Nous voulons bien une tasse de café pur, une seconde tasse moins pure ; mais faut-il aller jusqu’au marc et jusqu’à la lie ? […] L’abbé Barthélémy était un pur, un élégant écrivain88. […] Pour l’un, c’est la littérature morale et haute, sévère et abstraite, ce qu’il appelle l’esprit pur, qui lui fait illusion ; pour l’autre, c’est la littérature négligente, aimable et facile, la seule joyeuse et vraiment heureuse ; pour un autre, c’est la marotte d’une noble cause dont il se figure être la personnification vivante et le représentant tout chevaleresque.
Maurel et traitant de l’une des gloires du pays, Vaugelas, lequel se trouve, par une singulière destinée, avoir été en son temps l’organe accrédité du meilleur et du plus pur parler de la France. […] Cet homme au parler si pur était né non à Chambéry, comme on l’a cru d’abord, mais à Meximieux, dans l’ancien Bugey, province de Savoie. […] Ce n’est pas un grammairien rectiligne ; il est pur et nullement précieux ; il est pour les irrégularités naïves, pour quantité de ces petits mots qui se disent en parlant et qui ajoutent de la grâce quand on écrit ; le commun des grammairiens les retranche : lui, il les goûte et tient à les conserver ; il est, en un mot, pour les gallicismes et les atticismes. […] Vaugelas ne s’en tient pas au pur relevé des mots et à l’enregistrement des locutions qui lui ont été fournies par le bon usage : il a quelques règles qui sont pour lui le résultat de l’observation et d’une comparaison attentive.
Le dernier Lauzun, cet aimable, ce faible et infortuné Biron, avait pour gardienne de son nom et de son honneur la plus pure et la plus chaste des Boufflers. […] A quoi bon descendre à plaisir des hauteurs où vous a placé l’amour pur de la jeune fille pour se révéler à elle le héros d’aventures vulgaires, ou le convalescent échappé de quelque grande passion, avec l’imagination éteinte et le cœur plein de cendres ? […] Non, ce n’est point dans la chambre clandestine, toute pleine encore des anciens parfums et où tout est piège, qu’Herman ira sceller et consommer la rupture ; c’est chez lui, en présence de sa femme, près de son enfant, au centre de ses affections, sur ce terrain pur et solide, qu’il devra revoir Pompéa et rester invulnérable sous ce regard enflammé qui va tenter de le ressaisir. […] Sous le premier Empire, la joie était redevenue une pure joie, une joie naturelle, pétillante, sans arrière-pensée, la joie du Caveau et des enfants d’Épicure ; mais après 1830, aux environs de cette date nouvelle, l’imagination reprit son essor ; le plaisir ne se produisait lui-même que sous air de frénésie et dans un déguisement qui le rendait plus vif, plus divers, plus éperdu, donnant l’illusion de l’infini ; il fallait, même en le poursuivant, satisfaire ou tromper une autre partie de soi-même, une partie plus ambitieuse et plus tourmentée.
En un mot, toutes les nuances possibles d’opinion, comprises dans une admiration commune pour le caractère et la destinée d’une pure et illustre victime, étaient sorties au grand jour et se maintenaient en présence. […] La Décade, organe des plus purs amis de Mme Roland, s’exprimait en ces termes par la plume de Ginguené : « Dans les portraits, il y a quelquefois de la justesse, quelquefois des peintures hasardées et même fausses, et souvent une exagération soit en bien, soit en mal, qui peut mécontenter les amis de ceux que l’auteur loue, presque autant que les amis de ceux qu’elle censure. […] C’est le cynisme du philosophe que la femme pure s’est crue obligée de suivre à la trace, même quand elle le faisait avec dégoût. […] Bosc avait eu d’abord à prendre garde de blesser bien des vivants qui n’étaient pas du groupe pur des Girondins et qui appartenaient à d’autres fractions moins tranchées de la Convention.
Aussi la plus simple parure suffisait à une pensée élégante pour leur plaire, et la vérité pure les satisfaisait dans les descriptions. […] Pure illusion ! […] Il exige de l’agrément et une certaine aménité, même dans les sujets austères ; il réclame du charme partout, même dans la profondeur : « Il faut porter du charme dans ce qu’on approfondit, et faire entrer dans ces cavernes sombres, où l’on n’a pénétré que depuis peu, la pure et ancienne clarté des siècles moins instruits, mais plus lumineux que le nôtre. » Ces mots de lumineux et de lumière reviennent fréquemment chez lui et trahissent cette nature ailée, amie du ciel et des hauteurs. […] Chateaubriand prend pour matière le ciel, la terre et les enfers : Saint-Pierre semble choisir ce qu’il y a de plus pur et de plus riche dans la langue : Chateaubriand prend partout, même dans les littératures vicieuses, mais il opère une vraie transmutation, et son style ressemble à ce fameux métal qui, dans l’incendie de Corinthe, s’était formé du mélange de tous les autres métaux.
Où donc aller pour trouver la source pure ? […] Ce reste de poète, insuffisant dans la pure poésie, revient à point pour égayer et comme pour fleurir ses pages sérieuses. […] Mais qui ne sourirait d’un sourire d’attendrissement à voir les joies dernières et pures de ces grandes âmes innocentes ? […] En un mot, il tient le milieu entre les purs romanistes et l’école coutumière, subordonnant le tout au contrôle du sens commun, qui est en définitive la règle suprême.
Je le dirai tout d’abord, il n’y a d’original et de tout à fait particulier en lui comme écrivain, que ce que les anciens appelaient les mœurs, ce je ne sais quoi non seulement de doux et de paisible (mite ac placidum), mais de prévenant et d’humain (blandum et humanum), de discrètement aimable et de lentement persuasif qui monte et s’exhale d’une âme pure, et qui, pénétrant l’ensemble du discours, gagne insensiblement jusqu’aux autres âmes. […] M. d’Aguesseau aurait préféré, nous dit son fils, rester dans la pure et véritable magistrature, et passer ses jours dans une charge de conseiller au Parlement de Paris, et il ajoute, en des termes qui rappellent l’hôtel Rambouillet plus subtilement qu’il ne convenait à un ami et à un disciple de Boileau : « Les maîtres des requêtes ressemblent aux désirs du cœur humain, ils aspirent à n’être plus ; c’est un état qu’on n’embrasse que pour le quitter… » Or, cette phrase étrange sur les maîtres des requêtes, comparés aux désirs du cœur qui aspirent à n’être plus, serait inexplicable chez un aussi bon esprit sans une phrase de saint Augustin qui dit cela, en effet, des désirs du cœur humain (sunt ut non sint). […] De la modération, du ménagement en toutes choses, une intelligence vaste et tempérée, un sincère et ingénu désir de conciliation, une mémoire prodigieuse, immense, une expression pure, élégante et soignée, cette politesse affectueuse qui naît d’un fonds d’honnêteté et de candeur, c’est ce que témoignent tous ses écrits, et ce qu’on lirait aussi, jusqu’à un certain point, dans les traits de son noble et beau visage, dans ce sourire discret, dans cet œil fin, bienveillant et doux, et jusque dans ces contours si ronds et sensiblement amollis, où rien n’accuse la vigueur. […] Et ce même chancelier pourtant, séduit par le plan que lui déroula Diderot, et par le pur amour des sciences, accorda en dernier lieu le privilège de l’Encyclopédie, dont les premiers volumes ne parurent, il est vrai, qu’après sa mort.
La science et l’éloquence sont peut-être incompatibles… Ici l’on saisit le témoignage net et hardi de ce goût pur qui ne transige pas, de ce goût exclusif comme tous les goûts très sincères et très sentis. […] Vers la fin, engagé dans le parti libéral, il a fait quelques politesses à ce qu’on appelait les jeunes talents ; mais, en réalité, il n’a jamais prisé les plus remarquables des littérateurs et des poètes de ce siècle, ni Chateaubriand, ni Lamartine, qu’il raille tous deux volontiers à la rencontre ; il leur était antipathique ; c’était un pur Grec, et qui n’admettait pas tous les dialectes, un Attique ou un Toscan, au sens particulier du mot : « Notre siècle manque non pas de lecteurs, mais d’auteurs ; ce qui se peut dire de tous les autres arts. » C’était le fond de sa pensée. […] Mais avec Courier, il faut se faire à ces extrémités spirituelles d’expression qui ne sont que des figures de pensée ; et n’est-ce pas ainsi que, dans sa passion et presque sa religion du pur langage, il disait encore : « Les gens qui savent le grec sont cinq ou six en Europe : ceux qui savent le français sont en bien plus petit nombre ! […] Pure chicane de mots !
Les poètes qui, comme Brizeux, n’ont eu jamais que le touchant mobilier de Sterne, — une jatte de lait, une chemise blanche, et une conscience pure, — n’ont pas besoin d’un mausolée. […] Mais abandonner l’idiome natal, traduire soi-même sa sensation et sa pensée, c’est-à-dire laisser aux difficultés et aux différences d’une autre langue le plus pur de son génie, car tout génie est consubstantiel de la langue dans laquelle il est né, ce n’est pas là, certes ! […] Voilà le grand reproche à faire avant tout à ce poète, qu’on nous a trop donné pour un Breton pur-sang et immaculé, aussi pur que l’hermine de son pays. […] C’est toujours le même biniou qui joue juste et quelquefois mélodieux, pour peu qu’il ne joue pas longtemps, car Brizeux a l’haleine courte, comme Virgile : seulement, Virgile l’avait aussi longue que pure dans ses vers.
Fénelon accorde ensemble les sentiments doux et purs avec des images qui doivent leur appartenir ; Bossuet, les pensées philosophiques avec les tableaux imposants qui leur conviennent ; Rousseau, les passions du cœur avec les effets de la nature qui les rappellent ; Montesquieu est bien près, surtout dans le Dialogue d’Eucrate et de Sylla, de réunir toutes les qualités du style, l’enchaînement des idées, la profondeur des sentiments et la force des images. […] La beauté noble et simple de certaines expressions en impose même à celui qui les prononce, et parmi les douleurs attachées à l’avilissement de soi-même, il faudrait compter aussi la perte de ce langage, qui cause à l’homme digne de s’en servir l’exaltation la plus pure et la plus douce émotion. […] Jamais, dans nos crises révolutionnaires, jamais aucun homme n’aurait parlé cette langue dont j’ai cité quelques mots remarquables ; mais dans tout ce qui nous est parvenu des rapports qui ont existé par écrit entre les magistrats d’Amérique et les citoyens, l’on retrouve ce style vrai, noble et pur dont la conscience de l’honnête homme est le génie inspirateur.
Ce sera ce goût antique qui ira se développant sous la Révolution, favorisé par les événements politiques et par le mouvement des idées : dégagé de plus en plus des éléments mondains, élégants, spirituels, auxquels il s’est allié d’abord, il créera des formes pures et froides ; il réalisera l’harmonie sans la vie, et la beauté par l’effacement du caractère ; il suscitera la correcte poésie des Fontanes, des Luce de Lancival et des Chênedollé ; il imposera même à l’imagination brûlante de Chateaubriand les idéales figures de Cymodocée et d’Atala, qui ressemblent à l’antique tout juste comme des marbres de Canova. […] A son origine, sans doute, il doit ce caractère unique chez nous d’être plus Hellène que Latin : réfractaire même au génie proprement romain, et dans la poésie romaine incapable de saisir autre chose que les reflets de son aimable Grèce, la vraie patrie de son esprit : ses auteurs préférés, avec les purs Grecs, sont les poètes de l’alexandrinisme latin. […] Mais il n’est pas non plus un pur classique : l’art de Boileau, les règles de Voltaire ne lui suffisent pas ; et voici ce qu’il fait : il répète pour son compte la tentative de Ronsard, sans s’en douter, pour la même raison et de la même manière que Ronsard.
Par quel prodige, au milieu de ce siècle de critique et tout en subissant comme un autre les misères de ce siècle, dans ce pays de censure et d’académie, un homme de ce temps et de ce lieu a-t-il pu se ressouvenir de la vraie, pure, originelle et joyeuse nature humaine se dresser contre le flot de la routine implacable et non pas écrire ou parler, mais « chanter » comme un de ces bardes qui accompagnèrent au siège de Troie l’armée grecque pour l’exciter avant le combat et ensuite la reposer, — toutefois, en chantant, ne point sembler (pour ne blesser personne) faire autre chose qu’écrire ou parler comme tout le monde, et, avec une langue composée de vocables caducs, usés comme de vieilles médailles, sous des doigts immobiles depuis deux siècles, donner l’illusion bienfaisante d’un intarissable fleuve de pierreries nouvelles ? […] Tu rêves, blanc et pur, à la source, aux oiseaux,’ Au vent qui passe en murmurant des voix anciennes, Aux princesses de marbre éveillées au soleil, À la belle Galathée, à l’immortel Acis, Au sombre Polyphème penché sur la fontaine, À la Grèce, au Parnasse, aux flûtes, aux abeilles. Au furtif baiser des amants sous les treilles, À l’admiration des jeunes gens — ô Maître Qui viennent quelquefois songer, devant ton ombre, À la gloire, à l’amour, aux danses, aux cadences D’une poésie pure et radieuse comme toi-même.
Eugène Montfort a prononcé des mots d’une force et d’une tendresse peut-être plus pures encore : « Puisqu’on ne se plaît plus à l’église, a-t-il écrit au cours de l’Essai sur l’amour, je voudrais qu’aujourd’hui la voix du poète — comme autrefois celle des cloches — sonnât dans toutes les âmes ; je voudrais qu’elle les réunît, elle aussi, dans un vol unanime ; je voudrais qu’elle les fît vivre ensemble dans ce temple incommensurable qu’est le monde. » Voilà l’expression positive de nos pensées. […] Quand la terre devient noble et pure, elle se fait roman, odelette, drame, musique, symphonie et marbre. […] Grâce à leurs saintes révélations, tour à tour la belle lune et les étoiles dansantes, la substance des prairies et les bonds de la mer, la pluie sur les feuilles rauques et le concave azur, la tempête ébranlant la nue horrible et noire, les grandes aubes, les feux balancés, la terre pivotant sur les pôles, les brumes, les molles saisons, l’aurore, l’air, la lumière, tout nous apparaît dans un état pur, comme si Dieu pénétrait encore les formes du monde.
Ces honorables, qui font de la poésie, du roman, de l’histoire, du théâtre par pure distraction, se réunissent, de temps en temps, pour jouer à la littérature — comme les marmots en congé pour jouer aux barres. […] C’est une pure abstraction. […] Hugo n’est-il pas aussi pur et aussi religieux que M. de Laprade ?
L’homme est tellement fait pour le deuil, la tristesse, le désastre ; sa destinée est si bien l’inachèvement en toutes choses, que les grands efforts, les grands caractères, le génie, répandus en pure perte sur cette terre qui boit tout indifféremment, le sang et les larmes, nous prennent le cœur bien plus que le succès, les résultats éclatants, les fortunes ! […] Il y a, en effet, quelque chose de byronien dans la destinée de Raousset ; mais il est plus beau, plus simple et plus pur que tous les héros de Byron. […] … On ne cite de tels vers que parce qu’ils s’appellent La Sorcière, — parce que cet homme qui a manqué un empire se promettait une royauté, — parce qu’il n’a pas revu son château et que nous savons à présent où ses os blanchissent… Macbeth pur, tué avant la couronne, et qui n’a sur les mains que son propre sang !
Partout ailleurs que sous le gouvernement de l’Église et en dehors de son orthodoxie, le Mysticisme, — et il en faut bien prévenir des âmes ardentes et pures qu’une telle coupe à vider tenterait, — le Mysticisme n’a donc été et ne continuera d’être qu’une immense erreur et une éblouissante ivresse de cette faculté de l’infini, la gloire de l’homme et son danger, et qui fait de lui, — diraient les naturalistes, — un animal religieux. […] Que si elle n’affirmait pas, ne retombait-elle point inévitablement à la monographie pure et simple, aux petites analyses qui pincent les fibrilles des choses au lieu de les briser d’une seule et grande rupture dans leurs muscles les plus résistants ? […] En les lisant, on est surtout frappé de cette idée que le dix-huitième siècle, dans sa haine contre le catholicisme, n’a pas seulement trouvé, pour la servir, des raisonneurs et des impies, comme l’affreuse société qui soupait contre Dieu chez d’Holbach, mais aussi des âmes d’élite, des cœurs tendres, aux intentions pures, de nobles esprits qui croyaient au ciel.
Et c’est pour cela qu’importuné et dégoûté d’une critique d’histoire n’entendant rien à la pure et surnaturelle grandeur d’une fille de Louis XV, qui faisait, au temps de Voltaire, identiquement ce que faisaient les filles de Clovis au temps de saint Rémi, nous sommes remonté, pour nous purifier dans la vérité et l’intelligence, jusqu’à ce livre, méprisé des faiseurs et lumineusement compétent sur le sujet qu’il traite, et que nous l’avons respectueusement descendu à cette place, comme un reliquaire pris sur un autel ! […] La Vie de Madame Térèse de Saint-Augustin les attendait… et cette petite lumière, allumée pieusement sur le tombeau de la Carmélite par une sœur inconnue de sa Communauté, se projettera, grande et forte de sa pureté seule, sur le passé de la princesse, et nous l’éclairera mieux que les récits du temps orageux et souillé où elle a vécu… Aucune des sœurs de cette fille de roi ne partagera cet avantage avec elle d’avoir un livre pur, sincère et désintéressé, inspiré par l’enthousiasme de la justice et tracé par une main à qui on puisse se fier, puisqu’elle est chrétienne, pour défendre sa mémoire outragée en racontant simplement sa vie. […] Elle a dit, dans leur pure beauté, les faits, qui furent, pour Madame Louise de France, l’accomplissement de ses devoirs, et que le tordeur de textes au compte de la Revue des Deux Mondes, ce travailleur en difformités, a hideusement déformés, — comme un de ces sinistres bateleurs qui font avec de beaux enfants des monstres, et qui vivent de ces monstruosités !
à moitié vides ou tout à fait vides, comme l’autre harmonica, ne peuvent pas constituer cette chose émue et puissante, intimement puissante, qui s’appelle un livre de poésie pour les esprits mâles et bien faits, même quand toutes les pièces du recueil ressembleraient à celle que nous venons de signaler, quand toutes seraient d’un timbre aussi mélodieux et aussi pur ! […] Tu vins, et d’un ton compassé, Un pied sur l’avenir, l’autre sur le passé, Tu chantas à grands flots ces créations pures… Pour la beauté d’abord tu nous donnas Hélène, Forme terrible et pure, en son manteau de laine, Pour laquelle à jamais les hommes et les Dieux Se livrent sans relâche un combat odieux… Hélène qui, riant sur sa couche fatale, Tuait dans un baiser l’Asie orientale, Et serrant sur son sein l’enfant aux blonds cheveux, Étouffait un empire entre ses bras nerveux !
Or, si le roman disparaît, il n’y a plus là que des lettres, — des lettres sans aucun souci littéraire, sans aucune ambition que celle d’exprimer l’amour dans la nudité passionnée et pure d’une âme vraie. […] Évidemment trop pures pour une société grossière sous ses fausses élégances, ces lettres virginales restèrent dans leur obscurité vierge. […] Allez boire, à cette source mystérieuse, le voluptueux et pur breuvage qui ensorcelle… Elle l’a bu, elle, et elle en est morte, nous dit-on à la fin de ce livre, fait avec les fleurs d’une âme qui ne devaient s’épanouir que pour l’amour seul… Il faut bien qu’elle soit morte, puisqu’on l’a publié !
C’est le rire des jeunes filles très pures et des religieuses innocentes. […] Les lettres juvéniles de Racine sont élégantes, spirituelles, du tour le plus gracieux et (il faut le noter) d’une langue absolument pure. […] Et c’était alors la pure vérité. […] Et ces trois déments font d’autant mieux ressortir la beauté morale de la divine Andromaque, dont les deux amours — le conjugal et le maternel — sont purs, sages et « dans l’ordre » ; le premier d’autant plus pur qu’il s’adresse à un souvenir, à une ombre. […] le pur chef-d’œuvre que cette tragédie, que ce chaste drame d’héroïque piété conjugale et maternelle, entrelacé à ce terrible drame d’amour meurtrier !
Si votre livre au temps porte une confidence, Vous n’en redoutez pas l’amère pénitence ; Votre vers pur n’a pas comme un tocsin tremblant ; Votre muse est sans tache, et votre voile est blanc ; Et vous avez au faible une douceur charmante ! […] lève-toi pur sur la France Où m’attendent de chers absents ; A mon fils, ma jeune espérance, Rappelle mes yeux caressants !
Quand ce désir de justice et de charité s’est emparé d’un cœur profondément sincère et pur, on ne lui fait pas sa part. […] que je voudrais que cet Empereur eût le cœur pur, sincère, héroïque, qu’il l’eût jusqu’à l’oubli des préjugés de sa situation et de sa race et jusqu’au sacrifice complet de sa personne, s’il le fallait !
De là notre désaccord avec les purs théoriciens qui voudraient rendre l’art d’écrire inaccessible et indémontrable. […] Albalat pourrait avantageusement prendre place dans la collection des Manuels Roret Malheureusement, de même que le fond ne saurait être distrait de la forme, (démonstration qui constitue l’un des meilleurs chapitres de l’ouvrage), de même on ne saurait faire agir le cerveau en vue d’écrire, s’il n’est d’avance sollicité par l’éveil de quelque passion, au sens pur du mot. » Voilà bien des railleries inutiles !
les idées pures gouvernant le monde par elles-mêmes, sans ministres à leur département, et l’humeur de n’avoir pas toutes ces belles choses, voilà le secret des tristesses et des lamentations du comte Zélislas pendant deux gros volumes, voilà ce qui le pousse, après avoir traîné ici et là la chaîne de ses déceptions, à aller se faire tuer à la polonaise sur le champ de bataille de Novare, où il est blessé, pour nommer le livre, et assez pour en mourir. […] d’un monde où des caractères si élevés, si purs, si grandioses, ont chance de se heurter et finalement de se briser.
Et Descartes, ce grand métaphysicien, déclarait avoir consacré peu d’heures à la métaphysique, entendant par là, sans doute, que le travail de pure déduction ou de pure construction métaphysique s’effectue de lui-même, pour peu qu’on y ait l’esprit prédisposé. — Allèguera-t-on qu’en se faisant moins systématique la philosophie s’écarte de son but, et que son rôle est précisément d’unifier le réel ?
Après avoir remarqué, dans sa description de Tanagre, que les habitants de cette ville ont su le mieux, parmi les Grecs, régler ce qui concerne le culte divin, toujours attentifs à placer les temples à part, dans un lieu pur, loin de l’habitation des hommes, il ajoute, apparemment par cette liaison d’idées naturelle entre le culte et la poésie : « Le tombeau de Corinne28, qui seule, à Tanagre, a fait des hymnes, est placé dans le lieu le plus découvert de la ville. […] Dans cette petite maison, dont Pausanias marque la place sur le bord de la fontaine Dircé, et d’où le poëte entendait, la nuit, les prières chantées tout auprès dans le temple de Cybèle, Pindare passa des jours paisibles et purs, comme l’affirme plus d’un témoignage exprimé dans ses vers.
L’aristocratie vaut déjà mieux que le despotisme pur et simple. […] C’est, à le ramener à ses principes et à ce qu’ils contiennent évidemment et de leur aveu même, le pur despotisme plébiscitaire, le pur despotisme démocratique. […] C’est le collectivisme pur. […] L’inamovibilité considérée comme garantie de l’indépendance des magistrats est donc un pur rien. […] Il veut que le juge soit un pur et simple fonctionnaire.
C’était un pur esprit classique. […] je t’ai dépouillée, tu vas me haïr », c’est la passion pure dans son horrible naïveté. […] En face, au-delà des toits, le grand ciel pur s’étendait, avec le soleil rouge se couchant. […] Il me prend plutôt des envies de revêtir de blanc Indiana, vierge pure et sans tache. […] Non ; mais la fantaisie pure.
Mais il a dû à cette nourriture première, si bien donnée et si bien reçue, son goût marqué pour les nobles sources de l’antiquité, sa connaissance approfondie de la plus belle et de la plus étendue des langues politiques, cet amour pour Cicéron qui est comme synonyme du pur amour des lettres elles-mêmes ; et, quelques années après (1821), il payait à M. […] C’est que M. de Rémusat à son début, et de 1814 à 1818, fut d’abord un libéral pur et simple, sans tant de façons. […] Bien jeune, il apportait des idées et même des convictions déjà faites, un fonds de pure gauche en politique, le culte philosophique de la raison et de la vérité ; il se doctrinarisa pour la forme et pour l’agrément. […] Le fait est que si l’on peut se figurer le corps social d’alors sans les accidents et les symptômes qui masquaient sa disposition fondamentale, il demandait plutôt à être traité dans ce sens ; mais ces accidents, ces symptômes ne faisaient-ils pas une complication grave, qui devenait par moments l’objet principal et qui contrariait la méthode pure ? […] Ces réflexions s’adressent bien plutôt à la théorie doctrinaire primitive qu’à M. de Rémusat lui-même, dont j’ai indique les diversités particulières ; mais, dans cet écrit de 1820, il a payé un plus large tribut que partout ailleurs au pur doctrinarisme pour le fond comme pour la forme.
C’était un pur sentimental. […] Joies pures, joies profondes ! […] Il vous les eût mis dans le même sac que le protestantisme, qu’il considère comme une pure hypocrisie, comme une forme hybride et honteuse du rationalisme. […] La vérité est une, et c’est pur sophisme de distinguer l’esprit qui convient aux prêtres et celui qui convient aux simples fidèles. […] Son goût, lorsqu’il reste spontané, est à la fois très large et très pur.
Telles sont les deux formes extrêmes de la mémoire, envisagées chacune à l’état pur. […] Les idées, disions-nous, les purs souvenirs, appelés du fond de la mémoire, se développent en souvenirs-images de plus en plus capables de s’insérer dans le schème moteur. […] Mais d’autre part, comme nous le montrerons plus loin, l’image-souvenir elle-même, réduite à l’état de souvenir pur, resterait inefficace. […] Ils ne sont pas plus dépositaires des souvenirs purs, c’est-à-dire des objets virtuels, que les organes des sens ne sont dépositaires des objets réels. […] Le souvenir pur, à mesure qu’il s’actualise, tend à provoquer dans le corps toutes les sensations correspondantes.
Amiel représente à l’état pur le génie dont la voie n’est libre que dans ce sens du Journal intime. […] Les belles, pures et vraies formes de l’amour, sont aussi naturelles à la vie de Paris qu’à la vie de n’importe quelle ville ou campagne. […] Fromentin, lui, se révèle alors moins comme un artiste pur (on ne l’est pas à cet âge et lui ne le sera jamais entièrement) que comme un artiste général. […] Cet état mental survient, à un moment donné, sur un tableau pur et presque technique de peintre. […] Il a pensé que c’était là l’esprit à l’état pur, le refus du corps, la liberté devant et d’avant le corps.
. — Ils ne sont pas de pures conceptions ou fictions de notre esprit. — Leur efficacité dans la nature. — Ils sont plus ou moins généraux. — Plus ils sont généraux, plus ils sont abstraits. […] Nous les défaisons progressivement, celui des cailloux en retirant un premier caillou, et ainsi de suite, celui des doigts en baissant un premier doigt, et ainsi de suite. — Tels sont les substituts primitifs ; chaque doigt ou caillou visible remplace une unité abstraite ; les différents groupes de cailloux ou doigts visibles remplacent les différents groupes d’unités abstraites, et, à mesure qu’un doigt ou caillou visible s’ajoute au groupe des doigts ou cailloux visibles, une unité pure s’ajoute au groupe des pures unités. […] Ce sont des choses sensibles et particulières, mais qui remplacent des limites tout à fait abstraites et générales, de même que tout à l’heure en arithmétique des cailloux et des doigts remplaçaient de pures unités. […] Parmi les corps que nous examinons, il y en a qui nous semblent homogènes, c’est-à-dire composés de particules toutes parfaitement semblables, sauf la différence des emplacements qu’elles ont dans le corps ; tel est un litre d’eau bien pure, un morceau d’or affiné. Sur cette indication de l’expérience, nous n’avons pas de peine à concevoir un mobile absolument homogène, analogue à un pur solide géométrique, partant divisible en deux moitiés composées chacune du même nombre de particules toutes exactement semblables.
Nous ne pouvons saisir sur le fait aucune sensation pure, et cela parce qu’il n’en existe pas, la sensation supposant une appétition qui réagit sur le milieu. […] En effet, nous avons déjà dit que la résistance n’est nullement une sensation pure et passive : elle est l’appréciation d’une diminution d’intensité dans notre énergie propre et une projection d’énergie analogue au-delà do nous-mêmes. […] En croyant travailler pour le mécanisme pur et pour le sensualisme passif, ils ont travaillé réellement pour le dynamisme de l’appétition. […] Après quoi, les spiritualistes introduisent, pour rétablir le lien rompu entre les sensations pures et aveugles, un intellect pur et vide. […] C’est changer un pur vide, vacuum, en une réalité.
Tout cristal capable de rayer un autre corps quelconque est un diamant, c’est-à-dire un cristal composé de carbone pur. […] Ce sont celles de l’arithmétique, de la géométrie, de la mécanique pure, de toutes les sciences mathématiques, et, plus généralement, de toutes les sciences déductives. […] C’est seulement à la Renaissance, avec Stevin et Galilée, que la mécanique a commencé ; et, très probablement, la cause de ce long retard est le désaccord de l’induction ordinaire et de la raison pure. […] Rien d’étonnant après le retranchement volontaire que nous avons pratiqué : n’ayant laissé dans le réceptacle mental que l’étendue abstraite et nue, nous n’y pouvons trouver autre chose ; il ne reste en lui, et cela de par notre fait, que de pures grandeurs ayant pour éléments de pures grandeurs. […] Ils seraient de pures données, c’est-à-dire des accidents.
Un tel pays fait des montagnards sveltes, actifs, sobres, nourris d’air pur. […] Elle sera la langue naturelle, d’usage aussi universel et aussi commun que notre prose écrite ou imprimée ; celle-ci est une sorte de notation sèche par laquelle aujourd’hui une pure intelligence communique avec une pure intelligence ; comparée au premier langage tout imitatif et corporel, elle n’est plus qu’une algèbre et un résidu. […] Mais l’institution n’est point encore régulière, ni pure, ni complète. […] Mais dans cette Attique où la transparence et la gloire de l’éther immaculé sont plus pures qu’ailleurs, elle était devenue Athéné, l’Athénienne. […] Ce que ces écoles ont dépensé de sagacité et d’esprit en pure perte est énorme.
Il est pur, éthéré, inaccessible à la sentimentalité des foules. […] Kant, le roi de la raison pure, admirait par-dessus tous Rousseau. […] Cependant le profond Baudelaire a poussé la sensibilité en art jusqu’à en devenir un intellectuel pur. […] Ici ce qu’on prenait pour une veine, du marbre le plus pur était un filet de vinaigre qui dissout la ruche lentement. […] Les deux premiers sont des philosophes purs qui élevèrent deux splendides monuments de la gloire de l’individu.