Il n’en voit plus les joies ; il en aperçoit mieux les peines et les inégalités, qu’il exagère ou qu’il ne supporte plus. […] Nos pères, enseignés par le christianisme, avaient un sens plus profond de l’égalité, dont nous parlons sans cesse, mais à laquelle nous avons tant de peine à souscrire.
Or, dans les amnésies où toute une période de notre existence passée, par exemple, est brusquement et radicalement arrachée de la mémoire, on n’observe pas de lésion cérébrale précise ; et au contraire dans les troubles de la mémoire où la localisation cérébrale est nette et certaine, c’est-à-dire dans les aphasies diverses et dans les maladies de la reconnaissance visuelle ou auditive, ce ne sont pas tels ou tels souvenirs déterminés qui Sont comme arrachés du lieu où ils siégeraient, c’est la faculté de rappel qui est plus ou moins diminuée dans sa vitalité, comme si le sujet avait plus ou moins de peine à amener ses souvenirs au contact de la situation présente. […] 3º Mais si l’on envisage ainsi les rapports de l’étendu à l’inétendu, de la qualité à la quantité, on aura moins de peine à comprendre la troisième et dernière opposition, celle de la liberté à la nécessité.
et si, dans la pensée du poëte, cette fiction était l’image des combats que soutient ici-bas la vérité contre la violence, si le Prométhée d’Eschyle représentait l’être supérieur qui se dévoue pour éclairer les hommes, qui d’abord en porte la peine, sous la torture des fers et de l’inaction, puis est délivré, reprend son œuvre et la voit accomplie ; si l’enseignement moral de cette gradation tragique paraissait tellement vraisemblable que plus d’un père de l’Église a cru pouvoir, sans profanation, reconnaître dans les souffrances de Prométhée un type précurseur de celles du Christ, quelle ne devait pas être l’illusion pathétique de ces trois drames humains, dans leur ensemble et leur péripétie dernière ! […] Au rivage de Munychium furent attachés les câbles, pour descendre ; et dès lors, sous le coup d’impures amours, elle a été frappée dans l’âme de la terrible maladie d’Aphrodite ; et, soumise à un cruel malheur, elle attachera elle-même aux voûtes nuptiales le cordon fatal qui va serrer son cou d’albâtre, par effroi de l’implacable déesse, par désir jaloux de bonne renommée, et pour écarter de son âme les peines de l’amour. » Sous les détours, et comme sous les plis onduleux de cette poésie, le dénouement même prédit ne semble-t-il pas se voiler à demi, avec cet art suprême des Grecs de ne pas épuiser l’horreur et de garder toujours la dignité et presque la grâce austère dans la douleur ?
Nous ne croyons pas faire tort au théâtre si populaire où elle a été donnée, ni encore moins faire peine à MM. les auteurs, en consignant ici l’expression, toute flatteuse pour eux, de ce regret.
Au fond, voyez-vous, c’est là ma prédilection secrète, mon courant caché ; et quand toutes mes digressions dans les bouquins me fournissent jour à un sonnet neuf, à un mot à bien encadrer, à un trait heureux dont j’accompagne un sentiment intime, je m’estime assez payé de ma peine ; et, en refermant mon tiroir à élégies, je me dis que cela vaut mieux après tout que tous les gros livres d’érudition, lesquels je veux pourtant faire de plus en plus profession d’estimer. — Mais, il faut en venir, mon cher Béranger, à l’objet de cette lettre.
Le principal défaut des artistes d’aujourd’hui, peintres ou poëtes, c’est de prendre l’intention pour le fait, de croire qu’il leur suffit d’avoir pensé une belle chose pour que cette chose paraisse belle ; au lieu de se donner la peine de réaliser l’idéal de leur conception, ils nous en jettent le fantôme.
Une expérience rigoureuse lui avait appris qu’aux maux profonds, aux peines du dedans, il n’est de remède que le temps, le silence absolu, et aussi l’espoir de ce monde invisible où nous nous réunissons dans nos pures essences.
Le soin qu’il prend en sa préface de vouloir identifier le népenthès avec l’opium est peine perdue ; je m’en tiens, en le lisant, au népenthès d’Homère ; et ce titre, assez dans le goût allemand, et qui fait appel à l’érudition grecque, résume à merveille pour moi la variété multiple, curieuse, amusante, l’instruction étendue, agréablement bigarrée, légèrement moqueuse, le bon sens raffiné et salutaire, la saveur en un mot d’un livre écrit par l’un des plus distingués littérateurs en une époque comme celle de Lucien, où l’on se rappelle encore de bien loin son Homère, et où l’on extrait avec recherche le suc de toutes choses.
A peine le nom de Bergier surnage-t-il parmi ceux des apologistes de l’Église.
Mais c’était un tour de force, un équilibre de jour en jour plus instable ; l’association qu’un principe purement négatif unissait se relâchait à chaque instant davantage ; le chef lui-même se lassait à la peine : aussi dès que le triomphe du principe arriva, dès que le drapeau de liberté, reprenant ses vraies couleurs, flotta par toute la France, le chef actif sentit le besoin du repos, et l’association politique se rompit.
On a beau dire qu’il est impossible de persuader à un individu qu’il a du plaisir quand il n’en a pas : c’est possible ; mais il n’est pas du tout impossible de lui persuader qu’il faut avoir du plaisir, sous peine d’être un imbécile.
Cette philosophie rudimentaire, non pas vraie (je l’espère du moins), mais irréfutable, qui a très bien pu être celle du premier anthropoïde un peu intelligent et à laquelle les hommes les plus raffinés des derniers âges finiront peut-être par revenir après un long circuit inutile ; cette philosophie que Maupassant a pris la peine de formuler dans un de ses derniers volumes (Sur l’eau), est la froide source, secrète et profonde, d’où venaient à la plupart de ses petits récits leur âcre saveur.
Entre 1887 et 1891, traversant une crise physiquement maladive, il écrit les Soirs, les Débâcles, les Flambeaux noirs, « abrupte et puissante trilogie trahissant ce que les heures mauvaises lui ont enseigné de lui-même » : les Soirs, la peine du corps infirmé par la douleur ; les Débâcles, la détresse de l’âme que le mal envahit et révolte.
Le jour où Copernic a prouvé que ce qu’on croyait le plus stable était en mouvement, que ce qu’on croyait mobile était fixe, il nous a montré combien pouvaient être trompeurs les raisonnements enfantins qui sortent directement des données immédiates de nos sens ; certes, ses idées n’ont pas triomphé sans peine, mais, après ce triomphe, il n’est plus de préjugé si invétéré que nous ne soyons de force à secouer.
On réputait précieux ce vers de Corneille concernant le crime de Laïus, et la peine que les dieux en ont porter à ses enfants : Et s’il faut après tout qu’un grand crime s’efface Par le sang que Laïus a transmis à sa race… Sans doute il aurait fallu dire : par le châtiment des enfants de Laïus !
C’est de quoi personne n’est en peine.
Toutefois quand le temps, qui détrompe sans cesse, Pour moi des passions détruira les erreurs, Et leurs plaisirs trop courts souvent mêlés de pleurs, Quand mon cœur nourrira quelque peine secrète, Dans ces moments plus doux, et si chers au poète, Où, fatigué du monde, il veut, libre du moins, Et jouir de lui-même, et rêver sans témoins, Alors je reviendrai, solitude tranquille, Oublier dans ton sein les ennuis de la ville, Et retrouver encor, sous ces lambris déserts Les mêmes sentiments retracés dans ces vers.
Il n’y a point de milieu, quand on s’en tient à la nature telle qu’elle se présente, qu’on la prend avec ses beautés et ses défauts, et qu’on dédaigne les règles de convention pour s’assujettir à un système où, sous peine d’être ridicule et choquant, il faut que la nécessité des difformités se fasse sentir ; on est pauvre, mesquin, plat, ou l’on est sublime, et Madame Therbouche n’est pas sublime.
Quand l’idée est absurde, j’ai peine à parler du faire.
On n’aura point de peine à concevoir comment les anciens venoient à bout de composer la déclamation, même celle des comédies, quand on fera refléxion que dans leur musique les progressions se faisoient par des intervalles moindres encore que les intervalles les plus petits qui soient en usage dans la nôtre.
Elle vaut la peine d’être retenue : « L’art d’écrire consiste en ceci : Dire tout ce que l’on veut dire, rien que ce que l’on veut dire, comme on veut le dire et comme il faut le dire. » Ce qui signifie que le seul moyen de bien écrire est d’écrire comme il faut écrire.
Qu’il ait été un satirique effréné, à outrance, qu’il ait exagéré, qu’il en ait trop dit, que les objets se soient grossis, se soient défigurés sous la dilatation de son regard épouvanté ou indigné, qu’il ait calomnié même par le fait, mais à ses risques et périls, et en mettant sa tête au jeu sans la réclamer, la Critique, qui sait bien qu’un jour il parla la pensée de la France, et que l’homme qu’il accusait avait lui-même, par sa conduite et ses maximes, épaissi sur sa tête la nuée livide de si effroyables soupçons, la Critique l’innocenterait sans peine, si seulement il avait eu la bonne foi de sa colère, le vulgaire mouvement de sang de son indignation !
Seul, Boileau, chagrin et chagrinant, avait dit de ce style que La Bruyère, en écrivant ses Caractères, s’était épargné ce qu’il y a de plus difficile, — la peine des transitions.
Mais Swift, lui, est un ironique de certitude, car si son livre aux domestiques, incroyable même quand on l’a expliqué, n’était pas la plus grosse, la plus colossale et la plus sanglante ironie, il ferait vomir de dégoût… Règle générale, du reste : si vous supprimez l’ironie dans le doyen Swift, ce bon prêtre anglican, ce digne homme, comme dit peut-être ironiquement à son tour le bon Walter Scott, il n’y aurait plus là qu’un cynique bon à jeter à la porte de toutes les maisons honnêtes pour sa peine d’en corrompre si abominablement les serviteurs.
Impossible de suivre dans un seul chapitre d’un livre comme celui-ci, le détail infini d’un travail exposé à grand’peine en deux volumes, mais ce qui résulte de ce travail, c’est l’inutilité démontrée de la peine qu’on a prise au point de vue des acquêts et des accroissements de la philosophie.
Le livre qu’aujourd’hui il publie n’ajoutera rien à l’opinion qu’on a, depuis qu’on la lit dans la Revue des Deux-Mondes, de cette plume de peine de M.
Il se fait, autant qu’il le peut, l’âme indienne, et devient, de parti pris et travaillé, métaphysicien et mystique à la façon de ces grands peuples fous, qui portent, comme la peine des races favorisées, et par conséquent plus coupables, le poids sur leur intelligence de quelque colossale insanité !
Malgré ses liaisons avec les Parnassiens, qui sont presque tous ses amis, et quoiqu’on porte toujours un peu sur sa pensée la peine de ses intimités, quoiqu’il ait même payé son passage chez Lemerre de l’obole de quelques sonnets, évidemment M.
La mort d’un homme juste est un objet sublime par lui-même ; mais si ce juste est opprimé, si l’erreur traîne la vérité au supplice, si la vertu souffre la peine du crime, si en mourant elle n’a pour elle-même que Dieu et quelques amis qui l’entourent, si cependant elle pardonne à la haine, si de l’enceinte obscure de la prison où elle meurt, ses regards se tournent avec tranquillité vers le ciel, si, prête à abandonner les hommes, elle emploie encore ses derniers moments à les instruire, si enfin, au moment où elle n’est plus, ce soit le crime qui l’a condamnée qui paraisse malheureux et non pas elle, alors je ne connais point d’objet plus grand dans la nature : et tel est le spectacle que nous présente Platon, en décrivant la mort de Socrate ; il y joint tous ces détails qui donnent de l’intérêt à une mort célèbre et qui en reçoivent à leur tour.
La question vaudrait assurément la peine d’être examinée de près : elle ne manquerait ni de gravité ni d’intérêt. […] Mais il est curieux de savoir ce qu’ils entendent par ce mot ; Beyle notamment a sur ce point une théorie qui vaut la peine d’être notée. […] Mais à quel degré d’abaissement il est descendu pour exploiter celui-ci, c’est ce qu’on a peine à croire. […] Pourquoi ils jouissent dans le repos tandis que vous travaillez dans la peine ? […] C’est l’aveu du malade, il vaut la peine d’être recueilli.
Pourquoi nous donnerions-nous la peine d’apprendre la langue des autres ? […] Ce ne fut donc pas sans peine que Victor Hugo, le courageux champion du romantisme dramatique, arriva à remporter une victoire décisive. […] Seulement j’avais de la peine à reconnaître un immortel sous les habits et surtout sous le chapeau d’un bourgeois. […] Les Français auront toujours de la peine à sortir des vieilles ornières. […] Il eut cependant comme tous les génies hors ligne beaucoup de peine à arriver.
Edmond de Goncourt a pris lui-même la peine de revendiquer cette gloire dans une préface dont on pardonne l’immodestie à l’âge et au talent de l’auteur. […] Pierre Loti n’eut pas de peine à atteindre en très peu de temps une « complète » indépendance de forme. […] On sait avec quelle peine M. […] Quant au roman réaliste, il détruit même cette illusion et ne prend plus la peine de rien déguiser. […] Flaubert s’est tué à la peine.
… » On travaillait aux champs ; la moisson commençait et l’on n’était en peine que de savoir si le temps serait bon pour la récolte. […] La formidable commotion de la présente guerre se propagera ; tout aura subi le branle : ni l’équilibre ne s’établira vite, ni le calme ne se fera sans peine. […] Et ce n’était pas la peine de garder par devers soi si jalousement le précieux dépôt ; ce n’était pas la peine de contrister si cruellement Becq de Fouquières. […] Pour atteindre à la vérité, il ne ménage ni son temps ni sa peine. […] « sous peine d’être devancés par la Prusse dans nos préparatifs. » Bonne raison ?
Si constamment nous avons sous les yeux des spectacles de misère, de laideur, de vulgarité, notre imagination, hantée de ces images, aura peine à en extraire de la beauté. […] La vertu pathétique est une propriété commune à toute œuvre d’art ; une qualité que la poésie, elle aussi, doit posséder, sous peine d’être inférieure aux autres arts : ce n’est pas sa qualité essentielle et distinctive. […] Cela se conçoit sans peine, la nette conscience de la réalité étant incompatible avec la condition essentielle de la poésie, qui est l’état de rêverie. […] Une phrase nette, claire comme eau de roche, qui dit avec une netteté parfaite ce qu’elle veut dire, et rien d’autre, aura toujours peine à nous donner une impression de poésie. […] L’oreille est choquée ; ces rythmes impairs la déconcertent : nous avons peine à en prendre la cadence.
Ne pouvant peindre l’Achille des Grecs, sous peine d’ennuyer les Français, Racine s’est vu obligé d’imaginer un nouveau caractère ; et pour lui donner tout l’éclat dont il était susceptible, il a fallu le former sur le modèle des héros de nos romans de chevalerie. […] Pour établir le danger, ne suffit-il pas qu’il y ait peine de mort pour quiconque ose enfreindre cette loi sacrée ? […] Beauchamp, sans se donner la peine de lire la Guisiade, l’aura prise pour une tragédie de la Ligue. […] Voltaire avait des nègres qui lui fournissaient des matériaux : il les mettait en œuvre avec élégance ; il ne se donnait pas la peine de tirer les diamants de la mine, il lui suffisait de les polir. […] Si dans cent ans d’ici on parle des pièces à qui Volange et Brunet ont fait avoir cent représentations, on aura peut-être plus de peine encore à le croire.
Il n’aspira jamais à conquérir, sur ses confrères de l’Institut, cette influence qui n’est pas toujours le signe et le prix de la supériorité et qui, d’ailleurs, demande, pour s’accroître ou seulement se maintenir, plus de peines et de soins qu’il n’en faudrait pour faire un bon ouvrage. […] Il tomba sur le sable, assis, et, dans sa peine, Eut sur le monde et l’homme une pensée humaine. […] Peine inutile ! […] Je crois sans peine que ce fut là son plus vif regret en mourant. […] Voilà ce que certaines personnes ont peine à lui pardonner.
Il n’y a pas de place ici pour deux. » L’âme en peine s’en alla et demeura une année au désert, dans la prière et dans la pénitence. […] un jour viendra où il aura sa récompense, où il sera l’époux aimé d’une chère et noble femme à laquelle il appartiendra corps et âme et qui sera toute à lui ; or, c’est là le seul bonheur qui mérite ce nom, le seul peut-être qui vaille la peine de vivre. […] Et, si vous n’êtes pas trop enclin à la fatuité, vous verrez là, sans peine, un effet de l’habitude. […] M. l’inspecteur goûtait une cuillerée de soupe et la déclarait succulente ; nous avions peine à en avaler une demi-assiette et nous ne comprenions pas M. l’inspecteur et nous l’accusions d’hypocrisie. […] Pendant tout le moyen âge, les divers conquérants qui ont habité la Grèce ne se sont jamais donné la peine de creuser une carrière.