/ 2186
282. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — II »

Il est permis de supposer que sa compréhension de tant de parties de la science auxquelles il était étranger par des recherches personnelles lui vint de la familiarité où il vécut dès ce temps avec M.  […] Un jour, nous pourrons discuter s’il n’eût pas été un plus fier génie en suivant l’intransigeante verve qu’on voit dans son livre de début, dans cet Avenir de la Science tout plein de l’ivresse des bibliothèques et des laboratoires. […] Son état d’âme à sa sortie de Saint-Sulpice, quand il chantait à la science un hymne qui semblait-contredire son Pater de Breton, c’est exactement l’état d’âme de la génération dont il allait être le directeur.‌ […] Et de là il résulte, entre autres conséquences fort graves, que la notion du devoir où il nous invite ne nous paraît nullement nécessitée par la conception de l’univers qu’il nous propose d’après les sciences naturelles.‌

283. (1923) Les dates et les œuvres. Symbolisme et poésie scientifique

Les poètes philosophes, mais, par leur pessimisme, en contradiction avec la Science et somme toute restant poètes égotistes : de Vigny, Leconte de Lisle, Sully Prudhomme Strada spiritualistes en dehors de la Science. […] Je disais partir de données de la science, des données Evolutives. […] Mais selon lui la tentative d’approprier la littéraire à l’expression de la science était vaine. […] Nous avons appris la Science, et, poètes, nous la voulons poétiquement synthétiser. […] Il n’est de nouveau que la Science et la Vie, et s’il vous faut du Mystère, cherchez-en la dedans, et vous en trouverez !

284. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Au seizième siècle la philosophie chrétienne n’est encore que la science de la religion restaurée le christianisme en fournit le fond et la matière le paganisme en fournit la méthode. […] Voilà ce qui fit une si grande nouveauté de ce livre, où Calvin se montrait à la fois profond hébraïsant, latiniste consommé, également savant dans les deux antiquités, et rendant sensible toute cette science par le langage le plus approprié et le plus clair. C’était la première fois que ces saintes matières étaient dégagées des ténèbres dont les avait couvertes le moyen âge, et que la raison et la science rendaient compte des vérités de la foi. […] On n’y trouve aucun mélange des vérités appartenant à ces deux sciences. […] Voir le recueil des Mémoires de l’Académie des sciences morales et politiques.

285. (1888) Poètes et romanciers

L’orgueil de l’esprit, de la science, est la plus haute volupté de l’homme. […] Un morcellement s’opère dans la sagesse primitive ; le roi se distingue du prêtre, le philosophe du poète, la science morale de la science physique. […] On a dit souvent que la science détruit la faculté de voir les choses avec illusion. L’idéal périt avec le mystère et le mystère disparaît à mesure que la science avance. […] La science et l’art ont également un objet infini.

286. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Et le drame n’y gagne pas ce que la science a perdu. […] Cet aéroplane est, je le sais, un symbole de la science. Mais, justement, on se demande si peut-être Bjœrnson ne compte pas un peu trop sur la science, — oui, sur la qualité religieuse de la science. […] Ils disent que la science est faite ; mais la science les a refaits. […] Il la transforme en une science des réalités.

287. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Dans ce livre, M. de Goncourt a de nouveau consigné toutes les originales beautés de son art, l’acuité de sa vision, la délicatesse de son émotion et la science de sa méthode, la sorte particulière de style qui procède de cette sorte particulière de tempérament. […] Que l’on réfléchisse que cette méthode où le fait concret et caractéristique prime le général, que M. de Goncourt parmi les romanciers observe seul scrupuleusement, est celle des sciences morales modernes, qui l’ont prise aux sciences naturelles ; que M.  […] Il a acquis quelques-uns des caractères qui différencient les livres de science des livres d’art. […] Et qui voudrait se plaindre de cette délicate complexité, cause et condition d’une science plus vraie ? […] Enfin le possesseur de cette curieuse intelligence, il faut le figurer jeté dès sa jeunesse, avec son frère et son semblable, dans les remous de la vie parisienne, promenant l’aigu de son observation, la délicate nervosité de son humeur, dans le monde des petits journaux, des cafés littéraires, des ateliers, dans les grands salons de l’empire, habitant aujourd’hui une maison constellée de kakémonos et rosée de sanguines, le cerveau nourri par une immense et diverse lecture : à la fois érudit, artiste et voyageur, au fait de l’esprit des boulevards, de celui de Heine et de celui de Rivarol, instruit des très hautes spéculations de la science, l’on aura ainsi la vision peut-être exacte, en ses parties et son tout, de cet artiste divers, fuyant exquis, spirituel, poignant, solide  l’auteur des livres les plus excitants et les plus suggestifs de cette fin de siècle.

288. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 367-370

GALLOIS, [Jean] Professeur en Grec au Collége Royal, de l’Académie Françoise & de celle des Sciences, né à Paris en 1632, mort dans la même ville en 1707. […] Les extraits qu’ils contiennent, sont d’un esprit consommé dans chaque Science. […] Peut-être les Sciences & les Arts, auxquels il s’attache plus particuliérement, en éloignent-ils le commun des Lecteurs.

289. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

C’est ce qui a eu lieu incontestablement dans l’ordre des sciences physiques et mathématiques ; il faut espérer qu’il finira par en être de même dans l’ordre moral. […] Rien n’est moins contesté aujourd’hui que la liberté de penser dans les sciences physiques et naturelles et dans les sciences mathématiques. Combattre un calcul ou une expérience par un nom, par un texte, par une autorité, n’est plus dans nos mœurs, et l’on ne serait guère accueilli à l’Académie des sciences en invoquant l’autorité d’Aristote ou de saint Thomas contre une démonstration de Laplace ou d’Ampère ; mais il n’en a pas toujours été ainsi. […] Galilée a affranchi pour toujours les sciences physiques et mathématiques. Que l’on nous explique cette liberté de fait conquise par ces sortes de sciences, si l’on admet que cette liberté de penser est en soi une chose mauvaise.

290. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

La décadence des principes qui avaient fait la force et la grandeur de l’âme féodale, les victoires de l’intérêt sur l’honneur, de la ruse sur la force, de la sagesse pratique sur la folie idéaliste, l’infiltration de la science cléricale dans le monde laïque, moins sévèrement enfermé dans l’abstraction, moins étroitement contenu par l’orthodoxie théologique, l’essor du bon sens bourgeois et de la logique disputeuse, l’éveil de la curiosité, de la critique, du doute, et la diffusion d’un esprit grossièrement négatif et matérialiste, tout cela, dans ce xive et ce XVc siècle qui sont moins le moyen âge que la décomposition du moyen âge, fait naître et fleurir toute sorte de genres, narratifs, didactiques, satiriques, prose ou vers, contes, farces, allégories. […] Au xvie  siècle, affranchi par l’antiquité retrouvée sinon matériellement dans ses œuvres, du moins dans son véritable esprit, éveillé au sens de l’art par la vision radieuse que lui offre l’Italie, le génie français crée ou emprunte les formes littéraires capables de satisfaire ses besoins nouveaux de science et de beauté. Il se fait au xviie  siècle comme une conciliation ou plutôt un juste équilibre de la science et de la loi d’un côté, de l’autre de la science et de l’art : révélation et rationalisme, vérité et beauté, l’un ou l’autre de ces deux couples est la formule de presque tous les chefs-d’œuvre.

291. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

On peut appeler, si l’on veut, la politique la science du gouvernement ou la « science royale ». […] La science peut-être. […] Ce sont des sciences nobles. […] C’est la plus belle des sciences, la plus noble ; c’est la science sublime, c’est la science divine. […] Commençons d’abord par écarter les plaisirs bas et les sciences inférieures, plaisirs de besoin, sciences de nécessité.

292. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

La Science s’opposait communément à l’Art et à la Littérature. […] On oppose sans cesse la Littérature et la Science. […] La Religion et la Science. […] Le problème de la banqueroute de la Science est un nombre.‌ […] La Science, au lieu de fausser l’Art, se coule en lui.

293. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Déjà la science des étymologies commence à n’être plus une science aussi conjecturale. […] Les uns ont entendu par discours vrai une science qui établit la vraie filiation des mots. Les autres ont entendu par discours vrai une science qui établit le vrai rapport ou le rapport primitif des mots avec les choses. […] Dans ce sens, le mot étymologie voudrait dire la science de la vérité, et je pense que c’est ce que les anciens entendaient. […] L’enfant invente sa langue dans le sens que l’homme invente la science qui lui est enseignée, dans le sens que le lecteur d’un livre invente aussi le livre qu’il lit.

294. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre III. La poésie : V. Hugo et le Parnasse »

De là ces énumérations écrasantes dont il nous étourdit : sa vanité, de plus, s’y détecte dans une apparence de science qui produit l’impression d’un monstrueux pédantisme. […] Et la philosophie qu’il présente, tout imprégnée de science, attentive aux découvertes, aux hypothèses de l’histoire naturelle, de la physique, est bien une philosophie d’aujourd’hui. A la métaphysique joindre la science, cela est d’un poète que la difficulté n’effraie pas. […] Plus heureuse est l’épopée symbolique du Bonheur : ni les sens, ni la pensée, ni la science ne donnent le bonheur ; il est uniquement, absolument dans le sacrifice. […] Sully Prudhomme, elle s’allie à la philosophie et à la science.

295. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Par leur sérieux, par leur méthode, par leur exactitude rigoureuse, par leur avenir et leurs espérances, tous deux se rapprochent de la Science. » Et M.  […] L’essor spontané et soudain des sciences expérimentales n’eut point suffi à susciter cette hérésie. […] Et l’on vit, la science aidant, d’aussi divers esprits que les Goncourt, Zola, Bourget, adopter, pratiquer, prêcher sous divers noms une doctrine unique. […] qu’y gagna la Science ? […]   Auprès d’un empirisme à tel point volontaire, systématique et affirmé, étayé sur la science, représenté par des esprits si justement célèbres, le Parnasse sénile et son formisme inconsistant ne comptaient guère.

296. (1890) L’avenir de la science « I »

Non seulement il négligea totalement le vrai et le beau (la philosophie, la science, la poésie étaient des vanités) ; mais, en s’attachant exclusivement au bien, il le conçut sous sa forme la plus mesquine : le bien fut pour lui la réalisation de la volonté d’un être supérieur, une sorte de sujétion humiliante pour la dignité humaine : car la réalisation du bien moral n’est pas plus une obéissance à des lois imposées que la réalisation du beau dans une œuvre d’art n’est l’exécution de certaines règles. […] Un système de philosophie vaut un poème, un poème vaut une découverte scientifique, une vie de science vaut une vie de vertu. […] Mais il y a dans les branches diverses de la science et de l’art deux éléments parfaitement distincts et qui, également nécessaires pour la production de l’œuvre scientifique ou artistique, contribuent très inégalement à la perfection de l’individu : d’une part, les procédés, l’habileté pratique, indispensables pour la découverte du vrai ou la réali-sation du beau ; de l’autre, l’esprit qui crée et anime, l’âme qui vivifie l’œuvre d’art, la grande loi qui donne un sens et une valeur à telle découverte scientifique. […] Il y a un grand foyer central où la poésie, la science et la morale sont identiques, où savoir, admirer, aimer sont une même chose, où tombent toutes les oppositions, où la nature humaine retrouve dans l’identité de l’objet la haute harmonie de toutes ses facultés et ce grand acte d’adoration, qui résume la tendance de tout son être vers l’éternel infini. […] À vrai dire, ces mots de poésie, de philosophie, d’art, de science, désignent moins des objets divers proposés à l’activité intellectuelle de l’homme que des manières différentes d’envisager le même objet, qui est l’être dans toutes ses manifestations.

297. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « L’abbé Galiani »

II Ce léger d’esprit, qui se pliait avec la souplesse du chat de Bergame aux choses les plus antipathiques aux esprits légers, était propre à tout, — aussi bien aux sciences qu’à la littérature, — et c’est par la science qu’il commença sa célébrité. Presque au sortir des écoles, antiquaire et numismate déjà (deux sciences de vieillards !) […] … Il était, comme Galiani, de ceux-là qui portent une science énorme, qui leur semble naturelle tant ils se la sont assimilée vite ! […] Ils sont tout à la fois les Calibans de la science et les Ariels de l’imagination et de l’esprit… Ils réunissent tous les contrastes.

298. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

Le but et les méthodes de cette science vont-ils apparaître dans dix ans à nos successeurs immédiats sous le même jour qu’à nous-mêmes ; ou au contraire allons-nous assister à une transformation profonde ? […] Si nous nous sentions tentés de risquer un pronostic, nous résisterions aisément à cette tentation en songeant à toutes les sottises qu’auraient dites les savants les plus éminents d’il y a cent ans, si on leur avait demandé ce que serait la science au XIXe siècle. […] Dirons-nous que la première a été inutile, que pendant cinquante ans la science a fait fausse route et qu’il n’y a plus qu’à oublier tant d’efforts accumulés qu’une conception vicieuse condamnait d’avance à l’insuccès ? […] Les cadres ne se sont donc pas brisés parce qu’ils étaient élastiques ; mais ils se sont élargis ; nos pères, qui les avaient établis, n’avaient pas travaillé en vain ; et nous reconnaissons dans la science d’aujourd’hui les traits généraux de l’esquisse qu’ils avaient tracée.

299. (1903) La renaissance classique pp. -

L’esthétique mal définie qu’ils avaient empruntée à la science les a conduits en quelque sorte à se contredire eux-mêmes. […] Qu’il soit bien entendu que nous n’avons rien à voir avec la science. […] Il ne s’agit point de savoir quelle est la première en dignité de la science moderne ou de l’antique poésie. […] Même en entrant dans le domaine réservé de la science, nous resterons des poètes. […] C’est alors que le poète fait appel à sa science.

300. (1904) En méthode à l’œuvre

D’autre part, ce sont des spéculations mystérieuses où, comme hanté des vieilles religions philosophiques de l’Orient, le poète trouve les formes des vérités naturelles et éternelles, qu’il accorde avec les données de notre science moderne. S’appuyant sur la science, d’une Métaphysique à une Éthique va sa « Philosophie évolutive » d’où l’Œuvre entière découlera répondant à son concept, que : « toute œuvre poétique n’a de valeur eue si elle se prolonge en suggestion des lois qui ordonnent et unissent l’être total du monde, évoluant selon de mêmes rythmes ». […] Il en est, il est vrai, de notre génération ou même d’une précédente, qui peut-être du heurt avertisseur (et qui doit à nouveau éveiller les dons prophétiques) dont les sommèrent les Sciences nouvelles, oui, sentirent qu’ils devaient des données du monde et de l’homme, dans l’Intellect. […] dominera : et telle elle sera, savante et suggestive en partant des données des Sciences à leurs points d’identité, en une langue savamment multisonnante, — ou elle n’a plus droit d’exister. […] — Donc, son plus de science (d’où son plus d’âme-consciente) détermine son plus de « valeur morale ».

301. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Encore qu’il cultive une science fantastique, il lui cherche un solide terrain. […] Keim qui le fait remarquer, Helvétius avait la plus grande confiance dans la science. […] Peut-être même y trouverait-on les éléments d’une science nouvelle. […] La vraie science aussi est située au-delà de la science. […] La science vaut ce que vaut le savant.

302. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 230-234

Peu d’Ecrivains, sans se faire un objet capital de l’étude des Belles-Lettres & des Sciences, ont acquis plus d’érudition, & ont su en faire un usage aussi estimable & aussi utile. […] Toutes ces sciences sont suivies, examinées dans leurs différens progrès ; & cette seule exposition suffit pour prouver que les Modernes ont réellement ajouté peu de lumieres à ces divers objets de la curiosité humaine. […] Les Lettres & les Sciences ont encore une nouvelle obligation à M.

303. (1890) Nouvelles questions de critique

Gardons-nous donc du fâcheux abus qui se fait aujourd’hui de ces mots de « science » et de « scientifique ». […] Je crois que l’on a prétendu les tenir au courant de la science. […] Dans l’histoire de la science comme dans celle de la littérature, nous avons eu beaucoup de « grands hommes » à meilleur marché. […] La science de Buffon, en plus d’un point, n’est-elle pas plus voisine de la nôtre qu’on ne le dit quelquefois ? […] L’inspiration ou la fantaisie laissent chez eux peu de place à la « science de la facture » ; ils riment parfois étrangement l’un et l’autre ; et ni l’un ni l’autre, — mais Musset surtout, — n’a perdu l’occasion, quand elle s’en présentait, de railler cette « science ».

304. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Mais toute science a son commencement et reste longtemps dans l’enfance. […] L’homme est un univers en abrégé : la psychologie est la science universelle concentrée. […] Si les sciences y prennent quelque développement, ce seront les sciences mathématiques et astronomiques, qui rappellent davantage à l’homme l’idéal, l’abstrait, l’infini. […] Science nouvelle de Vico. […] La Science nouvelle a un autre défaut.

305. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Dans les intervalles de loisir que lui laissaient les incidents prolongés et les lenteurs de sa mission, il cultivait les sciences et les savants. […] Le tour de son esprit pourtant le ramène toujours à la pratique et à l’usage qu’on peut tirer de la science pour la sûreté ou le confort de la vie. […] Il avait foi à la science expérimentale et à ses découvertes croissantes ; il regrettait souvent, vers la fin de sa vie, de n’être pas né un siècle plus tard, afin de jouir de tout ce qu’on aurait découvert alors : Le progrès rapide que la vraie science fait de nos jours, écrivait-il à Priestley (8 février 1780), me donne quelquefois le regret d’être né sitôt. […] En même temps, il a le bon sens de regretter que la science morale ne soit pas dans une voie de perfectionnement parallèle, et qu’elle fasse si peu de progrès parmi les hommes. […] Il la considérait comme une navigation dont la traversée est obscure et dont le terme est certain, ou encore comme un sommeil d’une nuit, aussi naturel et aussi nécessaire à la constitution humaine que l’autre sommeil : « Nous nous en lèverons plus frais le matin. » Arrivé en Amérique, salué de ses compatriotes et ressaisi par le courant des affaires publiques, Franklin porte souvent un regard de souvenir vers ces années si bien employées, et où l’amitié et la science avaient tant de part.

306. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Sieyès. Étude sur Sieyès, par M. Edmond de Beauverger. 1851. » pp. 189-216

Quand on les médite plein du seul désir de l’intérêt public, on est obligé à chaque page de se dire que la saine politique n’est pas la science de ce qui est, mais de ce qui doit être. Peut-être un jour se confondront-elles, et l’on saura bien alors distinguer l’histoire des sottises humaines de la science politique. […] Je ne devine pas pourquoi on a voulu prescrire une même marche à toutes les sciences, sans consulter la différence essentielle de leur objet et de leur génie. […] J’y trouve l’abbé Sieyès ; il disserte avec beaucoup de suffisance sur la science du gouvernement, méprisant tout ce qui a été dit sur ce sujet avant lui. […] [NdA] Et cette autre pensée sur la religion, c’est du Lucrèce encore : « L’homme arrivé sur la terre observe pour jouir ; il commence à se former la science des causes.

307. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XIII. »

Dans les sciences qui dépendent surtout de l’observation et du temps, les esprits avancèrent, depuis Euclide et depuis Conon divinisant par une flatterie astronomique la chevelure de la reine Bérénice, jusqu’aux grands travaux d’Hipparque et de Ptolémée. […] Empreints par leur date et l’état du monde gréco-barbare d’un caractère de curiosité savante et de subtilité, ils gagnaient surtout à se rapprocher et à s’étayer de quelques découvertes de la science. Ils embrassèrent, avec la vue du ciel, des notions plus exactes de la terre ; ils appliquèrent même la poésie aux phénomènes célestes, à la géographie, aux sciences naturelles, à l’ait de guérir. […] Mais, à part ces conséquences lointaines de la politique adoptée par les Ptolémées dans la fondation de leur éphémère empire, il faut reconnaître dans la science et l’esprit d’Alexandrie une autre influence religieuse que celle du polythéisme égyptien ou grec. […] Ainsi moi, puissé-je avec ma science de bien dire, célébrer Ptolémée !

308. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XI. Des Livres sur la Politique & le Droit Public. » pp. 315-319

L’auteur étoit très-savant, mais il ennuye par sa science même, parce qu’elle est très-mal digérée. […] On trouvera des idées beaucoup plus justes, des principes plus certains, des réfléxions plus sages dans la Science du Gouvernement, où l’on explique les droits, les devoirs des Souverains, ceux des Sujets, &c. en huit vol. […] Mais l’auteur auroit pu se resserrer davantage ; & si l’Esprit des loix péche par trop de précision, la science du gouvernement a un défaut tout contraire.

309. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Quitard »

C’est donc une science, cela ! […] Quitard sera certainement — car ses travaux ne sont pas épuisés par les deux publications qu’il nous donne — l’honneur et l’agrément de cette science, coiffée de grec, qui est, après tout, moins abstraite et moins aride que celle-là dont elle est un démembrement. […] , ce n’est plus une science de mots, mais d’idées ! […] Son Dictionnaire 18 était précédé, en 1842, d’une préface dans laquelle on voyait très bien qu’il sentait l’importance de la science à laquelle il s’était dévoué, mais son Étude sur les proverbes, historique, littéraire et morale 19, prouve beaucoup mieux qu’il sait penser sur ce qu’il aime et ajouter à ses recherches des manières de voir toujours sensées et souvent fines… Or, c’est précisément pour cela, c’est à cause de ses perspicaces facultés historiques, qui dominent les autres chez Quitard, que je m’étonne de rencontrer dans son livre une opinion sur l’origine des proverbes plus générale qu’examinée, et plus badaude que vraiment digne de la sagacité d’un historien. […] Ainsi qu’on le voit, ces reproches s’adressent bien plus à une manière de sentir qui nuit à la conception première de son travail qu’à sa science de parémiographe.

310. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

II J’ai dit que je voulais le faire connaître, non qu’il soit inconnu pourtant ; mais la notoriété de ses travaux, très comptés dans les hauteurs de l’art et de la science, diminue quand il s’agit de ce public dont les mille échos font surtout la gloire. […] Si vous parcouriez, en effet, les académies de l’Europe, et il est de presque toutes, excepté, bien entendu, de celles de son pays, et si vous leur demandiez, à ces académies, pour votre édification personnelle, ce que c’est que César Daly, ce que c’est que le fondateur et le directeur de cette encyclopédie de science et d’art qui se publie, depuis plus de vingt ans, sous le titre de Revue générale de l’Architecture et des travaux publics, vous verriez ce qu’on vous répondrait ! […] La science, désintéressée de tout ce qui n’est pas ses résultats et ses découvertes, n’a pas de frontières et ne se cantonne pas exclusivement dans un pays. […] Nous avons l’œuvre spéculative de Daly, cette œuvre d’une haleine immense, qui respire dans les vingt volumes in-4º de la Revue de l’Architecture, et qui continuera d’y respirer pendant peut-être vingt autres encore, nous l’espérons, pour le bonheur de la science du xixe  siècle, qui peut s’y voir, et le profit du xxe qui devra l’y retrouver les jours qu’il aura besoin d’elle ! […] Conçue avec une rare grandeur et un dévouement absolu à l’art et à la science, les deux choses auxquelles il croit le plus, la revue de Daly n’est pas qu’une chronique des découvertes et des travaux contemporains rédigée par des artistes ou des savants dont il serait l’inspirateur et le guide.

311. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre VI. Bossuet et Bourdaloue »

Vincent, comme on l’appelait, était ennemi de l’éloquence : il ne pouvait souffrir l’esprit, la pompe, la science étalée et ronflante. […] C’est que cette œuvre catholique est une œuvre de science rationnelle et expérimentale. […] Il va sans dire qu’ils ne sont plus au courant de la science. […] Pendant cinquante ans il n’est pas d’erreur ou de révolte qu’il n’ait combattue de toute sa science et de toute son éloquence. […] Cependant la prédication ne l’occupa point seule : il confessa, il dirigea ; et c’est là qu’il acquit et nourrit cette science du cœur si merveilleuse chez un homme dont nulle passion n’a troublé la vie.

312. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Introduction. Le problème des idées-forces comme fondamental en psychologie. »

C’est par artifice que, pour faire de l’état mental un reflet et de la psychologie une science toute superficielle, on oppose l’état mental, — la sensation par exemple, — à la réalité. […] — Ici encore s’accuse le contraste de la psychologie et des sciences physiques. […] Le subjectif y existe partout, mais il y est toujours incorporé dans l’objectif et devient objet de science parce côté « représentable ». […] Nous avons dit tout à l’heure que la psychologie n’est pas simplement ni essentiellement la science de la représentation ; nous pouvons ajouter maintenant qu’elle est, en dernière analyse, la science de la volonté, de même que la physiologie est la science de la vie. […] On a dit avec raison que la psychologie est la seule science qui, en accomplissant sa tache, finisse par s’occuper (à sa manière propre) de la matière même de toutes les autres sciences.

313. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Croce, d’intervertir ces rapports, et de soumettre l’intuition à la réflexion, l’art à la science, l’individuel à l’universel. […] C’est une grave erreur ; c’est confondre la science avec l’art. […] C’est toute une réaction, nécessaire, qui se dessine, en faveur de l’esthétique et d’une science plus compréhensive. […] C’est un empiétement de la science sur les droits de l’art. […] D’après Platon, le Beau se confond avec le Bien, ou la Perfection, qui est supérieure à la vérité et à la science.

314. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Du Perron, notamment, use de science et de logique ; avec lui l’Eglise romaine se décide à discuter, et à démontrer. […] Ajoutez la science du dogme, et la science du cœur humain, qu’il avait surabondamment. […] L’Eglise catholique, avec Du Perron et François de Sales, achève sa réforme intellectuelle, elle retrouve la science et l’éloquence. […] Puis le divorce de l’érudition et de la littérature est opéré, et l’on trouve de la science sans art comme chez Fauchet ou La Popelinière, ou de l’art sans science, comme chez Du Haillan ou Dupleix258. […] Dupleix (qui meurt en 1661), donne sa première édition en 1621 ; la science qu’il mêle à sa rhétorique vient d’André Duchesne. — A consulter : A.

315. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Flourens, l’un des deux secrétaires perpétuels de l’Académie des sciences, a eu l’idée heureuse d’écrire avec quelque détail l’histoire de ses devanciers, non pas leur biographie, mais l’histoire de leurs travaux et de leurs vues. […] Il a donné le premier exemple et le modèle de ces ouvrages où la science est ornée, enjolivée et sophistiquée à l’usage des dames, de ces ouvrages métis, tels qu’en ont composé sur divers sujets les Pougens, les Aimé Martin, ces émules de Demoustier encore plus que de Fontenelle : c’est là le côté frivole. […] Flourens a présenté en toute lucidité ce second et dernier Fontenelle ; il l’a dépouillé non pas de ses particularités, mais de ses petitesses, et nous l’a fait voir au seuil du sanctuaire, investi de la dignité des sciences, leur juste interprète aux yeux de tous, sans solennité aucune, et ne les rabaissant pourtant jamais que moyennant une familiarité noble et décente. […]  » Fontenelle est le premier secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences qui ait écrit en français ; son prédécesseur Du Hamel écrivait encore en latin. […] Dans les deux préfaces qu’il a mises à l’Histoire de l’Académie des sciences (l’Histoire de 1699 et celle de 1666), il a atteint à une véritable perfection, encore agréable et presque sévère.

316. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre V »

C’est une ruse qui augmente plutôt leur prestige que leur science. […] Les médecins modernes n’ont presque rien inventé de plus absurde, mais ils ont inventé davantage et renouvelé à la fois leur science et l’art d’en voiler la faiblesse… » « Les médecins, dit avec sagesse M.  […] Dr Albert Prieur, La science et le théâtre, de l’Évasion aux Avariés, Mercure de France, décembre 1901, p. 667. […] Dr Albert Prieur, La science et le théâtre, Mercure de décembre 1901, p. 602.

317. (1867) Le cerveau et la pensée « Avant-propos »

Si cette science venait à établir rigoureusement les rapports que vous trouvez si incertains, s’ensuivrait-il que le matérialisme eût raison, et que l’âme fût une chimère ? […] Je préviens donc, afin que personne n’en ignore, que je n’ai rien voulu dire autre chose que ceci : c’est que, dans l’état actuel de la science, rien n’est moins démontré que la dépendance absolue de la pensée à l’égard du cerveau. Que dira plus tard la science à ce sujet ? […] On nous dit encore : Est-il bien vrai que la science n’ait rien établi jusqu’ici sur les rapports du cerveau et de l’intelligence ?

318. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Lorsqu’un ouvrage traite de sciences ou de connoissances purement spéculatives, son mérite ne tombe point sous le sentiment. […] Ainsi les géometres, les médecins et les théologiens, ou ceux qui sans avoir mis l’enseigne de ces sciences ne laissent pas de les sçavoir, sont les seuls qui puissent juger d’un ouvrage qui traite de leur science. […] Dès que les sciences dont j’ai parlé ont operé en vertu de leurs principes, dès qu’elles ont produit quelque chose qui doit être utile ou agréable aux hommes en general, nous connoissons alors sans autre lumiere que celle du sentiment, si le sçavant a réussi.

/ 2186