/ 3766
1233. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Elle sait bien que les témoins de leur vie n’en croiront rien. […] pour emprunter au duc de Broglie un mot fameux qui mit fin à sa vie ministérielle. […] Témoin, en 1847, d’un acte de la vie politique de M.  […] Royer-Collard me raconta sa vie, depuis le jour où le quartier de l’Ile-Saint-Louis l’avait nommé son représentant à la Commune de Paris, jusqu’à sa retraite de la vie parlementaire en 1842. […] J’avais vu, dans ma longue vie académique, bien des candidats diversement modestes.

1234. (1913) Poètes et critiques

Quelle est la conclusion du poète au sujet de la vie ? […] Et c’est pourquoi, sur la fin de sa vie, il fut heureux de pouvoir revenir à sa besogne d’artisan. […] Ce qu’il sera toute sa vie. […] Que d’autres gestes spontanés, qui décèlent la vie ! […] La vie de l’apôtre russe ne s’est clairement expliquée qu’à l’heure de la mort.

1235. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

On passerait sa vie à préparer tout, et on mourrait sur ses préparatifs. […] Telle est la mutuelle fécondation, réciprocité de la vie. […] Les faiseurs d’objections sont des esprits stériles ; les génies, comme le nom l’exprime, sont des générateurs qui créent la vie : non pas la vie réelle et plate, mais la vie idéale, la vie supérieure, qui est la vraie, la seule réalité. […] La vie réelle est autre, sans être inférieure. […] Il menait une vie assez dissipée.

1236. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Pauvre mère, une vie de douleur et de malheur ! […] En poussant cette porte-fenêtre, je suis sur le balcon, où Marie-Antoinette s’est montrée aux cannibales, qui demandaient les boyaux de la Reine, — et de la vie tragique ressuscite dans ce bâtiment mort, dans cette nécropole de la monarchie. […] Ruysdael et Hobbema ont fait la nature, sans l’animation particulière de sa vie végétale, et de plus Hobbema a un feuillé, qui ressemble au feuillé des paysages en cheveux. […] En ce ci-devant logis princier, ma tante, la femme de son frère, mère de l’ambassadeur actuel près le Saint-Siège, ma mère ; les trois belles-sœurs menaient, tout l’été, une vie commune. […] À Rome, le récit de la vie de Mme Gervaisais, de la vie de ma tante, en notre roman mystique, est de la pure et authentique histoire.

1237. (1739) Vie de Molière

On pria un homme très-connu de faire cette vie et ces courtes analyses destinées à être placées au devant de chaque pièce. […] Le théâtre n’était point, comme il le doit être, la représentation de la vie humaine. […] Don Juan demandait à ce pauvre, à quoi il passait sa vie dans la forêt. […] Tu passes ta vie à prier DIEU ? […] FIN DE LA VIE DE MOLIÈRE, ETC.

1238. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lebey, André (1877-1938) »

André Lebey inscrit ses délicats poèmes est sans doute celui de la Vie intérieure. Ces colonnes, de styles variés, soutiennent les différentes parties de l’édifice ; elles s’ornent d’images, de souvenirs, d’ex-voto, qui racontent l’histoire d’une âme et son voyage du Rêve à la Vie ; car les premiers vers du recueil sont destinés au Piédestal d’une statue du Rêve, les derniers au Piédestal d’une statue de la Vie, et les vers intermédiaires iront décorer les autres colonnes du sanctuaire.

1239. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Sous cette double armure, l’homme peut avancer d’un pas ferme à travers la vie. […] D’autres portions de sa vie domestique ne furent point mieux ménagées ni plus heureuses. […] Ordinairement chez les hommes la source du dévouement tarit au contact de la vie. […] Ainsi s’éteignit cette noble vie, comme un soleil couchant, éclatante et calme. […] Quelle vie pour ce pauvre roi !

1240. (1842) Discours sur l’esprit positif

Après avoir considéré l’esprit positif relativement aux objets extérieurs de nos spéculations, il faut achever de le caractériser en appréciant aussi sa destination intérieure, pour la satisfaction continue de nos propres besoins, soit qu’ils concernent la vie contemplative, ou la vie active. […] L’aptitude fondamentale de l’esprit positif étant assez caractérisée désormais par rapport à la vie spéculative, il ne nous reste plus qu’à l’apprécier aussi envers la vie active, qui, sans pouvoir montrer en lui aucune propriété vraiment nouvelle, manifeste, d’une manière beaucoup plus complète et surtout plus décisive, l’ensemble des attributs que nous lui avons reconnus. […] Cette tendance spontanée à constituer directement une entière harmonie entre la vie spéculative et la vie active doit être finalement regardée comme le plus heureux privilège de l’esprit positif, dont aucune autre propriété ne peut aussi bien manifester le vrai caractère et faciliter l’ascendant réel. […] L’ensemble de la nouvelle philosophie tendra toujours à faire ressortir, aussi bien dans la vie active que dans la vie spéculative, la liaison de chacun à tous, sous une foule d’aspects divers, de manière à rendre involontairement familier le sentiment intime de la solidarité sociale, convenablement étendue à tous les temps et à tous les lieux. […] En même temps, elle tempère spontanément l’orgueil trop exalté qu’il pourrait susciter, en montrant, sous tous les aspects, et avec une familière évidence, combien nous devons rester sans cesse au-dessous du but et du type ainsi caractérisés, soit dans la vie active, soit même dans la vie spéculative, où l’on sent, presque à chaque pas, que nos plus sublimes efforts ne peuvent jamais surmonter qu’une faible partie des difficultés fondamentales.

1241. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

De la vie de l’homme j’ai parlé suffisamment ailleurs. […] Barbey d’Aurevilly est un partisan acharné de la vie dans l’art. […] Il y a dans ces strophes tant de cœur, tant de vie, tant d’émotion ! […] La vie ! […] La vie allait.

1242. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Il dit qu’une philosophe de quinze ans ne pouvait se connaître soi-même, et que j’étais entourée de tant d’écueils, qu’il y avait tout à craindre que je n’échouasse à moins que mon àme ne fût d’une trempe tout à fait supérieure ; qu’il fallait la nourrir avec les meilleures lectures possibles : et à cet effet il me recommanda les Vies illustres de Plutarque, la Vie de Cicéron, et les Causes de la grandeur et de la décadence de la République romaine, par Montesquieu. […] Pourquoi n’admettrions-nous pas la vérité des sentiments qu’elle exprime sans faste à cet endroit de sa vie ? […] Je ne me souviens pas de ma vie d’avoir entendu autant de louanges de tout le monde que ce jour-là : on me disait belle comme le jour et d’un éclat singulier. […] me dit-il ; de vous.” — Je partis d’un grand éclat de rire, car de ma vie je ne m’en serais doutée. » — Le croira qui voudra, qu’elle ne s’en était pas doutée ! […] Elle s’y reportait avec un plaisir visible en retraçant les souvenirs de sa première vie.

1243. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Poésies, par Charles Monselet »

Il n’eut, dans toute sa vie littéraire, qu’une heure de vrai talent ; c’est le jour où, piqué au jeu et piqué jusqu’au sang, traduit en personne sur le théâtre par Voltaire, et gêné d’ailleurs ou du moins contenu dans ses représailles par M. de Malesherbes, alors directeur de la Librairie, il rendit compte, après maint essai infructueux et maint remaniement obligé, de la première représentation de l’Écossaise. […] Sa vie ne sent en rien l’étude : elle était celle d’un épicurien qui vit sur son fonds de collège, et qui, une fois sorti des nouveautés, n’aime rien tant qu’à faire bombance. […] Quel plus triste métier après tout, quand on a l’honneur d’être le contemporain d’un grand esprit qui a des défauts de caractère, que de passer son temps et de consacrer sa vie à le harceler, à l’irriter, à lui faire faire toutes les fautes dont il est capable ! […] J’ai connu, il y a quelque quinze ans, un pauvre homme de lettres plus maigre et plus râpé que feu Baculard d’Arnaud, Fayot, qui passait sa vie à recueillir, à éditer, à colporter les Classiques de la table. […] Il n’a jamais été dupe dans sa vie ni de la couleur, ni de l’emphase en littérature ou en politique.

1244. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

L’éditeur se propose bien de faire entrer dans ce volume (qui n’est pas encore prêt) tous les épisodes marquants des dernières années de la vie de M.  […] Sur la fin de sa vie, ne pouvant plus se rendre au Sénat, M.  […] « M. le ministre d’État, malgré sa supériorité de talent et d’intelligence, n’est pas obligé, s’étant occupé toute sa vie d’autre chose, de savoir quel est le caractère et, pour tout dire, le tempérament d’un véritable homme de lettres. […] On y verra aussi qu’il n’y reniait rien de la sincérité de ses sentiments à aucune époque de sa vie ! […] Nous, nous avons trop vécu de la vie assujettie et productive, de la vie prosaïque et mercenaire, et la Poésie, cette maîtresse jalouse, s’en est enfuie.

1245. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Boyer est mort fort chrétiennement ; sur quoi je vous dirai, en passant, que je dois réparation à la mémoire de la Champmeslé, qui mourut avec d’assez bons sentiments, après avoir renoncé à la comédie, très-repentante de sa vie passée, mais surtout fort affligée de mourir : du moins M.  […] Le jeu de Talma, c’était tout le style dramatique mis en dehors et traduit aux yeux. — Les personnages du drame, vivant de la vie réelle comme tout le monde, doivent en rappeler à chaque instant les détails et les habitudes. […] La douleur est superstitieuse ; l’âme, en ses moments extrêmes, a de singuliers retours ; elle semble, avant de quitter cette vie, s’y rattacher à plaisir par les fils les plus déliés et les plus fragiles. […] Racine fils avoue avec candeur qu’on peut regretter dans l’Iphigénie française cette vive peinture de l’Agamemnon grec ; mais Euripide n’avait pas craint d’entrer dans l’intérieur de la tente du héros, et de nommer certaines choses de la vie par leur nom29. […] Lope de Vega eut aussi une fille, et la plus chérie, qui se fit religieuse ; il composa sur cette prise de voile une pièce de vers fort touchante, où il décrit avec beaucoup d’exaltation les alternatives de ses émotions de père et de ses joies comme chrétien (Fauriel ; Vie de Lope de Vega).

1246. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Chez lui, l’accord est parfait entre le moment de la venue, le talent et la vie. […] Sa vie, aussi simple que courte, n’offre qu’un petit nombre de traits sur lesquels nous courrons. […] Il publia ces essais de 1801 à 1804156, et ne vécut plus que de la vie littéraire, et aussi de la vie du monde, tout entier au moment et au Caprice. […] Facile, insouciant, tendre, vif, spirituel et non malicieux, il menait une vie de monde, de dissipation, ou d’étude par accès et de brusque retraite. […] Millevoye s’était marié dans son pays vers 1813 ; époux et père, sa vie semblait devoir se poser.

1247. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

Inconvénients de la vie de salon. […] À la longue, le simple plaisir cesse de plaire, et, si agréable que soit la vie de salon, elle finit par sembler vide. […] En tout cas, si on le veut, c’est à la condition sous-entendue qu’on ne sera pas trop dérangé de son train ordinaire et que les sensations de cette nouvelle vie n’ôteront rien aux jouissances de l’ancienne. […] Rousseau prêche en périodes travaillées le charme de la vie sauvage, et les petits-maîtres, entre deux madrigaux, rêvent au bonheur de coucher nus dans la forêt vierge. […] L’organe, appliqué si longtemps sur les minces détails de la vie élégante, n’embrasse plus les grandes masses de la vie populaire, et, dans le milieu nouveau où subitement il est plongé, sa finesse fait son aveuglement.

1248. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre V. Premiers aphorismes de Jésus. — Ses idées d’un Dieu Père et d’une religion pure  Premiers disciples. »

Quelle fut la marche de la pensée de Jésus durant cette période obscure de sa vie ? […] Les hommes qui ont le plus hautement compris Dieu, Çakya-Mouni, Platon, saint Paul, saint François d’Assise, saint Augustin, à quelques heures de sa mobile vie, étaient-ils déistes ou panthéistes ? […] Cette personnalité exaltée n’est pas l’égoïsme ; car de tels hommes, possédés de leur idée, donnent leur vie de grand cœur pour sceller leur œuvre : c’est l’identification du moi avec l’objet qu’il a embrassé, poussée à sa dernière limite. […] Dans les derniers temps de sa vie, Jésus crut que ce règne allait se réaliser matériellement par un brusque renouvellement du monde. […] En un sens, il le compromettra ; car toute idée pour réussir a besoin de faire des sacrifices ; on ne sort jamais immaculé de la lutte de la vie.

1249. (1785) De la vie et des poëmes de Dante pp. 19-42

Aussi coupable et moins heureux que Coriolan, il courait de l’armée des mécontents aux camps de l’empereur, passant sa vie à faire des tentatives infructueuses et témoin de toutes les humiliations des impériaux. […] Dante, à la fois guerrier, négociateur et poëte, eut sans doute des succès et quelques beaux moments ; mais pour avoir passé la moitié de sa vie dans l’exil et l’indigence, il doit augmenter la liste des grands hommes malheureux. […] Dante parlait à des esprits religieux, pour qui ses paroles étaient des paroles de vie, et qui l’entendaient à demi-mot : mais il semble qu’aujourd’hui on ne puisse plus traiter les grands sujets mystiques d’une manière sérieuse. […] Elle en était le spectre, le simulacre, le fantôme ; et, bien qu’elle fût d’une matière assez ténue pour échapper au toucher, cependant elle était visible et conservait les idées, les goûts et les affections que le mort avait eus dans sa vie. […] L’antiquité pensait que l’ombre était d’abord façonnée sous la figure humaine ; que cette créature légère errait longtemps sur les bords du Léthé, avec les traits et le costume du personnage qu’elle devait un jour habiter ; et qu’elle cachait l’âme ou le souffle de vie dans sa substance.

1250. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

Le trait qui domine dans cette longue vie de souffrance, de martyre dès les jeunes ans, et toujours de bouleversement et de vicissitudes, est une vérité parfaite, une parfaite simplicité, et, on peut dire, une entière et inaltérable uniformité. […] Notre cœur, pour peu qu’il ait eu un jour dans la vie, fixe ou ramène notre sensibilité à une certaine heure, qui est celle qu’on entend volontiers résonner lorsqu’on rentre en soi et qu’on rêve. […] Dans sa vie auguste et modeste, et, en général, si étrangère à la politique, Mme la duchesse d’Angoulême eut une fois du moins, à Bordeaux, l’occasion de montrer qu’elle avait en elle ce courage d’action qui lui venait bien de sa mère et de son aïeule Marie-Thérèse. […] Depuis ce moment de 1815, on ne saurait remontrer Mme d’Angoulême dans aucun acte politique proprement dit, et toute sa vie fut de famille et d’intérieur. […] Sa vie était la plus régulière du monde et la plus simple, soit aux Tuileries, soit depuis dans l’exil.

1251. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

Les nations dégénèrent ; l’esprit humain marche toujours : il a en lui une vie incessamment progressive, qu’il n’aperçoit point, qu’il ne peut ni ne doit apercevoir, dont il a néanmoins le sentiment, et qui ne se manifeste qu’à de certaines époques ; comme, dans l’homme, il y a des changements qui se font à son insu, des phénomènes de développement, de croissance, de maturité, qui s’opèrent indépendamment de ses calculs et de sa volonté. […] La vie des sociétés humaines, à son tour, ressemble tout à fait à celle des individus. […] Ainsi le phénix se compose un bûcher symbolique de mille plantes odorantes, expire au milieu des flammes et des parfums, et renaît de ses poétiques cendres pour recommencer sa vie merveilleuse. […] Croyez-vous aussi que l’islamisme eût fait tant et de si rapides progrès, sans la parole de vie qui fut prononcée sur Ismaël ? […] Maintenant, si nous retournons la supposition, ne pouvons-nous pas admettre que la vie est une sorte d’initiation qui sert à manifester, dans l’homme, l’être intellectuel et l’être moral ?

1252. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Elle sortit de l’étude et de la méditation, dans une vie obscure, mais libre et fière. […] Est-il besoin de dire ce qu’une telle vie, dans le siècle des grandes prétentions et des petites choses, dut nourrir de feu poétique et de verve originale au cœur du poëte anglais ? […] Voilà, sauf ses souvenirs de voyage, tous les incidents de sa vie. […] Il n’aura pas à plaisir désordonné sa vie pour la rendre poétique, et tiré des nuits de Venise, des conciliabules de Ravenne ou des orages de l’Épire quelque rajeunissement pour l’imagination. Il n’a pas eu non plus cette glorieuse fin de Byron, qui rachète ses fautes et absout sa vie : celle de Gray a été simple, unie, obscure, indifférente aux hommes, qu’elle n’a scandalisés d’aucun tort, agités d’aucune ambition, étonnés ou avertis par aucun grand effort.

1253. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Ce « je ne sais quoi », c’est peut-être ce que j’y sens de trop éloigné de mes goûts, de mon idéal de vie, des vertus que je préfère et que je souhaiterais le plus être capable de pratiquer  ou tout simplement, si vous voulez, de mon tempérament. Se regarder vivre est bon ; mais, après qu’on s’est regardé, fixer sur le papier ce qu’on a vu, s’expliquer, se commenter (à moins d’y mettre l’adorable bonne grâce et le détachement de Montaigne) ; se mirer longuement chaque soir, commencer ce travail à dix-huit ans et le continuer toute sa vie… cela suppose une manie de constatation, si je puis dire, un manque de paresse, d’abandon et d’insouciance, un goût de la vie, une énergie de volonté et d’orgueil, qui me dépassent infiniment. […] « … Qu’on calcule l’influence d’une fièvre lente de huit mois, alimentée par toutes les misères possibles, sur un tempérament déjà attaqué d’obstruction et de faiblesse dans le bas-ventre, et qu’on vienne me dire que mon père n’abrège pas ma vie ! […] Le lecteur me trouvera mauvais fils, il aura raison. » En supposant même que tous les griefs de Stendhal aient été fondés, on se dit qu’il y a des sentiments qu’on peut sans doute éprouver malgré soi, mais qu’il est odieux de s’y complaire, de les développer par écrit, parce qu’ils offensent, tout au moins, des conventions trop anciennes, trop nécessaires à la vie des sociétés, et vénérables par là même. […] Il dit, en regrettant de n’avoir pas eu de maîtresse à dix-huit ans : « Elle eût trouvé en moi une âme romaine pour les choses étrangères à l’amour. » Or, il passe toute sa vie dans d’assez médiocres emplois.

1254. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Aujourd’hui, l’Italie ne brûlerait pas encore de son dernier combat contre l’Autriche, que Renée n’en publierait pas moins la vie d’une femme qui, au Moyen Age, a résumé l’Italie dans sa plus opiniâtre résistance à la race allemande, et qui mérita d’être appelée « la Grande Italienne ». […] Ce ne serait point assez dire que de prétendre qu’il a innocenté la vie et l’action du pontife, qu’il les a nettoyées et purifiées de tout reproche. […] Il y a plus, Mathilde elle-même, que Renée a appelée avec une analogie heureuse la Jeanne d’Arc de l’Italie, et dont la mission dura plus longtemps que celle de cette pauvre Jeanne d’Arc de France, Mathilde, l’héroïque guerrière qui fut pendant si longtemps l’ange armé du pontife romain, Mathilde n’existe que par Grégoire après sa mort, comme elle n’a existé durant sa vie que pour Grégoire. […] Les prêtres concubinaires voulaient le mariage, et Grégoire, en s’opposant à cette ambition sacrilège, « en s’attaquant à un ordre de choses que le temps avait affermi, n’entreprenait pas moins — dit Renée — que de briser les mœurs et la vie habituelle de plusieurs millions d’hommes ». […] Je me contenterai des paroles par lesquelles il termine son jugement sur l’ensemble de la vie du pontife, et où la plume de l’historien a été constamment digne de son sujet : « Cet homme — dit-il en finissant — ne savait inspirer que des sentiments excessifs, la haine la plus violente ou le plus absolu dévouement.

1255. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Th. Carlyle » pp. 243-258

Il s’en fait l’acteur par la pensée, ou du moins le chœur qui épousait l’action même et la vivait dans le drame antique, et cela communique à son récit un accent très particulier, qui n’est pas la particularité d’un faiseur de Mémoires qui raconterait simplement sa vie, et qui donne au sien une passion que n’a pas ordinairement l’Histoire. […] La passion et la vie, Carlyle n’a pas d’autre préoccupation dans son Histoire de la Révolution française, où elles atteignirent à des diapasons de furie si épouvantablement aigus ! […] Son histoire n’est qu’une évocation de la passion et de la vie. […] Et, naturellement, qui fait tant de cas de la vie ne pouvait pas la manquer ! […] — puis Vendémiaire, qui finit tout comme les Révolutions finissent ; car il n’y a que le canon pour les faire finir… Telle la dernière fresque de Carlyle, l’une des plus belles à peindre pour un homme si préoccupé, j’oserais même dire si affolé, si timbré de réalité et de vie.

1256. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Excepté l’affection maternelle, dont elle fut victime, elle n’eut jamais que deux sentiments, et les plus mâles que pût éprouver un cœur de femme, deux amitiés pour deux hommes avancés dans la vie : l’une pour son oncle, le bailly de Fronlay, et l’autre pour Sénac de Meilhan, à qui sont adressées les Lettres. […] » Plus sagace que Madame Du Deffand, qu’on appelait « l’aveugle clairvoyante », elle n’avait jamais été abusée par grand-chose, mais elle finit par se désabuser de tout, — et même de la plus cruelle souffrance de sa vie (l’indifférence et l’ingratitude de son fils). […] Sainte-Beuve, le critique littéraire et le poète, a bien montré le côté intime et curieux de cette vie, mais la beauté morale qu’elle révèle plus que tout l’a-t-elle assez frappé ? […] On drapait en violet sa vie, en attendant la grande draperie noire ! […] Le regard, en effet, la pénétration, le bon sens dans son inflexible droiture, toutes les qualités aiguisées et affilées de cet esprit coupant et poli comme le verre, et ce n’est pas tout, l’habituelle pensée de l’éternité qui est en elle comme en Pascal, mais qui la trouble moins que ce poltron sublime et qui lui donne une intuition si supérieure des misères et des vanités de la vie, voilà ce qui fait l’originalité et le mérite de Madame de Créqui, et ce que Sainte-Beuve, le croirait-on ?

1257. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Alexis de Tocqueville »

Nul, sans le dévouement de l’amitié ou ces engagements de la vie qui nous mènent souvent plus loin que nous n’avions dessein d’aller, ne supportera, sans en souffrir, l’insignifiance d’un livre qui n’était pas un livre, d’ailleurs, écrit pour le public, et dont la médiocrité ne doit pas être reprochée à l’auteur ; car on a le droit d’être médiocre chez soi tout à son aise comme on a le droit d’y être en pantoufles, surtout quand on vit au milieu de gens qui sont disposés à vous trouver charmant, quoi que vous soyez… Malheureusement, il n’en est pas tout à fait ainsi pour cet indifférent de public. […] C’est sa manière de voir et de juger la vie. […] Toute sa vie, cet homme, qui n’avait que des opinions et qui eut très peu de métaphores pour les exprimer (dans cette correspondance de deux volumes je n’en ai compté qu’une seule, c’est quand, après l’insurrection Indienne, il compare l’Angleterre à un gros homard qui a perdu son écaille), toute sa vie, cet écrivain, qui trouva hardie l’expression, pour dire la république, « d’une servitude agitée », eut la prétention d’être la passion en personne, — un dévorant, un dévoré par elle, et peut-être crut-il en être un. […] Mais ce diable au corps, je ne l’ai pas vu dans sa vie, je ne le vois point dans ses écrits, — les écrits où le style est l’homme, a dit Buffon, — et je ne le vois pas davantage dans ses opinions, qui furent tout ce qu’il fut jamais ! […] Voilà pour la forme, c’est-à-dire pour ce qui fait la vie des livres et leur durée, quand les idées sur lesquelles ils reposent sont décrépites ou mortes ; mais pour le fond, c’est aussi les idées de tout le monde qui lui créent son originalité, à ce penseur, comme c’est la courte vue de tout ce monde qui se chausse de lunettes d’écaille qu’il promène sur les événements contemporains et la politique, qui devait les dominer… Seulement, penser et parler comme tout le monde pense et parle à une certaine hauteur de société, explique peut-être suffisamment aux esprits profonds que tout ce monde, qui se reconnaît en de Tocqueville, lui ait fait un honneur si exceptionnel !

1258. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Tout d’abord, et dès sa jeunesse, M. de Montalembert, qui avait commencé, avec tant de hasard, sa réputation par Sainte Élisabeth de Hongrie, ce vitrail de chapelle, sans couleur et sans naïveté, s’était promis d’écrire plus tard la vie de saint Bernard. […] L’auteur a manqué à la promesse de sa jeunesse et au rêve de sa vie. […] Polémiste, antiquaire, pair de France, député, il n’a jamais été autre chose qu’un orateur à toutes les époques de sa vie. […] Une seule fois dans sa vie pourtant, M. de Montalembert oublia qu’il était orateur et se crut poëte. […] Il s’est couché sur les Prophètes morts, comme Samuel sur la femme qu’il rappela à la vie, et ces grands morts ressuscitèrent dans son génie.

1259. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVIII. M. Flourens »

Il a donné à la science toute sa vie, et, vous le verrez tout à l’heure, la science a très bien agréé ses hommages. […] Flourens, c’est-à-dire ce qu’il a été toute sa vie, un anatomiste, un naturaliste, un physiologiste, un professeur ! […] Flourens, celui-là qu’il a intitulé : de la Vie et de l’Intelligence, et sur lequel je crois nécessaire de m’arrêter. […] c’est ce livre de la Vie et de l’Intelligence qui fait le mieux mention de ces services. […] Flourens, rapportée avec beaucoup de détails dans le livre de la Vie et de l’Intelligence, et avec cette clarté qui est le don de son talent.

1260. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Jules Soury. Jésus et les Évangiles » pp. 251-264

… pour oser publier une Vie de Jésus après celles de Strauss et de M.  […] Soury ne voit, lui, qu’un fou parfaitement caractérisé, délirant pendant tout le temps de sa mission sur la terre, et qui serait mort dans l’idiotisme absolu et la vie végétative, « si les juifs, MAL INSPIRÉS, avaient préféré voir mettre Barrabas en croix ». […] Renan, dont la Vie de Jésus ne fut pas un simple trou, mais une immense trouée, par laquelle eût passé, de front, tout un régiment de Sourys ! […] Renan, quand il arriva à la Vie des Apôtres, sentit bien que ce cri ne recommencerait pas… Il ne frappait alors que sur un tambour défoncé, qu’il avait crevé dès son premier coup de baguette. […] Cela ne retentit plus… La Vie de Jésus avait dévoré d’avance tout le scandale qui pouvait naître des Origines du Christianisme comme M. 

1261. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Athanase Renard. Les Philosophes et la Philosophie » pp. 431-446

Tous deux concentrent en un bloc puissant la réflexion qui a pris toute leur vie, et leur vie a été longue ! […] Il vit, je crois, quoique très avancé dans la vie, et s’il ne vit plus, il a cette supériorité de la vieillesse qui donne à l’expérience le calme et la certitude… et, avant de mourir, il a eu la jeune curiosité de savoir si ce siècle, justement méprisé par l’auteur des Ruines, comprendrait quelque chose à un ouvrage non moins impopulaire que le sien. […] Dès qu’il a pu penser par lui-même en dehors de ses maîtres, la vie intellectuelle du Dr Athanase Renard a été de la plus profonde unité. […] Il n’est point pédant comme les philosophes qu’il combat, et dont quelquefois il se moque avec une bonhomie meurtrière… Du fond de sa province, où il est peut-être resté toute sa vie, — comme Rocaché, le grand médecin des Landes, cet immense praticien, plus haut que la fortune et que la gloire, inconnu à Paris, mais regardé comme un dieu de Bordeaux à Barcelone, où il régna cinquante ans sur la santé et sur la maladie, — le Dr Athanase Renard, dont j’ignore la valeur comme médecin, apparaît dans son livre comme un robuste penseur solitaire, et ce qui étonne davantage, comme un homme de la compétence la plus éclairée sur toutes les questions d’enseignement, de méthodes et de classifications de ce temps, et comme s’il avait vécu dans le milieu philosophique où ces questions s’agitent le plus… Par ce côté, il ressemble encore à Saint-Bonnet, le grand esprit métaphysique dont le rayonnement finira un jour par tout percer, et qui aussi vivait au loin de ce que les flatteurs ou les fats de Paris appellent insolemment la Ville-lumière. […] Elles ont été vaincues, ces misérables philosophies, par le Matérialisme, qui a voulu faire aussi des systèmes et qui n’en avait pas besoin, tant il a pénétré dans le fin fond corrompu de la pensée et de la vie modernes !

1262. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

À propos d’histoire et de biographie, nous nous plaignions, il y a quelque temps, que personne, parmi nos contemporains, n’eût songé à écrire la vie de saint Vincent de Paul. […] Je ne m’attendais donc pas, quand j’ouvrais cette Vie de saint Vincent de Paul, par l’abbé Maynard, à beaucoup plus qu’à des choses infiniment touchantes et touchées délicatement par un homme d’un talent borné par le goût, cette barrière élégante ! […] Et pourquoi, puisqu’il s’agit ici d’un homme assez saint pour faire des miracles, saint Vincent de Paul, avec qui l’abbé Maynard a vécu intimement des années dans la contemplation de sa pensée et de sa vie, n’aurait-il pas été ce miraculeux coup de soleil ? […] En touchant à ce sujet de saint Vincent de Paul, il s’est transformé de manière et de ton, et ce sublime sujet l’a enfanté à la vie du talent, et du talent le plus réel, le plus droit, le plus allant au cœur des choses. […] Or, voilà ce qui est montré avec une autorité, un détail, une vérité plénière, dans cette vie nouvelle de saint Vincent de Paul que, pour cette raison, j’ose appeler la première histoire qu’il ait eue.

1263. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Dans toute vie racontée, hélas ! […] Nous ne saurons rien, il est vrai, de ce qui plaît à la curiosité, cette faculté puérile qui veut tout savoir, sous prétexte que rien n’est insignifiant dans la vie ! […] Les poésies que voici nous apprendront que cette Mme Desbordes-Valmore, à la vie cachée, était, par le fond de son âme, aussi passionnée et plus pure que Mme de Staël. […] S’il était possible de devenir poète en passant par l’artiste, elle le serait devenue, comme ses Poésies inédites l’attestent, ces suavités tardives du soir de sa vie qui sont plus belles et plus pures que les poésies de son aurore. […] Cette femme dont ils résument probablement la vie les avait divisés en plusieurs parties, sous ces noms expressifs amour, Famille, Foi, Enfants et Jeunes Filles, et Poésies diverses.

1264. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Soulary. Sonnets humouristiques. »

Il a sucé la mamelle empoisonnée de cette louve qu’on appelle la vie. […] Seulement de cette vie goûtée il est résulté dans son imagination assombrie ce bistre si souvent sinistre qui se mêle à ses couleurs les plus fraîches et les plus brillantes. […] On la trouve partout dans ses Sonnets comme dans la vie ; dans ses Pastels et ses Paysages, comme dans ses Éphémères, quand il est le plus doux de lueur, le plus outremer, le plus rose, quand son verre de Bohême a des nuances si peu attendues qu’on dirait des surprises du prisme. […] Tu voudrais voir, dis-tu, pour la vie éternelle, Nos deux âmes se perdre en la même étincelle ; Si bien qu’on ne saurait en séparer les feux. […] Quel dommage qu’un poète de ce faire émouvant et pensé passe dix ans de sa vie à rimer des sonnets comme ce niais, souvent sublime, de Wordsworth, qui, du moins, écrivit l’Excursion, — une œuvre d’ensemble, un grand poème, — et voue sa vie (mais l’a-t-il réellement vouée ?)

1265. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme de Girardin. Œuvres complètes, — Les Poésies. »

Il est peut-être plus intéressant de remonter le courant d’une vie ou d’une pensée que de le descendre ! […] Mme de Staël, ce grand poète en prose, — comme on peut l’être en prose, — qui avait fait chanter Corinne, n’existait plus… Tout à coup, comme pour nous consoler de cette perte et pour la réparer, se mit à jaillir dans la vie (le mot n’est pas trop fort pour dire l’impétuosité de cette jeunesse) une jeune fille qui, elle, chantait de vraies poésies, car elle parlait cette langue des vers que rien, dans l’ordre poétique, ne peut remplacer. […] bien plus à un opéra qu’à la vie d’une femme, telle qu’elle doit être et qu’on pourrait la désirer. […] Elle se maria, eut un salon, et de Corinne passa Mme de Staël, pour être toujours dans l’imitation qui a marqué sa vie d’un empêchement d’originalité. […] Si la vie de salon et de maîtresse de maison littéraire n’avait pas enivré son âme et faussé sa vocation en l’étendant, elle aurait pu être UNE poète, cette chose si rare que, pour la dire au féminin, il faut faire une faute de français !

1266. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

III Et c’est là un bonheur aussi pour cette Raison en ruines et quelquefois déshonorée, que la Poésie ait la vie plus dure qu’elle et subsiste quand la Raison n’est plus. […] Plus poète, plus vraiment poète quand il est involontairement le catholique du passé que quand il est l’athée de l’heure présente ; plus poète quand il remonte par la pensée dans ce monde qui a dormi (dit-il) que quand il est dans ce monde qui s’éveille, Laurent Pichat, au lieu d’appeler son livre : Les Réveils, aurait mieux fait de l’appeler : Les Regrets ; car ce qui vibre le plus dans ce livre et ce qui y prend irrésistiblement le cœur, c’est la vie vécue, c’est la puissance des souvenirs et leur mélancolie amère. […] Seulement, ce que je veux exclusivement vous faire entendre pour vous prouver que nous avons ici affaire à un poète, ce n’est pas l’expression réussie de la haine qui se croit victorieuse, mais c’est l’accent éternellement cruel et doux de la vie passée, qui, finie, crée immédiatement l’infini du souvenir dans nos cœurs. […] C’est le commencement du volume, ce que le poète appelle La Clé rose : À l’inspiration qui dort, La vie est lentement rendue. […] Je ne résistai pas à cette folle envie : Je me frappai le front et je maudis la vie ;            Je chantai comme un fanfaron ; Je crus faire trembler l’air de mon aventure, Comme un damné, jetant à l’immense nature            Des relavures de Byron.

1267. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXIV. Des panégyriques depuis la fin du règne de Louis XIV jusqu’en 1748 ; d’un éloge funèbre des officiers morts dans la guerre de 1741. »

« Pourquoi, dit l’orateur, nous renfermer dans l’usage de ne célébrer après leur mort que ceux qui, ayant été donnés en spectacle au monde par leur élévation, ont été fatigués d’encens pendant leur vie ? […] Il invite nos guerriers « à ne pas prendre dans l’oisiveté voluptueuse des villes, cette habitude cruelle et trop commune de répandre un air de dérision sur ce qu’il y a de plus glorieux dans la vie et de plus affreux dans la mort. […] On citerait les grandes actions ; on citerait cette foule de traits qui, dans le cours d’une campagne ou d’une guerre, échappent à des héros que souvent on ne connaissait point ; car il est des hommes qui, simples et peu remarqués dans l’usage ordinaire de la vie, déploient dans les grands dangers un grand caractère, et révèlent tout à coup le secret de leur âme. […] On rendrait justice à des officiers obscurs, à qui il est plus aisé de sacrifier leur vie que d’obtenir la gloire. […] C’est là qu’on trouve le mot d’un jeune Brienne qui, ayant le bras fracassé au combat d’Exilles, monte encore à l’escalade en disant : Il m’en reste encore un autre pour mon roi et ma patrie  ; celui de M. de Luttaux qui, blessé de deux coups, affaibli et perdant son sang, s’écria : Il ne s’agit pas de conserver sa vie, il faut en rendre les restes utiles  ; celui du marquis de Beauveau, qui, percé d’un coup mortel, et entouré de soldats qui se disputaient l’honneur de le porter, leur disait d’une voix expirante : Mes amis, allez où vous êtes nécessaires ; allez combattre, et laissez-moi mourir.

1268. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

L’ex-ministre est oublié ; nul ne sait un mot des discours qu’il prononça jadis ; nul ne connaît plus un seul acte de sa vie parlementaire. […] Ils ont centuplé la vie, les forces et les richesses de l’homme. […] Saint Jean a dit dans l’Apocalypse : « Le livre de vie sera ouvert !  […] Il y a péril de vie, mais, si l’on meurt, on est certain, du moins, que c’est pour la bonne cause. […] On a dit : La vie est un combat !

1269. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires sur Voltaire. et sur ses ouvrages, par Longchamp et Wagnière, ses secrétaires. »

Longchamp et Wagnière mêlant leurs impertinentes affaires à celles de leur maître, l’un regrettant les bals, la bonne chère, et ce qu’il appelle l’aurore de sa vie, l’autre sollicitant votre indignation contre les héritiers de Voltaire, qui pourtant lui sont, dit-il, aussi étrangers que le grand Turc , et tous deux vous initiant, bon gré, mal gré, aux tracasseries subalternes et au commérage ignoble de madame Denis. […] Sa longue vie, en ce sens, ne fut qu’une guerre perpétuelle, et ses œuvres sans nombre ne sont, à les bien prendre, que des manifestes plus ou moins intelligibles, des proclamations sous toutes les formes, au profit de la même cause, et, comme on pourrait les appeler, des pamphlets immortels. […] La lutte qu’on croyait éteinte reprend vie, et se replie obstinément sur les brisées du dernier siècle. […] Ils se rapportent à la marquise autant qu’à Voltaire lui-même, et, comme cette partie de sa vie qu’ils retracent, ne sont pas moins galants et mondains que littéraires.

/ 3766