Mais qu’il ait desséché sa veine poétique (ce que nous ne pensons pas) parce qu’il a exprimé et tordu le cœur de l’homme lorsqu’il n’est plus qu’une épongé pourrie, ou qu’il l’ait, au contraire, survidée d’une première écume, il est tenu de se taire maintenant, — car il a des mots suprêmes sur le mal de la vie, — ou de parler un autre langage.
L’auteur du Tigrane a dû vivre parmi les prêtres à quelque époque que ce soit de sa vie, car il en parle tous les langages comme s’il les avait appris, et il en exprime les faiblesses — plus ou moins honteuses — comme s’il les avait vues de ses propres yeux… Assurément, il a le mépris intelligent du clergé français assez médiocre dans sa masse flottante, ne croyant, là comme ailleurs, qu’à l’individualité et qu’à l’exception ; mais pourtant il ne hait point le prêtre comme un autre observateur et un autre artiste, Stendhal, qui fut aussi toute sa vie magnétisé par le sublime type du prêtre, la seule grande poésie, avec le soldat, qui soit restée à notre misérable temps.
Théophile Gautier a imités dans ce roman sans vie et sans passion réelle, — monument d’archaïsme, dont l’idée ne pouvait venir qu’à un littérateur de décadence, très-habile, si l’on veut, et très-rompu aux choses du langage, mais dépourvu entièrement d’invention puissante et de toute originalité !
Le sentiment, quand il est vif, commande à l’expression, et lui communique sa chaleur et sa force ; mais l’âme de La Rue n’est point en général assez passionnée pour soutenir toujours et colorer son langage.
Les grammairiens du xviiie siècle, préoccupés avant tout des besoins de la propagande philosophique, avaient non seulement appauvri le vocabulaire, mais encore énervé la syntaxe, et réduit le langage à n’être plus que l’équation de la pensée pure. […] Duval eût démêlé plus clairement, d’abord, ce qu’il y a dans Hugo de plus caractéristique ; et qu’il se fût rendu compte, ensuite, qu’en faisant un Dictionnaire des métaphores, il touchait à l’une des plus difficiles questions de l’histoire naturelle et de la métaphysique du langage. […] Parce qu’il fut un grand artiste de mots, quelques-uns des rapports les plus cachés du langage et de la pensée se sont quelquefois révélés à Hugo. […] Pour la crudité du langage, pour la bassesse des mœurs, pour le cynisme des actes — et si du moins, comme je le crois, les Mémoires de Casanova ne sont pas de la littérature, — on sait sans doute qu’il n’y a rien au-dessous. […] Cela déjà ne perçait-il point dans ces vastes symphonies auxquelles certains naturalistes aimaient à comparer leurs romans, comme aussi dans le langage dont se servaient quelques parnassiens pour indiquer leurs intentions ?
Et qui ne sent que ce langage est celui d’un disciple de Raymond Lulle transporté parmi les disciples de Lavoisier ? […] L’éloquence du langage languit toujours auprès de l’éloquence des faits. […] Il imite le style de Montaigne, et surprend l’attention par le contraste du langage suranné et du langage moderne. […] À travers tous les respects de son langage, Mithridate sent cette résistance cachée, et s’en irrite. […] Sa grande inquiétude est de désapprendre le beau langage.
L’épigramme, la satire, la médisance, la calomnie, la passion même y parlent chacune son langage. […] Savez-vous que l’éloquence n’a jamais parlé un plus fier langage, que la morale n’a jamais flétri le vice avec plus d’indignation ! […] Comme il était un maître en fait de style, c’est-à-dire comme il avait trouvé un style à lui, vif, ingénieux, subtil, un langage qui n’était imité de personne, naturellement il avait contre lui les prétendants aux rares honneurs d’un style original. […] Même, il faut dire qu’à l’Étranger, où la langue écrite est en plus grand honneur que la langue parlée, on a conservé — c’est vrai — mieux que chez nous le ton, l’accent, l’ornement, la richesse, l’élégance et la politesse du beau langage d’autrefois. […] Donc aimez-la, pour ses beaux jours remplis de bienveillance et de sourires ; aimez-la pour sa vieillesse élégante et sage, pour son parler, pour son esprit, pour son langage ; aimez-la, parce qu’elle a beaucoup aimé !
Cette séance si mémorable, pendant laquelle on a dit quelque chose d’intéressant, allait se terminer, lorsqu’un des quarante se lève et dit : « Toute l’absurdité des pygmées littéraires, barbares fauteurs du sauvage Shakspeare, poète ridicule dont la muse vagabonde transporte dans tous les temps et dans tous les lieux les idées, les mœurs1 et le langage des bourgeois de Londres, vient, messieurs, d’être exposée avec une éloquence égale au moins à votre impartialité. […] Si les divers incidents de cette tragédie ressemblent à ceux que l’histoire nous dévoile, si le langage, au lieu d’être épique et officiel, est simple, vif, brillant de naturel, sans tirades ; ce n’est pas le cas, assurément fort rare, qui aura placé les événements de cette tragédie dans un palais, et dans l’espace de temps indiqué par l’abbé d’Aubignac, qui l’empêchera d’être romantique, c’est-à-dire d’offrir au public les impressions dont il a besoin, et par conséquent d’enlever les suffrages des gens qui pensent par eux-mêmes. […] Les gens sages se disaient : Pourquoi venir à un théâtre dont l’on ne sait pas le langage ? […] Il sait encore mieux (car dans une monarchie on met à cela toute sa vanité) quel mot est du langage noble, et quel n’en est pas.
Moralement on est tenté de dire de soi et de son temps bien du mal, mais pour l’esprit on ne prétend pas céder, et on a toutes sortes de bonnes raisons pour se prouver à soi-même qu’on en a un peu plus que ses devanciers. « Je suis fier pour mon temps, je suis fier pour mon siècle, mon pays… » Combien de fois n’avons-nous pas entendu ce langage, essentiellement moderne, dans la bouche de ceux même qui savaient et prisaient le mieux l’Antiquité !
Bossuet et Fénelon doivent sans doute être cités comme les premiers qui aient donné l’exemple de réunir dans un même langage tout ce que la prose a de justesse, et la poésie d’imagination.
Il faut dans la comédie que celui qui se joue lui-même paraisse manquer de jugement… le poète doit exprimer son idéal en l’alliant à des grimaces de singe et à un langage de perroquet… Il doit savoir écrire sa propre écriture à rebours.
Il est bien au-dessous de lui-même, lorsqu’il veut parler un langage tendre, affectueux.
Ce langage ne convient qu’aux mauvais versificateurs & à ceux qui n’ont pas assez d’enthousiasme, & peut-être de goût, pour sentir les charmes de la belle poësie.
La religion est un fait humain, un acte primitif de la raison et du cœur, qui naît spontanément et qui s’organise spontanément, tout comme la société, la famille, l’art, le langage.
Faguet plus qu’il n’a dit ; il prétend que rien dans le langage de M.
Cette pièce avait pour titre, De l’Éducation d’un prince 1 : tout m’a charmé dans cet ouvrage ; pensées, sentiments, images, harmonie, facilité, noblesse, mais surtout de grandes leçons, et des vérités utiles, qui n’en ont que plus de mérite pour être mises en beaux vers, parce qu’à leur mérite propre elles en joignent deux autres, celui de la difficulté vaincue sans que l’empreinte du travail y reste, et celui d’être exprimées dans un langage sonore qui les rend plus faciles à retenir.
Elle sent certainement plus haut que tout le monde et cela lui constitue un langage qui vaut mieux que : Le petit chat est mort, ou La campagne à présent n’est pas beaucoup fleurie de la foule imbécile et vulgaire, cette charmante humanité !
» Et encore ailleurs, et toujours avec la même beauté de langage : « Louis XVI était fort adonné à la chasse.
Prétention et abus de langage !
c’est précisément le petit qu’on aime en ce pays, capable pourtant de grandes choses, et où les femmes disent gentil pour petit, dans leur langage, comme les Russes disent rouge pour beau.
Il a étudié les conciles du temps et il a traduit çà et là, avec beaucoup de bonheur, les magnifiques langages qu’on y parlait.
Ces oublis de son unité, ces inconséquences de langage avec le fond de sa pensée et de sa philosophie, sont les protestations du tempérament, toujours plus fort que les partis pris ou que les partis qui vous prennent.
L’histoire de la Femme au xviiie siècle, qui est très complexe, — qui, socialement, n’est pas la femme égalitaire simplifiée du xixe , mais qui se scindait en plusieurs classes, qui était timbrée de plusieurs estampilles : titrée et à la cour, bourgeoise et à Paris, — cette femme différait de société, de salon, de langage, de mœurs et de ton.
condamna pendant quelque temps au bonnet rouge, à la carmagnole et aux pataquès, cette société toute de soie et de beau langage, mais où l’homme manquait par-dessous !
« Elle finit — dit-il, dans son langage explosif — quand les dompteurs du sans-culottisme furent eux-mêmes domptés et que le droit sacré d’insurrection fut emporté par la poudre. » En cette période, il y a les massacres de Septembre : Septembre à Paris et Septembre dans l’Argonne.
Il n’y a point de murmure au fond de mon cœur, et si j’avais un moyen de vous causer un instant de plaisir, je serais consolé de toutes mes peines. » Voilà le langage et l’accent de ces lettres… J’en pourrais citer de plus enflammées, je me bornerai à celle-là, qui nous donne un Benjamin Constant humble à force d’amour, et qui fait précisément de sa nature une autre nature, qui est l’envers même de la sienne.
La fameuse Correspondance entre le baron Walborn et le maître de chapelle Kreisteren en est un exemple frappant… On peut rendre le squelette d’un roman, d’un tableau ; il est impossible de rendre le squelette d’une symphonie… » — « Je ne conseillerais à personne — ajoute un peu plus bas Champfleury — de renouveler ces tentatives, qui ne peuvent être comprises que par une vingtaine de personnes dévouées, intelligentes, s’attachant à tout ce qui sort de la plume d’un auteur et prenant la peine de l’étudier pendant des années entières. » Éloge, en langage négligé, plus singulier encore que les singularités d’Hoffmann lui-même !
Il fallait prouver que la plus haute source de mémoire, d’intelligence, de bonne volonté, d’acquisition, c’est la famille, l’éducation et le langage.
Il dit dans son cœur à l’époque actuelle : « Je te parlerai ton langage, mais pour t’apprendre à respecter ce que tu dédaignerais de connaître si je te parlais seulement le mien. » Et, en effet, le monde, auquel on est obligé de s’adresser quand on est écrivain, aurait laissé dans l’ombre une œuvre qui n’eût été qu’hagiographique sur Vincent de Paul.
Il dit dans un autre langage ce que j’ai déjà dit.
Après de tels langages, voilà Rousselot tenu, impérieusement tenu d’avoir du génie.
Le livre, sur le titre seul, était levé, comme ils disent galamment, les éditeurs, dans leur langage si drôlement aérien, et comme s’ils parlaient, ma foi !
Ici, je reviens à Mme Desbordes-Valmore, et je me demande si cette femme, d’une passion si grande et si naturelle, a réellement assez de langage pour faire fond de poète aux sublimités de l’émotion, et pour que sur l’art de son solfège brille mieux la poignante beauté de ses cris ?
Alors même qu’elle ne penserait pas que la poésie est la plus belle et la plus difficile des choses littéraires, alors qu’elle partagerait pour ce langage des dieux, méprisé des goujats, l’indifférence dédaigneuse des fortes têtes de son siècle, la Critique ne peut pas plus laisser inaperçu un livre de vers signé Auguste Barbier, qu’un poème de Lamartine et des recueils de poésies de Victor Hugo et d’Alfred de Musset.
Absolument comme mademoiselle Mars, ce timbre de cristal dans du velours, qui aurait fait, si elle les avait prononcés, des jurons d’un cocher de fiacre une céleste musique, Alfred de Vigny relevait par le langage les choses les plus vulgaires.
Tout dans son œuvre, situations, caractères, langage, pourra être de pure poésie. […] Ses larmes, ses cris, son langage, ses gestes, doivent sembler demi-feints et demi-vrais. […] Nous n’avons que faire du langage pour nous les représenter. […] Le langage courant est plein de métaphores dégradées, atténuées, dernier résidu de ces images dont on s’était servi comme de symbole, dans la transition du concret à l’abstrait. […] Les poètes-stylistes ont été les plus ingénieux inventeurs de langage.
Ce prétendu langage des dieux qu’on est accoutumé de respecter, leur éleve l’imagination ; et réduits au langage ordinaire, ils ne se paroîtroient plus à eux-mêmes si importans, illusion qui leur est nécessaire, pour en imposer mieux aux autres. […] Par le langage ordinaire, les personnages et les sentimens n’en paroîtroient-ils pas plus réels ; et par cela même, l’action n’en deviendroit-elle pas plus vraye ? […] Autrement ce seroit jetter le langage dans une étrange confusion ; et dès qu’il y a des idées distinctes et constantes attachées aux termes, disputer des termes, c’est disputer des idées mêmes. […] Le novateur convenoit modestement qu’il y auroit de la perte du côté de l’oreille ; mais peut-être, représentoit-il, y regagneroit-on du côté de l’imitation ; et puisque les hommes ne parlent point en musique, les actions et les sentimens n’en paroîtroient que plus vrais par les seules inflexions du langage ordinaire. […] Voici ses paroles. " ce n’étoit peut-être que dans le langage extrêmement figuré que consistoit la poësie hébraïque, … etc.