« L’économie, disait de Foe en 1704, n’est pas une vertu anglaise.
Il n’a point connu les chimères, les folies de la pensée, ni celles même de la vertu.
Après plusieurs années de vertu, elle est prise d’une rage d’amour ; elle se dépouille et s’endette pour un jeune polisson du faubourg qui l’exploite et la maltraite de mille façons et l’abandonne enfin.
Joinville a en commun avec Villehardouin le caractère du chevalier chrétien, le courage, la droiture, les vertus de la chevalerie sans ses illusions, une foi simple, libre devant le clergé, sans raffinement théologique.
Bandits honteux, d’ailleurs, qui appellent leurs pillages : victoires de la civilisation, et bandits glorieux qui exaltent les vertus de leurs chefs et le courage de leurs compagnons, la discipline de leurs bandes et l’exacte justice du butin réparti.
Je les rapprocherais volontiers des légendes de Saints, des Vies de Plotin, de Proclus, d’Isidore, et autres écrits du même genre, où la vérité historique et l’intention de présenter des modèles de vertu se combinent à des degrés divers.
Dès le commencement, l’alternative du bien et du mal, de la puissance et de la vertu, sera offerte à tout ce qui existe.
Ils confièrent ces saintes reliques, source des plus hautes vertus chevaleresques, à un pieux chevalier du nom de Titurel.
« Le culte et l’amour ardent du beau sont des vertus qui nous appartiennent ; notre honte est d’avoir été contraints d’obéir pendant des siècles ; c’est pour cela que notre mimique, tout en étant belle et passionnée, reste défiante et n’est pas toujours franche… Le Toscan est le plus Italien de tous les Italiens, et, par conséquent, le plus défiant et le plus réservé de tous ; le Napolitain fait avec les bras des gestes de télégraphe ; le Romagnol est rude et franc ; le Romain, dans ses mouvements dignes de la statuaire, garde toujours gravées en caractères invisibles les lettres fatidiques S.
Pour quiconque reporte sur les temps passés son expérience de ce qui a lieu de nos jours, cette diversité paraîtra toute naturelle ; il lui semblera au contraire surprenant qu’on l’ait oubliée au point de croire, en vertu sans doute de l’éloignement qui brouille tout et de certaines déclamations qu’on a prises au mot, qu’il ait existé autrefois des nations homogènes.
Si la légende a péri, c’est qu’elle n’avait plus ni vertu ni signification profonde, et que nos âmes n’y trouvaient plus de charme ; si la fantaisie a disparu, c’est qu’elle était devenue trop légère et trop frivole.
La vertu aussi est un don de la nature, non le prix d’un effort.
Quand, dans le cours de la vie, il me vient à l’esprit des mots comme « immortalité, vertu », je me les explique d’ordinaire non par des mots, mais par des images visuelles. Au mot « vertu », par exemple, je pense à quelque figure de femme ; au mot « bravoure », à un homme armé, etc. » (Ouv. cité, p. 80, 81.) — Cette conception des idées abstraites et générales pourrait s’appeler l’antipode du nominalistne.
Non seulement, en effet, ce bon sens, si justement préconisé par Descartes et Bacon, doit aujourd’hui se trouver plus pur et plus énergique chez les classes inférieures, en vertu même de cet heureux défaut de culture scolastique qui les rend moins accessibles aux habitudes vagues on sophistiques. […] Presque toutes les explications habituelles relatives aux phénomènes sociaux, la plupart de celles qui concernent l’homme intellectuel et moral, une grande partie de nos théories physiologiques ou médicales, et même aussi plusieurs théories chimiques, etc., rappellent encore directement l’étrange manière de philosopher si plaisamment caractérisée par Molière, sans aucune grave exagération, à l’occasion, par exemple, de la vertu dormitive de l’opium, conformément à l’ébranlement décisif que Descartes venait de faire subir à tout le régime des entités.
Pareil à ces orateurs et à ces poètes auxquels tu pensais tout à l’heure, il connaissait, ô Socrate, la vertu mystérieuse d’imperceptibles modulations. […] Nous nous trouvons des goûts et des dons que nous ne soupçonnions pas en nous ; le musicien devient stratège, le pilote se sent médecin ; et celui dont la vertu se mirait et se respectait elle-même se découvre un Cacus caché et une âme de voleur. » Mais pour le Socrate qui est devenu une réalité, un corps, une technique, il y a manière d’utiliser les Socrates qui demeurèrent Idées, et Valéry, dans son Léonard de Vinci, a rêvé, sous le nom de Léonard, d’un esprit qui aurait laissé coexister le plus grand nombre possible de ces Idées dans sa richesse intérieure.
généreux, dévoués, se chargeant eux-mêmes, s’accusant de tout : Bories le premier, Bories, jeune martyr au front calme, au cœur résigné, plein de vertu et de génie, confondant ses juges, consolant et relevant ses compagnons ; les soutenant sur la charrette du supplice contre l’horreur d’une mort méconnue ; les faisant monter avant lui sur l’échafaud pour les affermir jusqu’au bout de son regard et de sa voix ; Bories, figure mélancolique et sans tache, luttant contre l’oubli ; nom sublime à inscrire dans la mémoire publique à côté des Roland, des Vergniaud, des Oudet, des Hoche et des Manuel !
J’ai lieu de croire que la vengeance nationale, dont je suis une des plus innocentes victimes, ne s’étendra pas sur le peu de biens qui nous suffisait, grâce à la sage économie et à notre frugalité, qui fut ta vertu favorite….
Nodier, dans les genres divers qu’il cultive, s’en tient volontiers à la chimie d’avant Lavoisier, comme il reviendrait à l’alchimie ou aux vertus occultes d’avant Bacon ; après l’Encyclopédie, il croit aux songes ; en linguistique, il semble un contemporain de Court de Gébelin, non pas des Grimm ou des Humboldt.
Vingt autres redevances, jadis d’utilité publique, ne servent plus qu’à nourrir un particulier inutile Le paysan, tel alors que nous le voyons aujourd’hui, âpre au gain, décidé et habitué à tout souffrir et tout faire pour épargner ou gagner un écu, finit par jeter en dessous des regards de colère sur la tourelle qui garde les archives, le terrier, les détestables parchemins, en vertu desquels un homme d’une autre espèce, avantagé au détriment de tous, créancier universel, et payé pour ne rien faire, tond sur toutes les terres et sur tous les produits.
Son scepticisme à l’endroit de l’hérédité correspond à un acte de foi fanatique dans la vertu de l’éducation.
L’originalité de l’abominable livre, elle n’est pas pour moi dans l’ordure, la cochonnerie féroce, je la trouve dans la punition céleste de la vertu, c’est-à-dire dans le contrepied diabolique des dénouements de tous les romans et de toutes les pièces de théâtre.
Evidemment, s’il avait été un autre homme, il aurait pu combler avec des affections fortes ou des vertus domestiques cette solitude qui a fait pis que de dévorer son génie ; car elle l’a dépravé.
Ainsi point de vertu dans une île déserte. […] Voici son fameux gouverneur, Beauvilliers, âme de prêtre et tour d’esprit de gentilhomme, destiné aux ordres et forcé de devenir duc, dévoué à la monarchie comme à une Église, grave, de conscience profonde, un peu ascète, enseignant, surtout par l’exemple, une manière de vertu austère, scrupuleuse et forte, quelque chose, en vérité, comme Joad auprès de Joas. […] Nous le voyons faire et refaire trois et quatre fois un seul vers ; et c’est ici que son goût et la tournure de son goût, comme aussi sa patience, comme aussi sa faculté éminente de n’être jamais satisfait de lui, qui est la vertu même de l’artiste, éclatent pleinement et peuvent être surpris comme dans l’intimité. […] De même, il combat cette nouvelle forme du fatalisme historique qui consiste à croire ou à dire qu’en histoire politique le bien vient très souvent du mal, vient surtout du mai, ne vient guère que du mal, et que l’admirable constitution anglaise est due aux rois déplorables qu’a possédés l’Angleterre au commencement des temps modernes, de même que tout ce qu’il y a eu de mauvais en France dérive des merveilleuses vertus de saint Louis.
Un homme également aimé par une jeune femme et une jeune fille, aimant également les douceurs, les vertus de leurs âmes, comme la beauté de leurs corps, la jeune fille plus clairvoyante, étant plus récemment sortie des mains de Dieu, et y retournant en se donnant la mort, voilà tout le drame, et toute l’intrigue qui le noue et le dénoue. […] » — Et que tu invoques en disant ton Pater, » — Par suite, ce que nous pensons être la Vérité, la Vertu, la Pudeur, le Droit, l’Honneur… » — A beaucoup de chance pour ne rien moins être que cela, si l’on suppose, il est vrai, que n’importe quel mot ait en effet telle signification plutôt que telle autre, et, encore, qu’il ne faille pas croire que l’inverse soit précisément le Contraire. […] Cela se voit même de nos jours, et s’il en est de rassurants pour les vertus peureuses, il en est que leur jeunesse prolongée peut rendre redoutables ou agréables, suivant le point où l’on se place. […] C’est là sans doute une des raisons majeures des succès obtenus pendant les guerres de la Révolution : les généraux étaient jeunes, ils avaient cette vertu suprême de n’avoir point l’expérience — c’est-à-dire l’âge — et d’oser.
De même, dit Schiller, que les dieux de l’Olympe, affranchis de tout besoin, ignorant le travail et le devoir, qui sont des « limitations de l’être », s’occupaient à prendre des personnages de mortels pour jouer aux passions humaines ; — « ainsi, dans le drame, nous jouons des exploits, des attentats, des vertus, des vices, qui ne sont pas les nôtres ». […] La force, adorée par l’humanité primitive, a été, non sans quelque raison, considérée comme la première vertu, source de beaucoup d’autres ; elle implique d’ailleurs quelque chose de surhumain, et à ce titre encore appelle le respect. […] Sand se trouve, au milieu de paradoxes, cette remarque qui confirme ce que nous avons dit sur les rapports du rythme et de la pensée : « Dans l’harmonie des mots, écrit Flaubert, dans la précision de leurs assemblages, n’y a-t-il pas une vertu intrinsèque, une espèce de force divine, quelque chose d’éternel comme un principe ? […] Lui-même ne s’est guère mieux interprété ; attachant une importance essentielle à la rime, il en vint à adorer le mot, qu’il confondit absolument avec l’idée ; le mot, « vie, esprit, germe, ouragan, vertu, feu65 ».
Dans ces jardins « enchantés » de Versailles et de Fontainebleau, — c’est Mme de Motteville qui les appelle ainsi, — mille intrigues se nouaient, se dénouaient, s’enchevêtraient, se contrariaient, qui faisaient gronder d’indignation les pédants de vertu, ceux que Molière, du consentement du roi, peut-être, et en tout cas à son grand contentement, attaquait dans son Tartuffe. […] Ce n’était que festins, collations, promenades, carrousels, divertissements sur l’eau, « bains en rivière », mascarades, concerts, comédies et ballets, d’où naissait et se dégageait, non sans quelque dommage des mœurs, une politesse nouvelle, moins apprêtée, plus libre que l’ancienne, également éloignée De la grande raideur des vertus des vieux âges et des cérémonies de la préciosité, qu’elle rendait les unes et les autres diversement, mais également ridicules. […] « Il se fait dans tous les hommes des combinaisons infinies de la puissance, de la faveur, du génie, des richesses, des dignités, de la noblesse, de la force, de l’industrie, de la capacité, du vice, de la faiblesse, de la vertu, de la stupidité, de la pauvreté, de l’impuissance, de la roture et de la bassesse. […] « Nous avons ajouté beaucoup de mots », écrit en 1718 le rédacteur de la Préface de la seconde édition du Dictionnaire de l’Académie ; et en un autre endroit, il fait cette observation, qui n’intéresse pas uniquement la langue : « L’Académie n’a pas cru devoir exclure certains mots, à qui la bizarrerie de l’usage, ou peut-être celle de nos mœurs… a donné cours depuis quelques années… Il semble qu’il y ait en effet entre les mots d’une langue, une espèce d’égalité comme entre les citoyens d’une république ; ils jouissent des mêmes privilèges et sont gouvernés par les mêmes lois ; et comme le général d’armée et le magistrat ne sont pas plus citoyens que le simple soldat, ou le plus vil artisan… de même les mots de Justice et de Valeur ne sont pas plus des mots français, ni plus français, quoiqu’ils représentent les premières de toutes les vertus, que ceux qui sont destinés à représenter les choses les plus abjectes et les plus méprisables. » Veut-on connaître quelques-uns de ces mots ?
Paul Pas absolument, et il y a des vertus plus pures, mais l’exclusive donnée aux intérêts vulgaires, l’admiration du courage à braver le péril pour une cause réputée noble, ce ne sont pas là des sentiments entièrement fâcheux.
Mais ce lambeau, si brillant qu’il soit, ne lui suffit point, et, dans tous les châteaux, dans tous les hôtels, à Paris, en province, il installe les travestissements de société et la comédie à domicile Pour accueillir un grand personnage, pour célébrer la fête du maître ou de la maîtresse de la maison, ses hôtes ou ses invités lui jouent une opérette improvisée, quelque pastorale ingénieuse et louangeuse, tantôt habillés en Dieux, en Vertus, en abstractions mythologiques, en Turcs, en Lapons, en Polonais d’opéra, et pareils aux figures qui ornent alors le frontispice des livres ; tantôt en costumes de paysans, de magisters, de marchands forains, de laitières, de rosières, et semblables aux villageois bien appris dont le goût du temps peuple alors le théâtre.
Il lui fallait un homme mixte, mêlé de sacerdoce et de monde, aussi capable de ménager la vertu scrupuleuse du pape, sincèrement religieux, que de concéder au pouvoir dominateur et absolu de l’empire et du conquérant ce que Dieu lui-même commande à ses ministres de céder à ceux auxquels il donne l’autorité irrésistible du champ de bataille.
Ce guide, c’est la connaissance de la nature humaine, c’est ce réalisme psychologique qui est la vertu essentielle de nos grands classiques.
On a voulu conclure de cette loi que la raison du plaisir est dans la mesure, dans le juste milieu entre les extrêmes où Aristote plaçait la vertu, dans une sorte d’aurea mediocritas : la loi fondamentale de la sensibilité serait ainsi l’équilibre, non l’action efficace.
En dépendent, nous l’avons dit plus haut, les vertus génératrices.
Catulle Mendès, « de l’éternelle imbécillité humaine, de l’éternelle luxure, de l’éternelle goinfrerie, de la bassesse de l’instinct érigée en tyrannie ; des pudeurs, des vertus, du patriotisme et de l’idéal des gens qui ont bien dîné. » Vraiment, il n’y a pas de quoi attendre une pièce drôle, et les masques expliquent que le comique doit en être tout au plus le comique macabre d’un clown anglais ou d’une danse des morts.
Mais je ne pensais pas ainsi alors, et le tombeau de marbre d’Alfieri, sculpté par Canova, et contemplé par Florence, me paraissait une apothéose suffisante pour payer toute une longue existence de travail, de vertu et de génie.
En entendant de tels soupirs au milieu de tels blasphèmes, on ne sait en vérité s’il n’y a pas plus de vertu que de scepticisme dans une pareille âme, et si Musset n’est pas un esprit céleste, masqué en esprit satanique pendant ce triste carnaval de sa vie humaine ?
Et, à ce sujet, je ne puis m’empêcher de vous faire observer, en passant, que l’enfant, l’adolescent, le jeune homme, l’homme fait prendraient bien plus de goût à la littérature et à la poésie si les maîtres qui la leur enseignent proportionnaient davantage leurs leçons et leurs exemples aux différents âges de leurs disciples ; ainsi, aux enfants de dix ou douze ans, chez lesquels les passions ne sont pas encore nées, des descriptions champêtres, des images pastorales, des scènes à peine animées de la nature rurale, que les enfants de cet âge sont admirablement aptes à sentir et à retenir ; aux adolescents, des poésies pieuses ou sacrées, qui transportent leur âme dans la contemplation rêveuse de la Divinité, et qui ajournent leurs passions précoces en occupant leur intelligence à l’innocente et religieuse passion de l’infini ; aux jeunes gens, les scènes dramatiques, héroïques, épiques, tragiques des nobles passions de la guerre, de la patrie, de la vertu, qui bouillonnent déjà dans leur cœur ; aux hommes faits, l’éloquence, qui fait déjà partie de l’action, l’histoire, la philosophie, la comédie, la littérature froide, qui pense, qui raisonne, qui juge ; la satire, jamais !
La Vertu du Sol de Marcel Mielvaque est un des livres importants de ces dernières années tant par la fidélité des détails sur la vie d’une nouvelle Mme Bovary dans un pays de vignobles et de petites propriétés que par les idées qui se dégagent de cette intrigue et font de ce livre plus et moins qu’un roman, une sorte de manuel de sociologie et psychologie régionaliste d’une force et d’une portée considérables.