figurer entre Shakespeare et Corneille : Les intérêts des nations, les passions appliquées à un but politique, le développement des projets de l’homme d’État, les révolutions qui changent la face des empires, voilà, disait-il, la matière tragique.

1354. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

Or, les conditions de la société humaine sont de deux sortes : il y en a quelques-unes d’éternelles, qu’on trouve réalisées même dans les sociétés les plus sauvages ; il y en a de conventionnelles, qui ne se rencontrent que dans une nation déterminée à tel moment de son histoire.

1355. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Je crois avoir déjà remarqué dans quelques-uns de mes papiers, où je m’étais proposé de montrer qu’une nation ne pouvait avoir qu’un beau siècle, et que dans ce beau siècle un grand homme n’avait qu’un moment pour naître, que toute belle composition, tout véritable talent en peinture, en sculpture, en architecture, en éloquence, en poésie, supposait un certain tempérament de raison et d’enthousiasme, de jugement et de verve, tempérament rare et momentané, équilibre sans lequel les compositions sont extravagantes ou froides.

1356. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Il y a quelque chose de douloureux et d’attachant dans cette destinée d’un jeune esprit qui regarde le monde et la vie exclusivement à travers la nation juive et qui meurt au service de ceux qu’il aime le plus, mais dont il tient à se distinguer.

1357. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Quelle est cette destinée, et quelle mystérieuse puissance promène ainsi les nations et les hommes dans le cercle infranchissable de la vie et de la mort ?

1358. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

sujet de larmes à la nation, je suis né pour le mal de la patrie… » Et ces cris de détresse, ces échos de mutuelle douleur, se continuent, s’entrechoquent, durant une longue scène.

1359. (1901) Figures et caractères

Je l’entends exprimer ainsi cette grande vocation de justice et de vérité : « Où passa ma jeunesse, sinon dans la recherche sombre, jusqu’au jour où je vis, je pris ce rameau d’or dont j’évoquai les nations ? […] Si misérables qu’aient été ces hommes, ils firent corps avec la nation et, à ce titre, sont sacrés. […] Elle est une assez grande nation pour fournir à tout. […] Les rapports entre nations sont sujets à des malentendus et à des disputes. […] Voilà celle où logea Lafayette en 1821, quand il fut l’hôte de la nation américaine.

1360. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Observons aussi que, pour estimer un peu justement, si le calcul était possible, la proportion approximative des ambitieux de gloire littéraire, il y aurait à défalquer de notre compte des époques et des nations entières où pas un seul individu n’en pouvait avoir même l’idée. […] Cette doctrine est à la base de toutes les sciences positives, et il est hors de doute que, dans l’ordre purement naturel, les espèces, les genres, les races, les familles, les nations, les corps sociaux sont les objets propres de la science, les individus n’ayant qu’une valeur représentative comme échantillons et comme types. […] Ce nom lui-même est un mensonge ; ce n’est pas lui, c’est la nation, c’est l’humanité travaillant à un point du temps et de l’espace, qui est le véritable auteur68. […] La fureur iconoclaste de l’érudition aboutit à de jolis résultats lorsqu’elle raye du passé d’une nation l’image tutélaire de quelque grand héros patriotique ! […] Il semble que je ne sais quelle loi de réaction et d’équilibre, analogue à celle qui condamne à périr les nations corrompues par l’excès de la civilisation, les classes sociales amollies par le bien-être et la prospérité, voue aussi les populations de livres, malades de leur propre richesse, à un cataclysme inévitable.

1361. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Des nations étrangères ont vu plus finement la véritable disposition d’âme de M.  […] Ne l’est-elle pas encore aujourd’hui, et dans aucune des grandes nations d’Europe rencontrerez-vous une indifférence pour la littérature contemporaine égale à celle que notre classe moyenne manifeste à toute occasion ? […] Lui qui définit l’Etat un organisme, c’est-à-dire un assemblage de centres locaux, tous actifs et progressifs, il ne peut que répugner à l’absolutisme unitaire de Louis XIV, qui, concentrant tous les pouvoirs dans la main du roi et toutes les forces vives de la nation dans la cour, a tari l’existence provinciale. […] Toucher à un point quelconque de ce vaste organisme qui est une nation lui semble un acte d’une délicatesse infinie. […] Sous les trois noms et à des degrés différents, c’est bien la même erreur et la même certitude de décadence pour la nation qui l’adopte.

1362. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

En 1580 parut Euphuès, l’anatomie de l’esprit, par Lyly, qui en fut le manuel, le chef-d’œuvre, la caricature, et qu’une admiration universelle accueillit281. « Notre nation, dit Édouard Blount, lui doit d’avoir appris un nouvel anglais. […] Il y a des moments pareils dans la vie des nations, et celui-ci en est un. […] Une multitude d’hommes étaient assemblés là,  — de toutes les races et de toutes les nations sous le ciel,  — qui avec un grand tumulte se pressaient pour approcher — de la partie supérieure, où se dressait bien haut — un trône pompeux de majesté souveraine. —  Et dessus était assise une femme magnifiquement parée — et opulemment vêtue des robes de la royauté,  — tellement que jamais prince terrestre, d’un semblable appareil — ne releva sa gloire et ne déploya un orgueil si fastueux. —  Elle, assise dans sa pompe resplendissante,  — tenait une grande chaîne d’or aux anneaux bien unis,  — dont un bout était attaché au plus haut du ciel,  — et dont l’autre atteignait au plus bas enfer338. […] La cour vole et la nation murmure. […] A route of people there assembled were,  Of every sort and nation under skye,  Which with great uprore preaced to draw nere To the upper part : where was advanced hye A stately siege of soveraine majestye ; And thereon satt a woman gorgeous gay And richly cladd in robes of royaltye,  That never earthly prince in such aray His glory did enhaunce, and pompous pryde display… There, as in glistring glory she did sitt,  She held a great gold chaine ylinked well Whose upper end to highest heven was knitt,  And lower part did reach to lowest hell.

1363. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Le xiiie  siècle français a fourni des modèles poétiques à toutes les autres nations. […] lui dit Bertoald, si je suis vaincu on dira que tu as tué ton serviteur Bertoald le païen : mais si tu tombes sous mes coups, quelle clameur parmi les nations, de ce que le noble roi des Francs a été tué par un serviteur ! […] Il pacifia tous les peuples autour de sa nation, puis il tourna son esprit vers le ciel. […] Nous craignons de hasarder sur la scène des spectacles nouveaux devant une nation accoutumée à tourner en ridicule tout ce qui n’est pas d’usage. » Il accusait les bancs où le public allait s’asseoir sur la scène, de gêner les évolutions des acteurs et de rendre les décors impossibles. […] « On peut dire, ajoutait-il, que cette comédie du Sir Politik n’est ni dans le goût des Anglais, ni dans celui d’aucune autre nation. » Ne pourrait-on pas retourner cette raillerie contre Voltaire, après lecture de sa Mort de César ?

1364. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Connaissant mieux votre nation et la Cour que lui, vous n’auriez jamais assemblé les notables, qui auraient pu être une bonne chose sous un autre gouvernement ; et c’est vous qui aviez dit au baron de Breteuil ce grand mot au sujet du premier club, que ce n’était pas une plante monarchique.

1365. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Ils se tromperont ; ce que je rapporte est très vrai : les gens honnêtes, les bons citoyens gémirent, en 1793, d’être forcés d’assister aux luttes de ces hommes de sang, qui, en nous déshonorant aux yeux des nations civilisées, finirent par mettre le comble à leurs forfaits en assassinant un prince vertueux, qui ne pouvait être accusé que d’une seule chose, de ne pas savoir défendre sa couronne, et de n’avoir pas assez de tête pour présider à la réforme d’un passé gros d’abus et de haines.

1366. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Il a chance de vivre aussi longtemps qu’elle, aussi longtemps du moins que la nation et la langue dans laquelle il a proféré ce cri de génie et de sentiment.

1367. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Et si elle ne leur est du tout telle qu’elles la pourraient désirer, par honnête soin la se procurent ; et l’ayant moyennement agréable, sans plus grande curiosité, seulement avec vertueuse industrie la continuent, selon la mode de chacune nation, contrée et coutume.

1368. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Philippe II, ayant besoin d’argent, avait décidé de convoquer les cortès de Castille, et en même temps il voulut que les représentants de la nation reconnussent pour son futur héritier le prince des Asturies, ce don Carlos déjà si compromis de santé morale et physique.

1369. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc (suite et fin.) »

Le mot de Philibert Delorme, qui s’en plaignait amèrement en son temps, est juste encore : « Le naturel du Français, disait-il, est de priser beaucoup plus les artisans et artifices des nations étranges que ceux de sa patrie, bien qu’ils soient très ingénieux et excellents. » M. 

1370. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Ainsi notre combat est une victoire, et la plus belle que nous puissions remporter, puisqu’elle assure la subsistance du peuple… » Ce n’était une victoire que dans ce sens-là : autrement la défaite, bien que des plus disputées, était trop réelle ; mais il s’agissait de maintenir le moral de la nation à la hauteur nécessaire. — Dans la Réponse qu’il fit à la dénonciation venue de Brest en mai 1795, et où on l’accusait d’en avoir imposé à la France dans son Rapport sur le combat du 13 prairial, Jean-Bon n’opposait sur ce point que deux mots dignes et nets qui sentent l’homme vrai, sûr de lui-même ; on ne devrait pas omettre non plus cette partie de la Réponse dans les pièces du procès. — Le petit recueil que nous réclamons, avec un résumé sensé et simple, sans exagération ni faveur, aurait pour avantage, toutes dépositions entendues, de clore le débat sur une question déjà bien avancée ; le fait de la glorieuse bataille du 1er juin et de la part honorable qu’y prit Jean-Bon se présenterait désormais aussi entouré d’explications et aussi appuyé de témoignages qu’un fait de guerre peut l’être32.

1371. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

Par cette part considérable qu’il fait à la volonté, à la raison en matière de langue, il est bien de la nation dont seront Descartes et le grand Arnauld, dont seront M. de Tracy et les idéologues ; il incline vers l’idée de perfectibilité, s’il n’y atteint pas.

1372. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Mais, il faut le dire, avec toute l’estime qu’inspirent de semblables travaux, l’entière gloire littéraire d’une nation n’est pas là ; une certaine vie même, libre et hardie, chercha toujours aventure hors de ces enceintes : c’est dans le grand champ du dehors que l’imagination a toutes chances de se déployer.

1373. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

L’écrivain de génie est supérieur à son temps et à tous les temps, et le titre n’en convient qu’à celui qui ajoute en quelque manière aux facultés de sa nation.

1374. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Mais, croyez-moi, aucune autre race n’a dans ses entrailles autant de cette force qui fait vivre une nation, la rend immortelle malgré ses fautes, et lui fait trouver en elle-même, au travers de tous ses désastres et de toutes ses décadences, un principe éternel de renaissance et de résurrection.

1375. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

[NdA] On cite quelquefois une phrase de Huet comme ayant un air de prophétie ; elle est dans son Histoire du commerce et de la navigation des anciens, qu’il écrivait sous le ministère de Colbert ; il parle des Russes, qu’on appelait encore Moscovites : « Que s’il s’élevait parmi eux quelque jour, dit-il, un prince avisé qui, reconnaissant les défauts de cette basse et barbare politique de son État, prît soin d’y remédier en façonnant l’esprit féroce et les mœurs âpres et insociables des Moscovites, et qu’il se servît, aussi utilement qu’il le pourrait faire, de la multitude infinie de sujets qui sont dans la vaste étendue de cette Domination qui approche des frontières de la Chine, et dont il pourrait former des armées nombreuses ; et des richesses qu’il pourrait amasser par le commerce, cette nation deviendrait formidable à tous ses voisins. » Je ne donne pas la phrase comme bien faite, mais elle est curieuse et prouve que Huet, avec un tour très latin en français, est capable, plus qu’on ne croirait, d’un sens très moderne.

1376. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

De sentiment humain ou de patriotisme, avec ces êtres à part qui se croient de la lignée de Jupiter, il n’en faut jamais parler : la nation et le monde étaient faits pour eux ; ils le croyaient sincèrement, et ils agissaient hautement en conséquence.

1377. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

L’auteur supprime en idée tout ce qui est du caractère et du génie particulier aux diverses races, aux diverses nations ; il tend à niveler dans une médiocrité universelle les facultés supérieures et ce qu’on appelle les dons de nature ; il se réjouit du jour futur où il n’y aura plus lieu aux grandes vertus, aux actes d’héroïsme, où tout cela sera devenu inutile par suite de l’élévation graduelle du niveau commun.

1378. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Et cet exemple, pour éviter tout parallèle voisin et désobligeant, je le prendrai chez un poète femme d’une autre nation.

1379. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Le roi de Siam était gouverné par un aventurier favori, grec de nation, appelé Constance, homme habile, rusé, et qui, sentant qu’il était haï des naturels, avait appelé les étrangers sous prétexte de religion, et dans l’idée de s’en faire un appui.

1380. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Il faut que M. de La Harpe ait un secret particulier pour se faire plus d’ennemis qu’un autre. » En tête de sa seconde tragédie, Timoléon, lorsqu’il l’imprima, La Harpe se crut obligé de mettre une justification expresse sur les couplets de collège qui lui étaient imputés à crime, et il ajouta quelques réflexions sensées qui nous peignent très bien le moment où il parut : La mode dominante, disait-il, est aujourd’hui d’avoir de l’esprit… Tandis qu’un petit nombre d’écrivains illustres honore et éclaire la nation, un bien plus grand nombre d’écrivains obscurs, possédés de la manie d’être littérateurs, sans titres et sans études, ont fait une espèce de ligue pour se venger du public qui les oublie, et des véritables gens de lettres qui ne les connaissent pas.

1381. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

Il jugea ces mesures comme tout homme sensé les appréciait alors ; il en parla ainsi à toutes les personnes qu’il vit dans la journée, et à l’Institut même : « Jamais insulte plus grande n’avait été faite au bon sens d’une nation. » Et j’irai ici au-devant de toute méprise.

1382. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Je ne voudrais pas jurer qu’il en fût seulement question dans cinq ou six siècles ; tant notre nation est inconstante et légère ! 

1383. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Elle dira ce caractère des nations, les mœurs qui commandent aux faits.

1384. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Il y a, de jadis, un opuscule grotesque, maintes fois réimprimé et encore colporté ; c’est un Sermon en proverbes ordonné pour satiriser soit les gens qui évoquent trop, par la sagesse des nations, leur propre niaiserie, soit les prédicateurs qui répétaient toujours les mêmes exhortations vaines comme le vent qui égrène l’herbe des cimetières ; le pauvre auteur enfile donc avec un certain soin les proverbes les plus connus, jusqu’à faire quatre pages dont le sens est fort bien suivi et que l’on comprend, pourvu qu’on ne soit pas devenu hébété dès la première : « Prenez garde, n’éveillez pas le chat qui dort ; l’occasion fait le larron, mais les battus paieront l’amende ; fin contre fin ne vaut rien pour doublure ; ce qui est doux à la bouche est amer au cœur, et à la chandeleur sont les grandes douleurs.

1385. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Shylock est la juiverie, il est aussi le judaïsme ; c’est-à-dire toute sa nation, le haut comme le bas, la foi comme la fraude, et c’est parce qu’il résume ainsi toute une race, tel que l’oppression l’a faite, que Shylock est grand.

1386. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Ils errent et prédisent ; ils campent dans les forêts où l’on va acheter d’eux la connaissance de l’avenir, curiosité qui marque fortement le mécontentement du présent, aussi fortement que l’éloge du sommeil le mécontentement de la vie ; préjugé des russes qui n’est ni moins naturel, ni moins absurde qu’une infinité d’autres presque universellement établis chez des nations qui se glorifient d’être policées, et où des charlatans d’une autre espèce sont plus charlatans, plus honorés, plus crus et mieux payés que les sorciers russes.

1387. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Notre mot, hurlement, n’exprime pas le cris du loup, ainsi que celui d’ ululatus dont il est dérivé, quand on le prononce ouloulatous ainsi que le font les autres nations.

1388. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Philarète Chasles » pp. 147-177

Je ne pèserai pas beaucoup sur Alexandre Dumas, le génie nègre, comme il l’appelle, qui contait pour conter, dit-il, comme on conte aux enfants, ce qui l’innocente ; Alexandre Dumas, dont l’immoralité n’est pas immédiate, n’est pas dans ce qu’il écrit, mais dans la disposition où la lecture de ces vains romans jette une nation qui boit de ce vent.

1389. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Cet esprit qui ne biaise jamais, ce poète de résolution, cet héroïque qui n’a peur de rien, — qui n’eut pas peur un jour, dans une nation rieuse, de mettre en vers flamboyants, sonores et magnifiques de mouvement, de nombre et d’harmonie, les tableaux grotesques du petit père André, sachant et très-sûr qu’où le poète met sa griffe la marque reste et reste seule sur le ridicule effacé, lui, le poète des Crâneries, qui en fera une tant qu’il aura le crâne au-dessus des épaules, me laisse indécis sur cette poésie dont il nous donne aujourd’hui un échantillon si étrange, sur la poésie qu’après celles des Colifichets il rêve peut-être, et dans laquelle il est bien capable de se jeter à corps perdu demain !

1390. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

La nation ingénieuse, jadis si forte, qui depuis tant de siècles a perdu son indépendance, n’avait pu sentir si près d’elle un exemple de nouveauté et d’audace comme celui de la France, sans être tentée de reprendre toutes les ambitions de la vie publique.

1391. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Chaque nation, chaque peuple, chaque province, chaque ville même, differe d’un autre dans le langage, non-seulement parce qu’on se sert de mots différens, mais encore par la maniere d’articuler & de prononcer les mots. […] Nous n’avons sur ce point d’autre regle que l’oreille exercée, c’est-à-dire, accoûtumée au commerce des personnes de la nation qui font le bon usage. […] Toutes les nations qui écrivent leur langue, ont un alphabet qui leur est propre, ou qu’elles ont adopté de quelque autre langue plus ancienne. […] Observez qu’il y a aussi des individus collectifs, ou plûtot des noms collectifs, dont on parle comme si c’étoit autant d’individus particuliers : c’est ainsi que l’on dit, le peuple, l’armée, la nation, le parlement, &c.

1392. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

Ce n’est plus dans chaque genre une tribu, une caste : c’est une nation. […] Ces pagodes et ces mosquées, ces jardins aux eaux toujours fraîches, aux pelouses toujours vertes, ces musées d’art et, à côté des musées, ces vitrines où brillent les pierreries les plus précieuses détachées pour quelques jours des fronts qu’elles décorent, où éclatent l’or et l’argent moulés et ciselés de cent façons différentes ; tapis, porcelaines, étoffes aux mille nuances, meubles de luxe et meubles d’usage, richesses et produits de toutes les nations, grâce aux comptes rendus des journaux, vont faire pendant six mois le spectacle aussi varié qu’instructif de l’étranger dans son pays où le retiennent la longueur et les frais du voyage, du bourgeois dans sa petite ville qu’il ne quittera pas, du solitaire dans le coin où son humeur l’enferme. […] Le progrès d’une nation devient immédiatement le progrès de toutes les autres. […] La Grèce, cette mère féconde des lettres et des arts, n’a pas eu deux Homère, deux Platon, deux Phidias, quoiqu’elle ait produit plus d’une génération de poëtes, de philosophes et d’artistes, et qu’aucune nation n’ait gardé aussi longtemps qu’elle l’empire de l’esprit et du goût. […] Ce n’était pas en vain que la guerre et l’exil avaient mêlé les nations.

1393. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Pendant que l’Église s’implante et s’organise, c’est la tendance savante qui l’emporte, parce que ni l’âme des peuples vieillis n’a pu se renouveler encore jusqu’en son fond, ni l’âme des jeunes nations se libérer assez de sa sauvagerie première. […] Il serait assez prudent de prendre exemple sur lui, car c’est déjà beaucoup d’écrire « pour la nation, pour la multitude des hommes sensibles qui peuvent ignorer l’histoire grecque ou mythologique comme le Japon, et qui n’en sont pas moins propres à sentir et à connaître les beautés du génie, quand il daignera adopter le langage, les costumes et l’air national ». […] Encore si l’on se piquait de fidélité, si l’on rendait mieux le costume et le caractère des nations ! […] Nation neuve, douée cependant de réflexion par le commerce de peuples plus avancés, elle regarde avec une curiosité douloureusement insatiable le chaos où s’agitent ses destinées, et ce drame réel, dont elle est la grande actrice, l’attache plus fortement que les jeux désintéressés où se plaît l’activité des esprits, quand ils ont perdu leur fièvre, dans une nation formée, assise, mise en possession d’un idéal propre et, pour un temps, satisfaite. […] Le réalisme et le naturalisme peignent tous les sentiments. — La famille. — La nation Il est infiniment regrettable que le réalisme français ait défiguré la vie bourgeoise en la chargeant à plaisir de toutes les ignominies.

1394. (1929) La société des grands esprits

Toutes les nations du globe, ou peu s’en faut, sont maudites dans une énumération épique vers la fin du chant XIX. […] Dans l’histoire d’une nation très vivante et très active à tous égards, il y a eu forcément des divisions et des antagonismes, du bon et du moins bon, des gloires et des fautes, ou même des crimes. […] Voltaire, dans l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, avait exprimé une profonde pitié pour cette victime et proclamé qu’en d’autres temps on lui eût dressé des autels. […] Combien de fois ne l’a-t-il pas placée bien au-dessus de toutes les autres nations, pour sa douceur, sa lumière, sa générosité ! […] Lucien Poincaré répond que « sur le terrain scientifique comme sur d’autres, la France a été la plus révolutionnaire des nations ».

1395. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

C’est que je voudrais qu’à tous ses mérites intrinsèques reposés et refroidis, elle joignît celui de s’appliquer à une nation, à une société, de la saisir à l’instant, à l’endroit qui l’intéresse, de prendre et de mordre sur elle, d’avoir le tact délicat, le génie de l’occasion, et de s’en servir ; en un mot, je voudrais qu’elle se sentît vivre, ne fût-ce qu’en naissant. […] Il a trop supprimé sans doute, il s’est trop retranché de ce qui avait précédé ; mais il a fondé quelque chose de noble et de juste, et qui est bien dans le sens de la nation.

1396. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Bien des choses ont vieilli dans ce poème : le ciel d’abord, qui a été dépeuplé de ses dieux ; les nations ensuite, telles que les Troyens et les Hellènes, petits groupes d’hommes qui n’ont laissé que des cendres sur le cap Sigée et un nom sur les pages impérissables de leur poète ; les mœurs enfin, qui ne ressemblent pas plus aux nôtres aujourd’hui que la barbarie à la civilisation et que Troie ou Argos, bourgades classiques, ne ressemblent à Paris, à Rome, à Constantinople ou à Londres. […] Voulez-vous connaître l’origine, le costume, le caractère, la géographie, les mœurs des nations qui peuplaient alors les confins de l’Asie et de l’Europe : le poète vous les montre du doigt, vous les décrit et vous les raconte, peuplade par peuplade, et pour ainsi dire homme par homme, dans cette double revue passée sous vos yeux dans la plaine de Troie !

1397. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

L’épopée antique contait la destinée des nations. Mais le sentiment patriotique a changé de mesure, le mot nation est trop vaste, trop vague peut-être pour tenir en un poème.

1398. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Et j’ose penser que, si toutes les œuvres des autres poètes étaient détruites, la France aurait encore, en conservant celles du seul Hugo, une moisson poétique aussi admirable que celle de n’importe quelle nation. […] — Les grands poètes n’appartiennent pas à telle ou telle nation, mais à l’Humanité toute entière : si donc j’aime et j’admire passionnément lord Byron, Lamartine et Baudelaire, il n’y a vraiment que le surnaturel Edgard Poe qui soit le sorcier de mes songes, le cher démon familier de ma tristesse et de ma solitude !

1399. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Champcenetz et Rivarol, qui avaient donné le Petit Dictionnaire des grands Hommes en 1788, firent, deux ans après, un autre Petit Dictionnaire des grands Hommes de la Révolution, et le dédièrent à la baronne de Staël, ambassadrice de Suède auprès de la Nation. […] … N’êtes-vous pas heureux qu’une nation tout entière se soit placée à l’avant-garde de l’espèce humaine pour affronter tous les préjugés, pour essayer tous les principes ?  […] Mme de Staël ne pouvait s’empêcher d’être plus que personne de cette nation-là.

1400. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Quand ils ont fini ou accompli à demi leurs migrations mystérieuses des confins de l’Orient aux confins de l’Europe ; quand ils ont conquis un vaste territoire inhabité ou presque désert, qu’ils s’y sont établis avec leurs hordes populeuses, leurs mœurs traditionnelles et leurs facultés de croissance gigantesques et presque indéfinies ; quand ils se sont fait place par le premier génie des nations, le génie sauvage de la guerre, accompagné du génie de l’unité ou de l’ordre, sous des chefs absolus ; quand ils commencent à jouir de l’agriculture, de l’aisance, du loisir, ils se civilisent, ils se policent, ils songent par instinct à se procurer les douceurs et les gloires de l’existence. […] C’est alors que Karamsin écrit, d’une main encore novice, l’histoire nationale de la Russie ; que Pouschkine ou Lamanof chantent leurs poèmes, auxquels il ne manque que l’originalité ; c’est alors, enfin, que des écrivains à formes moins prétentieuses, comme Ivan Tourgueneff, dont nous nous occupons en ce moment, écrivent avec une originalité à la fois savante et naïve ces romans ou ces nouvelles, poèmes épiques des salons, où les mœurs de leur nation sont représentées avec l’étrangeté de leur origine, la poésie des steppes et la grâce de la jeunesse des peuples. […] Elle n’est pas arrivée encore à l’âge fait, où les noms d’hommes servent à signifier les nations.

1401. (1868) Curiosités esthétiques « II. Salon de 1846 » pp. 77-198

En général, les tableaux de sentiment sont tirés des dernières poésies d’un bas-bleu quelconque, genre mélancolique et voilé ; ou bien ils sont une traduction picturale des criailleries du pauvre contre le riche, genre protestant ; ou bien empruntés à la sagesse des nations, genre spirituel ; quelquefois aux œuvres de M.  […] Paul Flandrin, Desgoffes, Chevandier et Teytaud sont les hommes qui se sont imposé la gloire de lutter contre le goût d’une nation. […] Mais, en dehors de ce cercle de famille, il est une vaste population de médiocrités, singes de races diverses et croisées, nation flottante de métis qui passent chaque jour d’un pays dans un autre, emportent de chacun les usages qui leur conviennent, et cherchent à se faire un caractère par un système d’emprunts contradictoires.

1402. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Mais ce que nous ne craindrons pas d’affirmer, c’est qu’il avait lu Voltaire et Montesquieu, si même il ne s’inspirait d’eux, le jeune bachelier qui s’exprimait en ces termes dans un Discours daté de 1750 : « On voit s’établir des sociétés, se former des nations qui tour à tour dominent d’autres nations, ou leur obéissent…… L’intérêt, l’ambition, la vaine gloire, changent perpétuellement la scène du monde et inondent la terre de sang, mais au milieu de leurs ravages, l’esprit humain s’éclaire, les mœurs s’adoucissent, les nations isolées se rapprochent les unes des autres, le commerce et la politique réunissent enfin toutes les parties du globe, et la masse totale du genre humain, par des alternatives de calme et d’agitation, de biens et de maux, marche toujours, quoique à pas lents, vers une perfection plus grande » [Cf.  […] Ils lui ont enfin procuré « dans la nation » cette universalité, cette autorité d’influence qu’il avait inutilement poursuivie, qu’on lui avait disputée, refusée jusqu’alors ; et, de cette unique situation que les événements lui ont faite, dominatrice, quasi souveraine, quelques conséquences essentielles en sont presque aussitôt résultées.

1403. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Depuis ce jour, un siècle s’est écoulé ; la fortune, d’abord souriante, n’a pas tenu toutes ses promesses, les déceptions ordinaires de la vie qui atteignent les nations comme les simples individus ont lassé cette énergie qui avait fait trembler la terre et porté l’incrédulité dans ces cœurs que rien ne semblait pouvoir ébranler. […] Aussi les peuples ont-ils fini par s’indigner contre les assauts de cette nation, qui les défie sans qu’ils sachent pourquoi, se lance sur eux à tort et à travers, prend des moulins à vent pour des géants, des bourgeois paisibles pour des fils de Satan, et des différences d’opinion pour des crimes de lèse-divinité. […] Là est la poésie et pas ailleurs, et, s’il est vrai que le poète n’est grand que lorsqu’on retrouve au fond de ses œuvres l’humanité universelle, en revanche il n’est poète qu’autant qu’il sait exprimer cette humanité universelle par les circonstances et les particularités de sa nation et de son temps. […] Ces sentiments constituent une manière de vivre, non pas, il est vrai, pour le vulgaire troupeau humain, mais pour l’élite humaine, — non pas encore pour les nations, mais pour les individus. […] En effet, Dante n’a jamais exprimé que sa personne, et une des raisons pour lesquelles il est si grand est précisément que, en n’exprimant rien d’autre que sa propre personnalité, il a trouvé moyen d’exprimer, et cela sans le moindre effort, son temps, sa nation et l’ordre entier de civilisation auquel il appartenait.

1404. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Et voici qu’un combat s’engage en elle qui n’est rien moins que celui de deux nations, de deux histoires. […] L’organe local de cette race est la nation, plus profondément la région, et plus profondément encore la famille. Ou plutôt, nation, région, famille ne font qu’un. […] Quand la nation souffre, la ville souffre, et les familles de la ville et les individus qui composent ces familles. […] Ce milieu, c’est la Nation.

1405. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Sans consulter les nations voisines, n’a-t-elle pas sous les yeux des modèles de tout genre ? […] Bulwer appelle nation de penseurs et de critiques. […] Nous l’avons vu cent fois figurer à l’Opéra-Comique ; c’est un type de coquetterie vulgaire qui appartient depuis longtemps aux théâtres de toutes les nations. […] Il faut bien le reconnaître, la France, malgré le bon sens et la finesse qu’elle a montrés en mainte occasion, n’a pas compris aussi vite que l’Allemagne, les nations mêmes qui bornent son territoire. […] Il est évident que le droit politique des nations régies par la maison de Bourbon repose sur une entorse donnée à la loi salique.

1406. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Depuis les victoires de Bonaparte en Italie, il était évident, en effet, que les généraux et leurs troupes, au lieu de dépendre du gouvernement central qui les soldait, devenaient au contraire, par les contributions levées en pays conquis, les trésoriers de la nation et les percepteurs à main armée du gouvernement.

1407. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Et s’il était séant de sortir un moment en idée de cette enceinte et du cercle même de la patrie, s’il était possible de se considérer et de se juger du dehors, j’ajouterais hardiment : Il était juste que, chez la nation réputée la plus aimable et qui est certainement la plus sociable entre toutes, la vertu se traduisît sous cette forme attrayante et douce ; qu’elle y reçût solennellement ces hommages émus et gracieux.

1408. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

» On a appelé la bataille de Leipsick « la bataille des nations. » Ce sont elles en effet, avec toutes les passions et les haines vengeresses accumulées, ce sont elles seules, ardemment accourues de tous les points de l’horizon, qui retournèrent le destin et qui triomphèrent.

1409. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Il en rencontrait plus aisément peut-être, et de mieux préparés, hors de France, chez les autres nations catholiques, où les mêmes petites embûches n’existaient pas.

1410. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Il est Français de littérature, de langue ; il ne l’est pas de nation, et il professe en pays allemand.

1411. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Bossuet, jugeant les révolutions des empires, pensait comme De Maistre ; lui aussi, il n’envisage des factions, des nations entières, que comme un seul homme sous le souffle d’en haut ; il les fait marcher et chanceler devant lui comme une femme ivre.

1412. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Tel a été le docteur Clarke ; tel était le fameux archevèque Tillotson ; tel était le grand Galilée ; tel notre Descartes ; tel a été Bayle, cet esprit si étendu, si sage et si pénétrant, dont les livres, tout diffus qu’ils peuvent être, seront à jamais la bibliothèque des nations.

1413. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

Mais dans l’état de société où nous sommes, le salut et la virilité d’une nation sont là et pas ailleurs.

1414. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Il a voulu garder la mythologie, à laquelle une nation chrétienne ne pouvait pas croire, il a voulu garder l’épopée, qu’un siècle de civilisation raffinée et de raison mûrie ne pouvait pas refaire ; et pour assurer une existence artificielle à ces choses si particulièrement attachées aux mœurs et à l’esprit des temps antiques, il a dû les dénaturer et leur attribuer une valeur fictive et toute de convention, selon les préjugés les plus étroits du goût contemporain.

1415. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Il conduit son héros par une nuit obscure au milieu de la steppe, devant un de ces tumulus antiques nommés kourgânes, qu’a laissés dans les plaines de la Russie une nation inconnue.

1416. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

M. de Chateaubriand a, je crois, soutenu quelque part que l’intrusion des hommes de lettres dans la politique active signale l’affaiblissement de l’esprit politique chez une nation.

1417. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Sans parler de l'Egypte, qui donna ses Dieux, avec les Arts, aux autres Nations, on fait que les Grecs & les Romains avoient, dans le temps même qu'ils furent le plus tolérans, un Magistrat pour veiller à la conservation de la Religion.

1418. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Les nations ont de ces crises fébriles où le sang étouffe dans leurs veines, et cherche, pour sortir, des issues violentes et rapides.

1419. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Malesherbes. » pp. 512-538

Comme premier président de la Cour des aides, la carrière de Malesherbes demanderait tout un chapitre ; il suivit la ligne de conduite des hommes les plus courageux et les plus indépendants de l’antique magistrature française, se signala par des remontrances énergiques et qui touchaient aux grands intérêts de la nation, ne rechercha en tout que la droite équité, et, s’il rencontra la popularité dans cette voie, du moins il n’y sacrifia jamais.

1420. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

La ligne honorable d’André Chénier s’y dessine déjà tout entière : Lorsqu’une grande nation, dit-il en commençant, après avoir vieilli dans l’erreur et l’insouciance, lasse enfin de malheurs et d’oppression, se réveille de cette longue léthargie, et, par une insurrection juste et légitime, rentre dans tous ses droits et renverse l’ordre de choses qui les violait tous, elle ne peut en un instant se trouver établie et calme dans le nouvel état qui doit succéder à l’ancien.

1421. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Dans une autre circonstance, comme la municipalité de Blérancourt faisait brûler en grande pompe, sur la place publique, la protestation que quelques membres de la minorité de l’Assemblée constituante s’étaient permise contre le décret favorable aux droits des non-catholiques : « M. de Saint-Just, dit le procès-verbal, a prêté le serment civique, et il a promis de mourir par le même feu qui a dévoré la protestation, plutôt que de refuser sa soumission entière à la Nation, à la Loi et au Roi. » On a prétendu même qu’il étendit la main sur le brasier, comme Scévola.

1422. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Aussi est-ce du fond du cœur qu’il adhère aux vœux et aux efforts des hommes généreux de toutes les nations qui travaillent depuis plusieurs années à jeter bas l’arbre patibulaire, le seul arbre que les révolutions ne déracinent pas.

1423. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

VI, § 8], comme il fait l’unité intellectuelle et morale d’une nation ; mais sa puissance est bonne ou mauvaise selon les cas ; elle n’est bonne que s’il est un langage bien fait252, et un langage bien fait n’est tel que par une attention constante donnée aux idées qu’il exprime.

1424. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Ajoutons que ce plaisir même n’est pas absolument semblable pour les différents peuples modernes ; que tel vers de Virgile doit paraître plus harmonieux à un Français, tel autre à un Allemand, et ainsi du reste ; mais que tout se compense de manière qu’il résulte en total pour chaque nation le même degré de plaisir harmonique de la lecture d’une page de Cicéron ou de Virgile.

1425. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

Ne voir dans une nation que les baïonnettes dont elle se hérisse à certaines époques, c’est avoir une âme d’anthropoïde que dissimule mal l’hypocrisie sentimentale et patriotique.

1426. (1894) Études littéraires : seizième siècle

 » — Aussi faut-il, de strict devoir royal, convoquer les États de la nation sinon périodiquement (Commynes n’est pas formel sur ce point), du moins toutes les fois qu’on prépare la guerre ou qu’on s’y attend. C’est remettre le droit de guerre et de paix à la nation, et Commynes s’en aperçoit fort bien ; mais ce n’est qu’une raison de plus d’agir ainsi ; car on évite de la sorte les guerres précipitées et capricieuses qui sont un des fléaux du monde. […] Ce médecin ne voit pas dans la justice autre chose que la santé du corps politique, et le livre de Rabelais n’est qu’un livre à l’honneur, au service et au profit de la santé, tant du corps que de l’âme, que de l’esprit, que de la nation et que du monde. […] Il proscrit mille nations pour s’en réserver une : « Moïse crie que Dieu ayant rejeté toutes les nations, il en a aimé une seule. […] Il est même amusant de la voir reparaître très éclatante, dans les dernières lignes de la conclusion : « Là donc, Français, marchez courageusement vers cette superbe cité romaine… Donnez en cette Grècementeresse et semez-y encore un coup la fameuse nation des Gallo-Grecs.

1427. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Est-ce à dire que toutes ces pérégrinations de l’esprit français, si importantes lorsqu’on les envisage dans leur rapport avec l’éducation générale de la nation, n’aient pas exercé souvent une influence fâcheuse sur le développement du génie poétique ? […] L’avènement de la liberté, l’affranchissement politique de la nation, chanté sous les verrous, sans amertume, sans colère, avec une foi profonde, que peut-on souhaiter de plus grand, de plus religieux ? […] Or, ces conditions ne sont pas créées par ma fantaisie ; elles sont respectées par toutes les nations qui possèdent une littérature ; elles étaient connues de l’antiquité, et l’Europe moderne, en les acceptant, n’y a rien changé. […] On parlait de l’antiquité avec dédain, et l’ignorance rendait le dédain facile ; ou ne citait plus qu’un seul vers d’Horace, le vers où il flétrit le troupeau servile des imitateurs, et, malgré toutes ces belles sentences, l’imitation des nations voisines avait succédé à l’imitation de l’antiquité. […] Puis tout à coup le soleil devient lune, et cette lune se laisse échancrer par l’aurore des nations jalouses de la gloire espagnole.

1428. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Il concevait les passions comme des sujets de monographies curieuses et savait que les nations périssent en un certain nombre de pages in-octavo. […] « C’est, dit-il, un corps séparé du grand corps de la nation, et qui semble le corps d’un enfant. » Et comme partout il célèbre chez les chefs et chez les soldats la vertu des vertus, le sacrifice, qui est la plus grande beauté du monde et qu’il faut admirer même quand il est involontaire ! […] Quelqu’un lui suggéra qu’il avait fait celui d’une grande nation — Oui ; mais le malheur de combien ? […] C’est ainsi qu’un poème ou un roman peut nous faire voir le peuple, la nation et la race, cachés souvent dans l’histoire par un rideau de personnages publics. […] Les nations ont l’instinct de ce qui leur est convenable et la France nouvelle trouvera peut-être l’enseignement dont elle a besoin pour ses enfants.

1429. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Il fallait simplement dire : “Le vœu de la nation s’est prononcé en faveur du nouveau souverain, le devoir de l’armée est de s’y conformer. […] Ceux que les nations suivent, ce sont les César, les Cromwell, les Louis XI, les Henri IV, les Richelieu, ce sont les grands politiques, ceux-là peuvent se montrer inflexibles et durs. […] Un homme, si intelligent et si actif qu’il soit, ne fait de grandes choses avec une grande nation que s’il l’aime et s’il sent son cœur battre à l’unisson du sien. […] Il prévoit que la trompette de l’ange ne répandra pas de sitôt son bruit merveilleux sur les sépulcres des nations. […] Le premier plan est formé par une haie de curieux, parmi lesquels se trouvent des citoyennes en robes claires, avec des ceintures aux couleurs de la Nation.

1430. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Bien plus, ils eurent eux-mêmes, dans la génération précédente, des ancêtres authentiques et, pour tout dire, on retrouverait aussi des exemples de la disposition qui leur était ordinaire dès la plus haute antiquité, et chez les nations les plus différentes. […] Cet acte de désespoir n’était guère dans les mœurs d’une nation légère et amoureuse de la vie. […] Donc, les différentes traditions, dont on recueille les vestiges à l’origine de toutes les nations, constituent, dans ce qu’elles ont de commun entre elles, le trésor de la vérité ; et le christianisme étant la plus pure de ces traditions, sa divinité est démontrée. […] Il présentait même cette particularité remarquable qu’il se faisait surtout sentir chez une nation, l’Italie, peu disposée, par son caractère national à s’y prêter, et chez laquelle nous n’en avons encore rencontré qu’un seul exemple. […] A la chute de l’Empire, beaucoup de Français, en rentrant dans leur patrie, y rapportaient des souvenirs recueillis, des goûts contractés chez les nations qui leur avaient donné asile.

1431. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Ajoutez que la nation était un peu de l’avis des docteurs. « Nous avons percé la nue des cris de Vive le Roi, dit Mme de Sévigné ; nous avons fait des feux de joie et chanté le Te Deum de ce que Sa Majesté a bien voulu accepter notre argent. » Ainsi tous conspirent à sacrifier leurs intérêts et à diviniser les siens. […] Sa majesté lionne un jour voulut connaître De quelles nations le ciel l’avait fait maître.

1432. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxiiie entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff »

Toutes les fois qu’un droit ou un rêve de liberté traverse la pensée morte d’une nation démembrée et ensevelie, elle ne doit attendre la résurrection que d’elle-même. […] C’est par des hommes tels que Tourgueneff que ses compatriotes se formeront peu à peu aux longues et patientes œuvres qui forment la littérature des grandes nations.

1433. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

Zola quand il a su mettre en relief les turpitudes et les crimes du régime napoléonien, mais nous lui reprochons d’avoir douté de la force ethnique de la nation française et de son énergie morale. […] Et cela est si vrai qu’au jour de la débâcle et du sinistre où tout semblait s’effondrer, la nation française diminuée en territoire, en population, en argent, s’est relevée toute seule par son courage, son intelligence et son héroïsme.

1434. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Il est donc presque impertinent de proposer à on homme de quelque valeur de faire une œuvre sérieuse pour l’Odéon, tant que la munificence des mandataires de la nation n’accordera à l’Odéon qu’une subvention de huit cent trente-trois francs trente-trois centimes par mois, somme que lui coûte la pose seule de ses affiches. […] Douée, comme centre, d’une puissance d’assimilation supérieure à celle de toutes les nations ses voisines, elle pouvait joindre à la raison et à l’esprit, qui sont ses qualités distinctives, qui sont ses dons naturels, la rêverie de Dante, l’humanité de Shakespeare, le pittoresque de Calderon, la fécondité de Lope de Vega, la passion de Schiller, le philosophisme poétique de Goethe.

1435. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

il y a des nations si heureusement situées, … etc. […] C’est comme une rélation de voyage, où l’on ne garantit ni la bonté des moeurs, ni celles des idées des peuples qu’on décrit ; et comme on n’éxige point du voyageur qu’il louë la religion, le gouvernement ni la morale des nations dont il rend compte, on ne doit pas non plus éxiger du traducteur, qu’il louë les auteurs qu’il veut faire connoître, et qui peuvent avoir des utilitez curieuses, indépendamment de la perfection de leur esprit. […] Ce qu’il y a de plus reçû, c’est que nôtre nation a été malheureuse en ce genre, et que nous y sommes demeurez bien au dessous d’Homere. […] Ils s’en sont tenus au plus aisé et au plus utile ; et le poëme épique étant devenu le partage des plus foibles, il n’est pas étonnant qu’ils n’ayent pas soûtenu en ce genre, la gloire de la nation.

1436. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Ceux qui se trouvent bien du monde tel qu’il est, ne peuvent aimer le mouvement… La minorité ne doit nullement se faire scrupule de mener contre son gré la majorité sotte ou égoïste… La seule portion de l’humanité qui mérite d’être prise en considération, c’est la partie active et vivante, c’est-à-dire celle qui ne se trouve pas à l’aise. » Ce n’est certes pas la majorité de la nation française qui, en 1789, fit la Révolution ; ce fut une minorité active et turbulente. […] Il résulte de cette définition même que, dans un pays peuplé de catholiques et de protestants, ces derniers sont, à coup sûr, l’élite de la nation, mais à condition qu’ils restent une minorité ; car la majorité s’endort vite dans un repos et dans un contentement funestes au progrès. […] Quand Victor Hugo appelle Paris la capitale du monde, on peut voir dans cette hyperbole l’emphase d’un chauvinisme puéril et superstitieux ; mais, à coup sûr, Paris demeure la seule capitale littéraire de la France, et c’est une plaisante chose que l’inutilité de tous les efforts que l’on continue de faire, en province et à Paris même, pour lutter contre cette centralisation monstrueuse qui absorbe toutes les forces vives de la nation. […] En France, pendant que nous voyons surtout ce qui nous différencie, le voyageur venu de loin n’aperçoit d’abord que les traits communs à toute la nation. […] On est égaré par ce grand fait qui s’est passé deux ou trois fois dans l’histoire, de littératures classiques dont le prestige s’est étendu à des nations très diverses, à des siècles très divers, et qui sont restées des modèles pour le genre humain.

1437. (1923) Au service de la déesse

Et il blâme les orateurs qui célèbrent à l’envi la prospérité de la nation. […] Il a découvert, appliqué du moins à l’anecdote séculaire des nations, une loi de l’histoire, qui lui permet d’interpréter et de classer les événements et de montrer de l’ordre dans le désordre apparent : une loi de l’histoire si impérieuse et si étendue que l’histoire d’Hérodote a quelque analogie, sous ce rapport, avec l’histoire de Bossuet : mais il n’a pas dit que cette loi de l’histoire tendît au bonheur et au salut de l’humanité. […] Les soldats de toutes nations, venus de partout, amis et ennemis, ont formé un étrange pays, séparé des nations : le pays des combattants. […] Ceux qui attendent la dictée de l’Esprit la guettent, parfois, avec tant d’impatience qu’ils sont bientôt les dupes de leur crédulité avantageuse : ils profèrent alors avec trop de voix de très petites inventions… « À cette ère nouvelle du monde, dont l’aurore est faite du sang des hommes, l’art doit s’égaler à la nation meurtrie : être sublime ou ne pas être. » À mon avis, c’est trop d’exigence et, du moment que l’on écrit, c’est trop d’ambition. […] Les ouvriers tiraient gloire de leurs premières années de travail et citaient qui les avait dressés. » Le nouveau système, qui a supprimé l’apprentissage, ne donne que des manœuvres ; c’est un malheur pour les ouvriers, c’est un malheur pour la nation.

1438. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Il était bon que cette rénovation littéraire fut considérée non plus de chez nous et du centre, mais du dehors et d’au-delà du Rhin, et qu’elle fût regardée et jugée par quelqu’un qui nous connût bien sans être des nôtres, qui fût de langue et de culture françaises, sans être de la nation même.

1439. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Ce fut un jury composé de peintres appartenant à toutes les nations de l’Europe qui lui assigna même le premier rang, en lui décernant la grande, médaille d’honneur.

1440. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

L’Académie, par lenteur et négligence, me semble bien près de laisser tomber de ses mains le sceptre de la langue que lui déférait la nation.

1441. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Épris de toute noble culture des arts et de l’esprit, admirateur, appréciateur d’Érasme comme de Léonard de Vinci et du Primatice, et jaloux de décorer d’eux sa nation, comme il disait, et son règne, propagateur de la langue vulgaire dans les actes de l’État, et fondateur d’un haut enseignement libre en dehors de l’Université et de la Sorbonne, il justifie, malgré bien des déviations et des écarts, le titre que la reconnaissance des contemporains lui décerna.

1442. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

C’est de là que date pour moi ma mésestime du gouvernement parlementaire d’alors, et mon goût pour la république ; gouvernement quelquefois terrible, mais au moins vigoureux et franc, où les dictatures ont la force des institutions, et qui font faire aux nations ce qu’elles veulent, et non pas ce que veut un groupe d’intrigants, mentant au peuple du haut de la presse et de la tribune, et faisant peur aux rois des peuples, et des rois aux peuples.

1443. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Je me retirai et je me promis de ne jamais revenir dans une maison où l’homme qui avait protesté le plus énergiquement contre l’usurpation de Juillet, et qui venait de passer deux ans en Orient pour n’avoir aucun rapport avec le gouvernement, était apparemment regardé comme un transfuge, pour avoir été nommé député par la nation, et pour avoir refusé au roi la moindre concession à son nouveau titre.

1444. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Alors on vit la culture la plus active étendre ses bienfaits sur cette belle et fertile contrée : non seulement ses plaines riantes et ses fécondes vallées furent couvertes de fruits, mais même le sol stérile et ingrat des montagnes fut forcé de payer un tribut à l’industrie du cultivateur ; et, sans reconnaître d’autre autorité que celle de sa noblesse et de ses chefs naturels, l’Italie était heureuse à la fois par le nombre et la richesse de ses habitants, par la magnificence de ses princes, par la grandeur et l’éclat imposant de plusieurs de ses cités… Abondante en hommes distingués par leur mérite dans l’administration des affaires publiques, illustres dans les arts et dans les sciences ; elle jouissait au plus haut degré de l’estime et de l’admiration des nations étrangères.

1445. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Jamais, non, jamais, je n’ai considéré cette aiguille des secondes, cette flèche si inquiète, si hardie et si émue à la fois, qui s’élance en avant et frémit comme du sentiment de son audace ou du plaisir de sa conquête sur le temps ; jamais je ne l’ai considérée sans penser que le poète a toujours eu et doit avoir cette marche prompte au-devant des siècles et au-delà de l’esprit général de sa nation, au-delà même de sa partie la plus éclairée. » JEAN MORÉAS.

1446. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Le plus à la mode alors, le cavalier Marin, s’en vengea par des épigrammes ; mais Malherbe eut plus que les rieurs de son côté, il eut la nation.

1447. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

C’est ce qui appartient en propre à la nation pour laquelle on écrit ; l’auteur doit les rendre à la langue telles qu’il les a reçues.

1448. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Mais si nous entrons dans cette voie, qui aura le courage de la suivre et s’il faut sacrifier l’inférieur, devra-t-on négliger sa famille pour une famille que l’on juge meilleure, et trahir sa patrie au profit d’une autre nation de civilisation supérieure, sera-ce un devoir strict ?

1449. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Dans la première partie sont de curieuses citations, notamment celle-ci de Herder : « Si le musicien ordinaire qui met orgueilleusement la Poésie au service de son art, descendait de ses hauteurs, il s’appliquerait, autant du moins que le permet le goût de la nation pour laquelle il compose, à traduire dans sa musique les sentiments des personnages, l’action du drame et le sens des mots.

1450. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Les wagnéristes de toutes nations ont connu et admiré ces lithographies admirables, que recommandait encore l’extrême habileté technique.

1451. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

La maison de Bourbon, brillante de qualités qu’il faut reconnaître, malgré le prestige d’une attitude chevaleresque et l’éclat de l’épée, qui sera toujours la fascination irrésistible dans une nation de soldats, la maison de Bourbon est morte… de ses mauvaises mœurs.

1452. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Ni les événements sur lesquels je comptais pour élever son talent à la même puissance qu’eux, ces événements d’un moment unique dans l’Histoire : l’incendie de Rome sous Néron, l’état du inonde d’alors, et ce siège de Jérusalem, aussi exceptionnel par l’énergie que la nation qui le soutint, n’ont exalté dans M. 

1453. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

En même temps, sous les formes du pouvoir absolu auxquelles était partout ramenée la race hellénique, par l’étendue même de ses victoires et son mélange avec les nations esclaves d’Asie, toute cette part d’esprit et de feu qui, chez ce peuple le plus ingénieux de la terre, s’était longtemps exhalée en débats de cités rivales, en luttes jalouses de grands orateurs, en procès publics et privés, semblait n’avoir désormais qu’une seule ambition et qu’une seule issue, la culture savante des esprits, l’activité et la gloire de l’étude.

1454. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXI. »

Ces nations belliqueuses sont occupées à se défendre elles-mêmes ; et, ne le fussent-elles pas, qui peut me faire offense ?

1455. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Mais les Anglais, et, en général, des chrétiens d’une nation quelconque, n’auront jamais aucune influence morale sur les populations musulmanes indigènes. […] Il n’y a point de raison pour suspecter la bonne foi de Barère, quand il raconte dans ses Mémoires que Condorcet, chargé de rédiger une adresse aux nations de l’Europe, « y parlait à deux reprises des scènes sanglantes de la Révolution et y rejetait, au nom de la nation, les massacres du 2 septembre sur ses exécrables auteurs et sur les ennemis aussi hypocrites qu’atroces de nos principes et de notre liberté ». […] » Alors, j’ai senti, j’ai compris que ce jour-là, comme jadis, ceux-ci comme ceux-là étaient, conscients ou non, les complices de l’envahisseur ; que, l’Empereur renversé, c’était la patrie livrée ; que ce serait demain comme ç’avait été hier, et que, bien plus encore contre l’Europe monarchique que pour nous-mêmes, les Napoléons et la nation étaient inséparables, parce que ceux-là seuls faisaient que celle-ci fût redoutable. […] « La terre entière, continuellement imbibée de sang, n’est qu’un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu’à la consommation des choses, jusqu’à l’extinction du mal, jusqu’à la mort de la mort. » Aussi, bien que les déplorant au point de vue du principe d’autorité, envisage-t-il d’un œil assez sec les exploits de nos jacobins et les supplices de l’Inquisition, aussi salue-t-il le bourreau comme représentant la divinité, s’écriant : « Malheur à la nation qui abolirait les supplices. » Mais, comme il faut que toute médaille ait son revers et que la nature se plaît à juxtaposer les contrastes sans rompre son harmonie ou plutôt pour la rétablir, elle a voulu que ce catholique pratiquant fût affilié à une loge de francs-maçons et que ce défenseur du trône écrivît : « Vive la France, même républicaine ! 

1456. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Aux Français qui se laisseraient affliger par les signes mauvais que donne la politique, il conseillait de ne pas croire que la vie de la nation fût toute révélée par son exécrable Parlement. […] Par exemple, il donnait volontiers des conseils aux nations. […] Peu s’en fallut que cette romanesque aventure n’accomplît, pour le bien des deux nations, l’alliance de la Russie et de la France. […] La diplomatie de la plus forte nation n’est pas libre. […] Certains régimes lui ont semblé, mieux que d’autres, capables de développer l’influence extérieure de notre nation : mais il n’en a pas vu un seul qui portât en lui « un principe absolu de force et de durée ».

1457. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre III. Le lien des caractères généraux ou la raison explicative des choses » pp. 387-464

. — Caractères généraux des individus d’une époque, d’une nation ou d’une race. — La psychologie. — Caractères généraux des éléments de la connaissance. — Tous ces caractères généraux sont des intermédiaires explicatifs. — Ils sont d’autant plus explicatifs qu’ils appartiennent à des facteurs primitifs plus généraux et plus simples. — L’explication s’arrête quand nous arrivons à des facteurs primitifs que nous ne pouvons ni observer ni conjecturer. — Limites actuelles de la physiologie, de la physique et de la chimie. — Par-delà les facteurs connus, les facteurs inconnus plus simples peuvent avoir des propriétés différentes ou les mêmes. — Selon que l’une ou l’autre de ces hypothèses est vraie, l’explication a des limites ou n’en a pas. […] Elle n’est qu’un effet comme tant d’autres, et, comme tous les autres, elle a pour raison la présence combinée d’un groupe de conditions fixes et d’un groupe de conditions changeantes. — Pour former la planète, il y avait une condition fixe, la gravitation des molécules gazeuses emportées autour du noyau central, et une condition changeante, le refroidissement progressif, par suite la condensation graduelle de ces mêmes molécules. — Pour former l’espèce, il y avait une condition fixe, la transmission d’un type général plus ancien, et des conditions changeantes, les circonstances nouvelles qui, choisissant les ancêtres ultérieurs, ajoutaient au type les caractères de l’espèce. — Pour former telle époque historique, il y avait une condition fixe, le maintien du caractère national, et une condition changeante, l’état nouveau dans lequel, au sortir de l’époque précédente, la nation se trouvait placée. — Il suit de là que, dans les questions d’origine, il y a un intermédiaire explicatif et démonstratif comme dans les autres ; que la réunion des éléments a sa raison d’être, comme les caractères du composé ont leur raison d’être ; qu’elle est un produit comme eux, et que toute la différence entre les deux produits consiste en ce que, le premier étant historique et le second n’étant pas historique, le premier enferme un facteur de plus que le second, à savoir l’influence du moment historique, c’est-à-dire des circonstances préalables et de l’état antécédent.

1458. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Samedi 24 décembre Si, à la suite des révélations de toutes les canailleries parlementaires, il n’y a pas une révolution, une émeute, au moins un bouillonnement dans la rue, ça prouvera que la France est une nation qui n’a plus de fer dans le sang, une nation anémiée, bonne pour la mort par l’anarchie ou par la conquête étrangère.

1459. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Dans la Cina, une robuste et véhémente Italienne, l’auteur avait voulu évidemment symboliser l’Algérie future, la nouvelle race, la nouvelle nation, faite de sang latin. […] Puisque cette haine du père s’est apaisée après la mort dans l’intelligence, puisque l’homme de colère a déposé devant la vérité posthume son injurieux fardeau, puisque le même tombeau, par une loi supérieure à l’individu, doit réunir ceux que l’erreur de la vie sépara, ce qui est vrai d’une famille n’est-il pas vrai d’une nation, ce qui est vrai d’une nation n’est-il pas vrai de l’humanité ? […] C’est presque un lieu commun que de dire que l’Anglais est un homme et l’Angleterre une nation pour lesquels la durée existe, possède une vertu propre, crée un droit, une vérité, une beauté. […] Certes, ces temps tragiques ont pu nous donner un sens de la destinée aussi profond et aussi clair que celui où s’est formée l’intelligence dramatique et historique des Grecs ; ils ont levé sur des nations écroulées et sur des idées en ruines, des figures de marbre qui se dévoilent à peine et nous éclairent déjà ; mais l’humble et le quotidien sont formés dans le même ordre que ces grandes effigies, et nous retrouvons sur les figurines de terre cuite la ligne des statues faites pour les bois sacrés. […] Ces cadres, empruntés de la politique dorienne, subsistent dans Platon, le grand initiateur érotique et mystique de notre civilisation européenne : on les retrouve dans le stoïcisme des Romains, appuyés sur l’expérience gouvernementale de leur aristocratie guerrière ; puis dans le Christianisme ecclésiastique, héritier pour une si grande part des philosophies méditerranéennes antiques, enfin chez les grandes nations anglo-saxonnes contemporaines, qui ont conservé jusqu’ici un christianisme suffisamment rationnel comme contre-poids à leurs fréquentes velléités mystiques.

1460. (1898) La cité antique

Ils ne ressemblaient même pas à Brahma qui était au moins le dieu de toute une grande caste, ni à Zeus Panhellénien qui était celui de toute une nation. […] Il est bien vrai que ces croyances ont pu subsister ensuite, et même fort longtemps, lorsque les cités et les nations étaient formées. […] Enfin chaque famille a son chef, comme une nation aurait son roi. […] Par bonheur, les dieux avaient d’autres moyens de révéler leur volonté ; un prêtre messénien eut un songe où l’un des dieux de sa nation lui apparut et lui dit qu’il allait se fixer sur le mont Ithôme, et qu’il invitait le peuple à l’y suivre.

1461. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

Villemain, je conçois très bien, par les sentiments et les passions quasi légitimes qui régnaient alors dans toute une partie de la société et de la nation, qu’il ait fait son fameux compliment à l’empereur Alexandre.

1462. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Les objections au genre de succès que nous appelons de tous nos vœux et qui nous semble désirable pour l’honneur moral d’une nation chez qui la classe moyenne adopterait Jocelyn, autant que pour la fortune de Jocelyn lui-même, ces objections se tireraient plutôt, selon nous, des longueurs du livre et de certaines abondances descriptives ; car on peut dire plus que jamais de Lamartine en ce poëme, comme il dit de certains arbres des Alpes au printemps :   La sève débordant d’abondance et de force  Coulait en gommes d’or aux fentes de l’écorce.

1463. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Violer tous les droits d’une nation pour les rétablir, est à la fois l’inconséquence la plus étrange et l’action la plus injuste.

1464. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Voilà pourquoi il est si doux d’entendre un chant ; voilà pourquoi aussi, dans tous les temps et dans tous les lieux, les nations aiment leurs poètes et leurs musiciens.

1465. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIe entretien. Trois heureuses journées littéraires » pp. 161-221

Nous avons, comme un autre, les passions nobles et collectives du temps où nous vivons ; nous aimons avec une sainte ardeur la liberté régulière, le patriotisme honnête renfermé dans les bornes du droit public, la grandeur irréprochable de notre pays, pourvu que cette grandeur de la patrie ne soit pas l’abaissement des autres nations, qui ont le même droit que nous de vivre grandes sur le sol et sous les lois que le temps a légitimées pour tous les peuples.

1466. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

« Combien n’avait-il pas fallu d’efforts à son fils pour l’empêcher de pénétrer dans le conseil, et de venir répondre elle-même aux ambassadeurs des nations étrangères.

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