/ 1999
1105. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il avait senti cet étrange épanouissement de puissances inconnues qui subitement tient l’homme immobile1523 les yeux fixes devant la beauté qui se révèle. […] » Comment amollir ce cœur farouche enfiévré de colère féminine, aigri par le désappointement et l’offense, exalté par de longs rêves de puissance et de primauté et que sa virginité rend plus sauvage ! […] La pratique ne les gêne ni ne les guide ; un gouvernement et une Église officielle sont là pour les décharger du soin de mener la nation ; on subit les deux puissances comme on subit le bedeau et le sergent de ville, avec patience et railleries ; on ne les regarde qu’à la façon d’un spectacle.

1106. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (2e partie) » pp. 81-159

Si Henri VIII, qui n’avait pas la vingtième partie de ma puissance, a su changer la religion de son pays et réussir dans ce projet, bien plus le saurai-je faire et le pourrai-je, moi. […] Après Wagram il songea à perpétuer sa domination en se donnant une épouse plus jeune et des héritiers légitimes de sa puissance. […] C’était déjà la puissance qui dictait la loi au monde.

1107. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Il y a une parenté étroite entre cet empire qu’il avait sur lui-même et la puissance de réflexion qui le maintenait toujours maître du sujet qu’il traitait en écrivant, et qui lui permettait de donner à ses œuvres ce fini dans la forme que nous admirons. […] J’avais ajouté foi à ces bruits, parce qu’ils étaient tout à fait d’accord avec sa santé encore si verte, la puissance productive de son esprit et la fraîche vivacité de son cœur. […] Ces deux grandes puissances que je viens de nommer n’étaient pas des amis du fait établi ; leur ferme persuasion était bien plutôt qu’il fallait épurer le vieux levain, et que l’on ne pouvait continuer à marcher toujours dans la fausseté, l’injustice et l’imperfection. » * * * Mardi, 27 janvier 1824.

1108. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Ce sont les fabliaux ou lais, dont les sujets étaient tirés des mœurs du temps, la plupart graveleux, et mêlés de traits malins contre les puissances. […] Là on le voit dans ce naturel qui se perfectionnera sans changer ; ennemi des préjugés, et vivant bien avec eux ; pénétrant les réalités derrière les apparences, et l’homme sous l’habit ; obéissant aux puissances ; à condition de n’en être pas dupe ; narguant toute classe qui profite de la simplicité populaire ; ami des innovations praticables, du progrès, et point de ce qui n’en a que l’air plus malin que méchant ; « cette certaine gaieté d’esprit, dont parle Rabelais, conficte en mespris des choses fortuites. » Le bon sens français a chassé le merveilleux romanesque ; la dissertation qui a pour objet d’établir quelques vérités pratiques, a remplacé les récits qui ne font qu’amuser. […] Il y a longtemps que César a montré les Gaulois, nos pères, à la fois disputeurs difficiles aux puissances, badauds curieux et crédules, se pressant, sur la place de leur ville, autour de l’étranger qui apporte des nouvelles du pays voisin.

1109. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

C’est plus qu’un homme de génie qui trouve sa voie, et un grand écrivain qui crée sa langue : c’est la France elle-même, qui, après avoir montré dans Descartes tout ce qu’elle a de puissance intellectuelle, dans Pascal tout ce qu’elle a d’âme, dans Bossuet toutes ses grandes qualités à la fois dans leur force native et leur culture la plus achevée, apparaît dans Montesquieu découvrant les vérités premières et créant la langue de la science sociale. […] Il ne touche pas aux puissances, et il souffre volontiers que les choses continuent d’aller du même train. […] Il aime de la puissance l’extérieur, le paraître, et, comme tant de Français dans les honneurs, il se croit grandi de la longueur de son ombre.

1110. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

Et c’est sa malédiction de l’amour, c’est la puissance de ce renoncement, qui donne plus tard à la malédiction qu’il attache à l’anneau qu’on lui dérobe la force dramatique et vivante93. — Pour faire voir comment Wagner — sans changer beaucoup le cours apparent de la fable — introduit partout ce conflit entre l’Or et l’Amour, je citerai le cas des Géants. […] Dans le poème de 1848, la mort de Siegfried était une expiation matérielle, grâce à laquelle Brünnhilde, redevenue Walküre, pouvait annoncer aux Dieux « la puissance éternelle », et leur amener Siegfried, pour qu’il jouisse dans Walhall de « délices éternelles », — tandis qu’Albérich et les Nibelungs redevenaient libres et heureux, affranchis du joug de l’Anneau, qui retournait sourire à tout jamais aux Filles du Rhin, — Dans le nouveau poème, la mort de Siegfried sert « à rendre sachante une femme », à lui enseigner « ce qui est bon au Dieu », Brünnhilde lance de sa main « l’incendie dans le burg resplendissant de Walhall »… « Repose, repose, ô Dieu !  […] Mais ils ne voient en lui que la puissance, qui saute aux yeux, et non l’artiste intérieur, le « Mensch », « celui, dit Wagner, qui a ses vues propres, et les suit sans tenir compte d’autre chose (Mittheilung, 289). » Les articles de M. de Fourcaud dans le Gaulois témoignent de cette tendance, ainsi que le livre très estimable de M. 

1111. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

Le changement dans l’action n’est encore qu’un moyen d’assurer l’intensité de l’action efficace : il fait travailler d’autres nerfs pendant que les premiers se reposent ; il permet donc aux nerfs de se réparer et accroît la puissance vitale. […] Aristote a pu soutenir avec plus de vraisemblance que le plaisir est au contraire le complément d’une action assez intense pour produire tout son effet et « actualiser toute sa puissance. » idéal plus que réalité, sans doute ; car l’action de l’être vivant, n’étant jamais solitaire, s’exerce toujours sur un point d’application qui lui-même réagit, elle fait toujours levier ; et de là vient que le changement s’attache à l’activité vitale, comme une nécessité venue des résistances du milieu, sinon de son essence même. […] Le changement, le mouvement, le progrès a sa raison dans l’imperfection de l’activité, mais la jouissance est, comme l’ont cru Descartes, Leibniz, Spinoza, le sentiment de quelque perfection actuelle, de quelque puissance parvenue à se réaliser.

1112. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Ici, le grand moyen de communication réciproque n’est plus, comme dans le corps vivant, la mutuelle pression et la poussée des cellules, se transmettant l’une à l’autre leurs élans ou leurs arrêts, leur puissance ou leur résistance, par une sympathie immédiate et une commune pulsation de vie ; dans le corps social, des intermédiaires deviennent indispensables : l’action directe doit être remplacée par l’action indirecte, qui s’exerce à distance dans l’espace, à distance dans la durée. […] L’évolution des êtres vivants, les lois nécessaires de la vie individuelle et collective, avec la sélection naturelle qui en résulte, supposent elles-mêmes des organismes composés de cellules vivantes, composées à leur tour de molécules, où se trouvent en puissance la sensation et l’appétition. […] Ce serait quelque chose d’inintelligible et pourtant de réel ; ce serait une puissance féconde pour créer, quoique sans yeux pour voir et sans yeux pour la voir : elle agirait sans que ses actes fussent soumis aux conditions de la pensée ; elle serait la cause qui produit réellement, sans être la raison qui explique intellectuellement.

1113. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

Dimanche 30 janvier Zola était en train de parler aujourd’hui de la puissance du Figaro, avec une espèce de respect religieux, quand quelqu’un jette dans son amplification : « Vous savez, Scholl dit ne craindre au monde, que La Justice et Le Figaro ! » Mardi 1er février Au dîner de Brébant de ce soir, commentaires autour de l’article du Post, sur le général Boulanger, qui est cause de la baisse de la Bourse… On dit que Courcel a quitté l’ambassade de Berlin, parce que sa position n’était plus tenable, que le roi Guillaume et Bismarck, qui avaient continué, après la guerre de 1870, à regarder la France, toute vaincue qu’elle était, comme une grande puissance, la tiennent maintenant en parfait dédain, depuis cette succession de ministères sans autorité. […] Et toute la soirée chez Y…, chez X… et les autres, ce sont des paroles réfrigérantes : « Mounet est exécrable, Sisos manque de puissance, la petite Cerny est tout artificielle. » Puis, c’est la pièce, qui toute charmante, toute spirituelle qu’elle a été trouvée par le public, est critiquée avec une sévérité taquine et singulièrement malveillante.

1114. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Que l’on rapproche ce salut par la simplification de l’esprit et par l’innocence de la vie, de la conversion do Lévine, à ces pauvres paroles d’un paysan, qu’il faut vivre pour autrui ; que l’on relise la série de récits moraux, publiés sous le titre : La Recherche du Bonheur, Les Trois Morts, La Mort d’Ivan Iliitch, La Puissance des Ténèbres, Ivan l’Imbécile, ce sera encore l’humilité d’esprit, la pureté de cœur, la frugalité et la pauvreté que les œuvres de Tolstoï paraîtront recommander et suggérer avec une onction communicative et une insistance ouverte qui sont le fait, non plus d’un artiste, mais d’un prédicant. […] Partir d’œuvres littéraires qui embrassent et montrent tout le merveilleux spectacle de la vie, s’en détacher peu à peu et s’en déprendre par une lente et sourde angoisse d’un idéal de vertu, hésiter, ne savoir que faire un temps et continuer à considérer le monde avec de soudaines reprises de tendresse, puis se buter contre le problème de sa fin et de sa cause, oublier son charme, sa grandeur, son radieux fleurissement de force pour lui demander compte de son sens en présence de son terme, et s’encercler peu à peu dans ce problème comme un sorcier dans son rhombe, dédaigner les véritables solutions par mépris et impuissance de l’intelligence et en venir comme le dernier des prédicants et comme le solitaire de Port-Royal à une doctrine de simplification, de retranchement de toutes les obligations sociales, de reniement de tous les appétits et de l’amour même de soi, de sa propre vie, avec l’idée folle d’exclure, en ce monde de guerre, la violence et le mal des actes des hommes, telles furent les phases de la transformation mentale de Tolstoï, déclin dont on peut mesurer la profondeur en comparant l’épopée grandiose et par bonheur acquise de La Guerre et la Paix, à des récits comme Le Tilleul, à des moralités puissantes encore mais puériles comme Le Premier Distillateur et La Puissance des Ténèbres. […] Que l’on grandisse ces facultés au point où leur manifestation devient impérieuse, que l’on y accole les qualités d’élocution et d’arrangement juste nécessaires pour composer des œuvres littéraires de forme médiocre, que l’on fasse prédominer la connaissance, le rappel, l’imagination des personnes, sur celles des actes purs, des drames, des histoires, l’on aura énuméré les causes générales dernières des œuvres de Tolstoï, de leur contenu réaliste, de leur étendue, de leur valeur plus psychologique que dramatique, et la force de ces dons sera mesurée à la grandeur de leur manifestation, à la puissance d’illusion de l’œuvre à la sympathie, au saisissement, à l’attraction qui s’en dégagent.

1115. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Son génie n’a pas leur puissance, mais aussi il n’a pas leurs défauts ; rien n’altère, chez le Français, cet équilibre admirable des facultés qui est la santé de l’esprit, comme l’équilibre des humeurs est la santé du corps. […] La nature ou un accident d’enfance, en lui refusant la virilité qui fait les grandes passions, les grands malheurs, les grandes gloires, lui avait aussi refusé cette puissance d’aimer qui est le tourment, mais aussi qui est la fécondité de l’âme. […] C’est une des puissances de la France.

1116. (1903) La renaissance classique pp. -

On demeure stupéfait d’un tel malentendu et l’on s’étonne plus encore quand on songe que ces mêmes gens qui s’extasiaient avec l’illustre philosophe sur la vigueur exubérante et sur la belle unité de la littérature anglaise — manifestation incomparable de la puissance d’une race — s’évertuaient par tous les moyens à tuer chez leurs compatriotes ce qui subsistait encore de la race et de la tradition françaises. […] À cette attitude résolue, les puissances envahissantes ont répondu par un redoublement d’ardeurs belliqueuses. […] Ils savent aussi que l’individu séparé de la race n’est rien, que l’aristocratie privée du sol qui la nourrit, de la richesse et de la puissance matérielle qui la soutiennent, n’est qu’un vain mot, et ils se riront des Jean sans Terre de nos prétendues « aristocraties intellectuelles ».

1117. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

… Chaque époque à sa manière, chaque époque à ses puissances. […] Un seul homme ne peut guère rendre l’ensemble de la société ; quelque géant que soit Balzac, il faudrait une puissance encore supérieure à la sienne. […] Mais peu à peu ils formulèrent un système, le romantisme devint la puissance du jour. […] … Chaque époque a sa manière, chaque époque a ses puissances. […] Par l’analyse même qu’en fait M. de Pontmartin, je vois la puissance d’Eugénie Grandet.

1118. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Quelquefois favori emporte l’idée de puissance, quelquefois seulement il signifie un homme qui plaît à son maître. […] Ils étendent leur puissance & leur domination dans la haute Asie, dans l’Afrique, & envahissent l’Espagne ; les Turcs leur succedent, & établissent le siége de leur empire à Constantinople, au milieu du xv. siecle. […] Et dès qu’on voulut se former une idée de ces puissances supérieures à l’homme, quoi de plus naturel encore que de les figurer d’une maniere sensible ? […] Les Grecs sur-tout multiplierent les noms des dieux, les statues & les temples ; mais en attribuant toûjours la suprème puissance à leur Zeus, nommé par les Latins Jupiter, maître des dieux & des hommes. […] Quelle vertu, quelle puissance leur attribuoit-on ?

1119. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

D’autres connaîtront tes puissances et tes beautés, elles sautent aux yeux vulgaires. […] … La scène se développe et c’est par la puissance de la vérité qu’elle vient se graver dans l’esprit, où pour beaucoup elle réveillera bien de doux et cruels souvenirs. […] Rien de plus impressionnant que la rencontre de ces deux puissances : la Beauté et la Mort. […] J’ai cru devoir détacher du bloc des nombreux livres de poésies du jour, ce morceau remarquable qui révèle une véritable puissance de conception et de mise en scène, sous une rare pureté de forme. […] C’était du Plaute à la douzième puissance.

1120. (1895) Hommes et livres

Tout ce qui arrive à ces individus est transformé par eux d’une manière inexplicable pour nous, augmenté avec une puissance inexplicable pour nous. […] Hardy pose son sujet, le délimite, s’y enferme, avec le ferme dessein de plaire par le seul développement des effets qui y sont essentiellement contenus, avec une adresse singulière pour préparer, une puissance réelle pour traiter les situations. […] Je ne veux pas dire que la tragédie n’a pas fait de progrès de Hardy à Racine : elle a gagné en puissance, en profondeur, en poésie, avec Tristan, avec Rotrou, surtout avec Corneille. […] Il traite avec toutes les puissances de l’Europe, avec tous les exilés et mécontents de tous les pays : de sa personne et directement, il conduit les négociations avec le régent, l’Angleterre, le pape. […] C’est ce qu’il veut, je le sais, et c’est la condition de sa puissance.

1121. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Lui, l’homme de rien, le parvenu, il raille la noblesse, il brave les puissances, et sa tranquille insolence annonce que le temps est proche où les premiers seront les derniers, où les derniers seront les premiers. […] Il est prouvé aujourd’hui que la langue française peut tout peindre, et nos poètes ont entre les mains un instrument d’une puissance qu’on n’avait jamais soupçonnée. […] Le style de M. de Laprade, c’est l’idéal pur, c’est l’abstraction élevée à sa plus haute puissance. […] Ce qui leur manque, c’est la puissance rationnelle et le sens de l’idéal. […] Je pense que les beaux ouvrages sont en puissance dans l’âme, et que peu importe qu’ils en sortent ou n’en sortent pas.

1122. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il a eu même la puissance d’imposer à certains mots un sens nouveau et splendide. […] A-t-il senti parfois sa puissance inégale à son dessein ? […] Elle en exerce une puissance directe dans la maternité. […] Zola, est-il possible de lui dénier la puissance créatrice, restreinte à ce qu’on voudra, mais prodigieuse dans le domaine où elle s’exerce ? […] Oui, cet artiste a une merveilleuse puissance d’entassement dans le même sens.

1123. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Rien plus que la démocratie ne favorise l’individualisme et ne permet à l’individualité forte de trouver sa voie et de s’élever à la puissance. […] ici il y en a dix pour une… c’est l’irréductible Opposition entre l’aspiration vers l’amour et la soif de l’or et de la puissance ; c’est l’idée du détachement, seul capable de donner à l’âme la paix et la véritable puissance, c’est-à-dire la maîtrise de soi ; c’est l’idée de la science, funeste à l’homme et le paralysant par la connaissance et comme la sensation présente de l’avenir, etc. — Tous les poèmes de Wagner — et c’est là leur première puissance sur les imaginations allemandes — sont des poèmes philosophiques. […] Eh bien, il n’y a pas un texte antérieur au xixe  siècle où la doctrine évolutionniste soit contenue en puissance ou seulement indiquée en ses premiers linéaments. […] L’auteur a tort d’écrire en les commençant : « Pour les amis d’Edmond de Goncourt et ceux-là seulement… » Cette relation simple, sobre, tout en étant minutieuse, sans déclamation, sans commentaires, qui ne compte pour émouvoir que sur « la seule simplicité d’un récit fidèle », comme dit Bossuet, est d’une rare puissance d’émotion. […] On sait assez combien ce vaste et minutieux plan, admirablement suivi à travers tous les obstacles, atteignit son but dernier, la réduction de la France au rang de puissance de second ordre.

1124. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

… » Mon ami… Mais je sens que je succombe sous la puissance et la majesté de ces apparitions. […] Goethe revient en un autre endroit sur cette promesse mystérieuse qu’il n’a pas exécutée, d’inventer je ne sais quoi, je ne sais quel nouveau roman ou poème, qui, par un coup de son art, placerait les deux époux au-dessus de toutes les allusions et de tous les soupçons : « J’en ai la puissance, dit-il avec l’orgueil de celui qui est dans le secret des dieux et qui tient le sceptre de l’apothéose, mais ce n’est pas encore le temps. » — S’il ne réussit point tout à fait à entraîner avec lui Kestner dans cette marche en triomphe vers l’idéal, celui-ci, du moins, n’était pas indigne de sentir ce qu’il y avait d’élevé dans de telles paroles, et il répondait à ceux qui le questionnaient sur cet étrange et assez dangereux ami : « Vous ne vous imaginez pas comment il est.

1125. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

» et de qui elle écrivait à une amie : « Vous savez que j’aimais et que j’aime sincèrement ce prince, le plus innocent qui ait porté ce nom. » Mais il ne s’agit pas ici de princes travestis ni de roi d’Yvetot : Mme Valmore eut réellement accès auprès de vraies puissances, et il faut voir comme elle en agit avec elles et comme elle sut en user. […] Elle exerçait sur eux sa puissance sympathique et son don de consolation, servi par une voix qui devenait maternelle pour les humbles, fraternelle pour les autres malheureux.

1126. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Chateaubriand, Mémoires »

C’était, comme on le sait, dans un salon réservé, à l’ombre d’une de ces hautes renommées de beauté auxquelles nul n’est insensible, puissance indéfinissable que le temps lui-même consacre et dont il fait une muse. […] Le poète, comme René, a ressaisi solitude et puissance ; il est rentré dans sa libre personnalité, dans mille contradictions heureuses.

1127. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Tel devait être, au xviiie  siècle, l’homme fait pour présider à l’atelier philosophique, le chef du camp indiscipliné des penseurs, celui qui avait puissance pour les organiser en volontaires, les rallier librement, les exalter, par son entrain chaleureux, dans la conspiration contre l’ordre encore subsistant. […] Ses meilleurs morceaux, les plus délicieux d’entre ses petits papiers, sont certainement ceux où il les met en scène, où il raconte les abandons, les perfidies, les ruses dont elles sont complices ou victimes, leur puissance d’amour, de vengeance, de sacrifice ; où il peint quelque coin du monde, quelque intérieur auquel elles ont été mêlées.

1128. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Ce manuscrit commence tout simplement par une lettre en prose que le roi prisonnier écrit à une maîtresse dont on ignore le nom : « Ayant perdu, dit-il, l’occasion de plaisante escripture et acquis l’oubliance de tout contentement, n’est demeuré riens vivant en ma mémoire, que la souvenance de vostre heureuse bonne grace, qui en moy a la seulle puissance de tenir vif le reste de mon ingrate fortune. […] Dans les dernières années de François Ier, l’influence de Marguerite, celle même de la duchesse d’Étampes, favorisaient à la cour une sorte de poésie semi-calviniste ; les courtisans chantaient les psaumes de Marot ; Diane de Poitiers, en arrivant à la pleine puissance, désira d’autres chansons, et le cardinal de Lorraine, bon catholique, fut de son avis.

1129. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Pendant quelque temps, cette circonstance fut inexplicable, jusqu’à ce que, sur enquête, on trouva qu’elle était née dans le pays de Galles, qu’elle avait parlé le langage de ce pays pendant son enfance, mais qu’elle l’avait entièrement oublié dans la suite. » — Des impressions fugitives, qu’on n’a point remarquées, peuvent aussi surgir de nouveau, avec une puissance étrange et une exactitude automatique. […] Il fut attaqué d’une fièvre cérébrale, et, pendant son délire, il répétait avec beaucoup d’ordre plusieurs discussions qu’il avait entendues sur les intérêts politiques de diverses puissances, au point que l’ambassadeur, qui n’avait jamais regardé son domestique que comme un homme dévoué, venait l’écouter et projetait d’en faire son secrétaire ; mais l’affection du cerveau se dissipa et le malade en guérissant perdit toute mémoire. » (Grimaud de Caux, cité par Duval Jouve, Traité de logique, 159).

1130. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Je me bornerai donc à dire que j’ai éprouvé des angoisses cruelles, car j’avais pour ennemis des hommes dont l’habileté égalait la puissance, et bien décidés à consommer ma ruine par tous les moyens dont ils pourraient disposer ; tandis que, d’un autre côté, n’ayant à opposer à de si formidables ennemis que ma jeunesse et mon inexpérience (et, je dois le dire aussi, l’assistance que je tirais de la bonté divine), je me vis réduit à un tel degré d’infortune, que j’eus en même temps à supporter la terreur religieuse d’une excommunication et le pillage de mes propriétés, à résister aux efforts qu’on faisait pour me dépouiller de mon crédit dans l’État, mettre le désordre dans ma famille, et me priver de la vie par des attentats sans cesse renouvelés, en sorte que la mort même me paraissait le moindre des maux que j’avais à éviter. […] Jouissant de la confiance la plus entière du pontife de Rome, Innocent VIII, il rendit son nom illustre, et lui donna la plus grande influence dans les affaires de l’Italie ; mais, convaincu d’ailleurs que l’agrandissement de l’un quelconque des États qui avoisinaient la république ne pouvait que devenir funeste à lui-même et à sa patrie, il employa tous ses efforts à maintenir entre les puissances de l’Italie un équilibre si parfait, que la balance ne pût pencher en faveur d’aucune d’elles en particulier : ce qui ne pouvait se faire qu’en s’appliquant à conserver la paix entre elles, et en portant la plus scrupuleuse attention sur tous les événements, les moins importants en apparence. » On ne peut s’empêcher de regretter que ces jours de prospérité aient été de si courte durée.

1131. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

C’est cet esprit français qui est une des plus grandes puissances du monde moderne. […] Quant à la liaison, à cette suite et à cette jointure des idées, dont Horace a admiré la puissance en homme qui en avait senti la difficulté, que d’efforts d’attention n’y faut-il pas ?

1132. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Tandis que Balzac et Voiture se disputaient laborieusement à qui écrirait le mieux une lettre sans objet, un médecin philosophe, esprit piquant, satirique, peu ami des puissances, sauf le roi, penseur plus que libre, qui ne voyait dans les réjouissances du jubilé que « force crottes et catarrhes, et de la pratique pour les médecins176 » ; un type de l’esprit d’opposition dans notre pays qui sait beaucoup mieux ce qu’il ne veut pas que ce qu’il veut, Guy Patin donnait, sans s‘en douter, le premier modèle de lettres simples, naturelles, écrites, non plus à des indifférents pour leur faire les honneurs de son esprit, mais à des amis pour le plaisir de s’épancher, par un auteur qui n’a souci ni du style ni des ornements, et qui ne met dans ses lettres comme il le dit lui-même, « ni Phébus ni Balzac177. » Dans le même temps que La Rochefoucauld se plaçait par trop de soins donnés à ses Mémoires, Mme de Motteville écrivait, d’une plume facile, élégante et ferme en plus d’un endroit, la chronique de la cour d’Anne d’Autriche. […] Elles sont alors à l’image, non de la vieille épouse clandestine de Louis XIV, toute composée, tout en son rôle, tout occupée à accroître et à cacher sa puissance, mais de la veuve de Scarron, alors qu’elle avait besoin de son amabilité pour attirer la fortune, et que Mme de Sévigné parlait de « son esprit aimable et merveilleusement droit186. » Elles ont je ne sais quoi de plus sensé, de plus simple, de plus efficace.

1133. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Il suffit de dire aux Français que c’est de l’alexandrin élevé à la troisième puissance. […] Celui qui pouvait retrouver cette précieuse relique était assuré de la toute puissance et de l’immortalité. — Lohengrin, au lieu de ces dons, a trouvé le bonheur terrestre et l’amour.

1134. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Sa voix, sans doute, n’a pas la puissance souhaitable, mais il n’en arrive pas moins à produire des impressions saisissantes : le monologue du premier acte, le chant du Printemps, l’arrachement de l’épée ont remué tout le public. […] Sa vérité prend la forme d’une illusion pour mieux nous pénétrer, et les données les plus abstraites de la philosophie wagnérienne nous sont manifestées avec une puissance de réalisation dont rien n’approche et dont rien n’a jamais pu approcher.

1135. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Je passe, sans m’y arrêter, les réflexions de l’auteur sur « quelques infirmités de la pensée », comme la croyance aux causes finales, à la distinction de la puissance et de l’acte, au principe vital, etc. : cela nous entraînerait trop loin, ou trouvera mieux sa place ailleurs. […] Doué d’une grande puissance oratoire, flattant les préjugés et les passions de la majorité, tenté, comme le sont la plupart des orateurs, de tout sacrifier à l’effet, et incapable, soit par incapacité native, soit par les défauts de son éducation, d’arriver à quelque connaissance claire et approfondie, Victor Cousin, par ses qualités et ses défauts, s’éleva à une hauteur regrettable parce qu’elle éclipsa les efforts de plus nobles esprits.

1136. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Couple littéraire sans analogue dans la poésie du monde, car la Bible est l’esprit de Dieu et les poèmes de l’Orient ne sont guère que de l’opium fumé qui rêve et se tord au soleil, Homère et Virgile sont l’Adam et l’Ève de la poésie telle que l’homme, en possession de toutes ses puissances, la conçoit et la réalise. […] Mais lui qui fait le tendre, lui, le très humble et reconnaissant serviteur de ce maître qui l’a comblé, va bien plus loin que nous quand nous jaugeons les puissances et les impuissances de Sainte-Beuve.

1137. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Il n’est pas, il ne fut jamais, il ne pourrait pas être, un grand écrivain de nature humaine, qui la prend aux entrailles et la secoue avec puissance, mais il est très bien l’écrivain d’une petite société incapable de fortes sensations. […] … Le caractère rompu peut se ressouder, la passion reprendre si elle est profonde… Et c’est ici qu’il y a une marquise de Talyas à montrer qui n’est pas sortie de celle de Feuillet ; qui n’est pas plus sortie que la scène du commencement du roman, restée en puissance une si belle chose !

1138. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Elles ne feront pas le roman, parce qu’elles n’en ont ni la puissance ni le droit ; parce qu’elles sont incohérentes ; parce que le groupement de ces choses demi-vivantes n’est pas la vie ; mais elles y aideront, elles mettront une agrafe au manteau, une plume à la toque, un peu de noir au sourcil. […] Elle ne se trompe pas, bien qu’elle n’hésite jamais, et si vous me demandez quelle est cette puissance qui agit si librement et si vite, je vous dirai que c’est simplement la vérité que l’écrivain veut souligner, la situation qu’il veut exposer.

1139. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Chacun a admiré en lui cette audace et cette puissance de tout fouiller et de tout peindre, d’égaler sa voix qui gourmande au mugissement de la clameur publique, de monter son harmonie sifflante au diapason des barricades ou de l’émeute, de manière à être entendu.

1140. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Lui a-t-elle semblé devoir engendrer avec les siècles un ordre de choses devant lequel pâliraient les puissances et les gloires du passé, et qui serait un âge d’or incomparable pour le genre humain ?

1141. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre III. Du récit des faits. — Antécédents et conséquents. — Causes et effets »

Ne vous piquez point de raconter, si vous ne vous sentez cette puissance de représentation intérieure, ce don de voir par l’esprit une action complète dans ses divers moments, avec son mouvement continu, dans son détail à la fois et son ensemble.

/ 1999