/ 2394
472. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre I. Origine des privilèges. »

En effet, par un effort immense et séculaire, ils avaient construit tour à tour les trois assises principales de la société moderne. […] Dans la langue du temps, le noble est l’homme de guerre, le soldat (miles), et c’est lui qui pose la seconde assise de la société moderne. […] En fait d’œuvres littéraires modernes, l’état de l’âme croyante au moyen âge a été parfaitement peint par Henri Heine dans le Pèlerinage à Kevlaar, et par Tourguenef dans les Reliques vivantes.

473. (1890) L’avenir de la science « XXI »

ce siècle admirable, où se constitue définitivement l’esprit moderne, est le siècle de la lutte de tous contre tous : luttes religieuses, luttes politiques, luttes littéraires, luttes scientifiques. […] Comparez l’homme moderne emmailloté de milliers d’articles de loi, ne pouvant faire un pas sans rencontrer un sergent ou une consigne, à Antar, dans son désert, sans autre loi que le feu de sa race, ne dépendant que de lui-même, dans un monde où n’existe aucune idée de pénalité ni de coercition exercée au nom de la société. […] Vous blâmez le XVIIIe siècle, qu’autrefois vous aimiez ; blâmez donc aussi la Renaissance, blâmez tout l’esprit moderne, blâmez l’esprit humain, blâmez la fatalité.

474. (1907) Le romantisme français. Essai sur la révolution dans les sentiments et dans les idées au XIXe siècle

La Revue d’histoire moderne et contemporaine propose un rapide compte rendu des débats (tome 8, années 1906-1907). […] Faut-il rappeler qu’il a été le plus choyé des hommes de lettres modernes ? […] Pénétrons dans cette orgie de songes, brûlants d’une liqueur qui coulera jusqu’à la moelle de la littérature moderne. […] C’est également mal entendre Faust que d’imputer son désespoir aux lourdes négations du matérialisme ou du « positivisme » modernes. […] Et c’est déjà concéder à la métaphysique beaucoup plus que ne font, parmi les plus autorisés des philosophes modernes, les moins brouillés avec elle.

475. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Littré l’a retrouvée, et il la rend à son tour, en y joignant la connaissance plus précise qui caractérise les modernes : « On prétend, dit-il, que Virgile, interrogé sur les choses qui ne causent jamais ni dégoût ni satiété, répondit qu’on se lassait de tout, excepté de comprendre (præter intelligere). […] On m’a parlé d’une ode sur la Lumière, dans laquelle, pénétré de toutes les théories optiques modernes et imbu des grandes paroles pittoresques des maîtres primitifs, il s’est élevé à une belle inspiration de science et de poésie. […] Les règles qu’il indiqua, et que je ne puis ici expliquer avec détail, étaient un vestige des cas de la déclinaison latine et constituaient une sorte d’étape ou de station intermédiaire entre l’ancienne langue classique et le français moderne. […] Gustave Fallot, enlevé trop tôt, plus tard M. de Chevallet, enlevé de même, essayaient d’apporter quelque ordre dans l’idée qu’on devait se faire des origines et de la formation de notre langue et des langues modernes. […] Il donne d’abord la prononciation, la spécification grammaticale du mot, puis ses sens actuels, appuyés et prouvés par des exemples d’auteurs classiques ou modernes, par des phrases courtes dont aucune ne fait double emploi.

476. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

Les deux hommes modernes qui ont remué le plus d’idées par l’éloquence et le plus d’hommes par la guerre, Mirabeau et Napoléon, sont des Toscans transportés sur la scène de la France. […] Cette Athènes de la Toscane était donc assez naturellement prédestinée à donner une langue et une littérature à la confédération des villes italiennes qui cherchaient à reconstruire un esprit moderne sur cette terre antique. […] Quant à nous, nous n’hésitons pas à reconnaître dans ce précurseur des philosophes et des politiques modernes un esprit digne de converser d’avance et de loin avec Machiavel, avec Bacon, avec Montesquieu, avec Jean-Jacques Rousseau, esprit assez fécond et assez vaste pour porter de la même gestation un monde divin et un monde humain dans ses flancs, comme deux jumeaux de sa pensée. […] Dante lui-même était ce qu’on était déjà à Florence à cette époque, et ce qu’on fut bien davantage, quelques années après, à l’époque des Médicis et de Léon X : croyant et platonicien tout à la fois, associant dans son esprit la foi moderne à la philosophie grecque et romaine ; les pieds dans l’Église, la tête dans l’Olympe, l’âme dans les cieux, dans les épreuves ou dans les abîmes du monde chrétien. […] Ceci devient sous la main d’Ozanam un vaste traité de scolastique moderne dans lequel nous ne le suivrons pas.

477. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Je ne sais pas, dans le moderne, de plus frappant désaccord entre la tradition ou, si l’on aime mieux, la légende littéraire et poétique et la vérité historique, de plus éclatant démenti donné par celle-ci à l’autre que l’histoire de don Carlos, fils de Philippe II. Je ne sais pas d’exemple plus propre à marquer la difficulté de condition qui est faite dorénavant aux poètes modernes, condition la plus opposée à celle des poètes de l’Antiquité, lesquels, avant l’institution de la critique, avaient pour eux et en faveur de leurs créations les bruits, les fables, les erreurs répandues dans l’air, pourvu qu’elles fussent touchantes et de nature à exciter l’intérêt. […] Shakespeare, dont le drame a parfois égalé ou ressuscité l’histoire, a paru à la limite des âges modernes et des âges nébuleux. […] Mais l’histoire, chaque fois que vous voulez la toucher, consultez-la bien ; elle est jalouse ; respectez-la ; tôt ou tard, chez les modernes, elle se venge du poète qui l’a méconnue et lui inflige de sanglants démentis.

478. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

Il ajoutait même que, s’il s’était engagé dans une telle entreprise dont d’autres que lui auraient pu mieux s’acquitter pour la partie littéraire, c’était uniquement en raison de la connaissance particulière qu’il avait de ces matières d’art, à la différence des orateurs « qui font souvent, disait-il, de grandes incongruités quand ils en parlent, et presque toujours à proportion de leur éloquence et de leur grande habileté en autre chose. » La publication de Perrault, si conforme à l’esprit moderne, ne fit pas tomber d’un seul coup et comme par enchantement les barrières ; elle ne faisait que montrer la voie : si le divorce avait cessé, la séparation durait encore. […] Après La Fontaine, après nos vieux conteurs, après les fabliaux, Gavarni a fait, sans réminiscence aucune, sa série toute moderne, saisie sur le vif, d’après nature. […] Il y eut dix années, où, à partir de 1837, il s’empara de la curiosité publique, de la vogue ; et lui et Balzac, ils se mirent à peindre, à silhouetter dans tous les sens la société à tous ses étages, le monde, le demi-monde et toutes les espèces de mondes. ; ils prirent la vie de leur temps, la vie moderne par tous les bouts. […] Il ajoutait dans le billet d’envoi : « Monseigneur le Surintendant a voulu avoir ces six vers, et je ne suis pas fâché de lui avoir fait voir que j’ai toujours eu assez d’esprit pour connaître mes défauts, malgré l’amour-propre qui semble être attaché à notre métier. » — L’ancien Balzac n’aurait pas écrit ce petit billet-là, ni le moderne Balzac non plus : l’amour-propre les empêchait de se voir et de se juger.

479. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Sauf un ou deux cas d’exception, — Pascal, Bossuet, — on reconnaît et l’on peut toujours nommer quelque ancien derrière un moderne il eût semblé autrement que la caution, la marque de garantie lui manquait. […] Rousseau est le plus grand original et qui ne se modèle sur personne, qui ne s’inspire que de lui : aussi deviendra-t-il vite un modèle, et il mordra d’autant plus au vif sur la fibre humaine moderne qu’il est un pur moderne lui-même. […] Je serais fâché que des personnes amies de la société moderne et du progrès véritable de leur sexe appelassent pédante celle qui n’était que sensée et raisonnable ; théâtrale, celle qui n’a été qu’héroïque jusqu’au bout et généreuse.

480. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Le Clerc est le premier à le reconnaître) que cette puissance de publicité devenue une fonction sociale ; ceci est aussi essentiellement moderne que le bateau à vapeur193. […] S’il y avait eu des journaux dans ce sens moderne qui nous flatte, au moment où se préparait la rupture entre César et Pompée, on aurait vu Curion soudoyer, courtiser des rédacteurs, César envoyer des articles tout faits : il y aurait eu escarmouche de plume avant Pharsale. […] c’est la grande conquête, disions-nous hier ; nous le redisons aujourd’hui, et, plus mûr, nous ajoutons : c’est le grand problème de la civilisation moderne. […] Qu’on nous pardonne ces graves rêveries qu’ont amenées insensiblement et que justifient peut-être ces idées si contrastantes de Rome et de journaux, ce bruyant passé d’hier et cet antique et auguste passé tous les deux à leur manière presque sans histoire ; la Ville éternelle en partie douteuse et ses cinq201 siècles de grandes ombres, la société moderne avec sa marche accélérée, conquérante ; ses mille cris assourdissants de triomphe, et son bruit perpétuel de naufrage !

481. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Le fort de son livre, qui embrasse une très-vaste étendue historique, porte principalement sur l’origine de la royauté moderne et tend à débrouiller encore une fois les époques mérovingienne et carlovingienne. […] En général, l’auteur affectionne les rapprochements avec le temps présent ; ces sortes de comparaisons greffent plus au vif sur le moderne et mordent mieux, pour ainsi dire. […] De tels travaux, si lointains et si purement historiques qu’on les fasse, ont presque toujours leur point d’appui, leur point de départ dans les questions modernes, et leur inspiration première, leur verve, si j’ose dire, vient de là. […] Historiquement, on peut trouver que, dans les remarquables travaux de l’école moderne, la royauté n’a pas été traitée assez équitablement ; la plupart des historiens de cette école, en effet, sont entrés dans l’étude par la polémique, et leur impartialité, même en s’élargissant graduellement, a toujours gardé le premier pli.

482. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

En réalité, il n’y a pas de contradiction entre les deux parties de l’œuvre de Flaubert, il a tout simplement « appliqué à l’antiquité les procédés du roman moderne », et la Tentation ou Salammbô ne sont pas construits autrement que Madame Bovary ou le Cœur simple. […] Il a essayé de déterminer sa vision par une solide et vaste érudition, de diriger et limiter son imagination par tout ce qui pouvait contribuer à former la connaissance exacte de la vie carthaginoise : visite des lieux et vue de tous les débris de l’art punique, étude de textes anciens et modernes, examen de toutes les formes analogues ou voisines de civilisation. […] Avec un mélange original de sympathie et d’ironie, il conte des légendes religieuses, les miracles du mysticisme ou de l’ascétisme ; d’autres fois, il nous promène à travers le monde moderne, prenant plaisir à nous détailler les plus excentriques ou immorales combinaisons de la sensualité et de l’intelligence, du positivisme et de l’esthétisme dans les âmes contemporaines. […] Il en a l’intensité d’impressions pittoresques, la profondeur de mélancolique désillusion ; mais Loti, au reste, est très personnel et tout moderne.

483. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

On en revient aux annexions de territoires, fondées non plus sur la volonté des habitants, mais sur le succès des armes ; et pour défendre cet abandon des principes modernes, ce retour aux brutalités des âges barbares, on s’appuie sur la science mal comprise. […] On sait en revanche à quelles catastrophes aboutissent dans nos drames modernes et dans nos romans de passion les défaillances de la fidélité conjugale et les complications causées dans le ménage par l’intrusion d’un tiers trop aimé. […] Les maris trompés de Molière et les femmes malheureuses des drames modernes disparaîtront de la scène, l’indissolubilité du mariage autorisant seule les revanches secrètes ou les lamentations publiques de la femme adultère. […] Elles sont toutes modernes ; la première, si je ne me trompe, date de 1791 ; leur action n’a donc pu se faire sentir qu’en notre siècle.

484. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

L’élément ancien et l’élément moderne se fondent en un tout harmonieux. […] Les écrivains qui admirent si vivement les anciens dédaignent les modernes, crient arrière à l’Espagne et à l’Italie, ignorent l’Angleterre et l’Allemagne, effacent d’un trait de plume le moyen âge et même le xvie  siècle. […] Mais les vrais contemporains du roi Louis XIV sont si exclusivement partagés entre l’admiration d’eux-mêmes et celle des Grecs et des Romains que la grande controverse littéraire du temps sera la querelle des anciens et des modernes. […] Il est visible d’autre part que les grands écrivains du xviie  siècle, au nom desquels les modernes disputent la préséance aux anciens, tendent à devenir une seconde antiquité, rivale de la première.

485. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Déjà, en dehors de l’Université, une double tentative s’était faite dans un sens plus moderne et plus conforme à la société d’alentour. […] Entre ces diversités d’écoles et de méthodes, et en regard d’une société brillante, polie, éclairée, mais plus empressée chaque jour de jouir des plaisirs de l’esprit sans désormais les payer par trop de peine, il y avait évidemment pour l’Université à trouver une mesure d’innovation qui conciliât les mœurs, la discipline, la tradition classique, et j’oserai dire déjà, la promptitude et la facilité modernes. […] Dans une préface latine où, selon l’usage des modernes qui écrivent en latin, il cherchait un peu trop l’expression élégante, Rollin, opposant la manière de Cicéron à celle d’Aristote, avait parlé des fleurs de l’élégance cicéronienne (Tullianae elegantiae flosculis). […] D’Aguesseau, résumant cette impression si juste, lui écrivait après l’avoir lu : « J’envie presque à ceux qui étudient à présent, un bonheur qui nous a manqué, je veux dire l’avantage d’être conduit dans les belles-lettres par un guide dont le goût est si sûr, si délié (délié est un peu fort), si propre à faire sentir le vrai et le beau dans tous les ouvrages anciens et modernes. » Voltaire lui-même, qui fut sévère et une fois surtout injuste pour Rollin, l’a proclamé « le premier de son corps qui ait écrit en français avec pureté et noblesse. » Il l’a loué dans Le Temple du goût en des termes qui sont le jugement même, et il est allé jusqu’à appeler le Traité des études « un livre à jamais utile », ce qui est même trop dire, puisque ces sortes de livres n’ont qu’un temps, et que les générations qui en profitent les usent.

486. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Le gnothi séauton des âges modernes renouvelle l’esprit mûr des peuples. […] L’Histoire humaine, voilà l’histoire moderne ; l’histoire sociale, voilà la dernière expression de cette histoire. […] Elle fera à la femme, cette grande actrice méconnue de l’histoire, la place que lui a faite l’humanité moderne dans le gouvernement des mœurs et de l’opinion publique. […] Toutes nos origines et tous nos caractères sont en lui : l’âge moderne est sorti de lui et datera de lui.

487. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Les tentatives modernes de changer la méthode de cette science, en la raccordant aux découvertes récenles et surtout à la tendance démocratique de ce temps, ont abouti à une interprétation singulière des événements sociaux. […] C’est par des raisonnements analogues que le roman moderne, éliminant de l’esprit l’empire des facultés supérieures, et des groupes l’ascendant des hommes d’élite, pose en principe l’inutilité de l’effort volontaire et choisit ses personnages parmi les êtres moralement et intellectuellement dégénérés. […] Dans l’esthopsychologie des littérateurs, dans la psychologie biographique des héros, ces hommes sont mis debout analysés et révélés par le dedans, décrits et montrés par le dehors, reproduits à la tête du mouvement social dont ils sont les chefs, érigés, eux et leurs exemplaires, un et plusieurs, individus et foules, en des tableaux qui, basés sur une analyse scientifique nécessitant le recours à tout l’édifice des sciences vitales, et sur une synthèse qui suppose l’aide de toute la méthode historique et littéraire moderne, peuvent passer pour la condensation la plus haute et la plus stricte de notions anthropologiques que l’on puisse accomplir aujourd’hui. […] Juriste de formation, philosophe lecteur de Leibniz, criminologue opposé à Lombroso, psycho-sociologue rival de Durkheim, collaborateur depuis 1880 de la Revue philosophique de Ribot, co-directeur avec Lacassagne des Archives de l’anthropologie criminelle à partir de 1893, Tarde occupera en 1900 la chaire de « Philosophie moderne » du Collège de France.

488. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Le Dictionnaire de Furetiere fut le fond sur lequel on bâtit le grand Dictionnaire de Trévoux qu’on annonça comme un ouvrage universel fait sur un plan nouveau, contenant tous les mots françois, tant anciens que modernes, & les termes des arts & des sciences, 1704. , trois volumes in-fol., & porté ensuite jusqu’à sept volumes du même format. […] Ce sont tous ces défauts du Dictionnaire de Trévoux qui ont fait naître l’idée du Grand Vocabulaire françois, contenant l’explication de chaque mot considéré dans ses diverses acceptions grammaticales, propres, figurées, synonimes & relatives ; les loix de l’orthographe, celles de la prosodie ou prononciation, tant familiere qu’oratoire ; les principes généraux & particuliers de la Grammaire ; les regles de la versification, & généralement tout ce qui a rapport à l’éloquence & à la poésie ; la géographie ancienne & moderne ; le blason, ou l’art heraldique ; la mythologie ; l’histoire naturelle des animaux, des plantes & des minéraux ; l’exposé des dogmes de la Religion & des faits principaux de l’histoire sacrée, ecclésiastique & profane ; des détails raisonnés & philosophiques sur l’œconomie, le commerce, la marine, la politique, la jurisprudence civile, canonique & bénéficiale ; l’anatomie, la médecine, la chirurgie, la chymie, la physique, les mathématiques, la musique, la peinture, la sculpture, la gravure, l’architecture, &c. […] On sçait que le ridicule utile que son Dictionnaire néologique a jetté sur certains ouvrages modernes, remplis d’expressions vicieuses & de phrases vuides & alambiquées, a produit en partie le même effet sur le Parnasse, que la comédie des Précieuses ridicules produisit autrefois à la Cour. […] Il seroit à souhaiter pourtant que cet ouvrage fût réimprimé avec des additions, & l’on auroit une récolte très-abondante à faire dans les écrits modernes.

489. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Réception du père Lacordaire » pp. 122-129

une difficulté de plus, un intérêt, un péril : incedo per ignes… Et voilà ce qui fait que le genre du discours académique, dont on dira tout ce qu’on voudra, est un genre bien moderne, bien vivant, bien dramatique, et plus couru que toutes les tragédies du monde. […] Ç’a été pour lui une occasion naturelle de rendre hommage à la civilisation moderne et à cette société française qui a du bon et qui n’est pas uniquement, comme on venait de le dire, « une statue de Nabuchodonosor ». — Il a parfaitement défini le genre d’éloquence mi-partie tribunitienne et religieuse du père Lacordaire, cette éloquence de laquelle M. de Lamennais disait, comme de celle de M. de Montalembert : « Ce sont là pourtant des œufs que nous avons couvés ! 

490. (1874) Premiers lundis. Tome II « Adam Mickiewicz. Le Livre des pèlerins polonais. »

Car ce petit livre est une œuvre à part ; une conviction profondément nationale et religieuse l’a dicté au poète fervent ; il est destiné, comme un viatique moral, au peuple errant ou captif chez qui l’ancienne foi catholique semble avoir fait alliance avec le sentiment plus moderne de la liberté. […] Ces espèces d’exclusions sauvages, cette tchamara polonaise, dont il fait trop lui-même un signe distinctif et matériel, comme l’était la circoncision chez les Hébreux ; ces âpres méfiances au milieu de populations cordiales et compatissantes, ne me paraissent pas appartenir à cette liberté moderne, européenne, dont l’enfantement s’opère depuis plus de quarante ans dans le sang et les larmes de tous.

491. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

Gerfaut, c’est comme un composé un peu idéalisé de M. de Balzac et de M. de Bernard lui-même ; véritable gentilhomme, qui, au faubourg Saint-Germain, se nomme le vicomte de Gerfaut, et qui, ailleurs, donne à corps perdu, en vrai lion, dans la moderne orgie littéraire. […] M. de Bernard, dans cette fin, a trop cédé à la dramaturgie moderne ; il y avait, j’ose le lui affirmer, sans pouvoir l’indiquer, quelque autre conclusion possible et vraie, qu’il eût trouvée en le voulant bien et en restant fidèle à tous ses caractères, même à celui du baron.

492. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Réveil de la querelle des anciens et des modernes : La Motte-Houdar et ses idées. […] La querelle des anciens et des modernes s’est réveillée : c’est le premier épisode de la vie littéraire du xviiie  siècle.

493. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Le lyrisme français au lendemain de la guerre de 1870 » pp. 1-13

« Le grand progrès moderne (sur lequel je ne me fais point d’ailleurs trop d’illusions) serait de ne point recourir aux voies anciennes et de vivre l’un à côté de l’autre, de se combattre sans se maudire. […] En lisant cet article, nous songions aux vieux Français, à Rabelais, à Ronsard, à Montaigne, à Corneille, à Pascal, à Diderot, et aux Français modernes, à Hugo, à Michelet, à tant d’autres : tous petits hommes aimables et spirituels.

494. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Esprit essentiellement moderne, sensible, ouvert, trop ouvert, facile à tous les entraînements, depuis les dévergondages d’une générosité sans raison jusqu’à ce fait d’une défection qui n’a épouvanté ni son esprit ni sa conscience, le duc de Raguse a cru qu’en s’y prenant adroitement et de loin il ferait aisément illusion à un temps éclectique en toutes choses, qui aime à se payer de phrases, et pour qui le manque d’étendue est le fond de toute sévérité, fit que disons-nous ? […] Marmont étant ce qu’il était : un satrape par-dessus un soudard, et tout cela chamarré d’idées modernes et de vieille civilisation sur toutes les coutures, et d’un autre côté les circonstances de 1814 ayant été ce qu’elles furent à l’heure où le caractère de cet homme s’effondra, nul historien de sens ne s’étonnera de cette honteuse affaire d’Essonnes, qui fut une si grande catastrophe.

495. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Louandre »

Nous avions entendu là-dessus le petit sifflet de Voltaire et la parole de cet autre grand génie qui se croyait positif et qui disait : « Cela pourrait être, mais cela n’est pas. » Et voilà qu’à ce moment même, au moment où le rationalisme prenait compendieusement ses conclusions souveraines, la pensée moderne retournait sous d’autres formes à des questions qui paraissaient épuisées, qui paraissaient n’en être plus ! […] Un rare esprit qu’on n’accusera point de mysticité, un des critiques de ce temps qui prend le mieux l’aire de vent de l’esprit humain dans une époque, Philarète Chasles, signalait hier encore ce mouvement singulier de la pensée moderne vers le surnaturel et vers l’infini, et nous prouvait par toute une littérature spéciale, en Angleterre et en Amérique, à quel point ce mouvement actuel est entraînant et accéléré.

496. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

Tous ces Cicérons ou ces Plines modernes dont nous venons de parler, ou étaient, ou avaient la prétention d’être orateurs, et leurs éloges étaient de longs panégyriques prononcés dans des assemblées, et débités avec pompe pour honorer les morts et quelquefois ennuyer les vivants. […] Dans le nouvel empire d’Occident, Charlemagne, le plus grand homme de la France, et peut-être de l’Europe moderne ; et ce Frédéric Barberousse, sous qui commença la lutte sanglante du sacerdoce contre l’empire, qui fit la guerre aux papes et aux Sarrazins, et mourut dans son pèlerinage guerrier.

497. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

Dans ces premiers temps où l’esprit humain n’avait point tiré de l’art d’écrire, de celui de raisonner et de compter, la subtilité qu’il a aujourd’hui, où la multitude de mots abstraits que nous voyons dans les langues modernes, ne lui avait pas encore donné ses habitudes d’abstraction continuelle, il occupait toutes ses forces dans l’exercice de ces trois belles facultés qu’il doit à son union avec le corps, et qui toutes trois sont relatives à la première opération de l’esprit, l’invention ; il fallait trouver avant de juger, la topique devait précéder la critique, ainsi que nous l’avons dit page 163. […] L’héroïsme galant des modernes a été imaginé par les poètes qui vinrent bien longtemps après Homère, soit que l’invention des fables nouvelles leur appartienne, soit que les mœurs devenant efféminées avec le temps, ils aient altéré, et enfin corrompu entièrement les premières fables graves et sévères, comme il convenait aux fondateurs des sociétés.

498. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

* * * — L’assassinat politique est la mise en jeu du plus grand sentiment héroïque des temps modernes. […] * * * — Il y a du raisonneur de l’ancienne comédie dans le médecin moderne. […] * * * — C’est le paradis moderne pour le peuple que ces pièces à grand spectacle du boulevard. […] * * * — L’amour moderne, ce n’est plus l’amour sain, presque hygiénique du bon temps. […] Hors le moderne qu’ils méprisent, les plus vrais talents, tels que Baudry, sont toujours amenés à refaire ce que de plus forts qu’eux ont déjà peint.

499. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Nous jouissons de toute l’âme moderne ; c’est le moyen de jouir de toute notre âme. […] Il a compris qu’à moins de rester en dehors du courant moderne il fallait rapprocher autant que possible la critique de la science. […] La chaire doit-elle se faire, comme on dit, « moderne » ? […] La prédication peut donc être accueillante à la pensée moderne. […] L’Église doit-elle s’ouvrir largement au mouvement moderne ?

500. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Un reproche certain qu’ont mérité nos poëtes modernes, si éminents à tant d’égards, si grandement lyriques, si tendrement élégiaques, c’est d’avoir trop oublié l’esprit, ce qui s’appelle proprement de ce nom, ce qu’avaient précisément nos pères. […] Il n’est pas exagéré de dire que, chez les modernes, l’ivresse elle-même a changé de caractère, et qu’elle n’engendre plus la même disposition d’oubli d’autrefois. […] Comme chansonnier proprement dit, il débuta et se classa d’emblée, vers 1806, à titre de convive du Caveau moderne : c’est par ce côté qu’il nous appartient ici. […] J’omets cette foule de réunions moins en vue et vouées à une goguette moins choisie, qui pullulèrent alors, et qui n’ont pas laissé de traces ni d’archives ; mais l’institution qui sembla l’héritière directe des Dîners du Vaudeville, et qui représente la gaieté sous l’Empire, comme l’autre réunion l’avait représentée sous le Directoire et sous le Consulat, ce fut la société du Rocher de Cancale ou du Caveau moderne. […] Il continua aussi de présider les dîners du Caveau moderne, qui ne mourut qu’avec lui.

501. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Ses auteurs, en effet, ont, préférablement à tout, cherché à peindre, avec le moins d’imagination possible, la jeune fille moderne, telle que l’éducation artistique et garçonnière des trente dernières années l’ont faite. Les auteurs se sont préoccupés, avant tout, de montrer le jeune homme moderne ; tel que le font au sortir du collège, depuis l’avènement du roi Louis-Philippe, la fortune des doctrinaires, le règne du parlementarisme. […] Une épouvante nous a pris du double fond de son âme, de la faculté puissante, de la science, du génie consommé, que tout son être a du mensonge… * * * Ces notes, je les extrais de notre journal : Journal des Goncourt (Mémoires de la vie littéraire) ; elles sont l’embryon documentaire sur lequel, deux ans après, mon frère et moi composions Germinie Lacerteux, étudiée et montrée par nous en service chez notre vieille cousine, Mlle de Courmont, dont nous écrivions une biographie véridique à la façon d’une biographie d’histoire moderne. […] Il serait vraiment injurieux pour nous, la jeune et sérieuse école du roman moderne, de nous défendre de penser, d’analyser, de décrire tout ce qu’il est permis aux autres de mettre dans un volume qui porte sur sa couverture : Étude ou tout autre intitulé grave. […] Oui, je crois, — et ici, je parle pour moi bien tout seul, — je crois que l’aventure, la machination livresque a été épuisée par Soulié, par Sue, par les grands imaginateurs du commencement du siècle, et ma pensée est que la dernière évolution du roman, pour arriver à devenir tout à fait le grand livre des temps modernes, c’est de se faire un livre de pure analyse : livre pour lequel — je l’ai cherchée sans réussite — un jeune trouvera peut-être, quelque jour, une nouvelle dénomination, une dénomination autre que celle de roman.

502. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

Pour moi j’avoüe que je ne regarde pas les poëmes d’Homere comme des ouvrages de morale, mais seulement comme des ouvrages où l’auteur s’est proposé particuliérement de plaire ; excellens dans leur genre, par rapport aux circonstances où ils ont été faits ; comme la source de la fable et de toutes les idées poëtiques ; en un mot, comme des chef-d’oeuvres d’imagination, remplis de saillies heureuses et d’une éloquence vive, où les grecs et les latins ont puisé, et que les modernes se font encore honneur d’imiter. […] Il m’a paru, en examinant les odes d’Horace, qu’il ne connoissoit pas, non plus que les grecs ses modéles, ou pour mieux dire, qu’il négligeoit aussi bien qu’eux un art que les lyriques modernes ont observé, et dont ils ont abusé même assez souvent ; c’est d’arranger tellement ses pensées dans chaque strophe, qu’il y ait une gradation de sens, et qu’elles finissent toujours par ce qu’il y a de plus vif, et de plus ingénieux. […] Mais qu’on y prenne garde, je me tiens toujours dans de justes bornes : je releve les obligations qu’on a aux anciens, et je me contente d’animer les modernes à une émulation que je crois nécessaire, et sans laquelle le génie refroidi se contenteroit toujours du médiocre. […] Je laisse à décider aux sçavans, qui l’emporte des anciens ou des modernes. […] Qu’on me pardonne encore cette réflexion : ce qui choque le plus les partisans des anciens dans le jugement qu’on porte en faveur des modernes, c’est l’orgueil qu’ils en croyent la source.

503. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Ainsi puppis, la poupe, pour le vaisseau, parce que cette partie la plus élevée du vaisseau est la première qu’on voit du rivage ; et chez les modernes on a dit une voile, pour un vaisseau. […] Puis le nom de vers saturnien passa aux vers iambiques de six pieds, peut-être parce que ces derniers vers firent employés naturellement dans le langage, comme auparavant les vers saturniens-héroïques. — Les savants modernes sont aujourd’hui divisés sur la question de savoir si la poésie hébraïque a une mesure, ou simplement une sorte de rythme61 ; mais Josèphe, Philon, Origène et Eusèbe, tiennent pour la première opinion ; et ce qui la favorise principalement, c’est que, selon saint Jérôme, le livre de Job, plus ancien que ceux de Moïse, serait écrit en vers héroïques depuis la fin du second chapitre jusqu’au commencement du quarante-deuxième. — Si nous en croyons l’auteur anonyme de l’Incertitude des sciences, les Arabes, qui ne connaissaient point l’écriture, conservèrent leur ancienne langue, en retenant leurs poèmes nationaux jusqu’au temps où ils inondèrent les provinces orientales de l’empire grec. […] L’exemple de ces deux nations, dont la première ne fut connue que très tard par les Romains, et dont la seconde a été découverte par les Européens il y a seulement deux siècles, nous donne lieu de conjecturer qu’il en a été de même de toutes les nations barbares, anciennes et modernes. […] Ensuite vinrent Aristote et Zénon ; le premier enseigna le syllogisme, forme de raisonnement qui n’unit point les idées particulières pour former des idées générales, mais qui décompose les idées générales dans les idées particulières qu’elles renferment ; quant au second, sa méthode favorite, celle du sorite, analogue à celle de nos modernes philosophes, n’aiguise l’esprit qu’en le rendant trop subtil. […] Les modernes ont besoin d’y inscrire des devises qui leur donnent un sens ; il n’en était pas de même des emblèmes employés naturellement dans les temps héroïques ; leur silence parlait assez.

504. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

La lecture des œuvres plus haut analysées me suggéra ces réflexions sur la forme du vers moderne. […] Mais de bonne heure, « la sincérité du Franc a donné son allure à l’intelligence moderne ». […] Une culture profonde et comme un lieu moderne, « où s’insurgent suprêmement la colère et la verve de l’esprit », nous détermine. […] C’est donc la meilleure préoccupation de quelques-uns de nos contemporains de vouloir discipliner cet idéalisme moderne selon les lois de notre esprit national. […] Cet ouvrage doit être considéré comme la Somme abrégée de la poésie moderne.

505. (1921) Esquisses critiques. Première série

Ce que l’on nommait alors art moderne (et qui fut si intimement lié au symbolisme) motivait une curiosité chaque jour grandissante. […] * *    * La belle rime n’est pas la seule vieille chose qu’en, ses vers très modernes respecte ce très moderne poète. […] L’édition de luxe, cette autre manie de la bibliophilie moderne, s’empara d’un seul de ses ouvrages, à notre connaissance. […] Il fit faire place dans la poésie moderne à tous les monstres sacrés, à tous les demi-dieux qui peuplent les alentours de la mythologie grecque. […] Que n’aurions-nous pu d’ailleurs encore citer… tant entre les anciens qu’entre les modernes, des étrangers comme des nôtres.

506. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Conclusion. Le passé et le présent. » pp. 424-475

. —  L’âge moderne. —  Comment les idées européennes élargissent le moule national. […] Ces riches communes, ces vaillants yeomen, ces rudes bourgeois bien armés, amplement nourris, protégés par leurs jurys, habitués à compter sur eux-mêmes, obstinés, batailleurs, sensés, tels que le moyen âge anglais les a légués à l’Angleterre moderne, ont pu laisser le roi étaler au-dessus d’eux sa tyrannie temporaire, et faire peser sur sa noblesse les rigueurs d’un arbitraire qu’autorisaient les souvenirs de la guerre civile, et le danger des hautes trahisons. […] S’il ne marche pas au même rang que les penseurs libres, il ne reste derrière eux que d’un ou deux pas ; vous, homme moderne, Parisien, vous pouvez causer avec lui de tous les grands sujets ; vous ne sentez pas un abîme entre son esprit et le vôtre. […] Il ne dit point anathème au monde ; en cela sa doctrine est moderne, il suit la grande voie dans laquelle la Renaissance et la Réforme ont lancé la religion. […] Par cette infusion de l’esprit moderne, il a reçu un nouveau sang, et le protestantisme aujourd’hui forme avec la science les deux organes moteurs et comme le double cœur de la vie européenne.

507. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

Tous les historiens modernes ont remarqué celle progression de la liberté individuelle de penser, des temps anciens aux nôtres, et M.  […] Il a fallu des siècles pour que l’homme aperçut la nature ; la description des villes date du réalisme moderne. […] On verra aisément dans l’histoire et le roman modernes des faits plus marqués encore de cette indépendance réciproque des couches sociales ; c’est qu’en effet cette indépendance existe et s’accuse ; les sociétés, par un effet graduel d’hétérogénéité, tendent à se décomposer en un nombre croissant de milieux, et ceux-ci en individus de moins en moins semblables, libres, de plus en plus, de suivre chacun ses inclinations personnelles et d’aller aux œuvres qu’il lui convient d’admirerdw. […] Descotes, Henry Becque et son théâtre, Minard, Lettres modernes, 1962. […] Cette distinction intéressante entre « homme public » et « homme intérieur » — cette dernière formule renvoyant à une tradition spiritualiste ou mystique revue et corrigée par la psychologie positiviste — annonce la dichotomie proustienne séparant le moi social du « moi profond », comme les travaux des sociologues modernes consacrés aux différents « rôles sociaux » qui constituent notre identité multiple.

508. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Térence. Son théâtre complet traduit par M. le marquis de Belloy »

Delille, en traduisant le Paradis perdu, avait également ouvert la voie et donné le signal du côté des modernes ; Baour-Lormian, assez heureux avec Ossian et les poésies galliques, s’attaquait imprudemment à la Jérusalem délivrée. C’était à qui, dans les littératures anciennes ou modernes, trouverait un poète non traduit encore et y planterait le premier son drapeau, en disant : Il est à moi 80. […] Si, dans les grands et pathétiques naufrages modernes, l’intérêt public se porte naturellement sur les deux ou trois survivants que le radeau a rapportés et qui représentent pour nous les absents abîmés et engloutis, il convient de faire, ce semble, la même chose dans l’ordre de l’esprit et du talent, et de ne pas trop chicaner un ancien qui nous est arrivé par exception et par un singulier bonheur, surtout quand il nous offre en lui des dons charmants, incontestables ; il sied bien plutôt de l’aimer et de le louer tant pour son propre compte que pour les amis et parents qu’il représente et qui ne sont plus, au lieu d’aller se servir de ces noms très grands assurément, mais un peu nus désormais et à peu près destitués de preuves, pour l’infirmer et le diminuer.

/ 2394