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1284. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

La plante ne porte jamais de fruits avant d’avoir fleuri, ni la femme avant d’avoir versé son sang. […] Le cerisier mâle porte des fruits très amers. […] Le coolie qui porte les fardeaux sur sa tête refuse de charger sur ses épaules. […] Huysmans prétendait avoir lu sur un écriteau, à une porte de l’église Saint-Leu : les pauvres n’entrent pas ici. […] Nietzsche a ouvert la porte.

1285. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Racine porte son Alexandre à l’hôtel de Bourgogne et lui enlève sa meilleure actrice. […] Quand on porte ses regards sur l’intérieur du ménage de Molière, on doute qu’il ait vécu un seul instant heureux. […] Il eut même soin de faire afficher cette ordonnance à la porte de l’hôtel de Bourgogne, auquel l’ouvrage avait été donné. […] Du reste, sa belle âme était faite pour comprendre celle de Molière, et tout porte à croire qu’il lui rendit toujours une complète justice. […] S’il nous faut en croire Tallemant des Réaux, la représentation fut encore égayée par une plaisanterie qui porte assez à penser que la police des théâtres n’était pas alors très sévère.

1286. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

De bonne heure l’ambition avait grondé en lui ; il avait tâtonné à l’aveugle, « comme le cyclope dans son antre », le long des murs de la cave où il était enfermé ; mais « les deux seules issues étaient la porte de l’épargne sordide ou le sentier du petit trafic chicanier. […] Il a l’accent âpre, souvent même les phrases de Rousseau, et voudrait « être un vigoureux sauvage », sortir de la vie civilisée, de la dépendance et des humiliations qu’elle impose au misérable. « Il est dur de voir un monsieur que sa capacité aurait élevé tout juste à la dignité de tailleur à huit pence par jour, et dont le cœur ne vaut pas trois liards, recevoir les attentions et les égards qu’on refuse à l’homme de génie pauvre1149. » Il est dur de voir « un pauvre homme, usé de fatigue, tout abject, ravalé et bas, demander à un de ses frères de la terre la permission de travailler. » Il est dur « de voir ce seigneurial ver de terre repousser la pauvre supplique, sans songer qu’une femme qui pleure et des enfants sans pain se lamentent là tout à côté1150. » Quand le vent d’hiver souffle et barre la porte de ses rafales de neige, le paysan collé contre son petit feu de tourbe, pense aux grands foyers largement chauffés des nobles et des riches, « et parfois il a bien de la peine à s’empêcher de devenir aigre en voyant comment les choses sont partagées, comment les plus braves gens sont dans le besoin, pendant que des imbéciles se démènent sur leurs tas de guinées sans pouvoir en venir à bout1151. » Mais surtout le cœur « frémit et se gangrène de voir leur maudit orgueil. » — « Un homme est un homme après tout1152 », et le paysan vaut bien le seigneur. […] Ces doux instants ne durèrent pas. « Au mieux, disait-il, mon esprit a toujours un fonds mélancolique ; il ressemble à certains étangs que j’ai vus, qui sont remplis d’une eau noire et pourrie, et qui pourtant dans les jours sereins réfléchissent par leur surface les rayons du soleil1189. » Il souriait comme il pouvait, mais avec effort ; c’était le sourire d’un malade qui se sait incurable et tâche de l’oublier un instant, du moins de le faire oublier aux autres. « Vraiment, je m’étonne qu’une pensée enjouée vienne frapper à la porte de mon intelligence, encore plus qu’elle y trouve accès. […] Il revient, s’assoit dans son petit pavillon grand comme une chaise à porteurs, dont la fenêtre donne sur le verger du voisin, et la porte sur un jardin plein d’œillets, de roses et de chèvrefeuilles. […] Pendant longtemps, il parut dangereux ou ridicule. « Tout ce qu’on savait de l’Allemagne1216, c’est que c’était une vaste étendue de pays, couverte de hussards et d’éditeurs classiques ; que si vous y alliez, vous verriez à Heidelberg un très-grand tonneau, et que vous pourriez vous régaler d’excellent vin du Rhin et de jambon de Westphalie. » Quant aux écrit vains, ils paraissaient bien lourds et maladroits. « Un Allemand sentimental ressemble toujours à un grand et gros boucher occupé à geindre sur un veau assassine. » Si enfin leur littérature finit par entrer, d’abord par l’attrait des drames extravagants et des ballades fantastiques, puis par la sympathie des deux nations qui, alliées contre la politique et la civilisation françaises, reconnaissent leur fraternité de langue, de religion et de cœur, la métaphysique allemande reste à la porte, incapable de renverser la barrière que l’esprit positif et la religion nationale lui opposent.

1287. (1925) Dissociations

Cependant il y a un neveu, mais en jeune Anglais froid et raisonnable, il ne porte sur sa jeune tante nul regard concupiscent. […] Le mois d’août n’ouvre guère les portes qu’à ceux qui ne sont pas sous le joug d’un labeur. […] On en envoie à qui l’on aime, on en reçoit de qui vous aime, car le muguet porte bonheur et on ne saurait que vouloir le bonheur des êtres que l’on aime. […] Est-ce aussi à ce moment-là que disparut la délicate porte Bouvreuil ? Je n’en sais rien, mais il n’y a aucun doute pour la porte du Bac qui, moins élégante, avait une grande allure.

1288. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — II. Duclos historien » pp. 224-245

. — Je passe à votre porte pour vous dire combien je vous aime, combien je vous estime, et à quel point je vous suis obligé ; et je vous l’écris dans la crainte de ne pas vous trouver. […] Duclos historien n’a qu’un procédé, il n’est qu’un abréviateur ; il l’est avec trait, je l’ai dit, quand il a affaire à l’abbé Le Grand ; il l’est avec un certain goût et avec un adoucissement relatif quand il a affaire à Saint-Simon ; dans l’un et dans l’autre cas pourtant, il n’a pas toutes les qualités de son office secondaire, et il ne porte au suprême degré ni les soins délicats du narrateur, ni même les scrupules du peintre qui dessine d’après un autre, et de l’écrivain qui observe les tons : il va au plus gros, au plus pressé, à ce qui lui paraît suffire ; c’est un homme sensé, expéditif et concis, et qui se contente raisonnablement ; il a de la vigueur naturelle et de la fermeté sans profondeur ; nulle part il ne marche seul dans un sujet, et jamais il ne livre avec toutes les forces de sa méditation et de son talent une de ces grandes batailles qui honorent ceux qui les engagent, et qui illustrent ceux qui les gagnent.

1289. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

À Nîmes, repoussé tout net par les gens aisés qui le mettent à la porte, il allait être réduit à passer la nuit à la mairie sur un lit de camp, lorsqu’une bonne femme, dont le fils unique était à l’armée, le retira chez elle : Nous étions, dit-il, aussi pauvres l’un que l’autre ; elle vivait de son travail, et je n’avais qu’une modique solde en assignats dont personne ne voulait plus. […] Après avoir reçu d’un épicier un verre d’eau, des gens du peuple (ils étaient restés Français), Parisiens du faubourg, enfoncèrent les portes d’un hôtel, m’introduisirent dans les salons de MM. 

1290. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Il ne connaît pas de frein à sa volonté ; pourtant sa raison n’est pas assez développée pour lui faire discerner le bon du mauvais, le nuisible de l’avantageux, ce qui est convenable de ce qui peut ne pas l’être. » Et le 29 juin suivant, après l’avoir vu : « Le prince se porte maintenant assez bien. […] Philippe II, pour cette expédition nocturne, portait le casque en tête, une armure sous sa robe et une épée sous le bras.D’ordinaire, le prince s’enfermait, et la porte ne s’ouvrait que moyennant une mécanique dont il disposait de son lit.

1291. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Gavarni porte en tout l’élégance et la distinction naturelle qui est en lui. […] La légende de Gavarni, c’est une forme à part, et qui porte avec elle son cachet distinct, original, comme la maxime de La Rochefoucauld.

1292. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. (suite et fin.) »

Il venait à peine de prendre possession de ce nouveau poste plus avantageux, lorsque la Porte, rompant avec la France et nous déclarant la guerre, le fit arrêter comme otage. […] Il garde, sans faste aucun, de sa dignité d’homme public et se refuse pour son compte à toucher et à réclamer la somme de cinq parats par jour (quatre sous environ) que la Porte avait alloués à chaque prisonnier et qu’elle ne payait pas.

1293. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

il avait secoué poudre et perruque ; il parut à la Cour dans cet état naturel ; ce que le duc de Luynes a eu soin de noter dans son journal : « Jeudi dernier (21 décembre) M. le maréchal de Saxe arriva ici (à Versailles) ; il porte présentement ses cheveux qui lui donnent l’air plus jeune. » Revenu à Chambord à la paix et y passant le plus de temps qu’il pouvait pendant les deux dernières années, y menant un train de prince, il se livrait à la chasse, aux plaisirs, à tous les exercices violents. […] On allait le matin les voir ; monsieur et madame n’étaient point levés ; on disait à la femme de chambre qu’on était attendu ; elle vous ouvrait la porte : on les voyait couchés, l’abbé, un gros livre dans les mains. — « Eh !

1294. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

À notre vue, toute celle populace s’agite comme une mer en furie, pousse des hurlements, se porte sur la tour et menace de forcer la garde. […] Lorsqu’on vint me chercher pour partir, lorsqu’il fallut me séparer de mon général, de mes compagnons d’infortune, leur faire mes adieux, les forces m’abandonnèrent ; je tombai dans les bras du général, je pressais son cœur contre le mien, je le baignais de mes larmes et je sentis couler les siennes : « Mon ami, me dit-il d’une voix émue, pars, va porter de mes nouvelles à mon Octavie, va travailler à me rendre à son amour. » Je m’éloignai de lui à ces mots et me sentis entraîné, comme malgré moi ; je descendis sans m’en apercevoir les marches de la tour ; je traversai les portes de l’Alhambra, et je me trouvai sous la croisée du général.

1295. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. » p. 232

ils ne viennent que trop nous chercher le cœur à travers les portes et les murailles. » Mme Valmore usa de son influence sur Balzac, et surtout de l’influence qu’avait alors sur Balzac une autre personne qu’elle désigne sous le nom de Thisbè , pour obtenir du grand romancier devenu dramaturge, qu’il donnât une de ses pièces à l’Odéon et promît l’un des rôles à Mme Dorval. […] — Mais si je me remets à regarder la terre, les transes me reprennent et, à la lettre, je crois tomber, et je glisse à genoux contre une porte ou contre la fenêtre.

1296. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Dans tous ces monuments majestueux et diversement continus des Bossuet, des Fénelon, des La Bruyère, dans ceux de Montesquieu ou de Buffon, on n’aperçoit pas de porte qui mène à l’arrière-boutique du libraire. […] Homme d’imagination et de fantaisie, il la porte trop aisément en des sujets qui en sont peu susceptibles, et il pousse, sans y songer, à des conséquences fabuleuses dont chaque œil peut redresser de lui-même l’illusion.

1297. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Scribe me paraît consister dans la combinaison et l’agencement des scènes ; là est sa forme originale, le ressort vraiment distingué de son succès ; là il a mis de l’art, de l’étude, une habileté singulière, et son invention porte surtout là-dessus. […] La nature humaine, après cela, s’arrange comme elle peut de ces symétries de cadres, de ces entre-deux de portes, de ces revers miroitants.

1298. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

Il avait chargé Fontanes de prendre je ne sais quelle information sur le nombre d’éditions et de traductions, à Londres, du Paysan perverti, et son ami lui répondait : « Assurez hardiment que le conte des quarante éditions du Paysan perverti est du même genre que celui des armées innombrables qui sortaient de Thèbes aux cent portes… Les deux romans français dont on me parle sans cesse, c’est Gil Blas et Marianne, et surtout du premier. » M.  […] « Une cour, un petit jardin dont la porte ouvre sur la campagne ; des voisins qu’on ne voit jamais, toute une ville à l’autre bord, des bateaux entre les deux rives, et un isolement commode ; tout cela est d’assez grand prix, mais aussi vous le payeriez : le site vaut mieux que le lieu. » Lorsque, revenu de sa proscription de Fructidor, Fontanes fut réinstallé en France, nous retrouvons M. 

1299. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Quelquefois ce point de vue manque ; le jugement qu’on porte sur eux s’étend alors un peu au hasard et demeure dispersé comme leur vie et les productions mêmes de leur plume. […] Les cabinets étrangers, et même les ambassadeurs qui étaient de la partie, crurent voir des intentions menaçantes sous ces airs de fête, et à force de craindre une agression des Russes contre la Porte, on la fit naître à l’inverse de la part de celle-ci.

1300. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Mais vers le milieu de la nuit sa tête se prit ; il eut un accès de délire, durant lequel il proféra quelques mots sans suite, qui semblaient se rapporter aux propos de la veille : « Fermez la porte ! […] Plus la terre s’enfuit sous nos pas, plus je méprise, plus je hais ce que les hommes ambitionnent, et plus j’ai de pouvoir sur leur cœur. » La voilà telle qu’elle était dès l’origine : régner sur les cœurs, en se déclarant une misérable créature ; voir à sa porte servantes et duchesses, comme elle dit, et empereur ; se croire en toute humilité l’organe divin, l’instrument choisi, à la fois vil et préféré, que lui faut-il de plus ?

1301. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

« Le 9 mai, au moment où les princesses, à demi déshabillées, priaient au pied de leur lit avant le sommeil, elles entendirent frapper à la porte de leurs chambres des coups si violents et si répétés, que la porte trembla sur ses gonds.

1302. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Oserais-je vous dire que c’est un état qui porte avec soi sa consolation pour un homme droit qui ne tient pas au monde ? […] Ma plus rude croix est de ne plus vous voir, mais je vous porte sans cesse devant Dieu dans une présence plus intime que celle des sens.

1303. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Et de plus, un jardin bien dessiné, un potager bien planté, des melons et des fleurs, un jardinier qui porte ses arrosoirs, tous ces objets nettement découpés, tous ces détails sans ensemble, qui ne demandaient point d’adoration mystique, étaient bien plus dans ses moyens que les vastes campagnes pleines d’air où les contours se noient et les couleurs se fondent dans des harmonies d’une infinie délicatesse. […] Nous le dirions encore moins de l’Épître IV, ce fragment d’épopée élaboré par la tête la moins épique du monde, où chevauchent si étrangement cuirassiers et courtisans parmi des naïades effarouchées, où, selon l’exorde et la conclusion, l’intérêt principal se porte moins sur l’action que sur le poète si laborieusement vainqueur de la, dureté des noms hollandais.

1304. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre VIII. L’antinomie économique » pp. 159-192

Comment concilier avec la socialisation de la culture, avec la démocratisation et l’égalisation des valeurs l’instinct qui porte les individualités à se différencier et à étendre sur autrui leur volonté de puissance ? […] Si vous ne vous résignez pas à dire des mensonges depuis l’ouverture de vos portes jusqu’à leur fermeture, ou si vous ne choisissez pas des commis qui aient le talent et l’audace d’en dire, vous crèverez de faim, etc., etc. »« Je défie tous les membres de la société bourgeoise, qu’ils soient riches ou pauvres, qu’ils soient capitalistes ou prolétaires, de raconter leur histoire économiques, leurs stratagèmes et leur tactique financière publiquement sans rougir » (p. 484).

1305. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

Anatole France est un écrivain de race qui porte en soi, comme d’autres l’empruntent, le goût de comprendre, de penser et de bien dire. […] France, qui nous porte à lui vouer, non pas cette admiration émue, correspondante, valide, que le ton de la sincérité éveille, mais cette estime, cette flaterie, que l’esprit obtient de l’esprit même, surtout quand l’art le seconde et la compréhension de l’art l’appuie, quand, en d’autres termes, c’est l’heure pour l’esprit de briller, parce que c’est le moment pour lui d’être à peu près sûr qu’on l’appréciera.

1306. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

Tout porte à croire, au contraire, que ce fait d’une civilisation étouffée par la barbarie sera unique dans l’histoire et que la civilisation moderne est destinée à se propager indéfiniment. […] L’humanité réalise la perfection en la désirant et en l’espérant, comme la femme imprime, dit-on, à l’enfant qu’elle porte, la ressem-blance des objets qui frappent ses sens.

1307. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

La Fontaine, avec sa grâce nonchalante, sa naïveté malicieuse, son talent de composer de vivants tableaux, a besoin que Molière se porte garant de son mérite. […] Molière y cède, lorsque dans la plupart de ses pièces il introduit un représentant du bon sens, un raisonneur, qui porte des noms variés, mais qui toujours est chargé de rappeler au sentiment de la juste mesure ceux qui s’en écartent dans un sens ou dans l’autre.

1308. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Dara, dara bastonara… Le vice organique de cette comédie, vous le voyez, c’est l’odieux personnage qu’elle porte en elle ; il l’aigrit, il l’empoisonne, il la corrompt, il la brouille de son fiel et de sa noirceur. […] Il aurait pu mettre sa maîtresse à la porte et jeter son ami par la fenêtre, mais il aurait fait imprimer sa partition en lettres d’or sur du velin vierge ; il aurait engagé un orchestre d’Amati et de Stradivarius, et, tous les jours, il se serait fait jouer sa symphonie pour lui tout seul, trônant, dans sa gloire, sous un dais de pourpre, un archet d’or à la main.

1309. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits du comte Joseph de Maistre. (1851, 2 vol. in-8º.) » pp. 192-216

Lorsque l’heure de l’étude marquait la fin de la récréation, son père paraissait sur le pas de la porte du jardin sans dire un mot, et il se plaisait à voir tomber les jouets des mains de son fils, sans que celui-ci se permît même de lancer une dernière fois la boule ou le volant. […] C’est toujours le même homme d’esprit, le même gentilhomme chrétien que nous connaissons, avec son timbre vibrant, sa parole aiguë qui part, qui éclate, qui du premier jet va plus loin qu’il ne semblerait nécessaire à la froide raison, mais qu’on serait fâché de trouver plus retenue et plus circonspecte ; car elle porte avec elle bien des vérités, et s’il semble qu’il y ait souvent colère en elle, lors même qu’il s’agit des amis, écoutez et sachez bien distinguer : c’est la colère de l’amour.

1310. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Quelque jugement qu’on porte sur ce genre d’émotion singulière que confesse ici La Harpe et qui rappelle beaucoup d’autres exemples analogues dans l’ordre spirituel, on n’en saurait suspecter la sincérité, et il est dommage que sa conduite n’ait pas mieux répondu dans la suite à une révolution de cœur décrite d’une manière si touchante. […] La Harpe nous est représenté à dîner chez un riche banquier, un peu avant le dessert ; il est dans cette disposition heureuse de cœur et d’estomac qui porte à l’indulgence : rien de ce qu’il aimait n’avait manqué au repas ; il était réconcilié avec les hommes ; il aurait trouvé de l’esprit à Saint-Ange, du jugement à Mercier, de la décence à Rétif, de la douceur de caractère à Blin de Sainmore ; enfin, il aurait accordé du talent à d’autres qu’à lui, quand tout à coup il se lève de table et disparaît : Après une assez longue absence, la maîtresse de la maison le fait chercher : on ne le trouve point.

1311. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

On lui voudrait un peu de ce sentiment qu’il simulait lorsqu’à un Arabe qui lui demandait pourquoi il était venu de si loin, il répondait : « Pour voir la terre et admirer les œuvres de Dieu. » Volney monte au sommet du Liban, d’où il jouit du spectacle des hautes montagnes : « Là, de toutes parts, dit-il, s’étend un horizon sans bornes ; là, par un temps clair, la vue s’égare et sur le désert qui confine au golfe Persique, et sur la mer qui baigne l’Europe : l’âme croit embrasser le monde. » Du haut de cette cime témoin de tant de grandes choses, et d’où l’esprit se porte en un clin d’œil d’Antioche à Jérusalem, quelles vont être ses pensées ? […] Ce livre, qui porte bien son nom, a eu longtemps une réputation exagérée.

1312. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Le lyrisme est capiteux, le beau grise, le grand porte à la tête, l’idéal donne des éblouissements, qui en sort ne sait plus ce qu’il fait ; quand vous avez marché sur les astres, vous êtes capable de refuser une sous-préfecture ; vous n’êtes plus dans votre bon sens, on vous offrirait une place au sénat de Domitien que vous n’en voudriez pas, vous ne rendez plus à César ce qu’on doit à César, vous êtes à ce point d’égarement de ne pas même saluer le seigneur Incitatus, consul et cheval. […] Elle passe par la petite porte.

1313. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Cette difficulté ne porte pas contre la liberté de penser, car de tout temps, sous tous les régimes philosophiques et religieux, les hommes ont su trouver des sophismes pour couvrir à leurs propres yeux leurs passions et leurs faiblesses. […] Tout porte à croire que la société, après beaucoup d’épreuves passées ou futures, tend à se constituer de plus en plus sur le principe de la libre discussion.

1314. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre III : La science — Chapitre II : De la méthode expérimentale en physiologie »

L’être vivant ne paraît indépendant du milieu extérieur que parce qu’il porte avec lui un milieu intérieur dans lequel ses organes baignent en quelque sorte, et qui contient, comme emmagasinées dans son sein, toutes les conditions physico-chimiques (chaleur, électricité, humidité, etc.) nécessaires à la provocation des actions vitales. […] Tout dérive de l’idée qui seule dirige et crée ; ces moyens de manifestation physico-chimiques sont communs à tous les phénomènes de la nature, et restent confondus pêle-mêle comme les lettres de l’alphabet dans une boîte où cette force va les chercher pour exprimer les pensées ou les mécanismes les plus divers. » Cette remarquable page, où l’auteur développe à sa façon le principe que les philosophes appellent principe des causes finales, prouve qu’il y a dans les êtres vivants au moins une force initiale qui ne se réduit pas aux forces physiques et chimiques, et rien jusqu’ici ne porte à croire qu’elle s’y réduira jamais.

1315. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

C’est l’ignorance de ces éléments qui a donné lieu à la diversité des jugements qu’on porte sur Raphaël. […] Est-ce que son oratoire restera à la porte ?

1316. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

« Ivan Goll n’a pas de patrie ; juif par le sort, né en France comme par hasard, un papier timbré le porte comme Allemand, Ivan Goll n’a pas d’âge : son enfance fut absorbée par des vieillards exsangues. […] N’ayez pas peur des prisons — elles sont ridicules et leurs portes closes ont des arcs de triomphe pour célébrer votre courage.

1317. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Sainte-Beuve. Les Poésies de Joseph Delorme, Les Consolations, les Pensées d’août. »

Cela est, en effet, sous très peu de mots qui entrent en nous comme des agrafes et, pour s’y attacher davantage, nous font saigner sous leurs ardillons, cela est un siècle et cela est un homme qui porte l’idiosyncrasie de ce siècle fondue dans la sienne ! […] Il ne faut pas croire que le génie se porte toujours bien.

1318. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Là commençait l’angoisse, le problème torturant où il achevait de sombrer, lui prêtre, avec ses vœux d’homme chaste et de ministre de l’absurde, mis à l’écart des autres hommes96. » Mais l’aube va poindre enfin dans la nuit de son être, car il est parvenu à l’extrême misère spirituelle, aux portes du néant et c’est alors que la délivrance est proche, dont le premier frisson va le faire tressaillir. […] La sincérité qui a été la vertu maîtresse de sa vie, qui l’a fait se donner à Dieu sans réticences, lui ordonne à présent de rentrer dans le monde pour vivre sa vie d’homme. « S’en aller, il fallait s’en aller… » Sa rédemption le transfigure, la voix de la réalité l’emplit tout entier, effaçant tous ses vœux, toutes ses promesses antérieures. « C’était comme la conception et la vraie naissance d’un être nouveau. » Et le jour de Pâques, après être monté en chaire pour demander pardon aux hommes de leur avoir prêché l’erreur, trahissant ainsi son serment d’enseigner toujours la vérité, il sort de l’Église et rejoint son cousin, le docteur, qui l’attend à la porte. « Nous allons ? 

1319. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Elle ne porte que sur l’amour, et sur celui qui n’a de commun avec l’amour vrai que le nom. […] Et depuis, les portes des théâtres étaient restées obstinément fermées devant l’auteur sifflé. […] un malheureux appartement qui ment depuis les bourrelets de la porte jusqu’aux cendres du foyer. […] On connaît le genre qui est propre à l’auteur, la combinaison qui porte sa marque. […] … À ce moment, un commissaire de police frappe à la porte.

1320. (1878) Nos gens de lettres : leur caractère et leurs œuvres pp. -316

Loin de prétendre à le supprimer, l’analyse porte le drame en elle et l’enfante. […] À voir ce capitaine numide, on dirait d’une vapeur qui porte une armure. […] Mais les portes sont verrouillées et nul ne peut entendre ses cris. […] les lauriers-roses de Colone y étaient représentés par nos pupitres, et la chaire, toute creusée de noms, y figurait Thèbes aux cent portes ! […] Expression mystérieuse qui me troubla profondément, si profondément, que, sans demander aucune explication, je me dirigeai tout de suite vers la porte, en jetant sur le secrétaire des regards effarés

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