/ 1703
1194. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Et pour ce qui regarde l’Académie, sa modération sera très estimable quand elle répondra à des injures par des prières, et qu’elle n’enviera pas à un chrétien les ressources qu’offre l’église pour apaiser la colère divine.

1195. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VI. »

La barbarie musulmane accable encore de son ignorante apathie une part de ces îles jadis si brillantes sous l’idolâtrie des arts, et où la civilisation chrétienne, enfin maîtresse, amènerait si vite le progrès moral et le bonheur, comme l’atteste déjà l’exemple des îles Ioniennes, même sous un protectorat sévère et un joug étranger.

1196. (1888) Impressions de théâtre. Deuxième série

Vous, chrétienne, savez-vous bien à quoi vous condamnerez cette innocente enfant, en lui fermant ainsi tous les foyers honnêtes ? […] Oui, si j’étais un très bon chrétien, je condamnerais véhémentement les historiettes de M.  […] En fait d’art original, le monde romain est au niveau des Daces et des Sarmates ; le cycle chrétien tout entier est barbare. […] L’un est un nihiliste harmonieux, ignorant et reclus ; l’autre est un moraliste chrétien abondamment renseigné par des épreuves variées et plongé en pleine vie contemporaine. […] Il ne s’emporte jamais, il comprend Polyeucte, il comprend Pauline, il admet les chrétiens, il admet les païens, il admet tout ; mais qu’est-ce que cela nous fait, la sagesse au théâtre ?

1197. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

L’homme le plus pieux, le plus animé de dispositions chrétiennes, verra son ardeur se répandre en fumée, s’il n’appartient pas à une institution fixe. […] Il y a du magicien, de l’alchimiste, du sectateur de sciences occultes dans l’auteur de l’Instauratio magna ; il y a du mystique, du chrétien pieux et fervent dans le déiste lord Herbert, et par parenthèse il est intéressant de voir une fois de plus par son exemple combien les commencements de toute doctrine, même la plus sèche et la plus nue, sont toujours mystiques. […] Outre le Barde endormi, il a laissé un livre de conseils aux professeurs chrétiens, écrit également en langue galloise. […] John Bunyan était aussi un sectaire, et un sectaire fanatique à un point où ne le fut jamais l’honnête Elis Wyn, et cependant le chrétien le plus hostile à son Église, pour peu qu’il ait le sentiment vrai de la religion, lira toujours le Pilgrim’s progress avec édification, et le philosophe le moins chrétien, pour peu qu’il ait cherché la vérité avec amour, y reconnaîtra ses doutes, ses désespoirs et ses tressaillements de joie. […] Essayons avec son aide de présenter au lecteur le portrait fidèle d’un des plus beaux esprits du dernier siècle et du plus étrange ecclésiastique qui fut jamais dans aucun pays chrétien.

1198. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Comment M. de Lamartine, qui a souvent célébré la foi chrétienne en paroles si magnifiques, a-t-il pu descendre jusqu’à inventer de tels enfantillages ! […] La foi chrétienne joue un rôle important dans la peinture de l’amour tel que le comprend M. de Lamartine ; aussi n’est-il pas permis de confondre cette élégie passionnée avec les élégies païennes, car le polythéisme n’avait rien de commun avec le sentiment exprimé par le poète français. […] Je n’aime pas la vérité chrétienne rongée par la rouille des temps . […] Entre le point de départ et le point où nous sommes parvenus, il y a un tel espace, que nous avons presque oublié les destinées de la foi chrétienne pour ne songer qu’à la splendeur éphémère des empires, aux erreurs baptisées du nom de vérité qui se détrônent tour à tour avant de s’abîmer dans le néant. Ainsi l’inspiration du poète, chrétienne au début, s’altère à son insu, et prend un caractère cosmopolite et purement philosophique.

1199. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

La mélancolie païenne venait de l’absence de convictions : la mélancolie chrétienne prend sa source dans les profondeurs de la foi. Au surplus, le chrétien ne pourra jamais être pessimiste absolu. […] Il est vrai que Chateaubriand, comme Fontanes, tombait dans autre erreur en faisant de la mélancolie un attribut exclusif de la religion chrétienne. […] Est-ce que le bon chrétien n’est pas comme dans un festin continuel ? […] La solution chrétienne apparut un jour à son intelligence, et, vers 1824, il entrait au séminaire de Saint-Sulpice.

1200. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Dumas n’était pas chrétien et il avait tout un côté de son esprit ouvert du côté du mystérieux… Il lisait la Bible avec une espèce d’horreur sacrée et de frisson voluptueux. […] Elle, elle est très distinguée, très scrupuleuse, très délicate, très pure, très bonne chrétienne et duchesse de Chailles. […] Yvonne est chrétienne profondément ; Morey est athée radicalement. […] Or, dans la pièce, cette Jeanne d’Arc de la juiverie commence par se faire chrétienne pour épouser un comte de Chouzet et continue en s’unissant par union libre avec le chrétien Michel Aubier. […] Elle a trop de désirs pour n’être pas chrétienne. — Lune de miel passée, elle s’aperçoit que son petit camarade est un simple jeune daim et, très « intellectuelle », elle le méprise.

1201. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Les significations occultes pas plus que les symboles chrétiens ne l’ont un instant troublé. » Eh bien ! […] Il s’est penché sur le corps en fleur de la bien-aimée, avec le même sentiment d’extase qu’un chrétien qui s’agenouille devant l’hostie. […] L’Écriture a formé les chrétiens. […] Les poètes écriront l’épopée de l’Humanité, Si les créatures aujourd’hui sont inertes et veules, incapables d’un effort moral, c’est que la théologie chrétienne a trop insisté sur leur laideur.

1202. (1925) Dissociations

Cela va confirmer le populaire dans sa traditionnelle croyance que, malgré l’adage également traditionnel, c’est l’argent qui fait le bonheur et qu’on ne saurait en posséder trop, et qu’il faut tout sacrifier à sa possession, exactement comme un chrétien devrait sacrifier tout à la conquête de la bienheureuse vie éternelle. […] Les jeunes filles chrétiennes que l’on faisait danser dans l’arène étaient certainement nues. […] Que dirait la vieille Europe si profondément chrétienne ? […] Ils ont été longtemps à comprendre qu’il vaut peut-être mieux en tirer parti que de les persécuter ; mais ils y sont venus enfin, et voilà qu’ils convient les sectes chrétiennes à prier pour la nouvelle République.

1203. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Pour approcher de ce lit respectable, pour ouvrir à cette sainte les portes chrétiennes de l’éternité, Amaury est un trop jeune prêtre ; il n’a pas assez lavé ses souillures ; il n’a pas mérité, par une assez longue expiation, de recevoir entre ses bras cette âme délicate et tendre, qu’il a si outrageusement méconnue. […] Ce précepte est, à mon avis, d’un grand sens ; et il signale une différence trop peu remarquée entre la morale du paganisme et celle que la religion chrétienne a établie sur ses ruines, entre les procédés de la philosophie ancienne et les pratiques de la foi nouvelle, entre les satiriques païens et les prédicateurs catholiques. […] Relevez-vous donc, Amaury, non seulement parce que vous êtes chrétien, mais parce que vous êtes homme ! […] Chrétien fervent, gentilhomme éprouvé, il a osé défendre les vieilles croyances du pays, son vieux dogme politique, son vieil honneur, sa vieille histoire, avec un style jeune et brillant comme le siècle qui commençait, ce siècle qui venait au monde au bruit du canon de Marengo.

1204. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

« — Oui, tu fais là la peinture de la charité chrétienne. […] l’amour, le grand, le véritable amour, n’est-il pas la charité chrétienne appliquée et comme concentrée sur un seul être ? […] L’amour est le plus égoïste des sentiments, le plus inconciliable avec la charité chrétienne. […] Vous n’avez plus ni la foi chrétienne ni la foi philosophique. […] Je sais bien que même des moralistes chrétiens se sont montrés très indulgents pour le roman, et l’ont quasi prôné comme un amusement bienfaisant.

1205. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

Son génie plastique, pittoresque, précis, païen, est très différent du génie impalpable, spiritualiste, chrétien de Lamartine. […] Nous avons laissé massacrer, sans même oser frémir, trois cent mille chrétiens d’Orient, dont nous nous étions constitués, par nos traditions, les protecteurs augustes et vénérés. […] Il manque d’esprit chrétien, à moins que l’esprit chrétien ne consiste exclusivement à voir partout l’horreur du péché originel. […] Et les revolvers partent tout seuls, au risque de tuer des chrétiens selon le « rite anti-juif ». […] Il est chrétien et il aime les fêtes païennes.

1206. (1923) Au service de la déesse

Plusieurs groupes de partisans montrent une pareille inclémence contre la littérature chrétienne et généralement contre toutes opinions qui ne sont pas les leurs. […] Puis, Rousseau étant à l’inverse du christianisme, c’est donc Voltaire, le chrétien ? […] Leurs ouvrages, malgré leur projet religieux, sont imparfaitement chrétiens. Leurs âmes chrétiennes revêtent le costume païen. […] Claudel a retrouvé l’esprit véritablement chrétien d’une époque où le sentiment religieux était dans sa pureté absolue.

1207. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

» Pas si bêtes, puisqu’à bien regarder les ablutions (par exemple) des Juifs et le carême des Chrétiens ont été institués pour des raisons hygiéniques indiscutables. […] madame, dit le prêtre, vous êtes une chrétienne, et ce que vous dites n’est pas chrétien. […] Ce fut une protestation comme celle de ces pauvres chrétiens des premiers siècles, qui parfois, à leurs risques et périls, au milieu de la foule idolâtre, allaient insulter les idoles, en attendant qu’il plut au dieu caché de susciter une main assez forte pour les jeter bas. […] « Elles lui donnèrent à ce dernier moment de sa vie tout le secours édifiant que l’on pouvait attendre de leur charité, et il leur fit paraître tous les sentiments d’un bon chrétien et toute la résignation qu’il devait à la volonté du seigneur. […] Loin de vouloir piller Racine, je voulais au contraire, si quelqu’un s’avisait par hasard de l’analogie, montrer, comme je l’ai dit, la différence des sentiments entre une maîtresse et une épouse, entre une musulmane et une chrétienne, entre la passion et l’amour.

1208. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

En fait d’art original, le monde romain est au niveau des Daces et des Sarmates ; le cycle chrétien tout entier est barbare. […] J’ai peu le goût du prosélytisme, et la solitude ne m’effraie pas ; mais je suis trop vieux de trois mille ans au moins, et je vis, bon gré mal gré, au dix-neuvième siècle de l’ère chrétienne. […] Aussi l’Antiquité, libre de penser et de se passionner, a-t-elle réalisé et possédé l’idéal que le monde chrétien, soumis à une loi religieuse qui le réduisait à la rêverie, n’a fait que pressentir vaguement.

1209. (1902) Le critique mort jeune

Paul Bourget avait fait déjà un essai de cette nature dans sa récente « Monique », une de ces longues nouvelles qu’il construit avec une solidité admirable, dans laquelle il a traduit à la fois le dogme chrétien de la réversibilité, qui lui est particulièrement cher, et, dans le personnage d’un artisan comme on n’en voit plus guère, présenté sa conception corporative des métiers. […] Le sujet propre de « l’Étape », ce sont les malheurs par lesquels cette famille paie (un chrétien comme M.  […] On pense bien que Jean Monneron ne s’est pas libéré de l’illuminisme révolutionnaire pour tomber dans un bas mysticisme chrétien. […] On y distingue aussi une ironie supérieure et qui fait songer au mot d’un Père de l’Église, Lactance, le chrétien Lactance : « Justitia speciem quamdam stultitiæ habet. » Ce qu’on pourrait traduire librement ainsi dans l’aventure de ce pauvre idéaliste : L’homme de la Justice fait une figure de sot. […] Au fond il demeurait le même : esprit logique et abstrait, il s’attachait aux idées, les aimait assez pour se complaire à leur discussion, pour accorder à celles qu’il jugeait fausses une part de vérité ; il se faisait illusion à lui-même avec les grands mots vagues et doux de libéralisme et de démocratie chrétienne ; entré dans cette voie… il y marchait en soldat, sans dévier, sans se demander s’il ne s’était pas trompé au départ.

1210. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. RODOLPHE TÖPFFER » pp. 211-255

Prévère s’en est brisé, et il échappe devant tous en de chrétiennes plaintes. […] Pour l’énergie et l’onction, il a des parties du grand orateur chrétien.

1211. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIe entretien. Le Lépreux de la cité d’Aoste, par M. Xavier de Maistre » pp. 5-79

Rappelle-toi, lorsque tu la verras, que mon dernier vœu fut que tu pusses vivre ou mourir en bon chrétien. […] Isolé sur le bord du bois, auprès d’un champ désert, il reçoit les derniers rayons du soleil couchant, etc., etc. » Et la mort chrétienne et réfléchie de sa sœur !

1212. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

La physionomie étrange, terrible de ces saints, plus druides que chrétiens, sauvages, vindicatifs, me poursuivait comme un cauchemar. […] Le paganisme se dégageait derrière la couche chrétienne, souvent fort transparente.

1213. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Le drame indien finit comme finirait logiquement le drame chrétien, si le drame moderne, plagiat des littératures antiques, n’était pas plus véritablement païen qu’il n’est chrétien.

1214. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Geoffroy de Villehardouin. — II. (Fin.) » pp. 398-412

Parlant de ces habitudes asiatiques et lâchement cruelles par lesquelles ces empereurs grecs rivaux se réconciliaient en apparence, faisaient mine de s’embrasser, s’invitaient à des festins, et se crevaient les yeux à l’improviste, Villehardouin nous dit : « Jugez maintenant s’ils étaient dignes de tenir la souveraineté et l’empire, des hommes qui exerçaient de telles cruautés les uns envers les autres ; qui se trahissaient les uns les autres si déloyalement. » S’il y a quelque moralité naturelle dans cette croisade des Français d’alors et dans leur victoire sur Byzance, elle est tout entière dans cette réflexion, qui était aussi celle de Baudouin et de son frère, de ces nouveaux empereurs, vrais chrétiens et honnêtes gens.

1215. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — I. » pp. 131-146

Sur ce refus, j’alléguai la loi de l’empereur Théodose, qui, après avoir commandé par colère et trop précipitamment la mort d’un grand nombre de chrétiens, fut rejeté de la communion par saint Ambroise, qui le contraignit de venir à pénitence, et, pour une entière satisfaction, faire une loi par laquelle défense était faite aux gouverneurs en l’administration de la justice qui présidaient dans les provinces, de ne faire à l’avenir exécuter tels mandements extraordinaires qui étaient contre l’ordre et la forme de la justice, sans attendre trente jours, pendant lesquels ils enverraient à l’empereur pour avoir nouveau commandement en bonne et due forme ; ainsi qu’il fallait envoyer promptement au roi… Grâce à cet avis d’une ferme et respectueuse résistance qui prévalut et fut adopté, avant même qu’on eût envoyé vers le roi, le contrordre eut le temps d’arriver de Paris : la Bourgogne fut garantie du crime et du malheur commun, et le nom du comte de Charny est inscrit dans l’histoire à côté de ceux du comte de Tendes, de MM. de Saint-Hérem, d’Orthez et d’un petit nombre d’autres, comme étant resté pur de sang dans l’immense massacre.

1216. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — I — Vauvenargues et Fauris de Saint-Vincens » pp. 1-16

On trouve, en effet, chez lui de belles pensées qui semblent n’avoir pu être conçues que par un chrétien, à côté d’autres pensées qui semblent ne pouvoir être que d’un philosophe.

1217. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Si l’on voulait, à toute force, tirer une leçon du livre, rien ne serait plus aisé : les moralistes chrétiens ont parlé souvent en termes généraux, mais avec une grande vérité, des misères de la passion et de l’enfer des jalousies ; on en a ici un exemple à nu, on a un damné qui sort de son gouffre et de son cercle dantesque pour nous faire sa confession atroce et d’une énergie truculente.

1218. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Souvenirs et correspondance tirés des papiers de Mme Récamier » pp. 303-319

L’excellent homme nous fait quelquefois sourire ; nous lui reprochons presque comme un tic ce qui n’est que l’idée fixe de sa très chrétienne amitié.

1219. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Son père, fort considéré en Bresse, de bonne et honnête race bourgeoise, avait abondé dans le sens du mouvement de 89 et avait été l’un des principaux rédacteurs du cahier de la ville de Pont-de-Vaux : avec cela, homme de principes religieux et bon chrétien.

1220. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

On ne sait pourquoi il fait grâce en un endroit à Montaigne, lequel pourtant a dit en son joli langage : « Et moi, je suis de ceux qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » M. de Laprade prend même le soin de rassurer les chrétiens, les âmes religieuses, contre l’ironie de Montaigne.

1221. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

J’ai vu de ces autres chrétiens et catholiques libéraux qu’on lui oppose et que j’honore, de ces hommes d’une certaine sagesse : les jours où l’on ne prenait pas le Mamelon-Vert, l’un d’eux me disait avec un petit ris sardonique : « Et cela prouve qu’il ne faut pas aller à Sébastopol. » Courte sagesse, qui tendrait à priver une nation de ses tressaillements les plus sublimes !

1222. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Contes de Perrault »

Ils sont d’une tout autre étoffe, d’une tout autre provenance que tant de contes imaginés et fabriqués depuis, à l’usage des petits êtres qu’on veut former, instruire, éduquer, édifier même, ou amuser de propos délibéré : Contes moraux, Contes philanthropiques et chrétiens, Contes humoristiques, etc.

1223. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Biot qui venait de mourir : « C’était un savant du premier ordre, un chrétien des premiers temps, et l’un de mes amis les plus dévoués » On fait plus qu’entrevoir par là que le savant était resté en, relation avec le parti légitimiste, de même qu’il s’était mis en règle avec le parti religieux.

1224. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Chateaubriand, jugé par un ami intime en 1803, (suite et fin) » pp. 16-34

Quoi de plus ordinaire en public que la profession et l’affiche de tous les sentiments nobles, généreux, élevés, désintéressés, chrétiens, philanthropiques ?

1225. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

Les questions, les répliques s’entre-croisent ; c’est un vrai dialogue et sur le sujet le plus sensible, le plus émouvant, le plus tendre au cœur des chrétiens.

1226. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

Or, Mme la comtesse Agénor de Gasparin, — c’est elle en toutes lettres, — femme d’un homme de cœur et d’un homme de bien, Genevoise de famille et de naissance, de la haute bourgeoisie ou de l’aristocratie de cette république (c’est tout un), passant certaines saisons à Paris, mais établie et vivant plus ordinairement en son château ou manoir au pied du Jura suisse, dans le canton de Vaud, dans le pays de Glaire d’Orbe, a publié, en ces dernières années surtout, une série d’esquisses, d’impressions morales ou pittoresques, de tableaux paysanesques ou alpestres avec intention et inspiration chrétienne très-marquée46, toute une œuvre qu’il est naturel de rapprocher des Lettres et Journaux d’Eugénie de Guérin.

1227. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Un autre jour, le poëte, errant dans Rome, vient à découvrir qu’une église y est dédiée au pauvre évêque breton, à Malo, sous le nom italien de saint Mauto, et dès ce moment, pendant bien des journées, il ne pense plus qu’à son patron chéri ; si Saint-Pierre est, un soir, illuminé en l’honneur de quelque saint inconnu, il se dit que c’est pour le sien ; et, tout fier d’avoir signalé la basilique cachée, il s’écrie : Patron des voyageurs, les fils de ton rivage, Venus à ce milieu de l’univers chrétien, Connaîtront désormais ton nom italien, Et tu seras un but dans leur pèlerinage.

1228. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Sur la reprise de Bérénice au Théâtre-Français »

Bérénice, qui est si peu Juive, est déjà chrétienne, c’est-à-dire résignée : elle retournera en sa Palestine, et y rencontrera peut-être quelque disciple des apôtres qui lui indiquera le chemin de la Croix.

1229. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

La Fontaine, avec Molière, représente dans la littérature classique une tradition libertine, qui subsiste entre la tradition chrétienne et la doctrine cartésienne.

1230. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Est-ce parce que le sentiment chrétien, dont le moyen âge était pénétré, répugne au fond à la beauté proprement artistique et littéraire, comme à quelque chose qui tient trop à la matière et à la chair et dont la séduction a je ne sais quoi de païen et de diabolique ?

1231. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

Mais Wagner voulait faire ressortir le caractère chrétien de son œuvre et de son héros, pour l’opposer au paganisme agonisant personnifié dans Ortrud.

1232. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Si, à un certain moment, elle s’est convertie à Dieu, ce dut être au Dieu des chrétiens, au Dieu du crucifix, au seul Dieu enfin que confessât alors son amant.

1233. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Madame Récamier. » pp. 121-137

Elle allait au péril en souriant, avec sécurité, avec charité, un peu comme ces rois très chrétiens du vieux temps, un jour de semaine sainte, allaient à certains malades pour les guérir.

1234. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Walckenaer. » pp. 165-181

Il n’avait jamais été irréligieux ; dans les dernières années, il se laissa gagner aux impressions et aux croyances chrétiennes, auxquelles l’associait son aimable et respectable épouse.

1235. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Saint Anselme, par M. de Rémusat. » pp. 362-377

On a cité de lui dans ses derniers moments, et au milieu de toutes ses résignations chrétiennes, une parole qui montre la persistance naïve du métaphysicien en lui.

1236. (1876) Du patriotisme littéraire pp. 1-25

C’est que notre littérature du dix-neuvième siècle a sur ses aînées cet incontestable avantage d’être plus accessible à tous et plus aimante pour tous, d’exprimer des sentiments plus fraternels et des idées plus généreuses, de se révéler plus philanthropique et, quoi qu’on dise, plus chrétienne, de porter sur elle-même le double signe des temps nouveaux, l’amour et la justice !

1237. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 16, des pantomimes ou des acteurs qui joüoient sans parler » pp. 265-295

Saint Cyprien, dans la lettre qu’il écrivit à Donat pour lui exposer les motifs de sa conversion à la religion chrétienne, dit que les spectacles qui font une partie du culte des païens, sont pleins d’infamies et de barbarie.

1238. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Et de même chez les chrétiens on proclama, d’une façon aussi absolue, que les paroles et la vie de Jésus-Christ constituaient les Écritures.

1239. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Camille Mauclair sont presque des lieux communs des prédicateurs chrétiens (voyez le sermon sur la haine de la vérité et bien d’autres de Bossuet), lorsqu’ils veulent marquer la place de la société spirituelle de l’Église, dans le monde qui la déteste et l’assaille.

1240. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIV. »

J’ai vu, j’ai souffert le supplice de voir Hector traîné à la queue d’un char il quatre chevaux, et le fils d’Hector précipité des remparts164. » Ce n’est point là sans doute la tendre et touchante Andromaque de Racine, cette création mi-partie chrétienne par l’anachronisme involontaire du poëte mêlant sa religion à son art ; ce n’est pas non plus la conception un peu déclamatoire de Sénèque, celle d’une Andromaque bravant avec fierté la mort, quand elle croit avoir sûrement caché son fils dans le tombeau d’Hector.

1241. (1887) Essais sur l’école romantique

Préface Je ne crois pas trop présumer de ma situation dans le monde des lettres françaises contemporaines en disant qu’on n’est pas sans y avoir ouï parler d’une légende d’après laquelle, à deux époques différentes, j’aurais exprimé sur l’école romantique et sur ses illustres chefs deux opinions absolument contradictoires, et que, selon le mot qui en a couru, « j’aurais brûlé ce que j’avais adoré ». Les pièces que, dans ce cas, j’appellerais : pièces de l’époque du dénigrement, sont des articles de Revue, déjà réimprimés pour la plupart dans d’autres volumes, et qu’on retrouvera dans celui-ci. Les pièces de l’époque de « l’adoration » consistent en une série d’articles de Revue qui ont paru de 1829 à 1832 dans le Journal des Débats. Ils sont restés depuis lors dans la collection de ce journal, dirais-je plutôt négligés qu’oubliés ; car où aurait-on trouvé, sinon dans ces articles, l’origine du grief qu’on m’a fait d’avoir commencé par « adorer ce qu’ensuite j’aurais brûlé » ? Plusieurs fois, la pensée m’était venue de réimprimer ces articles.

1242. (1888) Poètes et romanciers

Ou plutôt c’est un essai de conciliation audacieuse entre deux éléments qui semblaient incompatibles, la forme antique et l’idée chrétienne ; c’est une fable païenne spiritualisée, domptée par un effort victorieux, contrainte à recevoir le souffle chrétien, à s’animer, à se féconder par lui. […] L’idéal de l’homme dans le monde chrétien, c’est l’homme-esprit, l’homme spiritualisé. […] Il nous conduit jusqu’au seuil du monde chrétien et nous y laisse. […] N’y a-t-il pas eu une peinture païenne comme il y a une peinture chrétienne ? […] Dante pourtant n’était pas un mage ; ce n’était qu’un poète chrétien.

1243. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Nous verrons Rome chrétienne, après la destruction de Rome idolâtre, porter son empire, tout spirituel, beaucoup au-delà des limites des quatre empire prédits ». […] Que ses enfans tondus, chargés d’utiles soins, Méritassent de vivre en guidant la charrue, En creusant des canots, en défrichant des bois : Mais je suis peu content du bon homme François ; Il crut qu’un vrai chrétien doit gueuser dans la rue Et voulut que ses fils, robustes fainéans, Fissent serment à Dieu de vivre à nos dépens. […] Or, Sixte IV, quoique de l’ordre des franciscains, & l’ennemi naturel des thomistes, a suspendu ses foudres, a laissé le monde chrétien libre de croire ou ne pas croire l’immaculée conception. […] Considérez, je vous prie, à quel péril vous exposez le monde chrétien par vos disputes. […] Ils ne purent pas faire mettre à l’index sa Morale pratique, tandis que le livre du père Le Tellier, sur les chrétiens de la Chine, y fut mis.

1244. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

Deux circonstances favorables, les usages de la religion chrétienne, et l’existence, désormais inoubliable, de la théorie nominaliste, nous paraissent expliquer cette clairvoyance plus grande des philosophes modernes. […] Et comme la prière mentale devenait l’état habituel des âmes profondément religieuses, parvenir à un état plus parfait encore n’était possible qu’à la condition de faire cesser cet état d’oraison muette et discursive que les premiers préceptes avaient déjà nettement défini ; il était donc naturel que l’extase fut mieux décrite par les mystiques chrétiens qu’elle ne l’avait été par les néoplatoniciens, et, par contraste, la parole intérieure devait facilement apparaître comme l’état ordinaire de l’âme humaine. […] Mais, de même qu’aucun écrivain chrétien, avant Bossuet, ne paraît s’être intéressé en psychologue au problème de l’extase, aucun nominaliste n’a, que nous sachions, dégagé de la théorie le phénomène psychologique sans l’existence duquel elle eût été un paradoxe insoutenable16.

1245. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Puisqu’il avait de quoi donner à son fils unique l’éducation des fils des meilleures familles de Rome, il avait assez ; d’ailleurs il s’était fait lui-même le premier instituteur de son enfant ; il l’accompagnait aux écoles, il étudiait avec lui, il ne s’en rapportait à personne du soin de veiller sur les pas et sur l’innocence des mœurs de son fils ; une mère chrétienne n’aurait pas de plus scrupuleuses sollicitudes sur la pureté d’un enfant. […] Les pèlerins d’Horace, aussi nombreux et aussi fervents que ceux qui visitaient jadis le temple agreste de Vacuna, ont retrouvé les vestiges mêmes de sa maison de maître au milieu d’une vigne appelée aujourd’hui les vignes de Saint-Pierre ; une petite chapelle chrétienne recouvre en partie ces restes de la maison du poète épicurien ; les tuyaux en plomb qui conduisaient dans le jardin les eaux de la source domestique rampent encore sous le sol ; on y lit encore les noms de Tiberius et de Claudius, manufacturiers qui fondaient à Rome ces conduits des eaux.

1246. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIe entretien. Balzac et ses œuvres (2e partie) » pp. 353-431

Eugénie appartenait bien à ce type d’enfants fortement constitués, comme ils le sont dans la petite bourgeoisie, et dont les beautés paraissent vulgaires ; mais, si elle ressemblait à Vénus de Milo, ses formes étaient ennoblies par cette suavité du sentiment chrétien, qui purifie la femme et lui donne une distinction inconnue aux sculpteurs anciens. […] Le peintre qui cherche ici-bas un type à la céleste pureté de Marie, qui demande à toute la nature féminine ces yeux modestement fiers devinés par Raphaël, ces lignes vierges, souvent dues aux hasards de la conception, mais qu’une vie chrétienne et pudique peut seule conserver ou faire acquérir ; ce peintre, amoureux d’un si rare modèle, eût trouvé tout à coup dans le visage d’Eugénie la noblesse innée qui s’ignore ; il eût vu sous un front calme un monde d’amour, et, dans la coupe des yeux, dans l’habitude des paupières, le je ne sais quoi divin.

1247. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Décembre La plus grande force de la religion chrétienne, c’est qu’elle est la religion des tristesses de la vie, des malheurs, des chagrins, des maladies, de tout ce qui afflige le cœur, la tête et le corps. […] C’est la différence d’une couronne de roses à un mouchoir de poche : la religion chrétienne sert quand on pleure.

1248. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Leur Éden, comme celui des chrétiens, est dans le passé. […] Rêves pour rêves, nous aimerions mieux rêver avec les Brahmanes, ces théologiens philosophes de l’Inde primitive, ces précurseurs de la philosophie chrétienne, nous aimerions mieux rêver que le Créateur, apparemment aussi sage, aussi puissant et aussi bon alors qu’aujourd’hui, a créé dès le premier jour tout être et toute race d’êtres au degré de perfection que comporte la nature de ces êtres ou de cette race d’êtres dans l’économie divine de son plan parfait.

1249. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Mais Jouffroy, le vrai Jouffroy et non celui de l’Académie, ne s’en tint pas là : rompant avec son passé et avec ses croyances, il résolut de se reconstituer à son usage une méthode et une science qui pussent lui rendre avec certitude les résultats essentiels qu’il avait dus à la foi chrétienne et qu’il avait perdus.

1250. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

Tout en reconnaissant les heureux traits épars dans cette Solitude de Saint-Amant et en m’expliquant très bien le succès qu’elle eut à sa date, je me dis qu’à la relire aujourd’hui, je n’y trouve ni la solitude du chrétien et du saint, celle dont il est écrit « qu’elle bondira dans l’allégresse et qu’elle fleurira comme le lis » ; ni la solitude du poète et du sage ; ni celle de l’amant mélancolique et tendre ; ni celle du peintre exact et rigoureux.

1251. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — III » pp. 476-491

Et Garat, « qui s’est fait député du Tiers, et qui va être de l’Académie : c’est un pauvre mérite que ce Garat » ; — et le Chamfort, quelle force bel et bien de rétracter une de ses atrocités sur une pauvre morte qui n’est plus là pour se défendre ; — et le Raynal, dont elle se prive très volontiers à la lecture : « Je ne connais que sa conversation, très fatigante, et ses prétentions, très satisfaites : mon âme est naturellement chrétienne, et tout ce qui me ferait perdre ce sentiment, si cela était possible, il m’est facile de m’en abstenir » ; — et Cérutti, qui avait alors son instant de lueur et jetait sa première et dernière étincelle : L’administrateur Cérutti vient d’achever sa rhétorique : il promettait beaucoup, il y a vingt ans ; il n’a pas fait un pas depuis ce temps-là.

1252. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Deluc ayant, en 1837, préparé un ouvrage où il discutait les questions historiques qui se rattachent aux Évangiles, Guillaume Favre le détourna de le publier, et, dans une belle lettre adressée à l’auteur, il exposa ses motifs, qui sont ceux d’un vrai sage en même temps que d’un chrétien éclairé.

1253. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « L’abbé de Marolles ou le curieux — I » pp. 107-125

Une conversation qu’il eut, en 1632, avec l’abbé de Saint-Cyran, ce chrétien austère, ne contribua pas peu à le remettre à la raison : sous air de l’exhorter à aller en avant dans la carrière ecclésiastique, M. de Saint-Cyran lui fit une telle description du péril où se jettent ceux qui recherchent une si haute élévation sans connaître les perfections et les grands devoirs que Dieu leur impose, qu’il le consterna et le guérit, comme on guérit un malade avec une douche froide : « Au lieu d’accroître mon souci pour cela, il aida merveilleusement à me faire perdre le peu de désir qui m’en pouvait rester, dont je lui aurai une éternelle obligation. » Marolles se contenta désormais d’être le plus paisible et le plus oiseusement occupé des abbés de France, dont il sera le doyen un jour.

1254. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Charles Bonnet, philosophe chrétien, psychologue et naturaliste éminent, homme d’observation et de principes, eut à entreprendre cette cure délicate sur l’esprit du jeune Bonstetten que l’enthousiasme de Rousseau avait saisi, qui prenait hautement parti pour lui, pour sa profession de foi condamnée à Genève ; qui, dans les troubles de cette petite république, penchait pour les démagogues (ô scandale !)

1255. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

L’historien reconnaît, en effet, ses bonnes intentions, sa tendre pitié pour le peuple et toutes ses vertus chrétiennes, mais il marque en même temps les étroitesses et les limites d’esprit de ce vénérable enfant, et il trouve, pour peindre le contraste de cette manière d’être individuelle avec les vertus publiques et les lumières étendues si nécessaires à un souverain, des expressions qui se fixent dans la mémoire et des couleurs qui demeurent dans les yeux.

1256. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « M. de Pontmartin. Les Jeudis de Madame Charbonneau » pp. 35-55

S’il était moins bon chrétien et catholique, s’il était simplement un honnête homme païen, je renverrais M. de Pontmartin à ce qui est dit des devoirs et des obligations envers Jupiter Hospitalier ; mais ces fils des croisés (si tant est qu’il en descende) se soucient bien de Jupiter !

1257. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Un poète le premier, Alfred de Musset, s’avisa qu’on avait trop chanté sur cette corde, et le cruel enfant, dès les premiers couplets de Mardoche, ne manqua pas de nous montrée son héros prenant, comme de juste, le rebours de l’opinion, et aimant mieux la Porte et le sultan Mahmoud Que la chrétienne Smyrne, et ce bon peuple hellène, Dont les flots ont rougi la mer Hellespontienne, Et taché de leur sang tes marbres, ô Paros !

1258. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Plus d’une personne de la famille offrait l’image des vertus chrétiennes.

1259. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

Vous nous avez vu dans ces deux ou trois années de véritable ivresse, vous m’avez vu dans ces six mois célestes de ma vie qui m’ont fait faire les Consolations ; vous avez contribué à m’y inspirer par ce mélange de sentiments tendres, fragiles et chrétiens que vous agitez en vous et qui sont un charme.

1260. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Lope de Vega eut aussi une fille, et la plus chérie, qui se fit religieuse ; il composa sur cette prise de voile une pièce de vers fort touchante, où il décrit avec beaucoup d’exaltation les alternatives de ses émotions de père et de ses joies comme chrétien (Fauriel ; Vie de Lope de Vega).

1261. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Il est juste pourtant de noter, dans l’ode aux princes chrétiens au sujet de cet armement, un écho retentissant et harmonieux des Croisades : ……………………………….

1262. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre X. De la littérature italienne et espagnole » pp. 228-255

On voit dans les romans de chevalerie, un singulier mélange de la religion chrétienne, à laquelle les écrivains ont foi, et de la magie qui leur fait peur, et dans les écrivains de l’Orient, un combat continuel entre leur religion nouvelle et l’ancienne idolâtrie dont Mahomet a triomphé.

1263. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Notes sur l’Ancien-Régime »

Il faut y ajouter les Pères de l’Oratoire, de la Mission, de la Doctrine chrétienne et quelques autres ; le total de tous les moines doit osciller autour de 23 000  Quant aux religieuses, j’ai relevé aux Archives nationales leur catalogue dans 12 diocèses comprenant, d’après la France ecclésiastique de 1788, 5 576 paroisses : Diocèses de Perpignan, Tulle, Marseille, Rodez, Saint-Flour, Toulouse, Le Mans, Limoges, Lisieux, Rouen, Reims, Noyon.

1264. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXe Entretien. Souvenirs de jeunesse. La marquise de Raigecourt »

M. de Montmorency seul se montra impassible et crut devoir, par charité chrétienne, déguiser sa peine en feignant de ne pas sentir l’amertume que lui inspirait la conduite de M. de Chateaubriand.

1265. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Par exemple, on s’écrie tout à coup : Il n’est pire orgueil que l’humilité chrétienne, ou encore : La vertu est le plus odieux des calculs parce qu’il est le plus sûr.

1266. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Il découvre dans Polyeucte « tous les types et tous les phénomènes qui ont dû se produire durant les deux premiers siècles au cours de la révolution chrétienne ».

1267. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Si jamais, ce qu’il n’est pas permis de croire, notre théologie devenait une langue morte, et s’il arrivait qu’elle obtînt, comme la mythologie, les honneurs de l’antique ; alors Dante inspirerait une autre espèce d’intérêt : son poëme s’élèverait comme un grand monument au milieu des ruines des littératures et des religions : il serait plus facile à cette postérité reculée de s’accommoder des peintures sérieuses du poëte7, et de se pénétrer de la véritable terreur de son Enfer ; on se ferait chrétien avec Dante, comme on se fait païen avec Homère.

1268. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Nous avons dans ce cours d’éducation et d’étude à l’usage du jeune Gargantua le premier modèle de ce qu’ont représenté depuis plus au sérieux, mais non plus sensément, Montaigne, Charron, l’école de Port-Royal par endroits et parties, cette école chrétienne qui ne se savait pas si fort à cet égard dans la même voie que Rabelais, l’étrange précurseur !

1269. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Les Gaietés champêtres, par M. Jules Janin. » pp. 23-39

I, p. 420), à peine s’il était chrétien ; c’est Sidoine qui était évêque.

1270. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Il participe aux impressions successives qui naissent du paysage et des souvenirs ; lui qui, en Hongrie, avait débuté presque par de la statistique et des chiffres, il devient légèrement mythologique aux environs de Smyrne, homérique à Troie, chrétien en traversant le Liban.

1271. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

La profonde philosophie chrétienne avait depuis longtemps avec saint Paul distingué l’homme extérieur et l’homme intérieur, le vieil homme et l’homme nouveau, la chair et l’esprit ; mais cette distinction mystique et morale n’avait point pénétré en métaphysique.

1272. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

La générosité d’Orosmane, qui délivre les chevaliers chrétiens, et celle de Zaïre qui a demandé et obtenu la grâce de Lusignan, amènent la reconnaissance de Lusignan et de sa fille, et tous les malheurs d’Orosmane et de Zaïre.

1273. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

Baudelaire, au fond de son âme révoltée et païenne, avait quelque chose d’indestructiblement chrétien.

1274. (1900) Le lecteur de romans pp. 141-164

Le seul guide qui ne trompera pas, c’est une conscience affinée, respectueuse des âmes, et, pour tout dire, le tact chrétien de l’auteur.

1275. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Arrivé au bon manuscrit, il montre par des raisons logiques que toutes ses parties se tiennent, qu’elles forment un cours complet de dialectique, que des ressemblances de style et diverses autres probabilités indiquent que cette dialectique est celle d’Abailard, citée dans la Théologie chrétienne par Abailard lui-même.

1276. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

L’ardeur de la charité chrétienne l’adoucit et l’épura quelquefois.

1277. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

C’est toute une chrétienne et mystique métamorphose. […] Ce que le chrétien appelle la Grâce n’est en effet que la fatalité baptisée d’un nouveau nom.

1278. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

» On croit entendre Horace devenu plus sérieux en devenant plus spiritualiste dans l’âge chrétien. […] Entre Héloïse et Abeilard, Laure et Pétrarque, on a toute la poésie et toute la divinité de l’amour chrétien.

1279. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Schiller, d’abord chrétien et pieux, suit son maître, et chante comme lui ses hymnes au Dieu inconnu. […] Le lecteur va juger, sur une traduction toujours atténuante de l’œuvre originale, combien Schiller dépassa Pindare et Horace dans ce dithyrambe didactique du poète qui se souvenait d’avoir été chrétien.

1280. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre V. Jean-Jacques Rousseau »

Le protestant qui cesse de croire peut se chamailler avec quelques ministres, il ne se heurte point au même dogme compact, à la même autorité intraitable : il n’est pas mis hors de son Église ; il fait un parti avancé, il peut faire une nouvelle Église, en restant membre de la grande et multiple Église chrétienne. […] Et ce même homme a été le vrai restaurateur de la religion : hier encore on pouvait s’en étonner ; mais nous savons aujourd’hui qu’il n’y a pas d’incompatibilité entre le socialisme et l’idée chrétienne.

1281. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

les étranges chrétiens que les chrétiens de la peur !

1282. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Il a réprouvé et rejeté de son œuvre ceux dont la propriété commune est d’être malfaisants, de causer de la souffrance, de contrevenir aux préceptes de la morale chrétienne, et il a étudié avec trop de sympathie et d’insistance ceux où se marquent les caractères contraires. […] Il ne pouvait non plus détacher son esprit du réel et se consoler du spectacle du monde par un espoir idéal de félicité hors de temps et l’espace, par le dogme spiritualiste et chrétien de l’immortalité de l’âme et des récompenses futures.

1283. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

La morale du commerçant, l’autorise à vendre sa marchandise dix et vingt fois au-dessus de sa valeur, s’il le peut ; celle du juge d’instruction l’incite à user de la ruse et du mensonge pour forcer le prévenu à s’accuser ; celle de l’agent de mœurs l’oblige à faire violer médicalement les femmes qu’il soupçonne de travailler avec leur sexe ; celle du rentier le dispense d’obéir au commandement biblique : — « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front… » La mort établit à sa façon une égalité ; la grosse et la petite vérole en créent d’autres ; les inégalités sociales ont mis au monde deux égalités de belle venue : l’égalité du ciel, qui pour les chrétiens compense les inégalités de la société et l’égalité civile, cette très sublime conquête de la Révolution sert aux mêmes usages. […] Il s’éleva sans difficulté jusqu’au niveau de la grossière irréligion de ses lecteurs : car on ne lui demandait pas de sacrifier les effets de banale poésie que le romantisme tirait de l’idée de Dieu et de la Charité chrétienne, sur qui les libres-penseurs se déchargent du soin de soulager les misères que crée leur exploitation ; il put même continuer à faire l’éloge du prêtre et de la religieuse, ces gendarmes moraux que la bourgeoisie salarie pour compléter l’œuvre répressive du sergot et du soldat26.

1284. (1903) La renaissance classique pp. -

car, pour le chrétien, la souffrance n’est qu’un moyen de sanctification, et elle n’est d’aucun prix si elle ne tend pas au salut. À travers les douleurs, le chrétien marche à la gloire comme le héros antique.

1285. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

Le sentiment national qui anime Mézeray s’exprime naïvement au début du règne de Charlemagne : « Que j’ai maintenant de plaisir, s’écrie-t-il, d’être né Français, lorsque je vois notre monarchie s’élever à une gloire où jamais aucun État chrétien n’a su monter ! 

1286. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Je ne crois pas qu’il y ait dans Paris, tant parmi les ecclésiastiques que parmi les gens du monde, cent personnes qui aient la véritable foi chrétienne, et même qui croient en notre Sauveur ; cela me fait frémir. » Le peuple de Paris sentait dans Madame une princesse d’honneur, de probité, incapable d’un mauvais conseil et d’une influence intéressée ; aussi elle était en grande faveur auprès des Parisiens, et plus même qu’elle ne le méritait, disait-elle, se mêlant aussi peu des affaires.

1287. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Mme de Staal de Launay, dans ses ingénieux Mémoires, a immortalisé cette petite scène de raccommodement qui eut lieu à souper, le 5 avril, dimanche d’avant Pâques de 1716 : ce jour des Rameaux n’était pas choisi sans dessein pour le pardon chrétien des injures : Avant que je fusse à la Bastille, écrit Mlle de Launay, M. de Valincour m’avait fait faire connaissance avec M. et Mme Dacier ; il m’avait même admis à un repas qu’il donna pour réunir les anciens avec les modernes.

1288. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Mais il semble que les auteurs, dans leur préoccupation morale, aient vu Buffon plus chrétien finalement et en général plus religieux qu’on n’est accoutumé à se le représenter ; il y est parlé, en un endroit, « de sa profonde religion de cœur ».

1289. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

Les Romains pouvaient faire cela, ajoute Montluc, mais non pas les chrétiens. » C’est dans cet état qu’on vint apprendre à M. d’Enghien que cette victoire qu’il tenait pour perdue était à lui et aux siens.

1290. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Les chrétiens ne sont pas ainsi : en même temps qu’ils élèvent l’homme par l’idée de sa céleste origine, ils lui révèlent sa corruption et sa chute, et, dans la pratique, ils se retrouvent d’accord, moyennant ce double aspect, avec les observateurs les plus rigoureux.

1291. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Dans une lettre à Mme de Bellocq, veuve de son ami, il a tracé un tableau assez riant de la vie tranquille, à la fois philosophique et chrétienne, qu’il menait durant les dernières années (1726-1737) : Ayant fait réflexion, disait-il, que j’étais dans un âge trop avancé pour me donner le soin d’économer (de régir) des biens de campagne, j’ai pris le parti de mettre ma terre en ferme et de me retirer entièrement à la ville.

1292. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

La faculté de souffrir, de saigner pour tous, et d’espérer, malgré tout, en l’avenir du monde, les sentiments d’humanité, de sociabilité chrétienne, qui y éclatent, sont tels que Lamennais ne craint ici la comparaison avec personne.

1293. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

Chrétien sincère, bien que souvent inconséquent dans l’application, La Bruyère semble appartenir d’avance, par cette conclusion remarquable, à une classe d’esprits philosophiques que nous connaissons bien, rationalistes, néo-cartésiens, éclectiques, qui auront des tendances et des convictions religieuses intellectuelles plus encore que des croyances.

1294. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Comme en tout ce qui est chrétien, le fond et le dedans est plus beau que le dehors : I Le soir rembrunissait ses teintes peu à peu, Et nous avions atteint la cime souveraine ; Mais il était trop tard, et nous pouvions à peine Jouir du riche aspect et des gloires du lieu.

1295. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Il répudiait la sécheresse des formes protestantes ; il paraissait croire à une réunion future, et à l’amiable, de toutes les communions chrétiennes ; en un mot, comme tous les vrais critiques que travaille une grande activité d’esprit et d’imagination, il était en train, sans s’en douter, de passer en réalité par la disposition et l’état moral qui lui avait manqué jusqu’alors, afin d’être ensuite tout à fait en mesure de s’en rendre compte et de le comprendre.

1296. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier (suite et fin.) »

Un des hommes qui ont le mieux parlé de Mme de Staël et que l’auteur de Coppet et Weimar n’a pas même nommé, un éminent critique, encore plus chrétien que protestant, M. 

1297. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

J’en atteste le Christ, souvent les blasphèmes des hérétiques, de chrétien m’ont fait très-chrétien.

1298. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Chateaubriand lui-même, dans ce sujet incomplet des Martyrs, avait chance de nous toucher par la fibre grecque ou romaine, qui vit en nous, et à la fois par la fibre chrétienne qui n’est pas morte.

1299. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Nous la méconnaissons parce qu’elle est celle de la nature et que le chef-d’œuvre de la raison, comme du génie, n’est que de voir ce qui est sous nos yeux. » On croirait entendre un Montaigne chrétien.

1300. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis du Belloy (suite et fin.) »

Ce Ménédème, par exemple, tout en restant parfaitement naturel, a déjà quelque chose du principe chrétien ou, si l’on aime mieux, du principe religieux en général qui aboutit à l’ascétisme.

1301. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Le révolutionnaire tuait en lui le chrétien.

1302. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Dans les Harmonies, il perce déjà beaucoup d’idées de transformation chrétienne, mais arrêtées à temps.

1303. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Madame de La Sablière elle-même, qui reprenait La Fontaine, n’avait pas été toujours exempte de passions humaines et de faiblesses selon le monde ; mais lorsque l’infidélité du marquis de La Fare lui eut laissé le cœur libre et vide, elle sentit que nul autre que Dieu ne pouvait désormais le remplir, et elle consacra ses dernières années aux pratiques les plus actives de la charité chrétienne.

1304. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

Tout ce qui tient dans la littérature grecque à la religion païenne, à l’esclavage, aux coutumes des nations du Midi, à l’esprit général de l’antiquité avant l’invasion du peuple du Nord et l’établissement de la religion chrétienne, doit se retrouver avec quelques modifications chez les Latins.

1305. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Je ne rendrai pas même à Boileau la Henriade, sujet chrétien et moderne, tout à fait selon le goût de Desmarets et de Perrault.

1306. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

Le protestantisme qu’on punit se précise et se détermine : l’année suivante va paraître, l’Institution chrétienne.

1307. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Il fut nommé professeur d’hébreu au Collège de France (1861), puis destitué : il reprit sa chaire en 1870.Éditions :L’Avenir de la science, pensées de 1848, Calmann Lévy, 1890, in-8 ; Averroès et l’averroïsme, 1852, in-8 ; Histoire générale et système comparé des langues sémitiques, 1855, in-8 ; Études d’histoire religieuse, 1857, in-8 ; Essais de morale et de critique, 1859, in-8 ; les Origines du Christianisme, comprenant : Vie de Jésus (1863), les Apôtres (1866), Saint Paul (1869), l’Antéchrist (1873), les Évangiles (1877), l’Eglise chrétienne (1879), Marc Aurèle (1881) et un index général (1883) : 8 vol. in-8 ; Calmann Lévy.

1308. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Le père Bouhours, l’un de ses admirateurs et de ses disciples, et qui l’assista dans ses derniers moments, a dit : Les malheurs d’autrui le touchaient plus que les siens propres, et sa charité envers les pauvres, qu’il ne pouvait voir sans les soulager, lors même qu’il n’était pas trop en état de le faire, lui a peut-être obtenu du ciel la grâce d’une longue maladie, pendant laquelle il s’est tourné tout à fait vers Dieu ; car, après avoir vécu en honnête homme et un peu en philosophe, il est mort en bon chrétien dans la participation des sacrements de l’Église et avec les sentiments d’une sincère pénitence.

1309. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Et elle ajoute naïvement en y mêlant son érudition chrétienne : « Il eut volontiers dit comme saint Pierre : Faisons ici nos tabernacles, si le courage tout royal qu’il avait et la générosité de son âme ne l’eussent appelé à choses plus grandes. » Pour elle, on conçoit qu’elle y serait volontiers restée, prolongeant sans regret l’enchantement ; elle eût arrangé volontiers la vie comme ce beau jardin de Nérac dont elle nous parle encore « qui avait des allées de lauriers et de cyprès fort longues », ou comme ce parc qu’elle y avait fait faire, avec des promenoirs de trois mille pas de long au bord de la rivière, la chapelle étant tout près de là pour la messe du matin, et les violons à ses ordres pour le bal tous les soirs.

1310. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Regnard. » pp. 1-19

En décrivant les mœurs « de ce petit animal qu’on appelle Lapon, et de qui l’on peut dire qu’il n’y en a point, après le singe, qui approche le plus de l’homme », et en se souvenant de ce qu’il a vu autrefois de tout opposé chez l’Algérien et chez le Turc, Regnard en tire la même conclusion que Montaigne, celle que Pascal aurait tirée également s’il n’avait pas été chrétien : « Trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence.

1311. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

J’ai ouï dire que ce fut assez tard que Philarète Chasles reçut le baptême ; mais le baptême n’efface que le péché originel dans l’homme, il ne remplace pas l’éducation chrétienne qui fait les seuls forts dans l’ordre moral comme les seuls voyants dans l’ordre intellectuel.

1312. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Fervaques et Bachaumont(1) » pp. 219-245

Mais la femme — la mère des enfants — n’a de destinée et de dignité que dans le mariage, du moins jusqu’à ce moment ; car l’effroyable mouvement qui emporte la société et l’arrache à toutes les lois chrétiennes, un de ces jours emportera aussi le mariage, et tous les bâtards y comptent bien !

1313. (1925) Comment on devient écrivain

Le Socrate chrétien de Balzac a précédé les Pensées de Pascal, et Chateaubriand sort de Bernardin de Saint-Pierre.‌ […] … » et ensuite il s’écrie : « Telles sont les paroles, chrétiens, mes frères, que Marie entendit aujourd’hui dans le ciel, lorsqu’elle y parut, habillée depuis la tête jusqu’aux pieds de toutes les vertus et de toutes les grâces dont la puissance divine peut enrichir une âme d’un ordre tout singulier : Ah ! […] Si l’on met à part les chefs-d’œuvre de nos grands orateurs chrétiens, il est certain que le « discours moral » d’Arnolphe ne ressemble pas mal à la moyenne des sermons religieux, en reproduit avec un peu d’exagération scénique le tour et le style, surtout le ton affirmatif et la grossièreté des arguments. Arnolphe prenant tout à coup pour exécuter son abominable plan le langage de la chaire chrétienne, et ce langage s’adaptant le mieux du monde à la pensée de l’ingénieux tyran et paraissant lui être naturel, voilà qui donnait à songer. […] C’est donc Bossuet qui doit être le modèle des orateurs chrétiens, et ce n’est que par l’éclat de la forme qu’ils arriveront comme lui à rajeunir le sermon.

1314. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Il souhaite des chrétiens qui soient en même temps ce que le langage de son époque appelait d’honnêtes gens. […] Les maîtres de l’Institut catholique ont tenu à justifier leur verdict en définissant, par quelques phrases très nettes et très fortes, ce qu’il faut appeler le droit chrétien de la guerre. […] Entre des peuples chrétiens, il peut y avoir de prodigieuses inégalités dans l’aménagement de leur civilisation, mais cette civilisation est une. […] Que fait d’autre saint Louis quand il affirme le devoir de paix pour les princes chrétiens ? « Cher fils, je t’enseigne que tu te gardes à ton pouvoir, que tu n’aies guerre avec nul chrétien. » Se garder à son pouvoir, — admirable formule et qui s’oppose si exactement au regere imperio populos du Romain !

1315. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Ici, comme partout ailleurs, je montre pour la religion chrétienne un respect que nulle épreuve n’a troublé ni diminué, parce qu’il est emprunté à mes convictions les plus intimes et à la philosophie elle-même. […] J’irai plus loin ; et à ce mysticisme pusillanime je répondrai du haut de l’orthodoxie chrétienne. […] Le Dieu des chrétiens est triple et un tout ensemble, et les accusations qu’on élèverait contre la doctrine que j’enseigne doivent remonter jusqu’à la Trinité chrétienne. […] Et ce n’est pas là seulement la vertu cachée de la religion chrétienne, c’est son enseignement positif. […] Et qui ne sait que la religion chrétienne n’a conquis d’abord et ne garde sa bienfaisante influence qu’en s’appuyant sur la sympathie des peuples ?

1316. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

qu’un matin de Pâques, quand sur les villes chrétiennes les cloches chanteront, vaines poupées de métal, la forêt enfin se ranime ! […] On connaît cette image de François de Sales, charmante, tout embaumée de senteurs empruntées à la nature, par laquelle le gracieux saint conseille à ses ouailles de « faire comme les petits enfants qui, de l’une des mains se tiennent à leur père, et de l’autre cueillent des fraises ou des mûres le long des haies ». — Excellente méthode de discipline chrétienne, qui donc y contredirait ? […] L’esprit sceptique du Boulevard a pu sourire de cette conception sans marquer autre chose par ce sourire qu’une parfaite méconnaissance de l’âme humaine, car il a de tout temps existé, aujourd’hui même il existe encore plus d’Augustins qu’on n’imagine : « Un jeune homme, fervent chrétien, rencontre une jeune femme belle et désirable, il ne voit pas sa beauté, il ne la désire pas. […] Seulement, n’ayant pas ce souci de moralité inséparable de la conception chrétienne, il n’en pouvait suivre les prolongements dans la conduite de la vie.

1317. (1887) George Sand

Mais elle en conserva toujours un germe d’idéalisme chrétien que les accidents de la vie, ses aventures mêmes ne purent jamais étouffer et qui reparaissait toujours après des éclipses passagères. […] La résignation, entendue dans son vrai sens, philosophique et chrétien, est une acceptation virile des lois morales et aussi des lois nécessaires au bon ordre des sociétés, elle est une adhésion libre à l’ordre, un sacrifice consenti par la raison d’une partie de son bien particulier et de sa liberté personnelle, non à la force ou à la tyrannie d’un caprice humain, mais aux exigences du bien général, qui ne subsiste que par l’accord des libertés individuelles et des passions réglées. […] C’est, en un mot, le mariage vrai, idéal, humanitaire et chrétien à la fois, qui doit faire succéder la fidélité conjugale, le véritable repos et la véritable sainteté de la famille à l’espèce de contrat honteux et de despotisme stupide qu’a engendrés la décrépitude du monde. […] Les théories de ce temps-là sont bien finies, je le crois, mais la cause qui les a fait naître leur survit, et ce n’est pas trop dire que de déclarer que cette cause est celle même du christianisme, que ces deux causes n’en font qu’une, et que nul n’est vraiment ni chrétien ni philosophe qui n’est pas résolu à opposer aux tristes conquêtes de la misère l’effort croissant de la sympathie et du dévouement. […] « Il n’y a en moi, disait-elle un jour, rien de fort que le besoin d’aimer. » C’est par ce besoin d’aimer qu’elle parvint à maintenir en elle, au-dessus des tentations du doute et même un peu contre l’opinion de son siècle « qui n’allait pas de ce côté-là pour le moment », une doctrine toute d’idéal et de sentiment qui ressemblait assez à une sorte de platonisme chrétien.

1318. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Je me repentirais d’avoir été chrétien… Voilà Julien l’Apostat qui renaît sous une forme très inattendue… Et comme les premiers je deviendrais payen. […] Il ne suffit pas de n’être pas chrétien ; il faut encore n’être pas français. « Un homme né chrétien et Français » c’est la définition donnée par La Bruyère, de l’homme du xviie  siècle. […] Sauf en matière philosophique, où elle ne déteste pas faire revivre les systèmes anciens pour les opposer aux idées chrétiennes ou dauber sur les philosophies spiritualistes de l’antiquité pour que l’idéalisme moderne en reçoive un contrecoup, elle fait très petite ou elle fait nulle la part de « l’historique » de chaque idée, de chaque invention ou de chaque découverte. […] Hugo est libéral, chrétien plutôt que catholique et disciple du Christ plutôt que chrétien, séduit par la grande figure de Napoléon et par la grande vision de la liberté.

1319. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

La pauvre bête étant morte, le bonhomme, sans penser à mal, la mit en terre sainte, dans le cimetière où les chrétiens du lieu attendaient en paix le jugement dernier et la résurrection de la chair. […] La foi chrétienne a même arraché à ce superbe des accents d’humilité. […] Son athéisme est si pieux, qu’il a semblé chrétien à certaines personnes croyantes. […] … — Jésus-Christ était très venteux. » Il n’y a pas besoin d’être catholique ni chrétien pour sentir l’inconvenance de ce procédé. […] J’en ai donc été très affligée, et, quoiqu’on doive être heureux qu’il ait fini son existence malheureuse d’une manière chrétienne, je lui aurais cependant désiré encore des années de bonheur et de vie, — pourvu que ce fût loin de moi.

1320. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — II. (Suite.) » pp. 155-174

Il nous a laissé son credo religieux et son symbole, tout chrétien, sans rien d’exclusif.

1321. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Certains projets, tels que celui d’une confédération entre les États chrétiens et d’une sorte de grande république européenne, semblent avoir pris dans le souvenir de Sully et sous la plume de ses secrétaires, pendant les années de retraite et d’exil, plus de consistance et d’enchaînement qu’ils n’en durent jamais avoir dans ces libres conversations du monarque ; l’on ne saurait y voir de la part de Henri IV que des saillies et des souhaits tels qu’un roi de grand esprit en jette en causant.

1322. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

À ces causes, considérant que les sciences et les arts n’illustrent pas moins un grand État que font les armes, et que la nation française excelle autant en esprit comme en courage et en valeur ; d’ailleurs désirant favoriser le suppliant et lui donner le moyen de soutenir les grandes dépenses qu’il est obligé de faire incessamment dans l’exécution d’un si louable dessein, tant pour paiement de plusieurs personnes qu’il est obligé d’y employer que pour l’entretien des correspondances avec toutes les personnes de savoir et de mérite en divers et lointains pays ; nous lui avons permis de recueillir et amasser de foules parts et endroits qu’il advisera bon être les nouvelles lumières, connaissances et inventions qui paraîtront dans la physique, les mathématiques, l’astronomie, la médecine, anatomie et chirurgie, pharmacie et chimie ; dans la peinture, l’architecture, la navigation, l’agriculture, la texture, la teinture, la fabrique de toutes choses nécessaires à la vie et à l’usage des hommes, et généralement dans toutes les sciences et dans tous les arts, tant libéraux que mécaniques ; comme aussi de rechercher, indiquer et donner toutes les nouvelles pièces, monuments, titres, actes, sceaux, médailles qu’il pourra découvrir servant à l’illustration de l’histoire, à l’avancement des sciences et à la connaissance de la vérité ; toutes lesquelles choses, sous le titre susdit, nous lui permettons d’imprimer, faire imprimer, vendre et débiter soit toutes les semaines, soit de quinze en quinze jours, soit tous les mois ou tous les ans, et de ce qui aura été imprimé par parcelles d’en faire des recueils, si bon lui semble, et les donner au public ; comme aussi lui permettons de recueillir de la même sorte les titres de tous les livres et écrits qui s’imprimeront dans toutes les parties de l’Europe, sans que, néanmoins, il ait la liberté de faire aucun jugement ni réflexion sur ce qui sera de la morale, de la religion ou de la politique, et qui concernera en quelque sorte que ce puisse être les intérêts de notre État ou des autres princes chrétiens.

1323. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

On a, quand on parle de Gibbon, même en France, une prévention défavorable à vaincre ; c’est que lui-même a parlé du christianisme dans les 15e et 16e chapitres de son premier volume avec une affectation d’impartialité et de froideur qui ressemble à une hostilité secrète, et qu’à ne voir les choses que du simple point de vue historique, il a manqué d’un certain sens délicat, tant à l’égard du fond de l’idée chrétienne que par rapport aux convenances qu’il avait à observer envers ses propres contemporains.

1324. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Il a, pour peindre les soins et les vaines agitations des hommes, des images dignes de Lucrèce, mais d’un Lucrèce chrétien : Si nous ouvrons la carte où se déploie le plan étendu du Tout Puissant, nous trouvons une toute petite île, cette vie humaine : l’espace inconnu de l’éternité l’environne et la limite de toutes parts ; la foule empressée explore et fouille chaque crique et chaque rocher du dangereux rivage, y ramasse avec soin tout ce qui lui paraît exceller aux yeux, quelques-uns de brillants cailloux, d’autres des algues et des coquillages ; ainsi chargés, ils rêvent qu’ils sont riches et grands, et le plus heureux est celui qui gémit sous sa charge.

1325. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

. — Un jour que, devant une toile de Raphaël, un de nos peintres modernes, grand esthéticien encore plus que peintre, homme à vastes idées et à plans grandioses, avait développé devant quelques élèves une de ces théories sur l’art chrétien et sur l’art de la Renaissance, où le nom de Raphaël sans cesse invoqué sert de prétexte, il se retourna tout d’un coup en s’éloignant, et, en homme d’esprit qu’il est, il s’écria : « Et dire que s’il nous avait entendus, il n’y aurait rien compris ! 

1326. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Il y avait une véritable contradiction en lui : par tout un côté de lui-même il sentait la nature extérieure passionnément, éperdument, il était capable de s’y plonger avec hardiesse, avec une frénésie superbe, d’y réaliser par l’imagination l’existence fabuleuse des antiques demi-dieux : par tout un autre côté, il se repliait sur lui, il s’analysait, il se rapetissait et se diminuait à plaisir ; il se dérobait avec une humilité désespérante ; il était de ces âmes, pour ainsi dire, nées chrétiennes, qui ont besoin de s’accuser, de se repentir, de trouver hors d’elles un amour de pitié, de compassion ; qui se sont confessées de bonne heure, et qui auront besoin de se confesser toujours.

1327. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Le plus grand peintre français de cette époque intermédiaire, et qui lui-même nous était venu de Bruxelles, Philippe de Champaigne, associait la solidité et la fermeté du ton à la prud’homie et à la moralité chrétienne de la pensée.

1328. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame, secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. »

Le catholique et le chrétien cédèrent le pas au sujet ; Dieu et le pape ne vinrent qu’à la suite : le roi avant tout, ce fut sa devise.

1329. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

mais l’amour enfant, blond, caressant, l’amour païen, — chrétien même, bon Dieu !

1330. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Ainsi, dit le poëte, au temps des Césars, une jeune chrétienne était amenée dans le cirque ; ses yeux, mouillés de pleurs, levés vers le ciel, y cherchaient un appui, ses mains essayaient de dérober ses charmes aux regards des spectateurs !

1331. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Lors même qu’on en vint à tolérer tant bien que mal les diverses communions chrétiennes, il y avait les Juifs que l’on continuait de honnir, que l’on vexait en chaque rencontre ou que l’on flétrissait à plaisir dans l’opinion.

1332. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

La reine demandait quelquefois au galant président et à Moncrif, les deux beaux esprits de son petit monde, de lui faire des Cantiques et des poésies chrétiennes qui se chantaient sur des airs assez voisins des romances profanes.

1333. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Il a renouvelé les anciennes apothéoses, fort au-delà de ce que la religion chrétienne pouvait souffrir ; mais il n’attendit pas que le roi fût mort pour faire la sienne, dont il n’aurait pas recueilli le fruit.

1334. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

Les frères pénitents vinrent plusieurs fois dans la soirée réciter les prières des agonisants pour lui dans la cour ; la dernière fois, ils ouvrirent la porte et lui dirent que la religion avait des pardons pour tout le monde, et que, s’il voulait se repentir et mourir en bon chrétien, il n’avait qu’à emprunter le lendemain l’habit de la confrérie pour marcher au supplice, où tous les pénitents noirs l’accompagneraient en priant pour son âme.

1335. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Je ne sais pas si c’est détachement chrétien, ou comble d’orgueil, ou esprit de contradiction, ou crainte de déplaire à des amis envers qui l’on se croit engagé.

1336. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Pensées, essais, maximes, et correspondance de M. Joubert. (2 vol.) » pp. 159-178

Joubert un singulier élève, un élève épuré, finalement platonicien et chrétien, épris du beau idéal et du saint, étudiant et adorant la piété, la chasteté, la pudeur, ne trouvant, pour s’exprimer sur ces nobles sujets, aucune forme assez éthérée, aucune expression assez lumineuse.

1337. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Y dussiez-vous perdre un peu comme chrétien, comme croisé et comme personnage de montre, vous y gagneriez, ô poète, comme homme, et vous nous toucheriez.

1338. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Étienne Pasquier. (L’Interprétation des Institutes de Justinien, ouvrage inédit, 1847. — Œuvres choisies, 1849.) » pp. 249-269

Certes, si quelque chose était capable en France de contrebalancer l’impétuosité et l’impatience particulière à la nation, à la noblesse comme au peuple même, de créer à temps ce respect de la loi qui est comme un sens public qui nous manque et qui est aboli en nous, c’était ce corps intègre, tenant un milieu magistral, ce corps de politiques encore croyants, bons chrétiens et catholiques sans être ultramontains, royalistes loyaux et fervents sans être courtisans ni serviles.

1339. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Charles Perrault. (Les Contes des fées, édition illustrée.) » pp. 255-274

Perrault, comme Desmarets de Saint-Sorlin et comme d’autres adversaires de Boileau, pensait que la religion chrétienne est de nature à prêter à la poésie, et qu’elle fournit même son vrai fonds à l’imagination moderne.

1340. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Mme de Maintenon aspirait à en sortir comme une femme et comme beaucoup trop d’hommes alors, comme une femme de sens qui voit de près le mal, qui en souffre en elle et pour ceux auxquels elle est attachée, qui n’a rien d’une héroïne, qui est toute résignée et chrétienne, qui voit la main de Dieu non seulement dans les revers redoublés et les défaites, mais encore plus directement dans les fléaux naturels, dans les hivers tels que celui de 1709 (dont on n’avait point eu d’exemples depuis plus d’un siècle), et dans la famine qui s’ensuivit.

1341. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le duc d’Antin ou le parfait courtisan. » pp. 479-498

Les Mémoires que nous lisons, et qui ne sont guère qu’un examen moral et chrétien de conscience, nous le montrent au fond meilleur à bien des égards que ne le jugeait le monde et que les observateurs sévères ne le soupçonnaient.

1342. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Après un premier passage très rapide à Rome, d’où il est parti pour visiter Naples et ses environs, il revient dans cette capitale du monde chrétien, et c’est là que pendant des mois il vit chaque jour de jouissance en jouissance et achève de se former au grand goût, dont elle offre seule l’entier modèle.

1343. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Dans les instructions à M. de Schomberg, ambassadeur en Allemagne, dans les lettres écrites au nom du roi à M. de Béthune, ambassadeur en Italie, il ne cesse de revendiquer cette gloire et presque cette fonction qui appartient de droit à la France comme étant le cœur de tous les États chrétiens.

1344. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

. — Or je vous advise, dit alors la reine sans le tenir plus en suspens, que vous êtes sur la tombe et le corps de la pauvre Mlle de La Roche, qui est ici dessous vous enterrée, que vous avez tant aimée, et, puisque les âmes ont du sentiment après notre mort, il ne faut pas douter que cette honnête créature, morte de frais, ne se soit émue aussitôt que vous avez été sur elle ; et, si vous ne l’avez senti à cause de l’épaisseur de la tombe, ne faut douter qu’en soi ne se soit émue et ressentie ; et, d’autant que c’est un pieux office d’avoir souvenance des trépassés, et même de ceux que l’on a aimés, je vous prie lui donner un Pater noster et un Ave Maria, et un De profundis, et l’arroser d’eau bénite ; et vous acquerrez le nom de très fidèle amant et d’un bon chrétien.

1345. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Si peu fixée que soit la météorologie, elle n’en est plus pourtant à délibérer, comme au deuxième siècle, si une pluie qui sauve une armée mourant de soif est due aux prières chrétiennes de la légion Mélitine ou à l’intervention païenne de Jupiter Pluvieux.

1346. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Les périodes créatrices ou novatrices sont précisément celles où, sous l’influence de circonstances diverses, les hommes sont amenés à se rapprocher plus intimement, où les réunions, les assemblées sont plus fréquentes, les relations plus suivies, les échanges d’idées plus actifs : c’est la grande crise chrétienne, c’est le mouvement d’enthousiasme collectif, qui, aux xiie et xiiie  siècles, entraîne vers Paris la population studieuse de l’Europe et donne naissance à la scolastique, c’est la Réforme et la Renaissance, c’est l’époque révolutionnaire, ce sont les grandes agitations socialistes du xixe  siècle.

1347. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

De toutes ces insultes de Saint-Simon, en les exprimant d’un pouce ferme, il ne sort rien de plus que l’ambition effrénée d’une femme qui avait le droit de prétendre à tout et qui, arrivée à sa place par cette loi de gravitation dont le jeu reste toujours innocent de ses actes, s’effaça et vécut avec la simplicité de la plus humble chrétienne, entre son royal époux et Dieu !

1348. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

je ne demande pas à Lord Macaulay, le protestant anglais, et qui veut être conséquent en avant comme en arrière aux principes de la Constitution de 1688, d’avoir sur la souveraineté les opinions de Joseph de Maistre, mais pourtant il y a autre chose de plus noble et de plus chrétien, et, si nous sortons de l’ordre sentimental pour entrer dans l’ordre rationnel, de plus mâle et de plus profond à invoquer contre un Roi, même coupable, que la loi du talion et l’utilité, qui composent, à peu près, toute la morale de Lord Macaulay sur cette question et sur toutes les autres.

1349. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Comparez-le à un autre idyllique-élégiaque, — André Chénier, par exemple, — et malgré tout, malgré l’inspiration sensuelle et païenne, la vieille mythologie usée, tout un monde connu et l’imitation archaïque d’André qui se fait Grec, et aussi malgré l’inspiration chrétienne au contraire, qui donne toujours un accent profond, malgré des mœurs neuves en poésie, et supérieures en morale, enfin malgré tous les détails du pays moins connu et moins classique de ce Breton qui se défait Breton, voyez si l’originalité, l’inoubliable originalité, n’est pas du côté de celui qui devrait être, à ce qu’il semble, le moins original des deux !

1350. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Si la fâcheuse idée le prenait de sortir de son bourg et de jouer au bourgeois, on pouvait trouver et l’on trouva souvent qu’il était lourd, maladroit, prétentieux et grotesque ; mais il fallait le voir en sabots, dans sa vigne qu’il émondait, dans sa maison natale, auprès de sa femme qui filait la quenouille, de ses filles qui cuisaient le pain, de ses fils qui attelaient à la charrue, avec un bel orgueil terrien, huit bœufs au lieu de quatre ; il fallait le voir chez lui, parmi ses pairs, vivant en honnête homme, mourant en chrétien résigné.

1351. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

De toutes ces formules s’exhalait une vapeur de scepticisme et de matérialisme qui répugnait au chrétien fervent, moraliste austère, homme d’ordre et d’autorité.

1352. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Des sentiments platoniciens et même chrétiens avaient fortifié les secrètes dispositions que l’abstraction psychologique et la retraite en soi avaient formées.

1353. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XV. »

Le poëte invoque ce dieu de l’hymen dont le culte et les symboles, conservés jusque dans la ruine du paganisme, devaient effrayer bientôt les mœurs chrétiennes, ou parfois même les altérer de son hardi mélange dans les pompes nuptiales de quelques riches néophytes : tant une licence consacrée d’âge en âge conservait d’empire !

1354. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Il semble que cette draperie éthérée ait été l’attribut de la reine des Ombres, comme les voiles lumineux sont celui des Vierges de l’art chrétien. […] Une odeur de chair brûlée s’en exhale, la flamme crie, la fumée râle… Ces torches vivantes sont des Chrétiens empalés et enduits de cire. […] Les Juifs qui restèrent se firent chrétiens pour échapper à la flamme, mais la loi des suspects pesait sur les. […] Un hidalgo de bonne race ne s’émouvait guère plus d’un juif en chemise souffrée grillant sur la braise, qu’un patricien romain des chrétiens enduits de cire qu’allumait Néron. […] On comprend la stupeur de l’Europe chrétienne, au XVe siècle, lorsqu’elle vit surgir sur tous les points de son territoire ces hordes baroques qui semblaient tombées d’une autre planète.

1355. (1859) Critique. Portraits et caractères contemporains

Il était chrétien, et meilleur chrétien que le roi son frère, avec une foi sincère, une conviction profonde, et, partant, il était cher aux nouveaux porteurs de la parole divine, à M. l’évêque d’Hermopolis, à M. l’abbé de Lamennais, au digne interprète des Pères de l’Église grecque et latine, M. l’abbé Guillon. […] Ce vieux roi de la vieille France royale et poétique, mort en roi et en chrétien dans son dernier exil, a dicté à l’auteur de belles pages. — Ici se retrouve toute l’inspiration du poète, et, ce qui vaut mieux, tout le tact de la femme. — Mais psit ! […] Elle a fait du suicide un lieu commun ; elle a transporté sur la scène les menaces de la chaire chrétienne, mais les menaces de l’Évangile moins la consolation d’ici-bas et le pardon de là-haut. […] Le dîner même ressemblait à l’accomplissement d’un devoir dans cette maison correcte et chrétienne. […] Michaud avait pris parti pour la vieille royauté, pour la vieille croyance, pour les vieilles mœurs, pour tout le passé poétique, chrétien et convaincu de la France.

1356. (1898) Essai sur Goethe

Deux chrétiens convaincus se trouvaient en présence l’un de l’autre, et l’on put voir clairement combien la même croyance se modifie selon les sentiments des personnes. […] Par une contradiction qu’on a souvent relevée, le prince qui travaillait alors à préparer l’avenir politique de l’Allemagne ne comprenait point le parti qu’il aurait pu tirer pour ses desseins des aspirations « nationalistes » éparses autour de lui ; d’ailleurs, outre la forme déréglée de Gœtz, il ne pouvait qu’en désapprouver les tendances libertaires, lui dont on sait le goût pour les gouvernements solides ; et comment l’ami de Voltaire, pénétré des doctrines de son siècle, eût-il pu goûter ce moyen âge idéaliste, de morale austère, et, en somme, chrétienne ? […] Mettre en avant de tels originaux, à la fois grands et petits, dignes d’éloge et de blâme, était réservé à l’éducation chrétienne qui a transformé un si beau besoin physique en une perfection intellectuelle. […] » Il va de soi que les chrétiens ne furent pas plus satisfaits que le païen auteur du Laocoon : les ecclésiastiques des deux confessions tonnèrent contre l’ouvrage ; les philosophes s’en mêlèrent ; l’un d’eux, Nicolaï, professeur à Berlin, composa même une parodie, dans le louable dessein de neutraliser les effets contagieux du dangereux petit livre, les Joies du jeune Werther.

1357. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Quelques « billets du matin. » »

Je sais que vous aimez Flaubert et que certaines pages de cet impassible vous ont émue : la mort d’Emma Bovary ; ses promenades à Tostes, « jusqu’à la hêtrée de Banneville, avec sa chienne Djali ; la visite des femmes voilées aux tombeaux des martyrs chrétiens, dans la Tentation de saint Antoine… C’est égal, si l’on nous avait demandé quelle a dû être la femme que Flaubert a le plus aimée dans sa vie, nous aurions répondu : C’était peut-être une duchesse, peut-être une bourgeoise, ou une vachère normande, ou une religieuse, mais jamais, au grand jamais, il ne nous serait venu en pensée que ce fût un bas-bleu, et de la pire espèce : à savoir Mme Louise Collet, née Révoil, aimée aussi de Villemain, et lauréate de l’Académie française pour des vers classico-romantiques, nuance Casimir Delavigne. […] Et, près du souvenir antique, voici le souvenir chrétien. […] J’y ai senti à l’improviste quel abîme (et principalement depuis le concile du Vatican) peut séparer la pensée d’un honnête homme plutôt chrétien, comme je suppose que vous êtes, de la pensée d’un prêtre catholique. […] Il constate enfin, et avec douleur, que « Mgr Darboy a été plus chrétien que prêtre, plus prêtre qu’évêque, et que le baptême avait laissé plus de traces dans son âme que le sacrement de l’ordre ». […] C’étaient des sermons de morale chrétienne, très généreuse et très virile.

1358. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

Que cette pacifique et toute chrétienne école d’économistes est loin de la passion des hommes de fer qui imposèrent à leur pays de si grandes choses ! […] On peut être royaliste sans admettre le droit divin, comme on peut être catholique sans croire à l’infaillibilité du pape, chrétien sans croire au surnaturel et à la divinité de Jésus-Christ. […] Le luthéranisme ayant fait consister la religion à lire un livre, et plus tard ayant réduit la dogmatique chrétienne à une quintessence impalpable, a donné une importance hors de ligne à la maison d’école ; l’illettré a presque été chassé du christianisme ; la communion parfois lui est refusée.

1359. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

L’esprit chrétien et l’art antique n’y sont-ils pas fondus ? […] Mais toutes les religions étaient tolérées ; et je pourrais citer des exemples fort curieux, pour vous montrer que, même pour les chrétiens, le christianisme ne venait qu’au second rang auprès de l’honneur d’appartenir à l’armée mongole. […] Et pourtant, quoique ni lois, ni convictions profondes ne s’y opposent plus, on ne peut pas dire que l’esprit d’union entre Juifs et chrétiens aille en croissant ; on remarque plutôt un certain recul des deux côtés ; de la part de la civilisation chrétienne comme de celle du peuple ancien, il y a hésitation et même méfiance. […] « Ce que j’ai remarqué à propos des Juifs peut tout aussi bien se dire des chrétiens. Chez eux aussi la civilisation perd sa marque distinctive, son empreinte chrétienne.

1360. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Les dieux sont encore présents dans les cryptes chrétiennes, où les chapiteaux des colonnes sont décorés d’emblèmes païens. […] Jules Huret, précieux répertoire, qu’on lira dans cent ans, dans deux cents ans, pour savoir ce que peut contenir de charité chrétienne l’âme des « graphomanes », même mystiques. […] Son père, Trank Spiro, était un bey chrétien, en bonne intelligence avec les musulmans du pays, mais fidèle à sa foi, notable de sa paroisse, et lié d’amitié avec l’évêque orthodoxe de Durazzo. […] L’emploi du mot étrangère fut interdit aux religieuses, comme contraire à l’union chrétienne. […] La nuit de ce grand jour, tandis que l’admirable cantique Adeste fideles fera frissonner d’allégresse le cœur des derniers chrétiens, les cafés, les restaurants, les charcuteries, les cabinets particuliers resteront ouverts et éclairés.

1361. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Je veux bien croire qu’il soit mort en parfait chrétien et que sa fin ait été très édifiante ; mais, si sa mort est celle d’un croyant, c’est aussi celle d’un homme d’esprit qui fait des mots. […] Avait-il gardé quelque chose de ses premiers sentiments chrétiens ? […] Sabatier parlait de la foi en véritable chrétien… Le ciel, ce soir-là, était magnifique ; les étoiles rayonnaient sur Paris ; je voyais dans la nuit briller les bons yeux de l’Apôtre … Je racontai le lendemain à mon père mon entretien avec ce vénérable doyen de Faculté de théologie. […] Bien assis en face de lui dans un wagon de première classe, j’achevais de prendre des leçons de résignation chrétienne. […] Mme Adam n’était pas encore chrétienne à cette époque, mais elle s’était déjà nettement séparée du Radicalisme sectaire dont sa soif de justice l’empêcha toujours d’adopter le programme persécuteur. « L’anticléricalisme, disait-elle, m’a brouillée avec tous mes amis.

1362. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

L’humilité chrétienne n’est pas son fait. […] — Ou de charité chrétienne, observa le curé. […] Cette riante décoration se retrouve aussi dans les catacombes chrétiennes. […] Avant de passer de la philosophie chrétienne à une philosophie plus avancée, la France a passé par la glorieuse expiation d’une révolution terrible. […] Le chrétien le plus sanctifié ne se hait pas dans son union avec Dieu, à moins d’une terreur maladive de l’enfer qui le fait douter de Dieu même.

1363. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Ainsi Voltaire, en combattant la religion chrétienne, a délustré l’un de ses meilleurs drames, et la pièce la plus touchante peut-être qui fût au théâtre puisque Inès de Castro est trop faiblement écrite pour lui être comparée. […] Quand on supposerait Noradin et Orosmane les plus tolérants des hommes, il n’y a pas moyen d’imaginer que dans le palais du soudan une esclave musulmane porte à son cou le signe de la foi des chrétiens. […] Cet avertissement nous apprend aussi que Zaïre fut appelée à Paris tragédie chrétienne ; je l’appellerais plutôt tragédie des femmes, puisque l’auteur, dans cet ouvrage, a sacrifié à leur goût jusqu’à ses principes. […] Voilà sans doute une belle tragédie chrétienne ; et c’est un emploi bien digne du réformateur de la raison humaine, de flatter les passions, et de séduire les femmes par la peinture de l’amour ! […] Hérault, lieutenant de police, disant à l’un des frères : « Vous ne détruirez jamais la religion chrétienne », le frère répondit froidement : C’est ce qu’il faudra voir.

1364. (1860) Cours familier de littérature. X « LIXe entretien. La littérature diplomatique. Le prince de Talleyrand. — État actuel de l’Europe » pp. 289-399

Soit ressouvenir de son premier état, soit regret du scandale qu’il avait donné aux hommes religieux en sortant du sanctuaire, quoique affranchi de ses liens sacerdotaux par le souverain pontife, soit désir de laisser une mémoire en paix avec tout le monde, il négociait secrètement, depuis quelques années, une réconciliation consciencieuse ou politique avec l’Église, par l’intermédiaire de l’archevêque de Paris : il voulait une sépulture chrétienne en terre chrétienne.

1365. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

Il a combattu pour le pouvoir, les principes, la monarchie, l’autorité, la règle, les idées chrétiennes, quelle que fut l’indignité de ceux qui portaient cette Arche des peuples. […] Monarchistes tous les trois, mais différant dans leur conception de monarchie applicable aux peuples actuels, déraillés et éperdus, ils avaient cela de commun et de semblable qu’ils étaient religieux tous les trois, et qu’ils croyaient absolument à la Révélation chrétienne et aux Traditions de l’histoire.

1366. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Les pieux biographes de l’évêque de Meaux, tout en constatant, à son honneur, que l’« hérésie » protestante lui était en abomination, n’ont qu’une seule voix pour affirmer qu’il n’entendait combattre ses adversaires qu’avec les armes toutes chrétiennes de la persuasion ; que par conséquent, les « excès regrettables », tels que les Dragonnades et la révocation, auxquels s’abandonna le pouvoir civil, ne lui sont imputables en rien. […] Le fastueux orateur chrétien dont la France n’est pas encore lasse de s’enorgueillir, celui qu’elle présente au monde comme l’une de ses gloires les plus pures, est en vérité celui qui lui donna le plus formidable coup de poignard dont son cœur ait saigné.

1367. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Ces trois vers sont admirables en effet, pour représenter le bonheur d’un héros chrétien désabusé, dans le ciel.

1368. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Ce romantique si avancé a cela de particulier, d’être en contradiction et en hostilité avec la renaissance littéraire chrétienne de Chateaubriand et avec l’effort spiritualiste de Mme de Staël ; il procède du pur et direct xviiie  siècle.

1369. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Le président eut le prix en 1707, à l’âge de vingt-deux ans, pour un discours sur ce sujet proposé par l’Académie, « qu’il ne peut y avoir de véritable bonheur pour l’homme que dans la pratique des vertus chrétiennes. » En 1709 il n’eut qu’un accessit sur cet autre sujet, « que rien ne rend l’homme plus véritablement grand que la crainte de Dieu. » Les approbateurs, qui sont le théologal de Paris et le curé de Saint-Eustache, ne peuvent contenir leur admiration pour ce discours, « que la piété et l’éloquence, est-il dit, semblent avoir formé de concert ».

1370. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — II » pp. 316-336

Résolution vraiment chrétienne et qui ne dément point tout le cours de sa vie, qui ayant été un tissu d’afflictions continuelles45, elle s’y est trouvée tellement fortifiée de l’assistance de Dieu, qu’elle en est en bénédictions à tous les gens de bien, et sera à la postérité un exemple illustre d’une vertu sans exemple et d’une piété admirable.

1371. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

A la tête de mes doutes, je mets tous les dogmes de la religion chrétienne ; non que je regarde Jésus-Christ comme un imposteur, c’était, etc., etc, (J’abrège ici des développements incongrus qui, en cet endroit, sont tous du fait de La Beaumelle, non de Frédéric).

1372. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Cette sorte de vie, née dans l’Orient et propagée dans toute l’Europe chrétienne où elle prospéra, a eu son long temps et son règne, son âge d’or, son âge angélique, son âge héroïque et militant.

1373. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

La mort subite, qui, dans l’antiquité, était le vœu et faisait l’envie d’usage, est l’épouvante et l’horreur du chrétien.

1374. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Elle écrivait d’Ormesson, le 7 juillet 1703, à Mme de Grignan ; — elle vient de parler de MM. de Boufflers et de Villars : « Mais, madame, je m’amuse à vous parler des maréchaux de France employés, et je ne vous dis rien de celui [Catinat] dont le loisir et la sagesse sont au-dessus de tout ce que l’on en peut dire ; il me paraît avoir bien de l’esprit, une modestie charmante ; il ne me parle jamais de lui, et c’est par là qu’il me fait souvenir du maréchal de Choiseul ; tout cela me fait trouver bien partagée à Ormesson : c’est un parfait philosophe, et philosophe chrétien ; enfin, si j’avais eu un voisin à choisir, ne pouvant m’approcher de Grignon, j’aurais choisi celui-là… » De son côté, Fénelon, en décembre 1708, énumérant toutes les qualités nécessaires à un général qui eût commandé une armée sous le duc de Bourgogne et qui, en même temps, lui eût servi de mentor, écrivait au duc de Chevreuse : « Il faudrait qu’au lieu de M. de Vendôme, qui n’est capable que de le déshonorer et de hasarder la France, on lui donnât un homme sage et ferme, qui commandât sous lui, qui méritât sa confiance, qui le soulageât, qui l’instruisît, qui lui fît honneur de tout ce qui réussirait, qui ne rejetât jamais sur lui aucun fâcheux événement, et qui rétablît la réputation de nos armes.

1375. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Faible chrétien, sursum corda !

1376. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « DU ROMAN INTIME ou MADEMOISELLE DE LIRON » pp. 22-41

Crois-moi donc, conservons notre 23 juin intact : c’est le destin qui l’a arrangé, c’est Dieu qui l’a voulu ; aussi son souvenir ne nous donne-t-il que de la joie. » Si Ernest eût vécu à une époque chrétienne, j’aime à croire qu’il ne se fût pas marié après la perte de son amie, et qu’il fût entré dans quelque couvent, ou du moins dans l’Ordre de Malte.

1377. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Car, là où Bertrand veut être surtout pittoresque, Burns se montre en outre cordial, moral, chrétien, patriote.

1378. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Ils le firent réimprimer et le répandirent avec profusion dans la foule pour faire contraster ses déclamations chrétiennes avec ses déclamations philosophiques.

1379. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Comme vous l’avez parfaitement dit, Monsieur, aucune foi n’a de privilège à cet égard ; on peut être un chrétien des premiers jours avec les idées en apparence les plus négatives ; on peut voir soudés dans le même homme un ascète et un jacobin.

1380. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XII »

Elle s’intitule elle-même « une chrétienne », dans tout le cours de la pièce.

1381. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Au milieu des vues étroites et des aigreurs, il est pourtant un point sur lequel le Gazetier théologien ne se méprend pas, c’est sur la tendance non chrétienne du livre de Buffon.

1382. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Quelque temps après, on connut que les vertus de cette reine gothique étaient médiocres : elle n’avait alors guère de respect pour les chrétiennes ; et, si elle pratiquait les morales, c’était plutôt par fantaisie que par sentiment.

1383. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Pourtant il a pour la nature romaine pure et antérieure à toute action chrétienne, pour la nature romaine stoïque, une prédilection qu’il ne dissimulera pas.

1384. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — I. » pp. 127-148

Il y avait tel État où les quakers faisaient à peu près le tiers de la population ; les diverses sectes presbytériennes ou chrétiennes dissidentes avaient la majorité.

1385. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

Sans doute que le bonheur dont j’allais jouir était trop parfait pour pouvoir devenir ici-bas mon partage, et c’est (oui, je l’espère fermement, mourant en bon chrétien, et avec la tranquillité que m’inspire le témoignage de ma conscience), c’est pour m’en rendre participant dans une autre vie que le Maître suprême de nos destinées va me retirer de celle-ci.

1386. (1897) Aspects pp. -215

C’est toi le Chrétien ! […] Il ne lui reste plus guère qu’un ardent esprit de charité assez semblable à celui des premiers chrétiens, fort étranger à la presque unanimité des catholiques actuels. […] Il saisit que toute conciliation est impossible entre la métaphysique chrétienne et la philosophie de l’avenir. […] Toute cette campagne antisémite, croisade religieuse, expression des rancunes et des espoirs du catholicisme — quoique ses promoteurs s’en défendent — ne peut guère nous intéresser parce qu’elle tend tout simplement à remplacer le Capital Israélite par le Capital chrétien. […] Louis de Saint Jacques a défini : « L’adaptation à la vie. » Seul un chrétien logique avec lui-même a le droit — je dirais presque le devoir — de se refuser à goûter la vie.

1387. (1929) Amiel ou la part du rêve

Et c’est un tragique chrétien. […] Et Amiel termine sa méditation, dans la faible mesure où elle est susceptible d’être terminée, en envisageant l’acte sous cinq points de vue : naturel (simple), civil (pas un délit), moral (déchéance), chrétien (péché), avenir (pas sûr). […] Les travers du grimpion genevois sont associés à une métaphysique de la chute, laquelle a ne devient belle que dans le platonisme, parce que le néant y est remplacé par l’Idée, qui est, et qui est divine. » Entre l’Institution chrétienne et le Journal intime, la butte genevoise est un lieu où souffle l’esprit, la bulle genevoise est gonflée par l’esprit. […] Il a dépouillé peu à peu, en protestant élève de l’exégèse et de la philosophie allemande, la matérialité des dogmes chrétiens, la théologie du Dieu personnel.

1388. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

D’autre part, à peine gâté par quelque avocasserie abondante dont il ne peut s’empêcher de paraître enchanté, Pierre Corneille profère de magnifiques éjaculations de lyrisme chrétien, soit dans Polyeucte, soit dans Théodore, et d’infinies tendresses lyriques, dans ses premières comédies, ou dans les élégies de Psyché, ou dans les dialogues sentimentaux d’Agésilas. […] Sans doute, les romantiques d’outre-Rhin durent beaucoup à l’esthétique schillerienne, mais ils s’éloignèrent de Schiller parce que celui-ci préconisait l’ascension des lumières pendant qu’ils rejoignaient le mysticisme chrétien ou la mythologie puérile du moyen âge. […] Félix Godin, auteur des Poésies chrétiennes, de M.  […] En dépit des familiarités de notre vieille et cordiale camaraderie, je n’ai jamais pu me trouver en sa présence ou songer à lui sans me sentir envahi par le respect que l’on doit à quelqu’un de grand et d’auguste ; les chrétiens éprouvent sans doute une vénération analogue à l’égard d’un très simple prêtre, souriant, amical, mêlé à eux, qui est un saint cependant. […] Il serait tout à fait chrétien si l’on avait mis Aphrodite en croix !

1389. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

La doctrine chrétienne enveloppe encore toutes les pensées et toutes les actions de ceux-là mêmes dont la raison répugne aux formules du catéchisme romain. […] La vieille loi romaine et chrétienne paraîtra un jour trop excessive, trop étroite. […] Il commença pourtant par être chrétien. […] Le recueil publié par lui en 1853, et intitulé Poèmes et poésies, contient un chant très beau et vraiment chrétien : la Passion. […] Certaines amitiés, qu’il est nécessaire de rappeler si l’on veut bien comprendre la vie intellectuelle de Leconte de Lisle, contribuèrent à le détourner de l’idéal chrétien.

1390. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Tous trois mettent un accent différent sur la même réalité : un inventaire, un passé, l’inventaire et le passé chrétien et classique. […] Demi est le mot important : la demi-métamorphose donne le Génie du Christianisme et Port-Royal, là où la métamorphose complète donnait le chrétien du xviie  siècle, et l’absence de métamorphose la critique voltairienne. […] Qu’est-ce en effet que Port-Royal, chef-d’œuvre et massif central de la critique française, sinon le tableau de la génération classique, génération chrétienne, que Sainte-Beuve groupe idéalement autour de ce qui fut ou de ce qu’il juge avoir été la réaction chrétienne propre de la France après la Réforme ? […] Les Français, que Nietzsche a appelés le plus chrétien de tous les peuples, avaient pris en face du christianisme, après l’échec de la Réforme française, deux attitudes opposées : construire en lui et par lui, omnia instaurare in Christo , ce qui fut l’idéal du xviie  siècle, et aussi bien des jésuites que des jansénistes, lesquels travaillaient tous deux, ceux-ci sur le terrain de l’âme, ceux-là sur le terrain social, à instituer un christianisme intégral.

1391. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Si dans les drames qui suivent, la Saint-Barthélemy, le Juif de Malte, l’enflure diminue, la violence reste : Barabbas, le Juif, ensauvagé par la haine, est désormais sorti de l’humanité ; il a été traité par les chrétiens comme une bête, et il les hait à la façon d’une bête. Il a purgé son cœur « de la compassion et de l’amour40 ; il rit quand les chrétiens pleurent. […] Sa fille a deux prétendants chrétiens, et, au moyen de lettres supposées, il les fait tuer l’un par l’autre.

1392. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

En un temps surtout ou la vertu était la perfection chrétienne, qui eût osé se dire vertueux ? […] Il nous fait de vives peintures du vrai, plus souvent du vrai de Pascal que du vrai de Montaigne, du vrai selon l’esprit chrétien, qui est moins l’expression de ce qui se fait que la règle de ce qu’il faut faire. […] L’idée d’un dialogue avec son jardinier a pu lui venir d’Horace disant, lui aussi, à son fermier : « Disputons qui de nous deux saura le plus bravement arracher les épines, moi de mon esprit, toi de ton champ, et lequel vaut le mieux d’Horace ou de sa chose166. » Mais le sentiment est différent : ce qui n’est dans Horace qu’un agréable trait de douce et oisive philosophie, dans Boileau est un vœu ardent de s’amender, avec l’inquiétude chrétienne de n’y pas réussir.

1393. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

— Une autre annonce plus complète de bienfaisance commençant par ces mots : Jésus Maria, fut promulguée et lue dans les prônes le jour de Pâques 1641, en des termes tout conformes à la dévotion chrétienne.

1394. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Étienne de La Boétie. L’ami de Montaigne. » pp. 140-161

Montaigne, dans une lettre à son père, a raconté en détail les principales circonstances de cette mort à la fois stoïque et chrétienne : surtout il nous a tracé, dans son chapitre sur l’amitié, un admirable portrait de sa liaison avec celui qu’il appelait presque dès le premier jour du nom de frère.

1395. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

— Tu as raison, répondit le roi, j’ai quelque chose qui me tracasse ; on veut m’engager dans une démarche qui me répugne, et cela me fâche… — Je respecte vos secrets, Sire, poursuivit-elle ; mais je parierais que c’est pour cette Bulle où je n’entends rien ; je ne suis qu’une bonne chrétienne qui ne m’embarrasse pas de leurs disputes.

1396. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — I. » pp. 235-256

Moreau, de la bibliothèque Mazarine, apportant sur ce sujet une critique exacte et bienveillante, a depuis considéré Saint-Martin dans le fond même et le principe de ses doctrines, et s’est attaché à montrer comment il avait servi la vérité à son heure, et en quoi aussi il y avait manqué, en quoi c’était un chrétien peu orthodoxe, un hérésiarque qui en rappelle quelques-uns du temps d’Origène46.

1397. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Laboulaye ne paraît pas douter que si la liberté la plus entière d’association et de propagande était laissée à toutes les communions, à toutes les sectes anciennes ou nouvelles, ce serait la doctrine chrétienne, évangélique et noblement spiritualiste des Channing, des Vinet, des Tocqueville, qui l’emporterait en fin de compte et qui prendrait le dessus : et ainsi du reste, dans toutes les branches de l’activité humaine.

1398. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

D’Albert n’a rien, mais absolument rien de chrétien.

1399. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [I] »

possédions-nous le trésor de cent épopées que nous enviaient toutes les autres nations chrétiennes ?

1400. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo en 1831 »

Si l’on se reporte par la pensée vers l’année 1823, à cette brillante ivresse du parti royaliste, dont les gens d’honneur ne s’étaient pas encore séparés, au triomphe récent de la guerre d’Espagne, au désarmement du carbonarisme à l’intérieur, à l’union décevante des habiles et des éloquents, de M. de Chateaubriand et de M. de Villèle ; si, faisant la part des passions, des fanatismes et des prestiges, oubliant le sang généreux, qui, sept ans trop tôt, coulait déjà des veines populaires ; — si on consent à voir dans cette année, qu’on pourrait à meilleur droit appeler néfaste, le moment éblouissant, pindarique, de la Restauration, comme les dix-huit mois de M. de Martignac en furent le moment tolérable et sensé ; on comprendra alors que des jeunes hommes, la plupart d’éducation distinguée ou d’habitudes choisies, aimant l’art, la poésie, les tableaux flatteurs, la grâce ingénieuse des loisirs, nés royalistes, chrétiens par convenance et vague sentiment, aient cru le temps propice pour se créer un petit monde heureux, abrité et recueilli.

1401. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

Il aurait souhaité voir cette pitié ennoblie par un sentiment plus doux et plus élevé, et la résignation chrétienne du Lépreux l’eût mille fois plus attendri que son désespoir. » — Ce discours dans la bouche de l’ami prendra de la valeur et deviendra plus curieux à remarquer, si l’on y croit reconnaître un écrivain bien illustre lui-même et qu’on a été accoutumé longtemps à considérer comme l’émule et presque l’égal du comte Joseph, plutôt que comme le critique et le correcteur du comte Xavier36.

1402. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

sLe prince de Talmont, on le voit par les Mémoires imprimés, était celui de tous les chefs qui, par ses antécédents et son caractère, se trouvait le moins en accord avec ces mœurs simples, frugales, chrétiennes, et avec cette espèce d’égalité fédérale des gentilshommes vendéens.

1403. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Ce fut pourtant peu après ces triomphes, qu’en 1653, affligé du mauvais succès de Pertharite, et touché peut-être de sentiments et de remords chrétiens, Corneille résolut de renoncer au théâtre.

1404. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Eynard me dira que c’est dans le sens chrétien qu’il parle ; je le sais ; mais je ne voudrais pas que, dans une vie comme celle qu’il nous expose si bien, l’expression même la plus rigoureuse parût choquer une nuance sociale, une nuance féminine.

1405. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Jamais peut-être sur cette terre, à aucune époque, sauf l’ère de l’incarnation de l’idée chrétienne, un pays ne produisit, en un si court espace de temps, une pareille éruption d’idées, d’hommes, de natures, de caractères, de talents, de crimes, de vertus.

1406. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Paris a donné l’appui de son autorité — on a soutenu que nombre de récits dont s’égayaient nos pères avaient une origine plus lointaine et plus singulière : ils seraient venus de l’Inde, et par toute sorte d’intermédiaires, portés de leur patrie bouddhique dans le monde musulman, de là dans l’Occident chrétien, ils se seraient infiltrés jusque dans nos communes picardes et françaises, déversant dans le large courant de la tradition populaire un torrent d’obscénités et de gravelures.

1407. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Saint-Genest (1646) et Venceslas (1647) sont deux belles choses : Saint-Genest 328, avec son mélange de scènes familières et de scènes pathétiques, peinture du monde du théâtre et de l’héroïsme chrétien, a des parties qui continuent dignement Polyeucte.

1408. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Il y a là une mise en scène, des machines, du merveilleux même, et, pour ajouter au scandale, du merveilleux chrétien : Un de ces esprits que le souverain Être Plaça près de son trône et fit pour le connaître37 .

1409. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Les premiers chrétiens s’attendaient tous les jours à voir descendre du ciel la Jérusalem nouvelle et le Christ venant pour régner.

1410. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Vertu laïque, vertu congréganiste, vertu philosophique, vertu chrétienne ; vertu d’ancien régime, vertu de régime nouveau ; vertu civique, vertu cléricale ; prenons tout, croyez-moi ; il y en aura assez, il n’y en aura pas trop pour les rudes moments que la conscience humaine peut avoir à traverser.

1411. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Elle inspire à l’implacable apôtre de la rédemption par le sang, à ce catholique si peu chrétien que fut Joseph de Maistre, des pages rouges et sombres comme le manteau de ce bourreau dont il fait un être providentiel et l’une des pierres angulaires de la société.

1412. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Ce qui s’appliquait à cet Infidèle pouvait-il être seyant à des chrétiens ?

1413. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Elle promet à Gobelin le plaisir de voir le roi très aimable et très chrétien à la messe, quand il viendra à Versailles ; elle parle de la simplicité de la chambre qu’elle occupe ; mais elle ajoute : « Plût au ciel qu’il y en eut autant dans mon cœur, et que sans compter ce que je n’y connais pas, le n’y découvrisse pas encore des replis qui peuvent gâter ce que je suis ! 

1414. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Ravissant et merveilleux prodige emprunté aux extases de la mysticité chrétienne et coloré d’un phénomène de lumière par le grand peintre des teintes magiques.

1415. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Goethe et de Bettina, traduites de l’allemand par Sébastien Albin. (2 vol. in-8º — 1843.) » pp. 330-352

Goethe comprenait tout dans l’univers, — tout, excepté deux choses peut-être, le chrétien et le héros.

1416. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Point d’ambition, point de vues : plus attentive à songer à ce qu’elle aimait qu’à lui plaire ; toute renfermée en elle-même et dans sa passion, qui a été la seule de sa vie ; préférant l’honneur à toutes choses, et s’exposant plus d’une fois à mourir, plutôt qu’à laisser soupçonner sa fragilité ; l’humeur douce, libérale, timide ; n’ayant jamais oublié qu’elle faisait mal, espérant toujours rentrer dans le bon chemin ; sentiments chrétiens qui ont attiré sur elle tous les trésors de la miséricorde, en lui faisant passer une longue vie dans une joie solide, et même sensible, d’une pénitence austère.

1417. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Ce prix, à l’origine, consistait en une espèce de discours ou sermon sur une vertu chrétienne.

1418. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Ailleurs, dans un petit Traité de la vieillesse, elle parlera de la dévotion, non pas comme d’un faible, mais comme d’un soutien à mesure qu’on avance en âge : « C’est un sentiment décent et le seul nécessaire… La dévotion est un sentiment décent dans les femmes, et convenable à tous les sexes. » Cette manière d’envisager la religion est irréprochable au point de vue social et moral ; mais le vrai chrétien demande davantage, et je conçois que le digne M. de La Rivière n’ait pas été entièrement satisfait, à cet égard, des dispositions de son amie.

1419. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Elle vécut assez pour voir celui qu’elle avait aimé renoncer à tout ce qui était du chrétien et du chevalier, à tout ce qui avait fait, à un court moment, son orgueil d’épouse.

1420. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — II. (Suite.) » pp. 23-46

On sait comment il y fut reçu, les scènes qui l’y accueillirent dans la soirée du 30, cet accès de colère qu’il eut à essuyer de la part de M. le Dauphin, et dont ce prince lui a demandé ensuite pardon comme chrétien et comme homme.

1421. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

« En qualité de musulman, je ne pouvais t’offrir à toi, chrétien, une femme de ma religion, mais comme cela, cette femme sur laquelle tu as jeté le regard, tu es sûr qu’elle ne sera plus à personne. » Dimanche 1er mai Quel métier que celui de romancier du temps présent et des choses contemporaines.

1422. (1694) Des ouvrages de l’esprit

Un homme né chrétien et Français se trouve contraint dans la satire, les grands sujets lui sont défendus, il les entame quelquefois, et se détourne ensuite sur de petites choses qu’il relève par la beauté de son génie et de son style.

1423. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Cependant, disoit le célébre Tillotson, Archevêque de Cantorbéri ; que le Chrétien soit Orthodoxe, tant qu’il vous plaira, il n’y a pas après tout d’erreur, ni d’hérésie si fondamentalement opposées à la Religion qu’une vie déréglée.”

1424. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

La sottise ou l’intérêt du grand Constantin, qui résigna presque toutes les fonctions importantes de l’État aux prêtres chrétiens, a laissé des traces si profondes qu’elles ne s’effaceront peut-être jamais.

1425. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

La philosophie du ve  siècle diffère de celle du ive , la morale stoïcienne et chrétienne de la morale platonicienne et aristotélicienne tant par le cosmopolitisme que par l’individualisme.

1426. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

Vauvenargues n’avait pas cette ferme persuasion, ce besoin pressant de la religion qui inspirait le génie des philosophes chrétiens. […] Enfin, quand la religion chrétienne parut sur terre, elle trouva le paganisme croulant de toutes parts. […] Ce style orné et mondain, cette élégance des beaux esprits, pouvaient-ils approcher des ressources que trouve l’orateur vraiment chrétien dans le langage imposant et mystérieux des livres saints ? […] Les questions de liberté, la limite des autorités, la constitution de la république chrétienne, tout cela fut débattu, soit avec les armes de l’érudition, soit par des raisonnements tirés de la nature des choses. […] Tout paraît froid et forcé devant ce dernier adieu d’une âme si chrétienne, si royale et si française, au moment où elle prenait son vol vers l’éternité.

1427. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

De fins lettrés nous présentent des restitutions de légendes chrétiennes comme Anatole France avec Thaïs, Lemaître avec l’Imagier, et Paul Bourget nous mène au cosmopolitisme avec ses œuvres pleines d’anglicanisme. […] Plus loin je trouve cette pensée très chrétienne : On se perfectionne dans la vie par les autres et pour les autres ; l’âme s’enrichit de ce qu’elle dépense, se fortifie avec les forces qu’elle partage, s’enrichit de ce dont elle se prive.

1428. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

Je ne ferai pas grâce du texte le plus célèbre ; mais je le réduirai à sa valeur : « Vous vous souvenez, a dit Balzac, par la bouche, il est vrai, de son Socrate chrétien, vous vous souvenez du vieux pédagogue de la Cour qu’on appelait autrefois le tyran des mots et des syllabes, et qui s’appelait lui-même, lorsqu’il était en belle humeur, le grammairien en lunettes et en cheveux gris. […] Parlant par la bouche d’un Socrate chrétien, il a cru devoir mépriser ce que ce Socrate méprise, et il a fait le rôle d’un autre, en poussant son hyperbole à son ordinaire et en épuisant son développement.

1429. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Le Turc sera son excuse, et un certain chrétien de ma connaissance, sa raison. » Ainsi, dès lors, Mlle Aïssé était aimée du chevalier d’Aydie (car c’est bien lui qui se trouve ici désigné) ; et si elle restait à Paris, sous prétexte de ne pas quitter M. de Ferriol, elle avait sa raison secrète, plus voisine du cœur. […] Sa santé décroît, ses scrupules de conscience augmentent, la passion du chevalier ne diminue pas ; tout cela mène au triomphe des conseils austères et à une réconciliation chrétienne en vue de la mort, conclusion douce et haute, pleine de consolations et de larmes.

1430. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Sa descente sur la terre rappelle celle de l’ange exterminateur dans la théogonie chrétienne. […] Cette générosité, que nous appellerions aujourd’hui chevaleresque, atteste que la chevalerie, cette grâce dans l’héroïsme, était inventée bien avant les mœurs arabes et chrétiennes, et qu’elle était sortie du cœur de l’homme, même dans les temps que nous nommons barbares, comme une beauté innée des sentiments humains, beauté qui n’a pas d’autre date que celle du cœur humain lui-même.

1431. (1886) Le naturalisme

Le fond du Naturalisme, continue-t-elle, c’est le déterminisme, résurrection, sous la forme scientifique chère au xixe  siècle, du vieux Fatalisme païen jusque-là battu en brèche par les doctrines chrétiennes et principalement par la doctrine augustinienne du libre arbitre. […] Mystiques arpèges, notes de guzla, sérénades moresques, terribles légendes chrétiennes, la poésie du passé, l’opulence des formes nouvelles, le poète castillan exprima tout avec une veine si inépuisable, avec une versification si sonore, une musique si délicieuse et que l’on entendait pour la première fois, que même aujourd’hui… alors qu’elle est si lointaine ! […] Tout en se montrant toujours valeureux et noble, grand, courtois et chrétien, de même que le solitaire de la Roche-Pauvre, le Cid est en outre un être de chair et d’os ; il manifeste des affections, des passions et même des petitesses humaines ni plus ni moins que Don Quichotte. […] Flaubert montra toujours de la prédilection pour un certain genre d’études qui n’attirent guère aujourd’hui que les intelligences raffinées et curieuses : l’apologétique chrétienne, l’histoire de l’Église, les Pères, les humanités.

1432. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Enfin pour ôter tout prétexte aux honnêtes gens, il écrivit cette admirable définition du véritable chrétien qui est un des plus beaux morceaux de la langue, —  voilà de vos pareils , etc. […] À la fin donc, le jeune roi, curieux de tout savoir, amoureux comme il l’était, sûr d’être le maître, et qui ne savait guère qu’un jour il appartiendrait, corps et âme, à cette rude chrétienne apostolique et romaine, qui s’appelait, en ce temps-là, madame Scarron, permit à Molière de représenter Tartuffe, au beau milieu de Paris, puis il partit, le lendemain, pour assister à ces sièges de la Flandre à demi conquise qui se faisaient aux sons du violon, au bruit du canon. […] Comme il était un véritablement honnête homme, les véritables gens de bien, qui désapprouvaient hautement sa comédie, devaient l’inquiéter au fond de l’âme ; aussi défend-il sa comédie par des raisons excellentes, naturelles, modestes ; disant que la comédie est presque d’origine chrétienne ; qu’elle doit sa naissance aux soins d’une confrérie religieuse ; qu’elle est destinée à corriger tous les hommes, les dévots comme les autres. […] Encore, faut-il préférer le supplice des chrétiens livrés aux bêtes, à la lente agonie de Molière, livré au parterre.

1433. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Lemaître connaît le verset de l’Évangile : « Celui qui s’abaisse sera relevé », et en dépit ou, si vous aimez mieux, à cause de son humilité très chrétienne, nous le tirerons de cet abaissement volontaire ; nous lui dirons, ce qu’il sait d’ailleurs mieux que nous, qu’un critique peut être quelque chose, parfois même quelqu’un, et que lui passe généralement pour être un critique et des meilleurs. […] On ne saurait guère être en même temps un chrétien très fervent, et je crois bien en effet qu’il a des croyances plus que chancelantes. […] Weiss qui a découvert derrière les bouffonneries de la Belle Hélène « un fond rigoriste et chrétien ». […] Jules Lemaître, et c’est bien lui aussi qui sent « des impressions darwinistes se dégager de cette œuvre éminemment chrétienne » qui est la Phèdre de Racine. — Ironie encore ! […] On peut surprendre dans le psychologue un moraliste à demi chrétien.

1434. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Sans y insister davantage, je signalerai l’apostrophe au Christ, qui est ce que les athées chrétiens (qu’on me pardonne ce néologisme) peuvent rêver de plus sauvage et de plus révolté. […] Ce qu’il nous dit de ces choses du commencement de l’ère chrétienne, il nous le rapporte avec une telle foi, une telle fidélité, qu’il semblerait qu’on lise une page de Jacques de Voragine ou de quelque Père de l’Église. […] Le faune accepte le baptême, tout en adorant le soleil, et l’ermite, touché de voir le faune parer de fleurs l’autel du chrétien, se console en disant : « Le faune est un hymne de Dieu !  […] répondit Jouveroy, je ne me plais qu’avec les gens qui s’embêtent. » La Bruyère dit en parlant de certains financiers : « De telles gens ne sont ni parents, ni amis, ni citoyens, ni chrétiens, ni peut-être des hommes : ils ont de l’argent. » Je dirais volontiers des pareils de Servaise : « Ils ne sont ni chrétiens, ni citoyens, ni amis, ni parents, ni peut-être des hommes : ce sont des littérateurs, — chacun d’une religion littéraire distincte à laquelle il est seul à croire, et qu’il est seul à comprendre, — quand il la comprend. » J’exagère ?

1435. (1924) Critiques et romanciers

C’est à ce prix qu’ils cesseront de faire tant de mal… Ne vous souvient-il pas de ce propos du bon Joinville qui, voyant les Musulmans insulter le camp chrétien, disait à un sien compagnon, quoique ce fût dimanche : Mon ami, fonçons un peu sur cette chiennaille ? […] Il en est content : « Je donne le premier rang à Polyeucte, parce que je suis chrétien, et c’est un progrès ; autrement, je le donnerais à Cinna, et ce serait une décadence. » Oui ! […] Maintenant qu’il est chrétien, son progrès ne serait-il pas d’aimer Athalie davantage ? […] Quel chrétien ne préférerait la part de ces humbles athlètes frappés aux pieds de Jésus-Christ à toutes les couronnes de leurs vainqueurs ?  […] Et moi, je voudrai ; monter sur une tour et crier d’une telle voix que tous les chrétiens qui sont dans le monde puissent l’entendre : Ô mes frères, mes frères, priez pour moi, je vais périr !

1436. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Cette figure de messire Jacques d’Audelée, nous le verrons, est digne en tout d’un Homère chrétien ; c’est comme un héros du Tasse.

1437. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Venant de parler des autres généraux en vogue et en renom, et de Villars même, qui était alors sur le pied de conquérant, Mme de Coulanges, dans une lettre à Mme de Grignan (1703), écrivait : Mais, madame, je m’amuse à vous parler des maréchaux de France employés, et je ne vous dis rien de celui dont le loisir et la sagesse sont au-dessus de tout ce que l’on en peut dire ; il me paraît avoir bien de l’esprit, une modestie charmante : il ne me parle jamais de lui… C’est un parfait philosophe, et philosophe chrétien ; enfin, si j’avais eu un voisin à choisir, ne pouvant m’approcher de Grignan, j’aurais choisi celui-là.

1438. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

L’antiquité chrétienne, littérairement imparfaite, moralement supérieure, n’avait cessé d’être en ces siècles un véhicule actif et un trésor.

1439. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Ce goût du simple et du réel le conduisit à un genre d’idylle qu’il mit à exécution, et dans lequel il visait à reproduire les mœurs pastorales, modernes et chrétiennes, en les reportant vers le xvie siècle, et sans intervention de fausse mythologie.

1440. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

La conversation entre Arthur et M. de Cernay, tome II, page I ; la jolie causerie de Prima sera, II, 65 ; les jeunes chrétiens de salon, II, 133.

1441. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Dante l’a bien senti, lorsqu’il le place, non pas dans le groupe des poëtes païens au chant IV de l’Enfer, mais à titre de chrétien (ce qu’il suppose), dans deux chants à part du Purgatoire (XXI et XXII), plus seul alors en face de Virgile, nommant Virgile avec amour, sans savoir que c’est à lui qu’il parle, souhaitant de l’avoir vu au prix même d’une journée de plus dans les limbes, tombant à ses pieds dès qu’il l’entend nommer, et oubliant, dans cet élan d’embrassement, qu’il n’est qu’une ombre devant une ombre !

1442. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Elle fit une ode chrétienne en 1686, au milieu des souffrances physiques qui, dès lors, l’éprouvaient ; le ton en est élevé, senti ; j’y remarque ce vers : Ote-moi cet esprit dont ma foi se défie !

1443. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

On ne peut pas dire qu’il mourut en chrétien ; Platon était son Christ et la philosophie grecque était sa foi ; il confondait dans cette foi la divinité de l’Évangile avec ces révélations de la sagesse humaine, émanées des inspirés de Dieu, dont il avait propagé le culte en Italie ; fidèle aux formes du catholicisme, plus fidèle à l’esprit dont il les animait.

1444. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Intelligible pour les chrétiens orthodoxes, c’est ainsi que les Russes désignent leur communion, le slavon a sur l’idiome vulgaire l’avantage d’un certain parfum de noblesse et de gravité, qui ne tient peut-être qu’à l’usage qu’on en fait.

1445. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Les deux Prophetes dont j’ai parlé, n’auroient-ils donc pas eu raison de dire qu’il se seroit une révolution étonnante dans les esprits ; que la folie seroit réputée raison ; qu’on appelleroit tolérance l’intolérance la plus décidée ; que les ames, pour vouloir cesser d’être chrétiennes, pratiqueroient les préceptes les plus pénibles de l’Evangile ; qu’elles répondroient aux injures par des louanges, au mépris par l’estime, à la dureté par la douceur, à la sottise par l’admiration, à l’ incompréhensibilité par une humble soumission ?

1446. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Jamais ascète chrétien n’a jeté sur la vie, du fond de sa cellule, un regard plus triste que ce héros assis sur le trône du monde. — « Oh !

1447. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de Pompadour. Mémoires de Mme Du Hausset, sa femme de chambre. (Collection Didot.) » pp. 486-511

ma vie est comme celle du chrétien, un combat perpétuel.

1448. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre VI. Le Bovarysme essentiel de l’humanité »

La certitude du chrétien semble beaucoup moins forte que celle du sauvage et du primitif, si l’on prend pour mesure le fanatisme et les pratiques que ces religions différentes inspirent à leurs fidèles.

1449. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Si vous êtes curieux au point de lui demander comment s’appelait le marchand anglais qui le premier en 1612 est entré en Chine par le Nord, et l’ouvrier verrier qui le premier en 1663 a établi en France une manufacture de cristal, et le bourgeois qui a fait prévaloir aux états-généraux de Tours sous Charles VIII le fécond principe de la magistrature élective, adroitement raturé depuis, et le pilote qui en 1405 a découvert les îles Canaries, et le luthier byzantin qui, au huitième siècle, a inventé l’orgue et donné à la musique sa plus grande voix, et le maçon campanien qui a inventé l’horloge en plaçant à Rome sur le temple de Quirinus le premier cadran solaire, et le pontonnier romain qui a inventé le pavage des villes par la construction de la voie Appienne l’an 312 avant l’ère chrétienne, et le charpentier égyptien qui a imaginé la queue d’aronde trouvée sous l’obélisque de Louqsor et l’une des clefs de l’architecture, et le gardeur de chèvres chaldéen qui a fondé l’astronomie par l’observation des signes du zodiaque, point de départ d’Anaximène, et le calfat corinthien qui, neuf ans avant la première olympiade, a calculé la puissance du triple levier et imaginé la trirème, et créé un remorqueur antérieur de deux mille six cents ans au bateau à vapeur, et le laboureur macédonien qui a découvert la première mine d’or dans le mont Pangée, l’histoire ne sait que vous dire.

1450. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Ce n’est pas, à coup sûr, la traduction des sentiments, des passions, des variantes de ces passions et de ces sentiments ; ce n’est pas non plus la représentation de grandes scènes historiques (malgré ses beautés italiennes, trop italiennes, le tableau du Saint Symphorien, italianisé jusqu’à l’empilement des figures, ne révèle certainement pas la sublimité d’une victime chrétienne, ni la bestialité féroce et indifférente à la fois des païens conservateurs).

1451. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre III. La complication des sociétés »

De même, plus tard, parce que la hiérarchie de l’Église chrétienne admettait des esclaves dans les ordres et les nommait ainsi pasteurs d’hommes libres, elle travaillait indirectement au nivellement des conditions184.

1452. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

C’était aux chœurs d’Eschyle, comme aux hymnes de Pindare, que les premiers chrétiens faisaient le plus d’emprunts, à l’appui de leur foi.

1453. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Ardemment il avait voulu redevenir chrétien, catholique, mais ce qu’il avait vu n’avait pas suffi pour convaincre sa raison, et il était revenu de Lourdes découragé et de plus meurtri par des épreuves que son cœur n’y attendait pas ; peu s’en était fallu alors qu’il jetât sa soutane pour suivre le courant des idées philosophiques, des rêves de révolution sociale qui le hantaient ; le seul dégoût du parjure le retint et, revenu à Paris, il résolut de fermer son esprit à l’examen de toute question qui serait en dehors de la foi absolue, irraisonnée, que prescrit l’Église. […] La pitié l’envahit, une immense pitié, qui lui fit constater l’inégalité farouche des conditions, qui ramena dans son cœur le doute de la justice éternelle et, finalement, lui rendit le désespoir de son incrédulité., Mais le prêtre, refusant de céder à l’esprit tentateur, sentant que la religion des humbles, la foi chrétienne, le fuyait, voulut, pour pousser jusqu’au bout l’épreuve, les tourner vers la foi des intellectuels, celle qu’admettent ceux qui tirent de leur raison ce que d’autres ne demandent qu’à leur instinct ; fiévreusement, il soulagea son âme en consignant dans un livre, la Rome nouvelle, toutes les pensées qui lui étaient venues pour rendre acceptables des mystères, des dogmes qui lui semblaient d’abord révolter la raison ; il rêva d’un rajeunissement de l’Église et d’un nouveau christianisme qui ne serait autre que le christianisme primitif ; en un mot, l’alliance du catholicisme avec l’évolution sociale, une fusion qui en même temps sauverait l’Église en péril et fortifierait le grand mouvement qui se préparait. […] Les coupables se repentent et, en présence de l’insuffisance des remèdes que croit donner la philosophie d’ici-bas, tournent leurs yeux vers le ciel et deviennent des chrétiens. […] D’ailleurs, on n’est pas très bien informé des idées personnelles que le primitif Seigneur avait sur les diverses questions dont se préoccupe la conscience humaine. » Il est évident que cette théorie ne satisfera pas les juifs ni les chrétiens catholiques ou protestants, ni ceux qui pratiquent une religion quelle qu’elle soit, mais elle est excellente comme point de départ d’un roman philosophique, et permet à l’auteur de promener sa fantaisie partout où il lui plaît.

1454. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Correspondance de Lamartine, 13 avril 1819] ; et Lamartine écrit à de Maistre, le 17 mars 1820 : « M. de Bonald et vous, Monsieur le Comte… Vous avez fondé une école impérissable de haute philosophie et de politiques chrétiennes… elle portera ses fruits, et ils sont jugés d’avance. » Il a dû peut-être au contact ou à la conversation des de Maistre, des Lamennais et des Bonald cette vigueur et cette fermeté qui l’ont un moment dégagé du vague où il aspirait à se perdre ; et sans eux les Méditations ne seraient peut-être que « pures comme l’air, tristes comme la mort, et douces comme du velours » [Cf. sa lettre du 13 avril 1819]. […] De la sociologie chrétienne des Bonald et des de Maistre, ou voyait sortir des conséquences inattendues, quoique logiques, et qui de nos jours même étonnent également leurs adversaires, et les disciples d’Auguste Comte. […] Voici donc les principaux titres et les principales dates qu’il importe de retenir : Essai sur les révolutions, Londres, 1797 ; — Atala, an IX (1801) ; — le Génie du christianisme, et René, an X (1802) ; — Les Martyrs, ou le Triomphe de la religion chrétienne, 1809 ; — Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811 ; — De Buonaparte et des Bourbons, 1814 ; — Les Natchez, 1826 ; — Voyage en Amérique, 1827 ; — Études historiques, 1831. […] C’est l’origine de ce que nous avons appelé depuis lors le « christianisme social » ou le « socialisme chrétien » ; — dont la pente irrésistible est vers le socialisme pur, — dès qu’il se sépare de l’autorité et de la tradition. — Mais nous n’en revenons pas moins au même point ; — et l’erreur de Lamennais ne consiste point à s’être contredit ; — mais à avoir voulu établir entre les deux termes de religion et de démocratie, — une identité qui les rendît en tout temps convertibles l’un en l’autre ; — et qui le condamnait donc lui-même à n’être qu’un pur démocrate, — si l’Église refusait d’admettre cette identité. […] 2º Histoire religieuse. — Études d’histoire religieuse, 1857 ; — et Nouvelles études d’histoire religieuse, 1884 ; deux volumes, dont le second contient quelques-uns des premiers travaux de Renan, sur le Bouddhisme et sur Saint François d’Assise. — De la part des peuples sémitiques dans l’histoire de la civilisation, brochure, 1861 ; — Vie de Jésus, 1863 ; Les Apôtres, 1866 ; Saint Paul, 1869 ; L’Antéchrist, 1873 ; Les Évangiles, 1877 ; L’Église chrétienne, 1879 ; Marc-Aurèle, 1881, sept volumes, que complète un index ; — Histoire du peuple d’Israël, 1887-1892.

1455. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

» M. de Montesquieu a parlé, combien compétemment et si bien de la « Sapho chrétienne » mais, s’exprimant devant un public un peu… neuf en ces matières, devait garder la discrétion que de droit absolu et de strict devoir. […] Il subit, à l’hôpital de la Conception, à Marseille, une opération qui parut réussir, puis la fièvre et l’inflammation survenant, la mort s’ensuivit, une mort chrétienne et douce, « la mort d’un saint », dit un biographe qui fut témoin oculaire. […] Moyennant des conclusions qui ne sont pas miennes, puisque je suis chrétien, il fait son livre humain et glorifié d’intensité, tout en souhaitant le repos, avec le regret, je le répète, tout de même, de la vie, — en païen effectivement, en épicurien, ajouterai-je, dans l’acception noble de l’épithète. […] Gloire pure, s’il en fut, la plus belle peut-être, la plus diaphane, la plus immaculée, en un mot qui ait jamais traversé les révolutions sans rien perdre de sa splendeur, de son éblouissant éclat, de ses plumes d’archange, de ses ailes de génie, de son rayonnement semblable à Dieu, aussi païen que chrétien.

1456. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Le temps n’est-il pas venu pour les femmes de réclamer leurs droits légitimes, et ne pensent-elles pas que le moment soit favorable pour se poser en rivales des frères de la Doctrine chrétienne ? […] Celle-là fait défense aux frères des écoles chrétiennes de recevoir, à titre gratuit, dans les écoles communales qui leur sont confiées, les enfants de parents aisés. […] Renan aurait, dans son discours d’ouverture, « exposé des doctrines qui blessent les croyances chrétiennes et qui peuvent entraîner des agitations regrettables ». […] Malgré tout ce qu’on en a dit, il me semble difficile de nier que M. le ministre ait raison et que les croyances, même des sectes chrétiennes les plus tolérantes, ont dû se trouver blessées de certaines expressions. […] La charité chrétienne, l’amour universel qui embrasse tous les êtres, est la base de son caractère.

1457. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Pendant onze siècles, de Thalès à Justinien, leur philosophie n’a jamais discontinué sa pousse ; toujours un système nouveau vient fleurir au-dessus ou à côté des systèmes anciens ; même lorsque la spéculation est emprisonnée dans l’orthodoxie chrétienne, elle se fraye une voie et végète à travers les fissures : « La langue grecque, disait un Père de l’Eglise, est la mère des hérésies. » Dans cet énorme dépôt, nous trouvons encore aujourd’hui nos hypothèses les plus fécondes15 ; ils ont tant pensé, ils avaient l’esprit si bien fait, que leurs conjectures se sont rencontrées maintes fois avec la vérité. […] Les peuples modernes sont chrétiens, et le christianisme est une religion de seconde pousse qui contredit l’instinct naturel. […] Pour mesurer la puissance d’une pareille idée et la grandeur de la transformation qu’elle impose aux facultés et aux habitudes humaines, lisez tour à tour le grand poëme chrétien et le grand poëme païen, d’un côté la Divine comédie, de l’autre l’Odyssée et l’Iliade.

1458. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

En un sens ce xviiie  siècle, impie et révolté, ne tend qu’à réaliser et à fonder dans la pratique civile les maximes de fraternité chrétienne et d’égalité des hommes devant Dieu.

1459. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

— adieu, cabinets paisibles où j’ai nourri mon esprit de la vérité, captivé mon imagination par l’étude, et appris, dans le silence de la méditation, à commander à mes sens et à mépriser la vanité. » On a voulu, dans ces derniers temps, faire de Mme Roland un type pour les femmes futures, une femme forte, républicaine, inspiratrice de l’époux, égale ou supérieure à lui, remplaçant par une noble et clairvoyante audace la timidité chrétienne, disait-on, et la soumission virginale.

1460. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

chrétien et Français, il se trouva plus d’une fois, comme il dit, contraint dans la satire ; car, s’il songeait surtout à Boileau en parlant ainsi, il devait par contre-coup songer un peu à lui-même, et à ces grands sujets qui lui étaient défendus.

1461. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Le janséniste est trop fidèle chrétien pour ne pas respecter les puissances instituées d’en haut.

1462. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Rousseau, flottant à cette époque entre le christianisme réformé, le catholicisme adopté, puis répudié, le calvinisme de son enfance professé de nouveau, l’illuminisme germanique effleuré, et le scepticisme philosophique si voisin de l’athéisme, longtemps fréquenté à Paris dans l’intimité de Diderot, de d’Holbach, de Grimm, pouvait fort bien se réfugier, pour son repos, dans cet éclectisme chrétien de mademoiselle Huber qui donnait satisfaction aux diverses aspirations de sa nature, et qui lui servait de thème pour cet hymne magnifique de Platon des Alpes connu sous le nom de profession de foi du Vicaire savoyard.

1463. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

On voit que la simplicité de l’églogue ne va pas sans parure, que la tragédie use des vers « pompeux » ; que l’épopée « orne » et « embellit » tout, qu’elle a le style « riche », « pompeux » et même « élégant » ; et qu’il ne faut point recevoir les sujets chrétiens parce que les vérités de la foi D’ornements égayés ne sont pas susceptibles.

1464. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Il mérite d’être lu, non-seulement pour sa date, mais pour la justice de l’éloge toujours conforme à la vérité historique ; pour l’onction chrétienne de certains passages, et parce que la langue en est forte et saine.

1465. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Ce spectre indomptable, c’est Capanée qui se croit toujours le damnéde Zeus, et ne distingue pas l’Enfer chrétien du Tartare : Et l’Ombre, s’apercevant que je parlais d’elle à mon maître, cria : « Tel je fus vivant, tel je suis mort. — Quand Jupiter fatiguerait son forgeron duquel, dans sa colère, il prit la foudre aiguë dont je fus frappé, à mon dernier jour, — et quand il fatiguerait l’un après l’autre tous ses noirs ouvriers de l’Etna en criant : Aide-moi, aide-moi, bon Vulcain !

1466. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Les idées de Rousseau sur la religion naturelle viennent s’ajouter aux inspirations chrétiennes et platoniciennes : La raison est le culte et l’autel est le monde.

1467. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Puis, — cet homme une fois instruit, forgé, fourbi, astiqué comme une arme, un revolver à dix mille coups, à autant de coups qu’il y a occasions de tirer sur l’ennemi dans la vie, et mis face à face avec toutes les difficultés, tous les obstacles, tous les problèmes, tous les sentiments, toutes les passions, toutes les résistances d’une société comme la nôtre, qui n’est pas plus athée résolument qu’elle n’est chrétienne, qui trempe par un bout dans l’athéisme, par l’autre bout dans un christianisme ramolli, — engager la lutte, une lutte hardie, à pleins bras, à plein corps, entre cet homme, trempé dans le feu et la glace de l’enfer, et cette société, écrasante de son poids seul, qui lui oppose la masse de ses préjugés, de son hypocrisie, de son ignavie, et même de sa moralité, s’il lui en reste encore.

1468. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

D’avoir battu en brèche, sans relâche, avec une énergie extraordinaire, dans sa critique et dans son œuvre, le vieux spiritualisme ; de s’être insurgé contre le meurtrier dualisme chrétien de l’âme et du corps, d’avoir brutalement revendiqué la vie de la terre et de la matière, réentendu la nature et l’instinct, voilà ce qu’il est impossible de lui contester, et ce qui suffirait à légitimer sa gloire.

1469. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

C’est le fond vivace, sous l’amas des préjugés, c’est la vieille générosité française, c’est la belle fraternité chrétienne inconsciente peut-être, qui s’éveille et va au secours.

1470. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Quand les chrétiens prétendent que le vrai socialisme est tout entier dans le christianisme, ils ont raison d’un certain point de vue ; et quand d’autres retrouvent ailleurs les éléments constitutifs du christianisme, ils ont raison aussi ; mais c’est de la pure théorie analytique qui ne tient pas compte de la mentalité des groupes et des temps.

1471. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Apollon, si ce chœur chante à son gré, le comblera d’honneurs : il en a le pouvoir, car il est assis à la droite de Jupiter148. » Mais on peut remarquer aussi que cette forme judaïque et devenue chrétienne avait reçu des applications plus anciennes.

1472. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Avant d’expirer, il récite à son fils quelques vers sur ses devoirs de roi et de chrétien, qui m’ont rappelé la chronologie française versifiée. […] Marco, vieux serviteur de la famille, copié assez fidèlement sur le Charles-Quint de Don Juan d’Autriche, initié comme lui, par la seconde vue, aux vérités philosophiques de Zadig et de Candide, glorieux de son indifférence, indulgent pour les faiblesses de tous les âges, tolérant pour les puérilités mondaines du catholicisme, pour l’inflexible austérité du protestantisme, apologiste du cabaret et de la danse, panégyriste de la musique et de la peinture chrétienne, Marco ne comprend rien aux querelles qui divisent Luigi et Paolo. […] Elle sera tendre, dévouée, mais sans remords et sans crainte, car la pitié est au nombre des devoirs chrétiens. […] Quelques centaines de phrases harmonieuses et bien faites, sur la beauté de la religion chrétienne et l’incrédulité de la société française, étaient loin, à coup sûr, de suffire à un pareil sujet. […] En Angleterre, l’école des lacs tout entière était chrétienne.

1473. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Qu’il considère cet orateur chrétien, de qui l’éloquence ramasse et pétrit, pour ainsi dire, tous les matériaux du langage sacré, classique et vulgaire, et les fond ensemble, pour composer et cimenter les monuments que bâtit son génie en une langue surnaturelle. […] Pour éviter le désordre, et se bien pénétrer de la substance de chaque genre, il faut donc apprendre à la bien discerner : sans cette étude préliminaire, le poète chrétien et l’orateur sacré, associeront confusément au ton de leurs ouvrages le ton mythologique et profane ; le simple s’alliera au composé, le noble au familier, le choisi au commun, et le bas au sublime. […] Il dut en sentir mieux l’importance que les prêtres du paganisme : l’éloquence des pontifes païens n’eut pas besoin d’acquérir par ses formes une grande influence, chez des peuples dont les religions antiques avaient été reçues sans contestation, et fondées par l’autorité de leurs premiers chefs suprêmes ; mais l’éloquence chrétienne a dû naître et s’accroître de la contradiction qu’opposaient les puissances du temps à la croyance nouvelle des premiers évangélistes. […] Le fiat de Moïse nous frappe, mais la raison ne saurait suivre les travaux de la divinité, qui ébranle sans efforts et sans instruments des millions de mondes. » Cette citation nous rend sensible que l’idée abstraite d’un Dieu est toujours rapetissée par les artifices de l’imagination : elle s’agrandit au contraire en nous par le sentiment intérieur ; l’expression en demeure tacite, et, ne donnant nulle prise aux paroles, elle échappe aux termes et aux figures du style : « De la foi d’un chrétien les mystères terribles « D’ornements égayés ne sont point susceptibles. […] Est-il vraisemblable que, dans la pièce de Zaïre, le vieux Lusignan et sa famille se livrent aux transports de leur zèle chrétien, dans l’appartement même du musulman Orosmane, qu’ils redoutent encore ?

1474. (1939) Réflexions sur la critique (2e éd.) pp. 7-263

Cela fait même toute une littérature, celle du symbolisme chrétien. […] Il est curieux que ces quatre maîtres de l’invective (on pourrait y joindre, à une certaine distance, Drumont) aient tous été des blancs, originels ou convertis, furieux catholiques, mais fort ennemis de la charité chrétienne. […] 1er vers. —  Mystère est pris au sens de la tradition chrétienne (quatre citations, de Pascal à Baour-Lormian).

1475. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Pourquoi Phocas le Jardinier, si peu chrétien pourtant, veut-il mourir en martyr ? […] En regard de l’empire romain, force brutale et sauvage, le poète a placé l’être le plus faible en apparence, la jeune fille chrétienne. […] Le relief de notre esprit apparaît dans la façon dont la religion chrétienne « fut organisée, comprise, sentie, précisée et vécue par nous ». […] Les Occidentaux, régis par la religion chrétienne, croient à l’Infini et trouvent leur équilibre dans la beauté expressive. […] Alors que les Grecs ont fait de la statuaire leur « art central », l’Occident si profondément chrétien a cherché dans la peinture son riche langage.

1476. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

L’art oratoire lui-même, si grave et presque dogmatique dans la chaire chrétienne, si difficile à suivre dans le mouvement journalier du barreau, si passionné à la tribune et n’ayant guère que l’esprit de parti pour juge lorsqu’il est encore, pour ainsi dire, la chose du jour et que le temps n’en a pas éteint la flamme, ne pouvait que difficilement être l’objet d’un examen tout littéraire. […] À peine l’aube de la rénovation chrétienne commençait-elle à blanchir le ciel : M. de Chateaubriand charmait plus de lecteurs qu’il n’en persuadait. […] Êtes-vous chrétien ? on vous peindra comme chrétien. […] Dans ce qu’il appelle le cycle héroïque chrétien, Victor Hugo a résumé, en trois ou quatre courts poëmes tels que le Mariage de Roland, Aymerillot, Bivar, le Jour des Rois, les vastes épopées du cycle carlovingien.

1477. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Comme je parlais ainsi avec un peu d’humeur, contrarié d’avoir travaillé quatre jours pour rien, et d’avoir été dupe de tant de raisonnements qui en les écrivant me semblaient si beaux : « Je vois bien que vous ne réussirez jamais à rien, reprit l’avocat ; vous vivriez dix ans à Paris, que vous n’arriveriez pas même à être de la société pour la morale chrétienne ou de l’académie de géographie ! […] Mais comme l’huître malade produit la perle, ces hommes sans liberté et sans sépulture chrétienne après leur mort produisent le Tartuffe et le Retour imprévu.

1478. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Ce chrétien vertueux a humé de loin la réjouissante odeur de ses terres, maisons, capitaux et autres valeurs mobilières et immobilières. […] Jamais on ne dira que mistress Hoggarthy, du château de Hoggarthy, pourra être soumise à une si horrible humiliation, tant que John Brough aura une maison à lui offrir, une maison humble, heureuse, chrétienne, madame, quoique peut-être inférieure à la splendeur de celles auxquelles vous avez été accoutumée dans votre illustre carrière !

1479. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Elles lui prodiguèrent, à ce dernier moment de sa vie, tout le secours édifiant que l’on pouvait attendre de leur charité, et il leur fit paraître tous les sentiments d’un bon chrétien et toute la résignation qu’il devait à la volonté du Seigneur. […] C’est pousser bien avant la charité chrétienne ; Et je vous dois beaucoup pour toutes ces bontés.

1480. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Ainsi la Renaissance païenne qui semble devoir fleurir, sera dotée malgré nos vœux d’une expression et d’une grâce toutes chrétiennes. […] Nous sommes présents à de frustes repas et à des accueils rustiques dans nos promenades campagnardes qui surpassent en grâce divine la Cène chrétienne et le Banquet platonicien.

1481. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Il me parlait aujourd’hui d’une biographie, où on l’avait fait naître dans un campement de bohémiens, et fait élever dans une école chrétienne par charité. […] Et nos paroles remuent beaucoup de choses, et Drumont le chrétien et le socialiste, se déclare contre le revenu de l’argent, contre l’héritage : déclaration qui fait entrer Mme Daudet, dans une belle colère, pendant qu’elle couve, de la tendresse de ses yeux, ses trois enfants, et que Drumont répète assez drolatiquement : « Que voulez-vous, je suis sociologue… mon état est d’être sociologue ! 

1482. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Par le merveilleux chrétien aussi bien que par la mythologie elle contredit au goût moderne et surtout à la vraisemblance si chère à l’esprit français. […] Cette qualité d’amuseur fut sa plus sûre garantie, une condition d’existence ; quand il cessa de rire, on lui refusa la sépulture des chrétiens.

1483. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

On pourrait faire des observations de même ordre sur L’art égyptien primitif, sur l’art chrétien du moyen âge. […] S’il est de petits esprits têtus, aux admirations étroites, qui n’admettent ni l’art antique, ni l’art chrétien, qui nient les œuvres de perfection plastique ou de beauté morale, et que l’art trivial suffit à remplir tout entiers, que leur dire ? […] C’est le véritable idéal de l’art chrétien. […] À ce point de vue, l’art chrétien primitif était mieux servi par son inexpérience et sa gaucherie même. […] Nous retrouvons dans l’art chrétien des métaphores de ce genre.

1484. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

Les chansons de gestes, conçues et composées aux heures de splendeur et de force du sentiment chrétien, ne contiennent pas trace de ce mode de composition ; il grandit au contraire, il domine, au moment où la religion du Christ semble perdre sa prépondérance incontestée. […] La pensée chrétienne, d’une part, de la béatitude dans le martyre, la croyance, d’autre part, à l’infamie, voire même à la damnation éternelle née des joies de la chair devaient lui offrir des sources nouvelles d’épouvantables sensations et contribuer à l’asseoir dans nos mœurs. […] Ils ont vu enfin l’épuisement des races actuelles et l’invasion barbare menaçante au-dessus de nos têtes, aussi fatale à présent que fut celle où s’effondra l’empire romain au ive  siècle de l’ère chrétienne. […] En quoi le poème chrétien, grave, majestueux et pur, à l’image de la religion qui l’inspire, se rapproche-t-il de cette épopée cruelle dont il émane une sensation complexe, à la fois admirative et pénible, faite de l’attrait esthétique pour les beautés qu’elle recèle et d’une sorte de douleur nerveuse devant les tableaux qu’elle évoque, en somme un peu morbide et malsaine, comme le cerveau même de l’écrivain qui l’a fixée. […] Pour compléter ces bizarres galanteries, il lui jure « qu’il l’aura bien aimée avant qu’il ne l’aime plus », et, en attendant cette échéance, il ne lui cache pas « le dégoût inouï » qu’il a de lui-même, en opposition avec « la tendresse toute chrétienne » qu’il éprouve à son égard, et dont elle semble d’ailleurs modérément satisfaite310.

1485. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Myrrha est une jeune chrétienne qui, sans que son âme innocente puisse le pressentir, enveloppe d’un amour inconscient, léger comme un voile de vierge, l’empereur Néron, le bourreau de ses coreligionnaires et bientôt le sien. L’éclat de la pompe impériale, la grandeur même de ses crimes ont fait de lui, à ses yeux, une sorte de créature hors l’humanité ; involontairement elle est prise pour Néron d’une immense pitié et, comme elle est chrétienne, elle voudrait sauver son âme. […] » Le drame commence, Myrrha, ainsi que d’autres chrétiens, va être livrée aux bêtes. […] « Les chrétiens hésitèrent un instant. […] « Et il commença la prière pour l’Empereur, et les autres chrétiens la récitèrent avec lui.

1486. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

L’Ermitage, pour qui il voulait bien manifester une sympathie particulière, honore hautement en lui le grand poète chrétien et français dont la mort, hélas ! […] C’est à lui que s’applique, volontiers, cette phrase : Le repentir est le grand acte chrétien. […] Nous sommes d’ailleurs avertis — par une préface où il est question de Dieu — que cette œuvre sadique est, « en quelque sorte, l’Enfer d’un Œuvre chrétien ». […] Et aussitôt, ce faune chrétien maudissait l’ordure de son péché mortel. […] Le socialisme chrétien, naguère prisé dans les salons et favorable au mariage riche des jeunes gens pauvres, a rejoint les anciens almanachs.

1487. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

L’auteur des Idées de Madame Aubray le sait bien ; et il a beau n’être qu’un chrétien du dehors, il est juste de reconnaître que sa pensée restera jusqu’au bout profondément imprégnée de christianisme. […] On a dit aussi que chez lui c’est le chrétien qui redoute la femme, source de péché pour l’homme. […] Il n’a pas été même effleuré par la pensée chrétienne. […] Il se peut, en effet, qu’il y ait en dehors de la communion chrétienne de très honnêtes gens. […] Mais ce qui est impossible, c’est qu’une société reste vertueuse, quand elle est tout à la fois, sciemment et volontairement, chrétienne d’apparence et sceptique de cœur.

1488. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Le romancier revendique le droit d’associer l’Évangile et l’épée, en vertu d’un texte qui prouve qu’il peut, qu’il doit y avoir une doctrine chrétienne de la guerre. […] Le héros chrétien nous eût défendu de le pleurer, « comme ceux qui n’ont pas d’espérance ». […] Thureau-Dangin ne s’apparente-t-elle pas à celle des admirables chrétiens du dix-neuvième siècle groupés autour du grand curé de Saint-Sulpice ? […] C’est donc un socialiste chrétien ? […] Cette obligation d’honneur civique se doublait chez lui d’une charité fervente, celle du chrétien pratiquant qu’il était resté.

1489. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

S’il n’avait pas eu ce goût d’instinct pour le théâtre et ses jeux les plus divers, depuis la comédie anecdotique d’Andrieux jusqu’aux Burgraves, depuis les drames chrétiens de Hrotsvitha jusqu’aux marionnettes, on aurait droit d’être sévère sur sa qualité d’érudit ; on pourrait le définir le contraire d’un Letronne ou d’un Fauriel, et soutenir sans trop d’injustice qu’il n’y apportait aucune initiative personnelle.

1490. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Au contraire, il y marquait l’initiative à la civilisation chrétienne, et le devoir d’agir à chacun de ses membres ; il y disait avec plainte : « Comment aurions-nous des hommes politiques, des hommes d’État, quand les questions dont la solution réfléchie peut seule les former ne sont pas même poses, pas même soupçonnées de ceux qui sont assis au gouvernail ; quand, au lieu de regarder à l’horizon, ils regardent à leurs pieds ; quand, au lieu d’étudier l’avenir du monde, et dans cet avenir celui de l’Europe, et dans celui de l’Europe la mission de leur pays, ils ne s’inquiètent, ils ne s’occupent que des détails du ménage national ?

1491. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Balayer de la scène le moyen âge et installer à sa place un âge de justice, de logique, de vérité, de liberté, de fraternité, conçu d’une seule pièce et jeté d’un seul jet ; En religion, conserver la belle morale et la sainte piété chrétienne, en détrônant les intolérances ; En politique, supprimer les féodalités oppressives des peuples, pour les admettre aux droits de famille nationale, et leur laisser la faculté de grandir au niveau de leur droit, de leur travail, de leur activité libre ; En législation, supprimer les privilèges iniques pour inaugurer les lois communes à tous et à tous utiles ; En magistrature, remplacer l’hérédité, principe accidentel et brutal d’autorité, par la capacité, principe intelligent, moral et rationnel ; En autorité législative, remplacer la volonté d’un seul par la délibération publique des supériorités élues, représentant les lumières et les intérêts généraux du peuple tout entier ; Enfin, en pouvoir exécutif, respecter la monarchie, exception unique à la loi de capacité, pour représenter la durée éternelle d’une autorité sans rivale, sans éclipse, sans interrègne ; honorer cette majesté à perpétuité de la nation, mais la désarmer de tout arbitraire, et n’en faire que la majestueuse personnification de la perpétuité du peuple : voilà la véritable Révolution française, voilà le plan des architectes sages et éloquents des deux siècles.

1492. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIe entretien. La passion désintéressée du beau dans la littérature et dans l’art. Phidias, par Louis de Ronchaud (1re partie) » pp. 177-240

Louis de Ronchaud est un Pygmalion sauvage qui n’adore pas son propre ouvrage, mais l’ouvrage du génie humain dans toute l’antiquité artiste à Athènes, et dans toute la renaissance chrétienne à Rome.

1493. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Depuis le commencement du xvie  siècle, l’une de ces régions, par des circonstances particulières dont quelques-unes tiennent à des croyances religieuses, a pris de l’importance aux yeux des navigateurs chrétiens qui parcourent les mers situées sous les tropiques ou au-delà des tropiques, et des missionnaires qui prêchent le christianisme dans les deux presqu’îles de l’Inde ; c’est la région de la Croix du Sud.

1494. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Les parentés sont dans le cœur, monsieur ; il y a bien des chrétiens qui ne s’aiment pas tant que nous nous aimons, nous, le chien, la chèvre et les moutons, sans compter le Ciuccio, l’âne qui broute là, devant les chardons aux fleurs bleues du ravin.

1495. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

Quand je revins à moi, je me trouvai toujours couchée dans la poussière du chemin, sur le bord du pont ; mais une jolie contadine, en habit de fête, penchait son gracieux visage sur le mien, me donnait de l’air au front avec son éventail de papier vert tout pailleté d’or, et me faisait respirer, à défaut d’eau de senteur, son gros bouquet de fleurs de limons qu’elle tenait à la main comme une fiancée de la campagne ; elle était tellement belle de visage, de robe, de dentelles et de rubans, monsieur, qu’en rouvrant les yeux je crus que c’était un miracle, que la Madone vivante était descendue de sa niche ou de son paradis pour m’assister, et je fis un signe de croix, comme devant le Saint-Sacrement, quand le prêtre l’élève à la messe et le fait adorer aux chrétiens de la montagne au milieu d’un nuage d’encens, à la lueur du soleil du matin, qui reluit sur le calice.

1496. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Le vieux barde de Temrah se tue sous les yeux du beau jeune homme inspiré qui, tour à tour, lui parle divinement du Christ et le menace sauvagement de l’enfer14; et les prêtres et les vierges se laissent massacrer en chantant par le chef chrétien Murdoch, un farouche apôtre15.

1497. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

Et en effet, j’admets volontiers que les mythes d’autrefois ont eu leur raison d’être, leur grandeur et leur grâce ; que les dieux et les déesses de l’Olympe, les fées et les lutins des légendes populaires, les anges et les démons de la religion chrétienne ont pu être, aux yeux de nombreuses générations, de commodes incarnations des forces inconnues qui agissent autour de nous et sur nous.

1498. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

Il y a deux Eddas, ou plutôt deux recueils de fragments religieux et héroïques, attribués, l’un, à Sœmund-le-Sage, prêtre chrétien islandais, qui vivait à la fin du xie  siècle ; l’autre, à Snorre Sturleson (xiiie  siècle).

1499. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Nous trouvons Rose, tranquille, espérante, parlant de sa sortie prochaine, — dans trois semaines au plus, — et si dégagée de la pensée de la mort, qu’elle nous raconte une furieuse scène d’amour qui a eu lieu hier entre une femme couchée à côté d’elle et un frère des écoles chrétiennes, qui est encore là aujourd’hui.

1500. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Le Carache n’est pas moins peintre dans ses tableaux ciniques, que dans ses tableaux chrétiens ; et de même, pour revenir à la poësie, La Fontaine n’est pas moins poëte dans ses contes que dans ses fables ; quoique les uns soient dangereux et que les autres soient utiles.

1501. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Je vous embrasse, mon cher père, en vous assurant que si Dieu me garde la vie, ce ne sera que pour vous continuer entièrement : amour du sol et crainte de Dieu…‌ L’idée chrétienne se mêle avec une impétueuse beauté à tout son patriotisme terrien et familial :‌ L’heure d’un sacrifice général a sonné pour tous.

1502. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Le père Mabillon, dans son ouvrage De re diplomaticâ, a pris le soin de reproduire par la gravure les signatures apposées par des évêques et des archevêques aux actes des Conciles de ces temps barbares ; l’écriture en est plus informe que celle des hommes les plus ignorants d’aujourd’hui ; et pourtant ces prélats étaient les chanceliers des royaumes chrétiens, comme aujourd’hui encore les trois archevêques archichanceliers de l’Empire pour les langues allemande, française et italienne.

1503. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Le cuisinier d’un archevêque, grondé par son maître pour avoir caché la clef de la marmite, refuse de la rendre et répond : « Je ne puis souffrir qu’on me querelle, étant de race de vieux chrétiens nobles comme le roi et même un peu plus. » Les domestiques exigent des égards ; ils prétendent la plupart être d’aussi bonne maison que le maître qu’ils servent, et, s’ils en étaient outragés, ils seraient capables, pour se venger, de le tuer en trahison ou de l’empoisonner. […] A leurs yeux, quiconque nie le dogme est un traître, et la guerre est l’état naturel du chrétien contre l’hérétique ou l’infidèle. […] Sainte-Odile et Iphigénie en Tauride Chaque année les pèlerins bouddhistes ou chrétiens allaient par dévotion visiter quelque stupa, quelque chapelle particulièrement sainte, et renouveler leur âme au contact de leurs dieux. […] » Ici le sentiment religieux dépasse l’enceinte bornée où s’enfermaient les conceptions des premiers âges ; les dieux deviennent paternels ; on croit sentir l’approche de la piété chrétienne. — Il n’en est rien ; il a suffi à la pensée grecque de suivre son développement pour en venir là. […] De jeunes Chinois adoptés en bas âge par la Société des Missions, élevés en Europe, retournent en Chine, très résolus à propager la religion chrétienne ; « à peine débarqués, l’esprit de leur race les ressaisit ; ils oublient leurs promesses, perdent leurs croyances chrétiennes ; on dirait qu’ils n’ont jamais quitté la Chine. » Aux Philippines, un petit noir de trois ans, enlevé dans une battue, élevé par un Américain, conduit à New-York, Paris et Londres, était devenu un gentleman, parlait le français, l’anglais, l’espagnol, ne chaussait que de fines bottes vernies.

1504. (1907) Jean-Jacques Rousseau pp. 1-357

Enfant encore et livré à moi-même…, forcé par la nécessité, je me fis catholique, mais je demeurai toujours chrétien (épigramme suggérée par son résidu protestant) et bientôt, gagné par l’habitude, mon cœur s’attacha sincèrement à ma nouvelle religion… Les instructions, les exemples de madame de Warens m’affermirent dans cet attachement. […] Pascal, et Bossuet, et Bourdaloue, et bien d’autres docteurs chrétiens, avaient défini et réprouvé le pouvoir amollissant et corrupteur de la comédie. […] Mais d’Alembert ne pouvait manquer d’opposer l’auteur du Devin à l’auteur de la Lettre sur les spectacles ; et c’est ce qu’il fait en termes bien spirituels : La plupart de nos orateurs chrétiens, en attaquant la comédie, condamnent ce qu’ils ne connaissent pas : vous avez au contraire étudié, analysé, composé vous-même, pour en mieux juger les effets, le poison dangereux dont vous cherchez à nous préserver ; et vous décriez nos pièces de théâtre avec l’avantage non seulement d’en avoir vu, mais d’en avoir fait… Oh ! […] A moins qu’on ne veuille simplement dire : — « Tous les hommes naissent en pleurant, tous meurent dans l’angoisse et la souffrance ; tous sont soumis aux mêmes nécessités naturelles, etc.. » Mais, de cela même, s’il y a quelque chose à tirer pour le moraliste et pour le chrétien, il n’y a rien à tirer pour l’État. […] Il y faut joindre un passage tout à fait odieux, — dont on retrouverait peut-être l’origine chez quelque écrivain protestant, — un passage où tout l’antipapisme de sa première éducation lui revient (avec le désir peut-être de flatter ses coreligionnaires de Genève) ; où il refuse aux « chrétiens romains » la possibilité d’être de bons citoyens parce que le chef de leur religion ne réside pas dans leur patrie ; où enfin, après avoir explicitement banni les athées de sa république, il en bannit implicitement les catholiques.

1505. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

J’étais chrétien… La raison apparut à moi comme une lumière. […]  » Cette foi dans la présence réelle qui répète à chaque minute le drame du Calvaire pour chaque Conscience de croyant, cette « vitalité chrétienne », disait M.  […] Le dédain absolu à l’endroit de la foi chrétienne fut un de ces préjugés. « Ne ris pas », écrit-il à Paradol de l’Ecole même, « M.  […] Tantôt, c’est la rencontre avec quelque chef-d’œuvre du génie chrétien qui exalte sa ferveur.

1506. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

» » L’image n’est pas seulement d’une grossièreté inconvenante : elle manque en outre de justesse et de charité chrétienne ; je dirais même qu’elle est d’un païen, — et M.  […] Chrétien, — et chrétien de bonne foi, — M. 

1507. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

« Souvenez-vous, mes frères, dit l’orateur chrétien, de ces cabinets que l’on regarde encore avec tant de vénération, où l’esprit se purifiait, où la vertu était révérée sous le nom de l’“incomparable Arthénice”, où se rendaient tant de personnages de qualité et de mérite qui composaient une cour choisie, nombreuse sans confusion, modeste sans contrainte, savante sans orgueil, polie sans affectation. » C’est pour suivre ce noble exemple que Cathos et Madelon des Précieuses ridicules, abjurant la légende, se font appeler Aminte et Polixène. […] L’on ne porte point envie à son gain ni à sa réputation ; ce n’est pas un sentiment particulier, c’est celui de tous les gens de bien ; et il ne doit pas trouver mauvais que l’on défende publiquement les intérêts de Dieu qu’il attaque ouvertement, et qu’un chrétien témoigne de la douleur en voyant le théâtre révolté contre l’autel, la farce aux prises avec l’Évangile, un comédien qui se joue des mystères et qui fait raillerie de tout ce qu’il y a de plus saint et de plus sacré dans la religion. […] « C’est trahir visiblement la cause du ciel que de se taire dans une occasion où sa gloire est ouvertement attaquée, où la foi est exposée aux insultes d’un bouffon qui fait commerce de ses mystères et en profane la sainteté, où un athée foudroyé en apparence foudroie en effet et renverse tous les fondements de la religion à la face du Louvre, dans la maison d’un prince chrétien, à la vue de tant de sages magistrats et si zélés pour les intérêts de Dieu, en dérision de tant de bons pasteurs que l’on fait passer pour des tartuffes !

1508. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

A lire quelques-uns des écrits qu’il composa dans les premières années de la révolution (1789-1791), et dans lesquels il cherche à démontrer la conciliation des mesures politiques récentes avec les croyances chrétiennes ou même catholiques, on serait tenté de conclure qu’il ne s’émancipa que vers cette époque et graduellement ; mais, comme on retrouve les mêmes ambiguités gallicanes dans son écrit sur la Puissance temporelle des Papes, c’est-à-dire à une époque où il était dès longtemps acquis aux pures doctrines philosophiques, on ne saurait s’arrêter à ce qui pouvait n’être chez lui que ménagement de langage. […] » Boileau, dans sa satire de l’Équivoque, a parlé des chrétiens martyrs dune diphthongue, et Voltaire, à son tour, s’est égayé là-dessus.

1509. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

D’abord, idolâtre de Hugo chez Hugo, et là, faisant les meilleurs vers qu’il ait faits : les vers à sa femme ; puis saint-simonien ; puis mystique à croire qu’il allait devenir chrétien, et maintenant très mauvais. […] dit Gautier jouant mal l’assurance, il n’y a que les chrétiens qui comptent, et il y a ici pas mal d’athées ! 

1510. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

« Mme sa mère, dit le Mercure, l’a fait particulièrement instruire des devoirs d’un bon chrétien. » Son père, pendant plusieurs années, allait tous les jours à la Trappe « Il m’y avait mené. Quoique enfant pour ainsi dire encore, M. de la Trappe eut pour moi des charmes qui m’attachèrent, et la sainteté du lieu m’enchanta. » Chaque année, il y fit une retraite, parfois de plusieurs semaines ; il y prit beaucoup d’inclination pour les chrétiens sévères, pour les jansénistes, pour le duc de Beauvilliers, pour ses gendres. Il y prit aussi des scrupules ; lui si prompt à juger, si violent, si libre quand il faut railler « un cuistre violet », transpercer les jésuites ou démasquer la cour de Rome, il s’arrête au seuil de l’histoire, inquiet, n’osant avancer, craignant de blesser la charité chrétienne, ayant presque envie d’imiter les deux ducs « qu’elle tient enfermés dans une bouteille », s’autorisant du Saint-Esprit qui a daigné écrire l’histoire, à peu près comme Pascal, qui justifiait ses ironies par l’exemple de Dieu. […] La Fontaine, le plus heureux, fut le plus parfait ; Pascal, chrétien et philosophe, est le plus élevé ; Saint-Simon, tout livré à sa verve, est le plus puissant et le plus vrai.

1511. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

C’est à la foi chrétienne qu’il faut demander le sens intime, le sens profond du Canzoniere. […] Rien n’est plus facile, au contraire, que de concevoir le développement de ces sentiments sous le règne de la foi chrétienne. […] Or, si Pétrarque ne peut se concevoir sous le règne du paganisme, Tibulle ne se concevrait pas davantage sous le règne de la foi chrétienne. […] Et cette nouvelle trinité, qui doit détrôner la trinité chrétienne, Rabelais, Molière, Voltaire ? […] Ronciat, accablé sous le mépris de tous ceux qui l’entourent, qui l’ont entendu et le maudissent, offre son nom à Claudie, qui lui répond avec une simplicité toute chrétienne : « Que Dieu vous pardonne, comme je vous ai pardonné depuis longtemps !

1512. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Dans cette pieuse réflexion, il fit brûler en sa présence cet illégitime enfant de son bel esprit, et voulut prouver par cette action, véritablement chrétienne, qu’il préféroit la qualité d’homme de bien à celle de docte interprète. » Les poésies françaises de Passerat se composent de Vers de chasse et d’amour, publiés à Paris en 1597 et d’un volume d’Œuvres poétiques, publié en 1607 et 1606. […] Le poème de la Captivité de saint Malc est de ce genre épique, pieux et chrétien, qui pensa un instant rejeter de la grande poésie les Dieux de l’Olympe. […] Cependant il y a dans la Captivité de saint Malc des vers d’une incomparable suavité chrétienne. […] Dès qu’il eut la bouche close, Sa femme ne dit plus rien ; Elle enterra vers et prose Avec le pauvre chrétien.

1513. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Ce qu’il avait appris à Issy de sciences naturelles et de philosophie venait confirmer les doutes que la critique philologique et historique lui inspirait sur l’infaillibilité de l’Église et de l’Écriture sainte, et sur la doctrine qui fait de la révélation chrétienne le centre de l’histoire et l’explication de l’univers. […] Son idéal de vie n’était pas l’ascétisme chrétien de l’auteur de l’Imitation ou des solitaires de Port-Royal, ce n’était pas même le stoïcisme roide et outré d’Épictète, c’était le stoïcisme attendri et raisonnable de Marc-Aurèle. […] La doctrine chrétienne se résuma à ses yeux dans l’opposition de la justice et de la grâce80, opposition que son cœur ne pouvait admettre ; car la justice sans amour n’est plus qu’une légalité sauvage et impitoyable, et l’amour sans justice un caprice immoral. […] Comment la Bible juive et chrétienne, issue d’un seul peuple, pourrait-elle répondre aux besoins de l’humanité ? […] Indien par sa tendresse pour la nature, chrétien par son amour de l’homme, il reconstitue, cet homme simple, dans son cœur immense, la belle cité universelle dont rien n’est exclu qui ait vie, tandis que chacun n’y veut faire entrer que les siens. » P. 232.

1514. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Relève-toi, chrétien tremblant !

1515. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

A ce printemps de 1820, la Grèce n’était pas insurgée encore ; mais on parlait alors de Parga, de ce peuple chrétien, livré, vendu au pacha d’Épire par l’Angleterre, et qui avait fui en emportant ce qu’il avait pu des tombeaux paternels.

1516. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Le tond en est de morale chrétienne ou de pure civilité et usage de monde ; mais la forme surtout fait défaut ; elle est longue, traînante ; rien ne se termine ni ne se grave.

1517. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

— Ajax en révolte s’écriait : Je me sauverai malgré les Dieux ; et Lucrèce : Je m’abîmerai à l’insu des Dieux. » Il s’attachait, dans la lecture du livre, à dessiner l’âme du poète, à ressaisir les plaintes émues que le philosophe mettait dans la bouche des adversaires, et qui trahissaient peut-être ses sentiments propres ; il relevait avec soin les affections et les expressions modernes, cet ennui qui revient souvent, ce veternus, qui sera plus tard l’acedia des solitaires chrétiens, le même qui engendrera, à certain jour, l’être invisible après lequel courra Hamlet, et qui deviendra enfin la mélancolie de René.

1518. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Les mœurs austères des premières nations chrétiennes auraient vu dans cette institution de plaisir intellectuel un souvenir de la bayadère des Indes ou de la courtisane de Rome.

1519. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Les actions sont de mille ans avant l’ère chrétienne ; les manières sont de dix-sept siècles après.

1520. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

j’ai vu ceux de Lyon, je vois ceux de Paris, et je pleure pour ceux du monde entier. » Humanitaire et chrétienne, elle a des alliances, toutes féminines, d’idées, de sentiments et de croyances, — alliances dont le secret semble perdu, et qu’elle seule pouvait oser, et qui paraîtraient aujourd’hui extravagantes, je ne sais pas pourquoi.

1521. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Chrestien, chrétien.

1522. (1828) Préface des Études françaises et étrangères pp. -

. — Sans doute ; et en voici les raisons : la disposition des cirques antiques, l’intervention du chœur, les grandes robes et les masques des acteurs, les rôles de femmes joués par des hommes, enfin l’extrême simplicité de l’action et l’ordre tout païen des idées et des sentiments, eussent formé de trop choquantes disparates avec nos habitudes sociales et notre civilisation chrétienne, pour que la tragédie grecque pût être posée toute droite sur notre théâtre, comme une statue qui change de piédestal.

1523. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Sur ce dernier article la religion chrétienne s’accorde avec toutes les autres.

1524. (1927) Approximations. Deuxième série

La phrase où se peint peut-être le mieux la stricte délicatesse de sa nature, c’est dans l’avant-propos que je la cueille : « Je ne suis pas de ceux, dit-il, qui confondent leurs sentiments et pensent faire œuvre de charité chrétienne en s’abandonnant à leur hainegu ». […] Fruit de « discussions préparées » tenues par quelques prisonniers du camp de Kœnigsbrück, où « chacun à son tour parlait de ce qu’il connaissait le mieux » et où Jacques Rivière « choisit de parler de Dieu », À la trace de Dieu143 renferme les plans et notes de L’Apologétique Chrétienne que projetait Rivière, suivis des pages du Journal de Captivité qui ont trait au même sujet. […] Qu’il s’agisse du chapitre, peut-être le plus dense de tous : La Mentalité du Chrétien vue de l’intérieur, de la localisation des Mystères, de la nature de la Providence148 (oh ! […] Pour que l’humilité puisse être à ce point féconde, pour que ce ne soit pas seulement le cœur, mais l’esprit même qu’elle ouvre « comme on ouvre un fruit150 », il faut qu’elle soit de cette sorte qui ne se rencontre que chez les très rares qui sont — c’est le cas où jamais de reprendre la forte expression chrétienne — « fondés en humilité ». […] Or ici c’est une question de même nature, très droite, elle aussi, que pose l’état d’inachèvement où du vivant de l’auteur fut laissée cette Apologétique Chrétienne ; et cette question, fidèle à l’esprit du propos que je viens de citer, je ne me sens pas le droit de l’esquiver.

1525. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Et cela nous étonne, de voir une société chrétienne si docile aux leçons des païens : leçons d’orgueil et de volupté spirituelle. […] C’est, au contraire, une jolie chose, l’accord où ont vécu ensemble, durant le dix-septième siècle, la pensée païenne et la chrétienne. […] Doctrine d’orgueil, le stoïcisme ne choque pas les chrétiens, avant l’époque de l’impiété. […] Et c’est dans la fine et amoureuse compagnie de Pauline de Beaumont que Chateaubriand composa son apologie chrétienne. […] et, pour sauver une sainte architecture, que peuvent deux pauvres chrétiennes ?

1526. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Mais il est, en outre, fort beau, écrit avec soin, d’une composition ingénieuse et simple, vivant, poétique, et profondément animé de l’esprit chrétien. […] Ainsi il nous a donné un beau livre, un livre vraiment chrétien ; et tous ceux-là devront lui en savoir gré qui, à l’ignorance agitée et dangereuse des savants, préfèrent une ignorance plus tranquille, plus douce, tempérée par la foi et par la bonté. […] Il disait que l’argent venait tout droit du diable, et que le devoir de tout bon chrétien était de le laisser au diable. […] Et rien, dans toutes les littératures, ne ressemble autant aux Fioretti que ces contes chrétiens de Tolstoï : De quoi vivent les hommes, Ivan l’Imbécile, Les Deux Vieillards, incomparables chefs-d’œuvre de simplicité et de poésie, petites fleurs champêtres dont je ne me lasse point de respirer le délicat parfum26. […] Le comte Tolstoï, comme l’on sait, recommande volontiers aux chrétiens de rejeter les formes extérieures de la religion où ils ont été baptisés.

1527. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviiie entretien. Littérature germanique. Les Nibelungen »

. — Comment, dit-il, pourrai-je obtenir cette belle au besoin, puisque je suis payen et elle chrétienne. — Le margrave Ruedigêr, auquel il se confie pour aller demander en mariage la belle Kriemhilt, partit avec cinq cents chevaliers. […] « Elle ne cessa de renouveler ses instances jusqu’à ce que l’enfant d’Etzel fût baptisé suivant la coutume chrétienne.

1528. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. —  première partie  » pp. 126-268

Adonné à la famille comme un Racine qui se serait retiré un peu trop tôt, converti, vers 1810, aux idées religieuses et à la pratique chrétienne, père, époux, ami, il se livrait de bonne foi aux sentiments humains régularisés, aux habitudes naturelles et pures ; il y plongeait comme en pleine terre. […] Les relations compliquées de ce peuple avec les Aquitains et les Vascons des frontières sont traitées pour la première fois d’une manière lucide, intelligente ; les effets lointains des révolutions arabes intestines et leur contre-coup sur la lutte engagée contre les Franks se marquent avec suite et s’enchaînent : il est telle révolte des Berbères en Afrique qui, seule, peut expliquer de la part des Arabes d’Espagne un temps d’arrêt, un mouvement rétrograde, où les chroniqueurs chrétiens n’ont rien compris. […] Fauriel, le premier, par toutes sortes de preuves et d’arguments d’une grande force, vint réclamer pour les Provençaux l’invention et le premier développement de la plupart des romans de chevalerie, non-seulement de ceux qui roulent sur les traditions de la lutte des chrétiens contre les Sarrasins d’Espagne ou sur les vieilles résistances des chefs aquitains contre les monarques carlovingiens, et qui forment le principal fonds de ce qu’on nomme le cycle de Charlemagne, mais encore de ces autres romans d’une branche plus idéale, plus raffinée, et qui constituent le cycle de la Table ronde.

1529. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

Du patriarche d’Arabie au mage de Perse, du grand roi de Persépolis au démagogue d’Athènes, du consul de Rome aristocratique au César de Rome asservie dans le bas empire, du César païen au pontife chrétien souverain dans le Capitole ; de Louis XIV, souverain divinisé par son fanatisme dans sa presque divinité royale, aux chefs du peuple élevés tour à tour sur le pavois de la popularité ou sur l’échafaud où ils remplaçaient leurs victimes ; des démagogues de 1793, du despote des soldats, Napoléon, affamé de trônes, aux Bourbons rappelés pour empêcher le démembrement de la patrie ; des Bourbons providentiels de 1814 aux Bourbons électifs de 1830, des Bourbons électifs, précipités du trône, à la république, surgie pour remplir le vide du trône écroulé par la dictature de la nation debout ; de la république au second empire, second empire né des souvenirs de trop de gloire, mais second empire infiniment plus politique que le premier, calmant dix ans l’Europe avant d’agiter de nouveau la terre, agitant et agité aujourd’hui lui-même par les contrecoups de son alliance sarde, insatiable en Italie, contrecoups qui, si la France ne prononce pas le quos ego à cette tempête des Alpes, vont s’étendre du Piémont en Germanie, de Germanie en Scythie, de Scythie en Orient, et créer sur l’univers en feu la souveraineté du hasard ; de tous ces gouvernements et de tous ces gouvernants, la souveraineté, souvent dans de mauvaises mains, mais toujours présente, n’a jamais failli ; c’est-à-dire que la souveraineté, instinct conservateur et résurrecteur de la société naturelle et nécessaire à l’homme, n’a pas été éclipsée un instant dans l’esprit humain.

1530. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Platon est le générateur de toutes les utopies contre nature ; c’est le patron du radicalisme dans tout l’univers ; ses rêves ont égaré en législation même les premières sectes chrétiennes.

1531. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

.… Et je conjure Votre Seigneurie, par l’ancienne amitié qui exista entre nous, par la grande affection qu’elle me porte et par sa charité chrétienne, d’agir envers moi, dans cette affaire, avec la même franchise qu’Elle m’a toujours montrée ; présentez ma supplique au cardinal de Pise ou à tout autre cardinal attaché à l’inquisition, et ne vous laissez dissuader par personne de présenter ma supplique, sous prétexte que je ne suis pas en parfaite santé d’esprit.… Mais présentez ma supplique au cardinal de Pise.… Employez toute votre influence, toute votre autorité à Rome !

1532. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

» — « Ce n’est pas une chrétienne, s’écriait Knox dans sa chaire, ce n’est pas même une femme ; c’est une divinité païenne : c’est Diane le matin, Vénus le soir !

1533. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Je n’accepte cette place (en montrant) sur le gradin inférieur du siège des juges, que comme chrétienne qui s’humilie ; ma place est là, dit-elle en tendant la main vers le dais, je suis reine dès le berceau, et le premier jour qui m’a vue femme m’a vue reine ! 

1534. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

À l’homme moderne, incroyant et morose, elle est ce qu’est au mahométan le Coran, ou chrétien la Bible.

1535. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

En effet, ils se jettent sur les grands sujets qu’un La Bruyère, avec un soupir de regret, déclarait interdits à un homme né chrétien et français.

1536. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Puvis de Chavannes, à dire vrai, m’ont toujours moins ému : un souci, peut-être, trop visible du sujet à décrire, une expression un peu riche, uniforme ; ou bien comme dans ce très beau tableau de l’inspiration chrétienne, un arrangement fautif ; car le majestueux paysage mystique, et les colonnes du cloître, si austères, sont une admirable décoration toute d’ensemble ; et j’y regrette ces personnages dont les expressions saisissent, perçues en détail, mais qui, à distance, raient de lignes trop frustes l’impression totale.

1537. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

La légende chrétienne du Gral a dû naturellement avoir une forme primitive orientale, encore très vague bien entendu ; transportée en Bretagne20 par la marche de la prédication, elle a coïncidé avec les traditions nationales de la Celtique, l’initiation aux mystères du « Gradal », les souvenirs de résistance à la conquête et les espoirs d’affranchissement.

1538. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Alternativement Gassendiste, Newtonien, Spinosiste, Pirrhonien ; tout à la fois Partisan & Ennemi de Wolfs, Panégyriste & Adversaire de Léibnitz, Louangeur & Antagoniste amer de Warburton, Enthousiaste & Détracteur de Shakespear, Ami & Critique acharné des deux Rousseau, de Maupertuis, de Montesquieu, de Crébillon, d'Helvetius ; après avoir été successivement Chrétien, Déiste, Théiste, Matérialiste, & avoir fait sur ses derniers jours plusieurs actes de Catholicité, il a fini….

1539. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

si vous entendiez parler de la Pauvreté chrétienne qui se dépouille elle-même entre les mains de Dieu, de cette « dame tant aimée » dont Dante a chanté, dans son Paradis, les noces mystiques avec saint François d’Assise, et que Giotto a ceinte, dans ses fresques, de la couronne d’épines du Calvaire, pour celle-là, pour cette fille du ciel, l’orgue n’a pas assez d’hymnes, l’encensoir n’a pas assez de parfums, la canonisation pas assez de cymbales, de flambeaux et de tabernacles !

1540. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

R. de Montesquiou déclare : « Bittô n’est pas chrétienne.

1541. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

J’accepterais volontiers pour lui l’unique précepte auquel saint Augustin réduisait la loi chrétienne : Ama et fac quod vis.

1542. (1890) Nouvelles questions de critique

C’est, j’imagine, un assez grand nom que celui de Calvin dans l’histoire de la prose française ; et parmi ces « trois cents fac-similé de titres », on n’eût pas été fâché de trouver celui de l’Institution chrétienne. […] Le Dictionnaire invoque ailleurs l’autorité de Calvin, dans son Institution chrétienne, et il se réfère, comme d’ordinaire, en l’invoquant, l’édition de 1561. […] Ce lieu commun de la théologie chrétienne, si éloquemment développé par Pascal, dans un fragment célèbre, c’est Buffon, le moins « pieux » assurément de nos grands écrivains, qui l’a renouvelé en en faisant l’objet d’une démonstration proprement scientifique. […] Cependant, et tandis que madame de Staël, faisant tomber ainsi les frontières de l’esprit français, le rendait concitoyen du monde, Chateaubriand, lui, de son côté, le rendait contemporain de la cathédrale gothique, et le ramenait, par l’histoire, à la conscience de ses origines chrétiennes. […] En l’an 1802, ni plus tôt ni plus tard, De la foi des chrétiens les mystères terribles D’ornements égayés devinrent susceptibles ; le sentimentalisme religieux triompha, pour un demi-siècle environ, du rationalisme impertinent et sec des derniers idéologues ; — et la littérature du xixe  siècle naquit.

1543. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Il n’y a que lorsqu’on entre par le cœur dans l’ordre chrétien, dans l’ordre de charité et de Jésus-Christ, qu’on sort du La Rochefoucauld ; il n’y a que le christianisme qui renverse l’homme : et encore il reste à savoir si ce renversement n’est pas lui-même une dernière forme, la plus subtile de toutes, le dernier tour de force et la sublimité de l’amour de soi. […] Si un beau jour quelque empereur chrétien n’avait pas abattu de vive force le reste d’idoles et de petits temples qui restaient debout dans les campagnes, il y aurait encore, à l’heure qu’il est, d’honnêtes gens qui adoreraient Jupiter et Cérès : « Panaque silvanumque patrem !

1544. (1896) Le livre des masques

Le Voyage d’un nommé Chrétien (The Pilgrim’s Progress), de Bunyan, le Voyage spirituel, de l’espagnol Palafox, le Palais de l’Amour divin, d’un inconnu, ne sont pas œuvres totalement méprisables, mais les choses y sont vraiment trop expliquées et les personnages y portent des noms vraiment trop évidents. […] Était-il chrétien ?

1545. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Dans la philosophie, on bornerait la logique à quelques lignes ; la métaphysique, à un abrégé de Locke ; la morale purement philosophique, aux ouvrages de Sénèque et d’Épictète ; la morale chrétienne, au sermon de Jésus-Christ sur la montagne ; la physique, aux expériences et à la géométrie, qui est de toutes les logiques et physiques la meilleure. […] Ces fades harangueurs peuvent se convaincre par la lecture réfléchie des sermons de Massillon, surtout de ceux qu’on appelle le Petit-Carême, combien la véritable éloquence de la chaire est opposée à l’affectation du style ; nous ne citerons ici que le sermon qui a pour titre de l’Humanité des Grands, modèle le plus parfait que nous connaissions en ce genre ; discours plein de vérité, de simplicité et de noblesse, que les princes devraient lire sans cesse pour se former le cœur, et les orateurs chrétiens pour se former le goût.

1546. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Je ne parlerai que de l’Inutile Beauté, une nouvelle très intéressante et qui, outre l’attrait d’une fabulation captivante, renferme une thèse plus athée et philosophique que chrétienne, mais très curieusement développée. […] C’est en pleine Thébaïde, dans ces déserts que la foi chrétienne venait de peupler, que l’auteur nous conduit tout d’abord, et le récit qu’il nous en fait est tout empreint à la fois du charme du roman antique et du parfum biblique. […] La fable qui sert de prétexte à de ravissantes peintures du monde chrétien et païen de ce temps, au désert et à Alexandrie, est des plus simples et d’une grâce pénétrante.

1547. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Les histoires, fidèles dépositaires de la vérité, conserveront jusqu’à la fin son nom avec sa honte ; et le rang où il s’est élevé aux dépens des lois de l’honneur et de la probité, le faisant entrer sur la scène de l’univers, ne servira qu’à immortaliser son ambition et son ignominie sur la terre. » « Cette amplification, ou plutôt cette diffamation inexcusable dans la bouche d’un orateur chrétien, qui ne doit offenser personne, était beaucoup plus propre à consoler la reine d’Angleterre qu’à faire connaître le prince d’Orange ; elle peut servir d’exemple pour prouver que Massillon s’étendait trop sur la même idée, et abusait étrangement de sa facilité, en se livrant quelquefois à des répétitions fastidieuses ; mais écartons pour le moment cette discussion critique, à laquelle nous ne serons que trop obligé de revenir.

1548. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

De toutes ces insultes de Saint-Simon, en les exprimant d’un pouce ferme, il ne sort rien de plus que l’ambition effrénée d’une femme qui avait le droit de prétendre à tout et qui, arrivée à sa place par cette loi de gravitation dont le jeu reste toujours innocent de ses actes, s’effaça et vécut avec la simplicité de la plus humble chrétienne, entre son royal époux et Dieu. […] Mais les Anglais, et, en général, des chrétiens d’une nation quelconque, n’auront jamais aucune influence morale sur les populations musulmanes indigènes. […] Il avait été recueilli par sa sœur aînée, Kha-khié-monnè, la Bordure de peau de lièvre, femme du jongleur esclave Nitajyé, homme foncièrement hostile à la religion chrétienne. […] Édouard Schuré n’admet pourtant pas le miracle matériel, mais l’apparition insaisissable d’une forme, car, dit-il : Pour concevoir du fait de la résurrection une idée rationnelle, pour comprendre aussi sa portée religieuse et philosophique, il faut ne s’attacher qu’au phénomène des apparitions successives et écarter, dès l’abord, l’absurde idée de la résurrection du corps, une des plus grandes pierres d’achoppements du dogme chrétien qui, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, est resté absolument primaire et enfantin.

1549. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Avec leur gai parler fleuri, ces paysans ont l’âme de juifs plus que de chrétiens. […] Ceux-là, au contraire, ne nous abaissent que pour nous relever ; et, plaçant dans le ciel notre point d’appui, ils nous apprennent à contempler sans découragement, du sein même de notre impuissance, la perfection intime où les chrétiens sont appelés. » Ceux qui ont lu le livre de M.  […] « Et c’est aussi la mer où, dans les premiers siècles de l’erreur chrétienne, alors que le règne de la sainte nature finissait et que commençait celui de l’ascétisme cruel, le patron d’une barque africaine entendit des voix dans l’ombre, et l’une d’entre elles rappeler et lui dire : “Le grand Pan est mort !

1550. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Pour que ce rôle se révélât pleinement et fût compris par les poètes et par la foule, il fallait que l’humanité eût été gouvernée pendant quinze siècles par la loi chrétienne. […] Si quinze siècles de christianisme ont été nécessaires au développement du grotesque et de la poésie dramatique, si le grotesque est un élément nécessaire de toute réalité et si le drame, pour demeurer fidèle à son origine, pour se conformer à l’esprit chrétien, doit reproduire tous les éléments aperçus et mis en lumière par le christianisme, il ne peut se dispenser de mêler le grotesque à toutes ses créations. […] Les cimetières mêmes ne s’ouvrirent plus, et les morts ne purent obtenir les prières chrétiennes.

1551. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Il prit en apparence le succès pour un dogme ; il oublia que la moralité est la première condition des actes publics ; il crut aux deux morales, la petite et la grande ; comme Mirabeau, son élève et son égal, il matérialise la politique en la réduisant à l’habileté, au lieu de la spiritualiser en l’élevant à la dignité de vertu : mais, à cette faute près, faute punie par la mauvaise odeur de son nom, il fut honnête homme ; il fut même chrétien dans sa foi et dans ses œuvres ; il fut en même temps le plus parfait artiste en ambition que le monde moderne ait jamais eu à étudier pour connaître les hommes et les choses ; son malheur fut d’être artiste, et de donner dans le même style et avec le même visage des leçons de tyrannie et des leçons de liberté.

1552. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (5e partie) » pp. 145-224

Entre ces deux philosophies sociales, il n’y a pas de milieu : ou il faut rêver avec les utopistes actuels, ces Titans de l’absurde, des rêves tels que j’aimerais mieux croire à la quadrature du cercle et aux hallucinations apocalyptiques de Patmos qu’à la réhabilitation de la chair par Saint-Simon, ou à la mer de lait sucré, ou à l’accroissement physique de l’homme par l’allongement de la colonne vertébrale, c’est-à-dire par l’ignoble partie innommable du buste humain ; ou bien, faut-il le dire, à l’immense et universelle félicité de l’être à deux pieds sans plumes, de mon sublime ami Victor Hugo, qui, lui du moins, est hardiment spiritualiste et philosophiquement chrétien.

1553. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Celle sur les mariages est très-peu chrétienne et très-libre : il admet la réclusion des femmes dans les États conservateurs.

1554. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Mme Gervaisais, jeune veuve riche, intelligente et d’esprit indépendant, vient à Rome avec son petit enfant, s’éprend de la Rome païenne, puis s’en détache, subit ensuite dans son imagination et dans son cœur la Rome chrétienne, est décidément convertie par une maladie de son petit garçon et sa guérison miraculeuse, est prise d’une dévotion exigeante et insatiable, se livre à un directeur féroce, s’enfonce dans un ascétisme sombre, renonce à tout, même à l’amour maternel, s’éveille pourtant de cette folie à la voix de son frère, un soldat, qui l’éclairé brusquement sur son mal et qui veut la sauver ; mais elle tombe morte avant de quitter Rome, sous la bénédiction du pape  Près d’elle, un autre malade, le petit Pierre-Charles, un bel enfant idiot, d’une sensibilité violente et qui aime furieusement sa mère. « La musique et son cœur, c’était tout cet enfant, un cœur où semblait avoir reflué, l’élargissant, ce qui lui manquait de tous les autres côtés.

1555. (1896) Les origines du romantisme : étude critique sur la période révolutionnaire pp. 577-607

Le même accident arriva à Mme de Staël : mais dans son cas ce fut la mort du père qui, de la philosophe, fit une chrétienne romantique ; changez le sexe du néophyte et du coup vous changez celui du convertisseur.

1556. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Nous avons une impression de ce genre quand nous confrontons la doctrine des stoïciens, par exemple, avec la morale chrétienne. […] Les deux métaphysiques, en dépit de leur ressemblance ou peut-être à cause d’elle, se livrèrent bataille, avant que l’une absorbât ce qu’il y avait de meilleur dans l’autre : pendant un temps le monde put se demander s’il allait devenir chrétien ou néo-platonicien.

1557. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

On a laissé les pièces objectionables au point de vue bourgeois, car le point de vue chrétien et surtout catholique me semble supérieur et doit être écarté, — j’entends, notamment, les Premières Communions et les Pauvres à l’église ; pour mon compte, j’eusse négligé cette pièce brutale ayant pourtant ceci qui est très beau : … Les malades du foie... […] Mais je lui en voudrai toujours, en toute mansuétude chrétienne toutefois (et je me moque de ce qu’il blague ma « phraséologie cléricale »), d’avoir dit et imprimé que Sagesse était de la fumisterie.

1558. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Il avait laissé le champ libre entre les Chrétiens & les Payens. […] Il est, sans doute, permis d’employer ces sortes d’intelligences dans un Poëme Chrétien ; mais un Poëte Français n’en doit user que sobrement. […] Il s’agit d’un château construit en l’air par les Démons, d’où ils désolent & accablent une troupe de soldats chrétiens.

1559. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Empêtrées plutôt qu’habillées dans le style lourd du rédacteur byzantin, elles ont traversé les siècles sous cet informe vêtement, et n’ont trouvé leur Homère que dans un Français, dans un chrétien, dans La Fontaine ; il est vrai que pour les recevoir il s’est fait grec et païen.

1560. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Nul homme n’a plus soigné les couleurs de sa robe de chambre afin de se présenter à la mort comme un apôtre pour les chrétiens, comme un chevalier pour les royalistes, comme un tribun de l’avenir pour les républicains les plus avancés.

1561. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIIIe entretien. Fior d’Aliza » pp. 177-256

S’immoler sans espoir pour l’homme qu’on méprise, Sacrifier son or, ses voluptés, ses jours, À ce rêve trompeur… mais qui trompe toujours ; À cette liberté que l’homme qui l’adore Ne rachète un moment que pour la vendre encore ; Venger le nom chrétien du long oubli des rois ; Mourir en combattant pour l’ombre d’une croix, Et n’attendre pour prix, pour couronne et pour gloire Qu’un regard de ce Juge en qui l’on voudrait croire Est-ce assez de vertu pour mériter ce nom ?

1562. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIIe entretien. Madame de Staël. Suite. »

Les bosquets, les fleurs et les ruisseaux aux poëtes du paganisme ; la solitude des forêts, l’Océan sans bornes, le ciel étoilé peuvent à peine exprimer l’Éternel et l’infini dont l’âme des chrétiens est remplie.

1563. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Le chrétien fait partie d’une société bien plus étendue et plus sainte, qu’il doit au besoin préférer à son pays

1564. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Il dit des Parisiens : « Laissez-les chanter la canzonette : ils pagaront. » Il supporte les impertinences avec une patience plus que chrétienne.

1565. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

Samedi 17 avril À moi qui, depuis vingt ans, crie tout haut que, si la famille Rothschild n’est pas habillée en jaune, nous serons, nous chrétiens, très prochainement domestiques, ilotisés, réduits en servitude, le livre de Drumont m’a causé une certaine épouvante, par la statistique et le dénombrement des forces occultes de la juiverie.

1566. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

C’est, dit le philosophe anglais, un bien, à mon sens, pour la doctrine chrétienne, que le pessimisme ait mûri assez pour trouver son expression complète et définitive ; car il l’a trouvée chez l’auteur des Blasphèmes.

/ 1703