L’auteur avait voulu peindre les guerres et discordes des comtes et des prélats d’Alsace, ranimer les cadavres de l’histoire, mettre en actions les légendes ou chroniques qui se rattachaient aux débris des vieux châteaux : ils passeront devant les yeux du lecteur dans leur costume antique, disait-il de ses personnages, ils agiront suivant les mœurs de leur siècle ; en un mot, je copierai fidèlement la nature, même lorsque je suppléerai par la fiction aux faits que le temps a ensevelis dans les ténèbres de l’oubli. On a là toute une matière de drame, la suite et le mouvement des scènes ; les principaux caractères même sont assez bien esquissés, et il y a un personnage d’Othilie qui a de la grâce et de l’idéal. […] Il y mêlera des personnages, des figures selon la rencontre, le berger basque, plus tard le contrebandier aragonais : En ce moment (au moment de la descente), deux jeunes montagnards nous abordèrent ; beaux et bien faits, ils marchaient pieds nus avec cette grâce et cette légèreté qui distinguent éminemment les habitants des Pyrénées. […] [NdA] Je ne vois pas que Ramond soit nommé dans les Mémoires et la Correspondance de Jefferson, ce qui n’est pas étonnant, Ramond n’étant point alors un personnage en vue.
Le dialogue est moins bien ; il y a trop de style ou de ce qu’on appelle ainsi : les personnages parlent trop comme on écrit quand on se soigne ; c’est du style habillé et paré. […] La Crise, qui me représente d’autres scènes pareilles, ayant même tendance, justifie ce qu’un bon juge du genre me disait en parlant de l’auteur : « Il met ses personnages dans des situations critiques d’où ils ne peuvent raisonnablement se tirer qu’avec une infraction et un faux pas : et il les en tire moyennant un petit moyen vertueux, bourgeois, un enfant qui accourt vers sa mère le jour de sa fête avec un gros bouquet à la main, ou tout autre expédient. […] Feuillet a prouvé dans plus d’une de ses compositions, notamment dans Dalila, et par la bouche de sa Leonora, de son Carnioli (une de ses plus heureuses créations), qu’il savait comprendre la passion, l’art à outrance, la frénésie de la sensation et du plaisir, et qu’il n’était nullement inférieur et insuffisant à les mettre en scène par d’émouvants personnages ; mais il est vrai aussi que, cette excursion faite, cette aventure épuisée et accomplie, il a son chez-lui préféré, sa ligne naturelle et sa voie dans laquelle il aime à rentrer, son inclination tracée et bien distincte. […] En fait, les personnages étant ce qu’ils sont et les choses ainsi posées et amenées, que se passerait-il dans le monde, dans la vie réelle et hors du roman ?
Mais surtout la tradition a conservé un vif souvenir du triomphe de mademoiselle Gaussin en novembre 1752 : telle fut sa magie d’expression dans le personnage de cette reine attendrissante, que le factionnaire même, placé sur la scène, laissa, dit-on, tomber son arme et pleura30. […] Après tout, en cette pièce qu’on a appelée une élégie à trois personnages, Antiochus tient son rang. […] Mais les allusions perpétuelles, au temps de la représentation première, et tous les genres d’intérêt venaient aboutir à ce personnage impérial de Titus et converger à son front comme les rayons du diadème. […] Les difficultés du rôle étaient réelles : Bérénice est un personnage tendre ; le plus racinien possible, le plus opposé aux héroïnes et aux adorables furies de Corneille ; c’est une élégie ; Mademoiselle Gaussin y avait surtout triomphé à l’aide d’une mélodie perpétuelle et de cette musique ; de ces larmes dans la voix, dont l’expression a d’abord été trouvée pour elle par La Harpe lui-même.
Le cadre du lac et des monts serait bien posé, si bientôt il ne devenait trop large et débordant pour les personnages. […] Le personnage d’Elvire transformé en celui de Julie est-il devenu plus vivant ? […] Mais, à d’autres instants et par d’autres endroits, le personnage est devenu en partie systématique. […] Je m’attache au seul personnage de Julie, qui fait l’âme du livre, et je lui applique ce que M. de Lamartine lui-même, dans l’un des beaux passages du volume, dans sa visite aux Charmettes, nous a dit de Mme de Warens : Je défie un homme raisonnable, affirme-t-il, de recomposer avec vraisemblance le caractère que Rousseau donne à son amante, des éléments contradictoires qu’il associe dans cette nature de femme.
Je devrais enseigner ici comment se forment les traditions, comment les systèmes allégoriques prennent un corps, comment des êtres moraux s’individualisent, en quelque sorte, et sont revêtus d’un nom de personnage. […] Tous les poètes qui ont suivi ont créé des événements plus ou moins analogues les uns aux autres, mais tous ont été fidèles à la sorte de vraisemblance du sujet ; tous ont été unanimes dans les caractères des personnages qui sont les héros de cette épopée romanesque. […] M. de Chateaubriand a pris pour centre d’une véritable épopée deux personnages sans nom ; mais il ne s’est pas encore entièrement affranchi du vieux préjugé classique ; car Eudore descend de Philopœmen ; et Cymmodocée, d’Homère. […] Les peintres qui ont cru pouvoir adopter le nu se sont étrangement trompés ; car, dans les tableaux, les personnages n’ont plus ce voile de l’immobilité et de l’absence de la couleur.
A parler sérieusement, il n’est qu’un cas où le personnage vivant ait plein droit d’invoquer avec éclat et franchise l’attention publique sur l’intimité de ses pensées et de sa vie ; c’est quand ce personnage est public lui-même, que ses actes extérieurs sont dévolus à l’opinion, et qu’il les discute par-devant elle : ses mémoires ne sont rien alors qu’un plaidoyer qu’il lance dans les débats, et le procès se poursuit jusqu’à ce que vienne l’histoire.
En résumé, durant cette période de 1620 à 1634, quels personnages figurent à l’hôtel de Rambouillet ? […] Aucun de ces personnages ne peut donner lieu à l’imputation de préciosité et d’affectation, qu’on a tant répétée contre l’hôtel de Rambouillet.
Toute la différence se réduit à un peu plus de dignité dans les personnages : là, ce sont des Rois, des Princes ou des Héros ; ici, des hommes d’un rang inférieur. […] On peut bien nous présenter un Acteur ayant un pied dans le Cothurne, & l’autre dans le Brodequin ; mais tandis qu’on s’applaudira de cet accord bizarre, ce personnage n’en sera que plus ridicule aux yeux du goût & de la raison.
Replacer les tragédies et les comédies grecques dans le milieu qui les a produites, éclaircir et élargir leur étude en l’étendant sur monde antique, par les aperçus qui s’y rattachent et les rapprochements qu’elle suggère, soulever le masque de chaque dieu et de chaque personnage entrant sur la scène pour décrire sa physionomie religieuse ou son caractère légendaire ; commenter les quatre grands poètes d’Athènes, non point seulement par la lettre, mais par l’esprit de leurs œuvres et par le génie de leur temps ; tel est le plan que je me suis tracé et que j’ai tâché de remplir. […] Quant aux noms des héros et des personnages historiques qui ne diffèrent, le plus souvent, de l’orthographe hellénique, que par la forme des lettres ou par le son de la désinence, j’ai maintenu leurs équivalents vulgarisés par l’usage.
Les personnages du drame romantique ont la fièvre du moment, ils se démènent plutôt qu’ils n’agissent dans les drames de M. […] Mais la plupart des personnages de Diane de Lys ne sont-ils pas empruntés au meilleur monde ? […] Il a rajeuni de moitié les personnages qu’il empruntait à Balzac, persuadé qu’il rajeunissait du même coup son idée. — Cet escamotage ne lui a pas réussi. […] Castille en arrive à se substituer à tout propos à son principal personnage. […] Les héros du romantisme oubliaient d’être passionnés à force de chanter leur passion sur tous les modes lyriques : les personnages de M.
Quelle saillie et quel relief l’interminable énumération donne au personnage ! […] Il ne se transformait pas d’abord et de lui-même en son personnage ; il n’y arrivait que par degrés ; parfois il s’arrêtait en chemin, et sous le personnage, on aperçoit Balzac lui-même. […] Les grands personnages. […] Que de moyens pour rendre un personnage grotesque ! […] Il raisonne et ses personnages raisonnent à chaque instant.
Aussi les personnages de M. […] leur anthologie est prête ; ils munissent bon gré mal gré leurs personnages. […] Les personnages, quelque vulgaires qu’ils soient, sont posés avec une solennité épique. […] Aussi les personnages de M. […] Les personnages de M.
Quant à la morale de ces fables, elle n’est guère que locale, parce que les personnages sont des gens de parti. […] Le fabuliste n’a qu’une épithète pour peindre un personnage ; souvent même il se borne à le nommer. C’est à l’imagination du lecteur à se représenter, quand ce personnage entre en scène, sa physionomie et ses mouvements. […] Aussi ne se plaît-on aux fables d’Esope et de Phèdre que pour le mérite de la justesse ; et ce n’est pas si peu ; mais on n’y fait pas amitié avec les personnages : on a l’instruction sans le plaisir. […] Il y avait du vrai dans le portrait du personnage.
Picard ; cependant, dans plusieurs de ses comédies, les personnages destinés à nous égayer ont des mœurs si basses que je n’admets aucune comparaison d’eux à moi ; je les méprise parfaitement aussitôt qu’ils ont dit quatre phrases. […] Voltaire porta au théâtre cette habitude de mettre dans la bouche même des personnages comiques la description vive et brillante du ridicule qui les travaille, et ce grand homme dut être bien surpris de voir que personne ne riait. […] Mais fabriquer un personnage comme Fier-en-Fat, ce n’est pas peindre les faiblesses du cœur humain, c’est tout simplement faire réciter, à la première personne, les phrases burlesques d’un pamphlet, et leur donner la vie.
Le personnage sympathique perd notre sympathie, et le personnage odieux la gagne. […] Dans Polyeucte, dans Pompée, dans Nicomède, on trouvera des personnages et des scènes où la familiarité touche au comique.
Avec une conviction véritablement profonde, il essaya d’exprimer les généralités des caractères et des passions dans toutes les tragédies qu’il écrivit, si l’on excepte quelques œuvres de ses vingt dernières années, où les personnages représentent plutôt des opinions philosophiques que des êtres moraux. […] Mérope est « la mère » ; et Polyphonie, Egisthe, Narbas, tous les autres personnages ont pour fonction d’exciter « la mère » à développer toutes les agitations, toutes les douleurs, les espérances, les puissances de souffrir et d’agir d’une âme maternelle. […] Ces intentions doctrinales, cette prédication, ces maximes, ces personnages qui sont ou des abstractions personnifiées ou les porte-parole du poète, nous refroidissent aujourd’hui les tragédies de Voltaire.
Changer les figures de côté, mettre à gauche ce qui était à droite, à droite ce qui était à gauche, intervertir l’ordre des groupes, distraire un personnage de la scène ou du milieu dans lequel il était placé pour le placer dans une autre scène et quelquefois sous un autre costume, toutes ces choses, et bien d’autres que j’omets, se font et se sont faites, et la Gloire elle-même y a été prise… La Gloire un peu trop vite venue, fille du sentiment exalté d’une époque, a transformé parfois en grand peintre tel grand archéologue, qui avait assez d’exécution et de rétorsion dans la main pour cacher aux ignorants ses… butins, et c’est le critique d’art qui doit réviser ces méprises de la Gloire. […] Mais, quoique je n’aie jamais cru aux traducteurs ou aux illustrateurs à la douzaine, quoique la puissance de s’incorporer à un génie, déjà très rare, n’implique nullement la puissance de s’incorporer avec tous ou avec plusieurs, et qu’interpréter à merveille les Contes drolatiques de Balzac, par exemple, ne soit pas une raison pour bien interpréter Shakespeare, cependant la difficulté de traduire les différents génies qui concourent à cette grande œuvre de la Bible, à cette Babel sans confusion de langues qui ne menace pas le ciel, mais qui le fait descendre sur la terre, cette difficulté tient encore plus à la grandeur des scènes et des personnages qu’on y trouve qu’à la diversité des génies qui les ont exprimés, et ici la question du surnaturalisme revient par un autre côté, car bien évidemment l’Histoire, la stature de l’Histoire et de l’homme, sont ici dépassées. Le geste humain est devenu plus qu’humain, et tout a pris des proportions telles qu’il y a moins loin des contes de Perrault à Shakespeare que de Shakespeare lui-même au plus petit des douze petits prophètes, et des plus épiques personnages de l’Histoire à ces géants des premiers âges du monde, auxquels, dans le nôtre, un peintre à leur taille et de leur taille doit toujours manquer !
C’est pourquoi le personnage d’Armande est parfaitement vrai. […] L’analyse de la pièce est tout entière dans l’analyse des personnages. […] Le personnage de Philippe II, dans la pièce de M. […] Casimir Delavigne a baptisé de noms harmonieux les personnages de sa pièce ? […] C’est avec ces personnages que M.
C’est que l’artiste a su donner à ces personnages une vie intérieure. […] Met-il en scène des personnages historiques ou légendaires ? […] Nous présente-t-il une scène quelconque où plusieurs personnages jouent un rôle ? […] Je puis donc établir sur cette base l’esquisse de mon personnage. […] Il ne s’embarrasse pas de se définir à lui-même les sentiments de son personnage.
un bien petit monde, bien peu d’événements, bien peu de personnages. […] Taine, la première qualité du romancier était de créer des personnages vivants. […] Quel est le personnage le plus vivant de ce merveilleux et froid récit ? […] Il flotte un peu de cette atmosphère autour des personnages décrits par M. […] Il ne faussera pas ces personnages pour en faire des abstractions et des arguments.
Le chancelier d’Aguesseau plus calme, qui connaissait le travail de l’abbé Le Grand et qui s’était autrefois confié en ce docte et laborieux personnage pour le projet d’une nouvelle collection des Historiens de France, disait après avoir lu le livre de Duclos : « C’est un ouvrage écrit aujourd’hui avec l’érudition d’hier. » Le fait est qu’en lisant de suite ce récit de Duclos, on n’est point intéressé, on n’entre point avant dans le sujet, on n’y vit point, et il semble dès lors que l’auteur n’y a pas non plus habité suffisamment ni vécu. […] Duclos a connu personnellement la plupart des personnages qu’il a entrepris de peindre à la postérité. » Il n’avait pas soupé avec Louis XI, a remarqué Sénac de Meilhan, expliquant par là la froideur de la précédente Histoire ; il avait, au contraire, soupé avec bon nombre de ceux dont il fait mention dans ses Mémoires de la Régence et du règne de Louis XV. […] Duclos avait encore présentes certaines scènes de 1711, de 1712, et en avait gardé les poignantes émotions, comme nous avons eu celles de 1812 et de 1814 ; les victoires de Marlborough, les menaces et les outrageuses espérances du prince Eugène, l’épuisement de la France dans cette lutte extrême60, la carte du démembrement projeté, il rend cela avec nerf et dans un sentiment patriotique : c’est lorsqu’il en vient aux portraits des personnages qu’il s’en remet purement à Saint-Simon. […] Ce que je fais là pour le portrait de Mlle Choin, on peut le faire presque indifféremment pour le portrait de n’importe quel personnage du temps, le duc et la duchesse de Bourgogne, le maréchal de Villars, Louis XIV mourant, Mme des Ursins, le père Tellier, etc. ; entre la copie de Duclos et l’original de Saint-Simon, le rapport est le même. […] Ne trouvant pas, apparemment, assez de vivacité à ce récit de Saint-Simon et à ce discours indirect, il le met en scène, en dialogue ; il suppose les paroles mêmes des deux personnages et leur prête à tous deux de sa familiarité.
Pour nous, ce qui nous attire et ce qui nous en plaît aujourd’hui, ce n’est pas tant ce canevas sentimental aisé à imaginer, et qui est traité d’ailleurs avec grâce et délicatesse, comme aurait pu le faire Mme de Souza ; ce sont moins les personnages amoureux que des personnages au premier abord accessoires, mais qui sont en réalité les principaux : c’est un président de Longueil, forte tête, à idées politiques, à vues étendues, une sorte de Montesquieu consultatif en 89, et qui, en écrivant à Saint-Alban, lui communique ses appréciations supérieures et son pronostic chaque fois vérifié ; — c’est aussi le père du jeune Saint-Alban, espèce de Pétrone ou d’Aristippe, qui, pour se livrer à ses goûts d’observation philosophique et de voyages, a renoncé dès longtemps aux affaires, aux intérêts publics, même aux soins et aux droits de la puissance paternelle, et s’en est déchargé sur son ami le président de Longueil. […] M. de Meilhan semble s’être divisé à plaisir entre ces deux personnages qui souvent se combattirent en lui, l’homme d’État et l’épicurien. […] Laissons M. de Meilhan nous le dire par la bouche d’un de ses personnages : Je me rendis dans une maison voisine où se rassemblait ordinairement l’élite de la société ; mon cœur était navré, mon esprit obscurci des plus sombres nuages, et je croyais trouver tout le monde affecté des mêmes sentiments ; mais écoutez les dialogues interrompus des personnes que j’y trouvai, ou qui arrivèrent successivement : « Avez-vous vu passer le roi ? […] Molé, les vices de son temps, et il se piquait trop de les avoir pour négliger de se peindre par ce dernier aspect : il s’est donc montré aussi dans le père du jeune Saint-Alban, dans ce second personnage sybarite et relâché qui fait contraste avec le président, et qu’il a traité également avec complaisance.
Peu d’hommes, indépendamment de toute éducation et de tout acquit, sont nés aussi instinctivement distingués ; j’entends par distinction « une certaine hauteur ou réserve naturelle mêlée de simplicité. » Dans tout ce qui sort de son crayon, de même : il est toujours élégant, aussi peu comme il faut que possible quand il le faut et que ses personnages l’y forcent, aussi bas que le ton l’exige ; il n’est jamais commun. […] Il fait donc des personnes qui sont entre elles en parfait rapport de mouvements, de gestes ; mais comme son faire modifie quelque peu les figures qu’il veut reproduire, qu’il a vues en réalité ou plutôt qu’il a présentes dans l’esprit et en idée, comme de plus l’impression sur la pierre va les modifier quelque peu encore, il attend le retour de l’épreuve afin de faire dire à ses personnages ce qu’ils ont l’air réellement de dire ;’et c’est alors seulement qu’il se demande en regardant son épreuve : « Maintenant que se disent ces gens-là ? […] Gavarni fait avec ses personnages, pour ses légendes, ce que M. de Gingins faisait pour le dialogue avec son interlocuteur : il met sur leurs lèvres les paroles qui en doivent naturellement et nécessairement sortir. « Un soir que nous parlions à Gavarni de ses légendes, racontent MM. de Goncourt, et que nous lui demandions comment elles lui venaient : « Toutes seules, nous dit-il ; j’attaque ma pierre sans penser ‘a la légende, et ce sont mes personnages qui me la disent… Quelquefois ils me demandent du temps… En voilà qui ne m’ont pas encore parlé… » Et il nous montrait les retardataires, des pierres lithographiques adossées au mur, la tête en bas. » Ces mots décisifs, ces paroles stridentes qui ouvrent des jours soudains sur une action, sur un ordre habituel de sentiments, et qui sont comme des sillons de lumière à travers la nature humaine, font de Gavarni un littérateur, un observateur qui rentre, autrement encore que par le crayon, dans la famille des maîtres moralistes. […] Pour Balzac, la personnalité individuelle n’existait pas, qu’elle se marquait trop ; elle était assommante ; il ne valait quelque chose que quand il s’était fait autrui, un des personnages de ses créations ou de ses rêves.
S’il avait osé, s’il était venu avant d’Aubignac, Mairet, Chapelain, il se serait, je pense, fort peu soucié de graduer et d’étager ses actes, de lier ses scènes, de concentrer ses effets sur un même point de l’espace et de la durée ; il aurait procédé au hasard, brouillant et débrouillant les fils de son intrigue, changeant de lieu selon sa commodité, s’attardant en chemin, et poussant devant lui ses personnages pêle-mêle jusqu’au mariage ou à la mort. Au milieu de cette confusion se seraient détachées çà et là de belles scènes, d’admirables groupes ; car Corneille entend fort bien le groupe, et, aux moments essentiels, pose fort dramatiquement ses personnages. […] Les personnages de Corneille sont grands, généreux, vaillants, tout en dehors, hauts de tête et nobles de cœur. Nourris la plupart dans une discipline austère, ils ont sans cesse à la bouche des maximes auxquelles ils rangent leur vie ; et comme ils ne s’en écartent jamais, on n’a pas de peine à les saisir ; un coup d’œil suffit : ce qui est presque le contraire des personnages de Shakspeare et des caractères humains en cette vie. […] Fauriel, dans une leçon, comparant les deux Cids, remarquait, comme différence, l’abrégé fréquent, rapide, que Corneille avait fait des scènes plus développées de l’original : « Chez Corneille, ajoutait-il, on dirait que tous les personnages travaillent à l’heure, tant ils sont pressés de faire le plus de choses dans le moins de temps !
Les personnages de second plan : variété, vérité, finesse des études de caractère. — 4. […] Et c’est pourquoi il a si bien réussi ses personnages de magistrats et d’hommes d’État, ses théoriciens du gouvernement, de la conquête et de la sédition. […] Tous les personnages de Corneille, du moins ceux du premier plan, les héros sont construits sur cette donnée, les femmes comme les hommes, les scélérats comme les généreux. […] Des personnages secondaires Autour de ses héros, représentants de cette force infinie qui est en nous et dont la plupart de nous font si peu d’usage, Corneille place des âmes moyennes, telles que la vie en présente à chaque instant ; ces caractères de second plan sont souvent d’une observation curieuse, d’une vérité originale et fine. […] Il y a bien de l’exagération, la formule première une fois admise, dans le reproche de raideur qu’on fait aux personnages de Corneille.
D’abord la condition des personnages : ce ne sont que princes et princesses, rois et empereurs, à moins que ce ne soient des héros légendaires à qui leur mystérieux éloignement prête je ne sais quelle vaporeuse grandeur. […] Voltaire a soin d’amputer le caractère de son principal personnage des qualités qui pouvaient nuire à sa dignité. […] Chez Marivaux, par exemple, Dorante ou Lélio (peu importe le nom ; c’est toujours le même personnage sous des noms différents) est un joli garçon à combler d’aise toutes les jeunes pensionnaires. […] Elle a pu être accusée d’inventer à plaisir ces personnages implacablement guindés qui ne se détendent jamais en un sourire. […] Piètre victoire, qui n’empêche pas son poème entier d’être, à cause de son effort persistant pour polir son style et ses personnages, revêtu d’une teinte grisâtre qui efface et les caractères et les événements !
La tragédie emprunte aux anciens les sujets qu’elle traite, les personnages qu’elle met en scène, la structure même qu’elle affecte ; mais elle coule dans le moule d’autrefois des idées, des sentiments, des façons d’agir et de parler qui appartiennent au xviie siècle. […] Molière, le moins religieux des écrivains d’alors, a soin, quand il attaque les faux dévots, de mettre dans la bouche d’un de ses personnages l’éloge de la piété sincère. […] Quand vient à mourir un prince, une princesse, un homme de haut parage, on tapisse une église de tentures superbes ; on dresse au milieu de la nef un catafalque qui cache l’autel ; on expose des tableaux qui racontent les hauts faits du personnage et de sa famille ; on construit des estrades où s’entassent marquises, duchesses et grands seigneurs ; on fait en un mot de la cérémonie funéraire une pompe théâtrale capable d’effacer les plus belles décorations des ballets royaux. […] On peut la reconnaître dans tous ces personnages qui débrouillent et expliquent leurs sentiments avec une logique et une clarté parfaites, comme s’ils étaient des psychologues de profession. […] L’action semble se passer n’importe où, n’importe quand, entre des âmes qui n’ont des corps que par une vieille habitude ; le décor est réduit au minimum ; la mise en scène est simplifiée à l’extrême ; l’extérieur des personnages n’est pas ce qui doit intéresser, leur vie interne a seule droit à l’attention ; et encore dans la peinture de leurs pensées et de leurs sentiments ne veut-on exprimer par des formules définitives que l’essence de la nature humaine.
Le dialogue date de ce second personnage posé en face du premier ; car parler et répliquer à un Chœur impersonnel et confus, c’était converser avec un écho. […] » Avant lui, les masques étaient inanimés ou informes ; il les fit modeler et peindre, d’après les types consacrés, plus grands et plus accentués que nature, avec ces bouches béantes, ces yeux caverneux, ces traits saillants, ces chevelures étagées et calamistrées qui frappaient chaque personnage à l’effigie d’une tête surhumaine. […] On ne voit pas les héros proportionnés de Sophocle, les personnages tout humains d’Euripide, représentés par des géants masqués, chaussés de piédestaux, aux faces immobiles et marmoréennes. […] Sa terrible idéalité est la nature même de ses personnages. […] Les personnages interrompus, à chaque instant, par le chant des Chœurs, semblent lutter et s’interpeller au bord de la mer.
Philibert sent l’absinthe, le vespétro, le tabac de caporal, la vie des cafés et des salles de billard ; il veut dire mauvais sujet, comme Arthur signifie amant de cœur et joli garçon ; il baptise au petit verre le personnage qui s’en est coiffé. […] Augier, et nous y reviendrons tout à l’heure, de méconnaître, à chaque instant, les convenances de l’époque qu’elle a choisie, du cadre dans lequel elle s’est placée, du rang et de la figure des personnages qu’elle met en scène ; il introduit les mœurs de la tonnelle et de la taverne dans ce château aristocratique : Immitit liquidis fontibus aprum… Ce qu’on pourrait traduire : il lâche le… sanglier de Rabelais dans le boudoir de porcelaines du dix-huitième siècle. […] Ses personnages, lorsqu’ils s’avisent de pindariser et d’admirer le ciel bleu, me rappellent tout à fait les Philistins de la chanson d’Henri Heine : « Des Philistins, dans leurs habits du dimanche, se promènent à travers bois et vallons ; ils poussent des cris de joie, ils frétillent comme des poissons, ils saluent la belle nature. […] Étrange personnage ! […] Dara, dara bastonara… Le vice organique de cette comédie, vous le voyez, c’est l’odieux personnage qu’elle porte en elle ; il l’aigrit, il l’empoisonne, il la corrompt, il la brouille de son fiel et de sa noirceur.
Bartholmèss est un écrivain non seulement très instruit, mais élégant, facile, spirituel, qui traite des matières et des personnages philosophiques sans effort, sans ennui, et qui sait même y répandre de l’intérêt, un certain coloris animé et comme affectueux. […] Huet se rendait parfaitement compte qu’il était l’homme d’une époque qui finissait : Quand je suis entré dans le pays des lettres, dit-il, elles étaient encore florissantes, et plusieurs grands personnages en soutenaient la gloire. […] Chaque savant personnage que rencontrait le jeune homme sur son chemin (et l’Académie de Caen en réunissait alors un grand nombre) lui devenait ainsi un nouvel instigateur d’étude ; il absorbait avidement chaque source vive qui lui était offerte, et, toujours altéré, il en demandait encore. […] Huet ne devint un personnage officiel, le sous-précepteur du Dauphin, qu’en 1670, c’est-à-dire à l’âge de quarante ans ; il ne prit pas les ordres sacrés avant quarante-six ans, et ne fut nommé évêque qu’à cinquante-cinq. […] Je n’ai pu que l’effleurer en passant, mais j’ai tâché de ne hasarder aucun trait qui ne fut exact et vrai sur un personnage si considérable en son temps et de loin si original.
À toutes les objections de Cosnac, Louis XIV répondit : « Monsieur, je crois que vous êtes bien homme pour eux (c’est-à-dire l’homme qu’il leur faut), et on ne manquera pas de vous donner de l’appui, en faisant bien, comme je l’espère. » Dans toute cette dernière partie de sa carrière, Cosnac devient donc un personnage considérable, un des instruments actifs et perfectionnés de la politique de Louis XIV dans l’administration ecclésiastique de son royaume. […] La nature ayant formé cette âme et ce personnage héroïque du Grand Condé, il semble qu’il ne lui était pas resté assez d’étoffe pour faire un grand homme ni même un bel homme : il en était résulté ce prince chétif, rachitique, spirituel, muable de volonté, capricieux avec violence, qui n’avait que des éclairs en tout, en amour, en valeur, en religion, et qui fut toujours dominé par ses entours. […] J’avais beaucoup d’intrigues dans la ville… Nul plus que lui ne contribua alors à insinuer parmi les bourgeois des idées de paix, à les donner au prince de Conti, à le détacher des entreprises aventureuses où les autres personnages du parti le voulaient rengager, et à conclure ce traité dont Gourville, qui survenait toujours à propos, fut aussi l’un des négociateurs et l’heureux messager. […] Le rôle de Cosnac dans cette petite cour et ses relations avec Madame sont trop honorables et trop particulières pour être ainsi étranglées ; je me réserve d’y revenir en m’arrêtant sur ce gracieux et séduisant personnage de Madame, dont il nous fait connaître les pensées et nombre de lettres intimes. […] Ses Mémoires feront prévaloir désormais cette partie sérieuse de sa vie, et l’on connaîtra en somme un personnage et un caractère de plus dans ce siècle où il y en eut tant d’originaux.
La table cache les personnages importants. […] Le fond du salon est percé de niches qui font sans doute un bel effet en peinture, mais qui en font un mauvais en gravure, parce qu’on n’y distingue pas assez les statues qui les remplissent, des personnages intéressés à la scène.
Telle est la grossiereté des personnages de l’iliade. […] En vertu de ce droit de fable, les chevaux deviendront-ils des personnages tragiques ? […] Mais qui a jamais dit ni avant ni après lui, que le poëte épique fasse agir ses personnages par des vûës secretes qu’il laisse à deviner à ses lecteurs. […] Non, je n’ai jamais vû, et je ne verrai jamais de si grands personnages que les Pirrithous, etc. […] C’est qu’il ne faut mettre que rarement des sentences dans la bouche d’un personnage passionné.
Il faut ou que ces illustres personnages justifient Sénèque, ou que le vicieux Sénèque les accuse. […] Il faut convenir qu’à côté d’un Tibère, un plaisant personnage à supposer, c’est un casuiste de Sorbonne. […] — Oui, mais de vertueux personnages qu’il osait consulter sur un parricide. […] Comment ces respectables et sages personnages se conduisentils dans ces conjonctures ? […] Combien d’illustres personnages dont la bravoure n’a pas été préconisée ?
Nul personnage nouveau. […] Ses personnages, ce sont ses conceptions. […] Cependant il est clair que, des quatre grands personnages que M. […] Zola un personnage très amusant. […] Zola saura toujours donner à ses personnages.
Tout se rapporte à ce seul personnage dont la passion expose, noue et dénoue le sujet. […] Maintenant le personnage s’anime et se meut. […] N’y imprimera-t-on pas les mœurs convenables aux personnages, aux temps, et aux lieux ? […] Le poète a deux manières de raconter : l’une est de dire lui-même ce que les personnages font ; l’autre est de leur faire dire ce qu’ils ont fait. […] Les choses sont préparées et les personnages connus d’avance.
Ce serait en vain que vous y chercheriez une tirade brillante ; ce n’est qu’une fois ou deux dans les cinq actes qu’il arrive à un personnage de dire de suite plus de douze ou quinze lignes. […] Depuis la mort du dernier des Stuarts, qui pourrait trouver odieux le personnage du baron de Bradwardine, ou le major Bridgenorth de Peveril ? […] Autre contraste entre des personnages du second ordre : M. […] Les personnages ne savent pas qu’il y a un public. […] Dès l’instant qu’il y a concession apparente au public, il n’y a plus de personnages dramatiques.