Ronsard est bien l’inventeur de ces rythmes ou coupes de strophes : il est inventeur dans le seul sens valable que ce mot comporte : il a soufflé sur la matière. […] Ce n’est pas un poète bien entier, c’est le commencement et la matière d’un poète. […] Ainsi, la vraie matière des pierres précieuses est une terre détrempée de fange ou bourbe limoneuse que les Latins appellent latum lorsqu’elle produit les pierres obscures, et succus lorsqu’elle donne naissance aux pierres pellucides. La couleur des pierres précieuses est tirée de la matière qui les produit. […] bien, nous le surprenons, quand même, éprouvant un cruel plaisir à étriller ce Fremy, qui pensait régenter en matière classique et qui avait obtenu peut-être quelques succès universitaires à l’époque.
Il nous paraît donc de toute inopportunité d’épiloguer sur cette matière spéciale. […] En cette matière presque tout est abandonné à la chance, à la routine, à l’ignorance, en dépit de la meilleure volonté possible et de l’ardeur des amours maternelles. […] Il n’y aurait d’ailleurs en cette matière qu’à s’inspirer de l’éducation grecque, corrigée et complétée par les méthodes modernes de gymnastique. […] A ce fond s’ajouteraient des matières qui tiendraient la place qu’occupent aujourd’hui les sciences dans l’enseignement secondaire. […] Nous venons de voir que cela est impossible et que la loi qui pèse sur le propriétaire, en matière internationale, est inéluctable.
Je me trompe, une seconde chose est nécessaire, c’est que l’esprit à qui la nature l’a départi l’emploie tout entier sur la matière qui peut lui fournir son meilleur emploi. […] À tout le moins, il y a des groupes de renseignements positifs qui, en matière politique, servent à préciser la discussion, à diriger le jugement, à limiter le champ du rêve, de l’extravagance et de l’erreur. […] Quels sont les avantages et les inconvénients de la caution en matière criminelle ? […] Voilà pourquoi il veut que son candidat soit du pays, et que, pendant de longues années, il ait fourni matière à l’observation de ses voisins ; en cela, il a raison encore. […] Il faut un thème général, une sorte de lien commun moral qui serve de matière au récit.
Il faut se méfier, en ces matières, et en d’autres, des exemples à suivre. […] On y poinçonne les matières d’or et d’argent, on y paie des droits de douane pour lesdites matières. […] J’ai l’honneur de vous informer qu’un objet à votre adresse, originaire de Pékin, qui paraît contenir des matières soumises aux droits de garantie, doit être ouvert par vous-même au bureau de la Garantie, rue Guénégaud, 4, à Paris, le 4 avril, à 10 heures du matin. […] Néanmoins, on reconnaîtra que cette dernière histoire est assez caractéristique d’une incapacité générale qui va de l’art à la maçonnerie, à la menuiserie et au choix même des terrains et des matières premières.
La matière s’est sublimisée. […] Quant à l’harmonie, elle apparaît « l’écriture de l’Unité sur la matière. […] Le mouvement c’est « un équilibre instable de la matière agencée, une violence qui l’incline ou qui la soulève ». […] Que de matière précieuse gâchée en vue de confectionner des jouets à de grands enfants ! […] Il faut enfin s’entendre sur l’état de la matière que nous employons, en particulier déterminer la nature de syllabes douteuses, de l’e muet et des diphtongues.
Fréret, leur maître à tous, s’y rangeait mieux, ou il y avait en quelque sorte suppléé par la force d’un excellent esprit appliqué expressément à sa matière. […] Il y a loin d’une appréciation de Chaulieu au recueil des chants grecs populaires ; pourtant, même dans ce petit nombre de pages sur une matière qui peut sembler si légère, on devine un esprit qui en tout va droit aux choses et sait naturellement s’affranchir du lieu-commun et des formules convenues. […] Homme très-instruit, versé dans les langues, lisant le grec et l’allemand, médecin aimant la poésie, et pas trop enfoncé dans la casse et la rhubarbe, comme il le disait de lui-même avec grâce, n’étant étranger à aucune branche des connaissances humaines, et de plus sympathique par nature aux meilleures, aux plus douces affections, il répandait sur les matières qu’il traitait une sorte de lumière agréable dans laquelle, indépendamment de l’idée, se combinaient le coloris du talent et le reflet de la bienveillance. […] En un mot, coulez ma matière, fondue par la chaleur de votre sentiment, dans la forme de votre goût 65. […] N’ayant pas d’avis propre et personnel à exprimer en telle matière, je dois me borner à signaler en ces termes généraux l’état de la question.
« L’homme n’est point une énigme, comme vous vous le figurez pour avoir le plaisir de la deviner Il n’y a pas plus de contradiction apparente dans l’homme que dans le reste de la nature… Quel est l’homme sage qui sera plein de désespoir parce qu’il ne connaît que quelques attributs de la matière ? […] Quelque désordre de composition que l’on aperçoive dans son livre, et quelque bizarrerie dans cette variété de lois qui en fait la matière, nous n’avons qu’à rapporter la variété de ces lois au « bien de la société » pour en voir les raisons apparaître, et en même temps son livre s’éclairer d’une lumière nouvelle. […] 2º Les Origines du drame bourgeois. — Le premier succès de La Chaussée : La Fausse Antipathie, 1733 ; — et que son idée n’a pas tant consisté à « mélanger » les genres, — qui l’étaient déjà dans la comédie de Marivaux, — qu’à prendre au sérieux, — et à tourner au tragique bourgeois ; — les mêmes événements de la vie commune dont Dancourt, Destouches et Marivaux avaient déjà fait la matière de leur théâtre. — Comment cette idée se précise dans Le Préjugé à la mode, 1735 ; — dans L’École des amis, 1737 ; — et dans Mélanide, 1741. — Il s’agit de procurer le même genre d’émotion que la tragédie : — sans décor historique ; — sans personnes princières ; — et sans passions trop violentes. — Que cette conception ramène la comédie au roman ; — et qu’en effet les comédies de La Chaussée ne sont que des romans ; — en attendant le drame de Diderot et celui de Beaumarchais. — De l’idée singulière que La Chaussée a eue de tenter en vers ce genre de drame ; — et quand on considère les sujets qu’il a traités [Cf. […] En ce qu’elle a de philosophique, d’abord, — elle substitue dans le jugement des hommes et des choses l’autorité d’un critérium abstrait au sentiment de la diversité des époques ; — elle ramène donc toutes les histoires sur le même plan ; — et par conséquent elle les déforme ou elle les fausse. — Elle ne les fausse pas moins en tant que littéraire ; — si l’importance des événements historiques n’a rien de commun avec l’agrément de la forme dont on peut les revêtir ; — si cette importance, en tout cas, n’a pas pour mesure leur intérêt actuel ; — et si rien d’autre part n’est plus propre à brouiller la signification des temps que le souci de les représenter d’une manière qui plaise à nos contemporains. — Elle a enfin des inconvénients en tant que narrative ; — si le choix des faits à mettre en lumière ne saurait dépendre du caprice de l’historien ; — s’il y a des « matières qui demandent de l’attention » et qu’on ne « puisse pas faire que l’attention ne soit une chose pénible » ; — et s’il n’y a pas enfin en histoire de faits inutiles ou encombrants, — mais seulement des faits dont on n’a pas aperçu la signification. […] VI et VII]. — Il domine maintenant de plus haut sa matière. — Les vues nouvelles abondent dans son œuvre. — Il écrit les Époques de la nature ; — et à mesure qu’il est plus convaincu de la petitesse de l’homme dans la nature ; — de l’humilité de notre condition ; — et de la généralité des lois qui nous gouvernent, — on dirait qu’il sent davantage le prix de la société ; — ce qui le remet d’accord avec les idées générales de ses contemporains ; — et avec cette religion de l’humanité dont ils sont maintenant tous imbus.
Oui, comme cet art nous paraît suranné alors que les plus jeunes hommes tendent à se passionner pour des Édens charnels, quand la matière divinisée semble reconquérir des croyants et à l’aube, semble-t-il, d’une renaissance païenne. […] La Métamorphose de la Vie en Rêve, de la Matière en Esprit, la lente métempsycose des Images en Idées et des Hommes en Anges ! […] De tous ceux-là, Verhaeren possède, à la fois, la véhémence dans l’expression, l’intelligence des objets domestiques et aussi une extrême dévotion pour la matière qu’il divinise, pour la fruste réalité dont les formes et les aspects le hantent, tour à tour. […] La Nature lui apparut comme l’image éternellement changeante des Idées et des Formes primordiales ; la matière, l’emblème sacré du Mystère, et les hommes comme des représentations symboliques, et actives, de forces fatales, aveugles et inconscientes.
Et il travaillait un temps pour le prince, ornant alors ses travaux de bois, de belles et riches matières, et en faisant de somptueux objets d’art que collectionnait le prince, et dont il faisait cadeau aux daïmio, ses amis. […] Vendredi 3 juillet En littérature, je crois qu’il est possible à un homme, non doué littérairement, d’acquérir un certain tact de la matière. […] Une pièce où l’hortensia, sans doute un souvenir pieux de la famille pour la reine Hortense, l’hortensia est représenté en toutes les matières, et sous tous les modes de la peinture et du dessin, et au milieu de ce cabinet de toilette, une petite vitrine en glace, laissant apercevoir les nuances tendres d’une centaine de cravates, au-dessous d’une photographie de Larochefoucauld, le gymnaste du cirque Mollier, représenté sous un maillot, faisant valoir ses élégantes formes éphébiques. […] Et, en ces matières impérissables du basalte, du granit, semble revivre autour de moi toute l’Égypte pharaonique, tout le monde des fonctionnaires et des courtisans des 26 dynasties, dans l’emphase lapidaire de leurs titres et de leurs charges.
En effet, considérant la nature de la matière fécondante des animaux à respiration aérienne et celle du milieu où ils vivent, ces croisements ne peuvent s’opérer que par la coopération volontaire de deux individus ; car il n’existe aucun moyen, analogue à l’action des insectes et du vent à l’égard des plantes, qui puisse leur être applicable. […] Le professeur Huxley, dont l’autorité est d’un si grand poids en pareille matière, est arrivé sur ce point aux mêmes résultats que moi. […] J’ai à peine besoin de dire ici que la science, dans son état actuel, n’admet pas en général que des êtres vivants s’élaborent encore de nos jours au sein de la matière inorganique75. […] On conçoit combien souvent, du reste, en pareille matière, ce terme peut rendre une idée fausse, ainsi une espèce peut paraître indigène dans sa patrie natale par suite de sa rapide extension en d’autres contrées ; par contre, une espèce peut paraître aborigène en une contrée, par suite seulement de son extinction ou de son existence inconnue dans sa vraie patrie d’origine.
Un grand génie, Descartes, est venu proclamer hardiment qu’il y avait des matières où l’érudition n’était qu’un embarras, et que l’esprit humain, pour procéder avec sûreté, n’avait qu’à s’armer de méthodes propres à lui, exactes et nouvelles.
Et s’y l’on m’y force, je suis contraint, assez ineptement, d’en tirer quelque matière de propos universels, sur quoy j’examine son jugement naturel : leçon qui leur est autant incognue, comme à moi la leur. » Il a bien soin pourtant de montrer qu’il s’y entend aussi bien qu’un autre, et de relever les traits d’érudition qui peuvent faire honneur à son savoir ; pourvu qu’il soit bien entendu qu’il n’en fait aucun cas, et qu’il est au-dessus de ces pédanteries.
Les suivans, matière du procès, sembloient ne pouvoir être sortis que de la même main.
Lorsque l’on considère notre société sans cet esprit de pessimisme qui est aussi dangereux que l’esprit contraire, on remarque qu’entre les deux termes extrêmes du matérialisme brutal et de l’orthodoxie dogmatique il y a un nombre considérable et de plus en plus grand d’esprits qui d’une part répugnent à un dogme précis, et qui de l’autre répugnent à l’abaissement de l’esprit devant la matière.
Une psychologie des peuples, est-il besoin de le faire remarquer, exigerait, outre la connaissance des événements artistiques, matière de l’esthopsychologie, celle des événements économiques, juridiques (moraux, religieux) et intellectuels (développement des sciences, etc.).
Si ceux qui vont le suivre ne contiennent pas plus de matière historique, — et pourquoi en contiendraient-ils davantage ?
. — L’homme est un clavecin, doué de sensibilité et de mémoire… Que ce clavecin animé et sensible soit doué aussi de la faculté de se nourrir et de se reproduire, et il produira de petits clavecins. » Il disait : « Même substance, différemment organisée, la serinette est de bois, l’homme de chair. » Et encore : « Nos organes ne sont que des animaux distincts que la loi de continuité tient dans une identité générale », et il concluait comme s’il l’avait vu : « Quand on a vu la matière inerte passer à l’état sensible, rien ne doit plus étonner !
Les histoires d’Abelly et de Collet étaient matières de clerc à clerc plus qu’œuvres vraiment historiques et littéraires.
C’est un livre très hardi, très calme et très net, trois singularités ajoutées à la première (celle du sujet même), dans un temps où, en matière d’idées, la lâcheté du scepticisme donne la main à la quiétude des positions faites pour ne pas troubler la paix de l’erreur.
Or le Cri, c’est tout ce qu’il y a de plus intime, de plus saignant du coup et de plus jaillissant des sources de l’âme, et, malgré cela, de plus immatériel en poésie, comme en nature humaine, la Poésie et la Nature humaine étant les deux Captives de la Matière, et ne pouvant passer, comme tous les prisonniers, hélas !
En un mot, indépendamment de leur matière, il y a lieu de classer les formes des sociétés, de déterminer les relations qu’elles peuvent soutenir avec les différents ordres de phénomènes historiques, de fixer ainsi les faits qui les précèdent ou ceux qui les suivent régulièrement : c’est-à-dire qu’il, y a place, à côté des différentes sciences sociales, pour une science de ce qui est spécialement social, la sociologie proprement dite.
Nous menons par la bride les grandes forces de la nature ; nous combinons, nous transformons la matière. […] « Il employait à ses fourberies une masse de matière subtile à laquelle il donnait les formes les plus étranges. […] Mais cela c’était la matière, avec ses mains on pouvait en prendre un fragment à un endroit et le transporter à un autre ; mais ces opérations n’ont pu s’appliquer à l’esprit. […] L’opinion vulgaire, qui décide si volontiers d’après des cas isolés, se taira avec indifférence sur le réaliste, parce que les actes isolés de sa vie offrent trop peu matière à l’éloge ou au blâme. […] Je comprends les gros livres sur cette matière.
On n’y trouve pas de matière perdue. […] Kipling tire parti de cette intense matière humaine. […] Il prend sa matière autour de lui. […] Il trouva en eux riche matière à exercer sa double verve. […] Rien n’empêchera cette muette fatalité de la matière.
Il était important de signaler cette illusion, pour montrer que très rarement la libre rêverie fournit au poète ou à l’artiste une matière artistique tout élaborée. […] Où pouvons-nous trouver une plus riche matière à représentations que dans l’être qui a lui-même la vie psychique la plus intense, la plus riche, la plus harmonieuse et la plus belle ? […] Tout peut être matière à poésie, et par excellence le spectacle de la vie humaine. […] La matière première qu’elle met en œuvre, le simple son musical est déjà quelque chose d’esthétique ; chacune des notes dont se compose une mélodie est en elle-même un pur accord ; dans son émission même il y a de l’art. […] Que le poète soit en même temps un penseur, rien de mieux : nous ne tenons nullement, en matière d’art, à la division du travail et à la séparation des genres.
Mais c’est le cœur en lui qui est le vrai poëte ; chez lui tout sort de là ; les circonstances n’ont fait que lui fournir sa matière ; il les a transformées plus qu’il n’a été transformé par elles, et il a moins reçu que donné. […] Ample et flottante matière, où les grands artistes du siècle, Arioste, le Tasse, Cervantes, Rabelais, viennent tailler leurs poëmes. […] Est-ce assez de la chevalerie pour lui fournir sa matière ? […] Une étonnante irruption de faits, l’Amérique découverte, l’antiquité ranimée, la philologie restaurée, les arts inventés, les industries développées, la curiosité humaine promenée sur tout le passé et sur tout le globe, sont venus fournir la matière, et la prose a commencé. […] Le sentiment de la puissance et de la prospérité humaine a fourni à la Renaissance son premier ressort, son modèle idéal, sa matière poétique, son caractère propre, et maintenant il lui fournit son expression définitive, sa doctrine scientifique et son objet final.
J’ai rappelé, à propos des mimïambes d’Hérondas, les dialogues de la Vie parisienne et de nos journaux « littéraires. » Il va sans dire que, si le genre est le même, la matière et aussi l’art qui la façonne diffèrent étrangement. […] Décidément Molière est admirable en ceci, que la matière qu’il offre à ses interprètes est éminemment « plastique », je veux dire périssable, et qu’on en fait à peu près tout ce qu’on veut. […] Il y a dans cette fin de Bérénice comme un grand mouvement ascensionnel, une contagion montante d’héroïsme qui rappelle, malgré la différence de la matière, le dernier acte de Polyeucte, et qui est d’une suprême beauté, — et si triste ! […] Tout cela est bête et massif au possible, mais respectable par la matière et par l’idée. […] Bref, la matière est toute prête pour une comédie de la noblesse jacobine et régicide… J’exagère ?
Cet obstacle c’est l’habitude, qui, en ces matières, s’appelle la tradition. […] Seulement rien n’indique qu’ils en soient très fiers et qu’ils en fassent la matière de discours publics. […] La matière est d’exploitation facile, parce que, certainement, les passions, comme tout ce qui est beau, sont toutes pleines et toutes grosses de dangers. […] Il me semble qu’on a toujours parlé avec exagération de la douleur et du malheur comme s’il était de bon ton d’exagérer en cette matière. […] Il n’y a pas là matière à amendement.
Une statue polychrome, ainsi, ressemble trop par sa matière aux modèles qu’elle a reproduits. […] Il avait appelé la matière par son vrai nom : le Néant. […] Renan, deviendra maître de la matière. […] Voici cette vraie science : il y a trois substances, la matière, l’âme et l’esprit. L’esprit peut vivre isolé de la matière, qu’il domine.
Bremond … ceci est une concession aimable et en quelque sorte, patriotique, aux susceptibilités américaines en matière religieuse. […] — de signifier ; mais j’affirme, et sans de gros efforts de subtilité, que, banal ou splendide, peu importe, pris en soi, à l’état de sens, de matière intelligible, il ne présente absolument rien de poétique, puisqu’enfin ce caractère d’intelligibilité qui fait tout son être, il le conserve également, et, qui plus est, à l’état presque pur, dans la plus prosaïque des proses. […] C’est bien, sans doute, à quelques lueurs sur ce phénomène que nous voudrions parvenir, mais, présentement, nous ne soumettons pas à notre analyse une matière aussi difficilement saisissable. […] « on ne peut trouver de poésie nulle part quand on n’en porte pas en soi. » la poésie construit avec peu de matière, avec des feuilles, avec des grains de sable, avec de l’air, avec des riens. les mots des poètes conservent du sens, même lorsqu’ils sont détachés des autres, et plaisent isolés comme de beaux sons. […] Mais la théorie fondamentale que je viens très sommairement de résumer suffit à faire entrevoir la vraisemblance de l’ impulsion rectiligne donnée au dynamisme de la logique, d’une toute autre nature que l’ expansion rayonnante, irradiante du dynamisme poétique, — l’éther jouant pour l’auteur le rôle de mon « fluide mystérieux », qui, (dans une analogie d’ailleurs trompeuse) s’apparenterait ainsi à la « matière subtile » de Descartes.
Ils ont saisi ces vérités universelles et limitées qui, étant situées entre les hautes abstractions philosophiques et les petits détails sensibles, sont la matière de l’éloquence et de la rhétorique, et forment ce que nous appelons aujourd’hui les lieux communs. […] Cette pauvre conception est d’autant plus pauvre chez Pope qu’elle ne lui appartient pas ; car il n’est philosophe que par rencontre et pour trouver des matières de poëme. […] J’ajouterais bien, en manière d’excuse, qu’il y a un genre où il réussit, que son talent descriptif et son talent oratoire rencontrent dans les portraits la matière qui leur convient, qu’en cela il approche souvent de La Bruyère ; que plusieurs de ses portraits, ceux d’Addison, de Sporus, de lord Wharton, de la duchesse de Marlborough, sont des médailles dignes d’entrer dans le cabinet de tous les curieux et de rester dans les archives du genre humain ; que, lorsqu’il sculpte une de ces figures, les images abréviatives, les alliances de mots inattendues, les contrastes soutenus, multipliés, la concision perpétuelle et extraordinaire, le choc incessant et croissant de tous les coups d’éloquence assénés au même endroit, enfoncent dans la mémoire une empreinte qu’on n’oublie plus.
Au loin, plane le cantique intercédant, le cantique augural et fidèle des pèlerins, détergeant les dernières plaies de l’âme épuisée par la diabolique lutte ; — et, dans une apothéose de clarté, dans une gloire de Rédemption, la Matière et l’Esprit s’enlacent, le Mal et le Bien se lient, la Luxure et la Pureté se nouent avec les deux motifs qui serpentent, mêlant les baisers épuisants et rapides des violons, les éblouissantes et douloureuses caresses des cordes énervées et tendues, au chœur auguste et calme qui s’épand, à la mélodie médiatrice, au cantique de l’âme maintenant agenouillée, célébrant la définitive submersion, l’inébranlable stabilité dans le sein d’un Dieu. […] Dans l’étude sur les poemes symphonîques de Franz Liszt, (Leipzig, 1857), nous le voyons également occupé aux questions techniques : il a achevé l’étude de la matière artistique : c’est maintenant l’étude de la forme. […] Elle ne doit pas reproduire les bruits naturels, ni les phénomènes de la matière, ni les actions, ce triple objet de la musique descriptive, parce que la machinerie théâtrale, et la peinture, et la littérature y peuvent parvenir aussi bien, et mieux qu’elle.
Mais non, il en tirait des drames mouvementés, rapides, heurtés ; ce qui est matière à drame, n’est point matière à opéra. […] C’est le cours forcé en matière d’art.
« Tel est le cas du minéralogiste qui, pour reconnaître si une masse de matière peut être appropriée à un certain usage, en examine le mode de cristallisation, la couleur, la texture, la dureté, le clivage, la fracture, le degré de transparence, l’éclat, le poids spécifique, le goût, l’odeur, la fusibilité, les propriétés électriques et magnétiques, et dirige sa conduite d’après toutes ces choses prises ensemble. » La correspondance entre l’être et son milieu s’est donc constituée pleinement par des conquêtes successives ; il ne reste plus qu’à coordonner ces divers éléments. […] Les changements ne forment que la matière brute de la conscience ; il faut de plus qu’ils soient organisés, c’est-à-dire classés suivant des ressemblances et des différences. […] Nous ne dirons rien non plus de la partie intitulée Synthèse physique, où l’auteur a essayé d’expliquer la genèse du système nerveux et « de traduire les phénomènes nerveux (et par suite les phénomènes mentaux), en fonction de la redistribution de la matière et du mouvement », c’est-à-dire de les ramener au principe fondamental de la persistance de la force.
Collombet, le sérieux traducteur de Salvien et de saint Jérôme, a fait preuve de patriotisme et de bon esprit ; il n’a pas eu plus de faux scrupule que n’en eurent en de telles matières ces érudits du bon temps, l’abbé Goujet, Niceron et autres ; les vrais catholiques, à bien des égards, sont les plus tolérants. […] J’en conclurais plutôt (s’il fallait conclure en telle matière) que Louise Labé, en mettant les choses au plus grave, dut être pendant des années aussi uniquement occupée qu’Héloïse.
On a, depuis, brodé sur cette époque de la jeunesse de Désaugiers, car il a eu et il a sa légende, comme il convient à un type jovial et populaire ; on a inventé mainte anecdote sur lui non moins que sur Rabelais, non moins que sur La Fontaine, et il est devenu matière à vaudevilles à son tour. […] mot sobre et profane, mot académique dont je ne saurais assez demander pardon en telle matière !)
Les petits dossiers restants, qui comprennent des plans et des esquisses d’idylles ou d’élégies, pourraient fournir matière à un triage complet ; j’y ai glané rapidement, mais non sans fruit. […] A son brusque début, on l’a pu prendre pour un fragment, et c’est ce qui l’aura fait négliger ; mais André aime ces entrées en matière imprévues, dramatiques ; c’est la jeune Locrienne qui achève de chanter : « Fuis, ne me livre point.
Et puis nous avons depuis Rousseau et Chateaubriand des besoins d’imagination et de sensibilité que nos pères ignoraient : moins suspendus que nous aux formes fugitives de l’être, moins frémissants de sympathie avec la vie universelle, méprisant dans la nature la matière, et ne faisant des sens que les instruments de l’utilité pratique et des plaisirs inférieurs, ils ne sentaient pas comme nous la sécheresse des pures conceptions intellectuelles : ils se satisfaisaient de posséder la vérité abstraite sans aspirer à toucher la réalité concrète. […] C’était après une vive discussion sur le poème épique, et pour montrer que ce genre ne doit pas être chargé de matière, que Despréaux, mis au défi, entreprenait de chanter la querelle des chantres et des chanoines de la Sainte-Chapelle.