Exprimer l’humanité dans une espèce d’œuvre cyclique ; la peindre successivement et simultanément sous tous ses aspects, histoire, fable, philosophie, religion, science, lesquels se résument en un seul et immense mouvement d’ascension vers la lumière ; faire apparaître, dans une sorte de miroir sombre et clair ― que l’interruption naturelle des travaux terrestres brisera probablement avant qu’il ait la dimension rêvée par l’auteur ― cette grande figure une et multiple, lugubre et rayonnante, fatale et sacrée, l’Homme ; voilà de quelle pensée, de quelle ambition, si l’on veut, est sortie la Légende des Siècles.
La religion apparaît, comme elle doit apparaître, par des émotions et des visions ; car ce n’est point une âme calme que celle-ci ; l’imagination s’y déchaîne au moindre heurt et l’emporte jusqu’au seuil de la folie. […] Les uns, alarmés par la fougue d’un tempérament trop nourri et par l’énergie des passions insociables, ont regardé la nature comme une bête dangereuse, et posé la conscience avec tous ses auxiliaires, la religion, la loi, l’éducation, les convenances, comme autant de sentinelles armées pour réprimer ses moindres saillies. […] III « Paméla ou la vertu récompensée, suite de lettres familières, écrites par une belle jeune personne à ses parents, et publiées afin de cultiver les principes de la vertu et de la religion dans les esprits des jeunes gens des deux sexes, ouvrage qui a un fondement vrai, et qui, en même temps qu’il entretient agréablement l’esprit par une variété d’incidents curieux et touchants, est entièrement purgé de toutes ces images qui, dans trop d’écrits composés pour le simple amusement, tendent à enflammer le cœur au lieu de l’instruire. » On ne s’y méprendra pas, ce titre est clair1037. […] La religion arrive dans un demi-aveu sublime pour voiler l’amour. « Oh ! […] Voici une phrase célèbre qui donnera quelque idée de ce style, assez semblable à celui de Thomas : We were now treading that illustrious island which was once the luminary of the Caledonian regions, whence savage clans and roving barbarians derived the benefits of knowledge and the blessings of religion.
Il n’y a qu’une chose à laquelle une femme ne permette pas qu’on insulte, c’est sa religion. […] A-t-il, dans Tartuffe, attaqué la religion, l’esprit religieux ? […] Car enfin, ce n’est pas la « fausse religion » qui a séduit et abêti Orgon. […] C’est de la vraie religion et de ses maximes, prêchées par un coquin, mais de qui il ignore la coquinerie ; et donc c’est la religion pure et simple qui a réduit Orgon à l’état où nous le voyons. […] Pour avoir matière de véritable tragédie lyrique, il fallait entreprendre un drame dont la religion fût le fond même.
Une telle enfance menait naturellement M. de Fontanes à placer son idéal chrétien dans la religion de Fénelon. […] En somme, la religion du Jour des Morts est une religion toute d’imagination, de sensibilité, d’attendrissement (le mot revient sans cesse) ; c’est un christianisme affectueux et flatté, à l’usage du xviiie siècle, de ce temps même où l’abbé Poulle, en chaire, ne désignait guère Jésus-Christ que comme le Législateur des chrétiens. […] Nous saisissons sur le fait la contradiction naïve chez Fontanes : le lendemain de cette ode toute grecque, il retrouvait les tons chrétiens les plus sérieux, les mieux sentis, en déplorant avec M. de Bonald la Société sans Religion 148. […] tu nous donnas des lois ; Nos arts sont tes bienfaits : ton céleste génie Arracha nos aïeux au gland de Chaonie ; Et la Religion, fille des immortels, Autour de ta charrue éleva ses autels. […] — Pour compléter cet ensemble des relations de Fontanes avec l’Empereur, il y aurait encore à relever les divers traits honorables que M. le chevalier Artaud a consignés avec un zèle d’admirateur et d’ami dans son Histoire de Pie VII, les courageux et persévérants conseils qui poussaient à restaurer civilement la religion, et à honorer ses ministres devant les peuples ; ce mot a échappé à Napoléon dans l’affaire du Sacre : « Il n’y a que vous ici qui ayez le sens commun. » Oserons-nous croire pourtant avec M.
Mme de Charrière écrivait alors ses lettres politiques sur la révolution tentée en Hollande par le parti patriote, et Benjamin Constant, par émulation, se mit à tracer la première ébauche de ce fameux livre sur les religions qu’il fut près de quarante ans à remanier, à refaire, à transformer de fond en comble. […] De l’autre côté de la même table, il écrivait sur des cartes de tarots, qu’il se proposait d’enfiler ensemble, un ouvrage sur l’esprit et l’influence de la religion ou plutôt de toutes les religions connues. […] — On raconte qu’un jour, une nuit, peu de temps avant la publication de l’ouvrage, quelqu’un rencontrant Benjamin Constant dans une maison de jeu, lui demanda de quoi il s’occupait pour le moment : « Je ne m’occupe plus que de religion », répondit-il. […] Nous revenons au séjour de Benjamin à Colombier ; il y concevait donc son livre sur les religions, il donnait son avis sur les écrits de Mme de Charrière et en épiloguait le style. […] Il défend la noblesse, et l’exclusion des sectaires, et l’établissement d’une religion dominante, et autres choses de cette nature.
Il se mettait par là en dehors de la loi commune ; il cultivait un genre d’idées qui nous sont peu familières et dont nous n’acquérons même le goût que par une très longue et très soigneuse éducation ; bien plus : il les cultivait avec un exclusivisme hautement affiché, et tandis que nos sociétés modernes sont fondées sur la religion du Bien, il prétendait, lui, à l’image des sociétés païennes, établir sa vie et ses mœurs sur la religion du Beau. […] Elle est ainsi parvenue à constituer, comme une religion littéraire, le culte du vide pratiqué par une société de rhéteurs ; elle a proscrit, en tant qu’adjonction parasite, tout ce qui n’était pas l’harmonie du rythme, la richesse et la rareté de la rime. […] Les chansons de gestes, conçues et composées aux heures de splendeur et de force du sentiment chrétien, ne contiennent pas trace de ce mode de composition ; il grandit au contraire, il domine, au moment où la religion du Christ semble perdre sa prépondérance incontestée. […] il absorbe l’art, la philosophie, la littérature, la religion, et ce qu’en diront les penseurs intéressera toujours, puisque dans l’univers sans bornes tout se ramène à lui. […] Au-dessus, plane cette affreuse religion de Moloch qui exige comme offrande au dieu le sacrifice d’enfants bridés vifs, ou ce culte ambigu de Tânit, la déesse servie par des courtisanes et par des prêtres émasculés.
Ce qui est du moins certain, c’est que, de tout temps, avant d’être une règle de conduite intérieure pour lui, la religion a été pour Louis XIV une affaire d’État. […] Renan de parler longtemps sans s’inquiéter de l’au-delà, la philosophie le ramène à la religion qu’il n’aime guère, mais dont il reconnaît la nécessité, pour quelques-uns du moins. […] Un immense abaissement moral, et peut-être intellectuel, suivrait le jour où la religion disparaîtrait du monde. Nous pouvons nous passer de religion parce que d’autres en ont pour nous. […] Renan, c’est qu’elle prêche la gaîté : On m’a reproché de beaucoup prôner cette religion, facil
La question se réduirait à savoir s’il est licite, ou non, de s’expliquer librement sur la religion, le gouvernement et les mœurs. Il me semble que si, jusqu’à ce jour, l’on eût gardé le silence sur la religion, les peuples seraient encore plongés dans les superstitions les plus grossières et les plus dangereuses. […] Mais combien de fois n’arrive-t-il pas que les préjugés, les usages, les coutumes, les religions, les lois mêmes s’opposent aux progrès ! […] C’est la religion politique que je déteste, parce qu’elle doit à la longue corrompre la philosophie et la vraie religion : la vraie religion, qui ne peut avoir dans ces hommes-là que des défenseurs hypocrites : la philosophie, que des amis pusillanimes ; et c’est ainsi que quelques-unes des excellentes productions que notre siècle transmettra aux siècles à venir, semblables aux écrits d’Aristote, offriront, dans une page, des autorités à l’eumolpide contre l’académicien, et à la page suivante, des autorités à l’académicien contre l’eumolpide.
Mais il défend sa cause et il défend la religion. […] Orphée, pour Banville, c’est le romantisme : autant dire, sa religion : et lui-même dit, son idolâtrie. […] Et les religions ? […] Des collèges comme les autres : et, en outre, la religion. […] » Gradoine accuse l’autorité de fraude, la justice de corruption, la religion de mensonge : « Autorité, justice, religion, moi j’achèterai tout !
Le premier, d’environ trente-quatre ans, a l’air mortifié et recueilli, une grande connaissance de la religion, beaucoup d’éloquence, d’onction, de talent pour appliquer l’Écriture.
Les autres, au contraire, trouvent ce traité fort utile, parce qu’il découvre aux hommes les fausses idées qu’ils ont d’eux-mêmes, et leur fait voir que, sans la religion, ils sont incapables de faire aucun bien ; qu’il est toujours bon de se connaître tel qu’on est, quand même il n’y aurait que cet avantage de n’être point trompé dans la connaissance qu’on peut avoir de soi-même.
On ne saurait rendre l’effet que produisent en français ces plaisanteries parfois plus que rabelaisiennes et si chères aux premiers disciples du grand réformateur : — Luther, O' Connell, — propos de table, propos de meeting, bouffonnerie, grossièreté, nationalité, religion, éloquence !
Ce poëte à saillies ne respectoit guère la religion.
Il s’appuye de celle de Henri IV, qui reçut la discipline sur les épaules, des cardinaux d’Ossat & du Perron ; formalité bien vaine, mais raison plus étrange encore pour vouloir qu’on admettre un usage quelquefois criminel & suggéré par la débauche ; un usage qui peut être remplacé par tant d’autres plus dignes d’un vrai pénitent ; un usage qui peut être remplacé par tant d’autre plus dignes d’un vrai pénitent ; un usage enfin que la religion ne prescrit pas, & qui rappelle ces prêtres de Baal, qui se déchiroient à coups de lancettes, ou ces insensés Brammins qui passent la plus grande partie de leur vie, nuds dans leurs cellules, occupés à s’enfoncer des clous dans les bras & dans les cuisses, en l’honneur de leur dieu Brama.
Nous ne parlons point d’Athalie, parce que Racine, dans cette pièce, ne peut être comparé à personne : c’est l’œuvre le plus parfait du génie inspiré par la religion.
C’est qu’il a trouvé dans la religion une solitude ; c’est que son corps était dans le monde, et son esprit au désert ; c’est qu’il avait mis son cœur à l’abri dans les tabernacles sacrés du Seigneur ; c’est comme il a dit lui-même de Marie-Thérèse d’Autriche, « qu’on le voyait courir aux autels pour y goûter avec David un humble repos, et s’enfoncer dans son oratoire, où, malgré le tumulte de la Cour, il trouvait le Carmel d’Élie, le désert de Jean, et la montagne si souvent témoin des gémissements de Jésus. » Les Oraisons funèbres de Bossuet ne sont pas d’un égal mérite, mais toutes sont sublimes par quelque côté.
Ainsi, dans l’espace de près de cinq cents ans, les lois, les mœurs, les arts, le gouvernement, la religion, le langage même, tout avait changé ; et dans le pays où César et Caton, Cicéron et Auguste avaient parlé aux maîtres du monde, en attestant souvent les dieux de l’empire et près de l’autel de la victoire, un Gaulois, chrétien et évêque, haranguait en langage barbare, un roi goth venu avec sa nation des bords du Pont-Euxin pour régner au Capitole.
L’Honneur, voilà donc sa religion. […] Il appartient à la philosophie religieuse, bien plus qu’à aucune forme de religion positive. […] On croit parfois que c’est une ironie sinistre et démesurée du poète contre les fabricateurs contemporains de religions et de dogmes. […] Spiritualiste, déiste, mais en deçà de la religion positive, voilà le vrai caractère de l’homme dans Béranger. […] Dans ses derniers chants, l’apothéose est accomplie, le héros se confond avec le demi-dieu, l’enthousiasme devient une sorte de religion.
Pascal ne paraît pas avoir eu une idée unique de son apologie de la religion. […] Pascal applique à la religion le procédé appliqué par Descartes à la philosophie. […] La politesse y est à un degré de religion et de solennité. […] On ne vit pas sans religion et il n’en a aucune… » Flaubert, lui, a eu la religion des Lettres, poussée jusqu’à la dévotion, jusqu’au fanatisme. […] Ce quelque chose est un livre ou bien un tableau, un dogme de religion ou une hypothèse de métaphysique.
Quant à moi, sa religion me satisfit pleinement. […] je vous aime pour cette amitié que vous avez sentie, et dont les devoirs difficiles peut-être ont été du moins une religion dans votre vie superbe. […] Mais elle vous a trop donné d’ailleurs, pour que notre impatience de l’avenir et notre soif de religion aient le droit de disputer vos couronnes. […] Déjà le moindre d’entre nous en sait plus long sur les fins de l’humanité, sur la vérité en religion, en philosophie, en politique, que les grands sages de l’antiquité. […] Béranger avait, disons-nous, une douce philosophie, c’est dire qu’il n’avait pas de théorie philosophique à l’état de religion sociale.
Il est bien un des rares élus, et l’étendue de son esprit comprend la religion dans son domaine. […] La douleur et la pompe, qui éclatent si haut dans la religion, font toujours écho dans son esprit. […] En vérité, je n’avais pas tout à fait tort de considérer le dandysme comme une espèce de religion. […] Un vigoureux bon sens le sauvait des pastiches et des religions à la mode. […] Le malheureux avait encore besoin d’une religion.
— On rencontre des hommes si bassement attachés à la religion d’une mémoire célèbre, qu’ils vous font l’effet de laquais d’une immortalité. […] Le Roi était simplement la religion populaire de ce temps-là, comme la Patrie est la religion nationale de ce temps-ci. Et peut-être, quand les chemins de fer auront rapproché les races, mêlé les idées, les frontières et les drapeaux, il viendra un jour où cette religion du xixe siècle paraîtra presque aussi étroite et petite que l’autre. […] À ce blasphème Saint-Victor, devenu positivement fou furieux, se remet à hurler avec sa voix de zinc et ses cris d’aliénés, que c’est trop fort, que c’est impossible à entendre, que nous insultons la religion de tous les gens intelligents.
XII Mais, à quelques pas de là, Saint-Pierre de Rome, œuvre encore jeune et vivante de la nouvelle religion des hommes, s’élève à trois cents pieds plus haut que l’œuvre de Vespasien. […] On ne peut qu’adorer la religion qui produit de telles choses. […] Et enfin le génie humain de toutes les époques se couronnait lui-même en face de l’Éternel, et, son diadème sur le front, disait à la religion et au pouvoir politique : « Tu n’iras pas plus loin !
Et cela, surtout dans la religion catholique, où la raison ne garde point, comme dans d’autres religions des sortes de demi-droits honteux, mais se soumet toute à l’amour. […] Paul Verlaine, le catholicisme ait été un jour la seule religion possible, le refuge unique après des misères et des aventures où déjà sa raison avait pris l’habitude d’abdiquer.
Elle lui bâtit le seul temple parfait qu’ait éclairé le soleil ; elle lui voua les plus belles fêtes qui aient réjoui la terre et le ciel ; elle lui fit tailler par Phidias, dans l’or et l’ivoire, cette statue suprême dont un Ancien a dit « qu’elle ajoutait quelque chose au prestige de la religion ». […] Il avait déjà fait restreindre aux causes criminelles sa compétence juridique, qui s’étendait sur la religion et les mœurs, sur la police de la cité et sur la garde des lois. […] La conversion des Érynnies, changées en Euménides, figure, dans un symbole saisissant, le progrès des religions amendées par l’homme.
De la religion ? […] C’est ainsi qu’on a considéré comme inné à l’homme un certain sentiment de religiosité, un certain minimum de jalousie sexuelle, de piété filiale, d’amour paternel, etc., et c’est par là que l’on a voulu expliquer la religion, le mariage, la famille. […] Aussi, pour amener l’individu à s’y soumettre de son plein gré, n’est-il nécessaire de recourir à aucun artifice ; il suffit de lui faire prendre conscience de son état de dépendance et d’infériorité naturelles — qu’il s’en fasse par la religion une représentation sensible et symbolique ou qu’il arrive à s’en former par la science une notion adéquate et définie.
Il eut une première maladie, très grave, en 1692, et cette maladie fut signalée par un retour à la religion, dont je veux bien lui tenir compte, quoique ce soit à cause d’une maladie que ce retour à la religion ait eu lieu. Nous avons encore la relation du prêtre qui l’a confessé, encouragé, soutenu dans son retour à la religion ; c’est l’abbé Pouget, qui paraît avoir été un homme très élevé dans ses sentiments, assez rigoureux — et je ne lui en fais pas un reproche — dans sa doctrine et dans ses manières.
À l’exception de deux têtes très finement dessinées (le duc de Mora meurt à moitié du roman) : l’artiste Félicia, élevée, comme elle le dit, par « ce papillon de danseuse », ce qui explique bien tous les envolements de sa vie, et le docteur Jenkins, un Tartuffe affreusement suave, de cette Philanthropie qui a remplacé les Tartuffes de Religion par les siens, nous connaissons, pour les avoir vus au théâtre, dans les romans, partout, ces Robert Macaire inférieurs qui se meuvent, s’agitent, intriguent et trahissent autour du Nabab, chenilles de sa fortune. […] Lui, c’est un jeune encore de ce temps maudit, qui n’a pas plus la religion des rois que la religion d’autre chose.
Henri IV lui ayant exposé la question complète telle qu’elle s’agitait alors au sujet de sa religion, et lui ayant recommandé d’y bien réfléchir, lui dit qu’il le renverrait quérir dans trois ou quatre jours ; car c’était la coutume de Rosny, lorsqu’il était consulté par le roi, de demander du temps pour y penser ; il réfléchissait durant plusieurs nuits aux choses sans fermer la paupière, et mettait en ordre avec méthode tout ce qui lui venait dans l’esprit, afin de le déduire ensuite de point en point. […] Quant au conseil direct de se convertir à la religion catholique, Rosny, tout en l’indiquant assez, s’excuse de ne point le donner en propres termes, n’ayant point qualité de théologien ; mais il marque assez sensiblement qu’il souhaite que le roi y entre, autant que la conscience le lui permettra.
Être homme de lettres, — entendons-nous bien, l’être dans le vrai sens du mot, avec amour, dignité, avec bonheur de produire, avec respect des maîtres, accueil pour la jeunesse et liaison avec les égaux ; arriver aux honneurs de sa profession, c’est-à-dire à l’Institut ; avoir un nom, une réputation ainsi fixée et établie, c’était alors une grande chose : il y avait, et parmi les auteurs et dans le public, comme un sentiment de religion littéraire. Depuis, là comme ailleurs, le respect s’est perdu ; on a plus loué, et moins estimé ou considéré ; on a eu des veines et des accès d’idolâtrie, moins de religion.
Mme de Coulanges était sans doute de celles qui avaient le plus pris sa défense : aussi était-elle outrée plus tard au nom de tout son sexe quand elle vit qu’il n’y avait plus moyen de se faire illusion, et que le héros de roman n’était décidément qu’un joueur, un voluptueux et le plus spirituel des libertins : « La Fare m’a trompée, disait-elle plaisamment, je ne le salue plus. » Cette trahison de cœur et la douleur qu’elle en ressentit conduisirent Mme de La Sablière, âme fière et délicate, à une religion de plus en plus touchée, qui se termina même, par des austérités véritables : elle mourut plusieurs années après aux Incurables, où elle avait fini par habiter. […] Appliquant cette idée aux dernières époques historiques, il montre que le xvie siècle, par exemple, fut un siècle de troubles et de divisions, d’abaissement de l’autorité royale et de rébellions à main armée, tellement que ces guerres et rivalités de princes et de grands seigneurs sous forme de religion étaient devenues le régime presque habituel : Comme il y avait beaucoup de chemins différents pour la fortune, et des moyens de se faire valoir, l’esprit et la hardiesse personnelle furent d’un grand usage, et il fut permis d’avoir le cœur haut et de le sentir.
Le fond de son commerce, où il entrait du sens, de l’équité et des qualités sûres, était « d’une sécheresse et d’une aridité singulières. » Deux ou trois dîners chez Mlle Quinault, qui nous le montrent en gaieté et en veine d’enthousiasme, accusent en même temps et convainquent cet enthousiasme de ne se monter que pour des objets et des tableaux d’une sensibilité toute physique et toute sensuelle : il ne croit ni à la chasteté ni à la pudeur, ni à aucune religion, et ne fait pas même grâce à la religion naturelle : — « Pas plus celle-là que les autres », s’écrie-t-il.
Après l’éloquent panégyrique que vous venez de faire de ce grand prince, je n’obscurcirai point par de faibles traits les idées grandes et lumineuses que vous en avez tracées : je dirai seulement que pendant qu’il soutient seul le droit des rois et la cause de la religion, il veut bien encore être attentif à la perte que nous avons faite, et la réparer dignement en nous donnant un sujet auquel, sans lui, nous n’aurions jamais osé penser. […] Sa jeunesse et sa bonne reine rendent sa vertu plus agréable et recommandable : la science de la religion en lui est accompagnée d’une parfaite connaissance des belles-lettres. » 62.
Ce que je dois à ma religion, à ma patrie, à l’Académie française, à l’honneur que j’ai d’être un ancien officier de la Maison du roi, et surtout à la vérité, me force de vous écrire ainsi… Voltaire, absent de Paris depuis des années, et qui depuis sa première jeunesse n’y avait jamais, à l’en croire, demeuré deux ans de suite, avait contre ce monde parisien dont il était l’idole une prévention invétérée : « L’Europe me suffit, disait-il un peu impertinemment ; je ne me soucie guère du tripot de Paris, attendu que ce tripot est souvent conduit par l’envie, par la cabale, par le mauvais goût et par mille petits intérêts qui s’opposent toujours à l’intérêt commun. » Il croyait sincèrement à la décadence des lettres, et il le dit en vingt endroits avec une amère énergie : « La littérature n’est à présent (mars 1760) qu’une espèce de brigandage. […] Écrire en forme pour ou contre toutes les religions est d’un fou.
Et qui ne s’étonnerait en effet qu’un personnage si excellent, au moment même où il défendait la cause de la religion, ait pu s’attirer la condamnation d’hommes pieux et droits ? […] Mais, si odieuse que lui paraisse la tyrannie pontificale, il dit ailleurs que s’il lui fallait absolument choisir, il la trouverait encore préférable à la licence effrénée qui innove sans cesse dans le dogme, et à l’horrible anarchie qui en est la suite. — Casaubon, dans sa haine et sa peur des excès, était en religion ce que bien des honnêtes gêna de notre connaissance sont en politique.
Presque tous les bons ouvriers vivent longtemps : c’est qu’ils accomplissent une loi de la Providence. » Ne soyez pas de cette religion-là, je le conçois ; trouvez que c’est trop ou trop peu, je le comprends également ; mais ne dites pas, en lisant de telles-pages, que ce n’est ni sincère ni senti et que vous n’y voyez que patelinage. […] » Il me semble que ceci, dans l’ordre de la religion naturelle, ne le cède à rien et s’élève jusqu’à la grandeur.
Elle n’est pas non plus sans une teinte marquée de religion ; elle observe les dimanches et ne manque pas les sermons du carême. […] Quand les religions et les intérêts de ce monde, si nombreux, si divers, criaient autour de moi à me rendre sourd, dans ces rues tortueuses de cette vie de nos jours, dans les corridors de cette Babel où nous sommes, j’envoyais l’oiseau dans quelque point de l’espace d’où il pût voir tout ce qui se fait, tout ce qui s’est fait, dit, édifié, détruit, refait, redit, depuis qu’on agit et qu’on parle en ce monde, et l’oiseau revenait me dire : Les sociétés sont folles ; partout Dieu n’est et n’a été que l’enseigne d’une boutique ; la morale n’est qu’un comptoir ; le bien et le mal sont des faits ; le devoir est une mesure.