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355. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre V. Le souvenir du présent et la fausse reconnaissance »

Il n’est pas rare qu’on aperçoive alors le monde extérieur sous un aspect singulier, comme dans un rêve ; on devient étranger à soi-même, tout près de se dédoubler et d’assister en simple spectateur à ce qu’on dit et à ce qu’on fait. […] Nous nous trouvons ici devant une illusion qui comprend des éléments divers et qui les organise en un seul effet simple, véritable individualité psychologique 33. […] Un simple relâchement de l’effort de synthèse réclamé par la perception donnera bien à la réalité l’aspect d’un rêve, mais pourquoi ce rêve apparaît-il comme la répétition intégrale d’une minute déjà vécue ? […] Comme nous l’annoncions d’abord, nous présentons notre thèse à titre de simple indication méthodologique, sans autre objet que d’orienter dans un certain sens l’attention du théoricien. […] Ou plutôt il consiste dans cette scission même, car l’instant présent, toujours en marche, limite fuyante entre le passé immédiat qui n’est déjà plus et l’avenir immédiat qui n’est pas encore, se réduirait à une simple abstraction s’il n’était précisément le miroir mobile qui réfléchit sans cesse la perception en souvenir.

356. (1870) La science et la conscience « Chapitre I : La physiologie »

Pour Spinosa, il n’y a qu’une simple correspondance d’actions et de mouvements au sein de la substance universelle. […] L’impression est donc le véritable corps simple, l’élément primordial plus ou moins latent qui est au fond de nos idées. […] Elles établissent d’une manière irréfragable que tous les actes de la vie psychique, depuis les simples sensations jusqu’aux pensées et aux volitions, c’est-à-dire jusqu’aux actes proprement humains, ont pour condition le jeu des organes. […] Pour elle, le moi n’est qu’un mot ; l’être un, indivisible, identique, personnel, qui nous atteste la conscience, n’est qu’une abstraction, un être collectif, c’est-à-dire la simple réunion des organes. […] Parce que, l’être humain n’étant conçu par eux que comme la simple résultante du jeu des organes, il est tout à fait impossible d’expliquer comment un pareil être pourrait jouir d’une activité spontanée.

357. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Lettres d’Eugénie de Guérin, publiées par M. Trébutien. »

On critique, on chicane les individus, les talents à l’état simple et privé ; on ne chicane pas les types. […] Ce qui hier encore s’appelait défaut dans un auteur, change aussitôt de nom et devient, une fois le type admis, un simple trait de signalement et de caractère. […] J’ai dit autrefois dans un précédent article, j’ai redit ici même tout à l’heure que la sœur de Maurice avait un génie égal, sinon supérieur à celui de son frère : prenez génie dans le sens le plus naturel et le plus simple. […] Écrivant à la baronne de Maistre, son amie de Paris, qui sera sa confidente passionnée comme Louise est sa correspondante virginale et innocente, elle lui dira après toutes ses douleurs épuisées et quand le calice est bu : « Je ne sais rien qui me fasse plaisir ; le cœur est mort, mais de votre côté il y a des cordes vives et je dirais vibrantes, si j’étais Sophie l’aimable, la trop bien disante. » Ainsi elle croit avoir besoin, pour risquer une expression qui nous paraît si simple, de se couvrir de l’autorité d’une amie.

358. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre II. L’analyse interne d’une œuvre littéraire » pp. 32-46

Enfin, ces mêmes sentiments sont-ils simples ou complexes, primitifs ou acquis, communs ou exceptionnels ? […] Mais il n’est pas chimérique de rêver que le tableau des sentiments exprimés par une œuvre puisse être assez complet, assez nuancé, pour que leur importance relative et même leur intensité ressorte par leur simple rapprochement. […] Le simple examen du nouveau tableau qu’on forme ainsi permet de constater si les idées de l’écrivain qu’on étudie étaient rares ou nombreuses, claires ou obscures, indécises ou arrêtées ; si elles ont changé au cours de sa carrière s’il y a des matières auxquelles il songeait peu ; si au contraire il a été obsédé par la préoccupation de tel ou tel problème. […] Ses vues sur la destinée future de l’univers sont-elles claires ou obscures, basses ou élevées, vieilles ou neuves, simples ou complexes ?

359. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Parmi les écrits qui peuvent donner une juste idée de la reine Marie-Antoinette et de son caractère aux années de sa prospérité et de sa jeunesse, je n’en sais pas qui porte mieux la conviction dans l’esprit du lecteur que la simple Notice du comte de La Marck, insérée par M. de Bacourt dans l’Introduction de l’ouvrage récemment publié sur Mirabeau. […] Marie-Antoinette avait cet idéal de vie heureuse qu’elle eût pu réaliser sans inconvénients si elle fût restée simple archiduchesse à Vienne, ou si elle eût simplement régné en quelque Toscane ou en quelque Lorraine. […] Mandé auprès d’elle en 1778, lors du duel du comte d’Artois et du duc de Bourbon, M. de Besenval est introduit par Campan (secrétaire du cabinet) dans une chambre particulière qu’il ne connaissait pas, « simplement, mais commodément meublée. — Je fus étonné, ajoute-t-il en passant, non pas que la reine eût désiré tant de facilités, mais qu’elle eût osé se les procurer. » Cette simple phrase, jetée en courant, est pleine d’insinuations, et les ennemis n’ont pas manqué de la relever. […] Ce sentiment, dira-t-on, est bien simple, et c’est pour cela précisément qu’il est beau.

360. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

Une exposition claire & simple est tout ce qu’il demandoit dans un orateur fait pour annoncer les grands objets de la religion. […] Leur éloquence même, bien loin d’être simple, uniforme, a toujours porté l’empreinte de la différence de leur caractère personnel, de celle des mœurs générales & de l’esprit dominant de leur siècle. […] Ils parlent l’un & l’autre purement & correctement ; mais autant l’Italien est plein d’onction, d’ame & de vie, autant l’Anglois est simple & naturel partout, dans ses divisions, dans ses preuves, dans ses réflexions, dans ses passages trop fréquens. […] L’impression que fait toujours cet orateur simple, naturel, insinuant, suffit pour faire préférer le sentiment à l’instruction, le pathétique au raisonnement, les réflexions de M. de Montcrif à toutes celles que lui oppose son adversaire.

361. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Quoi qu’il en soit, il y eut procès, condamnation même, et c’est à la veille de cette plaidoirie plus que littéraire que j’adressai à l’auteur la lettre suivante, dans la pensée de venir en aide à la défense et de ramener la question à ce qu’elle était en soi, c’est-à-dire à une simple affaire de goût relevant de la seule critique. […] Mais en obéissant à l’impulsion et au progrès naturel de mes sentiments, j’ai écrit l’année suivante un recueil, bien imparfait encore, mais animé d’une inspiration douce et plus pure, Les Consolations, et grâce à ce simple développement en mieux, on m’a à peu près pardonné.

362. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Victor Hugo. » Cette simple annonce excite, en ce moment, plus d’intérêt qu’on n’a coutume d’en accorder à ces sortes de nouvelles. […] Et d’abord ce n’est pas un fait indigne de remarque que, pour la première fois peut-être, la génération nouvelle, qui jusqu’ici n’a guère eu accès auprès du prince, dont la voix n’arrive directement au chef suprême de l’État ni dans les Conseils, ni par la tribune, ni par la chaire, ait comparu devant lui, simple et sérieuse, dans la personne d’un de ses représentants.

363. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouchor, Maurice (1855-1929) »

Ce n’est nullement mon avis… Le sentiment qui anime le poème très simple et très sincère de M.  […] Les chefs-d’œuvre de la littérature classique, parce que simples de sentiment et d’action, doivent d’abord être offerts aux auditeurs.

364. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

On s’étonna, on s’empara, comme de beautés nouvelles, de ces situations plus ou moins simples ou convenues, mais que revêtait habituellement la noblesse, l’élégance du langage. […] Polyeucte, par exemple, n’eut jamais autant de faveur à aucune époque, je le pense, ni jamais même à son début, que dans cette mémorable soirée où Pauline, néophyte, fut vue si simple et si sublime, où l’acteur aussi, près d’elle, parut si chrétiennement passionné, où le rôle de Félix lui-même fut compris. […] Au commencement du troisième acte, Ulysse inconnu, et qui se donne pour un simple compagnon du héros, y parle ainsi indirectement de lui-même à son fils : Il se peignait souvent ces rivages chéris, Où l’attendaient en vain Pénélope et son fils. […] En même temps que l’auteur, par sa manière plus naturelle et par la source où il puisait, réjouissait l’espérance des esprits libres, il satisfaisait pleinement les spectateurs simples. […] Mais, avant 1830, chaque mot simple en tragédie voulait un combat, et coûtait à gagner presque autant, je vous assure, qu’un député libéral à la Chambre durant le temps de la majorité Villèle.

365. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Il n’est pas un simple érudit, plongé dans ses in-folio à la façon allemande, un métaphysicien enseveli dans ses méditations, ayant pour auditoire des élèves qui prennent des notes, et pour lecteurs des hommes d’étude qui consentent à se donner de la peine, un Kant qui se fait une langue à part, attend que le public l’apprenne, et ne sort de la chambre où il travaille que pour aller dans la salle où il fait ses cours. […] Car, dans toute question générale, il y a quelque notion capitale et simple de laquelle le reste dépend, celles d’unité, de mesure, de masse, de mouvement en mathématiques, celles d’organe, de fonction, de vie en physiologie, celles de sensation, de peine, de plaisir, de désir en psychologie, celles d’utilité, de contrat, de loi en politique et en morale, celles d’avances, de produit, de valeur, d’échange en économie politique, et de même dans les autres sciences, toutes notions tirées de l’expérience courante, d’où il suit qu’en faisant appel à l’expérience ordinaire, au moyen de quelques exemples familiers, avec des historiettes, des anecdotes, de petits récits qui peuvent être agréables, on peut reformer ces notions et les préciser. […] L’ordre est rigoureux chez lui, mais il est caché, et ses phrases discontinues défilent, chacune à part, comme autant de cassettes ou d’écrins, tantôt simples et nues d’aspect, tantôt magnifiquement décorées et ciselées, mais toujours pleines. […] Quel débouché pour les facultés comprimées, pour la riche et large source qui coule toujours au fond de l’homme et à qui ce joli monde ne laisse pas d’issue   Une femme de la cour a vu près d’elle l’amour tel qu’on le pratique alors, simple goût, parfois simple passe-temps, pure galanterie, dont la politesse exquise recouvre mal la faiblesse, la froideur et parfois la méchanceté, bref des aventures, des amusements et des personnages comme en décrit Crébillon fils. […] Il faisait voir l’aurore à des gens qui ne s’étaient jamais levés qu’à midi, le paysage à des yeux qui ne s’étaient encore arrêtés que sur des salons et des palais, le jardin naturel à des hommes qui ne s’étaient jamais promenés qu’entre des charmilles tondues et des plates-bandes rectilignes, la campagne, la solitude, la famille, le peuple, les plaisirs affectueux et simples à des citadins lassés par la sécheresse du monde, par l’excès et les complications du luxe, par la comédie uniforme que, sous cent bougies, ils jouaient tous les soirs chez eux ou chez autrui488.

366. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

Alors, c’est bien simple, il ne croit plus en ce Dieu qui l’a trahi ; il ne vit plus que pour amasser. […] Il y a sans doute autant de bonhomie robuste et charmante, autant de goût pour la vie simple et les détails familiers, autant de complaisance et d’art à nous faire sentir, quelle qu’en soit l’enveloppe et la condition sociale, combien c’est intéressant et digne d’attention, une âme humaine ; il y a, je le veux bien, autant de tout cela chez le Georges d’outre-Manche que chez le George français ; je dis qu’il n’y en a pas plus, parce que je crois que c’est impossible. […] De cette rencontre date une révolution morale dans l’âme de Pierre Bézouchof : le noble, le civilisé, le savant, se met à l’école de cette créature primitive ; il a trouvé enfin son idéal de vie, son explication rationnelle du monde dans ce simple d’esprit. […] Et quant à Platon Karatief, si son grand mérite est d’être bon et résigné tout en restant très simple d’esprit, nous avons encore mieux que ce moujick, puisque nous avons l’âme du Crapaud de la Légende des siècles :     Bonté de l’idiot ! […] Est-ce que vous ne comprenez pas que Flaubert aime la servante Félicité d’Un coeur simple ?

367. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Et, d’ailleurs, c’était peut-être un simple « amateur », dont l’histoire littéraire n’a pas gardé le souvenir… Paix à la cendre de ce « mufle !  […] Ce sont des ingénus, non des simples. […] Il n’y a pas à dire, c’est du satanisme, mais très humble ; satanisme de jocrisse, à moins que ce ne soit simple imbécillité. […] Elle est simple… tiens, comme la bonté, c’est tout dire. […] Charpentier, afin d’avoir un peu d’argent pour déménager. » — « Béranger était venu accidentellement pour obliger de son concours une pauvre femme que tu connais… Béranger est un homme humain et loyal, fort simple.

368. (1778) De la littérature et des littérateurs suivi d’un Nouvel examen sur la tragédie françoise pp. -158

C’est le trait simple & nu, libre & pur, qui s’éloigne le plus du rafinement & de l’étude, de l’art. […] L’homme de génie, au-lieu de viser à une idée unique, isolée, cherchera le tableau simple & naturel d’après le cours des évènemens. […] Je ne crois pas qu’il puisse jamais subir l’épreuve de l’impression, Il est simple, dira-t-on. D’accord ; mais pourquoi le style des gens de Cour est-il simple ? […] Les beautés de l’Art sont sublimes & variées, simples & touchantes.

369. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Prenons garde, la question est grave ; elle mérite une réponse délicate, où le vrai ne soit pas sacrifié au simple. […] Et pourtant on se trompe quand on s’imagine obtenir la fin du conflit et la solution du problème par l’identification pure et simple du fond et de la forme. […] Simple affaire de mesure, comme dans tout l’ordre si délicat de la vérité morale. […] Il y a là, comme dans tous les cas analogues, une opération des plus simples qui consiste tout bonnement à unifier de grandes fortunes éparses. […] Que le mortel meure, cela est tout simple.

370. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

La raison en est assez simple. […] Elle est donc très irrationnelle et une simple absurdité. […] Il est assez simple. […] Ils sont donc de simples manœuvres ou de simples maniaques. […] C’est si simple !

371. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

La description de la Grande-Chartreuse, telle que nous la lisons dans cette lettre datée de 1785, est d’avance une page du Génie du Christianisme, l’une des plus simples et des plus belles : « Le monde n’a pas d’idée de cette paix, c’est une autre terre, une autre nature. […] une existence douce, aimable, à ses foyers ; une grâce simple dans les manières, quelquefois une espèce d’enfance qui joue sérieusement : et tout à coup ensuite sur la scène une existence immense, extraordinaire, terrible, avec une figure grecque et pure et les fureurs d’un lion réveillé. […] Ayant connu Ducis et Bernardin de Saint-Pierre qui tous deux, à cette époque, étaient logés au Louvre, il nous donne quelques détails tout simples et naïfs sur leurs habitudes, leur conversation, leur physionomie. […] Il est évident, au simple coup d’œil, que les lettres de Ducis n’ont pas échappé au sort commun des publications épistolaires, d’être corrigées et un peu arrangées en vue du mieux. […] Dubois (d’Amiens), prouve à quel point Talma n’était pas un conseiller pur et simple dans cette sorte de collaboration avec Ducis, en dehors même de son talent à la représentation.

372. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Le plus simple, ce serait, sans doute, de tout tirer de l’opinion et de servir au public ce qu’on sait être dans la moyenne de ses idées et de son goût : mais ce serait se condamner à la médiocrité, à la banalité. […] La vraisemblance encore soumettait la tragédie aux unités ; et la vraisemblance enfin imposait à la tragédie un langage simple et naturel, sans pompe et sans déclamation. […] Il faut que l’expression soit simple, exacte, ni burlesque ni emphatique : afin de montrer ce qui est. […] Le soin qu’il a de distinguer les faux ornements, l’incessant rappel de l’art à la nature, les préceptes incessamment réitérés d’être simple, et de ne dire que ce qu’il faut, tout nous persuade que ce qu’il entend en somme par orner les choses, ce n’est que les exprimer par les moyens de l’art, et les couler dans la forme propre à chaque genre. […] Par l’emploi des termes propres et simples.

373. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Il nous a redonné — énervés, diffus, alambiqués, dans un style plus lâché que simple — l’amour-estime, les discours sur les matières d’État, et la politique en maximes, les grandioses scélérats qui raisonnent leur scélératesse, les orgueilleuses princesses qui combattent leur amour par leur gloire. […] Sa tragédie est donc simple, chargée de peu de matière, aussi purgée que possible de roman. […] Sous les noms héroïques, à travers les infortunes et les crimes extraordinaires, c’est la simple, générale, humaine vérité que Racine veut montrer : outre la politique, cela exclut l’intrigue romanesque, les moyens compliqués ou surprenants. […] Le style est pareil : simple et naturel avant tout, juste, précis, intense, rasant la prose, comme disait Sainte-Beuve. […] Il n’y a que deux enfants qui comptent dans la littérature classique : la petite Louison, naïve et futée, le petit Joas, simple, candide, répétant sa leçon avec une gravité dévote d’enfant de chœur.

374. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Il n’y avait rien à tout cela que de très simple. […] Ce vers bien simple, qui faisait allusion à l’armée de la Loire, était toujours couvert d’applaudissements. […] Ce personnage ouvert et chevaleresque, qui dirigeait les Beaux-Arts et l’Opéra dans un sens moral, était chaque semaine très harcelé dans Le Mercure ; il crut tout simple de faire parler à son bon voisin de campagne, M. de Latouche, pour lui demander une trêve ou la paix. […] L’explication finale qu’en donnait, à la dernière page du roman, Mme de Duras, était parfaitement simple, et selon les scrupules de la morale. […] Pourquoi fuir si vite ces choses simples que vous sentiez pourtant par éclairs, et vous aller embarrasser à plaisir dans les tortuosités de vos propres voies ?

375. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Ce simple hommage de la vérité, à un labeur considérable, à une œuvre de haute importance n’a jamais été offert, et il serait temps de le tenter. Après l’injure et après l’encens, il y a place encore pour la justice et pour un simple regard d’humanité vers l’un de ceux dont nous sortons. […] Nous n’admettons pas que l’homme seul existe et que seul il importe, persuadés au contraire qu’il est un simple résultat, et que pour avoir le drame humain réel et complet, il faut le demander à tout ce qui est. »9. […] Je ne sais pourquoi quelques-uns de ses personnages et de ses tableaux m’apparaissent comme un artifice de réalité, et me semblent créés par la volonté violente d’un esprit tout plein d’une formule, au lieu de jaillir naturellement du contact de la nature, du pur et simple sentiment de vie dans l’être du romancier. […] Prendre un coin de vie et en cataloguer chaque détail, y placer une personne vivante et décrire chaque spectacle, chaque odeur et chaque son autour d’elle, quoique cette personne puisse être absolument inconsciente de ces spectacles, de ces odeurs et de ces sons, — ceci réduit à la plus simple forme, est la recette pour faire un « roman expérimental ».

376. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Si, de plus, il sait bien voir, s’il ne croit pas, de parti pris, la société uniquement composée de femmes infidèles, de maris à plaindre, de fats, d’escrocs et d’égoïstes, je demande s’il n’aurait pas quelque chance de rencontrer des exemples de haute et pure vaillance, de dévouement sans espoir, de richesse très simple ou de pauvreté très fière, dans un monde où certaines vertus sont d’une trempe plus fine ? […] La foule est grossière ; sa psychologie se réduit à des éléments par trop simples pour être curieux ; elle pense à peine ; elle ne rêve pas ; elle ressemble à une pierre rugueuse, que tout l’effort de l’artiste ne rendra pas agréable à l’œil. […] L’histoire commune est bien plus simple. […] Un homme qui est doué pour l’observation possédera vite, en lui-même, une collection d’images prises au hasard des chemins, incomplètes, fragmentaires, simples apparitions de la vie dans un moment de la durée, et qui ne sont que des éléments de personnages, des traits dispersés, des croquis pareils à ceux des peintres. […] Simples figures d’abord, ébauches où dort une âme frêle, ils se développent, ils parlent, ils prennent une fermeté de traits où l’on sent que l’heure est proche de la vie agissante.

377. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

« Il est un pays dans le monde, se dit-il, où la grande révolution sociale semble avoir à peu près atteint ses limites naturelles ; elle s’y est opérée d’une manière simple et facile, ou plutôt on peut dire que ce pays voit les résultats de la révolution démocratique qui s’opère parmi nous, sans avoir eu la révolution elle-même. » Il nous emmène donc avec lui en Amérique pour y étudier le principe dominateur et générateur des sociétés modernes, l’égalité des conditions ; pour l’y contempler en ce vaste espace, où ni les souvenirs historiques, ni les décombres d’anciennes institutions ne l’ont comprimé ; pour l’y voir en jeu et vivifié de toute sa moralité, grâce à l’esprit religieux qui, là, s’est trouvé uni dès le début à l’ardeur laborieuse. […] « Ainsi, dit M. de Tocqueville, cette théorie (la nécessité de partager l’action législative en plusieurs Corps) à peu près ignorée des républiques antiques, introduite dans le monde presque au hasard, ainsi que la plupart des grandes vérités, méconnue de plusieurs peuples modernes, est enfin passée comme un axiome dans la science politique de nos jours. » Il y a loin de cette prudente et saine façon de raisonner à tout ce qu’imaginent encore les uns sur les vertus inhérentes à une Chambre aristocratique et de grande propriété qu’ils voudraient reconstituer artificiellement, et à tout ce que déduisent les autres d’extrêmement logique sur l’unité simple d’une Chambre ou Convention souveraine qu’aucun pouvoir collatéral ne contrôlerait. […] Le style dans lequel est écrit l’ouvrage de M. de Tocqueville est simple, sobre, mesuré avec une sorte d’harmonie régulière, séante au sujet.

378. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

. — Contes tout simples (1894). — Pour la Couronne (1895). — Le Coupable, roman (1897). — Les Vrais Riches (1898) […] Il fallait l’outil si souple et si simple de M.  […] Il plaît aux simples par la simplicité vraie de ses conceptions, aux raffinés par le raffinement merveilleux de son faire ; et c’est pourquoi — rare exception ! 

379. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Gautier, se sont faits modestes pour lui, et comme cet écrivain n’a peint ces entrailles d’où jaillissent le pathétique et la passion dans les œuvres, ils ont prétendu que le roman qu’il publie aujourd’hui n’avait jamais été, dans la pensée et le dessein mêmes de l’auteur, qu’un simple roman d’aventure. […] Ici, j’ai cru, je l’avoue, un moment, que les aventures de ce soi-disant roman d’aventure allaient naître, mais je n’ai vu rien suivre de plus que ces événements assez vulgaires : quelques représentations de la troupe comique à Poitiers, l’amour furieux d’un certain duc de Vallombreuse, beau comme le jour, pour la jeune fille aimée de Sigognac avec une chasteté et un dévouement chevaleresques, le duel de Sigognac avec le duc qu’il blesse, — plus tard, l’enlèvement d’Isabelle par ce duc enragé et son contre-enlèvement par Sigognac, enfin la reconnaissance d’Isabelle par le père de ce duc de Vallombreuse à la simple vue d’une bague d’améthyste qu’il avait donnée à sa mère, et le mariage d’Isabelle et de Sigognac ! […] Sur cette simple esquisse, Le Capitaine Fracasse est fracassé et même fricassé, et, s’il a mis trente ans à naître, il ne mettra certainement pas trente ans à mourir !

380. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IX. Suite des éloges chez les Grecs. De Xénophon, de Plutarque et de Lucien. »

La Grèce, qui dans ce siècle produisit une foule de grands hommes, n’en a point eu qui ait été plus souvent, ni mieux loué que Socrate ; il est même à remarquer qu’un simple citoyen d’Athènes est devenu plus célèbre que beaucoup de princes qui, les armes à la main, ont changé une partie du monde. […] Il n’y a dans tout cet éloge nul mouvement d’orateur ; c’est la marche simple d’un homme vertueux qui parle de la vertu avec ce sentiment doux qu’elle inspire ; en général, c’est là le mérite des anciens ; nous mettons plus d’appareil à tout, et dans nos actions comme dans nos écrits. […] De ce rapprochement ou de ce contraste, naît le ridicule que les peuples simples ignorent, que les peuples à grand caractère méprisent, mais qui est si à la mode chez toutes les nations, dans cette époque où les vices se mêlent aux agréments, et où l’esprit ayant peu de grandes choses à observer, multiplie par le loisir ses idées de détail.

381. (1900) Molière pp. -283

Sarcey, dans une conférence, avait commencé en lançant un simple mot2 ; ce mot avait soulevé des contradictions. […] Si vous voulez voir ce que Molière dut à la province, vous avez un moyen très simple. […] » Ainsi, c’est toujours la circonstance la plus simple, et en même temps la plus expressive que Molière choisit. Cette circonstance toute simple peut être quelquefois atroce. […] Quant au grand capitaine que César honore du titre de camarade, tu en as peut-être entendu parler de ton vivant ; on l’appelle Paul-Louis Courier, et c’était un simple officier de ton artillerie.

382. (1896) Le livre des masques

C’est ce que Schopenhauer a vulgarisé sous cette formule si simple et si claire : Le monde est ma représentation. […] Cette définition, trop simple, mais claire, nous suffira provisoirement. […] Maeterlinck nous dévoile les simples et pures tragédies. […] Avec lui, on participe aux plaisirs d’une vie normale et simple, aux désirs de la paix, à la certitude de la beauté, à l’invincible jeunesse de la Nature. […] Tailhade n’a aucune des tares grotesques de l’orgueil : nul ne fait plus simplement un métier plus simple, celui de littérateur.

383. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

Il lui faut une expression qui fixe positivement ses idées ; et c’est de cette justesse si rare que naît cette façon de s’exprimer simple, mais sage et majestueuse, sensible à peu de gens autant qu’elle le doit être, et que, faute de la connaître, n’estiment point ces sortes de génies qui laissent débaucher leur imagination par celle d’un auteur dont le plus grand mérite serait de l’avoir vive. […] Pourtant nous voilà bien avertis de l’idéal qu’il s’est choisi ; La Motte est pour lui le beau intellectuel, simple, majestueux, son Jupiter Olympien en littérature et son Homère : l’autre Homère, avec ses grands traits et ses vives images, n’est bon tout au plus qu’à débaucher les esprits. […] S’il est pour les anciens, on lui passera même beaucoup d’esprit et quelque recherche, et on le déclarera simple. […] C’est ici que commence, à proprement parler, le roman : chaque événement va y être détaillé, analysé dans ses moindres circonstances, et la quintessence morale s’ensuivra : « Je ne sais point philosopher, dit Marianne, et je ne m’en soucie guère, car je crois que cela n’apprend rien qu’à discourir. » En attendant et en faisant l’ignorante et la simple, elle va discourir pertinemment sur toutes choses, se regarder de côté tout en agissant et en marchant, avoir des clins d’œil sur elle-même et comme un aparté continuel, dans lequel sa finesse et, si j’ose dire, sa pédanterie couleur de rose lorgnera et décrira avec complaisance son ingénuité. […] Le soin infini que met Marianne à ne pas donner son adresse au jeune homme, à Valville, non point par scrupule, mais par vanité, de peur qu’on ne sache qu’elle n’est que chez une marchande ; puis la manière toute simple en apparence dont elle se décide enfin à la donner, c’est encore un de ces sujets où l’auteur s’exerce à plaisir et plus volontiers même que sur la passion.

384. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

1839 De loin la littérature d’une époque se dessine aux yeux en masse comme une chose simple ; de près elle se déroule successivement en toutes sortes de diversités et de différences. […] Il semble qu’on n’ait pas affaire à un fâcheux accident, au simple coup de grêle d’une saison moins heureuse, mais à un résultat général tenant à des causes profondes et qui doit plutôt s’augmenter. […] Je m’étais figuré toujours, pour ce qu’on appelle la propriété littéraire, quelque chose de plus simple. […] Au lieu d’un livre, est-ce de simples articles qu’on écrit : on traite avec un journal, on remplit mutuellement ses conditions. […] La Société s’engage (c’est tout simple) à aider ses membres, à procurer le placement de leurs travaux, à aplanir aux jeunes gens qui en font partie l’entrée dans la carrière.

385. (1890) L’avenir de la science « II »

Il y a dans cette ardeur spontanée de quelques hommes qui, sans antécédent traditionnel ni motif officiel, par la simple impulsion intérieure de leur nature, abordent l’éternel problème sous sa forme véritable, une ingénuité, une vérité inappréciables aux yeux du psychologue. […] L’homme simple, abandonné à sa propre pensée, se fait souvent un système des choses bien plus complet et plus étendu que l’homme qui n’a reçu qu’une instruction factice et conventionnelle. […] Dans l’Europe moderne, un homme, plutôt que de mourir de faim, trouve plus simple de prendre un fusil et d’attaquer la société, guidé par cette vue profonde et instinctive que la société a envers lui des devoirs qu’elle n’a pas remplis. […] On n’imaginera plus comment un siècle a pu décerner le titre d’habile à un homme comme Talleyrand, prenant le gouvernement de l’humanité comme une simple partie d’échecs, sans avoir l’idée du but à atteindre, sans avoir même l’idée de l’humanité. […] Il est impossible de calculer à quelle profondeur ces deux simples vies se pénétraient.

386. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Un écrivain ayant osé donner je ne sais plus à qui le nom de « roi des peintres », le jésuite protestait avec indignation ; n’était-ce pas un délit de lèse-majesté que le nom de roi attribué à un simple « artisan », comme on disait alors ? […] Il est admis, en ce temps-là, qu’un prince ne marche pas, ne parle pas, ne meurt pas, comme un simple mortel. […] Il adore le gracieux, le joli ; il a pour le beau simple une admiration froide, ou plutôt encore une estime de commande ; il ne comprend guère le sublime. […] Elle a fatigué par un décorum et une solennité qui font regretter souvent des beautés plus simples. […] En ces endroits-là où il n’y a point de femmes et où les conventions mondaines sont réduites à leur plus simple expression, la conversation est plus hardie, plus débridée que dans les salons.

387. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

Quand ces hommes ont de l’esprit, du goût, et une certaine prétention à passer pour littéraires, ils ont une ressource très simple, ils font semblant d’avoir lu. […] Dans ses premières idées de libéralisme, il avait peut-être été plus absolu, plus radical que nous ne l’avons vu depuis ; ou du moins il était libéral en vertu d’idées plus simples, plus directement déduites, plus voisines de celles de Bentham, et en se distinguant peu de l’école positive de MM.  […] Il vota, en juin 1820, pour le nouveau système d’élection qui introduisait le double vote, bien qu’il eût été précédemment pour la loi du 5 février 1817, qui instituait l’élection égale et simple. […] M. de Broglie eut en ces années (1828-1829) un véritable rêve d’homme de bien, de philosophe élevé qui croit à Dieu, à la vérité idéale et suprême, à la vérité et à l’ordre ici-bas, à la perfectibilité de l’esprit humain, à la sagesse et au progrès de son propre temps, au triomphe graduel et ménagé de la raison dans toutes les branches de la société et de la science, dans l’ensemble de la civilisation même : « N’en déplaise aux détracteurs officieux de notre temps et de notre pays, écrivait-il en 1828, tout va bien, chaque jour les saines idées gagnent du terrain ; l’esprit public se forme et se propage à vue d’œil. » Il s’agissait, dans ce cas, d’une simple pétition sur les juges auditeurs ; mais on sent la satisfaction généreuse qui déborde du cœur d’un homme de bien. […] M. de Broglie, et c’est tout simple, n’avait pas été nommé de l’Assemblée constituante.

388. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Lambert et madame Necker. » pp. 217-239

Un jour, au siège devant Gravelines, les maréchaux de Gassion et de La Meilleraye, qui commandaient, avaient eu querelle, et leur démêlé allait jusqu’à partager l’armée : leurs troupes étaient près d’en venir aux mains lorsque le marquis de Lambert, alors simple maréchal de camp, se jeta entre les deux partis et ordonna aux troupes, de la part du roi, de s’arrêter : « Il leur défendit de reconnaître ces généraux pour leurs chefs. […] Comme je suis né simple par goût et peut-être par nécessité, je ne voulus point paraître complice d’un tel travers et je pris congé d’elle. […] Ici l’idée de religion s’agrandit ; elle n’est plus un simple sentiment décent, mais la plus haute des convenances humaines, la fin et le terme des devoirs. […] Parlant de son ami La Motte, et pour caractériser la facilité de ses dons naturels, elle dira : « Ces âmes à génie, si l’on peut parler ainsi, n’ont besoin d’aucun secours étranger. » Le comparant pour ses qualités de fabuliste à La Fontaine, et répondant à ceux qui ont sacrifié l’un à l’autre : « Ils ont cru, dit-elle, qu’il n’y avait pour la fable que le simple et le naïf de M. de La Fontaine ; le fin, le délicat et le pensé de M. de La Motte leur ont échappé. » Le pensé de M. de La Motte est curieux et bien trouvé, mais cela sent la manière. […] Elle répondait fièrement : « Je n’ai jamais eu besoin d’en faire. » On ajoutait qu’elle avait trahi par là une âme tendre et sensible : « Je ne m’en défends pas, répondait-elle ; il n’est plus question que de savoir l’usage que j’en ai su faire. » Cet usage est assez indiqué par ces conseils mêmes, si finement démêlés et si fermement définis : elle éleva son cœur, elle prémunit sa raison, elle évita les occasions et les périls ; elle ménagea ses goûts, et prit sur sa sensibilité pour la rendre durable et aussi longue que la plus longue vie : Quand nous avons le cœur sain, pensait-elle, nous tirons parti de tout, et tout se tourne en plaisirs… On se gâte le goût par les divertissements ; on s’accoutume tellement aux plaisirs ardents qu’on ne peut se rabattre sur les simples.

389. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

… J’entends en moi naître et s’élever la mélodie des élus du silence… Et le solitaire, abîmé sans la contemplation de sa beauté, dont la simple clarté du jour ruinerait l’infinie délicatesse incomprise, se perd de plus en plus dans les abîmes de jouissance qu’il découvre en lui-même, en sculptant sa propre image, d’une main que l’art rend toujours plus mystérieusement habile. […] L’usage des plus simples actions lui cause une perpétuelle horreur, qui se manifeste tantôt par un trouble éperdu et sans cesse croissant, tantôt par de stupéfiantes maladresses, qui provoqueraient l’hilarité du plus petit portefaix dans la rue ; soit par des accidents bizarres que le manque d’audace de la victime empêche seul d’être funestes ; soit encore par un balbutiement qui appelle à son secours les plus précieuses et les plus subtiles finesses du dialogue esthétique, mais qui ne parvient pas à trouver les plus simples mots du langage de tous ; soit enfin par une ignorance, aristocratique mais absolue, des diverses et primaires méthodes par lesquelles un animal des premiers degrés de la création ose instinctivement jouir de la vie. […] Puisque vous n’atteignez dans vos œuvres aucun sens général et positif de la vie, que ses richesses et ses couleurs, ses millions de formes et ses ardeurs, ses printemps et ses hivers, vous sont inconnus et même odieux, je ne vois pas que le travail accompli par le plus simple ouvrier de fabrique soit inférieur à vos précieux produits. […] En laissant de côté l’histoire et la psychopathie et en s’appuyant sur la simple physiologie, il ne serait pas impossible de prouver que la continence, étant anormale, ne peut pas, comme tout ce qui s’oppose au libre jeu des fonctions vitales, ne pas perturber l’organisme, et par conséquent la pensée qui en est la fleur.

390. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

Mais il eut le bon esprit, dès son entrée dans le monde, d’être simple et naturel avec les personnes qu’il savait être ennemies du bel esprit et des pointes, sauf à se dédommager avec les autres. […] Le corbeau de Voiture est mort… » Les lettres des dernières années de Voiture sont incomparablement plus simples, plus naturelles, et de plus d’esprit véritable que celles de sa jeunesse.

391. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

La Fontaine a pris ici le ton le plus simple, et ne paraît pas chercher le moindre embellissement. […] Ce qu’il y a de hardi dans l’expression, d’une musette qui dort, devient simple et naturel, préparé par le sommeil du berger et du chien.

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