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1060. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

L’autre, au contraire, avait une physionomie d’une mobilité, d’une nervosité, d’une sensualité extraordinaires, un teint moite, une bouche énorme et saignante, agitée d’un rire, des yeux lourds pleins de feu et de larmes, et comme une peau suante, chaude, et tirée par des tics. […] Il y a un tas de trempettes ; la trempette bonne-femme, pure et simple ; la trempette avec la tête ; la trempette-Cronstadt, les jambes en l’air… Voilà de quoi rire et s’amuser. […] Comme on sortait de dîner entre vieux amis et que la soirée s’était passée charmante et gaie : — Pourquoi avons-nous tant ri que cela ce soir ? […] La mère Beautemps, à Félicienne, qu’elle fait sauter au bout de ses bras, et qui se tord de rire. — Dis que t’es encore mieux avec ta nounou, ma grosse taupe ? […] Ce dernier mouvement était pour eux le précurseur de la mort, leurs yeux décolorés s’ouvraient vers le ciel ; un rire de bonheur contractait leurs lèvres ; on eût pu croire qu’une consolation divine adoucissait leur agonie, que dénonçait une salive épileptique.

1061. (1883) Le roman naturaliste

Zola note leurs émotions : rient-ils, c’est « d’un rire sournois de bête impudique » ; s’ils désespèrent, c’est « en soufflant fortement, pareils à des bêtes traquées » ; s’ils se repentent, ce sont « des monstres qui se battent dans leurs entrailles ». […] Malot et Zola, longue, nombreuse, interminable serait la galerie qu’on pourrait faire défiler sous les yeux du lecteur ; mais n’y a-t-il donc pas autre chose dans l’homme que de quoi rire et se moquer ? […] Quels rires cependant, si c’était dans Thomas que l’on découvrît cette étonnante périphrase ! […] Flaubert ne laisse pas de ressembler parfois à son curé Bournisien : il avait comme lui « la stature athlétique » ; il a souvent, comme lui, « le rire opaque ». […] C’est feu Wafflard, l’auteur du Voyage à Dieppe, qui n’aurait pas osé se permettre une semblable phrase ; ou, s’il l’avait commise, ç’aurait été qu’il voulait rire ; et M. de Goncourt, de quoi je le plains de tout mon cœur, est sérieux, et très sérieux.

1062. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Cette supplique fut mal reçue du Dieu, & fit rire ceux même qui avaient appellé autrefois Chapelain un grand homme. […] On rit encore plus qu’on n’avait fait au portrait de la belle Agnès. […] Alors un petit homme qui s’était tapi dans un coin pour tout entendre & rire de tout ce qu’il entendrait, éleva sa voix de fausset ; c’était Scarron. […] On riait des bouffonneries de Jodelet(b) ; mais on applaudissait au jeu piquant & raisonné de Deschamps & d’Auger. […] Mere des Ris sur l’autel des Furies Vous avez pu sacrifier !

1063. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Les poètes romantiques de 1824 ne plaisantent pas, ils n’ont pas le plus petit mot pour rire ; et M. de Vigny moins encore que personne. […] On n’entendra jamais piaffer sur une route Le pied vif du cheval sur les pavés en feu ; Adieu, voyages lents, bruits lointains qu’on écoute, Le rire du passant, les retards de l’essieu… Tout ce passage est charmant ; il y en a de très élevés : la nature parle et dit d’admirables choses dans son impassible dédain pour la fourmilière humaine : On me dit une mère, et je suis une tombe !

1064. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Voici l’enfant folâtre, la petite fée voltigeante qui bat des mains, et « de ses yeux noirs malicieusement vous regarde en face, et se sauve pendant que ses rires éclatants creusent des fossettes dans les roses enfantines de ses joues. » Voici la blonde pensive qui songe, ses grands yeux bleus tout ouverts, fleur aérienne et vaporeuse « comme un lis penché sur un buisson de roses et que le soleil mourant traverse de sa lumière », faiblement souriante, « pareille à une naïade qui au fond d’une source regarde le déclin du jour. » Voici la changeante Madeline, soudain rieuse, puis soudain boudeuse, puis encore gaie, puis encore fâchée, puis incertaine entre les deux, étranges sourires, « délicieuses colères qui ressemblent à de petits nuages frangés par le soleil1519. » Le poëte revenait avec complaisance sur toutes les choses fines et exquises. […] Ils sont excessifs, raffinés, prompts aux larmes, au rire, à l’adoration, à la plaisanterie, enclins à mêler l’une à l’autre, précipités par une verve nerveuse à travers les contrastes et jusqu’aux extrêmes.

1065. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Lisez Byron pour le faux rire, allez entendre Mozart pour voir transfigurer en mélodies diverses et délicieuses, en sourires ou en larmes, toutes les passions du cœur humain, depuis les amours de la terre jusqu’aux enthousiasmes du ciel. […] Nous n’échappons pas nous-même à la toute-puissance sensuelle de ce spectacle où le poète compose et versifie, où le peintre décore, où l’architecte construit, où la danseuse enivre l’œil par la beauté, le mouvement, l’attitude ; où le déclamateur récite, où le personnage tragique ou comique rit et pleure, se passionne, tue ou meurt en chantant ; où l’orchestre enfin, semblable au chœur de la tragédie antique, accompagne et centuple toutes ces impressions du drame par ces soupirs ou par ces tonnerres d’instrumentation savants qui caressent ou qui brisent chaque fibre sonore du faisceau de nos nerfs en nous.

1066. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Troisième partie de Goethe. — Schiller » pp. 313-392

Elle ne riait pas haut ; c’était plutôt un doux roucoulement sourd, dans lequel la joie et la sérénité s’exprimaient parfaitement. […] Dieu frappe de stérilité ceux qui rient de ses dons.

1067. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Toute la cour se prit à rire ; le monarque lui-même daigna sourire, et passa outre pour se rendre à la messe qui l’attendait. […] Il y en avait de toute sorte : l’italien de Naples, moitié espagnol, moitié francisé, moitié grec, moitié lazzarone ; on ne pouvait tenter ce mélange, plus propre à faire rire que pleurer.

1068. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Ce fut son premier chagrin ; il pleura bien fort quand on lui dit qu’il ne verrait plus son aïeul, et son souvenir lui resta tellement à l’esprit que, longtemps après ce jour néfaste, me voyant prise d’un malencontreux fou rire pendant une réprimande de notre mère, il s’approche de moi, et pour arrêter cette gaieté intempestive qui menaçait de tourner à mal, me dit à l’oreille d’un ton tragique : « — Pense à la mort de ton grand-papa ! […] Tu ris ?

1069. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

Il y répond par un battement d’ailes, par une inclination de tout son corps et par un glapissement dont la discordance et l’éclat ressemblent au rire d’un maniaque. […] On voit plusieurs mâles attachés à la poursuite d’une seule femelle, voltiger, monter, descendre, exécuter mille évolutions étranges : espèce de ballet burlesque dont il est difficile d’être témoin sans rire.

1070. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

» Elle avait l’air de se fâcher, mais on voyait bien à ses yeux plissés qu’elle riait au fond de son cœur. […] Devant nous, les Italiens parlaient et riaient entre eux, étant habitués depuis trois semaines à cette existence.

1071. (1922) Enquête : Le XIXe siècle est-il un grand siècle ? (Les Marges)

Quand on songe aux grands écrivains et aux grands penseurs du xixe  siècle, il n’y a qu’à hausser les épaules et à rire de voir, comme dit l’autre :                                          des pigmées Burlesquement raidir leurs petits bras Pour étouffer si hautes renommées. […] On nous assure que ce fut le plus bête de tous les siècles, et qu’il faut nous hâter d’en rire, de peur d’en pleurer.

1072. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Et puis, il y avait si peu d’espoir que jamais le maître verrait sur la scène la réalisation de ses rêves, et il en ressentait si impérieusement le besoin, non pour les autres, mais pour lui-même. « Souvent, dit-il, je riais tout haut, et je m’avouais que je passais mon temps en de fort sottes occupations » (VI, 378). […] Il se repose, avant de continuer sa-route, et la nature, « qui attend sa délivrance de l’homme » resplendit autour de lui — c’est le miracle du vendredi-saint, — « Toute créature, dit Gurnemar, se réjouit aujourd’hui : elle regarde vers l’homme délivré (nun freut sich aile Kreatur…) La femme pécheresse aux pieds de Parsifal a retrouvé enfin les larmes (ich sah sie welken, die mir lachten) : « je les vis pleurer elles qui autrefois riaient : aujourd’hui aspirent-elles enfin à la délivrance ? 

1073. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

» Et nous, en nous-mêmes, nous étions en train de rire, pensant, que peut-être l’évêque du diocèse des athées allait prendre contre notre livre la défense de la religion. […] Notre-Dame de Paris avec Quasimodo… L’Homme qui rit, toujours la réussite à coups de monstres… Même dans Les Travailleurs de la mer, tout l’intérêt de son roman est le poulpe… Hugo, continue-t-il, a une force, une très grande force, fouettée, surexcitée… la force d’un homme, toujours marchant dans le vent, et prenant deux bains de mer par jour10.

1074. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

La foule houleuse et de belle humeur témoignait bruyamment sa satisfaction du temps et du spectacle ; elle s’enquérait du nom des célébrités et des délégations de villes et de pays qui défilaient pour son plaisir ; elle admirait les monumentales couronnes de fleurs portées sur des chars ; elle applaudissait les fifres des sociétés de tir, déchirant les oreilles de leurs airs discordants ; elle saluait de rires ironiques Déroulède et son sérieux en redingote verte ; et pour mettre le comble à sa joie, il ne manquait que le blason des Benni-bouffe-toujours du cortège, — le lapin sauté et leur arme, — la colossale seringue de carton. […] Les traîtres n’y opposèrent qu’un rire moqueur. » Son père, le général Hugo, était parmi ces traîtres. — Charles X exilé, Abel décoré par Louis-Philippe pour « services rendus par la plume », écrivit l’Histoire populaire de Napoléon (1853), elle lui valut les chauds compliments du prince Napoléon.

1075. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIIe entretien. I. — Une page de mémoires. Comment je suis devenu poète » pp. 365-444

II L’aigle seul, assez fort pour lutter avec l’onde, Se précipite en bas du sommet du rocher ; Il se rit de ta peur, il te brave, il te sonde, Il remonte, il descend comme un hardi nocher. […] Son visage était presque toujours déridé, non par un rire bruyant et ouvert, mais par ce sourire fin et pensif qui semble relever sur les lèvres une demi-pensée et un demi-mot.

1076. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Mais si l’on considère la crédulité presque sans mesure de Pline, l’un des plus grands naturalistes de l’antiquité, et la puérilité des récits d’Elien ; si l’on se rappelle Roger Bacon (celui qui eut peut-être, au moyen âge, l’intuition la plus nette de la méthode scientifique), croyant encore que le regard du basilic est mortel, que le loup peut enrouer un homme s’il le voit le premier, que l’ombre de l’hyène empêche les chiens d’aboyer, que l’oie bernache riait des glands d’une espèce de chêne ; quand, en 1680, Pierre Rommel affirme avoir vu à Fribourg un chat qui avait été conçu dans l’estomac d’une femme et avoir connu une autre femme qui avait donné naissance à une oie vivante ; quand, enfin, jusqu’au XVIIIe siècle, on a cru voir dans les fossiles l’effet d’une fécondation des roches par un certaine souffle séminal s’infiltrant sous terre avec les eaux, — il est difficile de ne pas éprouver quelque admiration pour le sens critique dont fait preuve Aristote. […] Par exemple, ses opinions sur la semence et la génération, sur la manière dont se forme l’enfant dans le sein de sa mère, et si vous l’entendiez assurer que l’âne, non-seulement ne rit pas, mais qu’il ne peut ni charpenter ni ramer ! 

1077. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Montaigne (il le nomme en chaire) a beau dire, il a beau tenir en échec la foi, rabaisser la nature humaine, et la comparer aux bêtes en lui donnant souvent le dessous : Mais dites-moi, subtil philosophe, qui vous riez si finement de l’homme qui s’imagine être quelque chose, compterez-vous encore pour rien de connaître Dieu ?

1078. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Je continue : Il rit de ces prudents qui, par trop de sagesse, S’en vont dans l’avenir chercher de la tristesse             Et des soucis cuisants : Le futur incertain jamais ne l’inquiète, Et son esprit content, toujours en même assiette, Ne peut être ébranlé, même des maux présents.

1079. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

 » Il se mit à rire et ne m’en parla du depuis.

1080. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

quelle habitude du rire et de la saillie !

1081. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — II » pp. 39-56

Ce jour-là Santeul fut près de se fâcher, et sa belle humeur hésita un peu ; mais Mme la Duchesse ayant pris un verre d’eau le lui jeta incontinent au visage en disant : « C’est la pluie après le tonnerre. » Le second outrage raccommoda le premier, et le tout finit par des rires et des chansons. — Il fut convenu que ce soufflet de Santeul, faisait pendant au baiser autrefois donné par une grande princesse à maître Alain endormi.

1082. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Mais laissons-le parler : Mademoiselle, écrit-il à Mlle de Bourbon, je fus berné vendredi après dîner pour ce que je ne vous avais pas fait rire dans le temps que l’on m’avait donné pour cela ; et Mme de Rambouillet en donna l’arrêt à la requête de Mlle  sa fille et de Mlle Paulet.

1083. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

» Le mot le fait rire.

1084. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Le seul reproche fondé qu’on pût faire à l’aimable bailli de Nyon était d’apporter dans l’exercice de ses fonctions officielles une distraction souvent prodigieuse, dont il était ensuite le premier à rire, et que ses administrés attribuaient respectueusement à la variété, à la profondeur de ses études économiques, métaphysiques, historiques, tandis qu’elle tenait surtout à son humeur.

1085. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

En relisant bien des choses que j’ai écrites, je ris de moi-même de bon cœur ; cela me met dans une grande défiance de mes propres idées d’abord, et puis de celles des autres.

1086. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Chaque fête, chaque anniversaire, toutes les circonstances joyeuses où il se trouve, la moindre occasion qui prête à railler et à rire, même au milieu des malheurs et des embarras, amène sur sa lèvre des couplets bons ou mauvais, grivois ou satiriques : « vive le scandale pour la chanson ! 

1087. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Journal de la santé du roi Louis XIV »

Cependant je ne puis rire longtemps, je suis un critique sérieux ; M. 

1088. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

C’est, à ce titre, le plus intéressant endroit de cette Correspondance, où il ne se rencontre d’ailleurs, je le répète, ni le moindre petit mot pour rire, ni un trait d’esprit proprement dit, ni une saillie d’imagination.

1089. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Molière, sans songer précisément à la politique, en avait sans doute tiré des jours profonds pour la peinture morale de l’espèce, pour sa comédie dont le rire inextinguible ne saurait faire oublier les sanglantes morsures et les perpétuelles insultes à la guenille humaine.

1090. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite) »

Ce qu’il était permis de dire aux anciens Grecs ne nous semble plus, à nous, convenable, et ce qui plaisait aux énergiques contemporains de Shakspeare, l’Anglais de 1820 ne peut plus le tolérer, à tel point que dans ces derniers temps on a senti le besoin d’un « Shakspeare des familles. » Nous connaissons, sans sortir de chez nous, de ces pruderies et de ces arrangements-là, mais bien vite nous en rions ; — nous en souffrons aussi.

1091. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Il a même combattu, comme des esprits prévenus et préoccupés de trouver partout le ridicule et le grotesque, ceux qui ont ri plus qu’il ne fallait d’une fête des Fous, d’une fête de l’Âne, célébrées à l’époque de la Circoncision, et, qui, tout en se moquant, ont commis, à ce qu’il paraît, quelques bévues singulières ; et il a montré dans tous les cas que ces plaisanteries n’atteignaient pas le haut moyen âge66.

1092. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Toute cette scène de diablerie, qui devait faire beaucoup rire, est basse, triviale, ignoble.

1093. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

Pour revenir à des enfantillages bien innocents, mais indignes d’un pinceau sévère comme celui de l’auteur de Salammbô, je ne sais qui l’on prétend mystifier quand on nous parle sans rire de ce « lait de chienne » qui entre comme ingrédient dans un cataplasme d’Hannon, ou de ces « pattes de mouches écrasées » qui entrent dans un cosmétique de la jeune fille, et de tant d’autres singularités pareilles.

1094. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

Il y avait des niais et quelques sots panachés dont je ne parle pas, ils vivent peut-être encore ; puis, à côté, les malins : — et ce Vitrolles, hardi, osé, peu scrupuleux, qui avait un pied dans les camps les plus opposés, qui visait à un premier rôle, qui jouait son va-tout sur une seule carte, la confiance intime de Monsieur ; qui perdit et qui se fera beaucoup pardonner un jour en jugeant dans ses Mémoires avec esprit les gens qui l’ont mal payé de son zèle ; — et Michaud ; engagé parmi les violents du parti, on ne sait trop pourquoi, si ce n’est parce qu’il s’en était mis de bonne heure et de tout temps ; raisonnable et même assez philosophe dans ses écrits historiques et dans ses livres, incorrigible dans ses feuilles ; de qui Napoléon avait dit que c’était « un mauvais sujet » ; avec cela homme d’esprit et les aimant, indulgent même pour la jeunesse ; journaliste avant tout et connaissant son arme, muet dans les assemblées et pour cause, avec un filet de voix très-mince, un rire voltairien, et qui passa sa vie à se rendre compte des sottises qu’il favorisait, qu’il provoquait même, et qu’il voyait faire41.

1095. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vie de Jésus, par M. Ernest Renan »

On raisonnait, on s’échauffait volontiers et sérieusement sur ces matières ; on n’en riait plus.

1096. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Œuvres de M. P. Lebrun, de l’Académie française. »

ta présence, Après une si longue absence, Le rire aux yeux, me fait pleurer.

1097. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Elle a pleuré à Marianne ; elle a ri à l’Indiscret ; elle me parle souvent, elle m’appelle mon pauvre Voltaire.

1098. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Un grain de Voltaire manque depuis longtemps à nos poëtes lyriques, quelque chose comme le sentiment du rire ou du sourire.

1099. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Son accent respire d’ordinaire la malice, la gaieté, et le conteur grivois nous rit du coin de l’œil, en branlant la tête.

1100. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

L’esprit moqueur s’attaque à quiconque met une grande importance à quelque objet que ce soit dans le monde ; il se rit de tous ceux qui sont dans le sérieux de la vie, et croient encore aux sentiments vrais et aux intérêts graves.

1101. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

. — Une petite fille de dix-huit mois rit de tout son cœur quand sa mère et sa bonne jouent à se cacher derrière un fauteuil ou une porte et disent : « Coucou. » En même temps, quand sa soupe est trop chaude, quand elle s’approche du feu, quand elle avance ses mains vers la bougie, quand on lui met son chapeau dans le jardin parce que le soleil est brûlant, on lui dit : « Ça brûle. » Voilà deux mots notables et qui pour elle désignent des choses du premier ordre, la plus forte de ses sensations douloureuses, la plus forte de ses sensations agréables.

1102. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Un franc comique jaillissait de l’action lestement menée à travers les situations comiques ou bouffonnes que le sujet contenait, des quiproquos, des travestis, de tous ces boni vieux moyens de faire rire, qui semblaient tout neufs et tout-puissants.

1103. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jean Richepin »

Je les aime, non à cause de cela, mais parce que j’ai arrêté mes regards sur leur misère, fourré mes doigts dans leurs plaies, essuyé leurs pleurs sur leurs barbes sales, mangé de leur pain amer, bu de leur vin qui soûle, et que j’ai, sinon excusé, du moins expliqué leur manière étrange de résoudre le problème du combat de la vie, leur existence de raccroc sur les marges de la société et aussi leur besoin d’oubli, d’ivresse, de joie, et ces oublis de tout, ces ivresses épouvantables, cette joie que nous trouvons grossière, crapuleuse, et qui est la joie pourtant, la belle joie au rire épanoui, aux yeux trempés, au cœur ouvert, la joie jeune et humaine, comme le soleil est toujours le soleil, même sur les flaques de boue, même sur les caillots de sang.

1104. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Que si les gens d’esprit y regardent parfois d’un peu près, ou bien ils se rabattent avec une facilité caractéristique sur notre incompétence à juger de ces sortes de choses, ou bien ils se mettent franchement à en rire.

1105. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Aux Perrins, aux Coras, est ouverte à toute heure : Là du faux bel esprit se tiennent les bureaux, Là tous les vers sont bons pourvu qu’ils soient nouveaux ; Au mauvais goût public, la belle y fait la guerre, Plaint Pradon opprimé des sifflets du parterre ; Rit des vains amateurs du grec et du latin, Dans la balance met Aristote et Cottin ; Puis, d’une main encor plus fine et plus habile, Pèse sans passion Chapelain et Virgile, Remarque en ce dernier beaucoup de pauvretés ; Mais pourtant confessant qu’il a quelques beautés, Ne trouve en Chapelain, quoi qu’ait dit la satire, Autre défaut, sinon qu’on ne le saurait lire, Et pour faire goûter son livre à l’univers, Croit qu’il faudrait en prose y mettre tous les vers.

1106. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Don Alfonse est un amoureux en Espagne ; et lord Gamberfield qu’un Anglais pour rire.

1107. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Louis XI, qui est venu s’asseoir sur un escabeau, tout contre le paravent, rit aux éclats et lui dit de répéter, de parler haut, et qu’il commence à devenir un peu sourd.

1108. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

Quand on lit des comédies, la gaieté brille sur les visages, et, aux bons endroits, le rire ne se fait pas attendre.

1109. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Il nous montre l’homme, le seul de tous les animaux, jeté nu sur la terre nue, signalant son entrée dans le monde par des pleurs, ignorant le rire avant le quarantième jour ; et il s’attache, en toute rencontre, à nous faire voir, par une sorte de privilège fatal, ce maître de la terre malheureux, débile, toujours en échec, et, jusque dans l’éclair du plaisir, toujours prêt à se repentir de la vie.

1110. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Personne ne peut parler du roi à Paris sans se faire rire au nez.

1111. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Son expression luit rarement, et ne rit jamais.

1112. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

La Harpe, dont on rit un peu, a été traversé par la Révolution de 89 et de 93, et par le coup d’État de Fructidor, et chaque fois il est remonté en chaire après ; on peut dire qu’il est mort en professant.

1113. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « La reine Marguerite. Ses mémoires et ses lettres. » pp. 182-200

Quand Sully reparut un jour à la cour de Louis XIII, avec sa fraise et son costume du temps de Henri IV, il prêta à rire à cette foule de jeunes courtisans : quand la reine Marguerite, revenue d’Usson à Paris, se montra à la cour renouvelée de Henri IV, elle produisit un effet semblable sur le jeune siècle, qui souriait de voir cette survivante solennelle des Valois.

1114. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Je vous surprends par mon langage austère ; Vous voulez rire, et je vous ai prêché : Au jeu mondain un sermon ne va guère, Mais on le passe au jeu de l’Évêché.

1115. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

C’est à lui que l’un de ces auteurs de brochures disait en 1812, en parlant du silence imposé aux journaux sur la dispute de Conaxa : Rendez-nous, monsieur, la malignité des journaux… rendez-nous leur fiel… Laissez-nous rire d’un sot écrivain ou d’un insolent plagiaire… Je n’exige pas, monsieur, que vous trahissiez vos devoirs, mais n’exigez pas non plus qu’ils oublient les leurs… Rendez aux journaux, je vous le demande en grâce, leur indépendance ; brisez le charme que vous avez étendu sur eux60.

1116. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « La Fontaine. » pp. 518-536

Le Lac, si admirable d’inspiration et de souffle, n’est pas lui-même si bien dessiné que Les Deux Pigeons ; et, quand j’entends réciter aujourd’hui, à quelques années de distance, quelqu’une de ces belles pièces lyriques qui sont de Lamartine ou de son école, j’ai besoin, moi-même qui ai été malade en mon temps de ce mal-là, d’y appliquer toute mon attention pour la saisir, tandis que La Fontaine me parle et me rit dès l’abord dans ses peintures :         Du palais d’un jeune Lapin         Dame Belette, un beau matin,         S’empara ; c’est une rusée.

1117. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Si l’on ne s’explique plus devant des Claude Monet ou des Renoir les rafales de rire des anciennes expositions d’impressionnistes, encore moins peut-on s’imaginer comment en 1875 des personnes amoureuses de musique se dirigeaient vers le Châtelet avec des sifflets quand on y devait donner la Danse macabre, comment Carmen échoua, comment jadis des hommes d’intelligence pratique réelle eurent horreur d’Hernani, comment Baudelaire scandalisa, comment Flaubert froissa ; et je ne cite que des nouveautés où l’élément d’art était le seul en question, admettant que le naturalisme fut d’abord discuté simplement au nom de la morale, et que le patriotisme seul amena les Parisiens à manifester contre Lohengrin… En tout cas, le jour de Tannhauser ils n’avaient encore d’autres raisons que l’horreur du nouveau.

1118. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

à certains jours, dans ces allemanderies d’une métaphysique appliquée à la littérature, dont, avec son esprit français, il aurait dû rire.

1119. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre premier. Le problème des genres littéraires et la loi de leur évolution » pp. 1-33

Elle rit dans les fabliaux, elle disserte lourdement dans le Roman de la Rose !

1120. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IX : M. Jouffroy écrivain »

On se dissipe, on s’occupe, on oublie, on rit : bonheur léger et passager qu’il faut prendre ou perdre, sans beaucoup le regretter ni l’attendre, et sur lequel il ne faut pas réfléchir.

1121. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

Il faut même dire que la jalousie est la condition de l’honnêteté de l’amour, car un amour honnête rie supporte ni le partage, ni l’idée même du partage. […] Ce mot terrible me faire rire. […] N’allons donc pas rire de nos frères australiens : ils ne sont pas beaucoup plus bêtes que nous. […] Richet, qui écrit sans rire (cet homme, certainement, ne rit jamais) : « L’action d’un esprit sur un autre, à distance, sans intermédiaire de l’ouïe, d’aucun de nos cinq sens, est un fait scientifique aussi certain que l’existence de l’électricité, de l’oxygène ou de Sirius. » Et dire que M.  […] Cela court, cela chante, cela rit, cela brille au soleil et cela devient tout noir sous les arbres.

1122. (1888) Portraits de maîtres

Il n’y a que Molière qui puisse supporter cette confrontation des débuts avec les chefs-d’œuvre de la maturité ; quoique bien inférieur à ce qu’il deviendra, l’auteur étincelant de l’Étourdi, des Précieuses, de l’École des maris, est déjà le grand maître du rire et le dominateur du style comique. […] Car elles ont la gaîté, le rire innocent et limpide, et je ne sais quelle candeur qui s’accorde très bien avec leur fierté. […] Cet esprit de Béranger est plutôt malin et narquois que vraiment gai ; trop de polémique s’y mêle pour que la gaîté jouisse de ses coudées franches et puisse lancer à plein carillon le rire étourdissant de Mascarille ou de Zerbinette. […] C’est la muse même de l’histoire avec ses larmes, son rire vengeur, ses balances homériques et son glaive caché sous les fleurs, comme aux Panathénées l’histoire qui n’a jamais été plus grande qu’en étant franchement et hardiment poétique, deux fois à travers les siècles, à Rome avec Tacite, avec Michelet à Paris ! […] Le cabaret encor rit et jase à son angle ; À ce cher souvenir l’émotion m’étrangle ; Mon nez qui se dilate aspire avec douceur Les parfums que répand l’étal du rôtisseur.

1123. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Ce sont livres d’un conteur de santé exubérante, de verve abondante, de gaieté bruyante, à la touche brutale, au rire cynique. […] C’est encore à la manière de nos aïeux qu’il se plaît à narrer des aventures plaisantes et des récits de bonnes farces qui ne prétendent qu’à provoquer le rire, un gros rire sonore et sans pensée. […] mais elle est inévitable, aussi inévitable que la nuit après le jour. « Est-ce étrange qu’on puisse rire, s’amuser, être joyeux sous cette éternelle certitude de la mort18 !  […] A Stamboul, costumé en Turc, il n’a pu s’empêcher de rire devant cette vision d’opéra-comique. […] On sait de reste que cette mode fut de courte durée, les étudiants, lorsqu’ils se virent passer, avec la physionomie qu’ils venaient de se composer, n’ayant pu se regarder sans rire.

1124. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Je ne veux pas rire : mais La Fayette, désappointé en mourant, me fait exactement l’effet de Boileau. […] La Fayette, qui raconte ce détail et qui rappelle les chevaleresques paroles sur ce sang fidèle d’où la monarchie renaîtrait un jour, ne peut s’empêcher d’ajouter : « Constant (Benjamin Constant qui était de la conférence) se mit à rire du dédommagement qu’on m’offrait. » Et, en effet, la position de La Fayette en ce moment, au pied du trône des Bourbons, paraît bien fausse, surtout lorsqu’on a lu le jugement qu’il portait d’eux pendant 1814. Je ne dis pas que sa situation eût été plus vraie en se ralliant à Bonaparte ; pourtant je le concevrais mieux : il n’y aurait rien eu du moins qui prêtât à rire.

1125. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

J’ai ri longtemps de son ignorance. […] je n’ai plus du tout envie de rire. […] Quel « gracieux état du rire universel »58.

1126. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

. — Le don du rire. — Le style de Rabelais, et qu’il convient de distinguer deux époques dans son style ; — dont la première est la meilleure. — De quelques procédés de Rabelais. — Le don de l’invention verbale ; — comment Rabelais s’y laisse entraîner ; — et, en s’y abandonnant, s’élève parfois jusqu’au lyrisme. — Qu’il ne semble pas que Rabelais ait fait école, et pourquoi ? […] — Raisons d’en douter ; — dont la principale est la licence qui régnait alors dans la satire. — On en peut trouver une seconde dans l’indétermination du caractère national : — ce qui fait rire une race n’en faisant pas rire une autre, et le caractère français étant à peine formé.

1127. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Ce serait trop de légèreté. » Il veut rire, mais la plaisanterie manque de trait ; la pointe en sera restée dans sa blessure. […] Que maintenant toutes ces plaisanteries aient fait rire en leur temps, je n’y contredis pas. Essaierai-je de prouver — par raison démonstrative — qu’elles n’auraient pas dû faire rire ? […] Et ils lui sont reconnaissants de ce qu’il les fait rire, et après tout ils n’ont pas si grand tort, car enfin c’est toujours quelque chose de faire rire les gens. […] C’est comme quand on rit de si bon cœur, et l’on a raison, des samedis de cette bonne Madeleine de Scudéry ; mais en quoi, je vous en prie, prêtent-ils plus à rire que les mercredis de Mme Geoffrin ?

1128. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Quand il rencontre ce vers tout pétillant : In folly’s cup still laughs the bubble, joy, la joie, cette bulle d’eau, rit dans la coupe de la folie, il le supprime. […] « En vérité, brave Général, vous devez bien rire quelquefois, du haut de votre gloire, des cabinets de l’Europe et des dupes que vous faites. […] De là sa petite ode enchantée : Loin de nous, Censeur hypocrite Qui blâmes nos ris ingénus ! […] Ou bien, la serpe en main, soignant ses arbustes et ses fleurs, il avait peut-être redit, refait en vingt façons ces deux vers de sa Maison rustique  : L’enclos où la serpette arrondit le pommier, Où la treille en grimpant rit aux yeux du fermier ; et ce dernier vers enfin, avec ses r si bien redoublés et rapprochés, lui avait, à son gré, paru sourire.

1129. (1932) Le clavecin de Diderot

Il est d’usage de s’attendrir à la pensée des larmes qui se cachent derrière le rire. […] Par peur d’être déçus, ils se refusent à tout espoir de connaissance, se rient de la poésie, de ses recherches et découvertes, dont certaines, déjà, ont permis à l’œil aigu de Dali de prévoir le jour où la culture de l’esprit s’identifiera à la culture du désiraj. […] Mais l’esprit gaulois et la science chrétienne des tortures avaient eu beau faire front unique contre la haute, la plus haute voix de terre, avaient eu beau vouloir, à coups d’affreuses poupées et marionnettes algébriques, saccager toutes les pousses de l’instinct, le triomphe n’en restait pas moins à ce diable, hideux, certes, mais dont la hideur se riait du couvercle qui prétendait l’écraser. […] La culture bourgeoise commence toujours par se rire des recherches qui visent plus loin que l’habituel.

1130. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

C’est ce qu’il indique dans un très beau sonnet, intitulé justement Les Montreurs, c’est-à-dire dirigé contre ceux qui se montrent à tout le monde, qui font à n’importe qui les honneurs de leur sensibilité : Tel qu’un morne animal, meurtri, plein de poussière, La chaîne au cou, hurlant au chaud soleil d’été, Promène qui voudra son cœur ensanglanté Sur ton pavé cynique, ô plèbe carnassière : Pour mettre un feu stérile en ton œil hébété, Pour mendier ton rire ou ta pitié grossière, Déchire qui voudra la robe de lumière De la pudeur divine et de la volupté. […] Mais si, désabusé des larmes et du rire, Altéré de l’oubli de ce inonde agité, Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire, Goûter une suprême et morne volupté, Viens ! […] Puis, brusquement, il trempait sa plume dans son verre, la rejetait sur la table d’un geste de dépit, se frottait les mains ou les agitait avec un tremblement, riait d’un rire niais, qui accentuait encore le relief inquiétant de sa physionomie tourmentée ; puis, soudain, il avalait une gorgée de son breuvage et reprenait sa besogne, ne voyant rien autour de lui, toujours tremblotant, toujours convulsif, comme secoué par une sorte de fièvre dont on n’aurait trop su dire si elle était la conséquence de la folie ou de l’alcool.

1131. (1864) Le roman contemporain

Je ne sais pas non plus pourquoi cela nous paraissait drôle et pourquoi Delatouche riait de si bon cœur. […] Et Emma se mit à rire, d’un rire atroce, frénétique, désespéré, croyant voir la hideuse figure du misérable qui se dressait dans les ténèbres éternelles comme un épouvantement… Une convulsion la rabattit sur le matelas. […] Mais, d’ailleurs, je n’ai point juré absolument de vous faire rire. […] Le rire y paraît quelquefois, mais il est sans gaieté ; c’est la grimace convulsive de l’ironie. […] On le méprise, on le hait, et mademoiselle Marguerite prend tout à coup le parti radical et désespéré d’épouser M. de Bévallan, ce gentilhomme du voisinage, réaliste au troisième degré, et aux dépens duquel elle riait peu de jours avant de tout son cœur.

1132. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

» Les rires éclatent. […] C’est dans ces cas, et malheureusement dans quelques autres, que le mot féroce de Veuillot : « Jocrisse à Pathmos », rie semblé que dur. […] Le poète montre celle qui l’aime le vieux château, délaissé et triste, qui fut jadis plein de rires, de chansons, de beaux seigneurs et de belles dames et d’aventures galantes. — « Et je vous dis alors… » Et il ne lui dit pas grand’chose. […] Jersey rit, terre libre au sein des sombres mers… L’écume jette aux rocs ses blanches mousselines. […] Et je pense, écoutant gémir le vent amer Et l’onde aux plis infranchissables ; — L’été rit ; et l’on voit sur le bord de la mer Fleurir le chardon bleu des sables.

1133. (1884) Propos d’un entrepreneur de démolitions pp. -294

Désormais, on est tenu de se persuader que les cheveux crépus, les grosses pattes, les grosses lèvres et le gros rire bête sont des signes de royauté et que les nègres doivent être adorés de leurs anciens maîtres. […] C’est une de ces natures amples et viriles, comme la vieille souche gauloise n’en produit guère depuis quelque temps, un esclaffeur large et puissant qui s’arrangerait pour rire un peu jusque sur le fumier du patriarche et que la strangulante vie parisienne, avec ses tenailles d’argent, n’a pas été capable de laminer. […] Ce Cadet, non satisfait de nous faire crever de rire, a voulu encore faire crever de faim un pauvre éditeur et il a publié un livre, tout simplement. […] Tout le monde connaît cette moutonnante tête de flot, ce nez en promontoire où les hirondelles du comique viennent faire leur nid et cette bouche immense, cette bouche à monologue, cet antre du rire infini qui fait paraître petites toutes les habitations humaines, aussitôt qu’elle s’ouvre. […] Ils ne sont rien de plus qu’une inoffensive pincée d’honnêtes gens associés dans un but de philanthropie, aimant à rire et sans aucune intention d’agir directement ou indirectement sur quoi que ce soit.

1134. (1890) La vie littéraire. Deuxième série pp. -366

Leur rôle, dans la poésie de l’avenir, est exactement celui des petites bouteilles que le docteur Luys glisse dans le cou de la jeune Esther et qui provoquent chez le sujet l’extase, le rire ou les larmes, mais qui semblent, ce qu’elles sont en effet, des fioles vides à tous les spectateurs insoumis à l’hypnose. […] Et puis il n’aurait pu s’empêcher de rire, et un saint qui rit est bien près de devenir un sage ; il est sauvé. […] Parmi elles, une petite personne de quinze ans, les coudes sur la table, mordait à belles dents la chair d’une pêche et riait à grands yeux de ses voisins embarrassés ou prétentieux. […] Mais, derrière les gerbes, à l’ombre de la grange, des petits enfants, dont on ne voit que les yeux grands ouverts et les joues barbouillées, rient dans les chariots de foin. […] En ce temps-là un Jeune-France n’allait pas au bureau où il était expéditionnaire sans s’écrier avec un rire sarcastique : « Je suis damné ! 

1135. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Le philosophe qui était en lui apercevait la misère des temps, et le moqueur en riait de ce rire implacable dont ses « mots » d’alors nous ont gardé l’écho persifleur : « Les coalisés », disait-il, « ont toujours été en retard d’une armée, d’une année et d’une idée… », et à son ami le banquier David Cappadoce-Pereira, auquel il adressait des lettres intimes que M. de Lescure publie le premier, il écrivait de Bruxelles : « Il y a assez de ridicule ici et assez d’infortune à Paris pour qu’on puisse rire d’un œil et pleurer de l’autre… » Cela fait songer à la jolie phrase du journal de Gavarni, qui fut, comme Rivarol, un élégant, comme lui un philosophe, comme lui un artiste à la fois célèbre et méconnu : « Mais les absents, mais les femmes absentes, les femmes qui voyagent, qui vous emportent l’âme par monts et par vaux, vous pleurent d’un œil et rient de l’autre d’être libres de vous ! […] Songeant qu’il a été couronné à une distribution de prix et qu’on a ri de lui voir le front chargé de trois couronnes, il dit : « C’est le premier ridicule qui m’ait écorché le cœur ! […] Bref, voici le monologue qu’il prononça pour mon édification esthétique, — ou à peu près :‌ — « Oui », s’écria-t-il, « fous par idolâtrie… Vous riez, monsieur le psychologue, ignorez-vous que le monde est plein d’idolâtres qui ont déplacé la notion de Dieu, et qui adorent un tas d’êtres ou d’objets d’un véritable culte de lâtrie, comme disent les mystiques ?

1136. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

Le jour de la visite que fit la reine Christine à l’illustre compagnie (11 mars 1658), c’est Mézeray qui, faisant l’office de secrétaire, lut, à l’article Jeu du Dictionnaire, cette locution proverbiale qui fit rire, dit-on, du bout des dents la princesse : « Jeux de prince, qui ne plaisent qu’à ceux qui les font.

1137. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

On en rit, mais il n’y avait plus moyen de se dédire.

1138. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Les personnes qui rient de tout, et auprès desquelles un bon mot a toujours raison, se sont autorisées quelquefois d’une parole de Mme Cornuel sur Bourdaloue ; elle disait : « Le père Bourdaloue surfait dans la chaire, mais dans le confessionnal il donne à bon marché. » Ce n’est là qu’un joli mot de société.

1139. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Lorsque M. de Balzac fit sur Beyle, à propos de La Chartreuse, l’article inséré dans les Lettres parisiennes, Beyle, à la fin de sa réponse datée de Civitavecchia (octobre 1840), et après des remerciements confus pour cette bombe outrageuse d’éloges à laquelle il s’attendait si peu, lui disait : Cet article étonnant, tel que jamais écrivain ne le reçut d’un autre, je l’ai lu, j’ose maintenant vous l’avouer, en éclatant de rire.

1140. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Je fus voir hier, à quatre heures après midi, M. le marquis de La Fare, en son nom de guerre M. de la Cochonière, croyant que c’était une heure propre à rendre une visite sérieuse76 ; mais je fus bien étonné d’entendre dès la cour des ris immodérés et toutes les marques d’une bacchanale complète.

1141. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « II » pp. 21-38

Il est comme un homme délivré et qui respire librement ; il se remet à rire, à jouer la comédie et la tragédie en société ; il est heureux de cette bienveillance intelligente qu’il inspire, et de cette culture mêlée de simplicité qu’il rencontre au pied des Alpes.

1142. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Celui-ci rient me présenter son frère que je ne verrai pas ; il n’y a pas jusqu’à Mlle Fel47 qui arrive chez moi.

1143. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Féli pour ce même labeur ; — les heures d’étude et d’épanchement poétique, qui nous mènent jusqu’au souper ; ce repas qui nous rappelle avec la même douce voix et se passe dans les mêmes joies que le dîner, seulement un peu moins éclatantes parce que le soir voile tout, tempère tout ; — la soirée qui s’ouvre par l’éclat d’un feu joyeux, et de lectures en lectures, de causeries en causeries, va expirer dans le sommeil ; — et à tous les charmes d’une telle journée ajoutez je ne sais quel rayonnement angélique, je ne sais quel prestige de paix, de fraîcheur et d’innocence qu’y répandent la tête blonde, les yeux bleus, la voix argentine, les petits pieds, les petits pas, les rires, les petites moues pleines d’intelligence d’une enfant qui, j’en suis sûr, fait envie à plus d’un ange ; qui vous enchante, vous séduit, vous fait raffoler avec un léger mouvement de ses lèvres, tant il y a de puissance dans la faiblesse ?

1144. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

» — Il se mit à rire : « Bah !

1145. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Elle se retourne sur elle-même, elle souffre tout bas ; quand elle se prête aux rires de ses jeunes amies, charmantes compagnes qu’on entrevoit passer, Louise, Marie, Lili, « ce lis intelligent », comme elle l’appelle, il y a de sa part moins de laisser-aller que de complaisance et d’indulgence ; mais elle, elle est ailleurs, ce n’est plus une jeune fille ; elle aspire déjà à se consumer uniquement du côté de son frère et de Dieu.

1146. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Au lieu de convives tout profanes, de personnes un peu vives et même légères, d’actrices peut-être, on eut des abbés, des avocats généraux bien pensants, des vaudevillistes devenus censeurs, et plus le petit mot pour rire. — M. de Montmorency meurt vers ce temps-là ; il était de l’administration des hospices ; on célébrait pour lui un service dans chaque hôpital : « Ne manquez pas d’y aller, disait le même médecin aux élèves à qui il portait intérêt, cela fera bien. » Il n’y eut qu’un seul élève, de ceux qu’on appelle câlins, qui y assista.

1147. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Pourquoi rie pas la reconnaître, cette croyance, là où elle est chez les modernes ?

1148. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite et fin.) »

. — Oui, ce sont bien là les intérieurs garnis, à hauteur d’homme, de carreaux de faïence formant des mosaïques comme dans les salles de l’Alhambra, les fines nattes de jonc, les tapis de Kabylie, les piles de coussins et les belles femmes aux sourcils rejoints par le furmeh, aux paupières bleuies de kh’ol, aux joues blanches avivées d’une couche de fard, qui, nonchalamment accoudées, fument le narguilhé ou prennent le café que leur offre, dans une petite tasse à soucoupe de filigrane, une négresse au large rire blanc. » C’est sur cet admirable petit tableau que finissait le premier article57.

1149. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Les fabliaux, les malins tours de Renart, l’art de duper le seigneur Ysengrin, de lui prendre sa femme, de lui escroquer son dîner, de le faire rosser sans danger pour soi et par autrui, bref le triomphe de la pauvreté jointe à l’esprit, sur la puissance jointe à ta sottise ; le héros populaire est déjà le plébéien rusé, gouailleur et gai, qui s’achèvera plus tard dans Panurge et Figaro… » Au lieu de cela, au lieu de ces tours d’écoliers qui remontent si haut, de ces friponneries de Villon et de Patelin, qui font tant rire chez nous le vilain et le populaire, qu’est-ce qui réjouit le peuple anglais et le distrait de tout, même du sermon ?

1150. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

À chaque chute de cruche, vous pouvez penser les rires de la foule.

1151. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Ils sont bien des hommes de la fin du xviiie  siècle en cela ; mais ils sont tout à fait des artistes du xixe   par les touches successives du tableau et les nuances à l’infini : « Se trouver, en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour, juger le journal, remuer le passé comme si l’on tisonnait l’histoire ; faire jaillir, au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme, ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie ; sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; jouir de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées comme avec la chaleur d’une poignée de main : s’épanouir dans cette expansion de tous et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes, dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant.

1152. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. »

Comme le duc de Chartres, le prince de Dombes, le comte d’Eu, le duc de Penthièvre, s’apprêtaient à quitter l’armée, à la suite du roi, après la prise d’Anvers35, quelqu’un demandant au comte de Clermont quand il partirait lui-même, il lui échappa de répondre tout naturellement : « Il n’y a que les princes qui partent ; moi je reste. » Mais c’est assez, pour cette fois, du comte-abbé, dont on n’a plus envie de rire.

1153. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Tant qu’elle se borne à rire des Etats, des gentilshommes campagnards et de leurs galas étourdissants, et de leur enthousiasme à tout voter entre midi et une heure, et de toutes les autres folies du prochain de Bretagne après dîner, cela est bien, cela est d’une solide et légitime plaisanterie, cela rappelle en certains endroits la touche de Molière : mais, du moment qu’il y a eu de petites tranchées en Bretagne, et à Rennes une colique pierreuse, c’est-à-dire que le gouverneur, M. de Chaulnes, voulant dissiper le peuple par sa présence, a été repoussé chez lui a coups de pierres ; du moment que M. de Forbin arrive avec six mille hommes de troupes contre les mutins, et que ces pauvres diables, du plus loin qu’ils aperçoivent les troupes royales, se débandent par les champs, se jettent à genoux, en criant Meà culpà (car c’est le seul mot de français qu’ils sachent) ; quand, pour châtier Rennes, on transfère son parlement à Vannes, qu’on prend à l’aventure vingt-cinq ou trente hommes pour les pendre, qu’on chasse et qu’on bannit toute une grande rue, femmes accouchées, vieillards, enfants, avec défense de les recueillir, sous peine de mort ; quand on roue, qu’on écartèle, et qu’à force d’avoir écartelé et roué l’on se relâche, et qu’on pend : au milieu de ces horreurs exercées contre des innocents ou pauvres égarés, on souffre de voir Mme de Sévigné se jouer presque comme à l’ordinaire ; on lui voudrait une indignation brûlante, amère, généreuse ; surtout on voudrait effacer de ses lettres des lignes comme celles-ci : « Les mutins de Rennes se sont sauvés il y a longtemps : ainsi les bons pâtiront pour les méchants : mais je trouve tout fort bon, pourvu que les quatre mille hommes de guerre qui sont à Rennes, sous MM. de Forbin et de Vins, ne m’empêchent point de me promener dans mes bois, qui sont d’une hauteur et d’une beauté merveilleuses ; » et ailleurs : « On a pris soixante bourgeois ; on commence demain à pendre.

1154. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Elle se représentait son père, le drapeau sous lequel il avait combattu, le deuil de l’invasion ; elle excitait, elle provoquait en elle l’orgueil blessé des vaincus ; elle cherchait à impliquer dans l’inimitié de ses représailles le jeune noble royaliste, le mousquetaire de 1814, mais en vain ; le ressort sous sa main ne répondait pas ; l’amour, qui aime à brouiller les drapeaux, se riait de ces factices colères.

1155. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IV. Des figures : métaphores, métonymies, périphrases »

Hugo eut vu de ses yeux de poète la terre, non échauffée par le soleil, mais se chauffant au soleil, elle lui parut naturellement frileuse plutôt que froide, et ce dernier mot précisant l’image, la poussa à s’assimiler encore les idées prochaines : Frileuse, elle se chauffe au soleil éternel, Rit, et fait cercle avec les planètes du ciel,        Comme des sœurs autour de l’âtre.

1156. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Il est probable que ces origines sont complexes : certaines farces, où les lazzi et la mimique bouffonne ou indécente dominent, où le dialogue va au hasard, sans action suivie, sans autre dessein que d’entasser quolibets et facéties pour faire rire, se rattachent sans nul doute aux parades des jongleurs de bas étage.

1157. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

Ils ont l’enfance du cœur qui permet de s’amuser à des riens  Quelquefois aussi (et alors elle est moins aimable et sonne un peu faux aux oreilles des profanes), cette gaieté laisse entrevoir une arrière-pensée d’édification ; elle paraît commandée et voulue ; elle s’étale comme un argument en faveur de la foi, comme un défi à la tristesse ou aux rires mauvais des pécheurs.

1158. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Ce qu’il lui faut, c’est un dévergondage élégant d’esprit et de mœurs, n’excédant, pas les limites de la tenue ; il n’aime pas le vice parce que le vice est salissant ; mais sa morale, toute en surface, repose sur des principes pour rire, qui seraient de pures niaiseries, n’était la nécessité de maintenir un certain décorum dans toute assemblée nombreuse, où la licence dégénère forcément en grossièreté… C’est ce que M. 

1159. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

J’ouvre encore et je lis : « … Et penchés, soufflant très fort, académiciens et diplomates, la nuque avancée, leurs cordons, leurs grands-croix ballant comme des sonnailles, montrent des rictus de plaisir qui ouvrent jusqu’au, fond des lèvres humides, des bouches démeublées laissant entendre de petits rires semblables à des hennissements.

1160. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Goron, de Saint-Georges de Bouhélier ou même de mon ami Jean-Bernard : « À part l’escarbot merdivore, à part les saints déjà nommés, nul être humain ne barbota dans la crotte avec de pareilles délices. » Certes quand je cite de telles phrases chez Saint-Georges de Bouhélier c’est pour faire connaître par des exemples la manière ordinaire de mon auteur ; ici, je ris d’un accident plutôt rare, mais qui ne serait jamais arrivé au Tailhade ancien.

1161. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Il y a des hommes qu’on peut discuter, accuser, condamner même sans trop d’injustice, mais qui, par leur âge, par leur gravité, par l’importance de leur vie, par la place considérable, sinon méritoire, qu’ils ont occupée dans les événements de leur temps, ne doivent pas, même de loin, être exposés aux rires du théâtre.

1162. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Son style, à lui, est triste et ne rit jamais.

1163. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

La gaieté, chez M. de Chateaubriand, n’a rien de naturel et de doux ; c’est une sorte d’humeur ou de fantaisie qui se joue sur un fond triste, et le rire crie souvent.

1164. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Je ris de moi en bâillant, et je me couche à neuf heures.

1165. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

La perte de Mme du Châtelet lui arracha de vraies larmes, interrompues bientôt par quelques-uns de ces mots vifs, pétulants et sensés, comme il ne pouvait s’empêcher d’en dire, et qui donneraient envie de lui appliquer, en le parodiant, un mot d’Homère : Il pleurait tout en éclatant de rire.

1166. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Nouveaux documents sur Montaigne, recueillis et publiés par M. le docteur Payen. (1850.) » pp. 76-96

Dans le chapitre « Des menteurs », par exemple, après s’être étendu en commençant sur son défaut de mémoire, et avoir déduit les raisons diverses qu’il a de s’en consoler, il ajoutera tout à coup cette raison jeune et charmante : « D’autre part (grâce à cette faculté d’oubli), les lieux et les livres que je revois me rient toujours d’une fraîche nouvelleté. » C’est ainsi que, sur tous les propos qu’il touche, il recommence sans cesse, et fait jaillir des sources de fraîcheur.

1167. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Mais si, désabusé des larmes et du rire, Altéré de l’oubli de ce monde agité, Tu veux, ne sachant plus pardonner ou maudire, Goûter une suprême et morne volupté, Viens !

1168. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

En vérité Mme de Maintenon rirait bien si elle savait tous les détails de ma charge.

1169. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Elle était sincère, « joyeuse et qui riait volontiers », amie d’une gaieté honnête, et, quand elle voulait dire un mot plaisant trop risqué en français, elle s’aidait au besoin de l’italien ou de l’espagnol.

1170. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

Et aussitôt se renversant dans les assiettes de tout le monde, deux têtes d’enfant : la tête mélancolique du petit garçon, la tête futée de la petite Jeanne, et avec Jeanne, les rires joyeux, les familiarités attouchantes, les gestes tapageurs, les adorables coquetteries de quatre ans.

1171. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Ce philosophe, le même qui mourut, à la lettre, de rire en voyant un âne manger des figures dans un bassin d’argent, avait tout étudié, tout approfondi, écrit sept cent cinq volumes, dont trois cent onze de dialectique, sans en avoir dédié un seul à aucun roi, ce qui pétrifie Diogène Laërce.

1172. (1824) Discours sur le romantisme pp. 3-28

Rire est si bon !

1173. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Un jour il s’avisa, pour rire, de signer un article du nom de ce fameux chroniquant.

1174. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Constamment en première ligne, se rit du danger et, par sa présence, communique à tous un réconfort des plus précieux.

1175. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Ils n’ont pas pris la peine d’observer, ils ont suivi la coutume qui était de rire de la province pour le plaisir du Parisien.

1176. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Et l’on rit des Allemands !

1177. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Vous l’aviez conduite hors du chemin dans une broussaille ; elle y est encore ; les physiologistes à qui l’on parle de psychologie se mettent à rire, citent Molière, l’opium qui fait dormir parce qu’il a une vertu dormitive ; l’homme qui perçoit les objets extérieurs parce qu’il a la faculté appelée perception extérieure ; l’âme qui ressent l’émulation parce qu’elle apporte en naissant un penchant à l’émulation ; l’esprit qui connaît les objets infinis parce qu’il possède la raison, faculté de l’infini.

1178. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

Souvent l’esprit est rebuté, et les larmes viennent aux yeux : on serait tenté de rire, et l’on s’attendrit.

1179. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

Dans le premier cas, il demandait le nom de l’auteur ; dans le second, il riait ironiquement, ce qui produisait un chœur de huées sourdes, à la suite desquelles ordinairement la caricature était effacée. […] On ne saurait pas que celui-ci, et il indiquait Robin, est le plus grand saligaud de la terre, qu’on le reconnaîtrait pour toi en voyant son dessin ; tenez, voyez plutôt. » Et tous les élèves de rire. […] Alors cette scène se terminait par des rires inextinguibles auxquels Maurice lui-même prenait largement part. […] Bien qu’il fût le premier à rire des formes extravagantes sous lesquelles Maurice exposait sa doctrine, au fond, il lui était impossible de ne pas reconnaître la puissance des idées et quelquefois des raisonnements du jeune fou. […] Il y a longtemps que vous n’avez concouru entre vous pour la composition ; je veux que vous repreniez cet exercice, et je vais vous proposer à l’instant même un sujet : Léonidas au passage des Thermopyles… Vous riez ?

1180. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

J’ai connu, en 1867, à la Normale, un petit bonhomme qui avait quelquefois le pinçon sans rire assez heureux. […] Dedans courait un rire d’or ténu et les cimes nues de la forêt paraissaient s’évaporer dans cet or. […] Le roi rit. « Pourvu, seulement, qu’ils ne nous brûlent pas !  […] Ni Chateaubriand ni Volney ne sont des héros ; mais refuser l’héroïsme à Chateaubriand pour en revêtir Volney, je ne doute pas que cela ne fasse rire à en être malades ceux qui savent les choses. […] Il avait écrit dans le Satyre : Le ciel, l’aube, où le jour, ce rire immense, luit.

1181. (1895) Le mal d’écrire et le roman contemporain

Le salon méprise l’écrivain ; l’écrivain raille le salon ; l’artiste déteste la critique ; la critique exaspère l’artiste ; l’auteur dramatique dédaigne le romancier ; le romancier persifle la science ; le savant rit du romancier. […] On en a fait une espèce de feu d’artifice, quelque chose d’ironique et de déplaisant, une gaieté outrancière, une virtuosité frondeuse qui tient le milieu entre la pose, le rire et la blague. […] Candide ne serait pas une œuvre si supérieure si elle n’était qu’amusante et si, derrière ce rire il n’y avait un sanglot. […] Ne riez pas. » Il n’y a pas de quoi rire en effet, et on plaint le bon Flaubert rentrant dans son cabinet pour relire cette description des deux Floridiennes des Mémoires d’Outre-tombe, qu’eût signée le meilleur crayon de Gautier : « Leurs jambes nues étaient losangées de dentelles de bouleaux. […] A chaque instant la nausée de la vie me remonte aux lèvres, j’ai un dégoût de moi-même inouï. » — « Je ne sais rire que des lèvres, dit à son tour Cha teaubriand.

1182. (1848) Études critiques (1844-1848) pp. 8-146

Si je le prenais pour un sage ou pour un penseur, il serait, je gage, le premier à me rire au nez ; si je croyais qu’il est d’humeur à s’enfoncer dans de vieilles chroniques et à en extraire la moelle d’un récit savoureux, il s’enfuirait à coup sûr ; quant à inventer un roman, il a déjà surabondamment prouvé que ce n’était pas dans une œuvre d’imagination qu’il était appelé par le ciel à développer son talent. […] Janin et le rire et la plaisanterie et la bouffonnerie et le gros sel lui viennent sans difficulté et souvent l’idole de tout à l’heure devient plastron. […] Êtes-vous sûr qu’il ne s’agisse pas uniquement de vous faire rire, et dans ce cas-là pourrez-vous bien avoir le courage de vous fâcher si fort ?

1183. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1894 » pp. 185-293

Vendredi 16 mars Première visite de mon troisième Esculape, du docteur Millard qui a une bonne figure réconfortante, et qui écrit une ordonnance, avec des rires prometteurs de santé. […] Les légumes, ragoûts, crêtes, ris de veau, foies gras, beurre, etc., à : 4 l. […] » Alors, tous les jours, on entendait la pauvre sœur, s’adressant au garçon : « Monsieur Colombin, marquez une fois. » Et tout le monde de la piscine, à qui le mot avait été donné, de rire.

1184. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

Souvent, dans la société, un bon mot éveille un rire général ; un des assistants reste impassible ; le silence rétabli, il se met à rire à son tour ; on se moque de lui ; « J’étais distrait, répond-il ; mon esprit était ailleurs. » La succession de faits que nous venons de décrire s’est produite dans son esprit ; le rire de ses compagnons l’a invité à se remémorer la phrase qu’il avait entendue sans l’écouter, et alors seulement il l’a comprise [ch.

1185. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Il y a toujours quelque fantaisie dans son observation, puisqu’il s’y mêle toujours quelque intention de nous faire rire. […] « Allons, Baptiste, fais-nous rire », disait Molière à Lulli quand il éprouvait le besoin de rire d’autres bouffonneries que les siennes — lesquelles ne sont pas, au surplus, toujours gaies, — et la légende raconte que le Florentin s’y employait de son mieux. […] Voilà une distinction dont Molière eût bien ri ! […] La satire y est évidemment plus âpre, la gaîté plus amère, et si je l’ose dire, le rire, par instants, presque convulsif. […] C’est une gaîté singulière que celle qui se dégage de George Dandin ou du Malade imaginaire, une gaîté méprisante et mauvaise, la gaîté de ceux qui se pressent de rire des choses. — de peur d’être obligés d’en pleurer.

1186. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

Cependant, quoique l’homme soit susceptible de rire d’un rire assez franc aux heures où la morale s’en va, plus tard et à distance, ce rire n’égaie pas. […] On sait que François Ier voulut lui-même entendre la lecture de ses écrits, qu’il se reconnut parfaitement sous le pinceau de Rabelais, et qu’il rit tout comme un autre de sa propre caricature. […] « Le rire, dit-il, est le propre de l’homme. » C’est surtout le propre de Rabelais. […] Ce tempérament-là est passablement fréquent ; assez de gens savent juger que le mal est mal, et cependant ils ne font qu’en rire. […] Si les conséquences étaient moins graves, on ne pourrait s’empêcher de rire de la compensation.

1187. (1911) Études pp. 9-261

On ne rira pas des images brusques qu’il façonne, si l’on sait voir toute la science ouvrière qu’elles décèlent ; elles sont un produit de la connaissance la plus étroite, la plus retorse et la plus sûre de la matière plastique. […] Autour du Christ accablé, je distingue le gros rire des bourreaux et ces faces bestiales et sommaires, où la cruauté se déchaîne en grimace. […] Ô feinte exquise de l’amour, de l’excès même de l’amour, par quel secret chemin tu nous menas du rire aux pleurs et de la plus naïve joie à l’exigence de la vertu233 ! […] Tout de suite elle est détachée, elle se détourne ; mais au début c’est par répugnance, avec une sorte d’indignation, — ensuite avec un grand rire transporté, avec l’air dédaigneux et ravi de celui qui a pitié de l’offre qu’on ose lui faire, parce qu’on ne sait pas ce qu’il possède, — à la fin avec plus d’inquiétude. […] Il faut que je rie.

1188. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

On comprend aussi que les morts accumulées du dénouement aient donné à rire aux rieurs ; la comédie a toujours reproché à la tragédie son arsenal d’armes sans pointes et son cortège de faux cadavres. […] par lequel il répond à Prospero lorsque celui-ci lui reproche d’avoir voulu déshonorer sa fille, était l’exclamation, probablement l’espèce de rire attribué en Angleterre au diable dans les anciens mystères où il jouait un rôle. […] Chaque fois que Launce paraît avec son chien, on est d’abord forcé de rire, quitte à blâmer ensuite la trivialité de quelques plaisanteries. […] Ariel, dit encore le critique que nous avons cité tout à l’heure, Ariel est un ministre de vengeance qui est touché de pitié pour ceux qu’il punit ; Puck est un esprit étourdi, plein de légèreté et de malice, qui rit de ceux qu’il égare : « Que ces mortels sont fous !  […] Ces tableaux sont sans doute d’une vérité frappante et abondent en traits comiques, mais la vérité n’est pas toujours assez loin du dégoût pour que le comique nous trouve alors disposés à toute la joie qu’il inspire ; et les personnages sur qui tombe le ridicule ne nous paraissent pas toujours valoir la peine qu’on en rie.

1189. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Qui rit de bon cœur ? […] Logé à la cour sans y vivre et placé là comme en observation, on le voit rire amèrement et quelquefois s’indigner d’un spectacle qui se passe sous ses yeux.

1190. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Et rire et jeunes ans qui vont si bien ensemble, Et toi, frère enflammé de la jeunesse, amour, Délicieux orage au matin d’un beau jour ! […] Le monde en rit, n’y voit que démence ou faiblesse, Le monde à qui le ciel fasse paix et vieillesse !

1191. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Véritablement cela ressemble au carnaval italien ; rien n’y manque, ni les masques, ni la comédie de société : on joue, on rit, on danse, on dîne, on écoute de la musique, on se costume, on fait des parties champêtres, on dit des galanteries et des médisances. « La chanson nouvelle190, dit une femme de chambre instruite et sérieuse, le bon mot du jour, les petites anecdotes scandaleuses formaient les seuls entretiens du cercle intime de la reine. » — Pour le roi, qui est un peu lourd et qui a besoin d’exercice corporel, la chasse est sa grande affaire. […] Au chapitre d’Ottmarsheim en Alsace, « nos huit jours, dit une visiteuse, se passèrent à nous promener, à visiter le tracé des voies romaines, à rire beaucoup, à danser même, car il venait beaucoup de monde à l’abbaye, et surtout à parler de chiffons ».

1192. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Prenez l’ensemble du poëme ; c’est une bouffonnerie en style noble ; lord Petre a coupé une boucle dans les cheveux d’une beauté à la mode, mistress Arabella Fermor ; il s’agit de faire de cette bagatelle une épopée, avec les invocations, les apostrophes, l’intervention des êtres surnaturels et le reste des machines poétiques ; la solennité du style contraste avec la petitesse des événements ; on rit de ces tracasseries, comme d’une querelle d’insectes. […] Tout au plus de temps en temps un bon coup de fouet nous réveille ; mais ce n’est pas pour rire.

1193. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

M. de Mareste est un homme qui rit souvent, mais chez qui le rire bienveillant ne va jamais jusqu’au cœur et laisse des larmes pour toutes les blessures, un homme qui, comme l’ami de Cicéron, se serait retiré au fond de la Grèce pendant les guerres civiles de Rome, pour éviter de haïr personne ; magister elegantium, un Saint-Évremond français suivant Hortense Mancini à Londres, afin d’aimer le beau jusque dans sa vieillesse !

1194. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Sans doute vous trouverez dans Werther quelques sujets de raillerie malicieuse qui prêtent à rire à la spirituelle malignité d’un esprit français, mais l’âme ne rit pas quand elle est touchée ; or Werther est un cri de la torture de l’âme.

1195. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Chez Goethe, Méphistophélès cesse de rire. […] Elle riait, toute épanouie dans son insouciance et sa beauté, et voilà que le divin passant l’arrête, la regarde, lui dit deux paroles et la courtisane jette ses fleurs, s’agenouille et pleure.

1196. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

Quand je considère attentivement l’empire littéraire, je crois voir une place publique, où une foule d’empiriques montés sur des tréteaux, appellent les passants, et en imposent au peuple qui commence par en rire, et qui finit par être leur dupe. […] Enveloppé de ses talents et de sa vertu, il rit sans colère et sans dédain du personnage qu’il est alors obligé de faire.

1197. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

On se demande bien ce qu’il ferait de tous ces détails qui lui manquent, s’ils ne lui manquaient pas ; mais il n’en est pas moins triste à faire… crever de rire tous ceux qui ont le sentiment de la disproportion des choses avec le ton qu’on doit avoir, en parlant d’elles. […] Falstaff, c’est à présent Fluellen, le comique pédant militaire, l’impayable capitaine gallois, et le chercheur d’aventures, c’est ce bon gaillard de Roi qui, pour rire, échange son gant de défi avec celui du soldat Williams.

1198. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Pour moi, je ris de la peine qu’on s’est donnée inutilement de me faire des niches.

1199. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — I. » pp. 134-154

À Auch, en 1578, pendant le séjour qu’y font la reine mère, la reine de Navarre et Henri, on voit Rosny qui, « n’oyant plus parler d’armes, mais seulement de dames et d’amour, devient tout à fait courtisan et fait l’amoureux comme les autres », chacun ne s’amusant alors à autre chose qu’à rire, danser et courir la bague.

1200. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — I. » pp. 325-345

J’ai fini l’insurrection par une malice qui n’a fait que faire rire.

1201. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Elle voulait que les Dames parlaient hardiment à leurs élèves de l’état de mariage, et leur montrassent le monde et ses conditions diverses telles qu’elles sont : « La plupart des religieuses, disait-elle, n’osent pas prononcer le nom de mariage ; saint Paul n’avait pas cette fausse délicatesse, car il en parle très ouvertement. » Et elle était la première à en parler comme d’un état honnête, nécessaire, hasardeux : Quand vos demoiselles auront passé par le mariage, elles verront qu’il n’y a pas de quoi rire.

1202. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — I. » pp. 41-61

Madame était agréable à Louis XIV par sa franchise, par son naturel ; elle le réjouissait quelquefois par ses reparties et ses gaietés, elle le faisait rire de bon cœur.

1203. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Il rit très agréablement de M. 

1204. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Au sortir de l’école de Westminster, il entra dans une étude d’homme de loi, et y passa trois années ; il dit n’y avoir jamais travaillé sérieusement et avoir perdu tout ce temps à rire et à faire des espiègleries de clerc, du matin au soir, avec son camarade d’étude, le futur lord chancelier Thurlow.

1205. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Un jour qu’on demandait en présence de Wordsworth s’il en était nécessairement ainsi, le grave poète des lacs répondit : « Ce n’est point parce qu’ils ont du génie qu’ils font leur intérieur malheureux, mais parce qu’ils ne possèdent point assez de génie : un ordre plus élevé d’esprit et de sentiments les rendrait capables de voir et de sentir toute la beauté des liens domestiques23. » J’ai le regret de rappeler que Montaigne n’était pas de cet avis et qu’il penchait du côté du déréglement : citant les sonnets de son ami Étienne de La Boétie, il estime que ceux qui ont été faits pour la maîtresse valent mieux que ceux qui furent faits pour la femme légitime, et qui sentent déjà je ne sais quelle froideur maritale : « Et moi, je suis de ceux, dit-il, qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » Nous nous sommes trop souvenus en France de cette parole de Montaigne, et nous nous sommes laissés aller à cette idée de folâtrerie.

1206. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

Le cardinal Dubois d’abord se mit à rire ; il ne connaissait jusque-là le président que par ses chansons ou ses galanteries.

1207. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

., etc. » On croirait lire une énumération bouffonne de Rabelais ; mais M. de Girac ne riait pas.

1208. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Je n’ai pas voulu indiquer autre chose, et je suis persuadé que pas un de ceux qui entendent ces matières ne rira de moi.

1209. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Sur la fin de sa vie, il s’apercevait pourtant de quelque différence à cet égard, et il dit un jour : « Allons, il est temps que je me retire ; autrefois mes simples politesses étaient prises pour des déclarations ; à présent, mes déclarations ne sont plus prises que pour des politesses. » Il protégea Beaumarchais, qui lui plaisait fort, dans cet immortel procès engagé contre le Parlement-Maupeou, et qui fit tant rire.

1210. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

. — J’ai ri, mais j’ai senti que cela était vrai… » C’est là de la bonne foi, et c’est cette entière bonne foi, cette disposition naïve, italienne ou allemande comme on voudra l’appeler, mais à coup sûr peu française, qui, jointe à un grand sens et aux meilleurs sentiments, est faite pour charmer dans le Journal et dans la correspondance de Sismondi. — Et comment finit le roman d’amour ?

1211. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Alors, me supposant l’amie d’un homme à pendre, je suis devenue l’objet de la considération et de l’intérêt général, ce qui m’a valu des confidences de tous les genres et très nouvelles pour moi, je vous jure ; j’en ai bien fait rire notre ami.

1212. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

— Malherbe, Corneille, Racine, Molière, La Fontaine, Boileau, Regnard et Voltaire. » — Il faisait cette énumération sans rire.

1213. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

que toutes ces pauvres maisons bourgeoises rient à mon cœur ! 

1214. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre II. De l’expression »

Cependant du plaisir la folâtre saison, Sous ses grelots légers, rit et voltige encore, Pendant que, soulevant les voiles de l’aurore.

1215. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIIIe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Bonaparte ne fit qu’en rire et l’excusa.

1216. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre III. Montesquieu »

Mais il aimera toujours à disserter, sans rire, avec érudition sur des matières scabreuses ; il aura plaisir, dans l’Esprit des Lois, à noter les lois et les coutumes qui blessent le plus nos idées de la morale et de la pudeur, à relever toutes les convenances physiques ou politiques qui peuvent les justifier.

1217. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Maurice Maeterlinck, admirable certes, mais non point par son expression allégorique : Ô les passions en allées Et les rires et les sanglots !

1218. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

» — Le Héraut rit de leur désespoir : — « Criez, lamentez-vous ; dans le vaisseau vous gémirez plus à l’aise. » — Elles appellent les dieux au secours ; mais l’homme d’Égypte, adorateur des vieilles idoles à têtes d’animaux, renie les divinités de l’Hellade et il les méprise.

1219. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Mais je ris de ma simplicité, de prétendre faire entendre raison sur une situation si différente à une femme de Paris, oisive par état, et qui, n’ayant pour toute occupation que d’écrire et recevoir des lettres, entend que tous ses amis ne soient occupés non plus que du même objet… Je sais, lui dit-il encore avec autant de vérité que d’amertume, je sais qu’il n’est pas dans le cœur humain de se mettre à la place des autres dans les choses qu’on exige d’eux.

1220. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

la passion se rit de ces impossibilités sociales et de ces barrières.

1221. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Il est assis devant moi, il tisonne, il rit ; il dit que je me moque de lui, et que j’ai l’air de faire sa critique.

1222. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

On en riait, on en plaisantait avec elle-même, et l’on se soumettait à ce régime qui ne laissait pas d’être assez étroit et exigeant, mais qui était tempéré de tant de bonté et de bienfaisance.

1223. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

Aujourd’hui, on est passé à une autre extrémité contraire, et on serait assez mal reçu, je pense, si on en avait la vilaine idée, de venir risquer à ce sujet le plus petit mot pour rire.

1224. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Ne riez pas, c’est comme cela. » Et il engage cet ami Dalinville à faire comme lui, à se mettre de l’un au moins des deux bords : Comme compatriote, comme ancien camarade d’études, je vous donne à choisir de vous mettre dans celui que vous voudrez ; vous serez accepté d’un côté comme de l’autre ; j’en ai la certitude.

1225. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Il était de son pays aussi par la gaieté, par le trait, par le petit mot pour rire.

1226. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

« J’ai souvent remarqué avec étonnement, dit encore Mme de Motteville, que dans ses jeux et dans ses divertissements ce prince ne riait guère. » On a une lettre par laquelle il demande au duc de Parme (5 juillet 1661) de lui faire venir un Arlequin pour sa troupe italienne : il le demande dans les termes du plus grand sérieux, et sans le moindre petit mot de gaieté.

1227. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

J’ai quelquefois pensé qu’à cette époque où Courier se servait de ces instruments et de ces prétextes rustiques pour en faire des malices exquises aux gens d’en haut, il y avait en France un autre vrai laboureur et vieux soldat, que je ne donne pas comme un modèle d’atticisme, et qui aurait peu, je crois, goûté Longus, mais qui voulait sans rire l’amélioration du labour et de la terre, et le bien-être du laboureur en lui-même.

1228. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

C’est lui qui a écrit, à la dernière page de son Testament politique : « Beaucoup se sauveraient comme personnes privées, qui se damnent en effet comme personnes publiques. » Permis à Voltaire de rire de ces maximes et d’y voir la trace d’un petit esprit !

1229. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — I. » pp. 287-307

Il connaissait à fond cette âme malade, jointe à un si prestigieux talent ; il redressait à chaque instant les fausses vues indulgentes où retombait sa gracieuse et trop prompte amie : « Je suis persuadée, disait de Rousseau Mme d’Épinay, qu’il n’y a que façon de prendre cet homme pour le rendre heureux : c’est de feindre de ne pas prendre garde à lui, et de s’en occuper sans cesse. » Grimm se mettait à rire et lui disait : « Que vous connaissez mal votre Rousseau !

1230. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Chateaubriand ne traita pas de la sorte ceux qui riaient, il les attaqua ; il reprit l’offensive et parut dans la lice à la française, en combattant.

1231. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Florent, arrêté et envoyé à Cayenne pour s’être épouvanté sur le cadavre d’une fille tuée par la troupe, passe, à son départ, près d’un carrosse de femmes dont les rires l’accompagnent.

1232. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

On pourra s’asseoir, s’étendre tout de son long, et achever de fumer le cigare de la poésie de fantaisie, et rire au Décaméron de Boccace avec le doux ciel bleu sur sa tête, le jour où la souveraineté d’un roi sera exactement de même dimension que la liberté d’un homme.

1233. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Ici, ce n’est plus la moquerie incrédule qui se rit de ces idées du ciel, tombées d’en haut, montées d’en bas ; c’est la foi, c’est la volonté, c’est l’esprit, c’est tout l’être humain qui se révolte et se cabre devant ces imaginations naïves ou laborieusement combinées qui n’offrent rien que puisse éteindre et dont puisse jouir ce quelque chose qui s’appelle le moi, dans sa plénitude impérieuse !

1234. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

C’est une justice publique très bien faite, et avec le petit mot pour rire du plus aimable bourreau qui ait jamais coupé le sifflet à quelqu’un.

1235. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Ma mère pleurait et mon père riait de joie en ayant malgré tout une larme au coin de l’œil.

1236. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Ô peuple antique d’Athènes, tant loué par vous-même et par tous les peuples, élite ingénieuse du monde, avez-vous jamais senti plus grande ivresse que le jour où, dans votre ville reconquise par vos matelots, en face de vos temples conservés en ruines et tout noircis encore des feux allumés pour les détruire, vous vous pressiez à la grande fête de la destruction ries Perses étalée en drame sur votre théâtre, et vous entendiez retentir, comme l’hymne de votre délivrance, ces cris de douleur de l’Asie vaincue ?

1237. (1902) Symbolistes et décadents pp. 7-402

La presse, toujours la même, avait accueilli d’un déferlement de rires la Pénultième. […] La preuve fut faite aussi dans des réunions purement populaires, à but social, où tonnait la voix généreuse de Laurent Tailhade qui, après avoir donné à la bibliothèque du symbolisme, après le jardin des Rêves, ses admirables Vitraux, a dédié à l’art social des poèmes animés d’un rire à la Daumier. […] Oyez plutôt ces vers refrains… Rions donc un peu… Chacun avocasse En vrai madecasse. Rions donc un peu. […] Ça se passe en enfer, parce que l’enfer est en bas, si le ciel est en haut, qu’aux yeux de Rimbaud il y a chez lui, en ce moment de son esprit, grouillement et non vol, et aussi parce que Baudelaire et, à côté de lui, Verlaine est saturnien qui parle du seul rire encore logique des têtes de mort.

1238. (1774) Correspondance générale

Ne riez pas : c’est moi qui anticipe sur l’avenir, et qui sais sa pensée. […] J’ai été quelquefois dans votre position ; je trouvais bien dans ma tête les mêmes sophismes que vous, je me les proposais à moi-même et aux autres, comme vous faites ; mais je ne pouvais m’empêcher d’en sentir le faux et d’en rire ; ce qui me dépite, c’est que vous donniez sérieusement dans toutes ces subtilités qui n’ont besoin que d’être traduites en d’autres termes pour devenir d’un ridicule comique. […] À propos, l’abbé Morellet nous est venu avec le récit de ses trente-six infortunes, c’était à crever de rire ; c’était la jérémiade la plus vile, la plus intéressée et la plus naturelle que vous puissiez imaginer, et cela sans que le Jérémie s’en doutât. […] Quant à la loi qu’il vous impose de renfermer toute la matière dans le nombre de volumes annoncés, ou de distribuer l’excédant pour rien, on ne répond pas à cela, messieurs ; on en rit. […] On y lit : « J’aime mieux faire rire les hommes que de les ruiner. » (Note de M. 

1239. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

Le critique faux bonhomme Le critique faux bonhomme est d’épaisse encolure, affable, familier, se donnant tout à tous, et vous croiriez à la sincérité de son rire à pleines dents, n’était un petit œil, froid, incertain, terne, qui proteste à demi. […] Je n’ai pas besoin de vous vanter le bolero : il est bissé chaque soir, et sa popularité ne s’arrêtera pas là ce bolero a un peu effacé le premier duo des Aveugles, qui est pourtant une de ces folies musicales dont le secret semblait perdu en France, où l’on ne sait plus rire, et qu’Offenbach n’eût peut-être pas osé risquer sur une autre scène. […] Pradeau, qui partage avec son camarade Berthellier le succès de fou rire de la scène des Deux Aveugles, représente, dans ce prologue, la figure historique de Bilboquet. […] On se frotte les yeux, on cherche les fils qui font mouvoir la marionnette ; l’imitation ne saurait aller plus loin, l’illusion est complète : avec sa désinvolture de poses, de mouvements, de danse disloquée et son rire de fer-blanc, c’est bien la métamorphose de l’homme changé en bois.

1240. (1880) Une maladie morale : le mal du siècle pp. 7-419

Il savait parfois descendre de sa hauteur solitaire ; il savait rire et plaisanter, non sans grâce. […] Empêche-t-il de rire de cette foule de pèlerins qui ne sont venus là que pour inscrire leurs noms sur les murailles du jardin, et jusque sur le buste du héros, dont la joue droite est couverte tout entière par le nom de M.  […] En tout cas, quel sentiment d’amertume réellement éprouvée dans ces lignes du dialogue de Tristan et de son ami : « Je me garde bien de rire des desseins et des espoirs des hommes de mon temps ; je leur désire, de toute mon âme, le meilleur succès possible ; mais je ne les envie ni eux, ni nos descendants, ni ceux qui ont à vivre longuement. […] Elle était sérieuse, et Élie estimait que le rire dépare la plus noble figure humaine ; elle était pâle et « sans cela il n’aurait pu l’aimer » car il pensait que sur les visages frais et arrondis il n’y a rien, « parce que la mer s’étire et se ride quand il y a un orage. » Quels ont été les incidents de cette liaison ? […] Femmes, n’en croyez pas mon visage trompeur, J’ai le rire à la bouche et la tristesse au cœur.

1241. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Ici ils rient, saluent, tâchent d’avoir l’air brillant ou aimable ; mais l’effet général est celui d’une cohue de singes, de vieux singes habillés, fatigués, flétris, qui ont trop pâli24 ! […] Vous arriverez aux propositions suivantes : L’homme si faible qu’il soit, si opprimé qu’il puisse être par la pesée des choses, l’homme apporte du nouveau dans l’univers ; la dame au front serein que nous appelons la Nature a beau rire de nos misères, rayonner sur nos douleurs, briser dans ses métamorphoses les chères illusions où s’attachent nos cœurs, continuer sa fête paisible, toujours sourire et toujours chanter malgré nos désespoirs et nos larmes : avant qu’elle ne nous envoie au charnier, nous avons le pouvoir, à notre gré, de la défigurer, de la transfigurer, ou de dépasser, par notre puissance inventive, la prodigalité de ses merveilles. […] On invoque le pape, comme s’il était le dernier gendarme capable de dresser, sans rire, des procès-verbaux. […] Ses prunelles, d’un gris bleuissant, riaient ; et quand elle parlait, l’éclair de ses dents avait une douceur ardente… Elle tenait son ombrelle de la main gauche, l’autre main jouait nue avec des violettes. […] J’entends d’ici le rire de Molière, les tirades bourgeoises de Chrysale, et Paul de Kock, et Labiche, et Gandillot… Ces femmes voilées sont peut-être trop savantes en l’art de se mettre martel en tête, et j’avoue que leur peintre attitré exagère la maigreur de leurs profils émaciés, se complaît en leurs chloroses, subtilise les analyses infinitésimales où elles se consument, catalogue trop minutieusement les cierges, les images, les fleurs, les chapelets où se plaisent leurs petites âmes dévotes et tremblotantes.

1242. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

À la première représentation, on a ri littéralement trois heures durant, à ce point que les acteurs, ne pouvant plus se faire entendre, étaient souvent forcés de s’arrêter. […] Cliton, si tu le peux, regarde-moi sans rire. […] Il faut qu’on sente que Valère, même au moment où il se fâche, est tout prêt à rire. […] C’est Regnard qu’on regrette, c’est-à-dire et exclusivement la gaieté, le rire facile, la belle humeur. […] Ne riez pas.

1243. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

Ne le jugez pas par la grotesque peinture que Walter Scott en a faite ; son sir Percy Shafton n’est qu’un pédant, un copiste froid et terne ; et c’est la chaleur, l’originalité qui donnent à ce langage un tour vrai et un accent ; il faut se l’imaginer non pas mort et inerte, tel que nous l’avons aujourd’hui dans les vieux livres, mais voltigeant sur les lèvres des dames et des jeunes seigneurs en pourpoint brodé de perles, vivifié par leur voix vibrante, leurs rires, l’éclair de leurs yeux, et le geste des mains qui jouaient avec la coquille de l’épée ou tortillaient le manteau de satin. […] La voilà changée, elle s’arrête, elle sourit, elle aime, elle va au-devant de lui. « Les montagnes ne peuvent point se rencontrer, mais les amants le peuvent. —  Ce que font les autres amants, ils le firent. —  Le dieu d’amour s’était posé sur un arbre,  — et riait en voyant ce doux spectacle311. » Une goutte de malice est tombée dans ce mélange de naïveté et de grâce voluptueuse ; il en est ainsi dans Longus et dans tout ce bouquet délicieux qu’on appelle l’Anthologie ; ce n’est point le badinage sec de Voltaire, des gens qui n’ont que de l’esprit, et qui n’ont vécu que dans les salons ; c’est celui des artistes, des amoureux qui ont le cerveau plein de couleurs, de formes, qui, en disant une mièvrerie, imaginent un col penché, des yeux baissés, et la rougeur qui monte à des joues vermeilles312. […] C’est le matin, l’aube blanche luit timidement à travers les arbres ; des vapeurs bleuâtres s’envolent à l’horizon comme un voile et s’évanouissent dans l’air qui rit ; les sources tremblent et bruissent faiblement entre leurs mousses, et dans les hauteurs les feuilles des peupliers commencent à remuer et à battre comme des ailes de papillons. […] L’un court, l’autre chevauche, querelle, rit, pleure, etc. […] Parmi tous ces monstres antédiluviens, hérissés de terminaisons latines, il est à son aise ; il se joue, il rit, il saute de l’un sur l’autre, il les mène de front.

1244. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

cette maison est bien riante, c’est-à-dire, elle inspire de la gaieté come les persones qui rient. […] Les figures doivent venir, pour ainsi dire, d’elles mêmes ; elles doivent naitre du sujet, et se présenter naturèlement à l’esprit, come nous l’avons remarqué ailleurs : quand c’est l’esprit qui va les chercher, elles déplaisent, elles étonent, et souvent font rire par l’union bizare de deux idées, dont l’une ne devoit jamais être assortie avec l’autre. […] Virgile en a changé le dernier hémistiche, qu’il n’a pas trouvé assez digne de la poésie épique ; voyez Servius sur ce vers de Virgile : (…). (…), c’est un rire immodéré. (…), se dit d’un home qui rit sans retenue : ces deux mots sont formés du son ou bruit que l’on entend quand quelqu’un rit avec éclat.

1245. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

C’est à la fin de l’automne, les feuilles grises roulent dans les rafales du vent ; une joyeuse troupe de vagabonds, bons diables, viennent faire ripaille au cabaret de Poosie Nansie. « Ils trinquent et rient, ils chantent et se démènent, ils cognent et sautent, tant que les tourtières résonnent1163. » Le premier, auprès du feu, en vieux haillons rouges, est un soldat avec sa commère : la gaillarde a bien bu ; il l’embrasse et lui tend encore sa bouche goulue ; les gros baisers font clic-clac comme un fouet de charretier, et chancelant sur sa béquille, d’un air crâne, il entonne à pleins poumons sa chanson : « J’étais avec Curtis aux batteries flottantes, —  et j’y ai laissé en témoignage un bras et une jambe. —  Pourtant, que mon pays ait besoin de moi, et me donne Elliot pour commandant, —  on entendra ma jambe de bois se démener au son du tambour1164. » Le chœur reprend et les voix ronflent : les rats effrayés se sauvent au plus profond de leurs trous. […] Il a une vraie gaieté, une verve comique ; le rire lui semble une bonne chose ; il le loue, et aussi les bons soupers de bons camarades, où le vin coule, où la plaisanterie foisonne, où les idées roulent, où la poésie pétille, et fait danser dans la cervelle humaine un carnaval de belles figures et de personnages en belle humeur. […] Nous n’avions pas fait dix pas que nous étions à rire ou à crier et à chanter.

1246. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Avant l’ouverture du Salon, j’avais entendu beaucoup jaser de cette Eve prodigieuse, et, quand j’ai pu la voir, j’étais si prévenu contre elle que j’ai trouvé tout d’abord qu’on en avait beaucoup trop ri. […] On a souvent ri de l’emphase de M. Clésinger ; mais ce n’est pas par la petitesse qu’il prêtera jamais à rire.

1247. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Le rire, en général, va peu aux mystiques ; on se figure malaisément un Fénelon jovial et en belle humeur.

1248. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Ceux qui ne le connaissent pas le croient dévoré d’ambition ; non, il n’en est qu’occupé ; il la médite même gaiement, à cause de l’opinion qu’il a de sa supériorité ; il se voit lui-même au-dessus de tout, il croît apercevoir les fils des marionnettes, il se moque de tout, il se rit de tout et perpétuellement.

1249. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

On se rappelle ce grand seigneur qui un jour, dans la galerie de Versailles, devant Boileau, Racine et Valincour, fit taire de jeunes étourdis qui riaient aux éclats de ce qu’Homère avait parlé des Myrmidons ; mais ensuite, prenant à part les trois amis dans l’embrasure d’une fenêtre, le même seigneur leur demanda sérieusement : Maintenant que nous sommes entre nous, dites-moi s’il est bien vrai, messieurs, qu’Homère ait parlé des Myrmidons ?

1250. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Je désirais que tous ceux qui partageaient les opinions que je professais alors… » Il y eut à ces mots, que je professais alors, une interruption et des rires bruyants du côté droit.

1251. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Cela fit beaucoup rire.

1252. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

L’empereur chercha à lui faire comprendre alors que, s’il y avait un pareil nombre de ses pages qui eussent cherché à s’emparer de lui, il lui aurait bien fallu prendre la fuite : il répliqua tout en colère, au milieu des éclats d’admiration et de rire de l’empereur et des personnes qui étaient présentes, que lui jamais ne se serait enfui. » Je doute que ce trait d’obstination d’un Charles le Téméraire en herbe ait causé autant d’admiration à l’empereur qu’on le dit.

1253. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

» Pour le marin, la beauté, tête de bois, rit à la poupe du vaisseau quand on rentre au port après l’orage.

1254. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier. »

Son Daniel Jovarcl notamment, ce jeune classique bourgeois pudibond, converti d’un tour de main au romantisme le plus féroce par son ami Ferdinand de C…, est à mourir de rire.

1255. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français et de la question des Anciens et des Modernes »

« Celle qui s’est ri si dédaigneusement de toute la Grèce, celle qui avait à sa porte un essaim de jeunes amants, Laïs consacre son miroir à Vénus ; car, me voir telle que je suis, je ne le veux pas ; et me voir telle que j’étais, je ne le puis. » Et comme l’a traduit heureusement Voltaire, mais en y mettant un peu plus d’esprit : Je le donne à Vénus puisqu’elle est toujours belle, Il redouble trop mes ennuis.

1256. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

A certains mots hardis que Jean-Bon profère en des moments où il n’est qu’à deux pas de l’Empereur (par exemple, dans la scène du bateau sur le Rhin), on dirait que Beugnot, en les rapportant, s’amuse à les mettre en saillie pour mieux faire ressortir ses propres frayeurs à lui-même, frayeurs dont il avait pris le parti de rire, ne pouvant les maîtriser.

1257. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Associée à un homme que le même sort attendait, mais dont le courage n’égalait pas le sien, elle parvint à lui en donner avec une gaieté si douce et si vraie, qu’elle fit naître le rire sur ses lèvres à plusieurs reprises. » Je ne cherche dans ces extraits que la vérité, et je dirai jusqu’au bout ce que je pense.

1258. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Ulric, tout faible et fragile, qu’il était, se prenait aisément à avertir et, qui plus est, à prêcher dans leurs fougueux entraînements ses jeunes amis, Musset et son inséparable Alfred Tattet ; il leur parlait en censeur onctueux et indulgent, mais sans se garder assez du ton dévot, et comme quelqu’un qui sort de s’entretenir avec les Pères du Désert : on peut juger des hauts cris et des rires qu’il provoquait à de certaines heures.

1259. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Profitons du moins de ce que nous avons, sans trop regretter ce qui aurait pu être, et sans chicaner notre rire, qui est si rare.

1260. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

On rencontre dans l’histoire des opinions humaines une quantité d’accidents où il ne faudrait peut-être apporter que le rire de Voltaire et le branlement de tête de Montaigne.

1261. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

La jeunesse imprévoyante et frivole se rit encore de ces aberrations, mais ne les partage plus ; Astyle raille Gnathon sans songer à devenir son complice.

1262. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

Il en avait ri autrefois, il s’en irritait désormais, car il lui fallait adorer Mme de Pontivy dans ce cadre, et l’en séparer sans cesse par la pensée.

1263. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Sarcastique et hideuse figure qu’on retrouve toujours dans toutes les révolutions, flaireurs du vent, baladins de la foule qui montent indifféremment sur les tréteaux ou sur l’échafaud pour y provoquer le rire atroce des égorgeurs, ou pour y mourir eux-mêmes sans conviction, sans dignité et sans courage.

1264. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre II. Clément Marot »

Pour un public léger, égoïste, il ne fallait pas trop de sérieux ni de douleurs : railler et rire, c’était le mieux.

1265. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Voilà la grande erreur et la grande inconséquence de Boileau dans sa théorie du comique : et c’est autrement grave que de proscrire le mélange du rire et des larmes, que de condamner à l’avance le drame, les pièces mixtes.

1266. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

Il donnait à rire par ses airs seigneuriaux.

1267. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Jeanne, qui est « une belle fleur », avec des « yeux magnifiques », est « souverainement intelligente », encore qu’elle entende sans rire les tirades de Jacques de Lerne.

1268. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Elle s’écrie par la bouche de Bossuet : Malheur à vous qui riez !

1269. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Mais laissons ce triste sujet… Ce n’est pas notre faute, hélas, si, dans de telles catastrophes, la comédie se mêle trop souvent au drame ; parfois, du reste, on rit de certaines choses, crainte d’avoir à s’en indigner.

1270. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Madame de Montespan dansa très bien… Fontanges mal. » Le 6 avril, cette belle est nommée duchesse, avec 20 000 écus de pension… Malheureusement, dans le cours de ce mois, madame de Sévigné nous apprend que « cette favorite a besoin d’être traitée d’une perte de sang opiniâtre et très désobligeante. » On a quelques espérances de guérison ; mais on lit dans une lettre de madame de Sévigné, du 14 juillet suivant : « Vous aurez ri de cette personne blessée dans le service ; elle l’est au point qu’on la croit invalide.

1271. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

. — Des fantômes comiques s’y montrent aussi, riant à vide d’un énorme rire, comme des masques dont les visages se sont retirés.

1272. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Il lui jette à la tête ses soixante ans et ses rhumatismes ; il le pousse à coups de chiquenaudes jusque sur le bord de sa tombe ; il rit au nez de ce visage vénérable qui a reflété Louis XIV soleillant dans sa gloire.

1273. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Elle rit aux éclats de cette drôle d’histoire ; elle se lâche en gros lazzi de commère ; puis ses soupçons la reprennent.

1274. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Et l’abbé de Choisy qui la vit alors et depuis, et qui la goûta à tous les âges, nous dit : Les Jeux et les Ris brillaient à l’envi autour d’elle : son esprit était encore plus aimable que son visage ; on n’avait pas le temps de respirer ni de s’ennuyer quand elle était quelque part.

1275. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Biographie de Camille Desmoulins, par M. Éd. Fleury. (1850.) » pp. 98-122

.  Cette naïveté de conscience m’a paru plus plaisante que rien de ce que j’avais vu de lui jusqu’à ce jour, et vous-même, si vous l’avez lu, vous n’aurez pu sans doute vous empêcher de rire comme moi, qu’un homme, trouvant dans un livre où personne n’est nommé une grande quantité d’auteurs qui, d’après leurs écrits, d’après des faits, d’après une longue suite de preuves, sont traités de perturbateurs séditieux, de brouillons faméliques, d’hommes de sang, aille se reconnaître à un tel portrait, et déclarer hautement qu’il voit bien que c’est de lui qu’on a voulu parler.

1276. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

Ainsi Condorcet imprime sans rire, le 18 juin, que les hommes de l’insurrection du surlendemain, et bientôt de celle du 10 août, ont l’air, tant ils sont devenus raisonnables, de se livrer chaque matin dans leur cabinet à une petite opération d’analyse et d’idéologie.

1277. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Dans le donjon de Vincennes, il écrivait pour lui seul, dans son cahier de notes et d’extraits, divers passages de Plaute, qu’il lisait beaucoup alors, et il en faisait l’application à sa félicité perdue ; tout ce joli passage du Pseudolus, par exemple, qui fait partie de la lettre d’une maîtresse à son ami : Nunc nostri amores, mores… « Voilà que nos plaisirs, nos désirs, nos entretiens, avec les ris, les jeux, la causerie, le suave baiser… tout est détruit ; plus de voluptés ; on nous sépare, on nous arrache l’un à l’autre, si nous ne trouvons, toi en moi, moi en toi, un appui salutaire. » Mais j’aime mieux cet autre passage, également emprunté de Plaute, où le sentiment domine : « Lorsque j’étais en Hollande , écrit Mirabeau, je pouvais dire : Sibi sua habeant regna reges, etc. », et tout ce qui suit, « Rois, gardez vos royaumes, et vous, riches, vos trésors ; gardez vos honneurs, votre puissance, vos combats, vos exploits.

1278. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Une des meilleures épigrammes du poète Le Brun est contre l’abbé Maury ; elle a cela de piquant, qu’elle a, d’un bout à l’autre, un faux air d’éloge ou d’apologie, et que c’est le lecteur seul qui, en contredisant à chaque vers, est comme forcé de faire lui-même l’épigramme ; le satirique, dans ce cas, a besoin de compter sur la complicité de tout le monde : L’abbé Maury n’a point l’air impudent ; L’abbé Maury n’a point le ton pédant ; L’abbé Maury n’est point homme d’intrigue ; L’abbé Maury n’aime l’or ni la brigue ; L’abbé Maury n’est point un envieux ; L’abbé Maury n’est point un ennuyeux ; L’abbé Maury n’est cauteleux ni traître ; L’abbé Maury n’est point un mauvais prêtre ; L’abbé Maury du mal n’a jamais ri : Dieu soit en aide au bon abbé Maury !

1279. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires de Marmontel. » pp. 515-538

En troisième, Marmontel qui, en qualité de premier, se trouvait censeur de sa classe, et dès lors obligé de surveiller ses camarades, s’avise de vouloir capter leur faveur et d’aspirer à la popularité : Je me fis une loi, dit-il, de mitiger cette censure ; et, en l’absence du régent, pendant la demi-heure où je présidais seul, je commençai par accorder une liberté raisonnable : on causait, on riait, on s’amusait à petit bruit, et ma note n’en disait rien.

1280. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le comte-pacha de Bonneval. » pp. 499-522

Tirant une clef de sa poche, il ouvre ; et, au lieu d’in-folio, je vois des rangées de bouteilles des meilleurs vins, et nous nous mîmes tous deux à rire de grand cœur : « C’est là, me dit le pacha, ma bibliothèque et mon harem ; car, étant vieux, les femmes abrégeraient ma vie, tandis que le bon vin ne peut que me la conserver, ou du moins me la rendre plus agréable. » Les détails qui suivent montrent que le spirituel pacha avait cherché à tirer tout le meilleur parti de sa position nouvelle ; qu’il avait réuni autour de lui ce qu’on pouvait appeler les honnêtes gens de là-bas, et fait rendre à la Turquie tout ce qu’elle renfermait de ressources de société.

1281. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Lui, ou son orateur du groupe des sages, dira sans rire après une explication théorique des plus hasardées : « Telle est la chaîne des idées que l’esprit humain avait déjà parcourue à une époque antérieure aux récits positifs de l’histoire. » Qu’en sait-il ?

1282. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Ce peuple a beau avoir pour éclaireur et pour guide cette généreuse presse britannique qui est plus que libre, qui est souveraine, et qui par d’innombrables journaux excellents fait la lumière à la fois sur toutes les questions, il en est là ; et que la France ne rie pas trop haut avec sa statue de Négrier, ni la Belgique avec sa statue de Belliard, ni la Prusse avec sa statue de Blücher, ni l’Autriche avec la statue qu’elle a probablement de Schwartzenberg, ni la Russie avec la statue qu’elle doit avoir de Souwaroff.

1283. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Leurs fades déclamations doivent paraître encore au-dessous des pieuses comédies de nos missionnaires, où les gens du monde vont rire, et d’où le peuple sort en pleurant.

1284. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Sous son rire à lui on sent les déchirements du cœur de Pascal.

1285. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Sainte-Beuve, devenu académicien, comme Alfred de Musset, l’auteur de la Ballade à la lune, astre romantique qui, malgré sa mélancolie, a dû un peu rire en voyant cela, M. 

1286. (1868) Curiosités esthétiques « VII. Quelques caricaturistes français » pp. 389-419

Le bourgeois, l’homme d’affaires, le gamin, la femme, rient et passent souvent, les ingrats !

1287. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il avait écrit dans Le Satyre : Le ciel, l’aube, où le jour, ce rire immense, luit. […] Elle nous a rendu compte, dans son Histoire de ma vie, de l’impression produite sur elle par Pierre Leroux, en toute candeur, mais, à cause même de sa candeur, avec une malice involontaire qui est à mourir de rire, si l’on me permet une innocente hyperbole. […]  » Encore du même genre sarcastique ; on croit entendre le rire des deux jeunes femmes qui descendent l’escalier : « Il nous répéta longuement ce que nous venions de lui faire dire. […] Ils en riaient un peu sous cape ; mais ils leur faisaient très bonne mine, très bonne chère, comme on disait dans l’ancien temps. […] Ne riez donc pas.

1288. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mademoiselle Aïssé »

Rions avait la haute main au Luxembourg ; il introduisit son jeune cousin, dont la bonne mine réussit d’emblée assez bien pour attirer un caprice passager de cette princesse, qui ne se les refusait guère. […] J’ai vraiment bien mieux à faire, madame : je chasse, je joue, je me divertis du matin jusqu’au soir avec mes frères et nos enfants, et je vous avouerai tout naïvement que je n’ai jamais été plus heureux, et dans une compagnie qui me plaise davantage. » Il a toutefois des regrets pour celle de Paris ; il envoie de loin en loin des retours de pensée à Mmes de Mirepoix et du Châtel, aux présidents Hénault et de Montesquieu, à Formont, à d’Alembert : « J’enrage, écrit-il (à Mme du Deffand toujours), d’être à cent lieues de vous, car je n’ai ni l’ambition ni la vanité de César : j’aime mieux être le dernier, et seulement souffert dans la plus excellente compagnie, que d’être le premier et le plus considéré dans la mauvaise, et même dans la commune ; mais si je n’ose dire que je suis ici dans le premier cas, je puis au moins vous assurer que je ne suis pas dans le second : j’y trouve avec qui parler, rire et raisonner autant et plus que ne s’étendent les pauvres facultés de mon entendement, et l’exercice que je prétends lui donner. » Ces regrets, on le sent bien, sont sincères, mais tempérés ; il n’a pas honte d’être provincial et de s’enfoncer de plus en plus dans la vie obscure : il envoie à Mme du Deffand des pâtés de Périgord, il en mange lui-même92 ; il va à la chasse malgré son asthme ; il a des procès ; quand ce ne sont pas les siens, ce sont ceux de ses frères et de sa famille.

1289. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

… Le vieux Père a tout fait avec la plus absolue maîtrise, jusqu’à du plus pur symbolisme (voir l’Homme qui rit). […] Par l’universalité du lyrisme, — dans son œuvre poétique énorme : ses romans : Notre-Dame de Paris, Les Misérables, l’Homme qui rit ; sa critique : William Shakespeare ; ses drames : Les Burgraves, Hernani — il occupe le premier rang.

1290. (1864) Études sur Shakespeare

Sa puissance repose sur les effets de la sympathie, de cette force mystérieuse qui fait que le rire naît du rire, que les larmes coulent à la vue des larmes, et qui, en dépit de la diversité des dispositions, des conditions, des caractères, confond dans une même impression les hommes réunis dans un même lieu, spectateurs d’un même fait. […] Ce besoin de gaieté, et de gaieté sans mélange, a donné de bonne heure chez nous, aux classes inférieures, leurs farces comiques où n’entrait rien qui ne tendit à provoquer le rire. […] Parler, rire, tourner le dos aux acteurs quand la pièce ou l’auteur déplaît, ce sont les devoirs du spectateur en possession des honneurs de la scène.

1291. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Mademoiselle A…, qui rit encore de l’aventure, appelle cette journée le dimanche des quatre jeudis. […] — Qu’est-ce que vous avez donc à rire comme ça ?  […] — un rôle où il y avait la scène de folie, cette fameuse scène favorable à l’exhibition des belles chevelures ; — un rôle à rires et à larmes. — Elle a refusé cette magnifique création. — Ô la petite malheureuse ! […] — Soyez témoin pour elle, Bois sombre et plein de mousse où rit la tourterelle. Ce rire de la tourterelle est, par parenthèse, une faute de naturalisme.

1292. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « Essai, sur les règnes, de Claude et de Néron. Livre second » pp. 200-409

Je vois que dans l’opulence il s’exerçait à la pauvreté ; au milieu des richesses, il se rit de la peine inutile que la fortune s’est donnée. […] Si on laisse l’homme qui pleure seul avec sa douleur, tant mieux ; c’est la meilleure compagnie qu’il puisse avoir : pour celui qui a les regards attachés sur l’urne de sa femme ou de sa fille, est-il rien de plus importun que la présence de celui qui rit ?  […] Nous rions d’elle, et nous lui ressemblons.  » Lettre LII. « Le moraliste devrait rougir de honte, si l’on oublie la vertu dont il parle pour remarquer son éloquence… » En général, quelle que soit la cause que vous plaidiez, qu’on ne vous trouve éloquent que quand vous vous serez tu ; c’est à la force et à la durée des impressions que vous aurez faites, à ramener, de réflexion, sur votre talent. […] Je rie sais ce que c’est que la moquerie, si ce qui suit n’en est pas. […] Il y a de la vérité dans le plaisant récit de notre première entrevue ; je m’y suis reconnu, et j’ai ri du vernis léger d’ironie poétique qu’il y a répandu, et qui l’a rendu piquant.

1293. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Considère, mon amour adoré, mon ange, mon bien, mon cœur, ma vie ; toi, que j’idolâtre de toutes les puissances de mon âme ; toi, ma joie et mon désespoir ; toi, mon rire et mes larmes ; toi, ma vie et ma mort ! […] Coiffé d’une casquette, il vous considérait avec un affreux rire lui élargissant la bouche jusqu’aux oreilles. […] C’était une floraison folle, amoureuse, pleine de rires rouges, de rires roses, de rires blancs… Il y avait là des roses jaunes effeuillant des peaux dorées de filles barbares, des roses paille, des roses citron, des roses couleur de soleil, toutes les nuances des nuques ambrées par des cieux ardents. […] ) Il faut rire avant d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri.

1294. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Léon Daudet ne ferait qu’en rire, de cet hypnotisme électoral, dont est possédé ce vaniteux. […] Vous étiez vraiment de ceux qui rient de la vie pour n’être pas obligés d’en pleurer, c’est-à-dire qu’ils y apportent une sensibilité trop vulnérable. […] Jamais chez lui le rire ne s’éveille, sans que l’imagination tout entière n’entre en branle, comme chez un Sterne, ou mieux un Shakspearc. […] La maladie nerveuse est au terme de ce rire comme de cette émotion. […] On en rit, on s’en étonne, on est tout près de s’en indigner, et le coloris de la peinture est si intense qu’il y passe par instants comme un souffle shakspearien.

1295. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Évidemment, ce sont encore là les spectacles d’un peuple enfant, que l’on surprend par la brutalité naïve des émotions, que l’on soulève par le gros rire, que l’on enchante par l’éblouissement des yeux et les splendeurs de la mise en scène. […] dont il faut « se presser de rire », avec l’autre comique, « de peur d’être obligé d’en pleurer » : Molière emprisonné pour dettes, à la requête du linger Dubourg, « faute de payement d’une somme de cent cinquante livres », et d’Antoine Fausser, « maître chandelier » fournisseur de l’Illustre Théâtre ! […] Car, toutes les fois qu’il peut employer contre ses ennemis une arme plus brutale que le sarcasme ou le rire, plus dangereuse et plus sûre, Voltaire n’a garde d’y manquer. […] On rit beaucoup, et l’on a raison, d’une tragédie de l’académicien Brifaut, — c’était un Don Sanche, — qu’il fallut transporter du jour au lendemain d’Espagne en Assyrie, parce qu’il ne convenait pas à l’Empereur, en ce temps-là, que les choses d’Espagne fussent mises au théâtre. […] » Si c’était l’occasion de rire, je répondrais qu’après tout, et d’outre-Rhin, et d’outre-Manche, et d’ailleurs, on peut recevoir des leçons de patriotisme.

1296. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

(Rires et applaudissements. […] Ne faites pas de ceci par vos rires, messieurs, un drame de Shakspeare. […] On applaudissait les vers de Chrétien de Troyes ; on riait des facéties du jongleur. […] C’était une plaisanterie qui se répétait, et qui faisait rire les chevaliers et les grandes dames de la cour de Philippe-Auguste. […] Il y aurait peu de bienséance à chercher, dans cet amas de fabliaux et de contes, l’occasion d’un rire trop facile.

1297. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Cependant la conversation continue, et l’homme aux cheveux noirs prend avec chaleur la cause de la liberté contre celui qui paraît hésiter à la défendre : celui-ci s’étonne, se rassure et se met à rire en disant : « Ma foi, je croyais que ce citoyen était un jacobin, et je n’étais pas à mon aise !

1298. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Voltaire, qui en a ri, n’était pas d’ailleurs sans faire cas de Lassay.

1299. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Ailleurs, ayant à parler de Fontanes, il dira : « M. de Fontanes, qui restait fort amoureux du passé et était ce qu’on eût appelé dans le jargon moderne un grand réactionnaire… » J’avoue que ce dédain de la langue courante m’impatiente un peu riiez Tocqueville : car enfin le mot de réaction ne pouvait exister sous Louis XIV, puisqu’il n’y avait pas lieu au mouvement des partis, qui a motivé l’introduction du mot ; il fallait la Terreur et Thermidor, le Directoire et Fructidor, 1815 et les Cent-Jours, pour qu’il naquît et s’autorisât : à choses nouvelles il faut des mots nouveaux ; et quand l’emploi en est modéré, comme dans les exemples que je cite, quand l’usage les accepte et les consacre, c’est le fait d’un dégoût ou d’une timidité extrêmes de s’en priver ou de ne s’en servir qu’en s’en excusant de cette façon… Tangens maie singula dente superbo.

1300. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Vie de Rancé »

Quelquefois un peu de verdure Rit sous les glaçons de nos champs ; Elle console la nature, Mais elle sèche en peu de temps.

1301. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

. ; méthode d’avocat pour faire rire aux dépens de la partie adverse.

1302. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Un jour, au milieu d’un festin, Néron ivre, pour le rendre ridicule, le força de chanter ; Britannicus se mit à chanter une chanson, dans laquelle il était fait allusion à sa propre destinée si précaire et à l’héritage paternel dont on l’avait dépouillé ; et, au lieu de rire et de se moquer, les convives émus, moins dissimulés qu’à l’ordinaire, parce qu’ils étaient ivres, avaient marqué hautement leur compassion.

1303. (1875) Premiers lundis. Tome III «  À propos, des. Bibliothèques populaires  »

(On rit.)

1304. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre IV. Construction de la société future »

De là en lui un fonds persistant de brutalité, de férocité, d’instincts violents et destructeurs, auxquels s’ajoutent, s’il est Français, la gaieté, le rire, et le plus étrange besoin de gambader, de polissonner au milieu des dégâts qu’il fait ; on le verra à l’œuvre. — En second lieu, dès l’origine, sa condition l’a jeté nu et dépourvu sur une terre ingrate où la subsistance est difficile, où, sous peine de mort, il est tenu de faire des provisions et des épargnes.

1305. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

Le marquis de Mirabeau décrit « la fête votive du Mont-Dore, les sauvages descendant en torrents de la montagne650, le curé avec étole et surplis, la justice en perruque, la maréchaussée, le sabre à la main, gardant la place avant de permettre aux musettes de commencer ; la danse interrompue un quart d’heure après par la bataille ; les cris et les sifflements des enfants, des débiles et autres assistants, les agaçant comme fait la canaille quand les chiens se battent ; des hommes affreux, ou plutôt des bêtes fauves, couverts de sayons de grosse laine, avec de larges ceintures de cuir piquées de clous de cuivre, d’une taille gigantesque rehaussée par de hauts sabots, s’élevant encore pour regarder le combat, trépignant avec progression, se frottant les flancs avec les coudes, la figure hâve et couverte de longs cheveux gras, le haut du visage pâlissant et le bas se déchirant pour ébaucher un rire cruel et une sorte d’impatience féroce  Et ces gens-là payent la taille !

1306. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre II. Les romans bretons »

On peut rire d’abord de cette Troie féodale avec son donjon et ses tours crénelées, toute pleine de chevaliers et de dames courtoises, et de cette non moins féodale année des Grecs qu’accompagne comme à la croisade l’évêque Calchas.

1307. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Mais cette hardiesse prématurée éveille chez la belle l’orgueil, le souci de sa réputation, la honte, la peur : son visage ne rit plus, et elle bannit l’amant de sa présence.

1308. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Et l’opinion qui rira de moi !

1309. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

On obtenait tout de lui à l’aide de cet argument ; à présent, au contraire, il se rit des menaces ; il faudrait bien autre chose pour le forcer à dire ce qu’il veut taire100. — «  Je te ferai périr sous le bâton, si tu me joues davantage, s’écrie Lélio furieux.

1310. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Elle se laisse courtiser par Léopold, rit de ses galanteries et leur donne gaiement la réplique, sans songer à mal.

1311. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Il riait beaucoup et fort désagréablement.

1312. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Est-il doué d’une énergie médiocre, il n’accomplira que des actes futiles dont les conséquences sans gravité ne sauraient être très funestes, des actes où l’impuissance, résultat de l’inaptitude et de l’incompétence, ne se manifestera que par cette gaucherie, cette sottise, cette niaiserie, ces grimaces et ces faux pus qui n’excitent que le rire des spectateurs.

1313. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Jeudi 20 novembre Vierge, ce merveilleux dessinateur : un grand être chevelu, qui a quelque chose d’un Saint-Christophe dans un tableau du quinzième siècle, avec un rire de figure de cire, dans un visage inexpressif.

1314. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

le mardi gras vous rit au nez.

1315. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Un prince qui se donne un nom d’animal, cela nous fait rire.

1316. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre II. Le fond et la forme dans la littérature indigène. »

A côté de cela, on trouve dans les chansons des noirs des mots sans signification spéciale qui forment une sorte de refrain analogue aux « tra dé ri dera » ou aux « et lon lon laire et lon lon la » de nos chansons françaises.

1317. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

C’est dans les Obsèques de la Lionne que La Fontaine montre le mieux, et avec une sorte de rire sarcastique, qu’en définitive c’est le Normand, — dans le sens péjoratif du mot  qu’en définitive c’est l’habile, le rusé, l’adroit et le flatteur qui l’emporte là où l’Alceste des animaux, je veux dire l’ours, a perdu complètement la partie.

1318. (1767) Sur l’harmonie des langues, et en particulier sur celle qu’on croit sentir dans les langues mortes

Un philosophe, homme de goût, rira donc souvent des admirateurs, sans respecter moins réellement l’objet de leur admiration, soit par les beautés qu’il y voit réellement, soit par celles qu’il y suppose d’après le témoignage unanime des contemporains.

1319. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

» Rira qui voudra de M. de Balzac.

1320. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — La solidarité des élites »

III C’est en vertu de cette communauté de vision que les pensante de toutes races doivent se considérer comme positivement associés à une œuvre supérieure qui se rit des barrières et des frontières, des classes et des drapeaux : œuvre d’humanité qui consiste en une refonte complète, patiente et méthodique de la vie tout entière.

1321. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Lorsque de nombreux esprits sont captivés et retenus par un récit, au lieu de s’étonner et de rire de la banalité de l’histoire et de la simplicité des lecteurs, il vaut mieux chercher, comme une leçon, le mérite de l’écrivain.

1322. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Les grandeurs de chair nous font rire, les dogmes passent, tout coule et s’écroule. […] Il avait assombri ses couleurs, depuis le fameux chapitre vénitien de Un homme libre, où dédaignant Carpaccio, passant par-dessus Titien et Véronèse, écartant vivement le terrible Tintoret, il se sentait en pleine communion avec Tiépolo, le peintre des ris et des jeux, qui a peuplé de si pimpants vols de nymphes et d’amours ailés tant de plafonds patriciens. […] Il y a des dictons populaires pour en rire. […] En dehors de ces heures de dictée ou de conversation rétrospective, Napoléon cherchait des distractions simples : il jouait aux échecs, se promenait, jardinait, riait avec les enfants du général Bertrand ou avec les fillettes de son voisin l’Anglais Balcombe. […] Ou peut professer théoriquement un pessimisme absolu et néanmoins demeurer un être sociable, un gai compagnon qui rit avec ses amis.

1323. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

Le roi le regarda, et tous ces autres Européens, avec une grande envie de rire de leur voir porter si mal l’habit persan. En effet, on ne pouvait s’empêcher d’en rire, tant cet habit leur allait mal et les défigurait.

1324. (1899) Préfaces. — Les poètes contemporains. — Discours sur Victor Hugo pp. 215-309

Les Travailleurs de la Mer, l’Homme qui rit, Quatre-vingt-treize parurent successivement. […] Et, dans l’Homme qui rit, que de tableaux étranges, effrayants, magnifiques : les convulsions du pendu secoué, tourmenté par le vent de la nuit lugubre, assailli par les corbeaux affamés qu’il épouvante de ses bonds furieux ; la tempête de neige, Gwynplaine errant dans le palais désert, et la scène admirable et monstrueuse du supplice dans la prison !

1325. (1856) Cours familier de littérature. II « Xe entretien » pp. 217-327

……………………………………………………… ……………………………………………………… ……………………………………………………… ……………………………………………………… Et plus loin : Non, tu ris avec moi de l’erreur où nous sommes ; Tu sais de quel linceul le temps couvre les hommes ; Tu sais que tôt ou tard, dans l’ombre de l’oubli, Siècles, peuples, héros, tout dort enseveli ; Qu’à cette épaisse nuit qui descend d’âge en âge À peine un nom par siècle obscurément surnage ; Que le reste, éclairé d’un moins haut souvenir, Disparaît par étage à l’œil de l’avenir ; Comme, en quittant la rive, un navire à la voile, À l’heure où de la nuit sort la première étoile, Voit à ses yeux déçus disparaître d’abord L’écume du rivage et le sable du port, Puis les tours de la ville où l’airain se balance, Puis les phares éteints qu’abaisse la distance, Puis les premiers coteaux sur la plaine ondoyants, Puis les monts escarpés sous l’horizon fuyants ; Bientôt il ne voit plus au loin qu’une ou deux cimes, Dont l’éternel hiver blanchit les pics sublimes, Refléter au-dessus de cette obscurité Du jour qui va les fuir la dernière clarté, Jusqu’à ce qu’abaissés de leur niveau céleste, Ces sommets décroissants plongent comme le reste, Et qu’étendue enfin sur la terre et les mers, L’universelle nuit pèse sur l’univers. […] Là s’asseyaient Hugo ; Alexandre Dumas, égal à tout ce qu’il tente ; Balzac, trop peu apprécié pendant qu’il vivait, et qui cachait, comme le premier Brutus, son génie à peine soupçonné sous un gros rire d’enfant ; Eugène Sue ; Jules Janin, après Diderot le seul critique lyrique, mais mille fois plus sensé, plus poète et plus improvisateur que Diderot ; Ponsard, qui retrouvait le neuf dans l’antique ; Théophile Gautier, Cabarrus, Morpurgo, le charmant d’Orsay, dont les grâces d’esprit surpassaient celles de la figure, et qui employait toute une vie à demander grâce pour un jour de jeunesse ; moi-même, enfin, silencieux au bruit de ces esprits entrechoqués dans de doux entretiens.

1326. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Les savants s’indignent sur ce mot, et on en rit dans les laboratoires. […] Vous avez ri mille fois de la sotte balance qu’Homère a mise dans les mains de son Jupiter, apparemment pour le rendre ridicule.

1327. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Gringoire, destiné, dans la pensée de l’auteur, à personnifier les misères de la condition poétique au xve  siècle, n’est qu’une caricature grimaçante, et n’excite, il faut bien le dire, ni le rire, ni la pitié. […] Ils prendraient pour de la niaiserie notre étonnement ou notre colère, et nous ne voulons pas leur donner le plaisir de rire à nos dépens. […] Il y a dans ce roman des scènes d’un comique vrai, qui amènent le rire sur les lèvres, pleines de naturel et d’entraînement, et qui font place aux émotions les plus attendrissantes. Le rire et l’attendrissement se succèdent avec tant de bonheur, avec tant de vraisemblance, que jamais l’un ne fait tort à l’autre.

1328. (1716) Réflexions sur la critique pp. 1-296

Me D peut-être ne m’en croira pas, mais j’ay souvent ri tout seul de cet orgüeil lyrique dans le temps même que je m’y prêtois, et j’en demande encore pardon aux gens raisonnables. […] cet endroit fait rire par ces termes graves et pathétiques de témérité, de licence, de désordres, d’attentat injurieux et d’indignation, appliquez à une matiere si frivole ; mais il fait peine aussi par le tour extraordinaire qui y regne. […] Je conseille à ces messieurs qui en sçavent faire, de n’en hazarder jamais que contre moi ; ils n’offenseront personne ; je leur promets de n’y jamais répondre, et de rire même le prémier de ce qu’il y aura d’heureux et de bien tourné dans les injures qu’ils me diront. […] ceinture de Venus . en prenant ce tissu que Venus lui présente, Junon n’étoit que belle, elle devient charmante : les graces et les ris, les plaisirs et les jeux surpris, cherchent Venus, doutent qui l’est des deux ; l’amour même trompé trouve Junon plus belle, et son arc à la main, déja vole après elle.

1329. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Ce serait là-bas, dans sa tombe, lui prêter vraiment trop à rire ; et seul au monde, je crois, ce vieux paradoxe ambulant de Barbey d’Aurevilly s’est avisé de voir dans les Fleurs du mal une manifestation de « la justice de Dieu » ! […] L’oiseau rit dans les bois, au bord des nids mousseux. […] Pour mettre un feu stérile en ton œil hébété Pour mendier ton rire ou ta pitié grossière Déchire qui voudra la robe de lumière De la pudeur divine et de la volupté. […] Leur bienvenue au jour leur rit dans tous les yeux. […] Renan ne se méprenne, et que ce ne soit pas toujours aux dépens de Iahvé qu’il nous fasse rire.

1330. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

On l’y voit s’égayer et rire ; quand il montre Arès surpris auprès d’Aphrodite, Apollon plaisante et demande à Hermès s’il voudrait être à la place d’Arès : « Plût aux dieux, ô royal archer Apollon, que cela arrivât, et que je fusse enveloppe de liens trois fois plus inextricables et que tous les dieux et les déesses le vissent, pourvu que je fusse auprès de la blonde Aphrodite. » Lisez l’hymne où Aphrodite vient s’offrir à Anchise et surtout l’hymne à Hermès qui, le jour de sa naissance, se trouve inventeur, voleur, menteur comme un Grec, mais avec tant de grâce, que le récit du poëte semble un badinage de sculpteur. […] Agésilas, pour encourager ses hommes, fit un jour dépouiller les Perses prisonniers ; à la vue de ces chairs blanches et molles, les Grecs se mirent à rire, et marchèrent en avant, pleins de dédain pour leurs ennemis. […] Du côté du midi, à l’horizon, ils apercevaient la mer infinie, Poséidon, qui embrasse et ébranle la terre, le dieu azuré, dont les bras enserraient la côte et les îles, et du même regard ils le retrouvaient sous le couronnement occidental du Parthénon, debout, violent, dressant son torse musculeux, son puissant corps nu, avec un geste indigné de dieu farouche, pendant que derrière lui Amphitrite, Aphrodite presque nue sur les genoux de Thalassa, Latone avec ses deux enfants, Leucothoée, Hallirothios, Euryte, laissaient sentir, dans l’inflexion ondoyante de leurs formes enfantines ou féminines, la grâce, le chatoiement, la liberté, le rire éternel de la mer.

1331. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Il a sur la fête de Noël une lettre à Kestner pleine de joie, de cordialité, de sentiment pittoresque, et aussi de sentiment de famille : Hier (veille de Noël), mon cher Kestner, j’ai été avec plusieurs braves garçons à la campagne ; notre gaieté a été bruyante : des cris et des rires depuis le commencement jusqu’à la fin.

1332. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Dupleix, dans cette plaidoirie de l’autre monde, ne fait que reprendre, à trente ans de distance, le rôle que la vieille demoiselle de Gournay avait tenu dans ses querelles contre l’école de Malherbe : ce sont là des revenants ou des sibylles, des caricatures, des demeurants d’un autre âge, qui apparaissent tout affublés à la vieille mode et font rire, même quand ils ont des lueurs de raison.

1333. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Langlais, à Saint-Denis d’Anjou : Mme Valmore y passa quelque temps avec sa fille ; le sentiment de cette vie des champs grasse et nourricière, au milieu des fermiers et des colons , respire et rit au naturel dans ce passage d’une lettre d’Ondine à son frère : « (1851)… Ici on oublie tout ; on se plaint par genre, mais sans amertume ; on dort, on mange, on n’entend point de sonnette.

1334. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

. — Nous n’allons pas si loin ; mais quand la pièce est très bonne et imite de très près la vie contemporaine, aujourd’hui encore, dans une première représentation, les exclamations supprimées, les rires involontaires, cent vivacités montrent l’émotion du public.

1335. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Il y retrouva La Fontaine, il y connut Boileau et Molière : avec eux, il hanta le Mouton blanc et la Croix de Lorraine ; et il apprit à rire de Chapelain.

1336. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Ce mot essentiellement laid, cet accolement d’un pronom grec avec la moitié d’une désinence de datif pluriel latin, n’est-ce pas à faire frémir, si cela ne faisait pas rire ?

1337. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

N’est-ce pas le pays où tel qui a assisté sans émotion visible à la représentation d’une pièce de théâtre rit tout à coup, à quelques jours de là, d’un trait comique, ou s’attendrit au souvenir d’un trait de sentiment, laissé par le poëte dans la pénombre, et que le spectateur a emporté chez lui, pour en jouir par une sorte de rumination ?

1338. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

Pascal, par le langage de la raison animée et piquante, mettra de son côté tous ceux qui cherchent la vérité dans ces sortes de querelles, comme tous ceux qui n’y veulent trouver qu’à rire.

1339. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Bien des gens sont tentés de rire en voyant des esprits sérieux dépenser une prodigieuse activité pour expliquer des particularités grammaticales, recueillir des gloses, comparer les variantes de quelque ancien auteur, qui n’est souvent remarquable que par sa bizarrerie ou sa médiocrité.

1340. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

Après soixante ans de vie sérieuse, on a le droit de sourire, et où trouver une source de rire plus abondante, plus à portée, plus inoffensive qu’en soi-même ?

1341. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Quand John Hunter cherchait dans l’anatomie comparée l’élucidation de divers problèmes anatomiques, on se riait de lui : et maintenant tout le monde sait que l’embryologie et la physiologie comparées sont les plus sûrs guides dans toutes les questions biologiques, parce que les organismes simples sont plus faciles à étudier que les organismes complexes.

1342. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

On convient que l'esprit du genre comique lui est totalement inconnu ; qu'il n'a présenté sur la Scene qu'un monstre bizarre, mélangé de ris & de pleurs, pétri d'aigreur & de sentiment, de fiel & de gaieté.

1343. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

On n’est réveillé de ce cauchemar qu’au moment où paraît le chef-des-odeurs-suaves, pâle et long comme un flambeau de cire  ; alors, diversion bienfaisante, on est pris d’un rire à la Rabelais, et l’on est vengé.

1344. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

On se demande ce que pouvait être le rire d’Eschyle éclatant sur les lèvres ambiguës du Sphinx.

1345. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Le sentiment de l’indignation est le plus fréquent ; en revenant sur le même objet, ce n’est plus contre la tyrannie qu’il est dirigé, j’en veux à la lâcheté, à la bassesse des victimes, je les méprise ; je vois qu’elles ne souffrent pas tout ce qu’elles méritent, qu’elles n’en ont pas encore assez ; je les vois qui s’enorgueillissent de leur abjection, de leur malheur, et je ris, non de gaieté, mais de mépris ; et tout de suite je détourne les yeux comme pour ne pas les souiller d’un spectacle honteux.

1346. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

On ne vit jamais tant de gens sérieux que sous la Régence et peut-être n’y a-t-on pas ri une seule fois.

1347. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

On rit, mais on est dégoûté… On est dégoûté pour celui qui dit de telles sottises et pour le temps où on peut les dire sans tomber intellectuellement dans le plus irrémédiable des mépris !

1348. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Michelet » pp. 167-205

Seulement, le Christianisme peut bien rire, s’il veut, dans sa vieille barbe de pape, du balai de Michelet et de sa manière de s’en servir.

1349. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

C’est là une idée et un mot chevaleresques, traînant d’une société finie dans une société qui rit de la chevalerie et des monarchies à la Montesquieu, fondées sur l’honneur.

1350. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Je ris.

1351. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre II. L’âme et le corps »

Mais cette dernière syllabe « rie », je ne l’ai pas prononcée instantanément ; le temps, si court soit-il, pendant lequel je l’ai émise, est décomposable en parties, et ces parties sont du passé par rapport à la dernière d’entre elles, qui serait, elle, du présent définitif si elle n’était décomposable à son tour : de sorte que vous aurez beau faire, vous ne pourrez tracer une ligne de démarcation entre le passé et le présent, ni par conséquent, entre la mémoire et la conscience.

1352. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

 » J’ai vu des connaisseurs rire de ce style, qu’ils croyaient celui de quelque vieux capitaine. Le plaisant qui riait le plus fort était un grand zélateur de Michelet. […] Nous aimions son bon rire, sa gaieté, sa franchise et jusqu’à sa brusquerie. […] Le Romain riait et laissait dire. […] Il buvait et mangeait avec eux ; il disait des mots qui les faisaient rire.

1353. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

L’art vrai, l’art total doit s’imposer, comme la plus noble manifestation de nos énergies latentes, et se rit des barrières derrière lesquelles on le veut enfermé. […] La muse de Griffin se promène court vêtue, pieds nus sur l’herbe humide ; elle rit à la vie, cueille des gerbes de fleurs, s’avance vers nous parfumée de toutes les senteurs du printemps, la chair nacrée, ruisselante de lumière : Le rythme de sa voix est ma seule métrique, Et son pas alterné ma rime nuancée, Mon idée est ce que j’ai lu dans ma pensée, Certes, et je n’ai jamais rêvé d’autre Amérique Que de baiser l’or roux de sa tête abaissée. […] De là, chez Fort, deux tendances constitutives de notre peuple, qui savent se concilier dans un cœur ému : la poésie grave et ordonnée selon une logique souple mais rigoureuse, et la poésie familière, d’accord avec le rire de nos bergères et la clarté du vin de nos coteaux. […] Car le violon est une âme qui chante, qui rit ou pleure selon notre vouloir. […] Et chacune qui rit ou qui pleure de force Consomme, en existant, l’implacable divorce.

1354. (1906) La rêverie esthétique. Essai sur la psychologie du poète

… Dans le cœur d’autrui je me perds ; — Rires ou larmes de ma vie, Valiez-vous seulement un vers25 ! […] L’abîme, où les soleils sont les égaux des mouches, Nous tient ; nous n’entendons que des sanglots farouches         Ou des rires moqueurs ; Vers la cible d’en haut qui dans l’azur s’élève, Nous lançons nos projets, nos vœux, l’espoir, le rêve,         Ces flèches de nos cœurs. […] Dans l’émotion extrême, la parole devient absolument rythmique, comme l’est une plainte, un rire d’allégresse ou une adjuration passionnée. […] Étant donné un type comique, le dramaturge aura soin de grouper autour de lui les types accessoires qui en sont comme les variétés (v. des exemples significatifs de cette théorie dans l’Essai sur le rire de H.

1355. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Je quitte donc la lice, pour ne pas finir, comme le vieux cheval d’Horace, par une chute qui donne à rire. […] Par lui, pendant un tiers de siècle, les petits théâtres avaient fait rire chaque soir, du rire de la raison en gaieté, les descendants de ce « Français né malin » qui, au dire de Boileau, « forma le vaudeville d’un trait de la satire ». […] C’est ainsi que vos Saltimbanques ont eu leur tour, et qu’il m’est arrivé de dire à leur sujet qu’où il y a de la finesse d’observation, de vrais portraits sous d’amusantes caricatures, une satire enjouée des travers des hommes, du franc rire et une langue naturelle, il y a une œuvre littéraire, et qu’en faisant, dans les entr’actes de son enseignement, une petite place à un vaudeville qui réunit toutes ces qualités, un professeur ne déroge point. — Et il faut bien croire, ajoutai-je, que le post-scriptum de la leçon n’en était pas la plus mauvaise partie, puisque tels des élèves de ma conférence, dont les talents ont jeté du lustre sur l’École, chatouillent quelquefois mes vieilles oreilles de souvenirs obligeants sur ces causeries autour du poêle.

1356. (1913) Poètes et critiques

Il ressusciterait les « petits-maîtres » de 1830, et se complaît chez les plus démodés : il ne voit pas le mot pour rire dans les truculences de Pétrus Borel ; il fait venir d’Angers, dans l’édition qu’a imprimée Victor Pavie, le livre rare d’Aloysius Bertrand, ce Gaspard de la Nuit, particulièrement goûté par Sainte-Beuve. […] ……… C’est écorché, c’est faux, c’est horrible, c’est dur, Et donnerait la fièvre à Rossini, pour sûr ; Ces rires sont traînés, ces plaintes sont hachées ; Sur une clef de sol impossible juchées, Les notes ont un rhume et les do sont des la ; Mais qu’importe ! […] Mais le rire sardonique de ce spectre ne le charme plus ; les gambades folâtres du « vieux turlupin » n’arrivent qu’à l’irriter : chants et danses, il somme la macabre apparition de cesser tout cela. […] Fuis du plus loin la Pointe assassine, L’Esprit cruel et le Rire impur, Qui font pleurer les yeux de l’Azur, Et tout cet ail de basse cuisine.

1357. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Ne ris pas, grand bêta, mais vole, quand je te le dis. […] Tantôt ses sourcils se fronçaient, le regard indiquait la colère, la main frappait la table, la voix avait des éclats de tonnerre — pour se changer en un rire franc qui se modérait tout à coup et passait, par une transition subtile, au sourire timide d’un enfant qui craint la punition. […] — « Je suis gai », dit Verlaine, « comme vous voyez, et je peux rire de bon cœur. […] Vous verrez, cela se fera. » Et le poète riait encore, en entrant dans la petite salle isolée du restaurant, où quelques-uns de ses amis s’étaient rassemblés. […] ne riez pas de cette expression ; c’est encore le seul sentiment qui puisse nous faire supporter les cahots de la vie.

1358. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Magnin des airs superbes, et il se sentait pour lui quelque dédain qu’il ne dissimulait pas ; il riait de lui voir des velléités de savoir en tous sens quand les instruments pour cela lui manquaient en partie ; il ne se prêtait pas toujours à le satisfaire, quand on le questionnait au nom de son curieux et friand collaborateur, sur les choses et les hommes d’au-delà du Rhin : « Ce sont des envies, des caprices d’érudition, disait-il ; il peut attendre. » Il triomphait avec supériorité de son accès aux hautes sources germaniques et de sa première nourriture de moelle de lion.

1359. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Jocelyn (1836) »

Tout poëte-amant dit plus ou moins à son amie :   Aimons-nous, ô ma Bien-aimée, Et rions des soucis qui bercent les mortels !

1360. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Voilà cependant que la jolie fille de mon concierge, enfant de douze à quatorze ans, ouvre la porte de ma chambre au premier rayon d’un mois de printemps, avant l’heure ordinaire où elle m’apportait le journal matinal ; elle jette sur mon lit en souriant une petite lettre cachetée d’un énorme sceau de cire rouge avec une empreinte d’armoiries qui devaient être illustres, car elles étaient indéchiffrables. « Pourquoi riez-vous ainsi finement, Lucy ?

1361. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (3e partie) » pp. 369-430

C’était la foule avec ses mouvements inattendus et tumultueux, sa mobilité, son inconséquence, ses fureurs interrompues par le rire ou soudainement changées en attendrissement et en pitié pour les victimes mêmes qu’elle immolait.

1362. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

« Mis au doigt la bague antique que tu avais prise et mise ici il y a deux ans, cette bague qui nous avait tant de fois fait rire quand je te disais : “Et la bague ?

1363. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Cela aurait bien fait rire Sainte-Beuve.

1364. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 décembre 1886. »

édité en flamand de chez De Ries, Bruxelles, 1871.

1365. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Il est le premier à rire des bévues mondaines qui, par instants, lui échappent.

1366. (1904) En méthode à l’œuvre

Instruments percutants les Basses, Alto-viole et Violons Ingénuités, tendresses, heurs, rire.

1367. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

De cette puissante voix qui se fait entendre tout à la fois dans vos ouvrages, dans les journaux, dans les salons vous avez dit : « L’art dramatique n’est point connu en France, nos prédécesseurs n’y entendaient rien, nos pères ont eu tort de rire, ou d’éprouver de vives émotions à la représentation de leurs anciens ouvrages, il n’y a de vrai beau que la nature, moi seul je ferai connaître aux Français le vrai beau. » À ces paroles mémorables cent novateurs ont répondu par des cris de joie ; vous êtes tout à coup devenu leur prophète, leur Dieu ; vous avez parlé, ils vous ont écouté avec respect ; vous avez prêché votre loi, ils ont suivi vos préceptes ; vous avez ordonné des chefs-d’œuvre, ils ont travaillé ; enfin vous avez opéré vos miracles, et les théâtres sont tombés.

1368. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Elle sent chaque jour Déloger quelque Ris, quelques Jeux, puis l’Amour ; Puis ses traits choquer et déplaire ; Puis cent sortes de fards.

1369. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Ils haussent les épaules et ils rient de ce vieux bonhomme qui n’a pas pu laver son génie des souillures immortelles que le Christianisme y a laissées ; car Hugo se sert contre le Christianisme d’un langage que le Christianisme a fait.

1370. (1890) Nouvelles questions de critique

Théophile de Viau, Saint-Amant, que Philarète Chasles et Gautier, dans ses Grotesques, ont essayé de réhabiliter ; Scarron, ce fiacre de Scarron, dont Hugo lui-même n’a jamais parlé sans quelque tendresse, dont il a fait un « mage » dans ses Contemplations : Et voici les prêtres du rire : Scarron, noué dans les douleurs… Scudéri, Rotrou, Corneille encore jeune, — le Corneille de Mélite et de Clitandre, celui du Cid aussi, — tels sont, en fait de langue, les vrais modèles de nos romantiques. […] On sait en effet que, chez Victor Hugo, le haillon est souvent splendide : Et jusque dans les champs étincelait le rire, Haillon d’or que la joie en bondissant déchire Enfin l’Œil, l’Étoile, la Fleur et le Flambeau ne reviennent pas, à eux seuls, moins de cinquante-quatre fois dans le Dictionnaire de M.  […] On rit plus à la Cagnotte ou au Voyage de M.  […] Car, il est bien de se moquer du monde, et même cela passe en France pour une forme de l’esprit, mais cela ne saurait suffire toujours, et, après le temps de rire, il y a celui d’être sérieux. […] Stéphane Mallarmé lui-même se riraient trop de moi, me trouvant trop naïf ; — et ils n’auraient pas tort.

1371. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

» De ses professeurs, il crayonne une charge féroce : celui-ci marche en canard, il a l’air de glousser quand il rit. […] Le dédain absolu à l’endroit de la foi chrétienne fut un de ces préjugés. « Ne ris pas », écrit-il à Paradol de l’Ecole même, « M.  […] Aujourd’hui, ils se rient du peuple, ils le méprisent, leur but n’est plus de l’affranchir. […] Dans Notre-Dame de Paris, le romancier en lui subissait encore l’influence de Walter Scott, et les récits qui ont suivi, l’Homme qui rit, les Travailleurs de la mer, Quatre-vingt-treize, accentuent les défauts des Misérables, sans en égaler les qualités. — Le premier de ces caractères consiste en ceci que Victor Hugo a, dans le choix des personnages, dans l’établissement du milieu, dans la matière même de son œuvre, accepté cette position qui est celle du roman moderne depuis Balzac et qu’il faut bien, faute d’un terme plus précis, appeler réaliste. […] C’est ainsi que de 1833 à 1848, il perdit environ quinze années à caresser le songe d’une entrée dans la diplomatie que les directeurs de journaux d’alors lui promettaient pour l’asservir à l’ingrate tâche du bulletin quotidien : « Je rirai de ces vers plus tard », écrivait-il à Trébutien en lui envoyant un poème, « quand je serai dans quelque ambassade… » Plus tard, et quand la révolution de 48 fut venue foudroyer ce premier rêve, il ne rit pas de ces vers, — ils étaient trop beaux, — mais il ne fit que changer d’illusion.

1372. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

En repassant à Genève, peut-être au riez-vous emmené mon père en France. […] « Mon adresse à Francfort sera chez ce pauvre Maurice Bethmann, dont nous riions, Camille et moi, dans mes jours heureux. » Nous n’avons pas sa lettre à Camille ; mais nous en avons une autre adressée à Matthieu de Montmorency : « Metz, ce 28 octobre (1803), samedi.

1373. (1927) André Gide pp. 8-126

Que ce sont là des pharmacies, et qu’il ne reste plus qu’à en rire… Eh quoi, je me libère et je n’en suis pas plutôt consolé que vous venez me dire : Halte là ! […] On peut encore en rire à l’aise.

1374. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Tout le monde se mit à rire, son père le traita d’imbécile ; mais toute sa vie il fut cet imbécile, car il admirait plus le vol d’un moucheron que la colonnade du Louvre. […] Voltaire avait fait rire et sourire ; Bernardin de Saint-Pierre avait fait prier et pleurer.

1375. (1925) Proses datées

Du premier coup d’œil, je le reconnus en ce petit, homme élégant et nerveux, au monocle impatient, au regard vif, au rire sarcastique et quelque peu diabolique, à la noire chevelure bouclée où se dressait une longue et souple mèche blanche, aux mains fines et agitées, maniant une badine noire et tirant de l’échancrure de son gilet de soirée un mouchoir pie. […] Et ce Whistler, je l’écoutais avec délice, contant, d’une voix un peu nasillarde et fortement accentuée, des anecdotes rapides et féroces, coupées de propos brusques et narquois que soulignait, avec l’agitation de la mèche blanche, le rire impitoyable. […] Comme elle souriait à ce qu’elles savaient montrer d’amusante fantaisie, de gaîté malicieuse, car Mallarmé nuançait délicieusement sa conversation et la savait rendre infiniment plaisante, la pousser jusqu’au rire ! […] Ces murs nus ont-ils gardé l’écho de sa voix et de son rire ?

1376. (1887) George Sand

Ce qu’il faut, au théâtre, c’est la science du relief, l’instinct de la perspective, l’habileté des combinaisons et surtout l’action, encore l’action et toujours l’action ; c’est la gaieté naturelle qui enlève le rire, ou le secret des émotions fortes et l’imprévu qui saisissent l’esprit. […] Ces choses sont graves, et il faudrait être misérablement gai pour en rire ; d’ailleurs ces idées philosophiques et sociales ont vécu dans une âme sincère, c’est assez pour que l’on n’en plaisante pas. […] Tout sentait l’abandon momentané dans la gentille salle, habituée aux applaudissements, aux rires de la famille et des amis. […] Vous riez, vous autres, mais bien plus tristement que nous ne pleurions. » Elle s’étonnait surtout que les jeunes talents s’obstinassent « à voir et à montrer uniquement la vie de manière à révolter douloureusement tout ce que l’on a d’honnêteté dans le cœur.

1377. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

La vie (c’est Le Sage qui me semble parler ainsi) est une plaisanterie médiocre, et, aux plaisanteries de ce genre, il y a ridicule à le prendre trop bien ou trop mal ; il ne faut être ni assez sot pour en trop rire, ni assez sot pour s’en fâcher. — Voilà une belle philosophie ! […] Le lecteur aime les licences, mais non point les licences extrêmes, excessives… Le lecteur est homme ; mais c’est un bomme en repos, qui a du goût, qui est délicat, qui s’attend qu’on fera rire son esprit ; qui veut pourtant bien qu’on le débauche, mais honnêtement, avec des façons, avec de la décence. » — Que disais-je ? […] Il sera malheureux s’il ne l’épouse pas. — A la vérité, il sera d’abord un peu triste ; mais il aura fait le devoir d’un brave homme, et cela console ; au lieu que s’il l’épouse, il la fera pleurer ; je pleurerai aussi ; il n’y aura que lui qui rira, et il n’y a point plaisir à rire tout seul. » — Voilà leur manière ; ils ont de l’esprit jusqu’au fond du cœur. […] La marque du siècle apparaît, une certaine impudeur froide et raffinée, qui ne se fait point excuser par sa naïveté, qui n’a point le rire large et franc, mais le sourire oblique, qui ne brave pas le scandale, qui le sollicite, et qui fait qu’on estime Rabelais, et qu’on le regrette. […] » d’un ton qui m’eût fait pouffer de rire dans des circonstances moins lugubres ». — Il voit arriver sa propre mort avec une gaîté moindre ; mais il lui fait encore bonne figure.

1378. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Les modestes chevaux de bois, gloire de nos enfances, sur lesquels je n’osais pas monter, sont devenus de somptueux manèges, tout rutilants d’or et de Cosaques (avec des lances d’or) (à cause de l’alliance russe) (est-ce pour symboliser les emprunts), de somptueux, mirifiques, de superbes, d’éblouissants manèges, tous plus éblouissants les uns que les autres, (car il y a la concurrence), (ça a d’abord été des chevaux merveilleux, (qui jetaient loin dans l’ombre nos pauvres anciens chevaux), des chevaux aux couleurs éclatantes, des chevaux ruisselants de lumières ; avec des crinières emportées ; puis des animaux fantastiques, toutes les bêtes de la création, et même d’autres qui n’ont jamais été de la création, des éléphants comme pour le roi des Indes, (à l’école primaire ils savent déjà que c’est le maharajah de Çapour-Tala (je mets deux h absolument au hasard) ; des girafes ; des cochons, beaucoup de gros cochons qui font rire les peuples ; mais à présent) aujourd’hui les manèges ce sont des automobiles, d’on ne sait combien de chevaux ; des ballons, des sphériques, des sous-marins ; demain des aéroplanes ; des montagnes russes, (aussi) ; des mais de mer à la portée des bourses les plus modestes. […] Ne riez pas. […] Ne riez pas. […] Ne riez pas. […] Ménagez-moi, je vous en prie, ne vous riez pas de moi.

1379. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Il trouve en lui les sentiments qui sont ceux de la foule, s’amuse de ce qui la fait rire et vibre à ses émotions. […] Lucrèce Borgia, Marie Tudor, Angelo sont tout à fait du même ordre que les pièces de Dumas, sans avoir ni leur mouvement dramatique, ni cette espèce de bonhomie dans l’horreur qui fait que, faute de frissonner aux inventions du dramaturge, on y peut rire. […] Ce sont eux qui, écrasant Pasteur sous le poids de son incompétence, renvoyaient le « chimiâtre » à ses cornues, et, prenant le parti d’en rire, répondaient aux preuves et aux faits par des épigrammes qui tâchaient d’être spirituelles. […] Celui qui alors applaudissait, riait, pleurait, s’indignait, il nous semble que ce fût un autre. […] « Son visage, d’ordinaire ouvert et plutôt gai, se fronça par degrés, finissant par entrer en complète harmonie avec le costume qu’il portait, quelque chose de gris-de-souris, avec, par endroits, des détails mal élégants, un bouton sauté, quelques effilochages aux boutonnières, des rires jaunes vers les coutures.

1380. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Je ris encore en pensant que j’ai passé il y a quelque temps deux heures avec vous sans vous rien dire de votre bel article sur Racine, et je venais d’en parler toute la matinée à quatre personnes de différentes opinions, à qui je disais ce que j’en pense.

1381. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Ne ris pas de mes offres dans nos misères.

1382. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Cela fait rire aujourd’hui qu’on jouit encore plus qu’on ne s’afflige de toute la variété de vices d’une littérature sans frein et prodiguement inventive.

1383. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Pendant les conférences de Bordeaux (octobre 1650), comme il se trouvait avec M. de Bouillon et le conseiller d’État Lenet dans le carrosse du cardinal Mazarin, celui-ci se mit à rire en disant : « Qui auroit pu croire, il « y a seulement huit jours, que nous serions tous quatre aujourd’hui « dans un même carrosse ? 

1384. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

., la veine est visible et continue ; la race gauloise est demeurée en ce sens fidèle à elle-même, — plus fidèle dans ces choses de la malice et du rire que dans la poésie élevée et généreuse.

1385. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

On ne regarde pas de tels êtres, on se détourne quand ils passent ; tout au plus on en rit, et on en vit, comme des paysans leurs compagnons d’attelage ; mais on passe vite ; ce serait encanailler la pensée que de l’arrêter sur de pareils objets. — Au défaut des instincts nobiliaires les répugnances physiques suffisaient à l’en détourner.

1386. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

C’est le coup sourd des vagues qui s’amoncellent et qui viennent de minute en minute heurter les flancs du vaisseau ; ce sont les plaintes des madriers et des solives qui, dans cet immense chantier flottant, tendent à se détacher les uns des autres pour reprendre leur liberté ; ce sont les sifflements des ailes du vent à travers les voilures, dont cinq cents matelots intrépides prennent les ris ; le tumulte des hommes sur le pont tremblant, la voix et le sifflet du commandant, les voiles qui se déchirent et qui emportent dans les airs la force échappée de leurs plis, les mâts surchargés qui se rompent et qui tombent avec leurs vergues et leurs cordages sur les bastingages, le pas précipité des matelots courant où le signal les appelle, les coups de haches qui précipitent à la mer ces débris pour que leur poids ajouté au roulis du navire ne l’entraîne pas dans l’abîme ; le tangage colossal de ces débris mesuré par six cents pieds de quille, tantôt semble gravir jusqu’aux nuages la lame écumeuse et la diriger en plein firmament, tantôt, arrivé au sommet de la vague, se précipiter la tête la première, les bras des vergues tendus en avant dans l’abîme où il glisse, le gouvernail touchant au fond de l’océan ; les matelots suspendus aux câbles décrivent des oscillations gigantesques sur l’arc des cieux ; les canons détachés de leurs embouchures roulent çà et là sur les trois ponts avec des éclats de foudre ; à chaque effondrement du vaisseau entre des montagnes d’écumes qui semblent l’engloutir, un cri perçant monte de la prison des condamnés, puis des voix de femmes et d’enfants qui croient toucher à leur dernière heure.

1387. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

ai-je répondu au docteur Bernabo, qui ne rit pas souvent.

1388. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

En deux mots, ils ont sans doute été catholiques par l’imagination et par la sympathie, mais surtout pour s’isoler et en manière de protestation contre l’esprit du siècle qui est entraîné ailleurs  par dédain orgueilleux de la raison dans un temps de rationalisme  par un goût de paradoxe  par sensualité même  enfin par un artifice et un mensonge où il y a quelque chose d’un peu puéril et à la fois très émouvant : ils ont feint de croire à la loi pour goûter mieux le péché « que la loi a fait », selon le mot de saint Paul : péché de malice et péché d’amour… Catholiques non pas pour rire, mais pour jouir, dilettantes du catholicisme, qui ne se confessent point et auxquels, s’ils se confessaient, un prêtre un peu clairvoyant et sévère hésiterait peut-être à donner l’absolution.

1389. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

C’est quand le résultat en doit être comique, quand la personne dupée doit finalement apparaître dans une posture qui prête à rire.

1390. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Il a exploité leurs splendeurs et leurs décadences, leurs rhumes de poitrine et leurs remords de conscience, leur impénitence et leur repentir ; il les a promenées du Jardin Mabille au couvent, de l’hôpital à l’hôtel ; il les a fait rire et pleurer, chanter et râler, marivauder et tousser jusqu’à extinction.

1391. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Il a répondu : « Oui, parce qu’on peut faire aller beaucoup de personnes à la fois. » — « Et parce qu’elle me paraît, ai-je dit, la plus convenable à la majesté du trône. » Il s’est mis à rire, et il s’est mis à conduire une polonaise avec tant de grâce, tant de dignité, que vous auriez été ravi75.

1392. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Il a une bonne gaîté et un rire d’enfant qui sont contagieux, et dans le contact de la vie de tous les jours, se développe, en lui, une grosse affectuosité, qui n’est pas sans charme.

1393. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

Son entretien avait la soudaineté, l’émotion, l’accent des poètes, avec la bienséance de la jeune fille ; elle n’avait, à mon goût, qu’une imperfection, elle riait trop ; hélas !

1394. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Ainsi ce fut scène nouvelle ; Car la France, sur ce pied-là, Devait bien rire… Ainsi fit-elle.

1395. (1929) La société des grands esprits

Des platanes ombragent ce coin de fraîcheur, tout près duquel se trouvent, en contre-bas de la route et en bordure du ravin, les temples du faubourg de Marmaria, dont les marbres blancs rient parmi la verdure. […] À vrai dire Voltaire fait bon marché de sa métaphysique, comme de toute métaphysique en somme, et se borne à en rire. […] Car d’abord, c’est extraordinairement amusant, et l’on n’a que trop d’occasions de s’ennuyer, par exemple en feuilletant les romans nouveaux et les prêches des doctrinaires bien pensants, pour ne pas saisir avec joie celle de rire un peu, tout en s’instruisant beaucoup. […] Rires de joie ! […] Je puis ne pas mettre les pieds dans les théâtres lyriques, n’en plus parler, n’en plus entendre parler, et ne pas même rire de ce qu’on cuit dans ces gargotes musicales ! 

1396. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome IV pp. 5-

L’Arioste, enclin à se moquer et à rire de tout, entrelace extravagamment les ressorts de la fable et de la bible : est-ce que déjà trop clairvoyant pour son siècle dévot, son esprit un peu philosophique avait devancé les spéculations du maudit siècle de lumières ? […] S’il ne met pas, à la manière du Dante, les moines, les évêques et les papes sur le gril infernal dont leur pieux zèle menace les incrédules, il n’édifie pas sur leur bonne conduite, et se rit de leurs indulgences, de leurs bulles, et de leurs messes, autant que de l’eau bénite de cour. […] Un de mes chants contient l’entrevue de l’évêque d’Orléans, qui vient supplier le roi des Huns d’épargner la ville assiégée :     « Sous une escorte de Tartares, « Ses clercs et lui sont promenés « Parmi les ris de ces damnés, « Trouvant les saints un peu bizarres. […] Après avoir annoncé son badinage en vers sérieusement pompeux, et dignement imploré sa muse, il dit au magistrat : « Viens d’un regard heureux animer mon projet, « Et garde-toi de rire en ce grave sujet. Déjà sa malice espère que vous lui désobéirez ; et, pour mieux exciter votre rire, il vous le défend : c’est le secret des bons plaisants, de qui la mine tranquille et sévère contraste avec les paroles bouffonnes s’échappant de leurs lèvres, et qui se gardent bien d’émousser le trait de leurs saillies en vous promettant de vous égayer.

1397. (1902) Propos littéraires. Première série

Au contraire, les maux de nos semblables nous font rire pour peu qu’on nous les présente gaiement. […] Les rides de la cinquantaine, tout ensemencées d’un poil roux, n’étaient que le relief et comme le moule d’une contraction hilare du visage ; car le rire, large, bruyant, tempêteux était la seule manifestation vitale du capitaine Blacknaff, célèbre tout le long de la Tamise par son inépuisable gaieté. […] Vous avez levé les épaules, vous avez ri de moi et de mes crédulités mystiques. […] Mais l’amour devenu haine railleuse est tout ce qu’il peut y avoir de plus beau en fait de belle haine, parce que la fureur qui s’exprime par le rire est comme une magnifique désorganisation de l’être humain. […] « Le toit s’égaie et rit. » Disparaît-elle ?

1398. (1927) Des romantiques à nous

Si, jadis, quand j’avais dix ans, mon professeur de latin ri eût déchiré sans pitié les messes et les opéras qu9il me surprenait à écrire, si je ri avais été élevé dans un milieu où l’on croyait que la musique ri est bonne qu’à faire danser et à permettre aux demoiselles de jouer du piano, je serais probablement devenu musicien de profession.

1399. (1925) Portraits et souvenirs

Sa causerie était plutôt un soliloque, coupé d’arrêts, de rires brusques. […] J’ai vu le rire illuminer ses yeux bleus, faire tomber son monocle, l’épigramme contracter sa bouche sinueuse. […] Hugo se mit à rire et me tendit la main.

1400. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Quelque sérieux qu’on eut gardé jusques-là, on ne put s’empêcher de rire. […] Le nouvel Ismaël, le Jésuite réduit en poudre, le Jésuite Papebroch, historien conjectural & bombardant, firent beaucoup rire le public.

1401. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

On l’ensevelit, comme elle l’avait désiré, selon le rit de l’Église réformée à laquelle appartient son mari, et dont les cérémonies funèbres ne contrarient pas cette croyance simple qu’elle avait.

1402. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Je ne sais ; mais elles se retournèrent plusieurs fois pour regarder en arrière, et j’entendis, à travers le bruit des roues, quelques exclamations enjouées, qui me firent croire qu’elles avaient reconnu en moi un admirateur timide, et qu’elles riaient de mon embuscade d’enthousiasme sur un revers de fossé.

1403. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIe Entretien. Marie Stuart, (Reine d’Écosse). (Suite et fin.) »

Il était tellement illuminé d’un ravissement doux, tellement baigné de la grâce de Dieu, qu’il « semblait rire aux anges. » Élisabeth Curle, une de ses filles d’honneur, raconte que la reine dormit et pria ; elle pria plus qu’elle ne dormit, à la lueur d’une petite lampe d’argent que Henri II lui avait donnée, et qu’elle avait gardée dans toutes ses fortunes.

1404. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre II. Attardés et égarés »

Si les femmes font un peu les renchéries, les hommes, après avoir poussé les beaux sentiments et cherché le fin du fin, ne haïssent pas de rire gros, comme des ruelles ils vont aux cabarets.

1405. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Il diminuait, il est vrai, sa victoire en avouant que personne à Rome ne le prit au sérieux et qu’on rit beaucoup au Vatican de l’uomo antediluviano : c’était lui que l’entourage du pape appelait ainsi.

1406. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Il se moquait de son attachement aux formes vides du passé et il s’écriait61 : « De quel fou rire ne serions-nous pas pris, mon Dieu !

1407. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 novembre 1886. »

75   L’écho de ces bravos retentit jusqu’en France, où l’on en rit beaucoup.

1408. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IV »

Les Allemands doivent bien rire.

1409. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Lettres de m. l’Abbé Sabatier de Castres ; relatives aux trois siecles de la littérature françoise.ABCD » pp. -641

Duclos, qui, par politesse, avoit laissé parler les autres, rompit la séance, recommanda qu’il ne fût jamais dit que sa maison eût été profanée par de semblables propos, & surtout qu’il eût ri comme le reste de la Compagnie.

1410. (1878) La poésie scientifique au XIXe siècle. Revue des deux mondes pp. 511-537

Et cette imitation si pénible de Lucrèce, qui nous peint l’homme se ruant à la volupté et en sortant avec une tristesse invincible : Amour, ne ris-tu pas des roucoulants aveux Que depuis tant d’avrils la puberté rabâche, Pour en venir toujours (triste après) où tu veux.

1411. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Que le rire ne vienne pas se jeter en étourdi à la traverse de l’attendrissement.

1412. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Laissez-nous rire de pitié. […] Un sourire attendri aussi ; car la vieillesse du pauvre grand poète ne fut pas toute égayée de jeux et de ris, mais, surtout après la mort de Mme de La Sablière, torturée par la crainte de l’au-delà. […] Sans voir ton visage, où résident toute la joie du monde et toute l’illusion, je sais que la raillerie pétille dans tes yeux, comme le soleil sur les vagues ; et j’entends que ton cœur est plein de rire : tu ris de m’avoir fait ton esclave. […] La tyrannie, elle est en germe dans ces phrases éminemment brunetièresques du portrait d’Ibsen : « Je ris d’une sagesse qui détruit tout le bonheur.

1413. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

je m’en souviens encore, j’aurais pleuré avec la première fille que j’ai séduite si elle ne s’était mise à rire. » J’aurais voulu, pour ma part, que le poète insistât sur ce moment si important de l’histoire de son héros, qu’il nous le montrât pris pour la première fois à son propre piège, qu’il nous eût fait assister à sa première orgie et à son premier détournement de mineure. […] Et son enthousiasme, sa prédication ardente, ses supplications, ses insistances acharnées, que les injures et les rebuffades ne font qu’échauffer ; et les remous de la foule autour d’elle, et les rires et l’incrédulité des gens, puis leurs hésitations, et les premières adhésions qui entraînent les autres, et la contagion de foi qui s’empare de toute la foule…, cela est excellemment distribué, aménagé, gradué ; et tout, le tableau est comme emporté d’un large mouvement ascensionnel ; mouvement qu’arrête un instant le centurion sceptique et dédaigneux, proche parent du « procurateur romain » d’Anatole France ; mais qui repart ensuite plus irrésistible et pousse la ville entière, balançant des palmes, Photine en tête, vers le puits de Jacob où le Christ est assis. […] Il a même le mot pour rire. […] La ferme attendra… » Puis, tout à coup pris de gaîté : « Je ris en pensant à ma sœur… Je vais lui annoncer cela… en plusieurs fois… Je vois sa tête. […] Et pourtant la salle était comble, et l’on riait autour de moi, l’on se mouchait d’émotion ; et la Comédie-Française, ayant eu le cynisme de faire entrer cette pauvre pièce dans son répertoire, en est récompensée par le plus fructueux succès.

1414. (1826) Mélanges littéraires pp. 1-457

» s’écrie-t-il en éclatant de rire et me présentant une bouteille de rhum. […] L’un a retrouvé l’art dramatique, l’autre l’a porté à sa perfection ; semblables à deux philosophes anciens, ils s’étaient partagé l’empire des ris et des larmes, et tous les deux se consolaient peut-être des injustices de la fortune, l’un en peignant les travers, et l’autre les douleurs des hommes. […] Il y a deux manières de faire rire des défauts des hommes. […] Quand la critique est juste, je me corrige ; quand le mot est plaisant, je ris ; quand il est grossier, je l’oublie.

1415. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Et personne ne les a inventées : il y a les chansons ; il y en a pour toutes les circonstances de la vie, pour quand on est malheureux ou gai, pour quand on est las et loin de sa maison, pour quand on se méprise ayant péché, pour quand on vous méprise injustement et vous honnit, pour quand il fait beau et qu’on voit le ciel de Dieu qui a l’air de vous rire… « Il y en a pour tout, pour tout. […] » — « Pour être un grand homme », hasarde Christophe ; mais Gottfried, à propos de l’ambition, ne sait que rire. […] — ce qu’ont de désolant ces dialogues, ce qu’ils ont de médiocre et d’absurde, ce qu’ils ont (à mon gré) de risible et, comme on n’a pas trop envie de rire à propos de ces augustes mystères d’outre-tombe, ce qu’ils ont (à mon gré) de révoltant. […] Tu vis, je bois l’azur qu’épanche ton visage, Ton rire me nourrit comme d’un blé plus fin.

1416. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Molé : « Mais, en le réfutant, je me suis bien gardé de le nommer, disait-il l’autre jour chez la princesse de Craon ; je me suis souvenu que Corneille et Racine avaient donné l’immortalité à certains critiques en les nommant. » — Il a dit cela sans rire. […] Un homme délicat, s’il daignait entrer dans les motifs qui me déterminèrent, trouverait sujet à me féliciter plutôt qu’à rire : mais M. 

1417. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Cette amère gaieté est celle d’un homme furieux ou désespéré qui, de parti pris, et justement à cause de la violence de sa passion, la contiendrait et s’obligerait à rire, mais qu’un tressaillement soudain révélerait à la fin tout entier. […] Ce catéchisme cynique, jeté au milieu de déclamations furibondes, donne, je crois, la note dominante de cet esprit étrange : c’est cette tension forcenée qui fait son talent ; c’est elle qui produit et explique ses images et ses disparates, son rire et ses fureurs.

1418. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

C’est que Le Comte de Comminge est un livre profane ; Volupté est un livre religieux, une prédication catholique, une effusion dans le sein de Dieu, une confession selon le rit, à laquelle il ne manque que le secret. […] Vous allez rire.

1419. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Je sais que le latin étant une langue morte, dont presque toutes les finesses nous échappent, ceux qui passent aujourd’hui pour écrire le mieux en cette langue, écrivent peut-être fort mal : mais du moins les vices de leur diction nous échappent aussi ; et combien doit être ridicule une latinité qui nous fait rire ? […] Nous sentons dans les vers latins, en les prononçant, une espèce de cadence et de mélodie ; cependant nous prononçons très mal le latin : nous estropions très souvent la prosodie de cette langue ; nous scandons même les vers à contresens, car nous scandons ainsi : Arma ni, rumque ca, no Tro jæ qui primus ab, oris, en nous arrêtant sur des brèves à quelques-uns des endroits marqués par des virgules, comme si ces brèves étaient longues ; au lieu qu’on devrait scander : Ar, ma virum, que cano, Trojæ, qui pri, mus ab o, ris ; car on doit s’arrêter sur les longues et passer sur les brèves, comme on fait en musique sur deux croches, en donnant à deux brèves le même temps qu’à une longue.

1420. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

mon parrain, lui répond-elle en un rire charmant, vous m’aimez trop pour ça ! […] …………………………………………………………………………………………… Il y avait une négresse suspendue à un clou par une corde passée sous les aisselles qui me riait d’un rire hideux. […] J’avais les yeux pleins de larmes ; dès l’entrée j’entendis rire, chanter. […] Charles cherchait sa perruque ; on riait de tous côtés ; le scandale était à son comble : il se leva furieux et sortit.

1421. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Mais, comme les vertus qu’il attribuait tantôt encore aux Verdurin, ri auraient pas suffi, même s’ils les avaient vraiment possédées, mais s’ils n’avaient pas favorisé et protégé son amour, à provoquer chez Swann cette ivresse où il s’attendrissait sur leur magnanimité et qui, même propagée à travers d’autres personnes, ne pouvait lui venir que d’Odette, — de même, l’immoralité, eût-elle été réelle, qu’il trouvait aujourd’hui aux Verdurin aurait été impuissante, s’ils n’avaient pas invité Odette avec Forcheville et sans lui, à déchaîner son indignation et à lui faire flétrir « leur infamie ». […] De ce poste élevé elle participait avec entrain à la conversation des fidèles et s’égayait de leurs « fumisteries », mais depuis l’accident qui était arrivé à sa mâchoire, elle avait renoncé à prendre la peine de pouffer effectivement et se livrait à la place à une mimique conventionnelle qui signifiait sans fatigue ni risques pour elle, qu’elle riait aux larmes. […] Verdurin, qui avait eu longtemps la prétention d’être aussi aimable que sa femme, mais qui riant pour de bon s’essoufflait vite et avait été distancé et vaincu par cette ruse d’une incessante et fictive hilarité —, elle poussait un petit cri, fermait entièrement ses yeux d’oiseau qu’une taie commençait à voiler, et brusquement, comme si elle n’eût eu que le temps de cacher un spectacle indécent ou de parer à un accès mortel, plongeant sa figure dans ses mains qui la recouvraient et n’en laissaient plus rien voir, elle avait l’air de s’efforcer de réprimer, d’anéantir un rire qui, si elle s’y fût abandonnée, l’eût conduite à l’évanouissement.

1422. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Tout le monde se mit si fort à rire qu’il fallut qu’il s’en allât. » Si un jour il se publie des mémoires sur la Régence, si les mémoires politiques du duc d’Antin et d’autres encore qui doivent être dans les archives de l’État paraissent, il y sera certainement fort question de Saint-Simon.

1423. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

du moins que ce ne soit jamais la ride et le rire du satyre !

1424. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

Quant aux statues, il est difficile de ne pas rire.

1425. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Comme cette lettre rit, pleure et gronde dans la même page !

1426. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Sa poésie est une causerie charmante où vibre toute son âme ; tout s’y mêle, tristesse et rire, sentiments intimes et impressions du dehors ; par un aisé passage et d’indéfinissables nuances, elle hausse, baisse, change le ton777.

1427. (1831) Discours aux artistes. De la poésie de notre époque pp. 60-88

Voilà ce qu’on nous dira, et il faut répondre ; car nous ne sommes pas de ces barbares qui, prenant de travers de grandes prophéties d’avenir, se déshéritent sans façon du passé, parlent de l’art de notre époque avec un mépris qui fait rire, et nuisent ainsi, sans le savoir, aux vérités qui leur ont été enseignées et qu’ils sont chargés de répandre.

1428. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

N’est-ce pas une nouveauté admirable, à cette époque de notre littérature et de notre langue que cette courte et frappante description du Nil : « Ce flum (fleuve), dit Joinville, est divers de toutes autres rivières ; car quant viennent les autres rivieres aval, et plus y chieent (tombent) de petites rivieres et de petitz ruissiaus, et en ce flum (fleuve) n’en chiet nulles ; aincois avient ainsi que il vient tout en un chanel jusques en Egypte, et lors gete (jette) de lises branches qui s’espandent parmi Egypte, Et quant ce vient après la saint Remy, les sept rivieres s’espandent par le païs, et cuevrent les terres pleinnes ; et quant elles se retroient, les gaungneurs (laboureurs) vont chascun labourer en sa terre à une charue sanz rouelles (roues) ; de quoy ils treuvent dedens la terre les fourmens, les orges, les comminz, le ris ; et vivent si bien que nulz n’i sauroit quémander ; ne se scet l’en dont celle treuve (trouvaille) vient mez que de la volenté Dieu… L’yaue (l’eau) du flum est de telle nature, que, quant nous la pendion en poz de terre blans que l’en fait ou pais, aus cordes de nos paveillons, l’yaue devenoit ou (au) chaut du jour aussi froide comme de fonteinne.

1429. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre II. Le rôle de la morale » pp. 28-80

Et le premier venu peut donner des ordres à qui bon lui semble, mais on rit de lui si ses ordres ne sont point écoutés.

1430. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

J’aime l’Alhambra et Brocéliande dans leur vérité ; je me ris du romantique qui croit, en combinant ces mots, faire une œuvre belle.

1431. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Théâtre » pp. 83-168

Nous savons chiffonner d’une main osseuse la guimpe des vieilles Muses, et nous accrocher, quand nous voulons rire, à la queue des sourds satyres, amoureux de la joie et de la folie.

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