En vain je soupire et je gronde, Mes destins le veulent ainsi ; Et les prudes de l’autre monde Sont les folles de celui-ci. » Là cette ombre amoureuse et folle Poussa mille soupirs ardents, Se plaignit, pleura quelque temps, Puis en m’adressant la parole : « Pauvre âme, dit-elle, à ton tour.
Quelles qu’aient été les paroles mêmes du roi, il y a eu de sa part premier mouvement et colère.
Dans l’époque, à la fois magnifique et décente, Qui comprit et qu’aida ta parole puissante, Le vrai goût dominant, sur quelques points borné, Chassait du moins le faux autre part confiné ; Celui-ci hors du centre usait ses représailles ; Il n’aurait affronté Chantilly ni Versailles, Et, s’il l’avait osé, son impudent essor Se fût brisé du coup sur le balustre d’or.
Le plus modeste, le plus humble des hommes, il offrait en lui cette union si rare d’une expérience clairvoyante et précise, et d’une naïveté d’impressions, d’une sorte d’enfance merveilleusement conservée ; cela donnait à sa personne, à sa conversation, un grand charme, que sa parole écrite ne rendait pas.
Les historiens qui ont vu dans Rousseau et les philosophes, ses contemporains, les précurseurs et, pour mieux dire, les préparateurs de la Révolution française ; les moralistes qui attaquent ou recommandent un livre, parce qu’il leur paraît susceptible de corrompre ou d’améliorer les mœurs ; les législateurs qui punissent les provocations au crime commises et propagées par le journal ; tous ces hommes ont reconnu implicitement la répercussion que les âmes ont sur d’autres âmes, l’espèce de suggestion qui s’opère par l’intermédiaire de la parole ou de l’écriture.
Et l’on ne parle pas ici seulement de ce qui se passe en province, mais de ce qui se fait à Paris, à notre porte, sous nos fenêtres, dans la grande ville, dans la ville lettrée, dans la cité de la presse, de la parole, de la pensée.
Souvenez-vous de ces paroles qu’il vous dit dans un tête à tête : En considération de M. le marquis de Montausier, j’empêcherai ma compagnie d’aller chez vous ; c’est un seigneur à qui je dois tout.
La profession de Quintilien étoit d’enseigner aux hommes l’art d’émouvoir les autres hommes par la force de la parole ; cependant Quintilien met en paralelle le pouvoir de la peinture avec le pouvoir de l’art oratoire.
Les cantiques ou monologues sont les endroits d’une piece dans lesquels un acteur parle étant seul, ou dans lesquels, supposé qu’il y ait un second acteur sur la scéne, le second personnage ne dialogue point avec le premier, et cela de maniere que si ce second personnage dit quelque chose, il ne le dise qu’en forme d’ aparté, c’est-à-dire, sans adresser la parole au premier.
Il a fait paraître successivement : Les Poèmes saturniens, les Fêtes galantes, La Bonne Chanson, Romances sans paroles, Sagesse, Jadis et naguère.
Quelques pages enfin des Paroles d’un Croyant, quelques-unes des images touchantes et non politiques, pourraient se rapporter à cette poésie de curé de campagne en Bretagne. […] On peut rapprocher moralement et littérairement ce genre familier au curé de Valneige de quelques belles paraboles des Paroles d’un Croyant, et de celles de Krummacher, pasteur à Brème. […] Notre critique, si confiante en Jocelyn, a donc pu être jugée à l’effet un peu imprévoyante, presque comme au lendemain des Paroles d’un Croyant : une vraie critique de girondin.
trois siècles trop tôt, assistât vivant à la scène diplomatique que nous avons sous les yeux, et qu’interrogé par les Italiens ses compatriotes sur le meilleur parti à prendre pour régénérer l’Italie, il prît la parole à Naples, à Rome, à Bologne, à Venise, à Milan, à Turin, soit dans un conseil de diplomates italiens délibérant en famille sur les affaires de la grande nation qui veut revivre, soit dans une de ces tribunes que l’esprit moderne relève au milieu des peuples longtemps muets. […] V Rendez-vous bien compte de la valeur des paroles avant de les jeter au vent, ô Italiens ! […] peuples tant de fois déçus par la vanité des paroles !
Consolante parole que je viens de méditer, qui me revêt le cœur d’espérance, ce pauvre cœur dépouillé. […] Sans soins matériels, sans parole qu’intérieure, sans sentiments que d’intelligence, sans vie que celle de l’âme : il y a dans ce dégagement une liberté pleine de jouissances, un bonheur inconnu, que je crois bien que pour faire durer on puisse aller cacher à cent lieues du désert. […] Les lectures pieuses, la prière, la méditation fortifient ; les paroles d’amitié aussi soutiennent.
Les paroles de Du Bellay sont du plus grand prix : « Si deux peintres, dit-il, s’efforcent de représenter au naturel quelque vifpourtrait, il est impossible qu’ils ne se rencontrent pas en mesmes traits et linéaments, ayantmesmeexemplairedevantlesyeux. » Rien de plus élevé et de plus juste, mais il y faut une condition : c’est que les deux peintres soient supérieurs. […] Le second paraît à Ronsard le type du langage noble, à cause des belles et magnifiques paroles : harnois, endosse. […] Des hommes du plus grand savoir, un cardinal Duperron, fort bon écrivain lui-même dans les matières de théologie, le louaient, mort, « d’avoir annoncé et exposé aux hommes de sa nation les mystères de la poésie ; d’avoir fait parler le premier la muse en françois, et le premier estendu la gloire de nos paroles et les limites de notre langue109. » Ôtez la double exagération de l’oraison funèbre, et de l’éloge dans la bouche d’un contemporain, c’est avoir au moins du bonheur que de donner cette idée à sa nation, et de la laisser, en mourant, pleine de cette estime et de cette ambition pour sa langue110.
Voici un passage du texte original : « Odin chanta devant cette tombe l’évocation des morts, regarda le Nord et traça des runes ; il demanda une réponse, Wola se leva enfin, et chanta les paroles de mort : Wola « Quel est parmi les hommes cet homme à moi inconnu qui répand la tristesse dans mon esprit ? […] Six ans après, l’éditeur Flaxland grava la partition de Rienzi, avec les paroles françaises écrites par M. […] Maurice Kufferath94, n’a fait autant que lui pour aplanir les voies aux idées nouvelles et répandre la parole du nouveau prophète.
Il lui arriva pourtant en une brochurette lourde de méthode sur l’Évolution Félibréenne de dire quelques paroles peut-être courageuses : « Beaucoup, déclare-t-il, sont entrés dans le mouvement félibréen qui ne détestaient point une façon de plus de s’imposer à l’estime de leurs concitoyens ou qui tenaient à écrire dans leur idiome local des vers qui n’auraient pas mieux valu en français. » Et encore : « Que le félibrige soit tombé en discrédit et, pour ne rien céder, se soit même rendu un peu ridicule, il est regrettable qu’il y ait des félibres à ne s’en être point aperçus. » Charles-Brun est félibre ; il n’appartient pas du moins au ridicule félibrige de Paris où pontifient toutes les semaines cinquante grotesques dont les plus connus sont Maurice Faure, ce sénateur ; Albert Tournier, ce député ; Batisto Bonnet, cette canaille ; Sextius Michel, ce gaga. […] Il nous déclame en solennité, avec, autour de la Parole, beaucoup de miousic, de symbole et de mise en scène : « Les Hindous sont des Aryas comme les Européens. […] Mais ces lèvres ne sont point faites pour les paroles d’orgueil et au passage elles les attendrissent comme des aveux d’amour.
Pas un mot de trop, pas une parole qui passe la mesure, un hardi mélange d’amabilité et de remontrance, la sévérité du langage tempérée par des nuances et des manières adorables : c’est la Diplomatie désarmant la Guerre de sa main gantée, et lui arrachant un sourire. […] Son âme est pure encore, mais ses paroles, ses manières, ses regards ne le sont plus déjà : le corps est chaste, la robe est souillée. […] La parole couvre l’action dans la Question d’argent, elle la double, elle la remplace, et — succès unique !
Vendredi 16 février Ce soir, au milieu de paroles vides et baveuses, un homme politique dit, que les seules salles à manger à Paris, où mangeaient des hommes d’État de l’étranger, et dont les maîtres de maison avaient tiré une force et une puissance extraordinaires : c’étaient les salles à manger de Girardin et de Gambetta. […] Il y a un certain sérieux dans les paroles de Daudet, qui me fait lui demander, s’il y aurait quelque chose ? […] Daudet dit que c’est lui, qui lui a donné le la de sa pocharderie royale, en le poussant à jouer la scène, sans flageoler, sans tituber, et seulement avec l’empâtement de la parole.
Voilà une parole et un geste que nous ne pouvons plus comprendre. […] Vaugelas disait, à propos de certains pléonasmes d’usage, que « la parole n’est pas seulement une image de la pensée, mais la chose même », laquelle se représente d’autant plus nettement que la phrase est plus descriptive de l’acte. […] Mots et paroles ont également ces mêmes significations, peut-être atténuées.
De cette puissante voix qui se fait entendre tout à la fois dans vos ouvrages, dans les journaux, dans les salons vous avez dit : « L’art dramatique n’est point connu en France, nos prédécesseurs n’y entendaient rien, nos pères ont eu tort de rire, ou d’éprouver de vives émotions à la représentation de leurs anciens ouvrages, il n’y a de vrai beau que la nature, moi seul je ferai connaître aux Français le vrai beau. » À ces paroles mémorables cent novateurs ont répondu par des cris de joie ; vous êtes tout à coup devenu leur prophète, leur Dieu ; vous avez parlé, ils vous ont écouté avec respect ; vous avez prêché votre loi, ils ont suivi vos préceptes ; vous avez ordonné des chefs-d’œuvre, ils ont travaillé ; enfin vous avez opéré vos miracles, et les théâtres sont tombés. Mais vos sectaires, Monsieur, qui, au moment où vous avez commencé à leur prêcher la parole romantique, avaient encore la modestie, la douceur des apôtres du divin Messie, grâce au succès rapide de votre doctrine, sont devenus tout à coup cruels, intolérants. […] À peine répandiez-vous avec douceur et modestie la parole divine, que les comédiens émus, enivrés des transports que vous faisiez naître parmi vos disciples, se sont prosternés devant vous et ont adoré le vrai Dieu.
Ils cherchent de tous côtés d’où leur viendra la bonne parole. […] Un bruit de paroles qui ne durera qu’un temps, destiné à périr avec la parole humaine. […] Les idées se gèlent comme les paroles et comme le sang. […] Il laisse la parole aux choses. […] Toute parole qu’on lui adresse ne saurait être que l’expression d’un désir.
Il admit à la parole ce pouvoir divin que lui reconnaît Edgar Poe, le pouvoir de créer des mondes. […] Sa parole, son silence même revendiquaient pour elle. […] Il ne m’appartient pas de louer ici les nobles, subtiles, éloquentes et fortes paroles par lesquelles M. […] Aussi l’auteur s’interrompt-il volontiers pour céder la parole à l’un des poètes dont il se plaît à nous entretenir, d’ailleurs fort agréablement et fort judicieusement. […] Elles disent, ces paroles, que la femme doit être plutôt une compagne qu’une associée et constatent que le vrai chemin du bonheur n’est pas celui qu’a pris Geneviève Tellier.
La voix de Baudelaire est si étrangement pathétique, qu’elle semble ajouter à la parole humaine des vibrations venues de l’au-delà. […] « Ce qui est sans paroles chez lui devient parole ; ce qui est général et demeure dans la forme de l’inconscient, chez lui prend la forme du conscient et du concret ; par contre, ce qui se traduit en paroles, est pour lui ce qui ne saurait se dire ou ce qui ne devrait être exprimé ; ce qui est concret et conscient, pour lui devient inconscient et abstrait », dit ce même Hölderlin, en parlant du héros de sa tragédie, Empédocle 5. […] Ils ne pourraient vivre sans se sentir entourés et portés par un large public ; et ils se garderaient bien de lui adresser les paroles méprisantes de Shelley ; bien plutôt essayent-ils de le retenir après l’avoir conquis. […] Cose quaggiù si belle Altre il mondo non ha, non han le stelle30… Les critiques ne manquèrent pas, quand cette voix harmonieuse et douloureuse fit entendre « des accents inconnus à la terre » — musique encore inouïe, sur des paroles qui étaient pourtant vieilles comme le monde. […] « Elle n’était d’abord différente du discours libre et ordinaire que par un arrangement mesuré des paroles, qui flatta l’oreille à mesure qu’il se perfectionna.
L’enfant promet de rendre sa parole à André d’Orcieu. […] « Quand tu pries, dit le Jésus de saint Matthieu, ferme ta porte… Ne multiplie pas de vaines paroles, comme les païens, qui se figurent qu’à force de paroles ils seront exaucés. » Plus fin, le Jésus de M. […] Sur quoi Mme Hélion, indignée, la chasse avec de dures et humiliantes paroles. […] Puis, si Denis rend l’argent, le jeune médecin reprendra sa parole, et le mari de la fille aînée poursuivra l’instance en divorce. […] D’avoir, en des circonstances solennelles, répété après le Christ certaines paroles divines, les « paroles de la vie éternelle », en présence d’une multitude qui peut en rendre témoignage, cela ne s’oublie pas ; cela engage peut-être pour toute une vie terrestre.
Mais les paroles ailées s’envolaient au cintre, et l’attention revenait bien vite à la scène. […] Il semblait appartenir à la race malaise, et il eût dit qu’il était né à Sumatra ou à Ceylan, qu’on l’aurait cru sur parole. […] Delacroix, bien qu’en paroles il affectât quelque froideur, ressentait plus vivement que personne la lièvre de son époque. […] La mélodie effrayait autant que les paroles ! […] Les poètes aimaient beaucoup ce musicien qui respectait leurs paroles et ne dérangeait pas l’économie de leurs strophes savantes.
Sans doute, mais il faut cependant surveiller ses paroles, ses écritures et ses manières, en s’exposant par-là à devenir maniéré, et le mérite est de s’exposer à cela dans le désir de n’être pas un butor. […] Comment voulez-vous qu’Erophile, à qui le manque de parole, les mauvais offices, la fourberie, bien loin de nuire, ont mérité des grâces et des bienfaits de ceux mêmes qu’il a ou manqué de servir ou désobligés, ne présume pas infiniment de soi et de son industrie ? […] Tu peux hardiment te flatter De ces espérances données ; C’est un crime que d’en douter : Les paroles de Jupiter Sont des arrêts des Destinées. […] Ici elle sent qu’elle va trop vite pour que ce soit vraisemblable et elle se reprend, et lourdement : « C’est vous faire sans doute un assez libre aveu et sur notre pudeur me ménager bien peu ; mais puisque la parole enfin en est lâchée… » Cela est bien pénible. […] Quand Dorine lui dit : « Avez-vous perdu la parole et faut-il qu’en ceci je fasse votre rôle », elle ne sait que répondre : Contre un père absolu que veux-tu que je fasse ?
La diction ou le style est, en général, la manière dont on exprime, par les paroles, ses sentiments et ses idées. […] Voyez encore, dans le Mariage forcé, Sganarelle sort de chez lui, en adressant la parole à ceux qui sont dans sa maison : SGANARELLE. […] La joie a vraisemblablement inspiré les premiers chants ; on a chanté d’abord sans paroles, ensuite on a cherché à adapter au chant quelques paroles conformes au sentiment qu’il devait exprimer : le couplet et la chanson ont été ainsi la première musique. […] Rien ne serait plus opposé au langage musical, que ces longues tirades de nos pièces modernes, et cette abondance de paroles que l’usage et la nécessité de la rime ont introduite sur nos théâtres. […] Il y a même cette différence essentielle entre le lyrique et le poète tragique, qu’à mesure que celui-ci devient éloquent et verbeux, l’autre doit devenir précis et avare de paroles, parce que l’éloquence des moments passionnés appartient toute entière au musicien.
N’admettons donc, sur la parole de M. […] » Je dois pourtant citer pour ceux qui n’ont rien lu ; car aussi bien à quel titre prétendrais-je être cru sur parole ? […] N’est-ce pas contre nature, de scandaliser avec une bouche si jeune, et d’être, à la fois, pur de cœur et effronté en paroles ? […] Beaucoup répéteront ce mot, et pour peu qu’il soit spirituel, on ne lira pas les Consolations, et on s’en moquera sur parole, ou plutôt on les lira et on se forcera pour s’en moquer. […] Je recueillais alors toutes ces précieuses paroles, et les enregistrais dans ma mémoire ; je gardais ces petites lettres des grands hommes dans mon tiroir le plus secret, pour les montrer à ma nourrice, bonne vieille femme de province qui remplaçait ma mère dans ses longues espérances sur moi.
Je revois sans difficulté à plusieurs années de distance cinq ou six fragments d’un objet, mais ¡non son contour précis et complet ; je puis retrouver un peu mieux la blancheur d’un sentier de sable dans la forêt de Fontainebleau, les cent petites taches et raies noires dont les brindilles de bois le parsèment, son déroulement tortueux, la rousseur vaguement rosée des bruyères qui le bordent, l’air misérable d’un bouleau rabougri qui s’accroche au flanc d’un roc ; mais je ne puis tracer intérieurement l’ondulation du chemin, ni les saillies de la roche ; si j’aperçois en moi-même l’enflure d’un muscle végétal, ma demi-vision s’arrête là ; au-dessus, au-dessous, à côté, tout est vague ; même dans les résurrections involontaires qui sont les plus vives, je ne suis qu’à demi lucide ; le fragment le plus visible et le plus coloré surgit en moi sans éblouissement ni explosion ; comparé à la sensation, c’est un chuchotement où plusieurs paroles manquent à côté d’une voix articulée et vibrante. […] Au bout de quatre semaines, leur nombre augmenta ; elles commencèrent à parler entre elles, à lui adresser la parole, et le plus souvent de petits discours agréables. […] À peine au lit, il entend la même voix et les mêmes paroles sortir de la pendule. […] À la suite d’une faute, il surgit plus fort. — Les paroles mentales par lesquelles il l’exprime deviennent un chuchotement de ses camarades, puis une voix de la pendule. — La voix recommence, et la conviction se fait. — Des hallucinations désordonnées de la vue, puis du toucher, se surajoutent. — Pendant trente heures, les voix continuent, et l’hallucination auditive est au maximum. — Puis il est soudain débarrassé, comme si l’abcès mental, arrivé à maturité, s’était de lui-même ouvert47.
. — Mais celle qui était la plus grande entre elles toutes, — et la plus belle, mit la tête du roi dans son giron — et défit le casque brisé, et l’appela par son nom en pleurant tout haut1543. » La barque se détache, et Arthur, élevant sa voix lente, console sire Bedivere qui s’afflige sur le rivage, et prononçant ces paroles d’adieu, héroïques et solennelles : « Le vieil ordre change, cédant la place au nouveau ; — et Dieu s’accomplit lui-même en plusieurs façons, — de peur qu’une bonne coutume étant seule ne corrompe le monde […] Sans être pédant, il est moral ; on peut le lire le soir en famille ; il n’est point révolté contre la société ni la vie ; il parle de Dieu et de l’âme, noblement, tendrement, sans parti pris ecclésiastique ; on n’a pas besoin de le maudire comme lord Byron ; il n’a point de paroles violentes et abruptes, de sentiments excessifs et scandaleux ; il ne pervertira personne. […] Il a choisi ses idées, il a ciselé ses paroles, il a égalé, par l’artifice, les réussites et la diversité de son style, les agréments et la perfection de l’élégance mondaine au milieu de laquelle nous le lisons. […] Ils sont raffinés et ils sont avides ; il leur faut chaque jour une provision de paroles colorées, d’anecdotes crues, de railleries mordantes, de vérités neuves, d’idées variées.
Telle inspiration, tel effet ; voilà le secret de l’impression qu’on produit dans tous les arts, soit avec la parole écrite, soit avec les notes, soit avec le pinceau ; car l’art, au fond, ne vous y trompez pas, ce n’est que la nature. […] VI Nous nous rencontrions souvent à la cour : les convenances politiques ne nous permettaient pas de nous voir ailleurs ; même à la cour, et confondus par le mouvement du salon dans les mêmes groupes, nous ne pouvions pas, sans éveiller les ombrages de la diplomatie, nous adresser directement la parole. Il avait donc été convenu entre nous, par l’intermédiaire d’un ami commun, que nos conversations seraient à double entente ; que nous ne nous regarderions jamais face à face en causant ensemble, mais que nous aurions l’air de nous adresser à un troisième interlocuteur dans la confidence des deux ; que chacun de nous paraîtrait adresser à ce tiers complaisant ce que nous avions à nous dire ; que nous nous entretiendrions obliquement, par ricochet, et que nos paroles, insaisissables ainsi à la foule, ressembleraient à ces projectiles qu’on dirige d’un côté pour frapper ailleurs. […] Une indescriptible impression de bien-être, de paix, d’existence, de sécurité, de plénitude des sens et du cœur, pénètre l’âme avec les rayons, avec l’air, avec le son, avec l’horizon sans bornes de la campagne de Rome ; on se sent noyé dans la béatitude du soleil d’été ; la vie surabondante écume et murmure, comme une cascade de Terni, dans la poitrine ; on craindrait de troubler par une parole, par le bruit même d’une respiration, l’extase qui vous soulève d’ici-bas on ne sait où ; on se tait, et ce silence est l’hymne inarticulé de la saison où l’homme fructifie avec l’herbe des champs.
On m’avait bien prévenu que le roi n’adressait la parole qu’aux étrangers de distinction, et, qu’il me parlât ou non, je n’y tenais guère. […] Louis XV, placé entre la fidélité à sa parole et l’infidélité à son honneur de roi, le fit arrêter à l’Opéra le 10 décembre 1748. […] N’oublions pas que, parmi les défenseurs de la comtesse, celui qui porte ici la parole est certainement le moins suspect : le cardinal Henry d’York est le propre frère de Charles-Édouard, comte d’Albany. […] Votre nom de comtesse d’Albany vous mettra à l’abri de mille tracasseries, sans déroger en rien au respect qui vous est dû, et sur ma parole, vous en recevrez des marques de tout côté.
Seulement, il faut que la simplicité des détails et la naïveté des récits forcent le lecteur à reconnaître qu’on ne le trompe pas et qu’il se dise : « Cela est si naturel que la nature ne se laisserait pas imiter à ce point ; cela est si vrai qu’aucun mensonge ne pourrait se glisser dans la sincérité de ces événements, ou dans les paroles de ces personnages. […] Cela durait depuis une bonne demi-heure, lorsque la tante Grédel s’écria : « Joseph… écoute… il est temps que tu partes ; la lune ne se lève pas avant minuit, il va faire bientôt noir dehors comme dans un four, et par ces grands froids un malheur est si vite arrivé… » Ces paroles me portaient un coup, et je sentais que Catherine me retenait la main. […] » Ces bonnes paroles ne pouvaient me rassurer. […] Ainsi ne vous troublez pas… reprenez confiance. » Ces paroles du bon M.
Fingal s’efforce en vain de cacher ses larmes : il se penche sur mon fils, et prononce ces paroles, vingt fois interrompues par ses soupirs : « Oscar, tu péris au milieu de ta course ! […] Je vois les ombres des héros errer autour de ton globe et l’obscurcir… Mais où s’égarent les paroles de Carril ? […] Le roi de Croma élève la voix : il me parle sans verser une larme ; mais ses sanglots interrompent cent fois ses paroles. « Fils de Fingal, ne remarques-tu pas la tristesse qui règne dans mon palais ? […] Que Gœthe en Allemagne, Byron en Angleterre, et qu’une société tout entière, au sortir des immolations et des désespoirs de 1793, aient trouvé pour ces tristesses de la parole une sympathie qu’elle ne connaissait pas ?
Le poëme de Guillaume de Lorris est donc tout simplement (et il fallait en croire le poëte sur parole) une sorte d’Art d’aimer. […] « Après avoir contemplé ce spectacle avec admiration, dit le chancelier, je vis la Conscience se lever et demander la parole. […] Dans son curieux livre des Fais et bonnes Mœurs du sage roy Charles, elle en donne une belle définition « Celle-là est poësie dont la fin est vérité, et le prûcez (moyen) doctrine revestue en paroles d’ornements delitables, et par propres couleurs. » Une femme qui avait, au commencement du quinzième siècle, une si noble et si juste idée de la poésie, était compétente pour critiquer le Roman de la Rose : Chrisrtine, d’ailleurs, rendit hommage au talent de Jean de Meung, bien parlant disait-elle, et moult grand clerc soubtil. […] Espoir est le médecin de ce vaste royaume ; encore se plaît-il souvent à leurrer ses victimes de belles paroles.
Il est telle harangue dans Mézerai qui par le nerf, la naïveté, la parfaite convenance des paroles avec la situation et le caractère des personnages, par une langue saine et vigoureuse, a conquis une sorte d’authenticité historique. […] L’antiquité païenne est plus souvent et plus longtemps en commerce avec la jeunesse ; elle paraît avoir seule la parole. […] Je sens de nouveau les joies et les peines fécondes de l’émulation, et ces naissantes admirations pour les beautés des lettres, auxquelles m’invitait une parole respectée, et qui sont jusqu’à la fin de la vie des voluptés pour l’esprit et des forces pour l’âme. […] S’agit-il de mes devoirs de maître, quand je considère dans Rollin tout ce que la parole d’un maître doit avoir de gravité douce, son esprit de justesse, son savoir de solidité, sa conscience de scrupules, sa vie de bons exemples, je m’effraye de me trouver si au-dessous de la tâche !
L’envie qu’ils ont d’être crus donne à leurs paroles une certaine ardeur qui trompe ; touchez la main de ces amants, elle est glacée. […] Car qu’est-ce qu’un enfant qui ne sait s’il fait mal ou bien, qui ignore l’obéissance et ne cède qu’à la force ; que son précepteur ne mène pas à l’église ; qui commande sans tempérer le commandement par aucune parole respectueuse pour ceux que leur condition lui subordonne ; qui n’apprend pas à donner, par la plus touchante de toutes les manières de donner, par l’aumône ; de qui l’on éloigne les livres pour qu’il ne perde pas une heure de plaisir, et qu’il resserre, comme dit Rousseau, son existence en lui-même ; que sera-ce qu’un tel enfant, sinon la bête de l’espèce la plus dangereuse ? […] « Il pensait, nous dit-il, faire acte de citoyen et de père, et se regardait comme un membre de la république de Platon. » On voudrait bien croire à une aberration d’esprit ; mais une lettre écrite longtemps avant les Confessions nous donne le vrai motif : « Il a voulu, dit-il, soustraire ses enfants à une société qui n’en eût fait que des décrotteurs ou des bandits, ou qui ne les eût protégés qu’au prix d’infamies. » Et il ajoute : « C’est l’état des riches, c’est votre état qui vole au mien le pain de nos enfants115. » Voilà bien l’utopiste essayant de cacher le père sans entrailles ; il y a, dans ces paroles sauvages, la mauvaise humeur d’un homme qui a conservé assez d’honnêteté pour s’attacher, avec une sorte de rage, à un sophisme qui lui voile sa faute. […] De là une ardeur artificielle de paroles pour peindre sa sensibilité, et des figures violentes pour représenter ses ardeurs vertueuses.